Magazine Voir Québec V03 #02 | Février 2018

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QUÉBEC VO3 #O2 | FÉVRIER 2O18 POUR VIVRE ICI CHARLOTTE A DU FUN GRAEME PATTERSON KATHERINE LEVAC ALA.NI QUEL AVENIR POUR LES ARTS VIVANTS? HAROLD RHÉAUME CHRISTIAN LAPOINTE ET NADIA ROSS ALIMENTATION ZÉRO DÉCHET

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QUÉBEC | FÉVRIER 2018

RÉDACTION

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Coordonnatrice à la rédac­tion et journaliste: Catherine Genest Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, mode de vie et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse

Vice-présidente - Ventes: Valérie Brasseur Adjointe / Coordonnatrice aux ventes: Karyne Dutremble Conseillers aux solutions médias: Lucie Bernier, Mizia Émond-Lavoie (comptes majeurs), Suzie Plante.

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PHOTO COUVERTURE Guillaume Simoneau | leconsulat.ca

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«SE RENOUVELER EN VIEILLISSANT ET RESTER PERTINENT, C’EST UN GRAND DÉFI À LONG TERME. J’AVAIS PEUR DE TOMBER DANS UN PIÈGE.» Photo | Guillaume Simoneau (Consulat) Assistante | Frédérique Duchesne Maquillage-coiffure | Brigitte Lacoste Stylisme | Andrée-Jade Hélie Production | Éliane Sauvé (Consulat)

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SCÈNE

Harold Rhéaume Katherine Levac Christian Lapointe et Nadia Ross

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MUSIQUE

Ala.Ni

Quel avenir pour les arts vivants?

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CINÉMA

Pour vivre ici Charlotte a du fun

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ART DE VIVRE

Alimentation zéro déchet

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LIVRES

Entre le fleuve et le ciel L’allumeuse Correspondance (1944-1959)

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ARTS VISUELS

Graeme Patterson

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QUOI FAIRE

CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p16) Monique Giroux (p32) Normand Baillargeon (p40) Alexandre Taillefer (p52)


6 CHRONIQUE VOIR QC

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

UN MOT: ISLAMOPHOBIE ILLUSTRATION | ERIC GODIN

Il y a quelques bonnes raisons de craindre les religions en général et l’islam en particulier. Notez que je dis «en particulier» et pas «tout spécialement». Je précise simplement parce que c’est de l’islam qu’on parle depuis quelques années, plus spécifiquement depuis le 11 septembre 2001, date à laquelle s’est imposée dans l’imaginaire occidental la figure du terrorisme animé par le fondamentalisme religieux. Un imaginaire où s’entremêlent des idées confuses, des préjugés, beaucoup de manipulation politique et une bonne dose d’émotions vives si bien qu’il est difficile de discuter sereinement de ces questions. En témoignent ces récents débats à propos d’un mot, «islamophobie», qui à lui seul parvient à virer la maison à l’envers. Faut-il pour autant balayer toute discussion sous prétexte que la plupart des conversations à ce sujet virent à la foire d’empoigne? Ce serait une erreur. Tentons au moins l’exercice. Distinguons d’abord deux choses: «la religion» et «le religieux». Bien des débats d’experts en sciences sociales portent sur le sens de ces mots, mais aux fins de discussion, afin qu’on se comprenne sur l’essentiel, acceptons que «la religion» est une institution historique, une fabrication sociale et culturelle avec ses hiérarchies, ses rites, ses récits, ses dogmes, ses règles et ses lois, tandis que «le religieux» est une disposition humaine à croire en quelque chose et qui peut, selon les époques, s’agglutiner autour de telle ou telle institution. On pourrait multiplier les nuances et les précisions autour de cette distinction, mais considérons-la simplement: il y a d’une part des institutions historiques, d’autre part des humains qui, au gré des époques, investissent leur potentiel croyant dans des institutions. D’ailleurs, un simple regard à l’expérience permet de constater qu’on peut bien abolir telle ou telle institution, cela n’empêche pas les humains de se trouver

d’autres objets de dévotion. Ne cherchez pas très loin. Ça fait même parfois sourire. Un groupuscule comme La Meute, par exemple, prétend se battre pour la laïcité tout en reproduisant tous les réflexes de la foi béate par le biais d’un culte forestier où on invoque la sagesse des esprits canins. Mais je m’égare. L’islam, donc, comme toute religion, est une institution historique qui permet d’instaurer un rapport de pouvoir arbitraire. Il est tout à fait compréhensible que des individus puissent avoir peur d’un tel pouvoir et souhaitent éventuellement l’abolir ou le fuir. Par ailleurs, sans y être directement assujetti, on peut redouter aussi le discours qui permet à une institution de constituer son pouvoir. On peut légitimement aussi devant tel ou tel texte sacré juger inquiétant que des gens y adhèrent spontanément sans le remettre en question. Il en va de même pour des théories scientifiques loufoques ou des discours politiques qu’on sert aux militants comme des vérités indiscutables. Il arrive aussi que les institutions historiques usent de violence. Il n’est pas très exotique de constater qu’on puisse faire la guerre au nom de tel ou tel principe, sur la base de tel ou tel principe plus ou moins saugrenu, et il n’est pas rare qu’on arrive à convaincre des gens d’aller mourir au champ de bataille à l’aide d’arguments complètement chimériques. Lorsque ça se produit – et ça se produit assez souvent –, on a de très bonnes raisons d’être effrayé. Bref, vous l’aurez compris, il y a de très bonnes raisons d’avoir peur des dérives des institutions, et l’islam, comme religion, n’y échappe pas. Nous avons aussi d’excellents motifs qui nous poussent à avoir peur d’un président américain élu démocratiquement qui se vante sur Twitter d’avoir le plus gros bouton nucléaire du monde. On peut même se demander, parfois, si on ne devrait pas avoir un peu plus peur devant bien des

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discours, en apparence inoffensifs, qui permettent d’exploiter, grâce à une vaste fiction publicitaire, des pauvres gens un peu partout sur la planète en les maintenant dans un état de servitude économique. Évidemment, il n’y a pas que ça. La démocratie ne sert pas qu’à élire un président sociopathe, et la religion, comme institution, ne fait pas que maintenir les dévots dans l’étau du fanatisme. Il va de soi aussi qu’au sein même d’une religion on trouve différents courants et diverses confessions dont l’orthodoxie varie. Mais voilà, en général, c’est du pire qu’on a peur.

Le mot lui-même ne permet pas de distinguer, d’une part, la peur, souvent justifiée, qui peut nous habiter face à l’institution historique où s’incarne parfois un pouvoir arbitraire et, d’autre part, la crainte de l’autre, fruit de l’ignorance le plus souvent, qui varie en intensité, allant de la méfiance jusqu’à l’exclusion. Cette dernière devrait plutôt nous inviter à créer des lieux de discussion et d’apprivoisement. Plus embêtant encore, ce même mot, islamophobie, pourrait désigner, aussi, la pure et simple détestation maladive qui pousse, dans les pires des cas, au crime haineux.

Or une question demeure en suspens. Si nous avons parfois de bonnes raisons d’avoir peur de la religion, qu’en est-il des individus qui sont habités par un sentiment religieux et qui misent leur foi sur telle ou telle institution? Posons la question simplement: devons-nous alors avoir peur, pour les mêmes raisons, de notre voisin musulman? La question peut sembler triviale. Non évidemment. Les raisons pour lesquelles nous pouvons craindre une religion ne peuvent pas tout bonnement être transposées sur les gens qui adoptent telle ou telle pratique pour des motifs divers, par héritage, tradition, con­trainte ou conviction, notamment. Il arrive, on le voit bien, qu’on se méfie de son voisin, qu’on en ait peur, mais la religion comme institution et le religieux comme disposition humaine ne doivent pas être confondus. C’est là que se joue, justement, un aspect du drame autour de cette discussion à propos de l’islamophobie.

