MONTRÉAL VO3 #O1 | JANVIER 2O18 DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON CAP SUR L’ALLEMAGNE QUÉBÉCOISE CHRISTINE BEAULIEU TRAME SONORE DE 2O18 ARTHUR H JFK, L’OPÉRA SAT FEST LABRECQUE, UNE CAMÉRA POUR LA MÉMOIRE LES QUÉBÉCOIS DU VIN FRANÇAIS LA NON-PARENTALITÉ
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MONTRÉAL | JANVIER 2018
RÉDACTION
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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse
Vice-présidente - Ventes: Valérie Brasseur Stratège média: Geneviève Fabio Directeur, solutions médias - Ventes régionales: Jean Paquette Adjointe aux ventes: Karyne Dutremble Conseillers aux solutions médias: Stéphane Baillargeon, Miriam Bérubé, Aimé Bertrand, Mizia Émond-Lavoie (comptes majeurs), Céline Lebrun (comptes culturels).
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Alessandra Rigano, Christine Fortier, Ralph Boncy, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Philippe Couture, Réjean Beaucage, Franco Nuovo, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Nicolas Gendron, Alexandre Taillefer, Eric Godin
OPÉRATIONS / PRODUCTION Vice-Président - Production et Technologies: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Contrôleuse: Yen Dang Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Service à la clientèle: Sophie Privé Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Deschambeault Infographie: René Despars
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Jocelyn Michel | leconsulat.ca
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«JE VOULAIS QUELQUE CHOSE PRÈS DE LA BD – CHARLIE BROWN AVEC UN NUAGE SUR LA TÊTE –, MAIS AVEC DU VRAI MONDE. » Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistants | Julien Grimard, Frédérique Duchesne Stylisme | Amanda Van Der Siebes Maquillage / coiffure | Léonie Lévesque & Josianne Cournoyer Accessoires (nuages) | Taos-Daphné Houasnia Production: Sébastien Boyer (Consulat)
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SCÈNE
Cap sur l’Allemagne québécoise Portrait: Christine Beaulieu Dans la solitude des champs de coton
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MUSIQUE
5 voix de 2018 Arthur H JFK à l’Opéra de Montréal
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CINÉMA
Labrecque, une caméra pour la mémoire
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ART DE VIVRE
Les Québécois du vin français La non-parentalité
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LIVRES
Ma mère avait raison Ma très grande mélancolie arabe Delete
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ARTS VISUELS
SAT Fest
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QUOI FAIRE
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p18) Monique Giroux (p32) Normand Baillargeon (p42) Alexandre Taillefer (p60)
Sarianne Cormier, Mickaël Gouin, Éric Bernier, Guillaume Lambert, Jean-Carl Boucher, Valérie Cadieux et François Perusse
6 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O1
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
LA SAGESSE DE L’ESCARGOT ILLUSTRATION | ERIC GODIN
C’est un bien curieux revers que l’année 2017 allait nous offrir. Elle commençait avec une tragédie, cette fusillade dans une mosquée de Québec. On a compris plus tard que ce drame n’allait pas seulement devenir la nouvelle de l’année, mais aussi celle de la décennie. Selon Influence Communi cation, qui compile depuis 10 ans le poids des dépê ches qui tapissent notre univers médiatique, aucune histoire n’avait provoqué autant de bruit depuis la catastrophe de Lac-Mégantic. Plus une nouvelle est reprise, commentée, diffusée, plus elle a du poids. On parle ainsi de «poids média». Le poids média. Je ne sais si on aurait pu choisir une meilleure expression. Car le poids, comme chacun le sait, c’est une force, une pression qui pousse vers le bas. Plus vous avez du poids, plus vous êtes lourd, plus vous êtes pesant. On n’imagine pas qu’une nouvelle légère puisse avoir du poids. C’est là un grand drame de l’univers médiatique. Pratiquement toutes les nouvelles qui pèsent dans la balance sont lourdes. Mais je m’égare, car je voulais vous parler de ce revers qui s’est joué à la toute fin de l’année. Un autre grand titre allait marquer les esprits. Mi-décembre, TVA mettait la table pour une grande polémique. Vous connaissez l’histoire. C’est à propos d’une mosquée, encore. Des religieux, disait-on, auraient exigé qu’aucune femme ne travaille sur un chantier de construction voisin afin de ne pas déranger les hommes dans leur prière. La journaliste, armée
d’une certitude téméraire, hurlait avoir des preuves écrites noir sur blanc. C’était la totale. Ceux qui ont autorisé la diffusion de ce reportage bidon avaient sans doute oublié que la nouvelle de la décennie dont je vous parlais plus haut pesait une tonne et quart, et c’est avec une légèreté déconcertante qu’ils ont allumé la mèche du bulletin de nouvelles. Du beau travail de saucisse. On a su plus tard que ces preuves n’existaient pas, que toute cette affaire se situait quelque part entre le mensonge et la lubie, mais le mal était fait. Il n’aura fallu que quelques secondes pour que la toile s’enflamme dans un concert d’indignation jalonné de likes et de retweets. En somme, cette nouvelle n’avait aucun poids, mais, une fois lâchée, elle allait atteindre une vélocité dépassant l’entendement. Dans le vide, tous les corps, peu importe leur poids, tombent à la même vitesse. *** Assez paradoxalement, la question de la lenteur n’a jamais été si urgente. Il faudrait rapidement s’y intéresser. Car justement, nous n’habitons pas dans le vide. Plein de facteurs devraient ralentir les objets en chute libre non identifiés qui échouent dans nos demeures. On assiste, depuis quelques années, à une vaste opération de propagande autour de la rapidité qui dissimule son vrai visage, celui de la précipitation.
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CHRONIQUE 7 VOIR MTL
Prenez ces téléphones qu’on nous vend et qui devraient, normalement, nous permettre de con verser entre nous, de prendre du temps pour nous parler. Curieusement, cette fonction essentielle est devenue secondaire et accessoire. Ces outils nous invitent à ne rien manquer, à performer, à faire toujours plus de choses en moins de temps. C’est la dictature de l’instant qui s’installe tranquillement.
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on jette tout et, quelques instants plus tard, ce qui nous semblait si précieux n’a plus aucune valeur. C’est ce que je nous souhaiterais, un peu candidement, pour cette année qui commence. De la lenteur. La lenteur est une vertu avec laquelle il faudra renouer. Appelons cela la sagesse de l’escargot. ***
Suivant ces avancées technologiques, toute la culture de l’information, qui forge en quelque sorte notre compréhension du monde, est entraînée dans cette mouvance. Bien sûr, la notion de scoop n’est pas nouvelle. Les grands titres sont, par définition, corollaires d’un empressement. Ce qui est nouveau, c’est que nous sommes désormais, tout autant que nous sommes, des camelots qu’on invite à crier en chœur pour relayer les découvertes du moment. On nous invite à réagir, à commenter, à cliquer sur un cœur, sur un pouce, à relayer, à partager. Du partage? Vraiment? Dans la notion de partage, on doit donner une part et en garder une autre. Il y a cette idée qu’on devra, pour un temps, mettre quelque chose en commun. Or, dans l’empressement,
Un dernier mot pour vous, lecteurs et lectrices qui, tous les mois, vous procurez ce magazine que nous vous offrons. Il y a justement, dans ce format, de la lenteur. Vous êtes nombreux à nous dire qu’il s’agit pour vous d’un moment de lecture, hors de l’urgence de la dépêche. C’est le plus beau compliment qu’on puisse nous faire. Ce magazine souffle ce mois-ci sa deuxième bougie! Presque un exploit, dont nous sommes très fiers. Sachez que de notre côté, c’est aussi en prenant bien le temps de faire quelque chose de beau que nous le créons pour vous. Au nom de tous mes collègues, je vous souhaite une belle et bonne année 2018. y sjodoin@voir.ca
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(EN-HAUT) FABIEN CLOUTIER ET ROMAN KONIECZNY DANS UNE MISE EN LECTURE DE SCOTSTOWN PAR JENNIFER BISCHOFF. TRADUCTION DE FRANK WEIGAND, AU STAATSTHEATER SAARBRÜCKEN EN NOVEMBRE 2015. PHOTO | IRUNE ORBEA JIMÉNEZ (À GAUCHE) ANNE MÜLLER (GRETA) DANS LA LECTURE RADIOPHONIQUE DE LA PIÈCE LES HAUTS-PARLEURS (SCHWINGUNGEN), DE SÉBASTIEN DAVID. TRADUCTION DE FRANK WEIGAND, PRÉSENTÉE LE 23 NOVEMBRE 2017 À SARREBRUCK AU FESTIVAL PRIMEURS. PHOTO | SR/OLIVER DIETZE
SCÈNE 9 VOIR MTL
VO3 #O1
CAP SUR L’ALLEMAGNE QUÉBÉCOISE SE POURRAIT-IL QUE LA DRAMATURGIE QUÉBÉCOISE SOIT MIEUX COMPRISE ET MIEUX REÇUE EN ALLEMAGNE QUE DANS LA FRANCOPHONIE? DES TRADUCTIONS EN NOMBRE GRANDISSANT ET UN CERTAIN ENTHOUSIASME DES DIFFUSEURS DU MONDE GERMANOPHONE NOUS LE LAISSENT DE PLUS EN PLUS CROIRE. REGARD SUR UN PHÉNOMÈNE. MOTS | PHILIPPE COUTURE
Foire du livre de Francfort, octobre 2017. Les écrivains de langue française sont à l’honneur, dans les marges d’une édition consacrée à la France. Ce soir-là, pendant un atelier de traduction en direct de sa pièce Pour réussir un poulet avec son traducteur Frank Weigand, Fabien Cloutier est frénétique. «Un moment donné, raconte l’auteur dramatique, on a senti la sauce prendre. Les gens s’obstinaient sur une tournure de phrase, et j’ai observé une sorte d’euphorie grimper. Ma langue théâtrale, une langue de la rue que certains pourraient trouver pauvre, semble représenter une certaine richesse dramaturgique pour les Allemands. Un truc que les Français n’arrivent tout simplement pas à voir.» Cloutier entretient depuis plusieurs mois une relation soutenue avec l’Allemagne. Même si aucune de ses pièces n’y a encore fait l’objet d’une véritable production (ce qui ne saurait tarder), ses textes y sont de plus en plus traduits et font l’objet de mises en lecture soignées – avec du budget et devant un vaste public. Ce fut le cas de Scotstown, un texte, semble-t-il, très remarqué là-bas, puis de Billy (Les jours de hurlement). Son traducteur Frank Weigand, un Berlinois amoureux du Québec, que l’on croise souvent à Montréal et qui a aussi traduit Etienne Lepage, Sarah Berthiaume et David Paquet, est branché sur les «jeunes écritures» et s’assure de les faire découvrir d’un bout à l’autre du monde germanophone. Récemment, il a fait paraître dans la revue Scène 20 (une influente publication de l’Institut français d’Allemagne) des extraits de Pour réussir un poulet, mais aussi de Baby-sitter, de Catherine Léger.
Sa traduction de la pièce Les haut-parleurs, de Sébastien David, sous le titre Schwingungen, a récolté les grands honneurs du plus récent festival Primeurs, un événement allemand consacré aux écritures francophones et se déroulant chaque année à Sarrebruck, dans le Land de Sarre. Ces noms s’ajoutent à ceux de Larry Tremblay, Wajdi Mouawad, Carole Fréchette, Daniel Danis et Jennifer Tremblay, tous traduits en Allemagne depuis longtemps, mais de mieux en mieux popularisés dans le monde germanophone. «L’intérêt va en grandissant», nous assure notamment le traducteur Andreas Jandl, aussi un passionné de la Belle Province, diplômé de l’UQAM, qui est le traducteur principal des œuvres de Michel Tremblay. Une recension de la Délégation du Québec à Munich avance un chiffre rondelet: 120 pièces québécoises auraient désormais été traduites en allemand et la majorité d’entre elles l’ont été depuis le début des années 2000, à un rythme constant, «dans une régularité remarquable», comme le souligne Jandl. Des chiffres confirmés par l’Association nationale des éditeurs de livre (ANEL), qui chapeaute le programme international Rendez-vous Québec Édition et qui, après avoir accueilli des éditeurs allemands au Salon du livre de Montréal, s’affaire en ce moment à préparer une grosse offensive québécoise à la Foire du livre de Francfort en 2020, où le Canada sera honoré. En théâtre jeune public, phénomène semblable. La traduction de Noyades, de Jean-François Guilbault et Andréanne Joubert, a récemment fait l’objet
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> d’une grosse production dans un théâtre national à Essen. «Quand j’ai envoyé la vidéo de cette production aux auteurs, raconte Frank Weigand, ils n’en revenaient pas de l’ampleur du spectacle. Au Québec, Noyades connaît un beau succès et gagne des prix, mais le spectacle a été produit par leur propre compagnie, avec des moyens somme toute modestes.» L’intérêt allemand pour leur travail s’ajoute à celui que connaissent depuis longtemps les œuvres jeune public de Suzanne Lebeau, par exemple. Le pouvoir de la narration Notre force? Le sens du récit! Une denrée de plus en plus rare dans une Allemagne théâtrale influente, qui a fait basculer tout l’Occident dans le règne du théâtre formaliste et déconstruit. Avant-gardiste, l’Allemagne a été au cœur de ce qu’on a appelé, d’après les théories de Hans-Thies Lehmann, le théâtre postdramatique. Formes éclatées, théâtre d’images et de paysages, disparition du personnage au profit d’un théâtre de voix anonymes, déconstruction temporelle et rejet de la linéarité forment plus ou moins les principes de ce théâtre apparu au fil des quatre ou cinq dernières décennies et devenu canonique. Un tel théâtre règne sur toute l’Europe, jusqu’à chez nous, où sa prégnance se fait toutefois plus timide.
En généralisant un peu, on conclut souvent que le théâtre québécois demeure un théâtre d’action, qui se fonde sur de bonnes histoires et dans lequel les chemins narratifs traditionnels sont encore favorisés (même exacerbés). C’est peut-être la principale raison pour laquelle nos auteurs trouvent un nouveau nid en Allemagne, là où le postdramatique a régné si fort qu’il commence peutêtre à s’épuiser. «À force d’expérimenter des formes déconstruites, l’Allemagne a perdu son sens de la narration, analyse Frank Weigand. La dramaturgie québécoise a des choses à offrir qu’on ne faisait plus depuis très longtemps en Allemagne. Et le Québec a un avantage sur la France, parce que ses narrations parlent davantage aux sens et font appel à une pluralité d’émotions et de sensations, pendant que les dramaturgies françaises et allemandes se confinent davantage à l’intellect.» Les Allemands connaissent bien le théâtre britannique, des «pièces bien faites» desquelles le théâtre québécois se rapproche parfois. Mais, selon Andreas Jandl, le Québec offre une nouvelle perspective sur ce théâtre narratif bien construit, peut-être quelque chose comme un supplément d’âme. «Des auteurs québécois comme Wajdi Mouawad et Larry Tremblay, ou encore David Paquet et Evelyne de la Chenelière, arrivent à raconter
une histoire ou à monter des romans scéniques en respectant la tradition anglophone tout en y ajoutant quelque chose de plus incarné, parfois des éléments plus glauques ou plus grinçants. Ça plaît particulièrement aux Allemands.» «En tout cas, les acteurs allemands ont l’air d’avoir un fun fou avec nos textes, remarque Fabien Cloutier. Dans la majorité des festivals, on sent qu’on arrive après les auteurs français et belges et que nos textes sont perçus très différemment, qu’ils ne sonnent pas comme la majorité des textes de la francophonie et que ça étonne et excite les Allemands. Les comédiens qui ont lu des extraits de Pour réussir un poulet à Francfort, par exemple, m’ont dit prendre un plaisir immense à jouer cette écriture.» Du québécois à l’allemand, une adaptation fluide Du joual, ça se traduit comment, en allemand? On pourrait avoir la tentation de donner à la langue les colorations d’un dialecte précis, la rapprochant par exemple du bavarois. Mais les traducteurs évitent pour l’instant ce choix, cherchant plutôt une langue vernaculaire universelle, propre à être comprise dans l’ensemble du monde germano phone, tout en conservant un ton familier. «Ce qui marche le mieux, dit Andreas Jandl, est de trouver des manières de faire correspondre le québécois le plus familier à une certaine classe sociale, et de varier les sociolectes en fonction des différents personnages.» Il faut créer un certain «slang», pense Frank Weigand, mais éviter formellement le bavarois, «même si la tentation pourrait être forte, notamment parce que les sacres en bavarois sont aussi issus du catholicisme comme au Québec». C’est aussi le choix qu’ont fait les traducteurs Frank Heibert, qui a entre autres traduit des textes d’Olivier Kemeid et de Michel Marc Bouchard, et Uli Menke, traducteur de la plupart des pièces de Wajdi Mouawad. «Le québécois sonne bien en allemand», conclut Fabien Cloutier. Qu’on se le tienne pour dit. y
HENRIETTE HÖLZEL ET ALEXEY EKIMOV DANS UNTER W@SSER (NOYADES), DE JEAN-FRANÇOIS GUILBAULT ET ANDRÉANNE JOUBERT, TRADUIT PAR FRANK WEIGAND, UNE PRODUCTION DU SCHAUSPIEL ESSEN. PHOTO | MATTHIAS JUNG
12 SCÈNE VOIR MTL
VO3 #O1
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L’EAU QUI DORMAIT C’EST LA COMÉDIENNE DE L’ANNÉE. TOUJOURS EN TOURNÉE POUR J’AIME HYDRO, CHRISTINE BEAULIEU VIENT DE RAFLER LE PRIX MICHEL TREMBLAY POUR SON TEXTE ET SERA CE MOIS-CI AU CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI DANS NYOTAIMORI… MOTS | MARIS PÂRIS
«Ç’a été une grosse année pour moi, ne serait-ce que pour l’accomplissement d’avoir présenté J’aime Hydro sur scène.» En 2016, la première œuvre de Christine Beaulieu en tant que dramaturge est présentée au Festival TransAmériques (FTA) puis est reprise l’année suivante à l’Usine C puis au Festival Juste pour rire. Au moment de notre entrevue, la comédienne présente J’aime Hydro à La Bordée à Québec, à guichets fermés. «On joue partout à guichets fermés. C’est extraordinaire, j’en reviens pas, confie-t-elle. Je n’ai jamais eu un sentiment de valorisation aussi intense. On a vraiment répondu à un besoin!» Un succès retentissant auquel Christine ne s’atten dait pas; c’est que «théâtre-docu de trois heures», c’est pas très accrocheur et ça sonne pas populaire… Et pourtant. Cette semaine-là, elle joue la 50e représentation de sa pièce, qui porte sur la relation entre les Québécois et Hydro-Québec. C’est loin d’être fini puisqu’une nouvelle tournée est prévue pour l’année prochaine. En attendant, la pièce continue d’évoluer. «Il n’y a pas de quatrième mur, j’ai beaucoup d’interactions avec le public. Je réagis par rapport à l’actualité, explique la comédienne. La pièce est de mieux en mieux, on la peaufine à chaque représentation…» «Bénéfices citoyens et plaisirs artistiques» J’aime Hydro a été publiée aux éditions Atelier 10 en octobre dernier et enregistrée en podcast. «Ce show est parti, il roule tout seul, et moi je cours derrière pour le rattraper!», rit Christine. Un projet dans lequel elle s’est vraiment ouverte, et sans personnage derrière qui se cacher: «J’ai été très nerveuse pour cette pièce-là. C’est la première fois que je portais un projet que j’avais écrit, et ça me met dans une situation d’extrême vulnérabilité, de
PHOTO | JULIE ARTACHO
fragilité. Une fois que t’as vu ce show, t’as un peu l’impression de me connaître: je parle de mon père, de mes difficultés amoureuses, de mes réflexions personnelles… Je ne crois pas que je referai ça, car j’ai une pudeur assez importante.» Le geyser de J’aime Hydro ne se tarit pas. Début décembre, Christine recevait le prix Michel Tremblay pour le meilleur texte dramatique créé à la scène – le plus gros prix remis par la Fondation du Centre des auteurs dramatiques –, face à des finalistes de taille (Sébastien David pour Dimanche napalm, Suzanne Lebeau pour Trois petites sœurs, Catherine Léger pour Baby-sitter et David Paquet pour Le brasier). Le commentaire du jury est élogieux: «Non seulement la démarche et le résultat mettent la barre haute en matière de théâtre documentaire au Québec, mais le texte en soi est captivant, instructif et émouvant. […] Cette pièce nous a semblé être une nécessité dans le paysage québécois actuel: tous et toutes devraient la lire ou la voir, pour en tirer autant des bénéfices citoyens que des plaisirs artistiques.» Effet boule de neige Christine Beaulieu, on la connaît depuis 2007 avec la télésérie Virginie et ses petits rôles dans L’auberge du chien noir ou Les invincibles. On l’a vue à la télé (Web thérapie, Délateurs, Ruptures...), au grand écran (Romaine par moins 30, L’instinct de mort, La mise à l’aveugle…) et sur les planches dans plus d’une vingtaine de pièces de théâtre. Enfin, elle a joué Roxane dans Le mirage, le film de Ricardo Trogi et Louis Morissette, qui lui a valu deux nominations: aux Canadian Screen Awards et au 18e Gala du cinéma québécois comme meilleure actrice de soutien. Et puis il y a eu le typhon J’aime Hydro. «Dans ma carrière, c’est finalement un show de théâtre qui aura eu le plus d’impact», ironise la comédienne.
