Magazine Voir Montréal V03 #02 | Février 2018

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MONTRÉAL VO3 #O2 | FÉVRIER 2O18 POUR VIVRE ICI CHARLOTTE A DU FUN ALA.NI QUEL AVENIR POUR LES ARTS VIVANTS? 3 EXPOSITIONS À VOIR CET HIVER L’ESPACE GO RENAÎT KATHERINE LEVAC CHRISTIAN LAPOINTE ET NADIA ROSS ALIMENTATION ZÉRO DÉCHET GOÛTER LA CÔTE-NORD

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MONTRÉAL | FÉVRIER 2018

RÉDACTION

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse

Vice-présidente - Ventes: Valérie Brasseur Adjointe / Coordonnatrice aux ventes: Karyne Dutremble Conseillers aux solutions médias: Stéphane Baillargeon, Miriam Bérubé, Aimé Bertrand, Mizia Émond-Lavoie (comptes majeurs), Céline Lebrun (comptes culturels).

COLLABORATEURS

Transmet / Diffumag 514 447-4100

Alessandra Rigano, Christine Fortier, Ralph Boncy, Julie Ledoux, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Philippe Couture, Réjean Beaucage, Franco Nuovo, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Sophie Ginoux, Alexandre Taillefer, Eric Godin

COMMUNICATIONS VOIR

OPÉRATIONS / PRODUCTION

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Vice-président - Production et Technologies: Simon Jodoin Chef de projets web: Jean-François Ranger Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Contrôleuse: Yen Dang Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Des­chambeault Coordonnatrice à la production: Sophie Privé Infographie: René Despars

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PHOTO COUVERTURE Guillaume Simoneau | leconsulat.ca

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«SE RENOUVELER EN VIEILLISSANT ET RESTER PERTINENT, C’EST UN GRAND DÉFI À LONG TERME. J’AVAIS PEUR DE TOMBER DANS UN PIÈGE.» Photo | Guillaume Simoneau (Consulat) Assistante | Frédérique Duchesne Maquillage-coiffure | Brigitte Lacoste Stylisme | Andrée-Jade Hélie Production | Éliane Sauvé (Consulat)

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SCÈNE

Réouverture de l’Espace Go Katherine Levac Christian Lapointe et Nadia Ross

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MUSIQUE

Ala.Ni

L’Espace Go renaît

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CINÉMA

Pour vivre ici Charlotte a du fun

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ART DE VIVRE

Alimentation zéro déchet Goûter la Côte-Nord

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LIVRES

Entre le fleuve et le ciel L’allumeuse Correspondance (1944-1959)

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ARTS VISUELS

3 expositions à voir cet hiver

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QUOI FAIRE

CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p16) Monique Giroux (p32) Normand Baillargeon (p42) Alexandre Taillefer (p60)


6 CHRONIQUE VOIR MTL

VO3 #O2

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

UN MOT: ISLAMOPHOBIE ILLUSTRATION | ERIC GODIN

Il y a quelques bonnes raisons de craindre les religions en général et l’islam en particulier. Notez que je dis «en particulier» et pas «tout spécialement». Je précise simplement parce que c’est de l’islam qu’on parle depuis quelques années, plus spécifiquement depuis le 11 septembre 2001, date à laquelle s’est imposée dans l’imaginaire occidental la figure du terrorisme animé par le fondamentalisme religieux. Un imaginaire où s’entremêlent des idées confuses, des préjugés, beaucoup de manipulation politique et une bonne dose d’émotions vives si bien qu’il est difficile de discuter sereinement de ces questions. En témoignent ces récents débats à propos d’un mot, «islamophobie», qui à lui seul parvient à virer la maison à l’envers. Faut-il pour autant balayer toute discussion sous prétexte que la plupart des conversations à ce sujet virent à la foire d’empoigne? Ce serait une erreur. Tentons au moins l’exercice. Distinguons d’abord deux choses: «la religion» et «le religieux». Bien des débats d’experts en sciences sociales portent sur le sens de ces mots, mais aux fins de discussion, afin qu’on se comprenne sur l’essentiel, acceptons que «la religion» est une institution historique, une fabrication sociale et culturelle avec ses hiérarchies, ses rites, ses récits, ses dogmes, ses règles et ses lois, tandis que «le religieux» est une disposition humaine à croire en quelque chose et qui peut, selon les époques, s’agglutiner autour de telle ou telle institution. On pourrait multiplier les nuances et les précisions autour de cette distinction, mais considérons-la simplement: il y a d’une part des institutions historiques, d’autre part des humains qui, au gré des époques, investissent leur potentiel croyant dans des institutions. D’ailleurs, un simple regard à l’expérience permet de constater qu’on peut bien abolir telle ou telle institution, cela n’empêche pas les humains de se trouver

d’autres objets de dévotion. Ne cherchez pas très loin. Ça fait même parfois sourire. Un groupuscule comme La Meute, par exemple, prétend se battre pour la laïcité tout en reproduisant tous les réflexes de la foi béate par le biais d’un culte forestier où on invoque la sagesse des esprits canins. Mais je m’égare. L’islam, donc, comme toute religion, est une institution historique qui permet d’instaurer un rapport de pouvoir arbitraire. Il est tout à fait compréhensible que des individus puissent avoir peur d’un tel pouvoir et souhaitent éventuellement l’abolir ou le fuir. Par ailleurs, sans y être directement assujetti, on peut redouter aussi le discours qui permet à une institution de constituer son pouvoir. On peut légitimement aussi devant tel ou tel texte sacré juger inquiétant que des gens y adhèrent spontanément sans le remettre en question. Il en va de même pour des théories scientifiques loufoques ou des discours politiques qu’on sert aux militants comme des vérités indiscutables. Il arrive aussi que les institutions historiques usent de violence. Il n’est pas très exotique de constater qu’on puisse faire la guerre au nom de tel ou tel principe, sur la base de tel ou tel principe plus ou moins saugrenu, et il n’est pas rare qu’on arrive à convaincre des gens d’aller mourir au champ de bataille à l’aide d’arguments complètement chimériques. Lorsque ça se produit – et ça se produit assez souvent –, on a de très bonnes raisons d’être effrayé. Bref, vous l’aurez compris, il y a de très bonnes raisons d’avoir peur des dérives des institutions, et l’islam, comme religion, n’y échappe pas. Nous avons aussi d’excellents motifs qui nous poussent à avoir peur d’un président américain élu démocratiquement qui se vante sur Twitter d’avoir le plus gros bouton nucléaire du monde. On peut même se demander, parfois, si on ne devrait pas avoir un peu plus peur devant bien des

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discours, en apparence inoffensifs, qui permettent d’exploiter, grâce à une vaste fiction publicitaire, des pauvres gens un peu partout sur la planète en les maintenant dans un état de servitude économique. Évidemment, il n’y a pas que ça. La démocratie ne sert pas qu’à élire un président sociopathe, et la religion, comme institution, ne fait pas que maintenir les dévots dans l’étau du fanatisme. Il va de soi aussi qu’au sein même d’une religion on trouve différents courants et diverses confessions dont l’orthodoxie varie. Mais voilà, en général, c’est du pire qu’on a peur.

Le mot lui-même ne permet pas de distinguer, d’une part, la peur, souvent justifiée, qui peut nous habiter face à l’institution historique où s’incarne parfois un pouvoir arbitraire et, d’autre part, la crainte de l’autre, fruit de l’ignorance le plus souvent, qui varie en intensité, allant de la méfiance jusqu’à l’exclusion. Cette dernière devrait plutôt nous inviter à créer des lieux de discussion et d’apprivoisement. Plus embêtant encore, ce même mot, islamophobie, pourrait désigner, aussi, la pure et simple détestation maladive qui pousse, dans les pires des cas, au crime haineux.

Or une question demeure en suspens. Si nous avons parfois de bonnes raisons d’avoir peur de la religion, qu’en est-il des individus qui sont habités par un sentiment religieux et qui misent leur foi sur telle ou telle institution? Posons la question simplement: devons-nous alors avoir peur, pour les mêmes raisons, de notre voisin musulman? La question peut sembler triviale. Non évidemment. Les raisons pour lesquelles nous pouvons craindre une religion ne peuvent pas tout bonnement être transposées sur les gens qui adoptent telle ou telle pratique pour des motifs divers, par héritage, tradition, con­trainte ou conviction, notamment. Il arrive, on le voit bien, qu’on se méfie de son voisin, qu’on en ait peur, mais la religion comme institution et le religieux comme disposition humaine ne doivent pas être confondus. C’est là que se joue, justement, un aspect du drame autour de cette discussion à propos de l’islamophobie.

Nous sommes ici devant des phénomènes distincts, qu’il ne faudrait jamais confondre, mais que la notion d’islamophobie, au gré des usages, englobe de manière ambiguë. Il y a là des nuances fondamentales qui devraient être discutées hors des joutes politiques partisanes, dans un climat serein qu’il est difficile de mettre en place dans un contexte de polarisation extrême dont se régalent les grands titres. Rien n’est assez simple ici pour se résumer en un mot. Nous voulons à la fois vaincre nos craintes afin de rencontrer notre voisin et tisser des liens avec lui, continuer de nous méfier des institutions religieuses au pouvoir arbitraire tout en refusant catégoriquement la haine pure et simple. Non, un seul mot ne suffit pas. Cette querelle menée autour de l’emploi du mot empêche bien de la lumière de passer et, dans le clair-obscur, trop souvent, nous confondons les ombres qui nous inquiètent et les gens qui nous entourent, que nous ne voyons presque plus. La peur des ombres... Ça aussi, c’est une phobie. y sjodoin@voir.ca


Ci-contre / Evelyne de la Chenelière; page de droite / Céline Bonnier

ENTRE LABO MULTIMÉDIA ET COSTUMIER TRADITIONNEL, L’ESPACE GO OUVRE LES PORTES DE SES LOCAUX RÉNOVÉS POUR UNE NOUVELLE SAISON. MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTOS | RAPHAËL OUELLET


SCÈNE 9 VOIR MTL

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spectacle, si elle a été réparée et remise aux normes du jour, il n’était pas question d’y toucher plus. «Les artistes l’aiment, le public l’aime, explique la directrice. Pour créer un rapport d’intimité, il faut que l’espace public soit aussi grand que le plateau. Ici, la salle est très grande; notre plateau est pratiquement aussi grand que celui du Théâtre du Nouveau Monde. Mais étant donné les proportions de la salle, on a l’impression quand on rentre ici que c’est une salle intime. En fait, c’est une fausse petite salle…» Théâtre 2.0

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a faisait sept ans que le projet était sur la table. Après avoir rassemblé le budget (6 millions de dollars, dont 3 octroyés par le gouvernement fédéral en février 2017), l’équipe de l’Espace Go a enfin lancé les travaux en mai dernier. Le théâtre du boulevard Saint-Laurent avait en effet besoin de réparations, 23 ans après ses dernières rénovations. Le 20 février prochain, le nouvel Espace Go sera prêt à accueillir à nouveau son public: salles de bain et hall d’entrée redessinés, circulation du public améliorée pour les personnes à mobilité réduite, sièges et gradins remis à neuf, chauffage et climatisation revus... «Le public va retrouver l’Espace Go comme il le connaît, mais amélioré», précise Ginette Noiseux. La directrice générale et artistique du théâtre a supervisé de près tous les travaux: «J’ai une formation de scénographe, donc j’adore ça!» À l’étage des bureaux, les pôles administration et création ont été rassemblés dans la même aire ouverte, contrairement à l’ancienne disposition, pour favoriser les échanges. Quant à la salle de

Une deuxième phase de travaux suivra, consacrée cette fois à l’agrandissement du théâtre. De nouveaux espaces vont être construits dans l’aire de stationnement: une salle de répétition, des loges agrandies, mais aussi un laboratoire technologique dédié à la recherche multimédia, qui sera équipé de matériel de sonorisation, toile verte, consoles et régie. «Beaucoup d’expériences nous étaient difficilement accessibles parce que trop chères à monter. Et il y avait des choses qu’on ne pouvait pas présenter, car il s’agissait de distributions à 18 comédiens… On a donc développé des affinités sélectives pour certains textes», indique Ginette Noiseux. Le labo va maintenant leur permettre de faire du podcast, du montage vidéo, des enregistrements… «On va pouvoir poursuivre notre recherche en étant beaucoup mieux équipés.» L’équipe a aussi profité de cette modernisation pour passer d’une façon de faire à une autre, et abandonner le papier au profit du numérique. Archives et outils ont ainsi été numérisés au fil des mois. L’autre ajout, c’est un atelier de costumes, espace auquel la directrice tient beaucoup. Comment couper une manche gigot du 19e siècle? Comment travailler le cuir, la teinture, les chapeaux? «C’est le patrimoine invisible. Les moyens pour faire tout ça ont disparu, et le savoir-faire est en train de disparaître aussi. Ici, on pourra maintenant faire ce travail d’artisanat, une tradition importante», insiste Ginette Noiseux. Pour sa dernière production comme conceptrice, elle avait en effet transformé sa maison en atelier, jusqu’à la baignoire…

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SCÈNE 11 VOIR MTL

«L’ESPACE GO EST UN CENTRE QUI SE CONSACRE À SOUTENIR L’ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE. ET LE CONCEPT ARCHITECTURAL RACONTE ÇA AUSSI.»

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qu’il faut offrir aux artistes pour créer à l’écart des consensus, et tout le travail avec le public pour développer une curiosité pour les productions des artistes.» Les nouvelles constructions démarreront en mars, mais n’interféreront pas avec les activités du théâtre. Et la directrice de prévenir: «Faudra pas que le public s’étonne en venant au théâtre début février si la billetterie n’est pas terminée… Mais tout sera prêt pour le 20 février!» Portraits de femmes

Les nouveaux bureaux, quant à eux, serviront à accueillir dès le mois d’août la compagnie UBU qui reste à demeure, mais aussi la compagnie Porte-Parole dirigée par Annabel Soutar, pionnière du théâtre documentaire au Québec. «L’idée, c’est vraiment de créer une émulation. La transmission entre les générations va dans les deux sens, c’est une addition des compétences. La rencontre entre une Stéphanie Jasmin et une Sophie Cadieux, c’est ça qui m’intéresse…» «L’Espace Go est un centre qui se consacre à soutenir l’évolution de la pratique. Et le concept architectural raconte ça aussi, souligne Ginette Noiseux. En direction artistique, il y a deux pôles: l’abri

C’est donc le 20 février que s’amorcera la 39e saison théâtrale à l’Espace Go, avec Les Marguerite(s) de Stéphanie Jasmin et Denis Marleau. Une pièce en triptyque sur l’auteure du 14e siècle Marguerite Porete et les homonymes qui lui ont succédé, qui mettra en scène Céline Bonnier, Évelyne Rompré et Sophie Desmarais, mais aussi la danseuse et chorégraphe Louise Lecavalier. S’en suivront l’opéra de chambre a cappella Svadba d’Ana Sokolović et La vie utile d’Evelyne de la Chenelière, qui marquera le retour de la metteure en scène Marie Brassard à l’Espace Go. «Les Marguerite(s) et La vie utile se font écho, et elles sont très emblématiques de l’Espace Go, analyse Ginette Noiseux. C’est une saison qui décolle du quotidien, de l’actualité immédiate. Les artistes s’interrogent sur la beauté… » Une saison accompagnée des belles affiches signées par Cossette; cette campagne est d’ailleurs la dernière réalisée pour le théâtre par l’agence. Au fil des dix dernières saisons, Cossette a remporté de nombreux prix grâce aux visuels créés pour l’Espace Go (trois Grands Prix Grafika, trois Prix Grafika, deux distinctions au concours Applied Arts Design et un Prix Créa). Toujours dans la série des Portraits de femmes, les visuels de cette saison montrent les visages des différentes comédiennes émergeant de l’eau. Comme un baptême – qui illustre bien la renaissance du théâtre. «La nouvelle saison va être très forte; le public va être au rendez-vous. Comme le théâtre à l’italienne est à Molière et le théâtre élisabéthain est à Shakespeare, l’Espace Go est aux nouvelles écritures…» y

Ginette Noiseux, photo, Leda & St.Jacques


GANT DE VELOURS TROIS ANS APRÈS AVOIR ÉTÉ SACRÉE DÉCOUVERTE DE L’ANNÉE AU GALA LES OLIVIER, KATHERINE LEVAC PASSE À L’ÉTAPE SUIVANTE AVEC SON PREMIER ONE-WOMAN-SHOW VELOURS. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