Nous sommes ici devant des phénomènes distincts, qu’il ne faudrait jamais confondre, mais que la notion d’islamophobie, au gré des usages, englobe de manière ambiguë. Il y a là des nuances fondamentales qui devraient être discutées hors des joutes politiques partisanes, dans un climat serein qu’il est difficile de mettre en place dans un contexte de polarisation extrême dont se régalent les grands titres. Rien n’est assez simple ici pour se résumer en un mot. Nous voulons à la fois vaincre nos craintes afin de rencontrer notre voisin et tisser des liens avec lui, continuer de nous méfier des institutions religieuses au pouvoir arbitraire tout en refusant catégoriquement la haine pure et simple. Non, un seul mot ne suffit pas. Cette querelle menée autour de l’emploi du mot empêche bien de la lumière de passer et, dans le clair-obscur, trop souvent, nous confondons les ombres qui nous inquiètent et les gens qui nous entourent, que nous ne voyons presque plus. La peur des ombres... Ça aussi, c’est une phobie. y sjodoin@voir.ca


ONDULATIONS POLYPHONIQUES / Un procédé de création inusité, né d’un puissant désir de communion. Le chorégraphe Harold Rhéaume fait à nouveau le pont entre son art et le public avec P.artition B.lanche, une pièce délicatement brodée en résidence. MOTS | JULIE BOUCHARD

PHOTO | LE FILS D’ADRIEN DANSE


SCÈNE 9 VOIR QC

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La notion de partage est au cœur de ses œuvres. On pense à ses spectacles extérieurs (Le fil de l’histoire, Je me souviens) qui, déjà, permettaient au chorégraphe de Québec d’établir un contact, de tisser des liens avec le grand public, afin d’amener ce dernier à démystifier la danse, cette forme d’expression souvent boudée, car mal comprise. C’est ce besoin de cohésion qui a inspiré Harold Rhéaume à créer différemment. P.artition B.lanche est le fruit d’un travail méticuleux développé en résidence, où les spectateurs figuraient au cœur du processus, émettant réflexions, commentaires et questionnements. Des apprentis chorégraphes, en quelque sorte. «Mes danseurs sont très généreux. Ils ont accepté de faire ce genre de processus de création, ouvert avec le public. Ç’a amené des échanges très riches entre les spectateurs et l’équipe de création.» Ouvrir le dialogue avec le public, afin de percevoir ce qui le touche, ce qu’il ressent, ce qu’il aime (ou pas). Ces rencontres ont non seulement permis à Rhéaume de récolter suffisamment de matériel pour compléter sa création, mais aussi de tâter le pouls et constater en simultané les impacts de ses actes. «Les gens pensent que c’est facile, la danse. C’est tellement fluide, ça coule… Mais il y a vraiment beaucoup de travail derrière ça. Un simple changement d’éclairage peut affecter la lecture, la compréhension de la pièce.» Les résidences de création, implantées dans quelques villes de la région de Québec en 2016-2017, ont également adouci le choc de la première. «Ça enlève un peu la nervosité qu’on a quand on est sur scène.» Toutefois, les danseurs ont dû s’ajuster et partager leur chorégraphe avec le public. «Au début, c’était une adaptation, mais très vite, ils ont vu les bienfaits que ça apportait à l’expérience, et à eux aussi.» Concerto pour deux Un territoire virginal, immaculé, où tout est à forger, à construire; où la peur de l’inconnu est rompue par l’imprévisible et la spontanéité. Puis, la rencontre entre deux êtres. Entre deux corps. Interaction. Entrelacement. Mouvement.

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parce que le monde a besoin d’artisans-créateurs

MaEV Martel, oeuvre de la collection Bienvenue aux oiseaux (détail) (photo : Hélène Bouffard)

La Maison des métiers d’art de Québec (MMAQ) est un centre de formation, de création et de recherche en céramique, en sculpture et en textile.

Un milieu de vie et de travail unique en son genre

Vingt-cinq ateliers, vastes, ensoleillés et très bien équipés, répartis sur sept étages, en plein cœur du dynamique quartier Saint-Roch, à Québec.

Une programmation d’activités spécialisées et pour tous • Formation collégiale (avec le Cégep Limoilou) • Classes de perfectionnement pour les artisans • Conférences • Ateliers grand public (niveaux débutant, intermédiaire et avancé) • Camps d’été (pour les jeunes et les adultes)

À la MMAQ, savoir-faire ancestral et innovation se conjuguent dans un seul but : contribuer à l’essor des nouvelles pratiques en métiers d’art. Parce que le monde a besoin d’artisans-créateurs.

« J’ai eu le privilège de suivre la seule formation technique en sculpture qui existe au Québec, si ce n’est au Canada. J’ai commencé cette formation à 45 ans, sans éducation préalable en arts plastiques. J’aime travailler en atelier avec la poussière, le feu et un outillage élaboré. Je souhaite vivre dans un tel contexte tous les jours de ma vie. » MaEV Martel (DEC Techniques de métiers d’art - option Sculpture)

Maison des métiers d’art de Québec 367, boul. Charest Est Québec (Québec) G1K 3H3 | 418 524-7337

mmaq.com


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> Cet élan qui mène à la relation avec l’autre est le fondement de l’œuvre de Rhéaume. «Je pense qu’avec le processus de P.artition B.lanche, il y a quelque chose de cet ordre-là, d’interdépendance, ou plus une forme d’attachement, de développer avec le public une relation de confiance avec l’artiste de la danse», raconte le chorégraphe passionné et voué au développement de son art. «J’avais un besoin encore plus grand de parler d’empathie, de parler de partage, de faire ensemble, de construire ensemble un monde meilleur. Dans P.artition B.lanche, c’est particulièrement présent.» Sa nouvelle pièce porte donc en elle la trace de toutes ces âmes qui ont pris part à ce grand «potluck» créatif. Un processus unique, selon le fondateur de la compagnie Le fils d’Adrien danse. «Je ne connais aucun autre chorégraphe qui a créé une pièce complète à 80% devant

public. Il y a un côté un peu novateur dans ça, mais c’est très à l’image de ma démarche artistique.» Symphonie charnelle Talentueux et prolifique – il a mis sur pied près d’une vingtaine de créations –, Harold Rhéaume est non seulement chorégraphe et interprète, mais il cumule les titres d’enseignant, de con­ férencier, d’animateur et de conseiller artistique. Il a également produit une myriade de chorégraphies pour des théâtres, des opéras, des écoles, des maisons de danse et d’autres grosses pointures du milieu culturel. Fortement impliqué au sein de la communauté de la danse à Québec – il a contribué à l’édifica­tion de la Maison pour la danse, qui a célébré son ouverture en septembre 2017 –,

Rhéaume souhaite ardemment démocratiser son art. «La danse, c’est pas une forme de show qu’il faut comprendre avec sa tête, mais il faut le recevoir avec ses émotions, même avec son corps. Juste de recevoir les mouvements dans son corps, et donc de relâcher un peu, s’abandonner. Lâcher prise sur ce désir constant de comprendre tout avec sa tête.» P.artition B.lanche, «une expérience fabuleuse de création», selon Rhéaume, aura facilité cette compréhension de la danse. Au point où le chorégraphe songe à répéter la même technique lors de ses futures réalisations. «C’est drôle, on dirait que j’ai créé un précédent, parce que j’ai de la misère à m’imaginer créer différemment!» y Du 13 au 15 février au Théâtre de la Bordée (Une présentation de La Rotonde)

QUAND LA DANSE S’INVITE AU MUSÉE Un tête-à-tête entre les arts visuels et la danse se tiendra ce printemps au Musée national des beaux-arts du Québec avec Empreintes mouvantes, danser Giacometti, une création originale produite par Le Fils d’Adrien danse. S’entrelaçant avec l’exposition Alberto Giacometti, le parcours chorégraphique conçu par Harold Rhéaume sera présenté en trois temps et mettra en lumière une sélection d’œuvres du sculpteur et peintre suisse. Fortement inspiré par ses bronzes filiformes, similaires au corps en mouvement, le chorégraphe souhaite abolir les frontières entre le public et l’artiste en proposant aux visiteurs de s’engager dans cette expérience de proximité avec la danse. Les 21 et 31 mars et le 21 avril, au MNBAQ. (Julie Bouchard)

Alberto Giacometti, Le Nez, 1947. Bronze, 80,9 x 70,5 x 40,6 cm © Succession Alberto Giacometti/ SODRAC pour le Canada (2018)


GANT DE VELOURS TROIS ANS APRÈS AVOIR ÉTÉ SACRÉE DÉCOUVERTE DE L’ANNÉE AU GALA LES OLIVIER, KATHERINE LEVAC PASSE À L’ÉTAPE SUIVANTE AVEC SON PREMIER ONE-WOMAN-SHOW VELOURS. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