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D E P U I S
Après avoir vu la pièce, Richard Blaimert a beaucoup pensé à Christine en poursuivant l’écriture de sa série Hubert et Fanny; elle y interprétera prochainement un rôle. La scénariste de Lâcher prise est venue voir J’aime Hydro deux fois plutôt qu’une. Après avoir vu le spectacle, Claudia Gavel a quant à elle recommandé Christine à la production de District 31 comme recherchiste. Des projets, la comédienne en a donc à revendre pour cette année. Elle commence bientôt les répétitions de La vie utile de Marie Brassard, présentée dès le mois de mai à l’Espace Go et au FTA. «Marie, c’est mon coup de cœur théâtral. Je capote sur elle!» Les deux femmes avaient déjà travaillé ensemble pour La fureur de ce que je pense, la pièce sur Nelly Arcan, qui sera d’ailleurs reprise en avril prochain à Madrid...
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L’art de plaire
Travail au corps D’ici là, on pourra voir la comédienne aux côtés de Macha Limonchik et Philippe Racine dans Nyotaimori, présentée ce mois-ci au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. «Cette pièce, c’est un regard sur le travail et son impact sur nos corps. À l’ère industrielle, nos corps étaient mis à contribution, mais aujourd’hui, notre travail s’est intellectualisé. On est une nouvelle sorte de travailleurs… Mais le travailleur autonome est-il vraiment libre? se demande Christine. Sarah est une auteure qui m’anime. Le texte est vraiment extraordinaire!» La dramaturge Sarah Berthiaume avait à l’origine écrit Nyotaimori sous forme de courte pièce pour une lecture au Festival Zone Homa. «Une petite fable sur les liens de domination que le système économique nous fait entretenir malgré nous», expliquait l’auteure. Dans son texte, où elle s’interroge sur la société de consommation, les humains deviennent des machines, les femmes des objets. Christine y interprète Maude, une travailleuse autonome heureuse de la liberté que lui autorise son métier. Mais, peinant à séparer sa vie personnelle de sa vie professionnelle, la travailleuse autonome se demande finalement si elle est si libre que ça… Un personnage qui parle beaucoup à la comédienne: «Avec J’aime Hydro, j’ai tout ce qu’il faut en ce moment pour être bien inspirée!» Dans un twist surréaliste typique de l’écriture de Sarah Berthiaume, l’héroïne se retrouve propulsée dans une usine de voitures au Japon et dans un atelier de fabrication de lingerie en Inde. «Je retombe dans un rôle d’interprète avec un personnage, indique Christine. Ça me libère de faire ça, de ne pas avoir à m’occuper de la production, etc., d’avoir juste à apprendre mon texte et à jouer. J’ai beaucoup de respect pour les auteurs; c’est tellement prenant d’écrire un spectacle! Mentalement, tu es très loin d’être libre quand tu écris, ton histoire ne te quitte jamais vraiment…» Après l’avoir révélée, J’aime Hydro n’a pas fini de l’habiter. y
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Nyotaimori Du 16 janvier au 3 février Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
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L’ULTIME CONFRONTATION DEUX HOMMES AU CŒUR DE LA NUIT QUI NE VEULENT «RIEN CÉDER DE SOI». AINSI BRIGITTE HAENTJENS DÉCRIT DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON, L’INFLEXIBLE JOUTE VERBALE DE BERNARD-MARIE KOLTÈS QU’ELLE MET EN SCÈNE AVEC SES VIEUX COMPLICES SÉBASTIEN RICARD ET HUGUES FRENETTE. UN ÉVÉNEMENT. MOTS | PHILIPPE COUTURE
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
SCÈNE 17 VOIR MTL
VO3 #O1
> Brigitte Haentjens n’est pas vraiment une pessimiste. Une artiste inquiète de l’état du monde, certes. Mais une femme rieuse, une bonne vivante, une femme de théâtre qui aime la grande littérature et qui est encore capable de poser sur elle l’œil vif et émerveillé des premières fois. C’est peut-être pour ça qu’elle a mis du temps avant de remarquer le profond désespoir de Koltès, du moins celui qui habite chaque phrase de Dans la solitude des champs de coton. «Je suis parfois lente, rigole-t-elle. Mais, désormais, je ne vois que ça. Ces personnages se confrontent dans un refus violent et catégorique. Et en même temps, chose fascinante, leur refus est mystérieux et sensuel; c’est un refus qui s’incline vers l’autre, qui penche vers l’attachement.»
«C’est incroyable, la musicalité de cette langue-là, s’enthousiasme Sébastien Ricard. C’est très bien écrit, mais quelque chose vient constamment dynamiter l’académisme du français; une force subtile vient contaminer la langue.» «C’est comme si la langue était inoculée par un virus», poursuit Brigitte Haentjens. Pour s’y mesurer, Ricard et Frenette s’attardent beaucoup à la ponctuation. Chaque virgule compte. «On peut rien relâcher, dit-il. Ça demande une vigilance de tous les instants. Une qualité de présence infaillible.» Un combat charnel
Voilà qui dit tout. Violence et désir se toisent sans relâche dans ce face-à-face entre un dealer et un client, réunis dans un lieu sombre pour une transaction qui n’aura jamais vraiment lieu. Sans interruption, ils parleront, en longs et denses monologues. Dans une langue étrange et sublime, aussi sophistiquée que syntaxiquement accidentée, ils épuiseront la parole comme on décharge une arme. Une véritable musique, une langue unique, qui invite à un théâtre verbal de haute voltige. C’est Sébastien Ricard, en compagnie de son vieil ami Hugues Frenette, qui s’y colle. «Pour moi, dit-il, ce texte est comme un refus de continuer dans ce monde tel qu’il est. Il y a une dimension prophétique dans ce texte, qui affirme que ce n’est plus possible, que le deal n’aura pas lieu car le capitalisme a tout épuisé, que le vivre-ensemble n’aura pas lieu parce que la démocratie a échoué, que la baise n’adviendra pas parce que les corps ne savent plus comment faire. À tous les niveaux, c’est un refus qui prend des proportions gigantesques.» Koltès pour dompter la violence du monde C’est la troisième fois que Brigitte Haentjens se mesure à l’écriture vertigineuse de Koltès. Deux fois plutôt qu’une, elle a ausculté la partition musclée de La nuit juste avant les forêts – la première fois avec James Hyndman en 1999, la deuxième en 2010 avec Sébastien Ricard. Le monologue combatif dans lequel Koltès crache une certaine haine de la France, imaginant un personnage d’étranger qui a la rage chevillée au corps, est une épreuve quasi sportive pour l’acteur, une course de mots dont l’intensité ne s’essouffle jamais. Dans la solitude des champs de coton est taillée dans ce même roc.
Dans la solitude des champs de coton est un «refus» ou un «combat», certes. Mais c’est aussi une pièce de désir ardent, le client et le dealer se désirant profondément même s’ils expriment surtout leur violent refus. Chacun désire ce que l’autre possède, convoite chez l’autre un monde de possibles. Un paradoxe puissant, qui impose au metteur en scène et aux acteurs de marcher sur un territoire glissant, dans l’écartèlement continuel. La chose est indéniablement charnelle. «Je pense que Koltès voulait éviter que cette pièce soit perçue comme un ballet homoérotique, dit pourtant Brigitte Haentjens. Nous n’irons pas fermement sur le territoire sexuel, mais c’est inévitable de travailler la dimension charnelle, de travailler en tout cas physiquement des points de contact entre les corps. De toute façon, c’est ce qui jaillit naturellement en répétition, et je me mets à l’écoute de ça.» Dans l’arrière-plan de la création trône d’ailleurs discrètement l’œuvre de Rodrigue Jean, notamment son plus récent long métrage L’amour au temps de la guerre civile, avec ses scènes crues et viscérales de sexe triste au masculin. «Pour nous, conclut Brigitte Haentjens, il reste aussi une part de mystère, d’émotions secrètes, qu’on ne sait pas définir, des propos qui nous échappent. Koltès avance masqué. Des pépites se libèrent à petites doses. C’est un alchimiste de la parole.» y À l’Usine C Du 23 janvier au 10 février 2018 Une production de Sibyllines
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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR
LA GROSSE FEMME D’À CÔTÉ Ça commence dans le vestiaire. Comme une grosse bouffée de tendresse monte en moi en les regardant à la dérobée, sans faire exprès. Des corps nus de femmes, le plus souvent opulents, vieillis, ronds. Des seins qui tombent, des fesses larges et proéminentes. Je ne les connais pas, mais je ne sais pas pourquoi, mais elles m’émeuvent et je les trouve belles.
En dansant dans l’eau, je regarde ces mères de famille, ces travailleuses, mes sœurs de candeur et de bonne volonté, et alors un monologue intérieur se déclenche. Comme moi, pensent-elles: «Je suis là, dans cette piscine, donc je suis perfectible»? «Je suis là, donc je vais perdre du poids, me faire des lunchs, payer mes factures à temps, envoyer de jolis mots de remerciements quand on m’invite à dîner»?
Elles ont bravé le froid pour venir ici. Je devine que certaines ont fait souper les enfants à la course. J’imagine qu’elles ont sans doute eu une grosse journée au bureau. Pourtant, elles sont ici. Elles mettent leur maillot de bain, gentiment, bravement, pour aller se brasser le popotin dans la piscine et une fois dans l’eau, elles observent avec application les consignes de la monitrice de Zumba. Elles sourient en chœur, investies dans leurs efforts pour suivre. Elles lèvent la jambe, l’autre jambe, lèvent un bras et puis l’autre au rythme prescrit. Moi, je suis toujours un peu en retard sur le rythme du groupe. Ce décalage ne date pas d’hier. Quand ma voisine dans la piscine me dit discrètement «Non, non c’est la droite d’abord», ça me rappelle le couvent qui a abrité mes études secondaires et mon adolescence où mes collègues de classe, des fillesbien-à-leurs-affaires, me ramenaient fréquemment sur la terre parce que j’étais très souvent dans la lune sans qu’aucun enseignant s’en mêle. De leur propre initiative. Ramenons la brebis égarée dans le troupeau. Les filles, à tout âge, ont ce syndrome de première de classe qui les pousse à «se prendre en main», à «prendre soin d’elles», à écouter la consigne, à vouloir faire plaisir, à se conformer à ce qu’elles pensent que l’on attend d’elles et à prendre par la main celles qui ne le font pas d’instinct.