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> Décidément, la Montréalaise d’adoption a le vent dans les voiles. Il y a quelques semaines, alors qu’il était toujours en rodage, Velours dépassait le seuil des 50 000 billets vendus, et la plupart de ses premières représentations affichaient déjà complet. Pour une humoriste encore immergée dans ce bassin de plus en plus dense et compétitif qu’est la relève, cet engouement tient de l’exploit. «C’est cool, mais j’me rends peut-être pas compte que c’est nice. Depuis mes débuts, je joue devant des salles pleines, sans nécessairement réaliser ce qui m’arrive.» Pour en arriver là, Levac a bien saisi les opportunités qui se sont présentées à elle. Entre sa sortie de l’École nationale de l’humour en 2013 et la première de Velours à la Place des Arts en février 2018, elle a su s’imposer dans le très fertile circuit des soirées d’humour hebdomadaires de la métropole, puis s’est fait remarquer à Zoofest et en première partie de Jean-François Mercier. Raflant la première place du très populaire concours En route vers mon premier gala Juste pour rire en 2014 et la statuette de la découverte de l’année aux Olivier l’année suivante, elle a largement agrandi son public en accumulant les projets à la télévision, notamment SNL Québec, Like-moi!, Paparagilles et Les 5 prochains. L’artiste à l’agenda surchargé a dû prendre le recul nécessaire pour élaborer un spectacle complet. «Là, j’ai pris le temps d’écrire. C’est devenu ma priorité. Je suis partie en Gaspésie cet été avec le plan de juste faire ça: écrire, roder, réécrire, roder… Pour vrai, c’est vraiment un luxe, écrire! En télé, le temps manque tout le temps et là, pour la première fois, je décide ce que je veux. C’est une liberté à laquelle j’avais encore jamais goûté à ce jour.» Guidée par son script-éditeur David Beaucage, son ex-copain et très bon ami qui assure maintenant ses premières parties, Levac livre des textes personnels qui revisitent son enfance aisée, proclament ses origines franco-ontariennes et mettent en lumière les contradictions d’une génération de femmes qui cultive de fortes ambitions. Comme d’habitude, l’humoriste pince-sans-rire joue avec les contrastes. «J’ai une voix douce et j’ai l’air d’un ange, mais quand je parle, ça rentre plus fort qu’on pensait», résume-t-elle, évoquant la main de fer dans le gant de velours. Bref, l’humoriste se livre ici sans artifices, délaissant le format du sketch qu’elle a souvent soutenu à la télévision. Son alter ego Paige Beaulieu, une caricature franco-ontarienne qu’elle a incarnée dans SNL Québec, sert ici de prétexte pour parler d’un enjeu social plus vaste. «Je parle de la naissance du personnage, du statement que son nom

représente. Les origines sont clairement francophones, mais elle s’appelle Paige! Ça évoque pas beaucoup de choses au Québec, mais en Ontario, ils comprennent parfaitement ce que je fais. Ça me permet de parler de la situation du français là-bas, qui souvent ne tient qu’à un fil.» Québécoise depuis 2011, année où elle a quitté son village de Saint-Bernardin pour venir étudier à Montréal, Levac aime comparer les deux cultures et, surtout, constater les réactions divergentes de son public d’une province à l’autre. «C’est drôle parce que les gens rient, mais pas aux mêmes endroits», observe-t-elle. «Par exemple, quand je parle de l’impact de la religion sur mon enfance, du camp pastoral, des prières et des Ô Canada obligatoires à mon école, les gens au Québec rient de l’absurdité de la situation, alors qu’en Ontario, ça rit jaune. Tu peux pas aller trop loin dans les jokes de religion, car il y a encore ben du monde qui font leur première communion. C’est ce genre de rire weird là que j’aime.» Par-dessus tout, l’artiste de 27 ans aime la sensation de contrôle que lui procure ce premier spectacle. «C’est vraiment satisfaisant de savoir qu’à n’importe quel moment, tu as le pouvoir de changer le mood d’une salle. Lancer la balle avec le public comme ça, ça me rend heureuse.» Intouchable sur scène, Katherine Levac a récemment compris qu’elle n’avait pas la même emprise sur sa vie publique. À l’été 2016, sa flagrante perte de poids a fait les choux gras de la presse québécoise et a provoqué un débat sur les réseaux sociaux, auquel tout le monde semblait vouloir participer... sauf elle. «À écouter tout le monde, c’était rendu que je prenais du crystal meth et que j’avais la leucémie! Tout est rentré dans l’ordre quand j’ai dit que j’étais correcte et que ça allait bien [...], mais c’est sûr que j’ai gardé ça tabou trop longtemps», reconnaît l’humoriste, qui a attendu son passage à Tout le monde en parle, en avril 2017, pour s’expliquer sur la situation. «Moi, je sais pas c’est quoi être une personnalité connue. Chaque fois que je fais quelque chose, j’apprends comment dealer avec. N’importe qui qui commence un travail ou une vie d’adulte vit la même chose et finit par faire les changements qui s’imposent.» y 6 et 7 février au Théâtre Maisonneuve (Complet) 22 et 23 février au Théâtre Desjardins (Complet) 26 avril à L’Olympia (Complet) 22 septembre à la salle Pauline-Julien 19 et 20 octobre à L’Olympia


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LA PORNO EST PARTOUT «Comme artistes, nous sommes des putes.» Les mots sont de Christian Lapointe et Nadia Ross, iconoclastes créateurs réunis pour une première création en duo intitulée P.O.R.N. Les deux metteurs en scène, l’un basé à Québec, l’autre en Outaouais, dénoncent un capitalisme qui reproduit ad nauseam les mécanismes de la porno, jusqu’à contaminer l’art. MOTS | PHILIPPE COUTURE

C’est l’histoire d’une rencontre. Et ça commence à Toronto en octobre 2016, à la remise des prix Siminovitch. Tous deux en nomination pour ce prestigieux prix canadien assorti d’une rondelette bourse de 100 000$, Christian Lapointe et Nadia Ross se découvrent une complicité instantanée. Ils se connaissent alors seulement de réputation et n’ont jamais vu le travail de l’autre. Ils se doutent vaguement que leur intérêt pour l’écriture du Montréalais Jacob Wren, avec qui ils ont tous deux travaillé, les unit dans une certaine parenté d’esprit. Mais ils n’anticipent absolument pas l’amitié immédiate qui naîtra au cœur de la nuit, après que Nadia eut reçu le prix convoité. «Ce soir-là, on a tenu le barman occupé jusqu’à la toute dernière minute», rigole Nadia Ross. «On a tout de suite été larrons en foire», confirme Christian Lapointe. Il n’en fallait pas plus pour que se profile l’idée de ce spectacle-labo, basé sur des discussions qui ont commencé autour d’une bière pression et qui se sont affinées en salle de répétition au fil des mois. Pas si étonnant que ces deux-là s’entendent bien. S’il n’y a pas de vraies similitudes esthétiques dans leurs œuvres respectives – lui flirtant avec des formes performatives comme avec un théâtre hautement cérébral, elle se consacrant à un théâtre interdisciplinaire très mouvant qui échappe aux catégories –, il y a chez ces deux-là le même appétit pour la recherche et pour un théâtre qui ne s’embarrasse pas de narrativité traditionnelle.

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

À deux, ils sont en train de mettre en forme un théâtre «très sobre», disent-ils, qui repose sur une très simple mise en scène d’eux-mêmes, «dans un dévoilement de [leurs] propres vies qui flirte aussi avec des éléments de fiction». Une exposition de soi qui fait écho au narcissisme ambiant et à la mise en scène de soi sur le web: des mécanismes virtuels qui reproduisent, selon eux, les codes de la porno­ graphie. Leur spectacle, qui sera interprété en anglais, s’intitule P.O.R.N. pour faire référence à la culture porno, mais aussi pour évoquer une société plus narcissique que jamais (le titre est l’acronyme de Portrait of Restless Narcissism). Pornoculture pour tous En anglais comme en français, ils utilisent le mot «pornoculture» pour évoquer le concept de marchandisation de soi qui les occupe. Le spectacle ne parle pas strictement de pornographie, précisentils, mais bien d’un mécanisme de consommation des corps que la porno a fini par normaliser, et d’une certaine «transactionnalité» des relations humai­ nes qui se déploie à l’infini dans nos communications virtuelles. «L’idée qui nous habite, explique Nadia Ross, est que la consommation de porno offre une satisfaction sexuelle instantanée mais que, en se satisfaisant d’un tel simulacre, on demeure tout le temps insatisfaits et on en veut toujours plus. C’est un cercle

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«EN SE SATISFAISANT D’UN TEL SIMULACRE, ON DEMEURE TOUT LE TEMPS INSATISFAITS ET ON EN VEUT TOUJOURS PLUS.»

vicieux qui, aujourd’hui, nous paraît généralisé. Les plateformes numériques entraînent nos relations humaines dans le même mécanisme: on les intègre à toutes nos communications même si elles ne sont qu’artifices, que mécanismes de remplacement. Nos vies sociales ne sont qu’illusions. Pour nous, tout est devenu de la porno, ou presque.» Impossible d’y échapper, au point que, chaque fois qu’ils montent sur scène et qu’ils entrent dans un processus de médiatisation de leur travail artistique, Christian Lapointe et Nadia Ross ont l’impression de se «prostituer», de reproduire pleinement eux aussi les mécanismes de la porno­culture. «Comme artistes, on a souvent l’impression de

faire œuvre d’humanisme ou de faire du théâtre plus social, poursuit Lapointe, mais nous obéissons aussi malgré tout à ce narcissisme ambiant. C’est à cela que le spectacle tente de réfléchir en nous mettant nous-mêmes en scène. Il y a une grosse part d’autocritique.» Théâtre laboratoire, cette pièce n’est qu’une première étape d’expérimentation, précise le duo. «On jette les bases d’un projet qui pourrait devenir plus grand», ose Lapointe. y Du 9 au 11 mars au Théâtre La Chapelle


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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR

DEVIENS-TU C’QUE T’AS VOULU? Deviens-tu c’que t’as voulu? T’as-tu fait ce qu’t’aurais pu? T’as-tu fait c’que t’avais pu? As-tu fait ce qui aurait fallu? Dans la cuisine, je prends un café en écoutant un vieil album de Daniel Boucher et cette toune en particulier, à répétition, songeuse. Deviens-tu c’que t’as voulu? Cet après-midi, j’ai pris une longue marche au hasard des rues. Besoin de prendre de l’air, de fermer le cellulaire, la télé, la radio, de mettre une sourdine sur le bruit incessant que fait la vie qui passe et de flâner sans but précis dans l’hiver gris et mélancolique. Je me suis retrouvée presque par hasard sur le terrain du couvent où j’ai fait mes études secondaires. L’alma mater est sans doute le lieu de refuge que cherchait mon inconscient. Derrière le bâtiment de pierres grises que les religieuses, qui ont fait mon éducation, ont fait construire au début du 20e siècle, j’ai regardé la fenêtre du 5e étage, celle par laquelle je regardais le mont Royal en rêvant de mon existence future, à 17 ans. Je me suis demandé en fixant cette fenêtre aux volets de bois si cette jeune fille distraite, turbulente, et trop curieuse au goût de bien des enseignants serait heureuse de voir ce qu’elle était devenue. Je crois bien que oui. Quand même. Surtout que mes rêves étaient un peu flous à l’époque. J’aimais déjà lire, écrire, communiquer. J’étais rédactrice en chef du journal étudiant, je remettais tout le monde et toutes les décisions de la direction de l’école en question. Bref, j’avais pas mal d’indices sur mes intérêts, sur ce que pourrait être ma profession, mais pas d’idées hyper précises. Je suis toujours fascinée par les gens qui me disent qu’ils savaient, tout petits, ce qu’ils voulaient devenir. — Pourquoi t’es devenu comédien, Nicolas? Nicolas, que sa profession gruge d’angoisse et d’insécurité et qui songe depuis qu’il est sorti du conservatoire, il y a 15 ans, à faire autre chose tellement ce choix de carrière le mine, ne sait répondre à cette question.

— Du plus loin que je me souvienne, j’ai voulu être comédien. — Oui, mais pourquoi? — Parce que c’est ce que je voulais faire quand j’étais petit. — Oui, j’ai compris. Mais pourquoi? — Coudonc, es-tu en train de conduire une entrevue ma chère? Oui. On devient journaliste parce que l’on veut tout le temps comprendre, et il y a un truc qui me chicote avec les comédiens: ils sont à la télé, à la radio à propos de tout et de rien. On leur fait faire des recettes, on leur demande de nous raconter leur vie, leurs expériences, on fait de longues entrevues, de courtes entrevues, on les invite à des jeux-questionnaires. Bref, après les déboires du CH, les excès de notre météo capricieuse, la vie et l’œuvre de quelques visages connus occupent un espace médiatique qui me fascine par sa démesure étalée comme une confiture toute sucrée et jolie. — Parlez-moi de votre rôle dans telle ou telle télésérie, de votre rapport à tel personnage, à tel metteur en scène. Préférez-vous le théâtre ou la télévision, le cinéma? Toutes ces questions clichées rabâchées mille fois et qui font, sans doute, que beaucoup de petites filles ou de petits garçons se disent: moi, je serai cette personne à qui on posera ces questions. Pourquoi voulais-tu devenir comédien, Nicolas? — Ahhhh… tu m’énerves, ostie de journaliste. J’ai honte de le dire. Je voulais la gloire, les applaudissements, tout cela. Et, j’aime jouer. J’aime les regards braqués sur moi dans le noir quand je suis dans la lumière. J’aime sortir de moi-même, vivre des émotions que je ne vivrais pas dans la réalité.

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— Et donc, tu n’es pas vraiment devenu ce que tu as voulu? Tu fais du théâtre underground, de la mise en scène, des voix pour des publicités. Pourquoi tu fais pas autre chose? Tu ne peux qu’être déçu? Parce que voilà, ce qu’aucune entrevue dans l’immense espace consacré aux comédiens ne dit, c’est que la plupart de ceux que je croise depuis des années ne sont pas devenus ce qu’ils ont voulu. Au mieux, ils sont devenus ce qu’ils ont pu. Et ils sont le plus souvent déçus. Même ceux que vous connaissez, que vous voyez dans les téléromans et dans les magazines et dont vous idéalisez les vies ont eu des passages à vide. Pu de contrats. Pu de lumière. Dans le noir et «dans le rouge».

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Il y a ceux qui ont connu une certaine gloire et qui ont eu des contrats payants pendant de longues années qui se retrouvent devant le vertige du «plus rien». Je pense à une actrice que je croise parfois dans mon quartier. Elle a été la vedette d’un téléroman super populaire. Invitée dans les quiz, à la radio, à la télé, pour parler de son rapport au théâtre, à son personnage, à sa recette de bouilli aux légumes. Aujourd’hui, elle est massothérapeute et c’est pas facile parce que même si elle, elle a fait son deuil de son rêve de petite fille, tout le monde l’identifie encore à ce moment où elle est sortie du lot du monde ordinaire pour devenir une veudette.

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Dans ma classe, en secondaire 5, nous devions faire un exposé oral sur ce que nous voulions devenir. Il fallait choisir un métier. Une fille dans ma classe voulait marier un homme puissant et riche. Elle a réussi au-delà de toute attente. Je ne vous dirai pas c’est qui, mais je souris chaque fois que je la vois à la télévision. Mais, bon, elle a eu zéro dans l’exercice. Madame M., qui était notre enseignante de «Choix de carrière», lui a dit que ce n’était pas un métier, être la femme de quelqu’un.

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Les premières de classe voulaient devenir médecins, elles le sont toutes aujourd’hui. Celle qui était bonne en mathématiques est devenue ma comptable, ma dentiste était aussi dans ma classe. Je ne me souviens plus de ce qu’elle voulait devenir, elle. Moi, j’avais choisi le métier de poète. Madame M. a écouté mon exposé dans un état de perplexité qui me faisait très plaisir et m’a demandé si je croyais vraiment qu’être poète était un métier. Je me souviens de lui avoir dit que ce métier-là était un service essentiel. Je n’ai jamais voulu être poète, mais je voulais provoquer celle qui donnait ce cours voué à notre future utilité économique. J’ai eu une bonne note. Celle qui voulait être comédienne s’est suicidée après avoir été serveuse dans un café pendant les 10 ans qui ont suivi sa sortie de l’école de théâtre où on lui avait, pourtant, promis un avenir radieux et à la hauteur de son talent. Certains rêves d’enfants sont plus lourds à porter que d’autres. y

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DUMAS / LE COURS DES ANNÉES SUR SON NOUVEL ALBUM, DUMAS MÊLE LE PASSÉ AU PRÉSENT ET LE SINGULIER AU PLURIEL. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

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En décembre, Dumas annonçait un nouveau disque, Nos idéaux, et lançait un premier extrait pop-rock planant au thème fort: celui de la remise en question. «La chanson À l’est d’Éden, c’est le point de départ de l’album, mais aussi un point de départ du processus de ce sentiment d’être un peu perdu, de ne pas être sur son X, commente le chanteur. Tu te demandes si c’est un hasard ou une erreur que tu te sois rendu là, tu te questionnes sur tes choix dans la vie.» Nos idéaux, qui arrive trois ans après un second album éponyme, est un disque bien ancré dans des questionnements du présent que l’on tente de résoudre en regardant dans le rétroviseur. «T’as pas les mêmes idéaux à 20 ans qu’à 38 ans… C’est une exploration de qui j’étais, de ce que je suis devenu, et de l’idée d’avoir de nouveaux rêves. Quand j’avais 20 ans, je voulais vraiment faire de la musique, et quand je suis arrivé à 30 ans, j’avais accompli de belles choses. J’ai eu une trentaine un peu bizarre où je me demandais ce que je devrais faire. L’album est l’aboutissement de toute cette réflexion.»

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Les clins d’œil au passé sont nombreux sur Nos idéaux et on a même parfois des dates précises qui nous ramènent en arrière à des époques importantes de la vie et de la carrière de Dumas. La guitare acoustique et la nostalgie sont reines sur 1995 et puis sur Vertigo, chanson pop parfaite pour danser, on revient en 2003 à l’époque du disque phare du chanteur, Le cours des jours. «Dans 1995, je me remémore mes idéaux à 15 ou 16 ans, ce que j’appréhendais de la vie, commente Dumas. Pour Vertigo, je trouvais ça intéressant de revisiter cette époque spéciale, qui était comme un vertige avec le succès et la tournée.» Sobriété foisonnante D’autres titres de Nos idéaux parlent de ses proches. La touchante Le déserteur de Fort Alamo est une chanson sur son père et l’énergique Bleu clair, menée par les claviers et pour laquelle le chanteur précise une influence d’Alain Souchon, est à propos de son fils. «J’ai jamais été si personnel, confirme Dumas. Je suis dans une période sans filtre. Je suis sobre depuis un an. Depuis ce temps, on dirait

«JE SUIS SOBRE DEPUIS UN AN. ON DIRAIT QU’UN DES GROS EFFETS, C’EST QUE JE N’AI PLUS DE TOLÉRANCE POUR LA BULLSHIT, LES TRUCS FAUX.» qu’un des gros effets, c’est que je n’ai plus de tolérance pour la bullshit, les trucs faux. Ç’a eu un gros impact sur l’album, sur l’écriture. Je restais concentré et je n’avais pas le goût d’être fake.»