SCÈNE 13 VOIR QC

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> Décidément, la Montréalaise d’adoption a le vent dans les voiles. Il y a quelques semaines, alors qu’il était toujours en rodage, Velours dépassait le seuil des 50 000 billets vendus, et la plupart de ses premières représentations affichaient déjà complet. Pour une humoriste encore immergée dans ce bassin de plus en plus dense et compétitif qu’est la relève, cet engouement tient de l’exploit. «C’est cool, mais j’me rends peut-être pas compte que c’est nice. Depuis mes débuts, je joue devant des salles pleines, sans nécessairement réaliser ce qui m’arrive.» Pour en arriver là, Levac a bien saisi les opportunités qui se sont présentées à elle. Entre sa sortie de l’École nationale de l’humour en 2013 et la première de Velours à la Place des Arts en février 2018, elle a su s’imposer dans le très fertile circuit des soirées d’humour hebdomadaires de la métropole, puis s’est fait remarquer à Zoofest et en première partie de Jean-François Mercier. Raflant la première place du très populaire concours En route vers mon premier gala Juste pour rire en 2014 et la statuette de la découverte de l’année aux Olivier l’année suivante, elle a largement agrandi son public en accumulant les projets à la télévision, notamment SNL Québec, Like-moi!, Paparagilles et Les 5 prochains. L’artiste à l’agenda surchargé a dû prendre le recul nécessaire pour élaborer un spectacle complet. «Là, j’ai pris le temps d’écrire. C’est devenu ma priorité. Je suis partie en Gaspésie cet été avec le plan de juste faire ça: écrire, roder, réécrire, roder… Pour vrai, c’est vraiment un luxe, écrire! En télé, le temps manque tout le temps et là, pour la première fois, je décide ce que je veux. C’est une liberté à laquelle j’avais encore jamais goûté à ce jour.» Guidée par son script-éditeur David Beaucage, son ex-copain et très bon ami qui assure maintenant ses premières parties, Levac livre des textes personnels qui revisitent son enfance aisée, proclament ses origines franco-ontariennes et mettent en lumière les contradictions d’une génération de femmes qui cultive de fortes ambitions. Comme d’habitude, l’humoriste pince-sans-rire joue avec les contrastes. «J’ai une voix douce et j’ai l’air d’un ange, mais quand je parle, ça rentre plus fort qu’on pensait», résume-t-elle, évoquant la main de fer dans le gant de velours. Bref, l’humoriste se livre ici sans artifices, délaissant le format du sketch qu’elle a souvent soutenu à la télévision. Son alter ego Paige Beaulieu, une caricature franco-ontarienne qu’elle a incarnée dans SNL Québec, sert ici de prétexte pour parler d’un enjeu social plus vaste. «Je parle de la nais-

sance du personnage, du statement que son nom représente. Les origines sont clairement francophones, mais elle s’appelle Paige! Ça évoque pas beaucoup de choses au Québec, mais en Ontario, ils comprennent parfaitement ce que je fais. Ça me permet de parler de la situation du français là-bas, qui souvent ne tient qu’à un fil.» Québécoise depuis 2011, année où elle a quitté son village de Saint-Bernardin pour venir étudier à Montréal, Levac aime comparer les deux cultures et, surtout, constater les réactions divergentes de son public d’une province à l’autre. «C’est drôle parce que les gens rient, mais pas aux mêmes endroits», observe-t-elle. «Par exemple, quand je parle de l’impact de la religion sur mon enfance, du camp pastoral, des prières et des Ô Canada obligatoires à mon école, les gens au Québec rient de l’absurdité de la situation, alors qu’en Ontario, ça rit jaune. Tu peux pas aller trop loin dans les jokes de religion, car il y a encore ben du monde qui font leur première communion. C’est ce genre de rire weird là que j’aime.» Par-dessus tout, l’artiste de 27 ans aime la sensation de contrôle que lui procure ce premier spectacle. «C’est vraiment satisfaisant de savoir qu’à n’importe quel moment, tu as le pouvoir de changer le mood d’une salle. Lancer la balle avec le public comme ça, ça me rend heureuse.» Intouchable sur scène, Katherine Levac a récemment compris qu’elle n’avait pas la même emprise sur sa vie publique. À l’été 2016, sa flagrante perte de poids a fait les choux gras de la presse québécoise et a provoqué un débat sur les réseaux sociaux, auquel tout le monde semblait vouloir participer... sauf elle. «À écouter tout le monde, c’était rendu que je prenais du crystal meth et que j’avais la leucémie! Tout est rentré dans l’ordre quand j’ai dit que j’étais correcte et que ça allait bien [...], mais c’est sûr que j’ai gardé ça tabou trop longtemps», reconnaît l’humoriste, qui a attendu son passage à Tout le monde en parle, en avril 2017, pour s’expliquer sur la situation. «Moi, je sais pas c’est quoi être une personnalité connue. Chaque fois que je fais quelque chose, j’apprends comment dealer avec. N’importe qui qui commence un travail ou une vie d’adulte vit la même chose et finit par faire les changements qui s’imposent.» y 20 et 21 février, 5 et 6 mars, 4 et 5 mai, 1er et 2 novembre à la salle Albert-Rousseau


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LA PORNO EST PARTOUT «Comme artistes, nous sommes des putes.» Les mots sont de Christian Lapointe et Nadia Ross, iconoclastes créateurs réunis pour une première création en duo intitulée P.O.R.N. Les deux metteurs en scène, l’un basé à Québec, l’autre en Outaouais, dénoncent un capitalisme qui reproduit ad nauseam les mécanismes de la porno, jusqu’à contaminer l’art. MOTS | PHILIPPE COUTURE

C’est l’histoire d’une rencontre. Et ça commence à Toronto en octobre 2016, à la remise des prix Siminovitch. Tous deux en nomination pour ce prestigieux prix canadien assorti d’une rondelette bourse de 100 000$, Christian Lapointe et Nadia Ross se découvrent une complicité instantanée. Ils se connaissent alors seulement de réputation et n’ont jamais vu le travail de l’autre. Ils se doutent vaguement que leur intérêt pour l’écriture du Montréalais Jacob Wren, avec qui ils ont tous deux travaillé, les unit dans une certaine parenté d’esprit. Mais ils n’anticipent absolument pas l’amitié immédiate qui naîtra au cœur de la nuit, après que Nadia eut reçu le prix convoité. «Ce soir-là, on a tenu le barman occupé jusqu’à la toute dernière minute», rigole Nadia Ross. «On a tout de suite été larrons en foire», confirme Christian Lapointe. Il n’en fallait pas plus pour que se profile l’idée de ce spectacle-labo, basé sur des discussions qui ont commencé autour d’une bière pression et qui se sont affinées en salle de répétition au fil des mois. Pas si étonnant que ces deux-là s’entendent bien. S’il n’y a pas de vraies similitudes esthétiques dans leurs œuvres respectives – lui flirtant avec des formes performatives comme avec un théâtre hautement cérébral, elle se consacrant à un théâtre interdisciplinaire très mouvant qui échappe aux catégories –, il y a chez ces deux-là le même appétit pour la recherche et pour un théâtre qui ne s’embarrasse pas de narrativité traditionnelle.

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

À deux, ils sont en train de mettre en forme un théâtre «très sobre», disent-ils, qui repose sur une très simple mise en scène d’eux-mêmes, «dans un dévoilement de [leurs] propres vies qui flirte aussi avec des éléments de fiction». Une exposition de soi qui fait écho au narcissisme ambiant et à la mise en scène de soi sur le web: des mécanismes virtuels qui reproduisent, selon eux, les codes de la porno­ graphie. Leur spectacle, qui sera interprété en anglais, s’intitule P.O.R.N. pour faire référence à la culture porno, mais aussi pour évoquer une société plus narcissique que jamais (le titre est l’acronyme de Portrait of Restless Narcissism). Pornoculture pour tous En anglais comme en français, ils utilisent le mot «pornoculture» pour évoquer le concept de marchandisation de soi qui les occupe. Le spectacle ne parle pas strictement de pornographie, précisentils, mais bien d’un mécanisme de consommation des corps que la porno a fini par normaliser, et d’une certaine «transactionnalité» des relations humai­ nes qui se déploie à l’infini dans nos communications virtuelles. «L’idée qui nous habite, explique Nadia Ross, est que la consommation de porno offre une satisfaction sexuelle instantanée mais que, en se satisfaisant d’un tel simulacre, on demeure tout le temps insatisfaits et on en veut toujours plus. C’est un cercle

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«EN SE SATISFAISANT D’UN TEL SIMULACRE, ON DEMEURE TOUT LE TEMPS INSATISFAITS ET ON EN VEUT TOUJOURS PLUS.»

vicieux qui, aujourd’hui, nous paraît généralisé. Les plateformes numériques entraînent nos relations humaines dans le même mécanisme: on les intègre à toutes nos communications même si elles ne sont qu’artifices, que mécanismes de remplacement. Nos vies sociales ne sont qu’illusions. Pour nous, tout est devenu de la porno, ou presque.» Impossible d’y échapper, au point que, chaque fois qu’ils montent sur scène et qu’ils entrent dans un processus de médiatisation de leur travail artistique, Christian Lapointe et Nadia Ross ont l’impression de se «prostituer», de reproduire pleinement eux aussi les mécanismes de la porno­culture. «Comme artistes, on a souvent l’impression de faire œuvre d’humanisme ou de faire du théâtre

plus social, poursuit Lapointe, mais nous obéissons aussi malgré tout à ce narcissisme ambiant. C’est à cela que le spectacle tente de réfléchir en nous mettant nous-mêmes en scène. Il y a une grosse part d’autocritique.» Théâtre laboratoire, cette pièce n’est qu’une première étape d’expérimentation, précise le duo. «On jette les bases d’un projet qui pourrait devenir plus grand», ose Lapointe. y 23 février, 20h Musée de la civilisation Auditorium Roland-Arpin (Dans le cadre du Mois Multi)


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MICKAËL BERGERON ROULETTE RUSSE

JE PRÉFÈRE LA NAÏVETÉ J’ai perdu ma bibliothèque musicale numérique il y a deux ans. Après avoir essayé de la récupérer, ainsi que toutes les photos, vidéos, textes et autres fichiers qu’il y avait sur le disque dur, j’ai compris que je devais faire mon deuil. Pour la reconstruire, j’ai ressorti les vieux CD de mon adolescence.