Comme moi pensent-elles: «Je suis là, donc je suis une bonne élève, je prends soin de mon corps, de mon esprit»? Se donnent-elles des points dans leur bulletin? Ont-elles la belle naïveté de croire que l’on peut changer? Nous l’avons tous ce petit désir lancinant qui se manifeste au quotidien et qui s’impose en grand format une fois par année. Lors de combien de 31 décembre ai-je fixé le ciel intensément, un peu enivrée, en me souhaitant en silence une réformation de mon être? Faire tout comme il faut. Changer. Cuisiner le dimanche, des plats avec beaucoup de légumes. Peut-être même des légumes biologiques que je me ferais livrer par un agriculteur sympathique. Je me dis chaque année: il faut que je me mette au compost, que je repasse mes chemises, que je fasse du bénévolat. Ah! Et puis: je ne mangerai plus de frites. Non. Non. Non. Je ferai plus de sport. Je refuserai les invitations quand je n’aurai pas envie de sortir. Aimer mieux. Rêver mieux. Travailler moins. La liste est longue et lourde de toutes les choses qu’une fille peut inventer quand vient le temps de prendre des résolutions. Il y a les choses importantes: se dire que l’on va quitter le couple malheureux ou, au contraire, qu’on va trouver le prince charmant cette année, qu’on va se réaliser professionnellement,
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faire de grandes choses, on est capable. Puis, il y a toutes ces petites futilités de bonnes élèves dont le cahier sera plus propre, plus joli, mieux écrit. Toutes ces petites résolutions presque enfantines. Comme je voudrais être une bonne fille! Une fille parfaite et que rien ne dépasse. Que mes cheveux soient bien coiffés, que mes jambes soient bien épilées. Quand je vais être une bonne fille, pas d’alcool, pas de tabac, je vais écouter la plupart des humoristes et faire à semblant que c’est intéressant. Quand je vais être une bonne fille, je vais faire du jogging comme tous les journalistes qui se respectent. Je vais arrêter de corriger à haute voix les gens qui font des fautes de français. Je ne vais le faire que dans ma tête. Quand je vais être une bonne fille, je vais aussi arrêter de voir ma génération X comme une génération sacrifiée coincée entre les baby-boomers et les milléniaux. Je n’en parlerai plus quand je serai une bonne fille. Je serai positive. Je serai en paix. Je n’aurai plus ce genre de réflexe étrange, lorsque je vois des baby-boomers avec des bonnes jobs, bien stables, de me dire: bon
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Dieu qu’ils l’ont eu plus facile que nous! Il faut que j’arrête de faire ce genre d’observations jalouses. De toute façon, je me sens souvent plus près des baby-boomers que des milléniaux. Comme nous avons vécu dans l’ombre de leur nostalgie et que nous n’avons envoyé aucun grand rêve ni grand personnage dans le firmament de notre histoire, ni même de notre société, c’est leur culture à eux, leurs histoires et leurs références politiques et culturelles que nous avons épousées. Quand je vais être une bonne fille, je vais essayer de m’intéresser aux débats qui semblent animer les milléniaux et faire à semblant que c’est intéressant. Je vais me forcer pour être une bonne élève. Je vais parler «non-binarité» avec application et vais même essayer de comprendre comment fonctionnent des applications inutiles que je vais installer sur mon téléphone et m’émerveiller de leur ingéniosité. Bon là-dessus, bonne année. Il faut que je vous laisse, je dois aller au gym et me remettre en forme. y
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APRÈS L’EXERCICE DES FAMEUX TOPS DE FIN D’ANNÉE OÙ L’ON REGARDE DANS LE RÉTROVISEUR, NOS YEUX SONT MAINTENANT RIVÉS VERS L’AVANT SUR CES ARTISTES MUSICAUX PROMETTEURS QUI FERONT VIBRER LA NOUVELLE ANNÉE. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
Zen Bamboo Coup de foudre immédiat pour ce quatuor de jeunes hommes de Saint-Lambert en août dernier. À ce moment, Juvénile, un premier volet de quatre EP avait vu le jour et un deuxième, Plus mature, plus assumé, allait suivre quelques mois plus tard. L’intérêt envers le groupe rock-grunge s’est accentué cet automne alors qu’il se retrouvait au sommet des palmarès des radios étudiantes. Deux autres mini-albums de quatre titres arriveront d’ici l’été, puis les 16 chansons des quatre volumes formeront un album complet dans l’harmonie (ou pas). La rencontre des membres Simon, Léo, Xavier et Cao a eu lieu dans le cadre de Secondaire en spectacle et la formation de Zen Bamboo s’est officialisée en 2014. Après de belles présences en festivals (M pour Montréal, FrancoFolies, POP Montréal), Zen Bamboo est entré en studio avec Thomas Augustin, claviériste de Malajube. On se réjouit d’ailleurs à l’idée que le groupe puisse reprendre la place laissée vacante par Malajube sur la scène musicale locale. Le rock de Zen Bamboo, qui emprunte autant au grunge qu’au prog, est délicieusement spasmodique, porté par une interprétation en montagnes russes et très instinctive de Simon Larose. Dans les textes, la plume s’avère mature et écorchée. «J’vais boucher mes oreilles avec un gun/J’trouve pu mon fun nulle part», chantet-il sur Si c’est correct. La suite prochainement. Ouri On voit de plus en plus cette compositrice électronique, DJ et multi-instrumentiste originaire de Paris sur nos scènes, dans des événements musicaux (Mutek, Boiler Room) et dans les clubs (Newspeak, Datcha). Celle qui a collaboré avec le producteur
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(À GAUCHE) LOU-ADRIANE CASSIDY, PHOTO | YOLA VAN LEEUWENKAMP (À DROITE) DAVE CHOSE, PHOTO | JULIEN LAPERRIÈRE
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CRi et le rappeur de Dead Obies Joe Rocca récemment a eu un parcours classique en harpe, piano et violoncelle avant de se lancer tête première en électro. On ne peut que s’imaginer que ses connaissances classiques lui ont été bénéfiques après son changement de cap. Ouri sortait ce printemps son premier album complet, Superficial, une œuvre épatante, entraînante, dynamique, qui s’est frayé un chemin dans notre palmarès de fin d’année sans hésitation. L’album confirmait une créativité et une maturité accrues. On ne peut qu’être fébriles pour la suite. Si sur son album, elle s’entourait de voix féminines sensuelles (Odile Myrtil et Munya), voilà qu’elle sortait en surprise en novembre dernier un EP assez envoûtant et électrisant avec le chanteur R&B montréalais Mind Bath. Ouri fera partie de la programmation du rendez-vous annuel hivernal Igloofest ce mois-ci. Elle y sera le 19 janvier. Dave Chose Originaire du Lac-Saint-Jean et désormais installé à Montréal, Dave Chose évolue dans un folk aux teintes de rock et de grunge. Lors de sa participation au concours musical Les Francouvertes l’an dernier, on en savait très peu à son sujet – on a découvert depuis qu’il était du trio folk qui gueulait fort Faudrait faire la vaisselle –, mais Dave Chose s’est bien démarqué et a été l’une des révélations de l’événement. Son premier extrait, Chez Françoise, qui fait office d’avant-goût à son premier
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album à venir chez Bonsound au printemps, est savamment construit comme une ballade planante, vaporeuse, qui magnifie le quotidien, celui des lendemains de veille et du thé glacé du dépanneur du coin. C’est comme si tout s’arrêtait le temps d’une chanson alors que sa voix grave mais apaisante nous sert de guide. L’expérience sonore de Dave Chose sur scène devrait brasser davantage alors que le chanteur s’entoure du bassiste Sam Beaulé (Samito), du batteur Jonathan Bigras (Galaxie) et du guitariste Nicolas Beaudoin (PONI). Quelques années après l’arrivée en trombe du folk sale sur les scènes au Québec (Bernard Adamus et compagnie), voilà que Dave Chose arrive avec quelque chose qui semble adhérer à cet esprit tout en y apportant un vent de fraîcheur qui fait résolument du bien. Lou-Adriane Cassidy
(EN-HAUT À GAUCHE) ZEN BAMBOO, PHOTO | MATHIEU FORTIN; (EN-HAUT À DROITE) SORAN DUSSAIGNE, PHOTO | JEREMIE DIONNE (EN BAS) OURI, PHOTO | OUMAYMA B. TANFOUS
Finaliste au 49e Festival international de la chanson de Granby, qui avait lieu en août dernier et lors duquel elle a reçu deux prix, Lou-Adriane Cassidy faisait aussi partie des chansonneurs de la Destination Chanson Fleuve qui l’a menée au Festival en chanson de Petite-Vallée et à Tadoussac. Après cet été créatif sur la route, la jeune interprète a lancé en octobre le titre Ça va ça va, une composition de Philémon Cimon. Sur cette pièce initiatrice, Lou-Adriane Cassidy – vue souvent sur scène avec sa mère Paule-Andrée Cassidy – chante avec chaleur et assurance. Ses qualités d’interprète avaient été dévoilées au grand jour lors de sa participation à la populaire émission La Voix en 2016. Elle avait chanté avec conviction La voix humaine de Catherine Major et son aventure télévisuelle l’avait menée jusqu’en demi-finale. À 20 ans, elle en est maintenant à l’étape de tracer son chemin, et son tout jeune répertoire en chanson est fort prometteur. Originaire de Québec, Lou-Adriane Cassidy est certainement une voix à suivre en 2018. On peut d’ailleurs vous annoncer qu’un album est prévu pour l’automne. Pour les curieux, elle sera en prestation en formule 5 à 7 au District Saint-Joseph de Québec le 18 janvier et en soirée au Verre Bouteille à Montréal le 22 janvier.
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Soran Dussaigne
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Il y a un an, l’étiquette de disques Audiogram annonçait un nouveau venu dans l’équipe: Soran Dussaigne. Avant une apparition remarquée à La Voix en 2016 où il avait épaté les quatre coachs avec une reprise reggae pleine de chaleur et d’énergie d’Hotel California, le jeune interprète a fait ses armes avec les instruments de son père dans sa jeunesse, puis en chantant dans le métro de Montréal, entre autres. Cette année, Soran se dévoilera au grand jour avec la sortie d’un premier album complet qui devrait naviguer dans des eaux reggae, folk, pop et funk. Déjà le premier extrait, le titre en anglais I Wish, une composition originale sortie en octobre dernier, fait des vagues et n’est pas peu prometteur. C’est pop et accrocheur, bref, une très belle entrée en matière. Avec son timbre de voix si unique et captivant, il s’adresse à quelqu’un qui n’en vaut peut-être pas la peine. Il devra maintenant faire ses preuves sur scène. Si vous voulez l’attraper en concert, il en a plusieurs à son horaire ces prochains mois. y
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ARTHUR H FAIT CONFIANCE À SON INSTINCT SUR AMOUR CHIEN FOU, PREMIER ALBUM STUDIO DOUBLE DE SA CARRIÈRE. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTOS | YANN ORHAN
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’auteur-compositeur-interprète parisien le reconnaît: l’album double a quelque chose d’un peu casse-gueule, surtout à cette époque d’abondance où l’auditeur moyen se gave de musique en continu avec un infime degré de concentration. «Disons que c’est une utopie passéiste. C’est une façon de dire que le disque n’est pas qu’une collection disparate de chansons destinées à s’envoler dans l’océan d’internet, mais aussi un voyage, un film, une histoire dans laquelle on peut entrer et se perdre.» C’est sa compagne Léonore Mercier, plasticienne et musicienne expérimentale, qui l’a convaincu du bien-fondé de ce format, somme toute idéal pour présenter deux ambiances foncièrement différentes. «Elle m’a dit: “Les gens aiment quand tu fais des ballades émotionnelles, atmosphériques, mais ils aiment aussi quand tu chantes en boucle la caissière du super, elle est super, ce genre de chanson pop disco.” Elle m’a donc convaincu de séparer les deux, de permettre aux gens d’avancer dans un univers ou l’autre. On peut faire le choix de la douceur méditative et cosmique [sur Amour] ou celui de l’énergie de la danse [sur Chien fou].» Mais ce deuxième chapitre, effectivement plus ardent, n’est pas non plus le disque dansant et léger que son auteur semble laisser croire. Ses récits rêveurs et romantiques y côtoient des poésies obscures et caustiques, interpellant l’amour assassin, les nuits infinies et le chaos cacophonique. «On peut essayer de se trahir, mais en réalité, c’est un exercice très difficile», lance-t-il, évoquant son penchant naturel pour les histoires ténébreuses. «En fait, il y a une dimension yin et yang sur les deux disques: un point noir dans la zone blanche et un point blanc dans la zone noire.» Au terme de cette aventure, la pièce éponyme retient l’attention, à la fois par sa structure en triptyque et sa portée synthétique, qui fait le point sur l’ensemble des thématiques traversées d’un bout à l’autre des deux œuvres. «Le morceau parle du respect de l’amour, de l’amour sensuel, destructeur, joyeux... C’est une collection de toutes les sortes d’amour possibles et, en ce sens, je crois qu’il résume un peu le disque. D’ailleurs, je suis très content d’explorer ce nouveau sujet qu’est l’amour! C’est très original, je dois l’avouer», blague-t-il, avec l’autodérision qu’on lui connaît.
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26 Premier extrait de ce 10e album officiel, La boxeuse amoureuse donne habilement le ton avec son récit percutant, qui confronte la violence des relations amoureuses à celle d’un match de boxe. «C’est une chanson sur ma mère, nous apprend l’artiste. En l’écrivant, j’ai constaté que ma mère avait encaissé des gros coups émotionnels, des histoires d’amour très, très belles et d’autres très douloureuses. Elle
a sombré, mais s’est relevée, et je crois qu’à un moment, on a tous les capacités de retrouver la pureté de notre âme, même après toutes les chutes qu’on a vécues. Si on lâche prise, la rédemption est possible, et on peut retrouver la forme originelle de notre âme.» Plus loin, Sous les étoiles à Montréal apparaît comme une autre déclaration d’amour, non pas à notre métropole directement, mais à l’une de ses représentantes les plus mythiques: Lhasa de Sela. «Je n’avais pas du tout envie d’écrire une chanson [en sa mémoire], même si je pense très souvent à elle. En fait, ça s’est passé de manière assez étrange: je me suis mis au piano, et ces accords sont sortis. Puis ces mots sont apparus en moi avec tous les souvenirs des moments que j’ai passés chez elle à boire du thé, avec l’hiver dehors... Lhasa était quelqu’un d’extrêmement inspirant. Une soirée avec elle ouvrait plein de nouvelles portes.» C’est notamment à travers la chanteuse qu’Arthur H a redécouvert Montréal, cette «ville blanche et mystique», comme il la décrit dans cette même chanson. Son album précédent, Soleil dedans, avait d’ailleurs été entièrement enregistré ici, de pair avec le talentueux claviériste et réalisateur François Lafontaine.
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«TU PEUX MARCHER EN DEHORS DES CLOUS ET REFUSER D’ÊTRE ENFERMÉ DANS LES BOÎTES QUE LA SOCIÉTÉ TENTE DE T’IMPOSER, MAIS TU DOIS ACCEPTER DE N’ÊTRE PRESQUE NULLE PART, D’ÊTRE PARFOIS INVISIBLE.»
Liberté à tout prix Malgré la richesse de cette expérience inédite en sol québécois, l’artiste a préféré retourner à ses vieilles habitudes pour ce nouvel album, en renouant avec son collègue Nicolas Repac, multi-instrumentiste français et échantillonneur de haut vol. «Pour être franc, j’étais assez nostalgique de son travail. C’est vraiment un artiste du sample. Il a une façon unique de voler des morceaux de musique, de les détourner et de les transformer complètement, tout en conservant leur part de magie initiale. Ça me manquait de travailler sur de la matière pure comme ça. Il a aussi apporté son jeu de guitariste, très intuitif. En ce moment, il a beaucoup de plaisir à se jeter dans le vide comme ça. Parfois, il s’envole et se scratche, mais d’autres fois, il atterrit dans un endroit surprenant, et un nouveau point de vue s’ouvre.» Cette manière de créer a évidemment des résonances avec le travail d’un électron libre de la chanson française comme Arthur H. «Je suis comme Nicolas. J’ai envie de faire totalement confiance à mon instinct. C’est une nécessité, sinon on est coincés dans nos propres systèmes et on arrive plus à en sortir, estime-t-il. J’aime quand une chanson commence et qu’on n’a aucun moyen de savoir comment elle va se terminer. C’est stimulant de ne pas savoir où s’en aller.»
Aussi bénéfique soit-elle, la liberté que procure cet exercice spontané vient avec ses répercussions. Même s’il n’a jamais cherché à plaire au plus grand nombre, le chanteur à la voix éraillée constate les contrecoups de ses choix artistiques. «Quand on essaie de faire les choses comme moi, de façon un peu borderline, le prix à payer peut être assez élevé... Tu peux marcher en dehors des clous et refuser d’être enfermé dans les boîtes que la société tente de t’imposer, mais tu dois accepter de n’être presque nulle part, d’être parfois invisible. Encore aujourd’hui, je suis très content de payer ce prix.» y Amour chien fou Sortie le 26 janvier
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COMME UN RÊVE EMBRUMÉ LE MOINS QUE L’ON PUISSE DIRE, C’EST QUE L’ON A ASSISTÉ À UNE ANNÉE TUMULTUEUSE EN MATIÈRE DE POLITIQUE AMÉRICAINE. DEPUIS L’ENTRÉE DE DONALD TRUMP DANS LE SALON OVALE EN JANVIER 2017, IL SEMBLE QUE LA PRÉSIDENCE DES ÉTATS-UNIS EST SUR TOUTES LES UNES ET TOUTES LES LÈVRES. IL S’AGIT DONC D’UN MOMENT EXTRÊMEMENT BIEN CHOISI, UN AN APRÈS, POUR PRODUIRE UN OPÉRA SUR UN AUTRE PRÉSIDENT AMÉRICAIN AYANT FAIT COULER ÉNORMÉMENT D’ENCRE: JOHN FITZGERALD KENNEDY. MOTS | ANTOINE BORDELEAU
PHOTOS | KAREN ALMOND
Figure emblématique de l’histoire politique des États-Unis, JFK a marqué l’inconscient collectif de nos voisins du Sud, et son aura se fait toujours ressentir plus de 50 ans après son assassinat le 22 novembre 1963. Alors que c’est souvent à travers cet événement marquant que l’on évoque sa mémoire, peu de gens connaissent quoi que ce soit sur les dernières heures de son vivant. Notamment, on oublie facilement qu’il a passé sa dernière nuit dans la chambre 850 de l’Hotel Texas de Fort Worth, TX. C’est d’ailleurs dans cette ville texane qu’a germé l’idée de transformer ces moments ultimes de la vie de JFK en opéra. C’est l’ancien directeur général du Fort Worth Opera, Darren K. Woods, qui a d’abord approché le librettiste brooklynois Royce Vavrek en lui mentionnant son intérêt pour ce projet: «Quand Darren m’a initialement parlé de cette idée de transformer la dernière nuit de JFK en opéra, l’idée était clairement de ne pas y inclure l’arrivée à Dallas et l’assassinat. Tout le monde connaît cette partie de l’histoire, alors que ses derniers moments sont trop souvent négligés. Le défi principal était de rendre cela intéressant d’un point de vue théâtral, puisqu’il n’a fait que pratiquement dormir à Fort Worth.» Les contraintes étant la plupart du temps source d’inspiration pour les artistes inventifs, Vavrek et David T. Little, le compositeur de JFK, ont décidé d’utiliser celles-ci à leur avantage. «Après le coup de fil de Royce m’annonçant qu’il devait écrire un opéra sur cette nuit fatidique, explique Little, je me demandais comment on pouvait s’approprier ce sujet, au-delà d’être l’unique production artistique s’intéressant spécifiquement aux moments passés à Fort Worth. J’ai donc décidé d’écouter le tout dernier discours que Kennedy a livré dans la ville, le fameux Breakfast Meeting. La façon dont le reporter narre l’événement et certains détails du repor-
tage lui-même m’ont immédiatement paru sinistres, voire apeurants. Par exemple, juste avant que Kennedy prenne la parole, le journaliste parle de l’assassinat de McKinnley. Tout de suite après, le Texas Boys Choir entonne The Eyes of Texas, un air qui contient les paroles You cannot get away. Ça m’a vraiment frappé, c’était comme si les Parques étaient en train de refermer leurs griffes sur JFK. Ç’a été, pour moi, très inspirant. C’était clair que nous allions rendre cette œuvre nôtre à travers ces faits troublants.» JFK est donc un opéra gravitant autour des thèmes de la destinée et de la mortalité humaines, à travers une nuit de rêves troubles amenés comme autant de tableaux différents tout au long de l’œuvre. Ce sont ces mêmes tableaux subconscients qui ont permis aux créateurs de s’échapper du cadre très hermétique d’une chambre d’hôtel et de sublimer ces quelques heures fatidiques. C’est également grâce à cette direction imagée qu’ils ont réussi à éviter d’en faire une œuvre patriotique. «Nous avons consciemment décidé de ne pas sombrer dans un genre d’hommage propagandiste, explique Vavrek. Ça aurait été facile de ne faire que miroiter la grandeur alléguée de cet homme emblématique pour une grande partie de la population américaine, mais nous ne nous serions pas respectés comme artistes si nous avions pris cette direction. Nous avons préféré le montrer comme un homme, non pas une idole. Pour ça, nous n’avons pas hésité à dévoiler un côté de JFK qui est moins connu du grand public. C’était un homme vivant dans une douleur physique constante, il devait porter un support lombaire et était fortement médicamenté. Les médicaments qu’il prenait nous ont par ailleurs permis d’aller encore plus loin dans les rêves, ces drogues puissantes pouvant amener à de vifs délires dans le subconscient.»