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Pour mener à bien cet album très personnel, mais dont les thèmes restent universels – d’ailleurs, le titre de l’album est à la première personne du pluriel, mais la chanson Mes idéaux, à la première du singulier –, Dumas a fait appel à son bon ami Jonathan Harnois, parolier et auteur. Un «ping-pong d’écriture» a été la genèse de ce nouvel album de la bête de scène derrière J’erre, Miss Ecstasy et Au gré des saisons. «Sans avoir de musique ou savoir si ça allait donner des chansons, on travaillait sur des textes ensemble. Jonathan a une super sensibilité, donc on s’est mis à creuser dans ce que je voulais dire. Il m’a fait assumer des choses. Les thèmes se sont dessinés tout seuls, instinctivement.» Côté musique, Dumas brasse les cartes pour un second disque de suite. Après avoir travaillé avec Jonathan Dauphinais et Étienne Dupuis-Cloutier pour l’album Dumas en 2014, il s’est associé cette fois-ci au talent du réalisateur Gus van Go (derrière les plus récents albums des Trois Accords) et du duo de compositeurs Likeminds (Chris Soper et Jesse Singer, qui œuvrent davantage dans le hip-hop). Les trois partagent un studio à Brooklyn, où a été enregistré Nos idéaux. «En vieillissant, je trouve ça plus intéressant de m’ouvrir et de collaborer avec d’autres gens», indique Dumas. «Au printemps passé, j’avais pas mal de chansons, mais je ne savais pas avec qui travailler. J’étais un peu perdu et je ne savais même pas si c’était encore pertinent de faire un disque aujourd’hui. Tu sais, tout ce questionnement existentiel par rapport à la création... Puis, un jour, comme ça, j’ai reçu un courriel de Gus van Go. Ça faisait longtemps qu’on voulait travailler ensemble. Il m’a dit: “On va essayer de faire une chanson, mais je tiens à ce que tu travailles avec les deux New-Yorkais qui sont dans mon studio”. On a fait Mes idéaux en une journée. Tout ça, c’est un hasard qui a vraiment clarifié les choses dans ma tête.»

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Avancer au passé Si l’expérience s’est avérée «assez spéciale», puisque le trio n’était pas vraiment familier avec les albums de Dumas, le chanteur a été très attiré par une rencontre avec l’inconnu et une collaboration musicale qui ne tiendrait pas compte du passé. L’énergie a été renouvelée, bien sûr, mais on retrouve sur Nos idéaux toutes les qualités de mélodiste qui ont fait la renommée de Dumas, en plus du mélange planant/dansant qu’on lui connaît. Les musiques, plus synthétiques que sur les albums qui ont lancé la carrière du chanteur, s’avèrent toutefois en écho avec ses albums des débuts. «Assez instinctivement, les gars ont voulu explorer avec des beatbox et des synthétiseurs vintage comme le Juno, des choses que j’avais utilisées pour Le cours des jours, mais sans qu’ils l’aient entendu. Pour cet album, j’avais aussi décidé d’assumer le côté Talking Heads, LCD Soundsystem et beatboxing qui a toujours été là dans la musique que j’aime. Tout ça était aussi très présent dans la tournée que je venais de compléter.» Cette collaboration, naturelle et instinctive, a permis à Dumas de mieux se concentrer sur la création de chansons, dit-il. Et c’est exactement ce qu’il recherchait puisque sa prochaine tournée sera en solo. La dernière tournée, Sur la piste de danse, en trio, l’a mené sur plus de 150 scènes. Cette fois-ci, il se mettra en danger seul sur scène avec ses chansons pour la première fois depuis au moins 10 ans. «J’ai vraiment un désir de revenir à la chanson. L’idée de la tournée solo – qui m’est venue à l’esprit avant même de faire l’album – vient de là. C’est de revenir à ce truc que j’aime le plus faire, donc j’ai le goût de le peaufiner. Pour moi, je le vois plus comme un nouveau départ.» «J’aime ça me donner des défis, me garder actif et créatif», poursuit celui qui, on s’en souvient, avait bravé la crise du disque il y a quelques années en sortant cinq mini-albums en un an. «Se renouveler en vieillissant et rester pertinent, c’est un grand défi à long terme. J’avais peur de tomber dans un piège, de continuer dans l’ambiance très entertainer de la tournée en trio. J’avais le goût de revenir aux tounes.» Un album fait au «nous» pour mieux s’assumer et revenir au «je», donc. Un nouveau départ, qui fait du bien à entendre, à vivre sur les planches cette année. y Nos idéaux La Tribu Sortie le 23 février


LOVÉE DANS SES DRAPS, ALA.NI ASSEMBLE LES MOTS ET AGENCE LES NOTES. LA LONDONIENNE CONÇOIT UNE POP INCLASSABLE À ASCENDANCE JAZZ, DES AIRS QUI BERCENT LES GRANDS ENFANTS, QUI S’HARMONISENT AUX LONGS BAISERS. MOTS | CATHERINE GENEST

PHOTO | ALEX JONAS


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Elle a été choriste pour Damon Albarn, tant en solo qu’avec Blur, pour Andrea Bocelli, pour Mary J. Blige. Sa feuille de route est impressionnante. C’est aux côtés de ces grandes vedettes, à 20 pieds de la gloire, que la Londonienne a parcouru le globe et a appris son métier. Cette vie de nomade était belle, le salaire était bon, mais Ala.Ni est de celles qui sont nées pour briller. Après une brève incursion dans l’industrie de la mode, escale professionnelle qu’on devine émancipatrice, la musicienne cachottière révèle enfin le contenu de ses cahiers avec un premier long-jeu: You & I. On y découvre simultanément une voix sans âge, une écriture narrative et presque théâtrale (il faut entendre Roses & Wine) à l’écart des tendances. L’auteure-compositrice-interprète allie passé et présent, prouesses techniques et non-conformisme avec une désinvolture qui rappelle presque Amy Winehouse. Sa musique ne sera jamais dans le Top 40, à moins bien sûr qu’elle ne trouve son Mark Ronson, mais il y a en elle un genre de supplément d’âme. Quelque chose d’unique, de la douceur; il émane en elle une forme de grâce. Son disque You & I a l’étoffe d’un classique même s’il reste, encore un an et demi plus tard après sa parution, un secret beaucoup trop bien gardé. Lire votre curriculum vitae m’a, en quelque sorte, rappelé le documentaire oscarisé Twenty Feet from Stardom, qui raconte la vie souvent pénible des choristes. Est-ce que ces contrats ont déjà constitué une expérience aigre-douce ou même douloureuse pour vous, à l’époque? Oh, fuck oui! Je ne peux pas tolérer de voir mon amour pour la musique se transformer en frustration… Quand ça m’arrivait, je démissionnais! Ça paraît dans mon visage quand je mens, ça paraît aussi dans mes actions, alors c’était difficile pour moi de faire un contrat seulement pour l’argent. J’ai vu le film et, bien sûr, je m’y suis reconnue. J’ai tellement vu de chanteuses qui ont essayé de percer en solo, de faire leur propre truc, mais c’est dur. […] Tout le monde ne peut pas être Beyoncé ou Adele. Ce n’est pas impossible, mais tu dois vraiment faire ta place. Quel est votre bagage académique? De 5 à 16 ans, j’ai fréquenté une école de théâtre et chanté des chansons de comédies musicales. J’ai aussi commencé à suivre des cours de chant classique quand j’avais 12 ans. Je n’ai pas de formation en jazz. J’ai davantage tendance à écouter des femmes altistes comme Joni Mitchell,

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J’AI ASSIS LES BASES DE L’ALBUM QUAND J’AI FINALEMENT ACCEPTÉ QUE J’ÉTAIS UNE FEMME NOIRE À DREADLOCKS QUI SONNE UN PEU COMME JUDY GARLAND.

PHOTO | JEAN-BAPTISTE MONDINO


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Vos arrangements musicaux sont très simples, dans le bon sens du terme, on pourrait presque les qualifier de minimalistes. Est-ce que vos concerts à Québec et à Montréal seront en phase avec l’album? C’est le premier disque que j’ai produit, donc j’ai dû garder ça simple. Quand j’ai commencé l’enregistrement, j’ai fait appel à un quatuor à cordes, une contrebasse, un piano, mais c’était un vrai casse-tête. Je n’avais plus de place pour mes backs vocals et je sentais que je perdais le contrôle sur mes propres compositions. J’ai donc choisi un autre instrument, un instrument plus facile à manier: la guitare. Il y a aussi d’autres sons: du steel drum, un lamellophone Hohner, de l’orgue, des percussions jouées dans un bain, et tout ça est très subtil. La plupart du temps, je joue seulement avec mon guitariste. Ce sera le cas lors de mes shows au Canada. Comment se construisent et se créent vos chansons? Est-ce que c’est la mélodie vocale qui sort en premier? Ou est-ce les mots?

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Roberta Flack, Karen Carpenter ou Dusty. L’autre jour, j’écoutais Olivia Newton-John et ça m’a rappelé à quel point j’aimais Grease quand j’étais petite. Récemment, c’est en chantant sur Hopelessly Devoted que j’ai réalisé que ma voix se mêlait vraiment bien à la sienne. Elle a clairement influencé ma façon de chanter. «Intemporel» est le premier adjectif qui me vient en tête en pensant à votre musique. Était-ce votre ligne directrice au moment de créer votre disque You & I, un genre de direction artistique? J’ai assis les bases de l’album quand j’ai finalement accepté que j’étais une femme noire à dreadlocks qui sonne un peu comme Judy Garland. J’ai exploré tant de styles et de timbres de voix, mais c’est cette façon de chanter et d’écrire qui est la plus naturelle pour moi. Après m’être avoué ça, les chansons ont mis environ trois mois à débouler. J’ai enregistré mes démos sur mon iPad en version a cappella et, après, j’ai couché tout ça sur des partitions. J’ai même songé à conserver le micro du iPad lorsqu’est venu le temps d’entrer en studio. J’aime son aspect lo-fi. À la place, j’ai trouvé le parfait micro en Allemagne, un RCA Ribbon. C’est une histoire en soi. J’ai rencontré son propriétaire complètement par hasard sur une plage de Grenade. Je venais juste d’écrire Cherry Blossom sous une couverture de duvet à trois heures du matin…

Ça change chaque fois. Ça m’arrive d’écrire un poème en premier. Ou alors j’improvise des sons de voyelles et de syllabes et après je m’octroie la tâche de remplir ça avec des vrais mots. Au moment où je suis en train de te répondre, je suis entourée de mes feuilles, je travaille beaucoup à partir de mon lit. […] La chanson que j’ai écrite plus tôt aujourd’hui est née de quatre impros que j’ai enregistrées moimême, question de voir où ça s’en allait. Ensuite, je me suis inspirée d’anecdotes récentes pour écrire le texte et ça m’a pris moins d’une demi-heure pour mettre tout ça ensemble… Mais ce n’est pas toujours aussi facile! J’ai été chanceuse aujourd’hui. Ça peut prendre des années avant qu’une chanson soit complète. y Jeudi 22 février à 20h au Gesù (Dans le cadre de Montréal en lumière)


«LA QUESTION NE SERAIT PLUS DE SAVOIR SI LES OUTILS EN LIGNE DES MÉDIAS SOCIAUX VONT REDÉFINIR LES PRATIQUES ARTISTIQUES, MAIS PLUTÔT COMMENT ILS VONT Y PARVENIR.»


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CORPS RÉELS OU VIRTUELS QUEL AVENIR POUR LES ARTS VIVANTS? ON PEUT AUJOURD’HUI VISIONNER UN SPECTACLE DU BALLET DU BOLCHOÏ AU CINÉMA, ÉCOUTER L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN DEPUIS NOTRE SALON, OU MÊME VIVRE UNE REPRÉSENTATION EN RÉALITÉ VIRTUELLE DU CIRQUE DU SOLEIL À L’AIDE D’UN CASQUE OCULUS RIFT. SOMMES-NOUS EN TRAIN D’ASSISTER À LA DÉMATÉRIALISATION DU SPECTACLE VIVANT? MOTS | ALESSANDRA RIGANO

Le numérique est un vaste territoire de concepts, un mot parfois «galvaudé», comme le mentionne Hugues Sweeney, producteur exécutif de l’Office national du film (ONF). Pour les diffuseurs en arts vivants et les créateurs, le numérique offre de nouveaux outils de diffusion et de communication sur le web, de nouvelles méthodes et des techniques de création. Ces technologies ont permis l’émergence de nouvelles disciplines comme les réalités augmentée et virtuelle qui plongent le spectateur dans un monde d’immersion. Alors que certains diffuseurs sont emballés par les possibilités de rayonnement des arts que permettent ces technologies et par la perspective de nouvelles collaborations entre artistes, disciplines et territoires, d’autres au contraire craignent les effets secondaires de cette nouvelle ère. Le coût de l’innovation Est-ce que l’augmentation de l’offre de spectacles en ligne pourrait avoir une incidence néfaste sur les revenus de billetterie? Si on se penche sur l’exemple du diffuseur de musique torontois qui a lancé sa série de concerts Live at Massey Hall en 2014, ce ne serait pas le cas. Si on se fie au Conseil québécois du théâtre, au Québec, à la même époque, on notait le meilleur taux d’occupation de salle depuis l’année 2011. Néanmoins, ces nouveaux modes de rediffusion et l’accessibilité de spectacles en ligne inquiètent certains diffuseurs, notamment en

PHOTO | LEVI DAMASCENO

région. C’est le cas d’Amélie Cordeau, directrice générale du Rift, un diffuseur en Abitibi-Témiscamingue qui fait office de galerie d’art, de cinéma et de salle de spectacles. Bien qu’optimiste, Mme Cordeau anticipe la diminution potentielle des tournées. «Les spectacles à grand déploiement seront peut-être accessibles aux gens des régions qui ne peuvent pas se déplacer, mais la ligne est mince entre un spectacle à grand déploiement et des artistes qui ne voudront plus se déplacer. […] En région, la culture apporte tout un levier économique. Si les artistes ne se déplacent plus, c’est toute une région qui en souffre. À la salle de Ville-Marie, s’il n’y a pas de spectacles, les restaurants ne sont pas pleins et les gens se déplacent moins sur le territoire.» D’un côté, on investit pour innover technologiquement, de l’autre, on a parfois du mal à permettre à ces projets d’évoluer sur une grande échelle au Québec. Avec des ressources humaines et techniques limitées, les diffuseurs peinent souvent à suivre le rythme des avancées numériques, autant pour accompagner les artistes avec des outils de création technologique que pour joindre les communautés en ligne. «C’est toujours un combat pour nous, je le vois comme un défi constant de rester à jour. Au moment où on commence à se dire qu’on a bien amorcé le virage du web, on a l’impression d’être déjà ailleurs», explique Christine Curnillon, codirectrice générale et directrice des communi-

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cations et du marketing de l’Usine C à Montréal. Cependant, les arts vivants ont peut-être l’avantage d’avancer à un rythme qui leur est propre. «On le sait que le temps de la scène n’est pas le même que celui du marketing. Le théâtre, c’est beaucoup un rituel de communauté.» Le nouveau rôle du spectateur Une communauté où le public et le spectateur se retrouvent de plus en plus au cœur du processus créatif. L’internet et les médias sociaux permettent d’ailleurs aux créateurs d’impliquer leur public avant même qu’il soit en salle. L’œuvre Delete, présentée en collaboration avec Youtheatre et la firme créative Iregular en 2016, est un bel exemple. L’expérience des jeunes visiteurs pour chaque groupe convié à l’exposition interactive à la galerie Eastern Bloc était personnalisée grâce à des données collectées auprès d’eux via le web. Ainsi, la question ne serait plus de savoir si les outils en ligne des médias sociaux vont redéfinir les pratiques artistiques, mais plutôt comment ils vont y parvenir. Christine Curnillon abonde en ce sens: «Nécessairement, tout renouvellement de l’expérience proposée au spectateur transforme la création. Cela va dans les deux sens. Chaque fois qu’un nouvel outil apparaît, l’ensemble du processus est transformé. Cela ne va pas pour autant générer que des expériences dématérialisées. […] Je pense effectivement que l’interactivité est au cœur de toutes les discussions actuellement dans les expériences. C’est-à-dire: jusqu’où veut-on pousser cette interactivité et intégrer le spectateur au sein du processus créatif? […] On parle quand même toujours d’un rapport entre un créateur et un spectateur et de l’un qui parle à l’autre. La façon de parler va changer, mais elle a toujours changé…»