Des textes qui critiquent la société, la politique, la norme. Des textes qui nous invitent à résister et à ne pas plier sur certaines valeurs – la justice, l’entraide, l’ouverture, le respect, l’égalité. C’est souvent loin de la caricature violente qu’on colle au punk, même si elle existe aussi.

Comme plusieurs adolescent.e.s des années 1990, je me suis tenu dans les shows punk, à l’époque où ils se faisaient dans les sous-sols d’églises, dans les salles communautaires, les gymnases d’écoles ou dans les stationnements. À cette époque, je pense que MAP était dans tous les shows de Québec. Ou presque.

Ça fait quelque temps que je me dis que notre société aurait besoin d’un petit coup de vent punk. Il y a quelque chose de trop propre. Trop normé. Trop confortable. Des exemples de ce confort: demander aux manifestants de ne pas déranger. Reprocher à des gens qui veulent changer le système de ne pas passer par le système. «Think outside the box», c’est cool, mais juste en marketing.

J’ai mushpité, circlepité et trashé à en trouver ça banal. J’ai skanké, aussi. Je n’écoutais vraiment pas que du punk, du ska ou du hardcore, mais j’avais quand même des patchs sur mes chemises, des studs sur mes bracelets et même sur mon chapeau, un moment, et j’ai porté un mohawk quelques années au début de ma vingtaine. À l’époque, je reprenais les gens qui me qualifiaient de punk, ne me considérant pas ainsi, mais avec le recul, je les comprends. L’idée de me faire coller une étiquette me gossait probablement plus que l’étiquette en soi. Alors, je parcours les albums de mon adolescence. Je tombe sur MAP, entre autres, avec Injustice for All, mais aussi Arseniq33, les Vulgaires Machins, Against All Authority, Choking Victim, Anti-Flag, Grimskunk ou des compilations comme Physical Fatness. Au-delà du fait que je connais encore par cœur certains de ces albums et que j’ai toujours du plaisir à réécouter certaines pièces que j’avais oubliées, je suis surpris par la manière dont certains textes résonnent encore chez moi.

Si les suffragettes n’étaient pas sorties dans les rues et étaient restées dans leur cuisine, en quelle année tardive les femmes auraient-elles obtenu le droit de vote? Si Rosa Parks avait cédé son siège, combien de temps de plus la ségrégation aurait-elle continué aux États-Unis? Si les Allemand.e.s n’avaient pas commencé à piocher le mur de Berlin, quand serait-il tombé? Si Colin Kaepernick n’avait pas posé le genou au sol, comment aurait-il attiré l’attention sur ce qu’il voulait dénoncer, soit le racisme encore présent aux États-Unis? Si les victimes d’agressions sexuelles ne comptaient que sur le système judiciaire, comment la culture du viol aurait-elle pu s’immiscer dans le débat public? Un mouvement comme Idle No More existe parce que les voies officielles refusaient – et refusent toujours

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TABLE D’HÔTE MIDI ET SOIR - CARTE DES VINS RÉPUTÉE

17 – d’écouter les problèmes, les blessures et les préoccupations des Autochtones. Black Lives Matter, les Femen et les autres mouvements de contestations sont motivés par l’indignation, coincés dans un cul-de-sac du système. Les exemples de prise de conscience entamée ou propulsée par une forme de désobéissance civile, par une cassure avec la norme sociale, sont nombreux. Et cela va de soi. Sans discréditer les voies officielles comme la politique, le changement ne peut reposer que sur elles. Les changements profonds doivent être réclamés par le peuple, par «nous», ils doivent venir de la base, le fameux «bottom up». Il doit y avoir une lame de fond. Si nous voulons, par exemple, que l’éducation soit réellement une priorité lors de la prochaine campagne électorale, il faut alors l’imposer aux candidats et aux candidates, leur en parler lorsqu’on les croise, l’exprimer dans les médias, sortir dans la rue pour le revendiquer, s’il le faut. Il faut réellement s’approprier l’enjeu. Ne pas laisser Pierre, Pierre et Ricardo s’en charger pour nous.

«NOTRE SOCIÉTÉ AURAIT BESOIN D’UN PETIT COUP DE VENT PUNK.»

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L’ÉCHAUDÉ EN LIVRAISON COMMANDEZ EN LIGNE SUR ECHAUDE.COM

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Bien que les foules s’embrasent malheureusement souvent pour des riens, il reste que lorsque la population s’indigne pour quelque chose avec force et en masse, le gouvernement, souvent, l’écoute. Pas toujours, parfois timidement, mais quand même. Il vient un moment où il n’a plus le choix, l’enjeu s’impose.

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Sauf que le gouvernement est chanceux, ou joue bien son jeu, la population est souvent divisée et indifférente au sort collectif. Le discours général encourage une forme de déresponsabilisation sociale, un individualisme qui se méfie du collectif. On pousse un réflexe normal de protéger ses acquis avant de vouloir aider l’autre, même si tous se soutenir permettrait à tous et à toutes d’avoir de meilleurs acquis. On tente souvent de faire croire que le statu quo est une bonne chose, que le changement est dangereux. Pire, toutes les époques ont eu leur lot de personnes croyant que la société avait atteint son sommet de perfection, traitant les idéalistes de naïfs. Il y a clairement des trucs naïfs dans certains textes de mes vieux albums punk, mais entre ça et croire qu’on n’a plus rien à changer, je préfère encore la naïveté. y

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DUMAS / LE COURS DES ANNÉES SUR SON NOUVEL ALBUM, DUMAS MÊLE LE PASSÉ AU PRÉSENT ET LE SINGULIER AU PLURIEL. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | GUILLAUME SIMONEAU (CONSULAT)

En décembre, Dumas annonçait un nouveau disque, Nos idéaux, et lançait un premier extrait pop-rock planant au thème fort: celui de la remise en question. «La chanson À l’est d’Éden, c’est le point de départ de l’album, mais aussi un point de départ du processus de ce sentiment d’être un peu perdu, de ne pas être sur son X, commente le chanteur. Tu te demandes si c’est un hasard ou une erreur que tu te sois rendu là, tu te questionnes sur tes choix dans la vie.» Nos idéaux, qui arrive trois ans après un second album éponyme, est un disque bien ancré dans des questionnements du présent que l’on tente de résoudre en regardant dans le rétroviseur. «T’as pas les mêmes idéaux à 20 ans qu’à 38 ans… C’est une exploration de qui j’étais, de ce que je suis devenu, et de l’idée d’avoir de nouveaux rêves. Quand j’avais 20 ans, je voulais vraiment faire de la musique, et quand je suis arrivé à 30 ans, j’avais accompli de belles choses. J’ai eu une trentaine un peu bizarre où je me demandais ce que je devrais faire. L’album est l’aboutissement de toute cette réflexion.»

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Les clins d’œil au passé sont nombreux sur Nos idéaux et on a même parfois des dates précises qui nous ramènent en arrière à des époques importantes de la vie et de la carrière de Dumas. La guitare acoustique et la nostalgie sont reines sur 1995 et puis sur Vertigo, chanson pop parfaite pour danser, on revient en 2003 à l’époque du disque phare du chanteur, Le cours des jours. «Dans 1995, je me remémore mes idéaux à 15 ou 16 ans, ce que j’appréhendais de la vie, commente Dumas. Pour Vertigo, je trouvais ça intéressant de revisiter cette époque spéciale, qui était comme un vertige avec le succès et la tournée.» Sobriété foisonnante D’autres titres de Nos idéaux parlent de ses proches. La touchante Le déserteur de Fort Alamo est une chanson sur son père et l’énergique Bleu clair, menée par les claviers et pour laquelle le chanteur précise une influence d’Alain Souchon, est à propos de son fils. «J’ai jamais été si personnel, confirme Dumas. Je suis dans une période sans filtre. Je suis sobre depuis un an. Depuis ce temps, on dirait

«JE SUIS SOBRE DEPUIS UN AN. ON DIRAIT QU’UN DES GROS EFFETS, C’EST QUE JE N’AI PLUS DE TOLÉRANCE POUR LA BULLSHIT, LES TRUCS FAUX.» qu’un des gros effets, c’est que je n’ai plus de tolérance pour la bullshit, les trucs faux. Ç’a eu un gros impact sur l’album, sur l’écriture. Je restais concentré et je n’avais pas le goût d’être fake.»