À un moment où la politique américaine relève justement du pur délire, l’idée même de livrer des œuvres d’art avec une toile de fond politique est plus pertinente que jamais. Pour David T. Little, dont la dissertation doctorale porte précisément sur les aspects politiques de la musique, les deux sont désormais de plus en plus indissociables. «C’est une de mes plus vieilles obsessions. Depuis l’élection de Trump, j’ai vu de nombreux amis et collègues dont le travail n’était pas politique par le passé se mettre à soudainement prendre une position très claire dans leurs œuvres. C’est toutefois une zone très compliquée pour un artiste. Comment arrive-t-on à bien rendre une œuvre politique? Comment l’art peut-il demeurer de l’art sans devenir une œuvre de propagande? Est-ce qu’une œuvre peut devenir propagandiste de manière acceptable, dans un certain contexte? On pourrait écrire des dizaines de milliers de pages à ce sujet. C’est ironique, car cet opéra est probablement mon œuvre la moins chargée politiquement, comme l’expliquait Royce, mais je crois tout de même qu’écrire un opéra est une des meilleures façons de faire passer un message, ne serait-ce que par la durée avec laquelle on compose. C’est un médium excellent pour faire passer des idées politiques de façon beaucoup moins agressive et directe, ça rend le message plus subtil et, d’une certaine façon, plus raffiné. Quoi qu’il en soit, je pense que maintenant, plus que jamais, le monde artistique en général se doit de faire l’effort d’avoir une portée qui dépasse l’œuvre en soi.» y JFK sera présenté à l’Opéra de Montréal les 27 et 30 janvier ainsi que les 1er et 3 février.
À ÉCOUTER
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HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL
NEIL YOUNG + PROMISE OF THE REAL THE VISITOR (Reprise Records) HHH
EMILE PROULXCLOUTIER MARÉE HAUTE
(La Tribu) HHH 1/2
Poétiques et imagés, les textes d’Emile Proulx-Cloutier démontrent tout son amour des mots. Quoique sa voix ait ses limites, le comédien chante toujours avec grande conviction, tantôt intense, tantôt doux, tout en se lançant tête première dans des terrains près du slam ou du rap. Autour du piano, instrument maître du disque, les arrangements signés Guido Del Fabbro sont riches et puissants mais ne font jamais obstacle à la proposition. Marée haute se veut une œuvre captivante et le chanteur réussit bien son pari. Toutefois, le disque a un côté très théâtral qui pourrait déplaire à certains auditeurs. Mentionnons le beau travail sur Maman (adaptation de l’influente Mommy, Daddy de Marc Gélinas et Gilles Richer) qui devient ici fort spirituelle. (V. Thérien)
En ouverture d’album, Neil Young interpelle ses amis américains en les incitant à prendre la rue pour s’unir contre la haine grandissante. Épaulé par le groupe Promise of the Real – avec qui il a fait The Monsanto Years en 2015 –, le grand Neil donne le ton dès le départ de ce disque sans surprise très politisé. Ça bouillonne peut-être fort à l’intérieur, mais Neil reste assez pacifique à travers ce énième cri du cœur inspiré par la morosité ambiante qui règne chez une partie de nos voisins du Sud. Son discours est noble – ne pas laisser la haine nous emporter, par exemple –, mais les idées transmises sentent un peu le réchauffé ou, du moins, la redite. Voilà une œuvre rock n’ roll, sans grands éclats, plutôt linéaire, mais avec des touches de blues et de folk bien senties. (V. Thérien)
HUU BAC QUINTET ON THE STEPS OF ST-PAUL’S (Indépendant) HHHH «Jazz inusité», prévient le communiqué pour décrire cette rencontre heureuse entre les sonorités asiatiques, latines et nord-américaines, assemblées au Québec. Arrivé bébé par la première vague des boat people du Vietnam, Huu Bac Quach, ce sympathique virtuose de Valleyfield, maîtrise aujourd’hui la guitare, la quena (la fameuse flûte andine), le erhu (vièle chinoise) et le dan bau (instrument magique qui donne à voir une chorégraphie des doigts autour d’une corde unique et invisible). Il a aussi du goût ainsi que l’art de parler au monde. Le titre de cet album fait référence à la première église catholique en Chine, symbole des premières rencontres entre l’Orient et l’Occident. Commencée à Macao et enregistrée successivement à Shanghai, à Lima et à Montréal avec 13 musiciens, cette première œuvre a comme principal mérite de ne pas tomber dans le folklorisme. (R. Boncy)
GENE PRITSKER’S SOUND LIBERATION RITE THROUGH AN ECLECTIC SPECTRUM (Composers Concordance Records / Naxos) HHH 1/2 Le graphisme de la pochette pourrait rebuter l’amateur le plus intentionné, mais celui qui dépasse cet obstacle sera récompensé. S’attaquer au Sacre du printemps, évidemment, peut être casse-gueule, et la version du compositeur new-yorkais Gene Pritsker pourrait bien provoquer une émeute chez les puristes, mais elle est au contraire un bel hommage au courage de Stravinski. Dès les premières notes de la célèbre phrase d’ouverture, jouée à la trompette plutôt qu’au basson, et immédiatement brisée, on comprend que ce ne sera pas une simple transposition. Pritsker est à la guitare, au milieu d’un septet jazz-rock qui malaxe et remixe les thèmes originaux avec brio. Cette version, captée en concert au Outreach Festival (Autriche), aurait pu mériter un meilleur enregistrement, mais ça reste une belle surprise. (R. Beaucage)
THE CORE-TET PROJECT THE CORE-TET PROJECT (Naxos) HHHH C’est en entendant le disque Upcast, lancé par ses trois collègues en 2011, qu’Evelyn Glennie a eu envie de se joindre à eux pour improviser à quatre. La grande dame de la baguette, seule star internationale de la percussion sur la scène des orchestres symphoniques, est bien entourée avec Szilard Mezei à l’alto, Michael Jefry Stevens au piano et Jon Hemmersam à la guitare acoustique, trois musiciens qui viennent plutôt du monde du jazz. Le résultat, qui se situe plutôt du côté d’une musique contemporaine free, est un bel exercice d’écoute mutuelle – cela dit en sachant, bien sûr, que Glennie est sourde, mais qu’elle a développé des façons plutôt convaincantes de contourner cet «inconvénient». Le genre de quartet qui serait tout à fait à sa place sur une scène du FIMAV. (R. Beaucage)
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CORROSION OF CONFORMITY NO CROSS NO CROWN
CADENCE WEAPON CADENCE WEAPON
(Nuclear Blast Records) HH 1/2
(Entertainment One Music) HHH 1/2 Sur une scène hip-hop canadienne de plus en plus sclérosée, là où les émules de Drake et de Tory Lanez se multiplient sans grande originalité, la simple annonce d’un nouvel album de Cadence Weapon a de quoi réjouir. Révélé en 2005 avec l’ingénieux Breaking Kayfabe, le rappeur d’adoption torontoise évite le surplace et la redite avec ce quatrième album homonyme, fortement enraciné dans l’univers des afterparties montréalais, là où il s’est illustré en tant que DJ dans les dernières années. S’il se fait un peu trop conventionnel en première moitié, autant dans sa direction musicale en manque de constance que dans ses textes génériques sur l’ambition et le destin, l’Edmontonien d’origine arrive à nous surprendre en cours de route, en s’adaptant remarquablement à l’incursion future garage High Rise et à la déconstruction house Infinity Pool, deux signes probants de son exploration fertile dans le microcosme nocturne de la métropole. (O. Boisvert-Magnen)
Le premier album avec le chanteur-guitariste Pepper Keenan depuis In the Arms of God (2005) n’est pas une catastrophe si on le compare à Corrosion of Conformity (2012) et IX (2014), deux disques peu inspirés de la part de Woody Weatherman (guitare), Mike Dean (basse) et Reed Mullin (batterie), le trio fondateur de C.O.C. Cela dit, il faut patienter jusqu’à Nothing Left to Say, le neuvième morceau de No Cross No Crown, pour sentir le groupe sludge métal émerger de sa torpeur et encore, ça ne dure pas. La chanson est suivie d’un interlude instrumental qui rompt le charme, un problème qui caractérise tout le disque, qui aurait peut-être gagné en profondeur avec une production plus brute (ça manque de bayou!). L’impact des bonnes chansons (The Luddite, Wolf Named Crow, Old Disaster, E.L.M.) est en fin de compte dilué dans un ensemble qui manque de ferveur. (C. Fortier)
FRANÇOIS BOURASSA QUARTET NUMBER 9 (Effendi) HHHH 1/2 Pour marquer la sortie de son 150e album, l’étiquette Effendi – dévouée au jazz d’ici – avait besoin d’une œuvre solide avec une signature, une valeur sûre. Le quartette du pianiste François Bourassa fera largement l’affaire avec cet opus 9 qui en donne plus que le client en demande. Il faut dire que ça part en lion! Mais les amateurs de musiques atonales et dissonantes ont à peine le temps de se lécher les babines que les intros s’adoucissent, nous amenant vers des climats plus intimistes, comme la nostalgique et splendide Past Ich. Fan avoué de Carla Bley, de Karlheinz Stockhausen et de John Lennon (le titre Number 9 n’est donc pas innocent?), le compositeur annonce d’emblée qu’il n’a aucune envie de se répéter. Un maestro qui veut repousser les limites, mais un groupe vieux de 15 ans chez qui la pure maestria n’empêche pas l’expression des fêlures et des sentiments. Une coche au-dessus. (R. Boncy)
LHASA LIVE IN REYJAVIK (Audiogram) HHH 1/2 Enregistré en mai 2009 à l’occasion du Reykjavik Arts Festival, quelques mois avant le départ prématuré de cette sensible chanteuse américanomexicaine devenue montréalaise, ce concert live est d’une grande douceur et d’un charme impeccable. Lhasa est ici entourée de talentueux acolytes qui évoluent aujourd’hui au sein de The Barr Brothers et Patrick Watson: Joe Grass (guitares), Miles Perkin (contrebasse), Andrew Barr (batterie) et Sarah Pagé (harpe). Treize des quatorze titres sont un amalgame de pièces des trois albums de Lhasa (La Llorona, The Living Road et Lhasa) et puis, il y a cette reprise du cri d’espoir soul de Sam Cooke, A Change Is Gonna Come. Et à l’image de l’interprétation sur cet album, la chanteuse y insuffle à la fois de la délicatesse et de la force. (V. Thérien)
VO3 #O1
O1 / 2O18
MIGUEL WAR & LEISURE
(ByStorm / RCA) HHHH
Sur ce quatrième album, le chanteur californien poursuit les explorations R&B organiques entamées sur son précédent Wildheart, désertant (ou presque) les alliages de néo-soul et d’électro qui ont fait sa renommée au début de la décennie, principalement sur l’éminent Kaleidoscope Dream en 2012. Guitares au timbre chaud et brut, influences funk psychédéliques, voix dépouillée mise à l’avant-plan du mixage... War & Leisure contient une belle intensité, que Miguel traduit et incarne avec des textes passionnés, à la fois tributaires de sa vision pessimiste du monde sociopolitique actuel (Now), de ses pensées moroses (Criminal) et de ses nombreuses pulsions sexuelles (Wolf). Malgré quelques compositions moins inspirées (Anointed notamment) et une poésie parfois trop artificielle (Banana Clip), l’album témoigne d’une admirable évolution digne d’un mélodiste pop de haut vol, encore trop sous-estimé. (O. Boisvert-Magnen)
32 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O1
O1 / 2O18
MONIQUE GIROUX SUR MESURE
LA DAME VERTE Tous les jours on la voyait aller, on ne savait où, à l’épicerie sans doute, à la poste peut-être. La dame verte habitait tout à côté de la caserne de pompiers qui ne servait que très rarement. Heureusement, parce que les pompiers volontaires – c’est ainsi qu’on les appelait –, bien que très volontaires, n’étaient ni très nombreux, ni très pompiers au demeurant. Elle venait d’on ne sait où, ce qui est, il faut le dire, assez rare dans un village de quelques centaines d’habitants. Ou tu viens de là, de génération en génération depuis Kateri Tekakwhita, ou le curé a déjà raconté l’histoire de ta famille de maison en maison dans sa visite de paroisse. «Marthe, la jumelle Léger, va marier un nouveau. Y vient de la ville, mais c’t’un bon gars, y va entrer dans les Chevaliers de Colomb et y veut être pompier...» Mon père était un homme volontaire. Quel âge avait-elle la dame verte? Comment s’appelait-elle? Sa maison était si petite qu’on se demandait comment elles pouvaient y tenir à deux. Parce que ça, on le savait, forcément. Elles étaient deux. Elle habitait avec sa sœur, qui ne lui ressemblait en rien, mais alors en rien du tout. La maison était toute mini, on dit maintenant micro, blanche avec au-dessus de la porte d’entrée un tout petit toit en fibre de verre verte ondulée… Vous voyez ce que je veux dire, de la fibre de verre verte ondulée? D’ailleurs, et voilà un élément-clé du mystère, la dame était elle-même toujours verte. Enfin, pas elle en propre, mais tous ses vêtements: des chaussures au chapeau, des gants au foulard, tout était vert. Elle ne portait que du vert, encore du vert, toujours du vert. Certains se souviendront, j’espère, de deux personnages hautement colorés de notre histoire culturelle, Nestor et la Poune. Alors, imaginez un joyeux mélange des deux, au chapitre de l’apparence. La couleur de cheveux de Nestor et la coupe
de la Poune. C’était seyant et du plus bel effet sur un joli kit vert 7Up, ou mieux, vert voiture anglaise MG ou Jaguar. Le chic du chic, le fin du fin. Vert, quoi. Cette dame verte occupe mon esprit depuis des décennies. Étais-je la seule petite âme du village à la regarder avec tant de curiosité? Pourquoi cette petite dame, cette petite maison, cette petite vie verte? Et sa «sœur»? On n’a jamais entendu le son de sa voix, ni la sienne, ni celle de sa sœur d’ailleurs. Ni bonjour-hi, ni oui, ni non, ni au revoir et merci. Pas de sayonara ni de danke schön non plus, rien, jamais rien. Que des pas, clac-clac-clac, des pas dans une rue qui mène à une autre rue qui mène à l’épicerie, à la poste, éventuellement au lac et à l’église bien sûr. On l’a rarement vue à la messe, tiens. Et quand elle y venait, on ne l’entendait pas dire à voix haute comme tout le monde ni le Notre Père ni amen à la communion. C’est simple, elle ne communiait pas. Il n’y avait pourtant que les divorcés qui ne communiaient pas dans le temps et peutêtre les sœurs qui n’en étaient pas pour vrai. J’ai entendu le président Macron clamer dans son éloge funèbre à Jean d’Ormesson, qui ne manquait pas de vocabulaire… de son vivant: «Il était trop conscient des ruses de l’histoire pour se navrer des temps présents.» Cette inspirante affirmation devrait me rassurer. Je travaille en effet à ne pas me navrer des temps présents parce que l’avenir va être long longtemps. Bref, on disait et on dit encore légerte, le monde sont et ça l’a. Tant pis. Ma dame verte était légerte, c’est presque poétique. Ou alors, je devrais dire: ma dame en vert était légère… Voilà qui est beaucoup plus joli. Quoi qu’il en soit, ça ne résout pas l’énigme qui m’obsède depuis le début des années 1970. Qui était la légère dame en vert, sans voix, sans passé, cachant son présent et sans avenir?
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Ma mère avait pour toute réponse à ma question «pourquoi elle est toujours habillée en vert, la madame?»: «Elle a fait un vœu.»
BIÈRES FRAÎCHEMENT BRASSÉES SUR PLACE
Oh là là! Ça se complique. «Elle a fait un vœu??? Et elle s’habille en vert à cause de ça?» Je comprenais encore moins: — Mais oui, elle a fait une prière, elle a demandé une faveur, elle a fait un vœu. — Mais à qui? — À Dieu, voyons! — Mais elle ne parle pas quand elle va à l’église… — Elle l’a fait en silence dans son cœur et elle a fait la promesse de s’habiller en vert pour le reste de ses jours si sa faveur était exaucée. — Donc son vœu a été exaucé? Mais c’était quoi son vœu? Et qu’est-ce que ça apporte à Dieu que la dame s’habille en vert jusqu’à sa mort?
«SOIGNE TON ENTRÉE, SOIGNE TA SORTIE ET ENTRE LES DEUX, FAIS CE QUE TU VEUX.» J’avais 8 ans et ça me taraude encore cette histoire d’une inconnue qui ressemblait à Nestor et dont personne ne se souvient, qui n’a laissé d’autres traces que ces quelques lignes dans le numéro de janvier 2018 d’un magazine culturel vachement branché. Au moment de les écrire, ces lignes, on enterre la dernière des idoles. Un enfant abandonné par ses parents, un éternel adolescent chanteur hurlant, baroudeur tatoué, qui ne parlait pas beaucoup lui non plus mais de qui on savait tout des menus détails de la vie. Il avait pour devise: «Soigne ton entrée, soigne ta sortie et entre les deux, fais ce que tu veux.» C’est à elle que je pense aujourd’hui, à ma dame verte dont on ne saura jamais par où elle est entrée, par quelle porte elle est sortie et ce qu’elle a fait entre les deux. C’est assurément pas donné à tout le monde d’être Johnny. y
1219, RUE CRESCENT (COIN SAINTE-CATHERINE)
514-393-9277 BRUTOPIA.NET
34 CINÉMA VOIR MTL
VO3 #O1
O1 / 2O18
DRÔLES DE TRISTESSES AVEC LES SCÈNES FORTUITES, LE SYMPATHIQUE COMÉDIEN ET AUTEUR GUILLAUME LAMBERT SIGNE UN PREMIER LONG MÉTRAGE DE FICTION DANS LEQUEL IL SE MET EN SCÈNE. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
PHOTOS | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)
«J’ai souvent confié mes scénarios à d’autres réalisateurs, mais là, je trouvais que c’était une opportunité pour faire quelque chose de très intime.» Les scènes fortuites est un film fait avec peu d’argent, mais visiblement avec beaucoup d’amour, concocté à l’automne 2016. «Tout le monde a donné beaucoup d’âme, de cœur, et très peu de temps. C’est beaucoup d’effort, devoir travailler avec un petit budget, mais en même temps, cette liberté-là d’avoir carte blanche, j’en garde un souvenir impérissable.» Le comédien jouit de belles années professionnelles avec le succès de deux séries humoristiques dans lesquelles il joue – L’âge adulte, qu’il écrit également, et Like-moi! – Cette opportunité de premier saut en long métrage cadrait parfaitement dans son horaire. «J’ai la chance de ne faire que des projets de cœur ces temps-ci, dit-il. Je n’ai pas non plus à faire des choix déchirants. Ç’a été facile, logique, même, d’imbriquer Les scènes fortuites entre deux tournages de Like-moi! et de L’âge adulte.» Retour en 2014 pour vous expliquer la prémisse assez loufoque des Scènes fortuites qui, vous comprendrez, porte bien son nom. Les hasards de la vie nous mènent parfois bien loin. «J’avais l’intention de faire un court métrage composé de retailles de scènes coupées en production dans d’autres projets. Cette année-là, j’ai su que l’acteur français Denis Lavant était en ville et je lui ai proposé d’être dans mon film. J’ai écrit une scène et on l’a filmée sans aucun budget. Finalement, ça ne marchait pas pantoute dans le court métrage. Plus tard, j’avais une chance de postuler pour le Programme de production à micro-budget de Téléfilm Canada. Mon pitch a alors été: c’est l’histoire d’un gars qui a fait un film avec Denis Lavant, mais qui ne l’a jamais fini!»