Repenser les moyens et les outils de création et de diffusion est essentiel. Par ailleurs, le danger serait de tomber dans une nécessité technologique, souligne Hugues Sweeney. Pour celui qui pilote de nombreux projets primés en documentaire interactif de l’ONF et qui siège à la vice-présidence de la commission numérique de Culture Montréal, le rôle du public est une question qui se pose à chaque début de projet, parce que tout n’a pas besoin d’être interactif ou participatif. «Je ne pense pas que les gens s’attendent à ce que les nouvelles technologies soient à tout prix intégrées aux pratiques du théâtre vivant. Par contre, les nouvelles technologies amènent d’autres facettes pour raconter des histoires. C’est là que ça devient intéressant…» À l’instar de la radio qui vit aujourd’hui une deuxième jeunesse grâce à la popularité des podcasts, la dématérialisation du spectacle vivant n’est peutêtre pas à craindre. Pour le producteur, «chaque révolution est une opportunité», une occasion pour les artistes de «se réapproprier des outils». Sous le signe de la collaboration Afin de transformer un problème en solution, les partenariats et les collaborations sont des termes récurrents dans le discours des diffuseurs et des créateurs. Le programme Scènes ouvertes, développé par la Société des arts technologiques, en est un excellent exemple. Après 10 ans de recherche, la SAT a développé une technologie qui permet de créer et de diffuser des projets en téléprésence scénique. L’idée? C’est d’avoir des salles munies du même équipement afin de connecter des publics ensemble, dans les salles du Québec et éventuellement à l’international. Autrement dit, cette technologie permet à des artistes de cocréer en temps réel et au public de se trouver dans des villes différentes pour vivre une expérience collective. Depuis un an, la SAT a installé cette technologie dans 20 salles avec l’aide financière octroyée dans le cadre du Plan culturel numérique du Québec. Le problème qui existe encore à ce jour, c’est le réseau à trop faible débit dans les villes situées hors des grands centres du Québec et qui empêche la technologie d’être exploitée. Malgré l’innovation technologique et les nouveaux moyens qu’apporte le numérique pour joindre les auditoires et les mettre en relation, il y a encore «énormément de travail à faire» pour favoriser la visibilité et le rayonnement des artistes locaux, rappelle Hugues Sweeney. Reste à voir comment le numérique sera mis à profit pour devenir un levier de notre créativité. La question des enjeux du numérique et de la diffusion sera discutée en détail lors du Forum Rideau qui se tiendra le 12 février au Centre des congrès de Québec, notamment lors de l’atelier Expérience scènes ouvertes et lors de la présentation du rapport sur la captation et la diffusion des arts de la scène. y

LIVE AT THE MASSEY HALL

Pour plus d’informations: rideau-inc.qc.ca


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À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL

GALAXIE SUPER LYNX DELUXE

(Lazy At Work) HHHH

Toujours mené de front par Olivier Langevin, Galaxie revient à la charge avec un troisième opus – depuis le retrait du «500» dans son nom – où le rock se mélange à des saveurs industrielles et où synthétiseurs et guitares distortionnées se combinent en des timbres âcres et décapants. La bande a visiblement ajouté une certaine époque des Beastie Boys à sa liste d’influences, certains titres (Phénoménal, tout particulièrement) semblant tout droit tirés de Check Your Head, mais revus à la sauce québ’. Sinon, sur le plan des textes, Langevin poursuit dans la lancée amorcée avec les opus précédents en utilisant les mots comme des sons plutôt que cherchant à les assembler pour créer des phrases songées. De toute façon, ici, place à la musique plutôt qu’aux textes recherchés: Galaxie, c’est du dance-rock, pas du folk. Sans réinventer le style ou la roue, la formation cimente ici son esthétique sans faire de compromis. Qu’on aime ou pas, chose certaine: ça rentre au poste. (A. Bordeleau)

LIOR SHOOV LIOR SHOOV

NILS FRAHM ALL MELODY

(Musique sauvage) HHH

(Erased Tape Records) HHHH

Armée de son ukulélé et de son kalimba, l’Israélienne – Française d’adoption – Lior Shoov s’amuse avec les sons et les mots. Jouant de son corps comme d’un instrument et improvisant son folk au rythme de ses explorations nomades, et rencontres avec l’autre, la multiinstrumentiste invite le mélomane dans son univers minimaliste (parfois simpliste), mais ô combien tourné vers le monde. Si on lui trouve des airs de Regina Spektor (Take Me, Changing with the Season), voire Fiona Apple (A Call for Light, Walk in the Night), elle demeure un phénomène singulier, à la frontière de la musique et de l’expression corporelle. Des paroles en français, en anglais et en hébreu se marient aisément pour révéler cette artiste lumineuse au passé de clown, sauvage et poétique, qui scande «I don’t want no fame/Just want to light my flame/Unravel who I am/Be taken on a ride». (J. Ledoux)

Star du néo-classique qui a fait sa renommée en piano classique et en explorations électroniques, Nils Frahm est un créateur d’exception qui nous livre un nouvel album à l’énergie émouvante, brumeuse et parfois céleste lorsqu’apparaît un chœur à quelques occasions. All Melody est construit autour de la pièce magnifique du même titre qu’il joue sur scène depuis quelques années et qui, placée en milieu de disque, donne un second souffle plus énergique à l’œuvre. Le long crescendo captivant et haletant de #2 fait écho à l’énergie de Says, pièce marquante du catalogue de Nils Frahm et moment époustouflant en concert ces dernières années. Mariant ses jeux habiles de synthés – souvent construits sur mesure – et de boîte à rythmes à des instruments à vent ou à cordes, l’artiste renfloue son coffre de nouvelles énergies et d’une créativité qu’on ne peut qu’admirer. (V. Thérien)

VANTABLACK WARSHIP ABRASIVE PULMONIC SPEAK (Indépendant) HHHH Lorsqu’on a découvert le quatuor par le biais de son premier EP homonyme en 2015, on ne pouvait ignorer le passé musical des musiciens (anciens membres d’Arseniq 33, Ghoulunatics, Brutal Chérie et Foreshadow, entre autres). Sur Abrasive Pulmonic Speak, les influences des musiciens sont devenues un son cohésif qui mélange le thrash, le hardcore et le punk de façon dynamique et percutante. Les huit compositions, qui ne s’éternisent jamais en longueur et qui s’incrustent dans notre mémoire à la première écoute, sont couronnées par la voix grinçante de Yannick Pilon (Arseniq 33). Le côté abrasif de Vantablack Warship se retrouve aussi dans les textes irrévérencieux de chansons telles qu’Another Death Rockstar, Kill the Kid et Black Tongue Bertha. (C. Fortier)

SIMONE PRATTICO BROOKLYN SESSIONS (That’s It) HHH 1/2 Le batteur italien Simone Prattico est un musicien créatif et très éclectique que l’on a vu, notamment, avec Piers Faccini. Élève de Ron Carter, Brandi Disterheft, la fée canadienne de la contrebasse, a encore bien du mordant. Quant au pianiste allemand Klaus Mueller, il s’impose comme la révélation de ce nouveau trio enregistré de manière impromptue à New York, autant comme compositeur que comme soliste principal. Passant de la tendresse (Cycles, toute douce) au panache (On Green Dolphin Street, époustouflante), par une transition musclée (Double Blues), cet album semble allier par alternance le jazz européen au courant post-bop américain. Et, comme de fait, il s’écoute très bien, c’està-dire sans effort et sans complaisance. Pour un coup d’essai, c’est un joli coup. (R. Boncy)


DISQUES 31 VOIR MTL

VICKY CHOW SONATRA

DUO JATEKOK LES BOYS

(Cantaloupe/Naxos) HHHH

(Alpha/Naxos) HHHH

Il semble que la pianiste canadienne Vicky Chow soit partout ces derniers temps: après un disque d’œuvres de Steve Reich et un autre de musiques de Tristan Perich, voici qu’elle nous offre Sonatra, une œuvre de Michael Gordon, l’un des fondateurs de l’ensemble Bang on a Can, dont elle est membre. C’est, dit-elle, de loin la pièce la plus difficile sur laquelle elle a travaillé; 15 minutes d’enfilades d’arpèges qui montent et descendent sans arrêt, jusqu’à se transformer en glissandi. C’est étourdissant, surtout dans la deuxième version, jouée en intonation juste, ce qui donne déjà le tournis! Ça sonne comme du Conlon Nancarrow bionique et on rêve de la voir jouer ça en concert. (R. Beaucage)

«Les Boys», c’est le célèbre duo de pianistes américains Gold & Fizdale, et Jatekok, c’est un duo français formé de Naïri Badal et d’Adélaïde Panaget, qui rendent ici hommage à ces messieurs. Les deux amies d’enfance jouent souvent à quatre mains, mais c’est sur deux pianos qu’elles reprennent les pièces que Poulenc avait dédiées à Gold & Fizdale, dont Élégie (à jouer «comme une improvisation, un cigare aux lèvres et un verre de cognac sur le piano»), les Points on Jazz for Two Pianos de Dave Brubeck, et, surtout, les Trois pièces pour deux pianos de Baptiste Trotignon. Un programme superbe, joué avec un plaisir palpable. Au-delà de la virtuosité, les «girls» ont du fun, et ça fait du bien à entendre. (R. Beaucage)

MILK & BONE DECEPTION BAY (Bonsound) HHH 1/2 Il y a plus de lumière qu’on pourrait le croire sur cette Deception Bay, petit golfe du Nord québécois qui sert ici de trame de fond à la poésie mélancolique de Milk & Bone. Plus rayonnant que son prédécesseur Little Mourning paru en 2015, ce deuxième album du duo montréalais reste dans sa zone électropop de prédilection, tout en flirtant remarquablement avec le R&B alternatif (THE FLOOD, élaborée par le talentueux Max-Antoine Gendron), la ballade (Tmrw, rehaussée par le maître pianiste Chilly Gonzales) et le future garage (Faded, orchestrée avec finesse par CRi). Encore une fois soutenues par leur fidèle collaborateur Gabriel Gagnon, les chanteuses et multi-instrumentistes Laurence Lafond-Beaulne et Camille Poliquin marient leurs voix avec une sensibilité naturelle et chaleureuse, qui fait contraste avec les textures froides et les arrangements électroniques de leurs compositions. Mis à part quelques sonorités remâchées, visiblement datées du début de la décennie, le duo témoigne ici d’une honorable évolution. (O. Boisvert-Magnen)

ANBA TONÈL BELLEGARDE (Indépendant) HHH Né à Montréal mais fasciné depuis toujours par la culture créole en raison de son origine familiale, le percussionniste Daniel Bellegarde nous livre ici le vieux projet dont il a longtemps rêvé. Les quadrilles et les contredanses jouées sans artifice nous ramènent dans la Caraïbe du temps des colonies (Martinique, Guadeloupe, la Dominique, Haïti) où l’on a vu jadis, dans l’univers rural, cette fusion improbable des traditions africaines et européennes. La voix délurée de Marco Jeanty fait merveille, notamment dans le chant vaudou Kafou Tengendeng, ce rara païen qui ouvre le bal. Puis, avec une manouba en guise de basse, un authentique violoneux québécois (David Boulanger), un banjo que se partagent l’ami maghrébin Hassan El Hady et l’expert troubadour Toto Laraque, ça sent bon la fête champêtre. Mais on effleure aussi la musique urbaine de Nemours Jean-Baptiste et du Jazz des Jeunes. Pourquoi pas? (R. Boncy)

VO3 #O2

O2 / 2O18

RHYE BLOOD

(Last Gang Records) HHH

En 2013, Woman avait révélé Rhye au grand jour. Sa recette gagnante – de la pop soul intimiste dans la veine de Sade amplifiée par la voix de contralto fascinante de Mike Milosh – est de retour ici en version augmentée. La section rythmique est forte, comme toujours, et les claviers et les guitares sont jumelés à des instruments à cordes et parfois à vent, ajoutant de la classe et de l’émotion à quelques titres. Le groupe touche à plusieurs cibles: l’énergie est surtout atmosphérique, sensuelle, lumineuse, et les extraits Taste et Count to Five s’avèrent plus énergiques. Sans être linéaire, le disque manque toutefois d’un certain je-nesais-quoi. Belle continuation et certainement réussi, ce Blood, mais on aurait souhaité quelque chose de plus éclaté. (V. Thérien)


32 CHRONIQUE VOIR MTL

VO3 #O2

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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

ICI MONIQUE MUSIQUE Il m’arrive de me réveiller avant le soleil qui, lui, dort assurément trop longtemps à cette époque de l’année. Le plus souvent, j’émerge vers 4 heures. Quand l’espoir d’une nuit complète s’évanouit, quand le sommeil a tout de même fait à peu près son boulot, et pour ne pas laisser mes neurones partir en vrille et que je me mette à refaire le monde en pyjama, j’écoute la radio. Discrètement, pour ne pas réveiller l’amoureuse, un tout petit écouteur glissé au creux de l’oreille, je me branche sur une appli formidable, TuneIn. Et hop! me voilà partie pour un tour.

Pas plus que les 17 radios de l’Azerbaïdjan. Écouter cependant Whitney Houston sur la radio Retro 895 de Reykjavik peut être assez tripatif. Rouler sur la 20 en pleine tempête en écoutant la radio thaïlandaise aussi… En un clic, on peut même enregistrer ce qu’on écoute ou reculer pour être bien certain d’avoir capté correctement le propos. La Rolls-Royce des applis, je vous dis.

Peut-être qu’avant d’aller plus loin dans la rédaction de mon récit devrais-je, comme Cindy la youtubeuse qui a publié une vidéo d’un gonflage de lèvres en échange... d’un gonflage de lèvres gratis, négocier un partenariat avec le gestionnaire de l’appli et ainsi obtenir pour cette chronique un cachet conséquent, sonnant et trébuchant. Ou mieux, l’utilisation d’une voiture aux couleurs de TuneIn contre des photos de moi faisant le plein dudit char. Vous aurez compris que je ne suis pas commanditée par l’appli TuneIn qui, de toute façon, est gratuite dans sa version de base, même si j’ai opté pour la version pro payante et donc sans pub, vu l’utilisation boulimique que j’en fais et mon aversion chronique des pubs à la radio.

Le plus souvent, au milieu de la nuit, alors que nos radios locales diffusent de la musique en continu ou des tribunes téléphoniques post-défaites du Canadien, je choisis, dites-moi que ça vous étonne, la radio publique, celle qui cause, la BBC et RadioFrance, particulièrement France Culture. La grande table, Les pieds sur terre, Les chemins de la philosophie. J’aime me faire bercer par des voix jolies qui finiront bien par leurs ronrons à m’endormir. La première fois que nous nous sommes rencontrés, Les chemins de la philosophie et moi, il était précisément 4 heures. L’animatrice Adèle Van Reeth, qui connaît visiblement son sujet, proposait le premier de quatre épisodes d’une heure autour du thème Qui a tué Socrate? À cet instant, je me suis dit là que notre relation ne durerait pas, ou plutôt si, qu’elle durerait longtemps en remplissant assurément sa soporifique mission. Eh bien non!!! Je ne me suis jamais rendormie.

100 000 stations de radio!!! J’ai accès à 100 000 stations de radio dans mon téléphone à 4 heures du matin, à des millions d’émissions et de podcasts. Il faut d’abord choisir son genre, musique, actualités, sports, mais ça, ce n’est pas mon truc, ou alors choisir une langue ou un pays. Cette opulence est vertigineuse. Je vous accorde que je n’écoute jamais la radio en azéri, ni les émissions-débats en gujarati, ni les émissions d’humour en ouzbek.

Et depuis, toutes les nuits à 4 heures, me v’là réveillée pour connaître la suite. L’histoire de Socrate, mais aussi celle racontée dans Sartre, L’être et le néant… en quatre épisodes. Je sais que je peux les écouter en rattrapage, en podcast, mais ce que je veux, c’est du vrai, du cru, du direct, une messe, quoi. Je veux être là, pas toute seule, mais avec d’autres qui écoutent la même chose que moi en même temps que moi.

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33

Nous avons atteint un sommet, Les chemins de la philosophie et moi, grâce à la série La chanson populaire (Claude François, l’art de la simplicité; David Bowie, mourir sur scène; Chanter pour crier l’injustice; et Julien Doré, vous et lui). Invitée à l’émission, Jeanne Proust, prof de littérature et de philosophie à l’Université de New York et auteure de Sentiment d’injustice et chanson populaire, cite son homonyme, Marcel Proust (l’histoire ne dit pas s’il existe un lien de parenté entre eux). Cet écrivain qui, depuis un siècle, nous fait chercher le temps perdu qu’on ne trouve jamais, avait donc une opinion sur la chanson populaire. «Détestez la mauvaise musique, ne la méprisez pas. Comme on la joue, la chante bien plus, bien plus passionnément que la bonne, bien plus qu’elle s’est peu à peu remplie du rêve et des larmes des hommes. Qu’elle vous soit par là vénérable. Sa place, nulle dans l’histoire de l’art, est immense dans l’histoire sentimentale des sociétés. Le respect, je ne dis pas l’amour, de la mauvaise musique n’est pas seulement une forme de ce qu’on pour-

J’AIME ME FAIRE BERCER PAR DES VOIX JOLIES QUI FINIRONT BIEN PAR LEURS RONRONS À M’ENDORMIR. rait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c’est encore la conscience de l’importance du rôle social de la musique. Combien de mélodies, de nul prix aux yeux d’un artiste, sont au nombre des confidents élus par la foule des jeunes gens romanesques et des amoureuses… Un cahier de mauvaises romances, usé pour avoir trop servi, doit nous toucher comme un cimetière ou comme un village. Qu’importe que les maisons n’aient pas de style, que les tombes disparaissent sous les inscriptions et les ornements de mauvais goût. De cette poussière peut s’envoler, devant une imagination assez sympathique et respectueuse pour taire un moment ses dédains esthétiques, la nuée des âmes tenant au bec le rêve encore vert qui leur faisait pressentir l’autre monde, et jouir ou pleurer dans celui-ci.» – Marcel Proust, Les plaisirs et les jours, chapitre 13, juin 1896 J’ai fermé mon appli, secoué mon oreiller, me suis levée. J’ai entrouvert la fenêtre, respiré un bon coup, me suis remise au lit – il devait être 5 heures et demie. Je me suis rendormie enfin rassurée… de ne pas avoir tout compris. C’est pour ça que je continuerai à parler de chansons, dimanche dans mon émission. y



CINÉMA 35 VOIR MTL

VO3 #O2

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POUR VIVRE ICI: D’ESPOIR ET DE LUMIÈRE BERNARD ÉMOND ET ÉLISE GUILBAULT RENOUENT POUR UN QUATRIÈME FILM EN 16 ANS AVEC LE TRIPTYQUE HIVERNAL ET LUMINEUX POUR VIVRE ICI. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

«Y’a juste ta mère qui connaît mieux ton visage que moi», lance le réalisateur à sa muse comédienne. «Ben, tu commences à prendre de l’avance!» rétorque-t-elle. En entrevue, le duo de créateurs navigue entre rigolades et réflexions, fruits d’une longue amitié. S’ils ont une vague impression de parler le même langage après toutes ces années de collaboration, Bernard Émond affirme que désormais, sur le plateau, les mots ne sont parfois pas nécessaires. «Je n’ai plus l’impression de diriger Élise. J’ai l’impression d’avoir une conversation avec elle. Ce qu’on appelle les notes entre les prises, ça se réduit au minimum. Un regard dit tout. Elle va me regarder et je me dis: “C’est bon, elle veut une autre prise.” Et c’est la même chose avec l’équipe parce qu’on travaille avec les mêmes personnes depuis longtemps.» Le cinéaste québécois a écrit pour la comédienne le personnage de Monique, une femme endeuillée résidant à Baie-Comeau qui part visiter ses enfants à Montréal, puis se rend dans sa ville natale en Ontario. Nous voici donc devant un triptyque qui mène ultimement vers la lumière, «quelque chose comme la perte, le désarroi et l’espoir», précise Bernard Émond. «Très souvent, le lieu où va se passer l’histoire précède celle-ci, dit-il. J’aime Baie-Comeau depuis longtemps. J’y ai des amis que je vais souvent visiter. J’avais envie d’écrire une histoire là, une histoire d’hiver.»