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Pour mener à bien cet album très personnel, mais dont les thèmes restent universels – d’ailleurs, le titre de l’album est à la première personne du pluriel, mais la chanson Mes idéaux, à la première du singulier –, Dumas a fait appel à son bon ami Jonathan Harnois, parolier et auteur. Un «ping-pong d’écriture» a été la genèse de ce nouvel album de la bête de scène derrière J’erre, Miss Ecstasy et Au gré des saisons. «Sans avoir de musique ou savoir si ça allait donner des chansons, on travaillait sur des textes ensemble. Jonathan a une super sensibilité, donc on s’est mis à creuser dans ce que je voulais dire. Il m’a fait assumer des choses. Les thèmes se sont dessinés tout seuls, instinctivement.» Côté musique, Dumas brasse les cartes pour un second disque de suite. Après avoir travaillé avec Jonathan Dauphinais et Étienne Dupuis-Cloutier pour l’album Dumas en 2014, il s’est associé cette fois-ci au talent du réalisateur Gus van Go (derrière les plus récents albums des Trois Accords) et du duo de compositeurs Likeminds (Chris Soper et Jesse Singer, qui œuvrent davantage dans le hip-hop). Les trois partagent un studio à Brooklyn, où a été enregistré Nos idéaux. «En vieillissant, je trouve ça plus intéressant de m’ouvrir et de collaborer avec d’autres gens», indique Dumas. «Au printemps passé, j’avais pas mal de chansons, mais je ne savais pas avec qui travailler. J’étais un peu perdu et je ne savais même pas si c’était encore pertinent de faire un disque aujourd’hui. Tu sais, tout ce questionnement existentiel par rapport à la création... Puis, un jour, comme ça, j’ai reçu un courriel de Gus van Go. Ça faisait longtemps qu’on voulait travailler ensemble. Il m’a dit: “On va essayer de faire une chanson, mais je tiens à ce que tu travailles avec les deux New-Yorkais qui sont dans mon studio”. On a fait Mes idéaux en une journée. Tout ça, c’est un hasard qui a vraiment clarifié les choses dans ma tête.»

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Avancer au passé Si l’expérience s’est avérée «assez spéciale», puisque le trio n’était pas vraiment familier avec les albums de Dumas, le chanteur a été très attiré par une rencontre avec l’inconnu et une collaboration musicale qui ne tiendrait pas compte du passé. L’énergie a été renouvelée, bien sûr, mais on retrouve sur Nos idéaux toutes les qualités de mélodiste qui ont fait la renommée de Dumas, en plus du mélange planant/dansant qu’on lui connaît. Les musiques, plus synthétiques que sur les albums qui ont lancé la carrière du chanteur, s’avèrent toutefois en écho avec ses albums des débuts. «Assez instinctivement, les gars ont voulu explorer avec des beatbox et des synthétiseurs vintage comme le Juno, des choses que j’avais utilisées pour Le cours des jours, mais sans qu’ils l’aient entendu. Pour cet album, j’avais aussi décidé d’assumer le côté Talking Heads, LCD Soundsystem et beatboxing qui a toujours été là dans la musique que j’aime. Tout ça était aussi très présent dans la tournée que je venais de compléter.» Cette collaboration, naturelle et instinctive, a permis à Dumas de mieux se concentrer sur la création de chansons, dit-il. Et c’est exactement ce qu’il recherchait puisque sa prochaine tournée sera en solo. La dernière tournée, Sur la piste de danse, en trio, l’a mené sur plus de 150 scènes. Cette fois-ci, il se mettra en danger seul sur scène avec ses chansons pour la première fois depuis au moins 10 ans. «J’ai vraiment un désir de revenir à la chanson. L’idée de la tournée solo – qui m’est venue à l’esprit avant même de faire l’album – vient de là. C’est de revenir à ce truc que j’aime le plus faire, donc j’ai le goût de le peaufiner. Pour moi, je le vois plus comme un nouveau départ.» «J’aime ça me donner des défis, me garder actif et créatif», poursuit celui qui, on s’en souvient, avait bravé la crise du disque il y a quelques années en sortant cinq mini-albums en un an. «Se renouveler en vieillissant et rester pertinent, c’est un grand défi à long terme. J’avais peur de tomber dans un piège, de continuer dans l’ambiance très entertainer de la tournée en trio. J’avais le goût de revenir aux tounes.» Un album fait au «nous» pour mieux s’assumer et revenir au «je», donc. Un nouveau départ, qui fait du bien à entendre, à vivre sur les planches cette année. y Nos idéaux La Tribu Sortie le 23 février Les 9 février et 6 avril au Théâtre Petit Champlain


LOVÉE DANS SES DRAPS, ALA.NI ASSEMBLE LES MOTS ET AGENCE LES NOTES. LA LONDONIENNE CONÇOIT UNE POP INCLASSABLE À ASCENDANCE JAZZ, DES AIRS QUI BERCENT LES GRANDS ENFANTS, QUI S’HARMONISENT AUX LONGS BAISERS. MOTS | CATHERINE GENEST

PHOTO | ALEX JONAS


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Elle a été choriste pour Damon Albarn, tant en solo qu’avec Blur, pour Andrea Bocelli, pour Mary J. Blige. Sa feuille de route est impressionnante. C’est aux côtés de ces grandes vedettes, à 20 pieds de la gloire, que la Londonienne a parcouru le globe et a appris son métier. Cette vie de nomade était belle, le salaire était bon, mais Ala.Ni est de celles qui sont nées pour briller. Après une brève incursion dans l’industrie de la mode, escale professionnelle qu’on devine émancipatrice, la musicienne cachottière révèle enfin le contenu de ses cahiers avec un premier long-jeu: You & I. On y découvre simultanément une voix sans âge, une écriture narrative et presque théâtrale (il faut entendre Roses & Wine) à l’écart des tendances. L’auteure-compositrice-interprète allie passé et présent, prouesses techniques et non-conformisme avec une désinvolture qui rappelle presque Amy Winehouse. Sa musique ne sera jamais dans le Top 40, à moins bien sûr qu’elle ne trouve son Mark Ronson, mais il y a en elle un genre de supplément d’âme. Quelque chose d’unique, de la douceur; il émane en elle une forme de grâce. Son disque You & I a l’étoffe d’un classique même s’il reste, encore un an et demi plus tard après sa parution, un secret beaucoup trop bien gardé. Lire votre curriculum vitae m’a, en quelque sorte, rappelé le documentaire oscarisé Twenty Feet from Stardom, qui raconte la vie souvent pénible des choristes. Est-ce que ces contrats ont déjà constitué une expérience aigre-douce ou même douloureuse pour vous, à l’époque? Oh, fuck oui! Je ne peux pas tolérer de voir mon amour pour la musique se transformer en frustration… Quand ça m’arrivait, je démissionnais! Ça paraît dans mon visage quand je mens, ça paraît aussi dans mes actions, alors c’était difficile pour moi de faire un contrat seulement pour l’argent. J’ai vu le film et, bien sûr, je m’y suis reconnue. J’ai tellement vu de chanteuses qui ont essayé de percer en solo, de faire leur propre truc, mais c’est dur. […] Tout le monde ne peut pas être Beyoncé ou Adele. Ce n’est pas impossible, mais tu dois vraiment faire ta place. Quel est votre bagage académique? De 5 à 16 ans, j’ai fréquenté une école de théâtre et chanté des chansons de comédies musicales. J’ai aussi commencé à suivre des cours de chant classique quand j’avais 12 ans. Je n’ai pas de formation en jazz. J’ai davantage tendance à écouter des femmes altistes comme Joni Mitchell,

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J’AI ASSIS LES BASES DE L’ALBUM QUAND J’AI FINALEMENT ACCEPTÉ QUE J’ÉTAIS UNE FEMME NOIRE À DREADLOCKS QUI SONNE UN PEU COMME JUDY GARLAND.

PHOTO | JEAN-BAPTISTE MONDINO

bière et spectacles hiver/printemps 2018 KEITH KOUNA - 26 JANVIER • SUNNS - 9 FÉVRIER

JASON BAJADA - 16 FÉVRIER • DR. MOBILO AQUAFEST - 24 FÉVRIER

MUDIE-CORRIDOR-GAZOLINE - 3 MARS • THE SHEEPDOGS - 9 MARS DANY PLACARD - 10 MARS • I.D.A.L.G / PONCTUATION - 16 MARS

MARJO - 17 MARS • ISABELLE BLAIS ET PIERRE LUC BRILLANT - 30 MARS GALAXIE - 31 MARS • MICHEL PAGLIARO - 13 AVRIL

DUMAS - 14 AVRIL • LES COWBOYS FRINGANTS - 20 AVRIL

LES DALES HAWERCHUCK - 27 AVRIL • MONONC' SERGE - 28 AVRIL AUT'CHOSE - 4 MAI • KLÔ PELGAG - 19 MAI


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Vos arrangements musicaux sont très simples, dans le bon sens du terme, on pourrait presque les qualifier de minimalistes. Est-ce que vos concerts à Québec et à Montréal seront en phase avec l’album? C’est le premier disque que j’ai produit, donc j’ai dû garder ça simple. Quand j’ai commencé l’enregistrement, j’ai fait appel à un quatuor à cordes, une contrebasse, un piano, mais c’était un vrai casse-tête. Je n’avais plus de place pour mes backs vocals et je sentais que je perdais le contrôle sur mes propres compositions. J’ai donc choisi un autre instrument, un instrument plus facile à manier: la guitare. Il y a aussi d’autres sons: du steel drum, un lamellophone Hohner, de l’orgue, des percussions jouées dans un bain, et tout ça est très subtil. La plupart du temps, je joue seulement avec mon guitariste. Ce sera le cas lors de mes shows au Canada. Comment se construisent et se créent vos chansons? Est-ce que c’est la mélodie vocale qui sort en premier? Ou est-ce les mots?