Cette fameuse scène est donc le point de départ de cette comédie dramatique où l’on suit le quotidien plutôt morne du personnage campé par Guillaume Lambert, Damien Nadeau-Daneau. C’est un homme de peu de mots dont l’humeur est en synthèse avec la grisaille ambiante de l’automne montréalais. Faute de pouvoir compléter son film, il se résout à trouver un autre gagne-pain: celui d’écrire les textes qui accompagnent des émissions de type Drôles de vidéos. «J’aime beaucoup les paradoxes, explique le comédien. Damien, c’est quelqu’un qui travaille avec des drôles de vidéos, mais qui fait une dépression parce qu’il fait ça! Il aspire à mieux, mais il se rend compte de la médiocrité autour de lui.» Dans le ton, le film navigue avec beaucoup de justesse entre le tragique et le comique, l’absurde et la tristesse. Alimenté par une trame sonore d’improvisation jazz, Les scènes fortuites s’avère aussi fort poétique et mélancolique. «Je voulais quelque chose près de la BD – Charlie Brown avec un nuage sur la tête –, mais avec du vrai monde. Je voulais un film choral aussi. Quand j’étais jeune, j’ai été beaucoup inspiré par des films comme Happiness, Magnolia, le cinéma américain du début des années 2000, Noah Baumbach, Alex Ross Perry… Quand je suis allé au Festival du film de Sundance en 2014, j’étais porté par ce cinéma qu’on ne fait pas beaucoup ici et j’avais envie de faire une comédie triste. J’avais le goût de parler d’une relation frère-sœur (incarnée par Valérie Cadieux, une amie de longue date) noyée dans un melting-pot de souffrances tragicocomique. Un film sur des trajectoires où les gens se croisent mais où il ne se passe rien, avec une évolution dramatique assez ténue, celle d’un gars aigre-doux, mi-amer, qui regarde le monde.» En réitérant son amour des paradoxes, Guillaume Lambert précise ses intentions ainsi: «J’essaie de mettre une profondeur sur des choses très banales,
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> une tristesse sur des choses très drôles, un ordre dans un certain chaos.» Les personnages autour de Damien sont nombreux, à l’image des films choraux qu’admire le scénariste. Outre sa sœur qui fait des allers-retours dans sa vie sans comprendre le mal-être de son frère, il y a Judith, sa nouvelle collègue de travail au studio de postproduction. «Quand on a compris que Damien allait travailler dans un studio, ça nous prenait un personnage secondaire. J’avais envie de faire un clin d’œil à Frances Ha et à Greta Gerwig, et Sarianne s’imposait naturellement pour le faire.» La Judith en question a de grands yeux inquisiteurs, est légèrement inconfortable et se cache toujours derrière une petite boîte de jus de fruits, qu’elle sirote. Il y a aussi ce couple de producteurs un peu bobo (Monia Chokri et Éric Bernier) et un autre couple (trop) en symbiose à un mariage (Léane Labrèche-Dor et Mickaël Gouin), ce qui n’irrite pas peu Damien. Pour Damien et Judith, Guillaume Lambert explique s’être inspiré «des gens qui font avec beaucoup de passion des choses très mauvaises». C’est avant tout la passion des hasards et des gens qui le motive à écrire ce type de personnages drôles/tristes. «Je viens de Sorel et y a eu le cas Éric Salvail récemment. Il devait y avoir un agenda scolaire avec son visage un peu partout et le jour où c’était prêt, y a une fille qui a dû annuler la commande et remplacer la couverture, à la suite du scandale… Moi, j’ai profondément envie de savoir c’est qui cette fille! J’aime beaucoup les choses improbables.» «Quand on joue ces personnages, on joue des gens qui habitent des grands drames, dit Sarianne Cormier, qui a aussi aidé à la scénarisation du film. Il faut jouer le drame parce que c’est ce qui est drôle. Ce sont des gens tous un peu en détresse.» Le réalisateur ajoute: «L’ennui de ces personnages-là, l’attente de vivre, est en soi une tragédie. Il ne se passe pas grand-chose, mais les personnages ont laissé aller cette insatisfaction-là et le film se termine comme si c’était un peu le premier jour de leur vie.»
(PAGE DE DROITE) VALÉRIE CADIEUX JEAN-CARL BOUCHER FRANÇOIS PÉRUSSE MICKAËL GOUIN ÉRIC BERNIER SARIANNE CORMIER
Le seul et unique François Pérusse est également de la distribution dans un rôle inattendu: celui du narrateur plutôt sérieux du film. Guillaume Lambert explique que l’humoriste était ému de se faire offrir un mandat qui sortait de ce qu’on lui propose habituellement. «Sa voix a tellement été entendue et elle habite tellement les gens de ma génération qu’il y a quelque chose d’extrêmement touchant quand, par exemple dans le film, il lit du Marguerite Duras. Ça me donnait des frissons à l’enregistrement. Sa voix a beaucoup d’humanité quand il ne fait pas de blagues. Je voulais exploiter ça.»
Sans jouer son propre personnage, Guillaume Lambert inculque quand même à ses Scènes fortuites des éléments de sa vraie vie. «C’est pas autobiographique, mais j’aime faire en sorte que les spectateurs croient que ce l’est», explique-t-il en riant. Tout comme Damien, Guillaume a déjà, dans une autre vie, traduit des Drôles de vidéos et il a déjà joué un lutin aux côtés du père Noël, comme dans cette scène où Jean-Carl Boucher joue un réalisateur. Pour jouer avec le vrai et le faux, le comédien a aussi puisé dans ses archives personnelles et a utilisé une entrevue réalisée à la télé communautaire de Sorel alors qu’il a 7 ans et qu’il parle très sérieusement de ses grandes ambitions. «C’est sur l’acide cette affaire-là! Ç’a pas de bon sens. Mais ç’a été une des premières images qui a inspiré le film. Je me suis dit que ce serait le fun d’incarner un enfant vedette. J’ai toujours été fasciné par Macaulay Culkin. Le passage à l’âge adulte de ces gens-là qui n’est pas toujours heureux. Je ne voulais pas y aller trop trash avec Damien, mais plutôt exploiter la désillusion: quand ton grand succès est arrivé quand t’avais 7 ans, que fais-tu après?» Des moments plus drôles qui ponctuent Les scènes fortuites, on retient ces courtes vignettes où, par exemple, Damien se penche pour attacher son soulier et un homme lui fonce dedans. Rien pour aider Damien dans sa détresse... «C’est tellement épais! commente Guillaume Lambert. C’est des scènes qu’on n’a jamais le droit de faire parce que ça nécessite de faire déplacer plein de gens, d’engager des acteurs, de se trouver un permis de tournage, etc. Tout ça pour une joke de trois secondes! Mais on se l’est permis.» Ces petits moments humoristiques nous rappellent aussi l’excellent court métrage Toutes des connes, que Guillaume Lambert a fait avec le réalisateur François Jaros en 2013. Y aurait-il une continuation dans ce style d’écriture? «Oui, tout à fait, répond l’auteur. Je développe ma plume. Puisque j’aime les paradoxes, pour Toutes des connes, je voulais faire quelque chose de très court qui couvrait une longue période de temps. Je m’étais donné comme défi de faire 100 scènes de quelques secondes en un film de 5 minutes. Avec Les scènes fortuites, je voulais tester cette forme-là, mais en plus long, avec des scènes très courtes qui venaient ponctuer des moments plus dramatiques.» Pour la suite des choses, Guillaume Lambert souhaite poursuivre ses projets web et télé et a confiance que l’avenir le mènera là où il veut. «Tous mes projets partent d’une idée assez précise. Là, c’était le mot “fortuite”: je m’intéressais à la vacuité, la raison pour laquelle les choses arrivent, à l’errance, à l’existentialisme, et ç’a donné ça. Reste à voir ce qui m’inspirera pour le prochain projet.» y En salle le 26 janvier
CINÉMA 39 VOIR MTL
VO3 #O1
O1 / 2O18
AVIVER LA FLAMME APRÈS AVOIR PRIS LE POULS DE L’HÔTEL LA LOUISIANE, À SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS, LE DIRECTEUR PHOTO MICHEL LA VEAUX REVIENT À LA RÉALISATION, EN SALUANT BIEN BAS SON CONFRÈRE QUI NOUS A TIRÉS VERS LE HAUT, NUL AUTRE QUE JEAN-CLAUDE LABRECQUE. MOTS | NICOLAS GENDRON
PHOTOS | ONF
Le premier fut l’assistant du second à trois reprises, en plus de prêter son talent aux cinéastes Benoit Pilon (Iqaluit), Catherine Martin (Trois temps après la mort d’Anna) et Sébastien Pilote, dont il signe toutes les images (Le vendeur, Le démantèlement et bientôt La disparition des lucioles). Le second a marqué notre cinéma par une quarantaine de titres d’exception, en étant directeur photo pour Claude Jutra (À tout prendre), Gilles Carle (La vie heureuse de Léopold Z.) ou Bernard Émond (La neuvaine), tout en réalisant des dizaines de documentaires (L’histoire des trois, Infiniment Québec) et quelques fictions «issues d’un mouvement documentaire» (Les smattes, Les vautours, Les années de rêves). Appelé à prendre la parole lors d’une soirée des Rendez-vous du cinéma québécois où l’on plébiscitait Labrecque, Michel La Veaux
avait perçu le caractère éphémère de l’hommage, ce qui lui a donné l’idée d’un long métrage sur l’homme. «Labrecque a un esprit d’archiviste, de souligner La Veaux, et je trouvais ça beau de lui rendre la pareille, de rappeler son importance dans la culture québécoise. Notre cinéma est très effervescent, en ce moment, mais on oublie souvent qu’on ne vient pas de la cuisse de Jupiter. Des gens avant nous ont tracé la voie. Et je suis très reconnaissant envers Jean-Claude.» Le principal intéressé est bien heureux du résultat, même s’il s’avoue un peu gêné de recevoir tant d’attention. «Cela étant dit, je suis content parce qu’on n’y parle pas seulement de moi, mais de la collectivité de l’époque, les Michel Brault, Gilles Groulx, Claude Jutra et Paul Vézina, un gars brillant dont j’ai beaucoup appris, qui connaissait la lumière de Québec par cœur.»
En plaçant Labrecque devant la caméra, seul en piste, le parti pris de La Veaux est limpide: «Ç’aurait été facile de lui lancer des fleurs à plusieurs pendant une heure et demie, mais de n’avoir que Jean-Claude, au contraire, me permet un rapport de connivence, franc et amical, comme avec Juliette Gréco dans Hôtel La Louisiane.» Au-delà des extraits d’une douzaine de films captés en 35mm sur le grand écran de la Cinémathèque québécoise subsiste cet échange contagieux entre deux hommes de lumière qui s’emballent comme des gamins à la vue d’une caméra. En parallèle, Labrecque se prête au jeu de fouler les lieux marquants de son parcours – qui par un travelling aux abords du fleuve Saint-Laurent, qui par une mise en abyme ingénieuse au Stade olympique. «C’était touchant, de me retrouver sur les lieux de mes souvenirs, de confesser le vétéran. De repenser entre autres
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L’un a manifestement été pour l’autre une vive source d’inspiration. «Pour moi, Labrecque était un modèle d’audace et de virtuosité. Dès 60 cycles, j’ai vu à quel point il utilisait le langage du cinéma pour le pousser à l’extrême, entre autres avec de longues focales. Il déjouait les attentes, et ce, avec des outils pas si performants. Plusieurs directeurs photo peuvent en témoigner, dès que tu montes dans un hélicoptère pour un plan, une des premières choses qu’on te dit, c’est: “J’espère que ça sera aussi bon que Jean-Claude Labrecque!”» N’empêche que ce qui ressort surtout de ce portrait éloquent, c’est la façon vibrante qu’a eu l’artiste de témoigner, sur plus d’un demi-siècle et «à travers son viseur», de l’évolution du Québec, de la culture (La nuit de la poésie, trois fois plutôt qu’une, en 1970, 1980 et 1991) à la politique (La visite du général de Gaulle au Québec, Le RIN). Labrecque émet une hypothèse sur sa mentalité d’archiviste: «Ça doit me venir
Le chat dans le sac, de Gilles Groulx
à Marie Uguay [poète disparue trop tôt, dont il a signé un portrait éponyme], dont je me suis beaucoup occupé. Et Michel me connaissant très bien, j’avais tout le loisir d’étudier avec bonheur son approche visuelle.»
LABRECQUE EN TROIS TITRES LE CHAT DANS LE SAC DE GILLES GROULX «C’est LE film qui a été pour moi la confirmation que je voulais dédier ma vie à la lumière, de s’enthousiasmer La Veaux. C’était absolument renversant, la façon qu’avait Jean-Claude de travailler avec des lumières artificielles et naturelles en même temps, sans qu’on s’en aperçoive. Assurément un film majeur de notre cinéma, que Godard avait, paraît-il, adoré.»
JEUX DE LA XXIE OLYMPIADE CORÉALISÉ PAR LABRECQUE
de Québec, qui est une grande ville d’histoire. Quand j’étais jeune, je fouillais pour trouver Champlain, avec René Lévesque. On allait sur la rue De Buade et on creusait avec des cuillères! On était à côté de la track à 100 milles à l’heure, mais ça fait rien. Cette ville m’a mené là où je suis.» Celui qui aime filmer les visages comme s’il s’agit d’un pays observe le Québec d’aujourd’hui avec une certaine tristesse. «On s’attaque de plus en plus. On ne rêve pas des bonnes affaires. On pousse trop sur les ouvriers, qui n’ont pas le temps de construire leurs ponts que ça tombe déjà. C’est fondamental, le temps. Ça, et le respect des ouvriers.» À tout le moins, La Veaux aurat-il pris le temps de lui vouer respect et admiration. «Le p’tit gars de Limoilou n’est pas juste monté dans la voiture du général de Gaulle, il a aussi pavé la voie à plusieurs directeurs photo. Et j’ai envie de perpétuer sa démarche, afin que le langage du cinéma continue d’être signifiant.» La flamme du cinéma demeure, s’allumant à relais. y Labrecque, une caméra pour la mémoire Sortie en salle le 12 janvier
«D’un humanisme foudroyant, affirme La Veaux. On est à l’inverse des films américains et de la performance. Il y a des plans hallucinants de gens qui viennent de perdre quatre ans de leur vie, parce qu’ils n’ont pas de médaille. C’est de la tragédie grecque. Et en même temps, on touche à ce que l’humain a de beau dans la défaite et la victoire.»
À HAUTEUR D’HOMME DE LABRECQUE «J’avais réalisé un livre de photos qui s’appelait ainsi, se remémore Labrecque, avant de m’approprier cette expression à l’époque des Olympiques. Je la trouvais parfaite pour le film autour de Bernard Landry, qu’on a tourné très instinctivement, au nom de la démocratie, comme le disait lui-même le premier ministre. Jamais pendant le tournage, même à l’aube de tout perdre, il ne m’a dit de le laisser tranquille!» Et La Veaux de renchérir: «C’est un des plus grands films sur la dignité humaine.»
42 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O1
O1 / 2O18
NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
EN 2018, J’AIMERAIS... Vous la connaissez sans doute. C’est une petite fille qui est assise sur les genoux du père Noël et qui lui dit ce qu’elle voudrait en cadeau: une licorne! Embarrassé, le brave barbu lui demande si elle n’a pas un autre souhait. La petite répond alors: «Je voudrais qu’on ait un gouvernement qui ne se préoccupe que du bien commun et qui ne soit pas là pour servir des intérêts particuliers.» Le père Noël: «De quelle couleur tu la veux, ta licorne?» Voici 5 souhaits pour 2018. Je les pense raisonnables – à des degrés divers, sans doute. Mais raisonnables. Disons, pour certains, comme demander une licorne…
Politique Après une mûre réflexion collective, je voudrais qu’on établisse une forme ou l’autre de mode de scrutin proportionnel. Est-il besoin de dire pourquoi? Non, bien sûr! On entendra donc sous peu, c’est certain, le beau consensus de tous les partis politiques, nous disant que le temps est venu de faire ce qui doit être fait, en se préoccupant uniquement du bien commun, sans penser à servir les intérêts particuliers, et afin de… Je la veux bleue, ma licorne... Art
Éducation Je plaide pour elle depuis longtemps. Elle devrait rassembler tout le monde, au-delà des divergences et des partisaneries politiques. Elle est depuis trop longtemps déjà nécessaire et la créer donnerait enfin un précieux gage du sérieux que nous accordons à l’éducation, qui est selon moi l’enjeu des enjeux. Quoi donc? Une commission Parent 2.0. J’en rêve. Je rêve d’une solide équipe de gens sérieux, informés, non partisans. Ils et elles consulteraient, réfléchiraient, étudieraient. Puis ces personnes avanceraient, en ayant pris tout le temps qu’il leur faudra, des propositions pour faire arriver l’éducation du Québec au 21e siècle. On mettrait ainsi fin aux rapiéçages improvisés, aux solutions partisanes, mal avisées ou à courte vue, qui sont notre lot depuis si longtemps, depuis trop longtemps.