Le tournage l’an dernier a débuté par une frisquette journée à -38 degrés ressentis, mais Élise Guilbault assure que le tout a été «un 30 jours de pur bonheur». Elle a d’ailleurs trouvé, en ce tournage heureux dans des conditions difficiles, écho dans l’épreuve que traverse son personnage à l’écran. «Quand on a froid dehors comme ça – j’ai dû ressentir ce que mon père, qui était ouvrier, ressentait, une espèce d’accomplissement –, on doit avancer non pas contre le froid mais avec le froid. Le soir, on rentrait avec un picotement, le nez et les doigts gelés. Mais on ne rouspétait pas, on était là-dedans ensemble. L’équipe a, en quelque sorte, emprunté le chemin que Monique devait emprunter. On était tous dans une marche vers quelque chose de très calme, de grand respect pour le deuil de cette femme et cette nature qui imposait ses épreuves et ses grâces.» Le voyage intérieur de Monique l’amène à rebrousser chemin, à revisiter des lieux qui l’ont menée là où elle s’est rendue. «Je le vois comme de l’accomplissement, de confirmer les choix qu’on a faits, explique la comédienne. D’abord, on part avec un deuil, mais ce voyage-là mène à une sorte de tranquillité, de paix intérieure. C’est ce qu’il faut se souhaiter: de penser qu’on a bien fait pour nous et nos proches et qu’on a rempli notre devoir, qu’on a accompli les choses dont on est fier.» «Ce que le film dit, c’est: oui, on perd – chaque existence

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PHOTO | LES FILMS SÉVILLE

est une suite de pertes et on finit tous par mourir et perdre les nôtres –, mais au bout du compte, y’a des choses qui se poursuivent et qui se transmettent et la beauté du monde est toujours là», ajoute Bernard Émond. Si les influences littéraires (Stachura, Tchekhov) étaient bien présentes dans ses films récents, c’est un film japonais qui l’a mené à Pour vivre ici. Bernard Émond a puisé son inspiration dans Tokyo Story, qui raconte l’histoire d’un vieux couple de campagnards qui visite ses enfants à Tokyo. «Évidemment, les enfants ont d’autres choses à faire que de s’occuper des parents, indique le réalisateur. Mon film n’est pas du tout une copie de ça, mais y a une sorte d’inspiration semblable. L’idée, c’est celle de la rupture entre les générations, rupture qui n’est pas complète parce qu’il y a une personne étrangère à la famille avec qui se fait le lien. Je pense aussi au vieillissement, à ce que ça signifie. Et toute l’idée de la transmission, qui est devenue si difficile dans le monde dans lequel on vit.»

À Montréal, Monique retrouve son fils et sa fille, mais l’une est enfouie dans la superficialité et l’autre est divorcé. Il a deux enfants, deux maisons, une grosse voiture et il travaille trop. Oui, il y’a ici un commentaire sur le capitalisme, mais c’est en filigrane. «Y a pas de dénonciation, c’est pas un film coup-de-poing ou militant, assure le cinéaste. C’est un film qui constate qu’il y a des vies qui n’ont aucun sens.» Monique tisse toutefois des liens forts avec la femme de son fils et avec une jeune femme au grand cœur qu’elle a connue à Baie-Comeau et qui habite maintenant Montréal. En Ontario, dans la ville qui l’a vue grandir, elle voit ses repères décimés (l’église et la ferme familiale n’existent plus), mais y retrouve une chaleureuse amie. Ultimement, s’il y a un sentiment de perte de transmission et de repères culturels ou religieux, l’espoir demeure. «On m’accuse souvent d’être nostalgique et je l’assume, dit Bernard Émond. Je pense qu’on a perdu des choses importantes et qu’il faut le dire. Mais tout n’est évidemment pas mauvais dans ce qu’on a gagné! Je n’ai pas la nostalgie des familles de 15 enfants et du pouvoir de monsieur le curé, mais j’ai la nostalgie d’un monde où les liens familiaux et les responsabilités sociales étaient plus serrés, où l’argent menait moins le monde, où le commerce n’avait pas tout envahi, où tout n’était pas devenu marchandise. Et c’est un peu ça que le film exprime, mais ça débouche quand même sur un constat d’espoir parce qu’il reste un véritable lien humain dans ce film. Oui, on a perdu des choses, mais comment peut-on faire pour garder les liens humains, la solidarité, le sens de la responsabilité? C’est souhaitable et c’est possible!» y En ouverture des Rendez-vous du cinéma québécois le 21 février En salle le 23 février


SOPHIE LORAIN


CINÉMA 39 VOIR MTL

VO3 #O2

Chronique légère mais très pertinente sur l’éveil sexuel d’une adolescente en pleine quête identitaire, Charlotte a du fun s’intéresse aux relations remuantes qu’entretiennent les jeunes hommes et les jeunes femmes à une période déterminante de leur vie. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Initialement intitulée De l’amour pour Noël et ensuite Salope dans le bon sens du terme, un titre «qui a fait freaker ben raide la distribution», cette comédie réalisée par Sophie Lorain porte d’abord et avant tout sur l’amitié et l’acceptation de soi. En peine d’amour, après que son chum lui a avoué qu’il était homosexuel, Charlotte (Marguerite Bouchard, pétillante à l’écran) se change les idées aux côtés de ses deux amis de longue date Mégane (Romane Denis, vive) et Aube (Rose Adam, contenue) en travaillant au Jouets dépôt, magasin de jouets qui engage à profusion avant le temps des fêtes et qui, peu à peu, devient un terreau propice aux nouvelles rencontres et au flirt. Désinvolte, l’adolescente de 17 ans enchaîne les histoires d’un soir avec ses collègues masculins, sans réaliser l’ampleur du sentiment de culpabilité que ce libertinage provoquera en elle.

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O2 / 2O18


MARGUERITE BOUCHARD

Finaliste

DONNE À VOIR

2016-2017 /

Prix de la

critique de

l’Association

de theatre / meilleur

spectacle.

TEXTE & MISE EN SCÈNE

sylvie moreau 1 F AR ÉVR M IE R 1 7

2

(AQCT)

( pastiche, collage et fabulations)

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«CE QUI M’A INTERPELLÉE, C’EST SURTOUT L’ASPECT ULTRA FÉMININ DU RÉCIT.»

Ponctué de moments cocasses et de dialogues colorés, le scénario de Catherine Léger a tout de suite soulevé l’intérêt de Lorain. «Quand Catherine m’a appelée pour que je lise son film, elle voulait le présenter devant les institutions, mais il était plutôt difficile à faire passer. Les gens se demandaient avec raison si ça n’allait pas trop choquer le public de voir cette jeune fille agir de la sorte, un peu sans foi ni loi», explique la réalisatrice, qui avait déjà travaillé avec l’écrivaine sur le scénario de La petite reine (2014). «Ce qui m’a interpellée, c’est surtout l’aspect ultra féminin du récit. C’était de constater que ce qu’on reconnaît comme une pulsion sexuelle ou hormonale chez les garçons, on a de la misère à le reconnaître chez les filles. Souvent, elles n’ont même pas besoin de l’extérieur pour se sentir coupables, car elles se jugent ou se punissent elles-mêmes. C’est d’autant plus triste.» En trame de fond, une vidéo d’archive de Maria Callas interprétant L’amour est un oiseau rebelle, aria du premier acte de l’opéra Carmen de Bizet datant de 1875, vient appuyer le discours de la réalisatrice. «L’amour est enfant de bohème/Il n’a jamais, jamais, connu de loi», y chante la New-Yorkaise décédée en 1977. «C’est surtout pour dire que la nature humaine est faite d’impulsions, de paradoxes, de désirs et d’envies. Si on ne se permet pas de vivre ces émotions à cet âge-là, quand est-ce qu’on va les vivre?» demande Sophie Lorain, à juste titre. Le réalisme avant tout Au-delà du propos qu’il sous-tend, le film dépeint avec mordant le quotidien d’une bande de jeunes laissés à eux-mêmes, aux bons soins de leurs contradictions et de leurs émotions. Tout parent ou toute figure d’autorité ont été volontairement évacués de la trame narrative, ce qui permet au spectateur d’être totalement immergé dans

un monde où cohabitent les histoires de cœur sinueuses, les partys de sous-sol, les virées alcoolisées au parc, les snacks au casse-croûte du coin et les discussions franches (et très divertissantes) dans la salle d’employés. Réaliste, le scénario a plu instantanément à Marguerite Bouchard, qui tient ici son premier grand rôle au cinéma. «C’est très naturel, y a pas de tabous. Tu vas nous voir boire et fumer, et c’est pas la fin du monde, c’est juste normal. À mon avis, ça aurait changé la nature du film si on avait inclus les parents et leurs opinions là-dedans», estime l’actrice de 17 ans. «Ce qui aide beaucoup au réalisme du film, c’est que tous les acteurs ont l’âge des personnages qu’ils jouent. Les trucs que je connais pas dans le film, je les connais pas dans la vraie vie non plus.» Donnant un résultat beaucoup plus spontané et authentique que la plupart des autres productions québécoises pour jeune public, cette contrainte d’âge a toutefois donné du fil à retordre à Sophie Lorain. Lors du tournage, la réalisatrice a dû faire preuve de rigueur afin de diriger convenablement sa vigoureuse bande d’acteurs âgés de 17 à 20 ans. «Comme il n’y avait pas d’adultes, les acteurs n’avaient pas de repères. Entre eux autres, ils pensent souvent détenir des vérités absolues, et certains venaient me dire, par exemple, qu’ils n’auraient pas réagi de cette façon dans telle ou telle situation. Il a fallu que je leur fasse comprendre l’importance du sous-texte et de la nuance. Parfois, c’est moins évident de jouer ce genre d’émotions dans une comédie légère que d’exploiter des sentiers plus communs dans le gros drame, par exemple.» Pour ce nouveau défi, à mille lieues de son rôle dans l’émission jeunesse Marc-enpeluche, Marguerite Bouchard a pu compter sur la présence soutenue de Sophie Lorain, qu’elle avait auparavant côtoyée sur le plateau de la première saison de Nouvelle

adresse. Une scène l’a toutefois sortie de sa zone de confort: celle où l’on la voit se remémorer tous ses ébats sexuels avec les garçons du magasin. Même sans nudité explicite, cette partie révélatrice du film est une fenêtre ouverte sur l’intimité de la jeune actrice. «Je suis quelqu’un d’assez pudique dans la vie, donc je n’étais pas certaine d’être prête à m’embarquer là-dedans. Après réflexion, je me suis dit que je devais pas manquer la chance de faire ce film seulement parce que j’avais peur. Je savais qu’en fin de compte, je serais contente et fière de moi.» Sophie Lorain a dû redoubler d’ardeur pour la mettre en confiance. «Marguerite, c’est une hippie, une fille très intelligente et très drôle, mais en même temps, très réservée et timide. Comme toutes les personnes de son âge, elle a pas une expérience de vie très grande, alors je l’ai accompagnée là-dedans pour lui faire comprendre mon approche. Je voulais que cette scène-là ait un côté poétique, qu’elle soit jolie, mais qu’on comprenne ce qui se passe. Surtout, je voulais pas que le spectateur ait de préjugés et considère Charlotte comme une garce. C’était donc important de rassurer Marguerite, lui dire qu’on allait rien voir, mais qu’on allait suggérer.» Sobre, la mise en scène en noir et blanc de ce deuxième long métrage de Lorain (le premier depuis Les grandes chaleurs en 2009) met l’accent sur le contenu très verbeux des dialogues, plutôt que sur les couleurs éclatantes que présuppose un typique magasin de jouets. «Je voulais pas que notre œil se batte avec nos oreilles», image habilement la réalisatrice. «Je voulais que les jeunes soient sollicités par le dialogue au lieu de les accrocher en les bombardant d’images colorées, comme ils le sont déjà tous les jours. L’important, c’était de donner la parole aux personnages, de comprendre ce qu’ils vivent.» y À l’affiche le 2 mars


42 CHRONIQUE VOIR MTL

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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

BREL À cette époque, en 1978, le jeune homme que j’étais écoutait sans s’en lasser Les Marquises, l’ultime disque, celui que Brel, déjà très malade, était venu enregistrer à Paris depuis son exil dans ces îles. Je pense aujourd’hui – et je pensais alors – que c’était un album sublime, le dernier chef-d’œuvre de celui qui, avec quelques rares autres, a porté au plus haut l’art d’écrire des chansons. Brel n’est certes pas un philosophe et il tenait même la chanson pour un art mineur: c’est dire s’il n’avait aucune prétention sur ce plan. Mais il n’est pas interdit de rechercher chez lui, ou du moins chez le héros brélien de ses chansons, quelque chose comme une vision du monde. J’y lis pour ma part ce que j’appellerais volontiers une métaphysique de l’excès – ce qui l’aurait fait sourire, je pense… *** L’Ostendaise est une chanson moins connue, mais elle donne une des clés de cette vision du monde du héros brélien: Il y a deux sortes de temps/Il y a le temps qui attend/Et le temps qui espère/Il y a deux sortes de gens/Il y a les vivants/Et ceux qui sont en mer. Attendre est un acte passif. Mais espérer, rêver, c’est déjà engager sa conscience dans un rapport actif au réel. Le héros brélien existe en portant une espérance. Mieux: il existe par cette espérance qu’il porte. Que celle-ci soit finalement comblée ou non importe peu: le fait d’espérer est à lui-même sa fin. Voyez le héros de la chanson Madeleine. Il espère l’aimée, s’inscrit dans ce temps de l’espérance, en prévoit déjà toutes les promesses: on mangera des frites, on ira au cinéma… Mais, cette fois encore, Madeleine ne viendra pas. Pourtant, il se le promet, demain il l’attendra encore, car demain, peut-être que demain…

Ce temps passif, ce temps de tous ceux qui n’espèrent plus rien, de ceux qui ne se projettent plus dans le futur en voyageant sur la fusée Espérance, de ceux qui ne sont pas en mer, ce temps-là, c’est celui des simples vivants. Ce sont les antihéros bréliens. Ils foisonnent dans l’univers de Brel. Ce sont par exemple les Vieux, peu importe leur âge, ceux qui ne rêvent plus, ceux et celles qui vivent en écoutant la pendule d’argent/qui ronronne au salon/ qui dit oui qui dit non/qui leur dit: je t’attends; celle du temps qui attend. Ceux-là ne vivront même pas pleinement leur mort: ils s’endorment, tout simplement. Mais les antihéros, ce sont surtout les bourgeois qui, chez Brel, ne désignent pas tant une catégorie socioéconomique qu’un état d’esprit, celui de ces gens-là, ceux de ce milieu étouffant dont on ne s’en va pas, de ces gens chez qui on compte. Il est intéressant de noter à ce propos combien, dans les chansons de Brel, contrairement à ce qu’on constatera chez ses illustres contemporains que sont Brassens ou Ferré, le politique au sens strict est peu présent. Les chansons Jaurès et Les F…, tardives, en sont de rares contre-exemples. L’envers du monde de ces gens-là, le monde de ceux qui rêvent et espèrent, est décrit chez Brel par diverses métaphores parmi lesquelles je retiendrais, récurrentes, celle de l’enfance (Qui peut nous dire quand ça finit/qui peut nous dire quand ça commence/C’est rien avec de l’imprudence) et celle du Far West. Ces mondes sont toujours menacés, souvent même vaincus, par ceux qui attendent: Mon père était un chercheur d’or/L’ennui, c’est qu’il en a trouvé; Je devenais indien/Pourtant déjà certain/Que mes oncles repus/M’avaient volé le Far West.

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Mais dans ces mondes, si du moins on y vit pleinement, on fera la rencontre de ces expérienceslimite que procure la métaphysique de l’excès à laquelle Brel nous convie. Elles ne sont pas sans risque; mais, comme la vie dans le temps qui espère, elles sont à elles-mêmes leurs fins.