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Roberta Flack, Karen Carpenter ou Dusty. L’autre jour, j’écoutais Olivia Newton-John et ça m’a rappelé à quel point j’aimais Grease quand j’étais petite. Récemment, c’est en chantant sur Hopelessly Devoted que j’ai réalisé que ma voix se mêlait vraiment bien à la sienne. Elle a clairement influencé ma façon de chanter. «Intemporel» est le premier adjectif qui me vient en tête en pensant à votre musique. Était-ce votre ligne directrice au moment de créer votre disque You & I, un genre de direction artistique? J’ai assis les bases de l’album quand j’ai finalement accepté que j’étais une femme noire à dreadlocks qui sonne un peu comme Judy Garland. J’ai exploré tant de styles et de timbres de voix, mais c’est cette façon de chanter et d’écrire qui est la plus naturelle pour moi. Après m’être avoué ça, les chansons ont mis environ trois mois à débouler. J’ai enregistré mes démos sur mon iPad en version a cappella et, après, j’ai couché tout ça sur des partitions. J’ai même songé à conserver le micro du iPad lorsqu’est venu le temps d’entrer en studio. J’aime son aspect lo-fi. À la place, j’ai trouvé le parfait micro en Allemagne, un RCA Ribbon. C’est une histoire en soi. J’ai rencontré son propriétaire complètement par hasard sur une plage de Grenade. Je venais juste d’écrire Cherry Blossom sous une couverture de duvet à trois heures du matin…

Ça change chaque fois. Ça m’arrive d’écrire un poème en premier. Ou alors j’improvise des sons de voyelles et de syllabes et après je m’octroie la tâche de remplir ça avec des vrais mots. Au moment où je suis en train de te répondre, je suis entourée de mes feuilles, je travaille beaucoup à partir de mon lit. […] La chanson que j’ai écrite plus tôt aujourd’hui est née de quatre impros que j’ai enregistrées moimême, question de voir où ça s’en allait. Ensuite, je me suis inspirée d’anecdotes récentes pour écrire le texte et ça m’a pris moins d’une demi-heure pour mettre tout ça ensemble… Mais ce n’est pas toujours aussi facile! J’ai été chanceuse aujourd’hui. Ça peut prendre des années avant qu’une chanson soit complète. y Vendredi 23 février à 20h au Palais Montcalm


«LA QUESTION NE SERAIT PLUS DE SAVOIR SI LES OUTILS EN LIGNE DES MÉDIAS SOCIAUX VONT REDÉFINIR LES PRATIQUES ARTISTIQUES, MAIS PLUTÔT COMMENT ILS VONT Y PARVENIR.»


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CORPS RÉELS OU VIRTUELS QUEL AVENIR POUR LES ARTS VIVANTS? ON PEUT AUJOURD’HUI VISIONNER UN SPECTACLE DU BALLET DU BOLCHOÏ AU CINÉMA, ÉCOUTER L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN DEPUIS NOTRE SALON, OU MÊME VIVRE UNE REPRÉSENTATION EN RÉALITÉ VIRTUELLE DU CIRQUE DU SOLEIL À L’AIDE D’UN CASQUE OCULUS RIFT. SOMMES-NOUS EN TRAIN D’ASSISTER À LA DÉMATÉRIALISATION DU SPECTACLE VIVANT? MOTS | ALESSANDRA RIGANO

Le numérique est un vaste territoire de concepts, un mot parfois «galvaudé», comme le mentionne Hugues Sweeney, producteur exécutif de l’Office national du film (ONF). Pour les diffuseurs en arts vivants et les créateurs, le numérique offre de nouveaux outils de diffusion et de communication sur le web, de nouvelles méthodes et des techniques de création. Ces technologies ont permis l’émergence de nouvelles disciplines comme les réalités augmentée et virtuelle qui plongent le spectateur dans un monde d’immersion. Alors que certains diffuseurs sont emballés par les possibilités de rayonnement des arts que permettent ces technologies et par la perspective de nouvelles collaborations entre artistes, disciplines et territoires, d’autres au contraire craignent les effets secondaires de cette nouvelle ère. Le coût de l’innovation Est-ce que l’augmentation de l’offre de spectacles en ligne pourrait avoir une incidence néfaste sur les revenus de billetterie? Si on se penche sur l’exemple du diffuseur de musique torontois qui a lancé sa série de concerts Live at Massey Hall en 2014, ce ne serait pas le cas. Si on se fie au Conseil québécois du théâtre, au Québec, à la même époque, on notait le meilleur taux d’occupation de salle depuis l’année 2011. Néanmoins, ces nouveaux modes de rediffusion et l’accessibilité de spectacles en ligne inquiètent certains diffuseurs, notamment en

PHOTO | LEVI DAMASCENO

région. C’est le cas d’Amélie Cordeau, directrice générale du Rift, un diffuseur en Abitibi-Témiscamingue qui fait office de galerie d’art, de cinéma et de salle de spectacles. Bien qu’optimiste, Mme Cordeau anticipe la diminution potentielle des tournées. «Les spectacles à grand déploiement seront peut-être accessibles aux gens des régions qui ne peuvent pas se déplacer, mais la ligne est mince entre un spectacle à grand déploiement et des artistes qui ne voudront plus se déplacer. […] En région, la culture apporte tout un levier économique. Si les artistes ne se déplacent plus, c’est toute une région qui en souffre. À la salle de Ville-Marie, s’il n’y a pas de spectacles, les restaurants ne sont pas pleins et les gens se déplacent moins sur le territoire.» D’un côté, on investit pour innover technologiquement, de l’autre, on a parfois du mal à permettre à ces projets d’évoluer sur une grande échelle au Québec. Avec des ressources humaines et techniques limitées, les diffuseurs peinent souvent à suivre le rythme des avancées numériques, autant pour accompagner les artistes avec des outils de création technologique que pour joindre les communautés en ligne. «C’est toujours un combat pour nous, je le vois comme un défi constant de rester à jour. Au moment où on commence à se dire qu’on a bien amorcé le virage du web, on a l’impression d’être déjà ailleurs», explique Christine Curnillon, codirectrice générale et directrice des communi-

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cations et du marketing de l’Usine C à Montréal. Cependant, les arts vivants ont peut-être l’avantage d’avancer à un rythme qui leur est propre. «On le sait que le temps de la scène n’est pas le même que celui du marketing. Le théâtre, c’est beaucoup un rituel de communauté.» Le nouveau rôle du spectateur Une communauté où le public et le spectateur se retrouvent de plus en plus au cœur du processus créatif. L’internet et les médias sociaux permettent d’ailleurs aux créateurs d’impliquer leur public avant même qu’il soit en salle. L’œuvre Delete, présentée en collaboration avec Youtheatre et la firme créative Iregular en 2016, est un bel exemple. L’expérience des jeunes visiteurs pour chaque groupe convié à l’exposition interactive à la galerie Eastern Bloc était personnalisée grâce à des données collectées auprès d’eux via le web. Ainsi, la question ne serait plus de savoir si les outils en ligne des médias sociaux vont redéfinir les pratiques artistiques, mais plutôt comment ils vont y parvenir. Christine Curnillon abonde en ce sens: «Nécessairement, tout renouvellement de l’expérience proposée au spectateur transforme la création. Cela va dans les deux sens. Chaque fois qu’un nouvel outil apparaît, l’ensemble du processus est transformé. Cela ne va pas pour autant générer que des expériences dématérialisées. […] Je pense effectivement que l’interactivité est au cœur de toutes les discussions actuellement dans les expériences. C’est-à-dire: jusqu’où veut-on pousser cette interactivité et intégrer le spectateur au sein du processus créatif? […] On parle quand même toujours d’un rapport entre un créateur et un spectateur et de l’un qui parle à l’autre. La façon de parler va changer, mais elle a toujours changé…»