L’état de notre conversation démocratique m’inquiète souvent, avec ces parfums de censure qu’on y subodore ici et là, avec ces limites imposées à la liberté d’expression, avec cette irrespirable atmosphère de rectitude politique. Je souhaite qu’en 2018 elle n’atteigne pas, comme certains le redoutent, dont moi, le monde des arts. Deux personnes ont mieux dit que moi ce qu’il convient de dire ici et je les citerai donc: «En matière de création artistique, il importe essentiellement que l’imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. À ceux qui nous presseraient, que ce soit pour aujourd’hui ou pour demain, de consentir à ce que l’art soit soumis à une discipline que nous tenons pour radicalement incompatible avec ses moyens, nous opposons un refus sans appel et notre volonté délibérée de nous en tenir à la formule: toute licence en art.» (André Breton et Diego Riviera)
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43 Économie Voici une petite énigme facile à résoudre. Il s’est récemment créé au Québec un nombre record d’emplois et nous avons, au moment où j’écris, le plus bas taux de chômage depuis plus de 50 ans: 5,4%. Pourtant les gens, quand on les sonde sur le sujet, jugent très sévèrement les politiques du gouvernement pour favoriser la création d’emplois et stimuler les investissements économiques. Vous avez deviné. C’est la redistribution de la richesse qui n’est pas au rendez-vous et qui est la clé qui résout cette énigme. Le drame, perçu par tout le monde, est que notre société devient de plus en plus et dramatiquement inégalitaire. Insécurité alimentaire, emplois mal rémunérés, travailleurs demeurant pauvres, inégale redistribution de la richesse: voilà le mal. C’est vrai au Québec et c’est vrai partout ailleurs, à des degrés divers. La croissance profite, de manière massivement prévalente, aux plus favorisés, tandis que les plus faibles souffrent d’une austérité dont on ne leur redistribuera que des miettes quand on y mettra fin et si on y met fin. C’est un enjeu économique majeur, sans doute notre plus grand défi sur ce plan. Et ce défi, à vrai dire, n’est pas qu’économique. Aristote rappelait en effet, avec raison, que la démocratie recule à proportion que les grandes inégalités économiques s’accroissent. Si vous avez de trop grandes inégalités, il vient en effet un moment où, à proportion, vous n’avez plus de substantielle démocratie, puisque celle-ci suppose que des gens échangent, se rencontrent, ont entre eux des liens et partagent des intérêts communs, qui les unissent. Une véritable égalité des chances devrait, en démocratie, produire une certaine égalité des conditions. On en est loin. On s’en éloigne encore. Rêvons qu’en 2018 on commence sérieusement à travailler à réduire les inégalités économiques et qu’on… Je la prendrai bleue, cette fois encore… Littérature Laissez-moi rêver. Comme vous le savez, il n’y a jamais eu de prix Nobel de littérature attribué à un auteur québécois. Nous avons pourtant chez nous des écrivains tout à fait nobélisables. Rêvons que ce soit le tour d’un d’entre eux cette année. Pour ma part, je plébiscite Michel Tremblay. Pour la diversité de son œuvre, pour la quantité et la qualité de sa production. Et aussi parce qu’il a su, comme Marcel Pagnol, atteindre l’universel en restant chez lui et parler de la condition humaine en parlant de nous. Il y a plusieurs années, on a bien ri de moi et des quelques autres qui pétitionnaient pour que le Nobel de littérature soit attribué à Bob Dylan. Existe-t-il un comité qui milite pour que le Nobel soit décerné à Tremblay? Si ce n’est pas le cas, je suggère qu’on le fonde immédiatement. Comptez-moi parmi les premiers signataires du Manifeste pour l’attribution du Nobel de littérature à Michel Tremblay. Bonne année. Et pas trop de licornes. Même bleues… y
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SI LA FRANCE EST CONSIDÉRÉE COMME LE PAYS DU VIN, QUELQUES QUÉBÉCOIS ARRIVENT À SE FAIRE UNE PLACE EN OR DANS SES CAVES OU DANS SES VIGNES. PORTRAITS DE DEUX DE CES EXPATRIÉS DU VIN. MOTS | MARIE PÂRIS
ART DE VIVRE 45 VOIR MTL
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Marco Pelletier,
le sommelier des grandes cartes Marco est tombé dans le vin un peu par hasard; ses parents ne buvaient même pas. Diplômé en génie civil, il part à 22 ans passer un été en Europe et atterrit dans un café à Épernay, en Champagne – à un jet de pierres des caves de Moët & Chandon. Il rencontre des vignerons, commence à déguster… «Je suis finalement resté pour les vendanges et les vinifications!» Le Montréalais aime tellement ça qu’il revient l’été suivant pour travailler dans les vignes, et postule au passage à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). «J’ai été refusé, mais je les ai harcelés jusqu’à ce qu’une place se libère», se souvient Marco. À l’issue de sa formation en restauration et sommellerie, l’ancien étudiant en génie civil a su faire ses preuves dans le vin. Il décroche la Bourse d’excellence GérardDelage, qui lui offre l’opportunité d’aller travailler dans un Relais & Châteaux en France. Le voilà donc parti à Brantôme, dans le Sud-Ouest; et ça y est, il est expatrié pour de bon. En 2000, Marco arrive comme commis à Maison Rostang, à Paris, où il apprend le métier sous la tutelle du chef sommelier Alain Ronzatti. «Je me suis retrouvé commis, puis assistant et chef sommelier en même temps», raconte Marco, qui remplace son mentor lors de ses voyages. Son resto suivant? L’étoilé Taillevent, toujours dans la capitale, où il gère une cave de plus de 400 000 bouteilles. En 2008, le célèbre hôtel Le Bristol cherche un nouveau chef sommelier pour son restaurant L’Épicure. Vingt-huit candidats se présentent; c’est Marco qui est retenu. À 33 ans, le voilà au sommet. Difficile pour un étranger de pénétrer le monde secret et sacré du vin français? «Je ne trouve pas. Quand vous avez de l’humilité, les gens vous acceptent plus facilement. Ça m’est arrivé une seule fois de ne pas être bien accueilli, quand un client m’a dit: “Est-ce que c’est vous le sommelier américain?” Il a ensuite demandé à être servi par mon collègue français…», raconte Marco. Un an plus tard, le sommelier devient associé de la maison de champagne Michel Gonet, dont il est depuis ambassadeur de marque, et vigneron au Domaine de Galouchey, dans le bordelais. Il possède également une société qui organise des dégustations. «Mais tout ça devenait difficile à gérer avec un travail en hôtel où il fallait être présent tout le temps, explique Marco. Je regrette aussi que les grands hôtels deviennent des restos-musées, où les clients demandent le code wifi avant de boire un verre…» En 2016, il saute le pas et ouvre son propre resto avec un associé, le chef Iacopo Chomel. Vantre, à Paris, est une table de bistronomie très
abordable, associée à une cave incroyable: 1500 références à la carte, et 1200 de plus à la cave. Au bout de cinq mois, le Guide Lebey distingue Vantre comme «Meilleure carte des vins de Paris». «Aujourd’hui, on est complet midi et soir», souligne fièrement Marco. Les sommeliers du monde défilent au Vantre, tandis que les critiques enthousiastes se multiplient dans les journaux. Bref, la France, pour lui, c’est un succès. «Mais je ne suis pas chauvin! Au contraire… Je dis sans problème que la qualité des vins mythiques en France est en train de baisser, indique l’expatrié. Le vrai pays du vin, du point de vue de la consommation, c’est New York.» Quant à l’émergence des vins québécois, Marco reconnaît suivre ça d’un peu loin: «Quand je reviens pour les vacances, je décompresse complètement et je me coupe du travail. Je ne connais donc pas bien les vins du Québec…» Revenir vivre ici? La question ne se pose pas pour le sommelier. «La qualité de vie au Québec est incroyable, mais je reste près de mon vignoble…» Et si la qualité de vie n’a rien à envier à la France, il en va de même pour les conditions de travail en restauration selon Marco: «Le milieu est encore plus dur ici. On n’a pas les pourboires comme au Québec, on fait des doubles shifts, c’est 10 fois plus difficile. J’ai fait plus de 75 heures par semaine pendant 18 ans. En France, vous avez l’armée, et juste après vous avez la restauration…»
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> Pascal Marchand,
pionnier du vin nature en Bourgogne Originaire de Laval, Pascal arrive en Bourgogne pour la première fois en 1984, à 21 ans; à 22 ans, il s’y établissait pour le reste de sa vie. «C’est un hasard qui a fait que je suis arrivé là, mais la culture du vin m’intéressait et j’avais envie d’apprendre pour ensuite voyager dans d’autres régions viticoles dans le monde», explique Pascal. Après avoir découvert les plaisirs de la vigne en ayant participé à des vendanges avec des amis, il suit une formation à l’École de viticulture de Beaune, en Bourgogne. Il a ensuite la chance d’être remarqué par le comte Armand, du Domaine des Épeneaux, qui lui offre le poste de régisseur dès 1985. «J’avais beaucoup d’appréhension en arrivant, confie le vigneron. Est-ce que les gens allaient m’accepter? Finalement, je me suis bien intégré dans le sérail bourguignon. J’arrivais aussi à un moment où beaucoup de gens de mon âge reprenaient des vignobles… Et l’avantage, c’est que j’avais pas à rendre des comptes à une génération au-dessus de moi, j’avais une certaine liberté que les autres n’avaient pas.» En Bourgogne, Pascal est l’un des premiers à se lancer dans la viticulture biologique et la biodynamie – il laboure même avec un cheval. Rapidement, le vigneron se fait remarquer dans le milieu; dans le top 100 du Wine Spectator des meilleurs vins du monde, le Pommard Clos des Épeneaux 96 est le meilleur des vins de Bourgogne. En 1999, Pascal quitte finalement le Domaine des Épeneaux pour celui de la Vougeraie. Grâce à une association de domaines, il travaille sur l’élaboration du Clos Jordanne (pinot noir et chardonnay), dans la vallée de Niagara. S’il aime la Bourgogne, le vigneron prend plaisir à voyager partout dans le monde; il devient alors un «flying winemaker», selon l’expression anglaise. Pascal se rend ainsi six fois par an dans la vallée de Bio Bio au Chili pour les vins de Veranda, et travaille dans la vallée de Sonoma, en Californie, pour les vins de Joseph Phelps. En Australie, il a créé le domaine Marchand and Burch dans la Western Australia et devient consultant des maisons Turner’s Crossing, Carlei et Prancing Horse. En 2006, le vigneron lance son micronégoce, et sa propre étiquette en partenariat avec le financier de Toronto Moray Tawse. MarchandTawse, c’est huit hectares de terrain en Bourgogne, qui produisent environ 10 000 bouteilles de vin d’appellations Premier Cru et Grand Cru – la bouteille phare, le Musigny, atteint les 800 dollars US. Finalement, Pascal a fait sa place
parmi les Français. «Il y a quelques étrangers dans le milieu, mais pas tant que ça… Quand on commence à jouer dans le foncier, c’est plus difficile, il faut être introduit. Tout se passe de manière un peu secrète. Mais bon, les Français ont plus peur des Chinois que des Québécois!», rigole le vigneron, faisant allusion au rachat en 2012 du domaine de Gevrey-Chambertin. En 34 ans, Pascal a remarqué que le monde du vin français a changé: «La qualité est la même, mais les prix montent, par exemple en Bourgogne. L’accès aux bouteilles est plus difficile et ça change la donne. Avant, un jeune qui s’intéressait au vin pouvait goûter à plein de choses; aujourd’hui, c’est beaucoup plus dur...» En attendant, Pascal est devenu l’un des représentants de la Bourgogne dans le monde – le réalisateur montréalais David Eng lui a d’ailleurs consacré un portrait-documentaire, Grand Cru, sorti fin 2017. Et les vins du Québec dans tout ça? «Je suis admiratif devant ce qui se passe là-bas. J’ai la chance de pouvoir y revenir environ quatre fois par an, et j’ai goûté des choses qui m’ont vraiment étonné, confie Pascal. Mais depuis tout ce temps, je ne me vois pas vivre ailleurs qu’en Bourgogne.» y
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NE PAS ÊTRE PARENT, UN CHOIX PERSONNEL QUI RELÈVE D’UNE LIBERTÉ ÉLÉMENTAIRE. POURTANT, NOTRE SOCIÉTÉ SEMBLE TOUJOURS CONCEVOIR LE MODE DE VIE SANS ENFANT COMME MARGINAL ET NON NATUREL... MOTS | MARIE PÂRIS
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«T’as pas d’enfant, tu m’en dois une!» Ce post de blogue signé Biancé Longpré avait causé un petit tollé en février 2017. Un texte qui résumait bien une pensée caractérisant une part de la société: être parent c’est partager, et les gens qui ne veulent pas d’enfant sont égoïstes. Mais depuis une dizaine d’années, les «non-parents» – comme certains se font appeler – veulent se faire entendre pour expliquer leur choix de vie et le faire respecter. Ainsi, des mouvements tels que le Childfree Network, le club No Kidding! ou la National Alliance for Optional Parenthood se développent, tout comme la littérature sur le sujet: Être femme sans être mère (Emilie Devienne, 2006), Pas d’enfant, dit-elle (Édith Vallée, 2006), No Kid: Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant (Corinne Maier, 2007), Épanouie avec ou sans enfant (Isabelle Tilmant, 2008), L’envers du landau (Lucie Joubert, 2010), Pas de bébé à bord (Gisèle Palancz, 2011), etc. «On aborde de plus en plus le sujet à force d’avoir des moyens de médiatisation, mais il y a encore un problème de représentation des gens qui ne veulent pas d’enfant», indique Magenta Baribeau, qui a réalisé le documentaire Maman? Non merci! (2015). «Dans les séries, dans les livres, etc., on n’a pas de personnages qui nous ressemblent. C’est toujours des figures stéréotypées, comme Samantha dans Sex and The City, qui se bat presque avec un enfant dans un restaurant, ou Christina dans Grey’s Anatomy, hyper froide et carriériste…» C’est notamment pour remédier à ce problème de représentation que la documentariste a organisé en 2015 la Fête des non-parents de Montréal, reprenant une initiative lancée pour la première fois en 2009 à Bruxelles, où les participants militent pour la reconnaissance et l’acceptation du choix de ne pas avoir d’enfant. À la suite des articles de presse relatant la fête, Magenta reçoit des messages de gens qui disent se sentir moins seuls dans leur choix et qui la remercient de briser le silence. Mais elle est choquée par les violents courriels d’insultes qu’elle reçoit également, ainsi que par les commentaires négatifs sous les articles. «Il y avait des choses comme “C’est pas qu’elle veut pas d’enfant, c’est qu’elle est trop moche pour qu’on lui en fasse”, et même des appels au viol...» Briser le moule «Ne pas avoir d’enfant est un choix qui brise le moule de la société et remet en question le choix des parents», analyse Catherine Des Rivières-Pigeon, professeure au département de sociologie de l’UQAM et spécialiste de la maternité. Si on parle aujourd’hui de famille monoparentale, recomposée ou de couple homosexuel, les modèles tradition-
MAGENTA BARIBEAU
nels restent plus bien persistants que l’on croit: «Il y a un certain discours, mais il y a la réalité que les femmes vivent au quotidien. La société a encore une attente envers elles. Elle n’est pas si moderne qu’elle veut bien le dire… Prenons le congé de paternité par exemple: le taux de pères qui en profitent reste encore très faible, poursuit la sociologue. On n’est pas rendu à une société complètement ouverte, surtout en ce qui concerne les femmes et les mères. Il y a comme un retour de balancier de nos jours: le rôle des mères doit passer avant la carrière, avant tout le reste.» Un retour du balancier causé par une montée du conservatisme, selon Magenta Baribeau: «On veut revenir aux modèles classiques. Le taux de natalité actuel n’avait pas été atteint depuis longtemps! La société capitaliste aussi veut qu’on ait des enfants, les futurs contribuables de ce modèle de société là… Les enfants sont comme revenus à l’ordre du jour. Dans les années 1980 ou 1990, on en parlait moins car on se disait à l’époque qu’il
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> fallait choisir entre les enfants ou la carrière; maintenant, les deux sont possibles, plus d’excuse pour la femme!» Une pression qui vient aussi du gouvernement, pense la documentariste. «Avec toutes ces politiques natalistes qu’on véhicule, les gens qui n’ont pas d’enfant ne sont pas pris en compte, ils sont hors de la norme. Et les autres intègrent cette pensée nataliste. La plupart des gens ne se disent même pas qu’ils ont le choix de vouloir ou non des enfants…» Une décision lourde de responsabilités, et Magenta trouve qu’on ne le souligne pas assez. Elle reçoit sur son blogue énormément de témoignages de mères qui lui confient la difficulté d’avoir des enfants. «Le fait qu’elles ne peuvent pas en parler en public leur cause beaucoup de détresse car elles n’ont pas de tribune. La maternité, qu’est-ce qu’on en parle! Mais que ce soit difficile d’élever un enfant, ça, il n’y a pas de place pour en parler…» Quand on aborde la maternité, indique la sociologue Catherine Des Rivières-Pigeon, une vision très naturelle persiste encore, par exemple quand on parle d’instinct maternel ou de retour à l’allaitement. «Tout ça est perçu comme allant de soi, gratuit, facile, et n’est pas tant valorisé que ça. On idéalise complètement la maternité, en passant sur la dépression, le baby-blues… Les femmes doivent être mères, et doivent aimer être mères.»