D E P U I S

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L’art de séduire

La mort est une de ces expériences-limite. La mort m’attend comme une vieille fille/au rendez-vous de la faucille. Elle est omniprésente dans les chansons de Brel: J’arrive, À mon dernier repas, Fernand, et d’autres encore. Vivre pleinement, c’est vivre avec cette idée de la mort, qui signale le terme, redouté mais connu et assumé, de ce rapport au temps du héros brélien. Elle n’est en rien tragique. Mais chez ceux qui se contentent de l’attendre, elle a pour nom vieillir. La conviction du héros brélien est: Mourir, cela n’est rien/Mourir, la belle affaire/Mais vieillir… oh vieillir. L’amour est une autre de ces expériences-limite. Elle aussi est risquée. Elle conduit parfois au zénith et à la plénitude: Quand on n’a que l’amour/[…] nous aurons dans nos mains/ami, le monde entier, mais il arrive aussi, hélas, qu’elle mène au nadir. La douce flamme qu’on approchait pourra alors nous consumer. Ne reste alors plus qu’à supplier: Laisse-moi devenir/L’ombre de ton ombre/L’ombre de ta main/ L’ombre de ton chien/Ne me quitte pas. Autre expérience-limite: celle de l’anéantissement de soi… *** Après avoir quitté le monde du spectacle parce qu’il en avait vécu à l’excès toutes les expériences et toutes les tentations (ces interminables tournées épuisantes, avec le bonheur, disait-il, le soir, de non pas s’endormir, mais de tomber évanoui…), Brel découvrira à New York l’opéra L’Homme de la Mancha. Il le traduira en français et le jouera. Après tout, Don Quichotte, l’homme de La Quête, rêvant un impossible rêve et cherchant, sans jamais renoncer, à atteindre l’inaccessible étoile, c’était lui. Brel s’essaiera ensuite au cinéma, comme acteur d’abord, puis comme réalisateur.

À la Saint -Valentin, une création unique pour l’amour de sa vie

Lui qui avait toujours été du nombre de ceux qui sont en mer partira ensuite en voilier, pour un tour du monde. Malade, il se fixera aux Marquises, là où gémir n’est pas de mise. Durant ses trop brèves 49 années parmi nous, Brel aura vécu de nombreuses vies, chacune à l’excès. L’une d’entre elles, pour notre plus grand bonheur, aura été celle d’auteur-compositeur-interprète. Brel est mort. Mais cette part de sa vie reste bien vivante et chacun de nous peut encore en jouir. Je vous souhaite même d’en jouir à l’excès… y

B e r ri- UQA M

parchemin.ca


COMPOSTAGE, RÉCUPÉRATION, ÉPICERIES EN VRAC, CUISINES COMMUNAUTAIRES… 2018 SERA-T-ELLE L’ANNÉE DU ZÉRO DÉCHET DANS LE DOMAINE ALIMENTAIRE? MOTS | SOPHIE GINOUX

PHOTO | MIKE DORNER


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e mouvement zéro déchet peut effrayer au premier abord. On imagine tout de suite quelques environnementalistes convaincus amenant sur un plateau de télévision un pot Mason contenant les déchets qu’ils ont accumulés pendant une année entière, et on se dit qu’un tel changement dans notre style de vie est tout simplement impossible. Mais la réalité est toute autre. «C’est avant tout un mouvement qui encourage le public à refuser ce dont il n’a pas besoin, à la hauteur de ses moyens et de ses limites», explique Michelle Poirier, de l’Association Zéro Déchet.

Ce constat, de plus en plus de personnes en ont cependant conscience. Ce ne sont pas automatiquement des ultras, loin de là. Michelle Poirier a ellemême une famille, des besoins et, avoue-t-elle en souriant, elle ne peut pas se passer de ses cotonstiges même s’ils ne sont pas recyclables. «Je mange également de la viande et sors des poubelles comme tout le monde. J’ai cependant décidé de réduire, par des petits gestes du quotidien, ma production de déchets à la source en observant tout ce que je jetais en l’espace de quelques semaines. J’ai ainsi progressivement changé mon mode de consommation, mais aussi mon mode de vie. Je cherche à présent à avoir une relation durable avec ce que j’achète. Je magasine intelligemment, je réutilise, je recycle et je lutte à ma manière contre l’obsolescence programmée qu’on veut nous imposer.» Ces petits gestes qui comptent Penser zéro déchet en alimentation, ce n’est pas si compliqué que cela en a l’air. Michelle Poirier utilise ses pelures d’oranges pour faire de la confiture, s’approvisionne en viande et en fromage avec ses propres contenants, fréquente des épiceries zéro déchet et emprunte ses livres de cuisine à la bibliothèque. Estelle Richard, du projet Sauve ta bouffe, donne aussi des trucs tout simples: manger avant de faire son épicerie, plonger sa salade dans de l’eau pour la conserver plus longtemps, ou encore faire un bouillon avec ses restes de viande.

«La plupart du temps, les gens ne gaspillent pas par légèreté, dit-elle. Ils ne savent juste pas comment s’y prendre pour améliorer les choses et succombent aux messages trompeurs des épiceries, qui nous incitent à acheter bien plus que ce dont nous avons réellement besoin. Notre rôle, ce n’est donc pas de sermonner qui que ce soit, mais d’encourager chaque petit geste.» Cette approche inclusive explique sans doute le succès de la plateforme Sauve ta bouffe, très dynamique sur le web et sur le terrain, tout comme l’achalandage surprenant (7000 visiteurs) du premier Festival Zéro Déchet qui s’est tenu cet automne à Montréal. Quels sont les publics rejoints par un message zéro déchet? «À peu près tous, répond Michelle Poirier. Nous avions pendant le festival des activités destinées à tous les types de consommateurs: familles, jeunes adultes, enfants, aînés. Ils étaient curieux et désireux d’en apprendre plus.» De son côté, Estelle Richard a constaté que ses astuces anti-gaspillage alimentaire étaient très populaires auprès des femmes actives. «Ce sont souvent elles qui s’occupent de la gestion de la nourriture à la maison et qui voient concrètement ce qui est jeté. Mais nos conseils rejoignent aussi les gens qui veulent économiser, ceux qui sont aux prises avec la pauvreté et qui veulent reprendre du pouvoir sur leur alimentation, ou simplement ceux qui aiment bien manger et trouvent dommage de voir partir de bons produits à la poubelle.»

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GUILLAUME CANTIN

Comment concilier alimentation durable et société d’hyperconsommation? Nous nous procurons des aliments biologiques venant du Mexique, achetons en plus gros format pour obtenir un meilleur rapport qualité-prix, consommons moins de viande mais sortons toujours nos trois sacs-poubelle chaque semaine sur le trottoir… Et nous gaspillons aussi beaucoup: 47% des denrées que nous achetons, ce qui correspond annuellement à plus de 1000 dollars par foyer.


> Du côté des professionnels Que représente le gaspillage dans les épiceries, les commerces de bouche et les restaurants de la province? Qu’en est-il aussi des producteurs, ou encore des entreprises en transformation? Environ 40% des produits de la chaîne alimentaire sont perdus. On sait cependant que les légumes moches, longtemps rejetés avant même d’aller sur les étalages des magasins, ont à présent une vitrine. Il existe également des initiatives intéressantes sur le marché. Le Circuit Zéro Déchet par exemple, qui permet aux consommateurs de se rendre dans des épiceries traditionnelles avec leurs propres contenants, peut être une bonne alternative en région aux épiceries sans déchet. En Outaouais, l’Escouade anti-gaspillage, composée de bénévoles, se rend à l’invitation de producteurs dans des fermes pour y chercher des légumes à donner et les ramène à Moisson Outaouais. À Québec, Récoltes urbaines ramasse les fruits des arbres laissés à l’abandon dans les jardins, cours arrière et parcs pour les redistribuer à parts égales entre les propriétaires, les bénévoles et des organismes

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chezleveque.ca - Tous les soirs après 21 h.


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sociaux. À Montréal, La Tablée des chefs récupère les préparations des grands hôtels et des restaurants et les achemine à différents centres d’aide aux plus démunis. Chef activiste «Ça fait partie de notre travail de cuisinier d’éviter le gaspillage, pense Guillaume Cantin, ancien maître des fourneaux au restaurant Les 400 Coups et activement impliqué dans la mouvance zéro déchet. C’est naturel, puisque nous calculons nos coûts. Par contre, il y a encore beaucoup d’éducation à faire dès l’école. Personnellement, même si je m’intéressais depuis longtemps à l’origine des produits que j’utilisais, j’ai pris conscience que si on n’assure pas leur durabilité, ça ne sert à rien. Et je me suis demandé comment agir pour que cet héritage soit accessible aux prochaines générations.» Le chef a donc commencé à réfléchir à une solution qui lui permettrait de joindre son expertise à un message positif encourageant l’alimentation durable. Il l’a finalement trouvé en compagnie de Thibault Renouf, son partenaire dans le projet La Transformerie, qui est en train de voir le jour dans le quartier Rosemont–La Petite-Patrie. «Notre idée de base est simple: pourquoi ne pas réaliser des produits intéressants avec ce qui est d’ordinaire envoyé à la poubelle par les commerces? Nous avons fait des tests et avons été très surpris de constater que les fruits et les légumes, notamment, sont souvent retirés des étalages quand ils sont mûrs, et donc à leur meilleur. Nous avons donc approché plusieurs entreprises et leur avons proposé de faire la collecte de leurs invendus, pour les transformer en de nouveaux produits qui seront en partie vendus au public, et en partie remis à des associations d’aide alimentaire du quartier. C’est un projet collaboratif porteur pour tous, les consommateurs, les commerçants et la municipalité.»

«Même si pour une entreprise artisanale comme la nôtre, accumuler plus de 100 kilos de restants de pain pour produire 2000 litres de bière peut représenter un défi, nous sommes très fiers de ce projet, à la fois en termes de qualité, de collaboration et de recyclage.» Autre exemple intéressant, et à une plus grande échelle: la gamme de sauces pour pâtes Kitchen Lab faites à base de légumes moches. Initiée par les supermarchés Metro et développée dans Lanaudière par la compagnie de transformation Aliments Sibon, elle propose trois recettes originales, dont la rosée à la betterave, qui a fait partie des coups de cœur de la dernière Expo Manger Santé et Vivre Vert. «Je suis convaincue qu’il y aura de plus en plus d’initiatives de ce genre dans l’industrie alimentaire. Nous développons d’ailleurs de nouveaux produits dans cette gamme, notamment avec du chou-fleur», explique Amélie Léger, présidente d’Aliments Sibon. Un avenir zéro déchet? Même si leur approche est différente, tous les intervenants sont optimistes quant à la tangente que prendra notre rapport à la nourriture au cours des prochaines années. «Je crois que le mouvement est enclenché et qu’il ne s’agira pas d’une mode de passage, car il nous invite à retourner à la source après 30 ans d’égarement, pense Michelle Poirier. Nous n’aurons pas le choix dans le futur, si nous voulons garder notre planète et l’humanité qui l’habite. Cependant, il s’agit moins de regarder ce qui va mal que de mettre en place des choses pour que ça aille mieux.» y

La gamme de tartinades sucrées et salées de la Transformerie, qui devrait compter une douzaine de produits conçus sur la base de recettes simples et grand public, disposera aussi d’un principe de recyclage des bocaux qui seront rapportés. D’ici un an, elle a l’objectif de produire 1500 pots de tartinades par semaine. Quand l’industrie fait sa part En 2017, Le pain dans les voiles, boulangerie artisanale bien connue à Montréal et sur la Rive-Sud, a concocté en collaboration avec la brasserie Simple Malt une bière un peu particulière… à base de restants de pain. «L’idée n’est pas nouvelle, car on retrouve déjà des produits de ce type en Belgique et en Russie. Mais nous avons eu envie de la tester ici avec des restes de notre Pain du Peuple», explique Jimmy Gravelet, gérant de la boulangerie. Le succès de l’opération Bière du peuple a été immédiat. DANIEL VÉZINA, PORTE-PAROLE DU FESTIVAL ZÉRO DÉCHET


«ON VOIT ÉMERGER DES CHEFS DE GRAND TALENT DEPUIS AU MOINS UNE DIZAINE D’ANNÉES, QUI ONT À CŒUR DE METTRE EN AVANT LES PRODUITS DE LA CÔTE-NORD DANS LEURS RECETTES.»


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GOÛTER LA CÔTE-NORD AVEC SES CHEFS CRÉATIFS ET SES PRODUITS EMBLÉMATIQUES, LA CÔTE-NORD ATTIRE LES CURIEUX, QUI NE VIENNENT PLUS SEULEMENT POUR SES BALEINES... MOTS | MARIE PÂRIS

C’est la région coup de cœur de Montréal en Lumière. Après la ville de Lyon l’année dernière, le festival met un coup de projecteur sur la CôteNord pour sa 19e édition, qui se tient du 22 février au 4 mars. Montréal en Lumière, «une des plus belles plateformes de rayonnement gastronomiques de Montréal», selon le chef Jean-Pierre Curtat, porte-parole du volet gastronomique du festival, est une belle occasion de découvrir de loin cette région via le prisme culinaire. Pour mettre au point sa programmation, l’équipe du festival a notamment travaillé avec Tourisme Côte-Nord. L’organisme a lancé récemment des soupers gastronomiques dans le but de faire découvrir ses saveurs locales; le premier s’est tenu en novembre dernier à Baie-Comeau, avec Philippe Mollé et cinq autres chefs de la région. Le souper rassemblait une centaine de convives, mais son succès a été tel que les prochains devraient accueillir encore plus de monde. Si cet engouement pour la région semble récent, on voit émerger des chefs de grand talent depuis au moins une dizaine d’années, qui ont à cœur de mettre en avant les produits de la Côte-Nord dans leurs recettes. «Les chefs sont des gens extrêmement importants dans leur région, insiste JeanPierre Curtat. Ils ont beaucoup plus de proximité avec les producteurs, une proximité naturelle, et c’est ce qui permet de découvrir les produits. Ils font donc plus d’essais avec les produits et testent de nouvelles choses.» Le Blanc Bistro à Sept-Îles, Chez Julie à Havre-Saint-Pierre, Chez Mathilde et La Galouïne à Tadoussac... «Des restaurants gastronomiques, y en a toujours eu sur la Côte-Nord,

(PAGE DE GAUCHE) CHEZ MATHILDE

assure Glenn Forbes, chef à Baie-Comeau. Y en a pas vingt, mais y en a.» Après avoir travaillé à Montréal puis une dizaine d’années à Québec, le chef a suivi son épouse sur la Côte-Nord. En 1997, ils ouvrent La Cache d’Amélie dans un ancien presbytère. Cuisine sauvage La place du terroir québécois en cuisine se développe de plus en plus, comme la curiosité des clients envers les aliments et leurs origines. «Les touristes sont agréablement surpris: le produit est là», constate Glenn. Cette cuisine boréale, comme on l’appelle, se crée autour de la terre et de la mer. D’une part, on retrouve dans les assiettes les végétaux et les épices de la forêt boréale (thé du Labrador, thé des bois, sapin baumier, etc.), de la saucisse de gibier, des champignons locaux comme le champignon homard, ou les petits fruits nordiques… «À Montréal, on connaissait l’alcool d’airelle, mais pas le fruit, sourit Glenn. Il y a vraiment de beaux produits ici, quand on sait où les trouver.» Côté mer, pas de quoi se plaindre non plus, dans une région qui compte notamment de très bonnes poissonneries. Crabe des neiges, homard, bourgots, salicorne, oursins, crevettes nordiques, flétan… «On les reçoit frais, directement du pêcheur, ajoute le chef. Des pétoncles qui goûtent la noisette, c’est super le fun à travailler!» Un enthousiasme qu’on retrouve chez Jean-Sébastien Sicard, chef propriétaire de Chez Mathilde, à Tadoussac. «La cuisine de la

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Côte-Nord, c’est une cuisine sauvage, groundée au sol. On a des producteurs très fiers de leur région.» 360 000 personnes en été, 850 en hiver Mais avoir un restaurant dans cette région nordique n’est pas sans difficulté. «Il n’y a pas ou peu de personnel qualifié ici, il faut les former, regrette par exemple Martin Brisson, chef de La Galouïne à Tadoussac. Nous, on a de la chance, c’est mon fils qui prend la relève…» Si 360 000 touristes passent pendant l’été, le village ne compte que 850 habitants le reste de l’année – Chez Mathilde n’ouvre ainsi ses portes que du 1er juin au 1er novembre. Mais malgré les défis, les chefs ne quitteraient leur région pour rien au monde. «Si on m’avait dit quand j’habitais Montréal que je serais un jour chef à Baie-Comeau, je ne l’aurais pas cru! rit Glenn. La Côte-Nord, pour moi, c’est les grands espaces, les plages à perte de vue, la nature, la tranquillité, la qualité de vie aussi… Et pour ceux qui aiment la chasse et la pêche, c’est l’idéal.» PHOTO | PIERRETTE GUERTIN


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Une jolie qualité de vie que Jean-Sébastien Sicard souligne aussi. C’est en venant à Tadoussac en 1995 pour le Festival de la Chanson que cet ancien musicien en est tombé amoureux. «Je suis revenu en 1999 pour y travailler une saison, et on a acheté en 2007 quand une opportunité s’est présentée.» Cet autodidacte qui a travaillé plusieurs années comme serveur aimait surtout être en cuisine, pour mieux expliquer aux clients comment les choses étaient faites. Il rencontre un jour la chef Johanne Vigneault aux Îles-dela-Madeleine, et lui parle de son désir d’ouvrir un resto: elle lui dit que c’est lui qui doit être en cuisine. «Mon premier jour, j’imaginais que j’allais mourir. C’est l’inverse qui s’est produit, la passion s’est développée très vite. J’ai compris pourquoi j’étais né», raconte Jean-Sébastien. Il n’a pas abandonné ses premières amours pour autant, car Chez Mathilde accueille des musiciens live tous les soirs. D’ailleurs, le nom du restaurant est un hommage à Jacques Brel. «C’est un resto très artistique, souligne le chef. J’ai même fait ouvrir la cuisine pour pouvoir voir les musiciens jouer…» Avec sa fine cuisine créative, «distinguée et rebelle à la fois», Chez Mathilde s’est imposé comme une des adresses incontournables de la région. «Pour moi, le premier qui a apporté la gastronomie sur la Côte-Nord, c’est Glenn. Et en 10 ans, j’ai beaucoup vu cette gastronomie locale évoluer», confie Jean-Sébastien.