Repenser les moyens et les outils de création et de diffusion est essentiel. Par ailleurs, le danger serait de tomber dans une nécessité technologique, souligne Hugues Sweeney. Pour celui qui pilote de nombreux projets primés en documentaire interactif de l’ONF et qui siège à la vice-présidence de la commission numérique de Culture Montréal, le rôle du public est une question qui se pose à chaque début de projet, parce que tout n’a pas besoin d’être interactif ou participatif. «Je ne pense pas que les gens s’attendent à ce que les nouvelles technologies soient à tout prix intégrées aux pratiques du théâtre vivant. Par contre, les nouvelles technologies amènent d’autres facettes pour raconter des histoires. C’est là que ça devient intéressant…» À l’instar de la radio qui vit aujourd’hui une deuxième jeunesse grâce à la popularité des podcasts, la dématérialisation du spectacle vivant n’est peutêtre pas à craindre. Pour le producteur, «chaque révolution est une opportunité», une occasion pour les artistes de «se réapproprier des outils». Sous le signe de la collaboration Afin de transformer un problème en solution, les partenariats et les collaborations sont des termes récurrents dans le discours des diffuseurs et des créateurs. Le programme Scènes ouvertes, développé par la Société des arts technologiques, en est un excellent exemple. Après 10 ans de recherche, la SAT a développé une technologie qui permet de créer et de diffuser des projets en téléprésence scénique. L’idée? C’est d’avoir des salles munies du même équipement afin de connecter des publics ensemble, dans les salles du Québec et éventuellement à l’international. Autrement dit, cette technologie permet à des artistes de cocréer en temps réel et au public de se trouver dans des villes différentes pour vivre une expérience collective. Depuis un an, la SAT a installé cette technologie dans 20 salles avec l’aide financière octroyée dans le cadre du Plan culturel numérique du Québec. Le problème qui existe encore à ce jour, c’est le réseau à trop faible débit dans les villes situées hors des grands centres du Québec et qui empêche la technologie d’être exploitée. Malgré l’innovation technologique et les nouveaux moyens qu’apporte le numérique pour joindre les auditoires et les mettre en relation, il y a encore «énormément de travail à faire» pour favoriser la visibilité et le rayonnement des artistes locaux, rappelle Hugues Sweeney. Reste à voir comment le numérique sera mis à profit pour devenir un levier de notre créativité. La question des enjeux du numérique et de la diffusion sera discutée en détail lors du Forum Rideau qui se tiendra le 12 février au Centre des congrès de Québec, notamment lors de l’atelier Expérience scènes ouvertes et lors de la présentation du rapport sur la captation et la diffusion des arts de la scène. y

LIVE AT THE MASSEY HALL

Pour plus d’informations: rideau-inc.qc.ca


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À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL

GALAXIE SUPER LYNX DELUXE

(Lazy At Work) HHHH

Toujours mené de front par Olivier Langevin, Galaxie revient à la charge avec un troisième opus – depuis le retrait du «500» dans son nom – où le rock se mélange à des saveurs industrielles et où synthétiseurs et guitares distortionnées se combinent en des timbres âcres et décapants. La bande a visiblement ajouté une certaine époque des Beastie Boys à sa liste d’influences, certains titres (Phénoménal, tout particulièrement) semblant tout droit tirés de Check Your Head, mais revus à la sauce québ’. Sinon, sur le plan des textes, Langevin poursuit dans la lancée amorcée avec les opus précédents en utilisant les mots comme des sons plutôt que cherchant à les assembler pour créer des phrases songées. De toute façon, ici, place à la musique plutôt qu’aux textes recherchés: Galaxie, c’est du dance-rock, pas du folk. Sans réinventer le style ou la roue, la formation cimente ici son esthétique sans faire de compromis. Qu’on aime ou pas, chose certaine: ça rentre au poste. (A. Bordeleau)

LIOR SHOOV LIOR SHOOV

NILS FRAHM ALL MELODY

(Musique sauvage) HHH

(Erased Tape Records) HHHH

Armée de son ukulélé et de son kalimba, l’Israélienne – Française d’adoption – Lior Shoov s’amuse avec les sons et les mots. Jouant de son corps comme d’un instrument et improvisant son folk au rythme de ses explorations nomades, et rencontres avec l’autre, la multiinstrumentiste invite le mélomane dans son univers minimaliste (parfois simpliste), mais ô combien tourné vers le monde. Si on lui trouve des airs de Regina Spektor (Take Me, Changing with the Season), voire Fiona Apple (A Call for Light, Walk in the Night), elle demeure un phénomène singulier, à la frontière de la musique et de l’expression corporelle. Des paroles en français, en anglais et en hébreu se marient aisément pour révéler cette artiste lumineuse au passé de clown, sauvage et poétique, qui scande «I don’t want no fame/Just want to light my flame/Unravel who I am/Be taken on a ride». (J. Ledoux)

Star du néo-classique qui a fait sa renommée en piano classique et en explorations électroniques, Nils Frahm est un créateur d’exception qui nous livre un nouvel album à l’énergie émouvante, brumeuse et parfois céleste lorsqu’apparaît un chœur à quelques occasions. All Melody est construit autour de la pièce magnifique du même titre qu’il joue sur scène depuis quelques années et qui, placée en milieu de disque, donne un second souffle plus énergique à l’œuvre. Le long crescendo captivant et haletant de #2 fait écho à l’énergie de Says, pièce marquante du catalogue de Nils Frahm et moment époustouflant en concert ces dernières années. Mariant ses jeux habiles de synthés – souvent construits sur mesure – et de boîte à rythmes à des instruments à vent ou à cordes, l’artiste renfloue son coffre de nouvelles énergies et d’une créativité qu’on ne peut qu’admirer. (V. Thérien)

VANTABLACK WARSHIP ABRASIVE PULMONIC SPEAK (Indépendant) HHHH Lorsqu’on a découvert le quatuor par le biais de son premier EP homonyme en 2015, on ne pouvait ignorer le passé musical des musiciens (anciens membres d’Arseniq 33, Ghoulunatics, Brutal Chérie et Foreshadow, entre autres). Sur Abrasive Pulmonic Speak, les influences des musiciens sont devenues un son cohésif qui mélange le thrash, le hardcore et le punk de façon dynamique et percutante. Les huit compositions, qui ne s’éternisent jamais en longueur et qui s’incrustent dans notre mémoire à la première écoute, sont couronnées par la voix grinçante de Yannick Pilon (Arseniq 33). Le côté abrasif de Vantablack Warship se retrouve aussi dans les textes irrévérencieux de chansons telles qu’Another Death Rockstar, Kill the Kid et Black Tongue Bertha. (C. Fortier)

SIMONE PRATTICO BROOKLYN SESSIONS (That’s It) HHH 1/2 Le batteur italien Simone Prattico est un musicien créatif et très éclectique que l’on a vu, notamment, avec Piers Faccini. Élève de Ron Carter, Brandi Disterheft, la fée canadienne de la contrebasse, a encore bien du mordant. Quant au pianiste allemand Klaus Mueller, il s’impose comme la révélation de ce nouveau trio enregistré de manière impromptue à New York, autant comme compositeur que comme soliste principal. Passant de la tendresse (Cycles, toute douce) au panache (On Green Dolphin Street, époustouflante), par une transition musclée (Double Blues), cet album semble allier par alternance le jazz européen au courant post-bop américain. Et, comme de fait, il s’écoute très bien, c’està-dire sans effort et sans complaisance. Pour un coup d’essai, c’est un joli coup. (R. Boncy)


DISQUES 31 VOIR QC

VICKY CHOW SONATRA

DUO JATEKOK LES BOYS

(Cantaloupe/Naxos) HHHH

(Alpha/Naxos) HHHH

Il semble que la pianiste canadienne Vicky Chow soit partout ces derniers temps: après un disque d’œuvres de Steve Reich et un autre de musiques de Tristan Perich, voici qu’elle nous offre Sonatra, une œuvre de Michael Gordon, l’un des fondateurs de l’ensemble Bang on a Can, dont elle est membre. C’est, dit-elle, de loin la pièce la plus difficile sur laquelle elle a travaillé; 15 minutes d’enfilades d’arpèges qui montent et descendent sans arrêt, jusqu’à se transformer en glissandi. C’est étourdissant, surtout dans la deuxième version, jouée en intonation juste, ce qui donne déjà le tournis! Ça sonne comme du Conlon Nancarrow bionique et on rêve de la voir jouer ça en concert. (R. Beaucage)

«Les Boys», c’est le célèbre duo de pianistes américains Gold & Fizdale, et Jatekok, c’est un duo français formé de Naïri Badal et d’Adélaïde Panaget, qui rendent ici hommage à ces messieurs. Les deux amies d’enfance jouent souvent à quatre mains, mais c’est sur deux pianos qu’elles reprennent les pièces que Poulenc avait dédiées à Gold & Fizdale, dont Élégie (à jouer «comme une improvisation, un cigare aux lèvres et un verre de cognac sur le piano»), les Points on Jazz for Two Pianos de Dave Brubeck, et, surtout, les Trois pièces pour deux pianos de Baptiste Trotignon. Un programme superbe, joué avec un plaisir palpable. Au-delà de la virtuosité, les «girls» ont du fun, et ça fait du bien à entendre. (R. Beaucage)