en ont, j’aime recevoir leurs photos, etc., mais je n’ai pas spécialement envie de les porter dans mes bras ou de les garder.» Aux gens qui lui disent qu’elle pourrait regretter, elle répond que si vraiment un jour elle a envie d’être mère, elle adoptera. «Autant en sortir un de la misère. On est déjà en surpopulation sur la Terre…» En attendant, Delphine ne se sent pas à la hauteur: un enfant, c’est un engagement, une responsabilité à vie qu’elle ne se sent pas capable d’assumer. Avec son conjoint, ils ont abordé le sujet assez vite, et sont du même avis. «Les gens pensent souvent que c’est égoïste de ne pas vouloir d’enfant, moi je pense que ce sont eux qui sont égoïstes, rétorque Delphine. Il y a une énorme part d’ego dans le fait de se reproduire. Mais je ne les juge pas pour autant: ce sont des réactions ancrées dans notre culture depuis des siècles. J’aimerais juste qu’on reconnaisse cette part d’ego.» Dans son entourage, si personne ne la juge ouvertement, la plupart de ses amis ne comprennent pas son choix. «On m’a dit: “Un enfant, c’est une étape dans le couple.” Ça réduit tellement l’enfant à un truc utilitaire! Et mon couple n’a pas besoin de ça pour s’épanouir et construire des choses, se défend Delphine. J’ai aussi souvent entendu: “C’est pas grave, tu as le temps de changer d’avis, tu verras.” C’est souvent dit de manière très infantilisante, comme si eux ils avaient compris la vie…»
Féminisme et stérilet Chez les «non-parents», les raisons de ne pas se reproduire sont diverses et variées: peur de la responsabilité, envie de se concentrer sur soi, réaction envers la société, visée écologique… Ou simplement une absence de désir. «Beaucoup de gens veulent trouver des raisons intellectuelles à leur choix, sinon ils ne sont pas pris au sérieux, explique Magenta. Comme si c’était pas possible de savoir ce que l’on veut… Moi, je n’ai pas de désir d’enfant. Cet argument ne peut pas être déconstruit, comme un argument financier par exemple. Personne ne peut vous forcer à avoir du désir.» Même discours chez Delphine, Montréalaise de 30 ans: «Je n’ai jamais senti l’envie, le désir, le besoin d’avoir un enfant. Ça ne m’a jamais vraiment parlé. Les enfants, c’est pas trop mon truc: je suis ravie pour mes amis qui
Changer d’avis, un argument que Delphine entend souvent. Elle s’est fait poser un stérilet, mais raconte qu’en France, son pays d’origine, beaucoup de gynécologues refusent d’en poser aux femmes en dessous d’un certain âge qui n’ont pas d’enfant au cas où elles changeraient d’avis, pour éviter d’avoir à le retirer – une manipulation qui peut entraîner des complications sur l’utérus. «Ce genre de réactions vient de notre société: il y a quelque chose qui relie la femme à sa capacité d’enfanter. C’est dans la to-do list de la femme de porter un enfant, regrette Delphine. C’est très pernicieux; ça se sent dans les médias, la publicité, et plus généralement dans la manière dont les gens parlent de la maternité. En fait, c’est presque un acte féministe de se sentir capable d’être femme sans avoir besoin de faire un enfant…» y
QUELQUES CHIFFRES Le nombre de naissances a augmenté de plus de 20% au cours de la dernière décennie: près de 89 000 enfants sont nés en 2009, contre 72 000 en 2000 De 7,87 millions de personnes au 1er janvier 2010, la population québécoise pourrait atteindre 9 millions d’habitants vers 2040 Une Québécoise sur cinq n’aura pas d’enfant à la fin de sa période de fécondité
Source: Institut de la statistique du Québec
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«SA» MÈRE AVAIT RAISON MOTS | FRANCO NUOVO
Oui, «Sa» et pas «Ma» comme dans le titre de son plus récent roman. Parce que c’est vrai que si sa vie n’est pas à ce point romancée qu’elle en devient fausse, elle, Fanou (c’est son nom), avait raison de vivre comme elle l’a fait. Libre. Libre jusqu’à frôler l’inconscience. Libre jusqu’à l’excès. Libre jusqu’à l’intransigeance, jusqu’à la folie, sans être sage ni juger, sans avoir peur. Je n’ai jamais été très Alexandre Jardin. Je l’ai souvent trouvé un peu cucul dans son romanesque. Ce qui ne m’a pas empêché, dans tout mon paradoxe, plus jeune, d’apprécier Le Zèbre qui reçut le prix Femina et puis Fanfan. J’aimais son goût de la conquête, je crois. Son goût de l’amour absolu. C’était romantique. J’étais romantique, je suppose. Lorsqu’il a porté Fanfan au cinéma, je suis même allé sur son plateau dans les studios à Boulogne-Billancourt. Je ne me souviens plus trop comment je me suis retrouvé là. Concours de circonstances probablement. J’y ai vu à l’œuvre un jeune garçon enthousiaste, que la passion du cinéma consumait, probablement parce qu’il avait vu cet art de près pendant son adolescence, grâce à un père scénariste et des cinéastes importants qui vivaient avec lui. Entre vous et moi, je me rappelle très bien que j’étais plus excité à l’idée de rencontrer son héroïne incarnée par Sophie Marceau qu’à celle de l’interviewer, lui. Ceci n’était qu’une petite parenthèse. En fait, après, j’ai pendant longtemps délaissé cet auteur descendant de Jaurès, jusqu’à ce qu’il écrive sur sa famille, son grand-père collabo et maintenant sa mère, femme d’exception s’il en est et à qui le petit et le grand Alexandre vouent amour, bien sûr, mais aussi admiration, voire adulation et dévotion.
PHOTO | JEAN-FRANÇOIS PAGA
J’ai commencé par feuilleter quelques pages de Ma mère avait raison grâce, je ne le cacherai pas, à la photo de couverture révélant une femme à la beauté si atypique et au regard si perçant qu’ils invitent à la découverte. Pendant ma lecture relatant l’existence extra ordinairement libre de cette mère peu commune, j’ai entendu, à l’émission de MarieLouise Arsenault, Pierre Lebeau parler de Bukowski et d’un ouvrage regroupant des lettres écrites à des éditeurs, des directeurs de revue, des confrères, des amis, etc. Or, là où Lebeau m’a interpellé, ce n’est pas tant dans sa lecture de Bukowski, mais plutôt dans les raisons qui l’ont poussé à s’arrêter sur cet auteur à la vie dissolue dans l’alcool. «Ce qu’il représente, exprimait ce jour-là Lebeau en parlant de Bukowski, c’est quelque chose qui n’existe presque plus maintenant. On vit dans une telle époque de pudibonderie, de puritanisme, de rectitude politique… Probablement Bukowski pourrait-il écrire encore aujourd’hui, mais ça resterait dans ses tiroirs. Je pense que plusieurs de ses textes, sérieusement, seraient interdits de publication. On dirait qu’il est misogyne (on n’aurait peut-être pas tort), violent, provocateur… Or ces personnes-là, on en a besoin. Elles représentent un peu un phare. Alors qu’en ce moment, on traverse une période éteignoir où presque plus rien n’est possible, dans l’expression et dans le geste. Pour moi, ce Bukowski représente la liberté.» Je ne sais pas si le couperet de la censure s’abattrait sur son œuvre. Je ne crois pas. Je crois au contraire que la littérature est encore la seule terre de liberté, avec tout ce que le mot liberté comporte d’exagération, de délire, de fantasmes, d’audace, d’irrévérence et de courage. C’est pour ça que cette parole, répondant ou non à la morale du temps, il faut la propager et la sortir des tiroirs.
Maintenant, loin de moi l’idée de comparer Fanou à Bukowski, mais si on en croit son fils, la vie qu’a menée cette femme à son époque, les hommes avec qui elle partageait simultanément, sous le même toit, son amour et son lit, Pascal (Jardin), Claude (Sautet), Jacques (Santi) peut-être même Robert Enrico, l’acceptation que le sexe est une joie si pure qu’elle permet à Pascal de ramener à la maison, chez lui, chez elle, chez eux, la sulfureuse Régine Deforges... Cette quête de l’écriture et cette poursuite de l’art qui ont engendré les films de Sautet, mais aussi le phénoménal Le vieux fusil de Robert Enrico, tout cela serait-il encore possible aujourd’hui? La question se pose-t-elle? Toutefois la phrase retenue par Alexandre Jardin et formulée par sa mère est toute simple: «Mon chéri, il faut avoir le courage d’aimer.» En fait, le livre repose sur ces neuf mots, parce que pour Jardin, à en croire ce récit, c’est du courage de vivre qu’il est question. y Ma mère avait raison Alexandre Jardin Grasset, 2017, 216 pages
LA PHRASE RETENUE PAR ALEXANDRE JARDIN ET FORMULÉE PAR SA MÈRE EST TOUTE SIMPLE: «MON CHÉRI, IL FAUT AVOIR LE COURAGE D’AIMER».
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MA TRÈS GRANDE MÉLANCOLIE ARABE LAMIA ZIADÉ Éditions P.O.L., 413 pages Sous-titré Un siècle au Proche-Orient, le nouveau livre de Lamia Ziadé poursuit avec cohérence et pertinence l’œuvre entamée en 2010 avec la bande dessinée Bye bye Babylone: Beyrouth 1975-1979 et poursuivie il y a deux ans avec Ô nuit, ô mes yeux: Le Caire, Beyrouth, Damas, Jérusalem. Cette Très grande mélancolie arabe que l’auteure et illustratrice livre ici est articulée à la fois comme un périple et comme un pèlerinage aux confins du dernier siècle. Avec une empathie doublée d’un fort talent de synthèse, Ziadé erre parmi les martyrs et les tensions politiques, livrant une histoire du Proche-Orient peu entendue. En l’espace d’un livre et par la justesse de son trait, Lamia Ziadé parvient à ôter nos ornières occidentalisées, nous laissant ainsi (re)découvrir un passé trouble. Sur les traces des différents lieux mythiques qui jalonnent le territoire, Ziadé sera ici notre guide et notre référence dans un Liban qui porte encore les cicatrices d’une histoire récente. Se permettant des sauts dans le temps, l’auteure crée une cartographie des catastrophes et des drames qui ont mis à feu et à sang la région. De Nasser à Arafat, en passant par Hussein et la dynastie Saoud, la guide du périple ne laisse jamais son lecteur dans l’angle mort de l’histoire et parvient toujours à contextualiser les acteurs et les personnages qui ont meublé les tensions politiques et sociales de l’époque. Ma très grande mélancolie arabe se laisse lire comme une nécessité: celle de comprendre les tenants et aboutissants d’une des régions les plus d’actualité des dernières années. N’étant pas une bande dessinée et encore moins un essai, le livre prend les allures d’un récit illustré où, à un rythme choisi par l’auteure, les illustrations et le texte s’entrecroisent pour cristalliser le souvenir. Des assassinats politiques jusqu’à la destruction des lieux de culte qui ont jalonné les derniers millénaires, l’ouvrage n’erre jamais dans la complaisance et reconstitue plutôt une histoire qui nous est racontée de manière trop souvent parcellaire. Lamia Ziadé propose ici un livre important, essentiel, qui s’apparente presque à une lecture obligatoire pour comprendre le monde et ses retournements, tout en étant un livre de chevet et de table à café d’une beauté sidérante et au contenu tout aussi précis que personnel. (Jérémy Laniel) y
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DELETE DAPHNÉ B. L’Oie de Cravan, 128 pages Écrire le vide est toujours un chantier risqué, la chambre d’échos est trop vaste pour ne pas bien manier le poids des mots. C’est dans cette entreprise que s’est lancée Daphné B. avec son dernier livre, Delete, publié à L’Oie de Cravan, à mi-chemin entre recueil en prose et récit poétique, où elle sublime avec talent le réel dans sa plus grande quotidienneté. Après Bluetiful paru en 2015 aux éditions de L’Écrou, on ne peut s’empêcher de penser, à la lecture de Delete, que l’auteure poursuit une réflexion entamée depuis longtemps et qu’elle parvient à éviter la redite en livrant son texte le plus maîtrisé où «[l]’on échoue parfois dans des endroits où rien ne bouge». On entre dans Delete comme dans un journal intime ou un carnet de voyage. Entre Charles qui, comme les termites, «revient en arrière, vers une source d’humidité» et une mère qui simule sa mort pour catalyser une prospérité, on croisera aussi le fantôme de Francesca Woodman, les mots de Joan Didion et Anne Carson, en plus de ceux de Clarice Lispector citée en exergue de l’ouvrage ou encore l’illustration de couverture signée Julie Delporte. Car aussi personnel le discours puisse-t-il être, il est construit comme une constellation: une courtepointe d’auteures créant ainsi des vases communicants entre le récit de soi et celui de l’écriture. C’est un peu ce qu’est Delete, un livre bien plus grand qu’un voyage à Taipei, qu’une peine d’amour ou qu’un questionnement sur la filiation maternelle; c’est une conversation multiple qui est tout sauf un repli sur soi. Si «[l]es mots utilisés à tort et à travers par des gens abîmés ne veulent plus rien dire», c’est donc à même la discussion entre l’écrivain et son lecteur que le sens devra être trouvé. Et dans ce dialogue, Daphné B. laisse une place de choix à son interlocuteur. On fréquente avec Delete les inquiétudes à la fois viscérales et juvéniles de l’écriture qui s’immiscent dans la simplicité d’un souvenir ou encore dans l’intelligence du phrasé, même si ce n’est que pour nous raconter «tous les jours la même histoire, la lessive, les poubelles, les portes qu’on ouvre et qu’on barre». (Jérémy Laniel) y
(À GAUCHE) BROWNIAN MOTION; (À DROITE) UNINVERSE
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Depuis le lancement du festival en 2012, le médium de l’immersion a fait «un grand pas», explique Louis-Philippe St-Arnault, directeur de la production et du développement immersif à la Société des arts technologiques (SAT). Néanmoins, «on est encore un peu dans une période exploratoire de l’immersion. Il y a encore beaucoup de recherche qui se fait sur le langage du médium, que ce soit sur les différentes idées de mouvements, de personnification ou sur la perception du spectateur». La satosphère a été inaugurée à l’automne 2011. Loin d’être la première à développer ce type d’expérience visuelle propre à la science, il n’en demeure pas moins qu’elle revendique sa notoriété quant à la démocratisation d’espaces de grands formats et à sa capacité à créer de la valeur autour du geste artistique dans les environnements immersifs.
LE SAT FEST EN EST À SA 5E ÉDITION. LE FESTIVAL, INITIÉ PAR LA SOCIÉTÉ DES ARTS TECHNOLOGIQUES, MET EN LUMIÈRE DES CRÉATIONS DE COURTS FORMATS ÉLABORÉES PAR DES ARTISTES LOCAUX ET INTERNATIONAUX QUI INVESTISSENT LE MÉDIUM DE L’IMMERSION. MOTS | ALESSANDRA RIGANO
Afin de favoriser la recherche et l’accès à la création dans le domaine, l’organisme investit dans la formation des artistes qui souhaitent migrer vers l’art immersif. Un accompagnement qui se traduit par l’octroi de résidence, de soutien à la production, de diffusion et même par l’entremise de distributions d’expériences immersives originales. Au cours des dernières années, l’accès aux outils de création en art immersif a été facilité par la montée en popularité de la réalité virtuelle (VR), explique LouisPhilippe St-Arnault. Alors que la VR fait avancer la recherche en matière d’interaction entre l’humain et la machine, le concept de vivre une expérience collective en immersion distingue clairement ces deux médiums. «Le fait de sentir sa présence dans l’environnement qu’on habite, la présence de ton corps avec l’autre, de voir les autres réagir» font en sorte que l’art immersif se rapproche davantage des arts de la scène. La capacité qu’a une œuvre de susciter des réactions physiques chez le spectateur est aussi une des caractéristiques fortes de la discipline. «La façon de faire sentir au public qu’il est partie prenante de l’action devient une trame narrative en soi.»
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LES LENDEMAINS D’HIER MÉMOIRE CONCRÈTE EGO BLURRED
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> SAT Fest 2018 De la trentaine de soumissions reçues cette année, environ le tiers fera partie de la programmation qui occupera le dôme de la SAT pendant un mois. La sélection 2018 s’envolera ensuite vers une dizaine de villes à l’étranger. Les propositions qui varient entre 3 et 8 minutes sont regroupées afin de proposer au public une expérience d’un peu moins d’une heure. Sans être restreinte à une thématique particulière, la sélection met de l’avant à la fois des artistes locaux et internationaux. On peut s’attendre à des œuvres qui explorent le médium de l’immersion du point de vue de la forme et des propositions qui s’inscrivent dans une démarche davantage narrative. «Ce qui est intéressant cette année, c’est qu’il y a des moments un peu plus ludiques et d’autres un peu plus sombres.» Certaines propositions flirtent avec le suspense alors que d’autres cherchent à déjouer la perception du spectateur. Le processus hybride entre la création sonore et visuelle favorise la multidisciplinarité des artistes qui investissent le médium. On retrouve d’ailleurs plusieurs duos et des collectifs derrière les pièces présentées au SAT Fest 2018, ou encore des artistes issus de parcours atypiques. Un des artistes montréalais sélectionnés en est un bon exemple. Sean Caruso s’allie cette année à Mourad Bncr afin de présenter l’œuvre Visit. L’artiste avait fait ses débuts en musique expérimentale avant de se tourner vers le mapping vidéo. Parmi les créateurs de la programmation 2018, on retrouve le Suisse Benjamin Muzzin, le Québécois Johann Baron Lanteigne ainsi que le Français Benjamin Vedrenne. «La SAT est un centre de création avant tout. On ne veut pas devenir le Guzzo de l’immersion. À travers le SAT Fest, on cherche à continuer de donner un accès aux jeunes artistes qui peuvent tester le médium et prendre des risques. On dit souvent qu’ici, on fait de la création en journée et on ouvre les portes à 17h pour que le public puisse voir ce que les artistes font, ce que les chercheurs sont en train de développer.» y Du 9 janvier au 2 février À la Société des arts technologiques
60 CHRONIQUE VOIR MTL
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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
GAUCHE-DROITE, GAUCHE-DROITE, GAUCHE-DROITE Vous voyez le nom qui coiffe chacune de mes chroniques? «De la main gauche». J’ai choisi cette petite phrase afin de désancrer la perception qu’a un vaste pan de la population: un homme d’affaires, ce que je suis avant tout, ne peut avoir un discours progressiste et se soucie avant tout de la liberté individuelle avant le bien commun. Cette façon de nous qualifier d’un côté ou de l’autre nous enferme, il me semble, de plus en plus dans un dialogue de sourds, un monologue qui alimente l’incompréhension, le durcissement des positions de tout un chacun. Il me semble que ça commence à ressembler à un prélude à des jours moins heureux, que nous semblons avoir oubliés, ceux des bottes bien cirées qui bruissent sur le pavé, un pied après l’autre. Monologue donc, parce que l’on cantonne les compétences, les objectifs et les moyens de chaque côté du spectre, comme des compétences ou des attributs exclusifs. Comme si la violence et le racisme ne pouvaient émaner que de la droite, comme si l’éducation gratuite pour tous ne pouvait être qu’un rêve de la gauche, qui ne saurait pas compter et ne rêverait que d’État-providence sans prendre en compte les impacts financiers. On a entendu des propos qui sous-entendent tous la même chose: on va se positionner afin de tirer le meilleur de chacun des côtés, histoire de plaire à un plus large électorat. Combien de fois avons-nous entendu des partis politiques tenter de se définir sur le spectre gauche-droite et nous dire: «Nous avons le cœur à gauche et la tête à droite» ou «Nous sommes pour une gauche efficace»? Bref: «Nous sommes une droite de cœur».