Chef cuisinier autochtone À quelques mètres de son restaurant, il y a La Galouïne, où Martin Brisson travaille à faire découvrir le terroir local dans l’assiette depuis 2003. Issu d’une famille de restaurateurs, le chef a la passion de développer les produits régionaux, mais aussi autochtones. «Je suis d’origine algonquine, et je me présente vraiment comme un chef cuisinier autochtone», précise Martin. À La Galouïne, il fume le saumon et le magret de canard, les fait mariner avec des épices boréales, prépare ses vinaigrettes à base de fruits nordiques et accompagne les fruits de mer avec des algues. «C’est une table accessible, mais avec beaucoup d’authenticité, spécialisée en grillades et fruits de mer», décrit le chef. Pour accompagner ses plats, il propose aussi des cocktails nordiques, comme un mojito au thé du Labrador... Les saveurs boréales concoctées par Martin seront à retrouver pendant Montréal en Lumière les 2 et 3 mars prochains, au restaurant Blumenthal. «Pour le festival, je vais travailler sur l’aspect fumé», promet le chef. Quant à Glenn Forbes, qui participe pour la deuxième fois au festival, il sera reçu les 2 et 3 mars à Ikanos, avec un menu à base de pétoncle et flétan. Enfin, Jean-Sébastien Sicard sera au Chasse-Galerie du 22 au 24 février, où il proposera un six services: champignons sauvages, pétoncle de Sept-Îles, épices boréales, bourgots et os à moelle de bison… «Je sais que le chef [Alexandre St-Amand Tremblay] aime les champignons», confie Jean-Sébastien, qui prévoit aussi gelato aux bolets et caramel de chanterelle en tube. Sans oublier le crabe au menu, bien sûr. «Si on avait un drapeau pour la Côte-Nord, il y aurait le crabe et l’airelle dessus!» y

(CI-CONTRE) SAUMON FUMÉ, LA GALOUÏNE AUBERGE & RESTAURANT (EN-HAUT) GLENN FORBES, CHEF DU RESTAURANT LA CACHE D’AMÉLIE


MOTS | FRANCO NUOVO

PHOTO | GIUSEPPE MASCI


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> Sur scène, elle est la grâce, la féminité, la passion, celle qui fait vivre et celle qui déchire. On la dirait sortie tout droit de Tchekhov. Elle a l’âme russe de Gorki. Elle est Blanche, Marie Curie, Lady Macbeth, Albertine, Mirandolina et Marie Stuart. Elle est toutes celles qu’elle incarne, et à chaque occasion qui se présente, dès que je le peux, je vais la voir au théâtre. Elle a toujours l’air de voler, de flotter au-dessus des planches. Je vais la voir comme on allait voir autrefois un film pour une actrice ou un acteur qu’on aimait tant. Ça ne se fait plus ou presque plus. Je n’avais pourtant pas encore lu les romans de Sylvie Drapeau. Deux petits romans qui ensemble ne font même pas 200 pages. Or, ce n’est pas le nombre de pages qui définit la qualité d’une écriture, son intensité. On m’en avait parlé, vanté sa plume. D’ailleurs, on la reconnaît dans cette façon sensuelle, intime, intérieure et presque discrète d’écrire. Les deux bouquins sont sortis à deux ans d’intervalle, rédigés par la même main, la même âme. Elle aurait d’ailleurs pu n’en faire qu’un seul. Peut-être n’a-t-elle pas osé se lancer dès le premier? Pourtant, le souffle y était, contenu, rythmé. Peut-être à l’époque a-t-il eu quelques ratés. Il y a tout de même une différence entre Le fleuve, le roman paru en 2015, et Le ciel, qui nous est arrivé deux ans plus tard, mais aussi un lien, bien sûr, celui tissé par le temps. Cela dit, ça ne change rien. Je les ai lus l’un à la suite de l’autre. Et j’étais dans le même univers, les mêmes couleurs d’automne, les mêmes joies, les mêmes tristesses, la même famille. Le premier, plus intérieur, évoque une enfance sur la Côte-Nord, au sein d’une famille nombreuse et d’une meute de jeunes loups fous de liberté et remplis de cette insouciance qui les poussent à courir, juste pour courir. Une gamine de cinq ans est baignée dans le bonheur d’un été qui bascule en drame. Après les courses dans la forêt bleue, les peurs qu’on s’invente et les baignades interdites survient l’accident, l’imprévu: la noyade du frère aîné d’à peine quelques années, Roch. Il disparaît avalé par une marée plus rapide et cruelle que lui. La vie désormais ne sera plus la même, ni pour cette fillette, ni pour la fratrie un temps dispersée, ni pour cette mère au cœur déchiré. Sylvie Drapeau nous plonge en douceur dans l’insouciance et la douleur. Elle décrit avec une finesse inouïe l’indéfinissable, le mal, le deuil, l’égarement, l’incompréhension et surtout la vie qui, dans les moindres détails, continue. Et il y a ce fleuve qui là-haut se déguise en mer et qui bat la mesure du quotidien au rythme des vagues et des marées.

À l’horizon, le fleuve et le ciel se marient jus­qu’à ne plus faire qu’un. Et c’est là que nous emmène Sylvie Drapeau dans son deuxième roman. La fillette a grandi. «Votre fille a 20 ans, que le temps passe vite, Madame, hier encore elle était si petite.» Elle est presque une femme, elle quitte la maison, la Côte-Nord, pour la ville, la grande, pour l’université et pour Paris. Elle effleure une sensualité naissante, goûte au désir et au vent «des caresses sans fin», à la douceur insoupçonnée d’un garçon qui, sur le coup, est prêt à tout donner. Et le romantisme s’envole, et avec lui «la magie et la douceur». En quelques pages, Sylvie Drapeau décrit la naissance de l’amour, la décevante réalité, et la chute au fond du gouffre qui laisse meurtri, blessé. Ce second roman n’a rien à voir avec le premier. Elle y peint à l’aquarelle les émotions, les insatisfactions, les déceptions et l’errance d’un cœur meurtri d’abord par l’amour égaré et enfin par un tour du destin. Le douloureux souvenir de Roch remonte à la surface et voilà maintenant… voilà maintenant… Je ne dirai rien sinon que cette enfant du fleuve devenue une femme en apparence libre descendra le courant, retrouvera la rive et la maison de la Côte-Nord. Tout ce récit est si intime que le particulier s’y unit à l’universel. Voilà, je crois, la beauté et la finesse de ces deux romans. Le lieu, le clan, la ville, le déplacement, la chambre au drap taché de sang ne sont qu’artifices, accessoires et décors au service d’une troublante émotion. y Sylvie Drapeau Le fleuve, Leméac, 2015, 72 pages Le ciel, Leméac, 2017, 88 pages

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Sur les rayons

L’ALLUMEUSE SUZANNE MYRE Marchand de feuilles, 216 pages Les nouvellistes sont de précieux écrivains. Il n’est pas donné à tous d’avoir une telle concision dans la création, de parvenir, au détour de quelques pages, à créer des mondes où vivent des personnages beaucoup plus grands que le papier qui les portent. Après deux romans, Suzanne revient aux nouvelles avec L’allumeuse, elle qui, forte de cinq recueils, n’en avait pas publié depuis plus de 10 ans. Si on retrouve dans ce livre la douce ironie et l’humour certain qui ont fait la marque de l’auteure, on dirait qu’elle a ici les dents plus affûtées avec, en bouche, le goût du sang, alors qu’à son cou, son pouls semble crier: «Vengeance!»

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Les histoires nous transportent à Montréal-Nord, quartier malfamé et mal-aimé de la ville. Tant les lecteurs que les protagonistes partagent l’idée qu’ici, les rêves viennent mourir et non éclore. Il y aura d’abord cette «allumeuse», Annabelle, qui découvrira malheureusement son corps sous les mains du bedeau de l’église où sa mère la traîne, elle et ses frères, chaque dimanche. Puis cette petite de 10 ans qui prend très mal que sa mère désire désormais se faire appeler «Julie», parce que ça fait plus jeune que «Maman». Et une autre qui trop rapidement se retrouvera au ciel sans trop comprendre pourquoi et tentera de hanter celui qui lui a fauché la vie. Ou encore la nouvelle «Victorinox» qui, affublée d’un tel titre, ne peut pas vraiment bien se terminer. Tout au long du recueil, les jeunes femmes apprennent à se faire justice seules, sachant qu’il leur est impossible d’avoir une meilleure alliée que leur fureur. Dans un quartier austère qui n’a bien souvent de littéraire que le nom des rues (la rue Balzac est le théâtre de plus d’une nouvelle), Suzanne Myre crée de flamboyants personnages qu’elle place dans de terribles circonstances, n’hésitant pas à faire errer ses héroïnes d’un texte à l’autre, elles qui passent d’histoire en histoire comme des rumeurs tout aussi farfelues que terrifiantes. Et malgré la violence et les drames, c’est encore l’humour (noir) qui prime ici, comme en témoigne le préavis de décès que l’auteure signe elle-même en fin de recueil! (Jérémy Laniel) y

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CORRESPONDANCE (1944-1959) ALBERT CAMUS ET MARIA CASARÈS Gallimard, 1312 pages La correspondance est un art qui se perd. À une époque où nous sommes tous instantanément joignables, le temps de l’écriture et la distance qu’impose une relation épistolaire peuvent sembler archaïques. Pourtant, à la lecture de certaines correspondances, on y découvre une urgence et une incandescence que seul le temps peut catalyser. Les éditions Gallimard font paraître un exemple probant avec Correspondance (1944-1959) de l’actrice Maria Casarès et de l’écrivain Albert Camus, une somme de plus de 800 lettres que se sont échangées les deux amants, coiffées d’un avant-propos signé par Catherine Camus, la fille de l’auteur de L’étranger. Le pavé de plus de 1000 pages est une vive incursion dans l’écriture, le théâtre, la passion et la clandestinité d’une relation qui jamais n’a perdu de sa vivacité. Ils se sont d’abord rencontrés le 6 juin 1944, date inoubliable, alors que se déroulait au même moment le débarquement de Normandie. Puis, ils se sont croisés sur le boulevard Saint-Germain, quatre ans plus tard, jour pour jour. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils deviennent amants, pour croire en une sorte de synchronicité les unissant. De ces lettres on retiendra bien sûr la passion et le désir, les réels moteurs qui les pousseront à s’écrire si souvent et pendant 15 ans, mais aussi un Albert Camus épris de doutes tant personnels qu’existentiels, à quelques lieues de «l’homme révolté» qu’on retrouvait dans ses livres. De l’autre côté, on découvre une Maria Casarès battante, au volant d’une carrière théâtrale allant à vive allure, et au détour de ses lettres on découvre les coulisses d’un milieu artistique tant grisant que mondain, dans lequel elle s’installe avec aplomb. Cette correspondance se termine par la mort brutale de Camus, décédé dans un accident de la route avec son éditeur Michel Gallimard le 4 janvier 1960. Au sortir de cette copieuse et brûlante correspondance, le lecteur ne peut qu’être bousculé par la fin abrupte de ces missives, dont certaines demeureront pour toujours sans réponse. Si cette lecture nous transporte de Paris à Alger, du théâtre à l’écriture, de la ville à la campagne, c’est un récit double qu’on nous donne à lire: d’abord celui d’un amour impossible qu’ils n’abandonneront jamais, puis celui d’une vie artistique dans un Paris au cœur de l’après-guerre. (Jérémy Laniel) y

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3 EXPOSITIONS À VOIR CET HIVER L’HIVER 2018 SERA PASSIONNANT EN ARTS VISUELS ET MULTIDISCIPLINAIRES. VOICI UN SURVOL D’EXPOSITIONS EN COURS ET À VENIR. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

Jean-Robert Drouillard, Des silhouettes emballées. Photo | Guillaume D. Cyr


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Jean-Robert Drouillard: Des silhouettes emballées à Art Mûr L’artiste originaire de la Gaspésie et établi à Québec dévoilait au printemps une œuvre d’art public constituée de quatre grandes colonnes et d’une statue de bronze, une commande de la Vieille Capitale offerte à Montréal pour son 375e anniversaire. Mais entre-temps, celui qui crée habituellement des personnages grandeur nature en bois travaillait sur ce nouveau corpus qu’il présente chez Art Mûr. Jean-Robert Drouillard brasse les cartes pour Des silhouettes emballées puisqu’il y dévoile des œuvres en bronze, en plâtre et même des photographies, tout en proposant un changement de format dans les statues et en brisant ses réflexes de réalisme dans son travail. L’expérimentation, donc, est au rendez-vous pour cette nouvelle exposition à ne pas manquer. Jusqu’au 24 février

Buveurs de quintessences à la Fonderie Darling Exposition collective et multidisciplinaire, Buveurs de quintessences rassemble une dizaine d’artistes d’ici et d’ailleurs proposant des œuvres «minimales, en apparence vides de contenu, parfois éphémères, qui mettent l’accent sur une recherche d’infini, appelant à une réflexion au-delà du regard». Les artistes poursuivent à leur manière les réflexions de géants de l’art issus des années 1960 – notamment Marcel Duchamp et Kasimir Malevitch –, dont les œuvres avant-gardistes allaient à contre-courant de la fameuse société du spectacle, propulsées par la notion du vide. L’expérience se veut esthétique, appelant à la transcendance. La puissance des œuvres se révèle tout en sensations à travers la méditation. Buveurs de quintessences fait écho à l’exposition inaugurale de la Fonderie Darling, Ultra Vide, présentée par la commissaire Caroline Andrieux en 2002 et constituée d’œuvres conçues à partir de la matière brute.

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ARTS VISUELS 59 VOIR MTL

VO3 #O2

O2 / 2O18

> L’artiste hongrois Janos Sugar présentera à la Fonderie Darling son Fire in the Museum (2015). L’œuvre est un feu de camp que l’on érigera en plein centre de la salle principale de l’établissement et qui devra être maintenu pour la durée de l’exposition. La Fonderie Darling a fait appel au Service de sécurité incendie de la Ville de Montréal, à des ingénieurs, à des étudiants et à des groupes communautaires pour que cette œuvre tout en flammes reste bien vivante jusqu’en mai. Le Québécois Steve Bates propose quant à lui l’installation sonore Black Seas of Infinity (2016), basée sur l’exploration des gens qui entendent des voix en raison de troubles mentaux ou à la suite d’un traumatisme. L’œuvre est composée d’une «cimaise entièrement recouverte d’un papier peint reproduisant les oscillations de ces enregistrements». Stéphane La Rue joue avec notre perception avec Sans Titre (2016). Il s’agit d’une série de monochromes blancs dont l’épaisseur et le cadre sont différents. Finalement, Fortner Anderson sera tout de mots et de silences dans le cadre de Points of Departure (2015). Pendant les 12 heures de la performance, il lit un poème entre de longues pauses. Du 22 février au 6 mai

Programme Vacances-Travail à la Galerie Simon Blais

(En-haut) Kelly MarkThe Kiss, 2007. Vidéo /sculpture, 15 minutes. (En-bas) Louis-Philippe Côté, Agence, 2007-2010. Huile sur lin, 265 x 330 cm.

Le Festival Art souterrain revient en trombe cet hiver. Cette exposition à venir s’inscrit dans l’événement annuel et sa thématique sera autour du travail, avec Labor Improbus. Des réflexions s’imposent, entre autres: le travail et la liberté se butent-ils forcément l’un à l’autre? LouisPhilippe propose, par exemple, avec sa toile Agence (2007-2010), une scène de bureau typi­ que, des employés devant des ordinateurs, un homme en complet et les mégots qui s’accumulent à ses côtés. Ce Programme VacancesTravail rassemble des œuvres de l’artiste (et documentariste) bien connu Marc Séguin, du photographe Michel Campeau, de la peintre Jessica Peters et de la grande Françoise Sullivan, signataire du Refus global. Edmund Alleyn, Marie-Eve Beaulieu, Éliane Excoffier, Lucian Freud, Harold Klunder, Alexis Lavoie, Mark Stebbins, Isabelle Guimond et Pierre Durette seront aussi de l’exposition collective. y Du 3 mars au 7 avril


60 CHRONIQUE VOIR MTL

VO3 #O2

O2 / 2O18

ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE

JE NE FERAI PLUS DE MARATHON Gandhi a dit: «Sois le changement que tu veux voir dans le monde.» Le monde, c’est grand en maudit. C’est pourquoi on est toujours mieux de commencer chez soi. Chaque année, au début de janvier, je m’assois et dresse un portrait sans complaisance de l’année qui vient de se terminer. Je note mes bons et moins bons coups et je crée une liste d’objectifs pour la nouvelle année. C’est formidable, cette notion de faire table rase. On arrive en fin d’année comme à la fin du 42e kilomètre d’un marathon: épuisé, pas toujours content de son temps. Puis on se repose un peu et on se permet de remettre le compteur à zéro. Cette jachère est la bienvenue, elle permet d’excuser son laxisme, ses errances. De croire en un soi nouveau, amélioré. Notre ange sort les violons, nos démons se terrent. Comment avez-vous jugé votre année, vous? Avezvous comparé vos résolutions avec ce qui s’est réellement produit? Je dois vous avouer dans mon cas avoir trouvé l’année difficile. J’ai brûlé la chandelle par les deux bouts. Étonnamment, mes réalisations dont je suis le plus fier n’étaient pas dans les cartons en début d’année, mais ont nécessité de ma part davantage de travail. Quelques-uns de mes projets n’ont pas exactement fonctionné comme je l’aurais souhaité. Il est vrai que l’on ne révolutionne pas des industries en criant ciseau. Je dis souvent aux jeunes entrepreneurs de se préparer au pire, parce qu’il va arriver. Tout prend toujours plus de temps que prévu, je devrais le savoir à mon âge. Je me suis rendu compte durant mon introspection annuelle que j’avais quelquefois tendance à ne pas suivre ce que pourtant je prêche.