Je ne suis pas un intellectuel – je me le fais d’ailleurs souvent rappeler par ceux qui rigolent de mes réfle xions inspirées de Simplet. Ça ne m’empêchera pas de vous dire que je pense que nous sommes arrivés à la fin de notre mécanique politique actuelle. Une mécanique où l’on change de direction à chaque élection, ou chacun souhaite implanter sa réforme, où les intérêts de segments importants de notre population sont mis en veilleuse périodiquement. Une mécanique qui compresse pour mieux réinvestir quelques mois avant que ça compte. Où les décisions ne sont rationnelles qu’en fonction d’élections prochaines. Où le pouvoir est concentré auprès de quelques personnes proches du grand manitou, influencées par les lobbys les plus efficaces. Et un pouvoir qui n’a souvent comme influence que celle de déterminer vaguement la direction à prendre, avant que la machine n’accapare le reste. Cette réalité est vraie au municipal, au provincial, au fédéral. Elle est vraie ici et ailleurs. Bref, une mécanique politique bien usée. «On n’a rien inventé de mieux que le capitalisme», dit-on, en rappelant les échecs des systèmes socialistes, englobés dans le fourre-tout démoniaque du communisme. Comme si nous étions tenus au statu quo mécanique parce que l’utopie incarnée par la Russie était morte et enterrée. Ça n’a strictement rien à voir. Alors, on s’y prend comment? Je ne prétends pas avoir la réponse à cette question, mais je vais me permettre quelques pistes de réflexion. Quelques lacunes nous empêchent d’avoir un système politique plus efficace visant un meilleur dialogue entre les citoyens de toutes classes et de toutes allégeances. On pourrait déjà commencer par permettre
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une meilleure représentativité des différentes strates de notre population. D’abord, le mode de scrutin. Élire un gouvernement majoritaire avec moins de 35% des voix qui aura carte blanche pendant un ou plusieurs mandats m’apparaît dépassé. Il existe de nombreuses versions d’un mode de scrutin proportionnel. Pourquoi ne pas établir les objectifs que l’on viserait, les écueils que l’on veut éviter et proposer quelque chose en conséquence? Ensuite, la gouvernance. Devoir choisir parmi des députés élus qui sera ministre alors que des individus extrêmement compétents pourraient être responsables de ministères gérant des milliards de dollars annuellement, est-ce vraiment ce qui est le mieux pour nous comme société? Ne pourrions-nous pas aussi mettre en place un Conseil des Sages pour chacun des ministères, constitués des ressources les plus compétentes en la matière, et qui pourrait jouer un rôle important sur la détermination des orientations et des moyens pour y arriver? Puis, l’imputabilité. Quelles sont les variables concrètes sur lesquelles on veut avoir de l’impact
dans notre société? Comment les mesure-t-on et quels objectifs transmet-on à ceux qui en ont la responsabilité? Je m’étonne toujours des budgets anémiques attribués à la récolte de statistiques qui nous permettaient de mieux gérer et de calculer les impacts réels des politiques mises en place. Et puis, bien entendu, la mécanique comme telle. Peut-on imaginer par exemple une meilleure utilisation du temps de nos députés que les heures passées en chambre à se répondre de manière partisane? La question nécessite des réflexions bien plus exhaustives, j’en conviens. On effleure à peine un sujet si complexe dans une chronique de 900 mots. Mais j’aimerais connaître vos idées pour réinventer notre parlementarisme et le rendre plus collaboratif, plus constructif, plus en lien avec notre siècle. Quelque chose me dit que les avancées technologiques nous y aideront beaucoup. Nous entrons dans une nouvelle ère qui nécessite une révision en profondeur de notre système démocratique. Pour éviter son implosion, il faut diminuer le cynisme ambiant et augmenter la confiance qu’on lui accorde. y
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QUOI FAIRE
MØ
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MUSIQUE
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MØ ET CASHMERE CAT
NISKA
MAJID JORDAN
MTELUS – 20 JANVIER
L’OLYMPIA – 14 JANVIER
MTELUS – 16 JANVIER
L’auteure-compositrice-interprète danoise Karen Marie Ørsted (alias MØ) se présente à Montréal avec un nouvel EP en poche, When I Was Young. Naviguant aisément entre électropop et indie pop, la productrice sera plutôt bien accompagnée puisqu’elle partagera la scène de l’ex-Métropolis avec Cashmere Cat, DJ norvégienne aux influences R&B et deep house.
Multipliant les dizaines de millions de vues sur YouTube, Niska est la sensation hip-hop française de l’année 2017. Grâce à son alliage de trap et de gangsta rap ainsi que ses textes crus et avisés, le rappeur parisien a vu son deuxième album Commando être certifié deux fois platine. Pour son premier passage dans la métropole, L’Olympia sera gonflée à bloc.
Le populaire duo R&B torontois nous fait l’honneur d’amorcer en grand sa tournée nord-américaine chez nous. Collaborateurs de Drake, Majid Al Maskati et Jordan Ullman sont des poulains de l’étiquette de disques du rappeur, OVO Sound. Majid Jordan a sorti cet automne un deuxième album fort sensuel et entraînant, The Space Between, qui n’est pas sans rappeler The Weeknd.
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SLEIGH BELLS L’ASTRAL – 27 JANVIER
Depuis l’énorme succès du simple Mr. Brightside tiré de l’album Hot Fuss (2003), il s’en est passé des tournées. En plus de 15 ans d’existence, le groupe de Brandon Flowers a livré quatre autres albums, dont le petit dernier, Wonderful Wonderful, sorti cet automne. C’est le temps de rattraper le temps perdu!
Groupe noise pop emblématique de New York, Sleigh Bells a l’habitude de donner un spectacle à couper le souffle, alliant basses lourdes, riffs de guitare accrocheurs et rythmes ardents au charisme de la chanteuse Alexis Krauss. Le duo complété par Derek Edward Miller viendra présenter les chansons de son plus récent EP Kid Kruschev, paru en novembre dernier.
SYMPHONIE NO 2 DE RACHMANINOV
TAVERNE TOUR
MAISON SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL
TAVERNE SAINT-SACREMENT – 1, 2 ET 3 FÉVRIER
10 JANVIER
C’est maintenant une tradition. La Taverne Tour est de retour pour une troisième édition cet hiver. Cette année, on se réchauffera avec plus d’une trentaine de groupes dans 15 tavernes autour de l’avenue du Mont-Royal. L’an passé, l’événement avait présenté des concerts intimes mais intenses de Fred Fortin, Ponctuation et Laure Sauvage, par exemple.
En cette année du 75e anniversaire du décès du grand compositeur russe Sergei Rachmaninov, l’Orchestre symphonique de Montréal propose cet hommage composé du Trio élégiaque no 1 pour piano, violon et violoncelle, puis de sa fameuse Symphonie no 2, entamée en 1906. Conrad van Alphen agira à titre de chef d’orchestre pour cette soirée qui s’annonce émouvante.
IGLOOFEST QUAI JACQUES-CARTIER 18 JANVIER AU 3 FÉVRIER
Le rendez-vous hivernal le plus prisé des amateurs de musique électronique montréalais est de retour pour une 12e édition, qui se tiendra sur trois fins de semaine. Parmi les têtes d’affiche qu’on retrouve cette année, on note la sensation hip-hop internationale Kaytranada, la révélation française Petit Biscuit et le vétéran du downtempo Bonobo.
TEMPOREL PLACE DES ARTS – CINQUIÈME SALLE 10 AU 27 JANVIER
Fruit de la rencontre entre la compagnie multidisciplinaire Lemieux Pilon et le collectif Les 7 doigts de la main, Temporel est «un alliage organique de multimédia, de cirque et de performance où la physicalité est magnifiée par les illusions virtuelles dans un univers à la fois tangible et immatériel». Patrick Léonard et Isabelle Chassé y tiennent les rôles principaux.
THÉÂTRE DENISE-PELLETIER
THÉÂTRE FAIRMOUNT – 23 JANVIER
16 JANVIER AU 3 FÉVRIER
Le Canadien Dan Bejar évolue musicalement sous le nom Destroyer depuis plus de 20 ans. Le 20 octobre dernier, le chanteur originaire de Vancouver sortait son deuxième album, ken. Sa pop-rock envoûtante et plutôt planante sera présentée en formule band lors de son passage à Montréal.
Basée sur un texte du renommé dramaturge et acteur britanno-colombien Kevin Loring, cette pièce «ouvre la mémoire des pensionnats qui vivent toujours au plus profond de l’âme de ceux qui y ont passé leur jeunesse». Elle s’intéresse au destin de Floyd, un homme alcoolique aux illusions brisées, qui retrouve son ami d’enfance, Mooch, à la taverne du village.
MANU MILITARI ET SOULDIA Deux des poids lourds les plus imposants du hip-hop québécois croiseront le fer au Club Soda. D’un côté, Manu Militari a l’une des plumes les plus cinglantes et lucides de toute la scène rap locale. De l’autre, Souldia brise tout sur son passage avec un flow virulent et des paroles crues, empreintes de sincérité. Cet arrêt à Montréal marque la fin de la tournée collaborative Tomahawk Tour.
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LÀ OÙ LE SANG SE MÊLE
DESTROYER
CLUB SODA – 27 JANVIER
FAITES-VOUS PLAISIR!
SCÈNE
THE KILLERS PLACE BELL – 6 JANVIER
LA MEUTE LA LICORNE – 16 JANVIER AU 17 FÉVRIER
D’après un texte signé par Catherine-Anne Toupin, qui y tient également l’un des rôles majeurs, La meute s’interroge sur le thème de la vengeance à travers le destin de Sophie, qui «perd son emploi dans des circonstances troubles». Bénéficiant d’une mise en scène de Marc Beaupré, la pièce compte aussi sur l’apport des talentueux comédiens Guillaume Cyr et Lise Roy.
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64 QUOI FAIRE VOIR MTL
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VOYAGE(S)
LE BRASIER
THE ETERNAL TIDES
THÉÂTRE LA CHAPELLE – 22 JANVIER AU 3 FÉVRIER
CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI
THÉÂTRE MAISONNEUVE – 24 AU 27 JANVIER
Le théâtre interdisciplinaire d’Hanna Abd El Nour prend tout son sens dans Voyage(s), «un spectacle festif où se confrontent corps et territoire, danse et mots, architecture et musique, lumière et chants, idées et publics». Abordant des thèmes complexes comme l’identité et la mémoire, cette pièce s’intéresse à trois figures de proue de la littérature: Ulysse, Don Quichotte et Peer Gynt.
23 JANVIER AU 3 FÉVRIER
Le Legend Lin Dance Theatre de Taipei présente un spectacle qui s’inspire de rituels religieux, de rites taïwanais et de la vision méditative. Dans ces cérémonies dansées, l’humain est en communion avec la nature, tandis que sont célébrées la vie et les émotions. L’occasion de voir à Montréal le travail de la chorégraphe Lin Lee-Chen.
David Paquet raconte avec humour noir l’histoire d’une famille sur trois générations, dans une trilogie de saynètes bien menées. On y suit une tribu où se croisent enfant abandonné, triplettes non voulues et bambin psychopathe, avec sœur mythomane, geek antisocial ou frustrée sexuelle. Bref, une famille (presque) comme une autre.
CHALOUPE
NOTRE BIBLIOTHÈQUE
LA LICORNE – 22 JANVIER AU 9 FÉVRIER
THÉÂTRE DE QUAT’SOUS – 24 AU 26 JANVIER
C’est un solo qui mêle trois langues (anglais, français et allemand), l’histoire d’une Québécoise qui s’expatrie à Berlin. Elle cherche où poser ses bagages, tout en explorant le corps, l’érotisme et le plaisir féminin. Un premier texte pour Sylvianne Rivest-Beauséjour, qui assure aussi l’interprétation.
Un happening littéraire avec 24 lecteurs invités et des musiciens, mené par Christian Lapointe. Dans une ambiance de cabaret, les lectures sont choisies au hasard dans la bibliothèque collective créée avec les résidents du quartier, menant à des improvisations en tous genres.
LES DENIS DROLET MONUMENT-NATIONAL – 30 ET 31 JANVIER
Figures de proue de l’humour absurde au Québec, Les Denis Drolet reprennent du service avec un quatrième spectacle, En attendant le beau temps. Passés maîtres «dans l’art de faire n’importe quoi, mais pas n’importe comment», les deux complices rendent compte de cette époque où pullulent «les problèmes sociaux, les guerres, les divisions et les injustices» avec leur humour loufoque.
Tout simplement le meilleur Panettone Sélectionné parmi plus de 6000 produits différents par un jury international d’experts, au cours d’une dégustation à l’aveugle, le panettone BONIFANTI a obtenu les reconnaissances: PHOTO | SHAYNE LAVERDIÈRE
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FRANÇOIS BELLEFEUILLE
I, TONYA
PLACE DES ARTS – THÉÂTRE MAISONNEUVE
EN SALLE LE 5 JANVIER
29 ET 30 JANVIER, 2 ET 3 FÉVRIER
Tonya Harding était en voie, au début des années 1990, de devenir l’une des plus grandes stars de patinage artistique en Amérique. Tout son univers bascule, toutefois, lorsqu’une de ses adversaires se fait agresser et blesser dans une attaque impliquant son ex-mari et entraîneur. Sa place au sein du sport sera mise en doute et elle se verra expulsée de la fédération américaine de patinage.
Trois cent mille billets vendus plus tard, François Bellefeuille revient sur scène avec Le plus fort au monde, un deuxième one-manshow dans lequel il se dévoile comme un humoriste «plus assumé, plus mature mais avec la même folie». Inspirée par son fiston de deux ans, la bête de scène creuse le thème de l’enfance, autant la sienne que celle de sa descendance.
L’HOMME ÉLÉPHANT THÉÂTRE DU RIDEAU VERT 30 JANVIER AU 3 FÉVRIER
CINÉMA
Benoît McGinnis interprète l’homme éléphant, tiré de la célèbre pièce de Bernard Pomerance. Un drame inspiré du vrai cas de Joseph Merrick, qui vécut dans l’Angleterre victorienne: difforme et sujet à de vives douleurs, il fut traité comme une bête de foire par la société britannique, qui s’amusait de s’épouvanter devant son physique.
TÉHÉRAN TABOU EN SALLE LE 26 JANVIER
Dans ce film d’animation à la direction artistique magnifique, quatre jeunes de Téhéran, en Iran, passent leur vie à chercher la liberté et le bonheur. Pour ce faire, ils devront briser de nombreux tabous inhérents à leur société islamique extrêmement restrictive.
THE POST EN SALLE LE 12 JANVIER
Basé sur une histoire véridique, le film relate l’histoire de Kay Graham, première femme éditrice d’un grand journal, le Washington Post, alors qu’elle doit se battre contre des instances gouvernementales voulant l’empêcher de publier une histoire.
PROUD MARY EN SALLE LE 12 JANVIER
Mary est une tueuse à gages travaillant pour une famille puissante du crime organisé de Boston. Sa vie changera complètement lorsqu’un contrat tourne au vinaigre. Elle rencontrera un jeune homme qui viendra remettre en question toute la direction de sa vie et la poussera à faire des choix déchirants.
GREAT TASTE AWARD 2010 et 2014 Trois étoiles d’or, la marque la plus élevée attribuée à seulement dix produits de confiserie à l’échelle mondiale. GREAT TASTE AWARD 2011 Deux étoiles d’or et Une étoile d’or
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HAPPY END
LE REGARD ÉCOUTE
EN SALLE LE 19 JANVIER
MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MONTRÉAL
Dans ce drame familial, Michael Haneke explore l’embourgeoisement français sur toile de fond de crise des migrants en Europe. Le patriarche de la famille Laurent, atteint de démence, partage inconfortablement son manoir de Calais avec sa famille dysfonctionnelle à souhait. Tout le monde ayant ses propres squelettes dans le placard, la coexistence devient de plus en plus lourde.
Rassemblant des œuvres réalisées par Yves Gaucher, Pascal Grandmaison, Barbara Steinman et Takis, cette exposition est «un geste qui vise le questionnement» du rythme, du bruit et du silence. La photographie côtoie la recherche plastique ainsi que les œuvres cinétiques et électroacoustiques dans cette présentation audacieuse.
HOCHELAGA, TERRE DES ÂMES
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL –
EN SALLE LE 19 JANVIER
JUSQU’AU 20 MAI
Un spectaculaire affaissement de terrain au stade Percival Molson en plein match de football transforme le lieu sportif en véritable site archéologique alors que des siècles d’histoire se révèlent. L’archéologue mohawk Baptiste Asigny entreprendra des fouilles qui le rapprocheront de son but de vie, retrouver la trace du village iroquoien d’Hochelaga, où ses ancêtres reçurent Jacques Cartier en octobre 1535.
Rassemblant des installations, des sculptures, des peintures et des photographies de 14 artistes canadiens actuels, notamment Edmund Alleyn, Karine Payette et Rebecca Belmore, cette exposition prend la forme d’un «parcours-découverte» visant à établir des liens entre l’art contemporain et l’art du passé. Chacune des œuvres sera ainsi librement associée à un tableau issu de la collection d’art international du MBAM.
JUSQU’AU 25 MARS
MNÉMOSYNE
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