Vous n’êtes pas comme ça, vous? On sait intuitivement ce qui est bon pour nous, ce qu’on devrait faire, comment on devrait le faire, mais on finit souvent par faire le contraire. Comme un mécanisme inconscient d’autodestruction saupoudrée d’un soupçon de farniente. On se donne des objectifs, on s’imagine meilleur, plus mince, plus sérieux, plus rigoureux, on se met une pression personnelle, probablement l’une des pressions les plus dures qui soient, et on démarre le tout sur les chapeaux de roues. Habituellement, à ce moment-ci de l’année, on est encore dans les temps ou, du moins, il nous reste suffisamment de temps pour rattraper celui qu’on a perdu. La veille de la date que je m’étais fixée pour remplir mon formulaire des résolutions annuelles, je suis tombé sur cette phrase de Bill Gates: «La plupart des gens surestiment ce qu’ils peuvent accomplir en une année et sous-estiment ce qu’ils peuvent réaliser en 10 ans.» (Je précise que je ne voue aucun culte particulier à ce monsieur. J’ai un malaise croissant avec l’accumulation de la richesse mondiale par une poignée de gens. Ça fera sûrement l’objet d’une autre chronique…) La pression venait de tomber. C’est, ma foi, vrai. Si je me reporte 10 ans en arrière, la sévérité avec laquelle je me suis jugé pour ma dernière année a soudainement fléchi un brin. Que de chemin parcouru, d’enseignements marquants, de changements profonds dans ma façon de voir la vie et mes priorités. La vie n’est pas que succès, performance,

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dépassement. Elle est faite de hasards, de rencontres, de discussions bouleversantes, d’échecs, de drames, de vie quotidienne, de toutes ces choses ordinaires et extraordinaires qui nous touchent tous, qui nous moulent, qui modifient notre ADN. J’ai maintenant choisi de remettre en question mes marathons annuels. De toute façon, mes genoux ne suivent plus. Je pars en voilier, les amis. Je n’ai pas de GPS, je ne sais pas quand je vais arriver, mais je connais à peu près la destination et je sais que la route sera longue et que les eaux et les vents auront souvent raison de ma volonté. Cette longue métaphore pour revenir sur ce qui devrait peut-être guider nos vies. Nous vivons dans une société où jamais l’instantanéité n’a été aussi valorisée, nous nous faisons manipuler par nos nombres de likes, bombarder d’images de ce que nous devrions

«JE ME SUIS RENDU COMPTE DURANT MON INTROSPECTION ANNUELLE QUE J’AVAIS QUELQUEFOIS TENDANCE À NE PAS SUIVRE CE QUE POURTANT JE PRÊCHE.» avoir l’air, nous valorisons nos héros et nos héroïnes, nous encensons les performants, nous nous mettons une pression personnelle incroyable et nous oublions que la vie se conjugue mieux avec être qu’avec avoir. Je ne sais pas quel était le hashtag du père Pops, ou quel est le compte Instagram de Léonie Couture, mais je doute que ces deux-là aient déjà fait une liste de 10 objectifs à atteindre d’ici la fin décembre. Il existe une convention selon laquelle on ne devrait plus souhaiter la bonne année passé le 31 janvier. Comme l’édition de février sort le lendemain de cette date, je ne devrais donc pas le faire. Mais comme les conventions me font (un peu) bâiller, je vous souhaite à tous une excellente année. Puissiez-vous avoir une année lumineuse et éclairante. Une année pivot qui saura vous orienter, vous aider à trouver un sens à tout ça. Et qui vous permettra d’identifier une direction, sûrement encore floue, pour votre prochaine décennie. y

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QUOI FAIRE

MUSIQUE

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FIRST AID KIT

BROCKHAMPTON

JOSÉ GONZÁLEZ

MTELUS – 6 FÉVRIER

THÉÂTRE CORONA VIRGIN MOBILE – 6 FÉVRIER

MONUMENT-NATIONAL – 10 FÉVRIER

La réputation des sœurs Johanna et Klara Söderberg n’est plus à faire. Le duo suédois First Aid Kit a grandi ensemble sur scène et y fait ses armes depuis 10 ans. Le groupe folk aux harmonies vocales impeccables a livré en début d’année un nouvel album, Ruins, qu’il vient maintenant présenter en ville.

Le collectif texan maintenant installé en Californie connaît une ascension considérable depuis le début de 2017. Son troisième et dernier album à ce jour, Saturation III, lui a permis de concrétiser sa place au sommet des groupes les plus intéressants de la scène hip-hop alternative américaine. Son premier passage à Montréal ne passera pas inaperçu.

Le sensible chanteur folk suédois d’origine argentine revient en ville pour nous réchauffer le cœur. Son chant doux et son jeu de guitare sèche inventif devraient charmer le public montréalais une fois de plus cet hiver. Il s’agit d’un tout nouveau spectacle solo.


BENJAMIN CLEMENTINE CLUB SODA – 3 FÉVRIER

Trois ans après sa percée fracassante, l’inclassable poète et musicien britannique Benjamin Clementine continue d’impressionner en explorant divers styles musicaux. Son deuxième album I Tell A Fly, qui fait suite à son acclamé At Least for Now, mélange méticuleusement musique classique contemporaine et pop expérimentale. Le phénomène n’a assurément pas fini de faire parler de lui.

LAURA BABIN ET MON DOUX SAIGNEUR MAISON DE LA CULTURE MAISONNEUVE – 16 FÉVRIER

Incarné par le désinvolte mais très sympathique Emerick St-Cyr Labbé, le groupe Mon Doux Saigneur est l’une des dernières révélations probantes de notre scène locale. Son premier album homonyme, lancé à la fin de l’été, contient les germes d’une recette folk rock bien relevée. À ses côtés pour ce programme double, Laura Babin présentera ses compositions rock atmosphériques très inspirées.

MISC CENTRE PHI – 22 FÉVRIER

Auparavant regroupés sous la bannière Trio Jérôme Beaulieu, les trois acolytes de Misc puisent leurs influences dans le rock, la pop, le hip-hop et l’électro. Virtuoses, les musiciens jazz impressionnent surtout par «leur signature organique et franchement accrocheuse, héritée de leur expérience scénique et de leur chimie manifeste». Ce spectacle est présenté dans le cadre de Montréal en lumière.

LA COMPAGNIE CRÉOLE THÉÂTRE ST-DENIS – 23 ET 24 FÉVRIER

Voilà une excellente occasion de renouer avec La Compagnie créole et danser sans gêne sur les grands succès Ça fait rire les oiseaux, Le bal masqué, La machine à danser et plus. Le groupe entame une grande tournée québécoise en février pour célébrer 30 ans de fêtes au Québec. C’est un rendez-vous.

PHOEBE BRIDGERS LE BELMONT – 27 FÉVRIER

Elle était l’une des grandes révélations indie folk de l’année 2017. Protégée de Ryan Adams et de Conor Oberst (Bright Eyes), la jeune Californienne fera une première apparition au Québec depuis la sortie de son album Stranger in the Alps, lancé le 22 septembre dernier. À découvrir absolument.

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DVSN MTELUS – 27 FÉVRIER

Nouvelle coqueluche de la scène rap R&B de Toronto, le duo Dvsn a le vent dans les voiles depuis la parution de Morning After, deuxième album paru sous OVO Sound, l’étiquette d’un certain Drake, en octobre 2017. Aussi ingénieux qu’accrocheur, le résultat de cet opus laisse présager de grandes choses pour le chanteur Daniel Daley et le producteur Nineteen85.

LA BRONZE L’ASTRAL – 28 FÉVRIER

Éclatante interprète, La Bronze – qui est également comédienne – sera en concert dans le cadre de Montréal en lumière afin de présenter, entre autres chansons, celles qui figurent sur son plus récent album Les corps infinis, lancé en novembre. Il s’agit de sa première montréalaise, donc certaines surprises seront peut-être au menu.

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RÉPERTOIRE – MARTHA GRAHAM DANCE COMPANY PLACE DES ARTS – THÉÂTRE MAISONNEUVE DU 22 AU 24 FÉVRIER

Une soirée qui reprend plusieurs des pièces de la célèbre chorégraphe new-yorkaise Martha Graham (Clytemnestre, Lamentation, Night Journey, Maple Leaf Rag...). La célèbre compagnie a réinventé les codes de la danse en se distançant notamment du ballet classique.

LE CHEMIN DES PASSES-DANGEREUSES THÉÂTRE JEAN-DUCEPPE – 14 FÉVRIER AU 24 MARS

PHOTO | ROLLINE LAPORTE

SCÈNE

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VIRIDITAS – MARGIE GILLIS

OPÉRA FOE

Un beau trio d’acteurs (Maxime Denommée, Félix-Antoine Duval et Alexandre Goyette) a été rassemblé pour la reprise de la pièce de Michel Marc Bouchard, 20 ans après sa création dans ce même théâtre. Un huis clos familial autour de souvenirs d’enfance, de secrets et de fantômes du passé...

THÉÂTRE LA CHAPELLE – 9 AU 11 FÉVRIER

AGORA DE LA DANSE - DU 14 AU 17 FÉVRIER

HURLEVENTS

Un opéra actuel où Marie-Annick Béliveau fait le récit fictif d’une enfance dans une famille québécoise des années 1970, avec comme support un diaporama de photos. Quatre musiciens accompagnent les chants de la mezzo-soprano.

Accompagnée de deux danseuses, la chorégraphe de danse contemporaine Margie Gillis vacille entre folie intérieure et sagesse expérientielle. Une recherche du sens de la vie qui parle de transmission et passe par l’incarnation des quatre éléments primitifs.

THÉÂTRE DENISE-PELLETIER - JUSQU’AU 24 FÉVRIER

Ce texte de l’auteure Fanny Britt met en scène un repas entre plusieurs jeunes personnages, un soir de tempête. Au fil de la pièce, les échos du classique d’Emily Brontë Les Hauts de Hurlevent se font croissants.

Ph. Catherine Asselin-Boulanger

DANS LA TÊTE DE PROUST (PASTICHE, COLLAGE ET FABULATIONS) ESPACE LIBRE - 21 FÉVRIER AU 17 MARS

Nouvelle chance de vivre ce tour guidé de la tête de Marcel Proust, écrit et mis en scène par Sylvie Moreau! Alité les huit dernières années de sa vie pour terminer son œuvre-phare, l’illustre écrivain français nous entraîne dans ses fièvres créatrices, au coeur d’un grand Bal du Souvenir mené par ses personnages.

UNE FEMME FANTASTIQUE

MONTRÉAL EN LUMIÈRE

EN SALLE DÈS LE 16 FÉVRIER

DU 22 FÉVRIER AU 4 MARS

La chanteuse de cabaret Marina, une femme transgenre, est en relation amoureuse avec Orlando, un homme plus âgé. Lorsqu’il décède subitement, Marina doit non seulement affronter son propre chagrin, mais aussi le traitement humiliant du médecin, de la police, de l’ex-femme d’Orlando et plusieurs autres.

Le festival Montréal en Lumière est un des plus grands festivals d’hiver au monde avec une programmation qui allie arts de la scène, gastronomie, activités familiales extérieures gratuites et, sans oublier, une Nuit blanche de découvertes et d’expériences hors du commun.


LES FAUX TATOUAGES EN SALLE LE 16 FÉVRIER

Théo passe son 18e anniversaire seul, se saoulant dans un concert de punk brutal. C’est là qu’il rencontre Mag, une adolescente marginale qui l’invite à venir passer la nuit chez elle. Leur rencontre fortuite se transformera en histoire d’amour intense. Toutefois, Théo doit déménager à la fin de l’été dans un petit village, pour fuir un lourd passé douloureux.

MANIC EN SALLE LE 2 FÉVRIER

N’arrivant pas à trouver un sens aux problèmes de maladie mentale affectant gravement ses frères et sœurs, la réalisatrice Kalina Bertin tente de trouver la source de ces troubles. Sa quête la mènera à découvrir le passé de son père, connu à la fois comme prophète, leader de culte et arnaqueur. Il a 15 enfants partout dans le monde.

BLACK PANTHER EN SALLE LE 16 FÉVRIER

PUNCH CLUB MTL MAN2MAN VI

LA DÉTRESSE ET L’ENCHANTEMENT

SALA ROSSA – 23 FÉVRIER

THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE

Fondée il y a près de six ans, la ligue d’improvisation Punch Club a vu naître bien des talents, qui ont su faire leur place sur scène ou à la télévision. Parmi eux, deux jeunes maîtres croiseront le fer lors d’un match unique: Pierre-Luc Funk et LeLouis Courchesne. Encore une fois, c’est le public qui tranchera afin d’élire le prochain grand gagnant de cette édition spéciale Man2Man.

27 FÉVRIER AU 10 MARS

REQUIEM – LES GRANDS BALLETS

PLACE DES ARTS – THÉÂTRE MAISONNEUVE

PLACE DES ARTS – SALLE WILFRID-PELLETIER 21 AU 25 FÉVRIER

C’est un double Requiem que nous offre l’Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg, avec des passages de voix solo, du chœur et de l’Orchestre des Grands Ballets: au chef d’œuvre de Mozart s’ajoute le Requiem de la poétesse Anna Akhmatova sur le Quatuor à cordes no 8 de Chostakovitch.

L’ORANGERAIE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER - 28 FÉVRIER AU 2 MARS

Le TDP propose une reprise de cette pièce mise en scène par Claude Poissant, sur le texte plusieurs fois primé de Larry Tremblay et adapté par l’auteur lui-même pour le théâtre. Une histoire autour de l’enfance et de la guerre, ici portée par une belle distribution de 10 comédiens.

Dans cette partition à une comédienne, Marie-Thérèse Fortin interprète Gabrielle Roy et revient sur les événements de sa vie. Un spectacle biographique mis en scène par Olivier Kemeid, qui a travaillé à partir des mémoires de la romancière.

AY! – COMPAÑÍA EVA YERBABUENA 28 FÉVRIER

Un spectacle à ne pas rater: Eva Yerbabuena ne dansera qu’un soir à Montréal. L’Espagnole est une des pointures mondiales du flamenco et offre une interprétation très personnelle soutenue par une technique maîtrisée à la perfection. À voir absolument.

JULIEN CORRIVEAU ET JEAN-FRANÇOIS PROVENÇAL LION D’OR – 22 FÉVRIER

Forts de leurs neuf années d’expérience à la télévision au sein des Appendices, Julien Corriveau et Jean-François Provençal prennent le devant de la scène avec un programme double intitulé Chansons drôles et drôleries chancelantes. Mêlant musique, stand-up classique et moments plus absur­des, ce spectacle avait connu un certain succès à la dernière édition de Zoofest.

Suivant les événements de Civil War, T’Challa retourne à Wakanda, nation africaine infiniment avancée technologiquement, pour y régner après la mort de son père. Il se rendra rapidement compte que des factions au cœur même de son pays cherchent à le déloger du pouvoir. Alors même qu’il doit régler ces conflits internes, de vieux ennemis chercheront à plonger Wakanda dans la guerre.

OUVRIR LA VOIX EN SALLE LE 9 FÉVRIER

Dans ce documentaire frappant, Amandine Gay explore les identités communes de femmes noires tout en les mettant en contraste avec la diversité incroyable de la diaspora afro-européenne. À travers les thèmes de la discrimination, de l’art et de l’état du racisme systémique et les intersections envers cesdits thèmes, elle peint un portrait nouveau de la femme noire en communauté européenne. >

CINÉMA

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LA PART DU DIABLE EN SALLE LE 16 FÉVRIER

Dans un geste d’une rare poésie, avec l’aide de son complice, le monteur Michel Giroux, Luc Bourdon se penche sur notre histoire et nous montre avec cohérence, à grand renfort d’extraits de près de 200 films de la collection de l’Office national du film du Canada, les dessous d’une décennie au cours de laquelle le Québec s’est profondément transformé.

ANNIHILATION EN SALLE LE 23 FÉVRIER

ARTS VISUELS

Dans ce film de science-fiction basé sur le roman du même nom de Jeff VanderMeer, le mari d’une biologiste disparaît. Elle partira ensuite en expédition dans une zone sinistrée, mais ce que l’équipe y découvrira est tout sauf ce à quoi elle s’attendait. Accompagnée d’un anthropologiste, d’un psychologue, d’un censeur et d’un linguiste, elle devra faire face à une confrontation jusqu’ici jamais rencontrée par l’homme.

KAPWANI KIWANGA CENTRE CLARK – JUSQU’AU 17 FÉVRIER

Née à Hamilton et maintenant installée à Paris, Kapwani Kiwanga crée des installations, des œuvres sonores, des vidéos et des performances. Abordant des questions ayant trait à la géographie, l’artiste présente ici une installation multicanal «structurée comme une pièce de théâtre divisée en actes et en scènes». Réunissant des éléments factuels et fictifs, la trajectoire narrative de Kiwanga interroge notre Histoire.

NAPOLÉON: ART ET VIE DE COUR AU PALAIS IMPÉRIAL MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL – 3 FÉVRIER AU 6 MAI

Comprenant des peintures et des objets d’art, dont la plupart n’ont jamais été présentés en Amérique du Nord, l’exposition Art et vie de cour au palais impérial révèle le rôle de la Maison de l’Empereur «dans le façonnage d’une identité monarchique» pour Napoléon Bonaparte, sa famille et son entourage.

MICHEL CAMPEAU MUSÉE MCCORD – 16 FÉVRIER AU 6 MAI

Illustre photographe montréalais, Michel Campeau porte «un regard subjectif et sentimental sur la culture matérielle héritée de la photographie avant le numérique». S’étant donné comme objectif de répertorier toutes les chambres noires fonctionnelles à partir de 2005, l’artiste dévoile ici quelques photos de sa recherche documentaire, tout en montrant des bribes de ses collections de photos anonymes des années 1950. >

ANONYME, PAS-FOTO, COPENHAGUE, DNK, VERS 1956. COLLECTION DE MICHEL CAMPEAU


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