MILK & BONE DECEPTION BAY (Bonsound) HHH 1/2 Il y a plus de lumière qu’on pourrait le croire sur cette Deception Bay, petit golfe du Nord québécois qui sert ici de trame de fond à la poésie mélancolique de Milk & Bone. Plus rayonnant que son prédécesseur Little Mourning paru en 2015, ce deuxième album du duo montréalais reste dans sa zone électropop de prédilection, tout en flirtant remarquablement avec le R&B alternatif (THE FLOOD, élaborée par le talentueux Max-Antoine Gendron), la ballade (Tmrw, rehaussée par le maître pianiste Chilly Gonzales) et le future garage (Faded, orchestrée avec finesse par CRi). Encore une fois soutenues par leur fidèle collaborateur Gabriel Gagnon, les chanteuses et multi-instrumentistes Laurence Lafond-Beaulne et Camille Poliquin marient leurs voix avec une sensibilité naturelle et chaleureuse, qui fait contraste avec les textures froides et les arrangements électroniques de leurs compositions. Mis à part quelques sonorités remâchées, visiblement datées du début de la décennie, le duo témoigne ici d’une honorable évolution. (O. Boisvert-Magnen)

ANBA TONÈL BELLEGARDE (Indépendant) HHH Né à Montréal mais fasciné depuis toujours par la culture créole en raison de son origine familiale, le percussionniste Daniel Bellegarde nous livre ici le vieux projet dont il a longtemps rêvé. Les quadrilles et les contredanses jouées sans artifice nous ramènent dans la Caraïbe du temps des colonies (Martinique, Guadeloupe, la Dominique, Haïti) où l’on a vu jadis, dans l’univers rural, cette fusion improbable des traditions africaines et européennes. La voix délurée de Marco Jeanty fait merveille, notamment dans le chant vaudou Kafou Tengendeng, ce rara païen qui ouvre le bal. Puis, avec une manouba en guise de basse, un authentique violoneux québécois (David Boulanger), un banjo que se partagent l’ami maghrébin Hassan El Hady et l’expert troubadour Toto Laraque, ça sent bon la fête champêtre. Mais on effleure aussi la musique urbaine de Nemours Jean-Baptiste et du Jazz des Jeunes. Pourquoi pas? (R. Boncy)

VO3 #O2

O2 / 2O18

RHYE BLOOD

(Last Gang Records) HHH

En 2013, Woman avait révélé Rhye au grand jour. Sa recette gagnante – de la pop soul intimiste dans la veine de Sade amplifiée par la voix de contralto fascinante de Mike Milosh – est de retour ici en version augmentée. La section rythmique est forte, comme toujours, et les claviers et les guitares sont jumelés à des instruments à cordes et parfois à vent, ajoutant de la classe et de l’émotion à quelques titres. Le groupe touche à plusieurs cibles: l’énergie est surtout atmosphérique, sensuelle, lumineuse, et les extraits Taste et Count to Five s’avèrent plus énergiques. Sans être linéaire, le disque manque toutefois d’un certain je-nesais-quoi. Belle continuation et certainement réussi, ce Blood, mais on aurait souhaité quelque chose de plus éclaté. (V. Thérien)


32 CHRONIQUE VOIR QC

VO3 #O2

O2 / 2O18

MONIQUE GIROUX SUR MESURE

ICI MONIQUE MUSIQUE Il m’arrive de me réveiller avant le soleil qui, lui, dort assurément trop longtemps à cette époque de l’année. Le plus souvent, j’émerge vers 4 heures. Quand l’espoir d’une nuit complète s’évanouit, quand le sommeil a tout de même fait à peu près son boulot, et pour ne pas laisser mes neurones partir en vrille et que je me mette à refaire le monde en pyjama, j’écoute la radio. Discrètement, pour ne pas réveiller l’amoureuse, un tout petit écouteur glissé au creux de l’oreille, je me branche sur une appli formidable, TuneIn. Et hop! me voilà partie pour un tour.

Pas plus que les 17 radios de l’Azerbaïdjan. Écouter cependant Whitney Houston sur la radio Retro 895 de Reykjavik peut être assez tripatif. Rouler sur la 20 en pleine tempête en écoutant la radio thaïlandaise aussi… En un clic, on peut même enregistrer ce qu’on écoute ou reculer pour être bien certain d’avoir capté correctement le propos. La Rolls-Royce des applis, je vous dis.

Peut-être qu’avant d’aller plus loin dans la rédaction de mon récit devrais-je, comme Cindy la youtubeuse qui a publié une vidéo d’un gonflage de lèvres en échange... d’un gonflage de lèvres gratis, négocier un partenariat avec le gestionnaire de l’appli et ainsi obtenir pour cette chronique un cachet conséquent, sonnant et trébuchant. Ou mieux, l’utilisation d’une voiture aux couleurs de TuneIn contre des photos de moi faisant le plein dudit char. Vous aurez compris que je ne suis pas commanditée par l’appli TuneIn qui, de toute façon, est gratuite dans sa version de base, même si j’ai opté pour la version pro payante et donc sans pub, vu l’utilisation boulimique que j’en fais et mon aversion chronique des pubs à la radio.

Le plus souvent, au milieu de la nuit, alors que nos radios locales diffusent de la musique en continu ou des tribunes téléphoniques post-défaites du Canadien, je choisis, dites-moi que ça vous étonne, la radio publique, celle qui cause, la BBC et RadioFrance, particulièrement France Culture. La grande table, Les pieds sur terre, Les chemins de la philosophie. J’aime me faire bercer par des voix jolies qui finiront bien par leurs ronrons à m’endormir. La première fois que nous nous sommes rencontrés, Les chemins de la philosophie et moi, il était précisément 4 heures. L’animatrice Adèle Van Reeth, qui connaît visiblement son sujet, proposait le premier de quatre épisodes d’une heure autour du thème Qui a tué Socrate? À cet instant, je me suis dit là que notre relation ne durerait pas, ou plutôt si, qu’elle durerait longtemps en remplissant assurément sa soporifique mission. Eh bien non!!! Je ne me suis jamais rendormie.

100 000 stations de radio!!! J’ai accès à 100 000 stations de radio dans mon téléphone à 4 heures du matin, à des millions d’émissions et de podcasts. Il faut d’abord choisir son genre, musique, actualités, sports, mais ça, ce n’est pas mon truc, ou alors choisir une langue ou un pays. Cette opulence est vertigineuse. Je vous accorde que je n’écoute jamais la radio en azéri, ni les émissions-débats en gujarati, ni les émissions d’humour en ouzbek.

Et depuis, toutes les nuits à 4 heures, me v’là réveillée pour connaître la suite. L’histoire de Socrate, mais aussi celle racontée dans Sartre, L’être et le néant… en quatre épisodes. Je sais que je peux les écouter en rattrapage, en podcast, mais ce que je veux, c’est du vrai, du cru, du direct, une messe, quoi. Je veux être là, pas toute seule, mais avec d’autres qui écoutent la même chose que moi en même temps que moi.

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33

Nous avons atteint un sommet, Les chemins de la philosophie et moi, grâce à la série La chanson populaire (Claude François, l’art de la simplicité; David Bowie, mourir sur scène; Chanter pour crier l’injustice; et Julien Doré, vous et lui). Invitée à l’émission, Jeanne Proust, prof de littérature et de philosophie à l’Université de New York et auteure de Sentiment d’injustice et chanson populaire, cite son homonyme, Marcel Proust (l’histoire ne dit pas s’il existe un lien de parenté entre eux). Cet écrivain qui, depuis un siècle, nous fait chercher le temps perdu qu’on ne trouve jamais, avait donc une opinion sur la chanson populaire. «Détestez la mauvaise musique, ne la méprisez pas. Comme on la joue, la chante bien plus, bien plus passionnément que la bonne, bien plus qu’elle s’est peu à peu remplie du rêve et des larmes des hommes. Qu’elle vous soit par là vénérable. Sa place, nulle dans l’histoire de l’art, est immense dans l’histoire sentimentale des sociétés. Le respect, je ne dis pas l’amour, de la mauvaise musique n’est pas seulement une forme de ce qu’on pour-

J’AIME ME FAIRE BERCER PAR DES VOIX JOLIES QUI FINIRONT BIEN PAR LEURS RONRONS À M’ENDORMIR. rait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c’est encore la conscience de l’importance du rôle social de la musique. Combien de mélodies, de nul prix aux yeux d’un artiste, sont au nombre des confidents élus par la foule des jeunes gens romanesques et des amoureuses… Un cahier de mauvaises romances, usé pour avoir trop servi, doit nous toucher comme un cimetière ou comme un village. Qu’importe que les maisons n’aient pas de style, que les tombes disparaissent sous les inscriptions et les ornements de mauvais goût. De cette poussière peut s’envoler, devant une imagination assez sympathique et respectueuse pour taire un moment ses dédains esthétiques, la nuée des âmes tenant au bec le rêve encore vert qui leur faisait pressentir l’autre monde, et jouir ou pleurer dans celui-ci.» – Marcel Proust, Les plaisirs et les jours, chapitre 13, juin 1896 J’ai fermé mon appli, secoué mon oreiller, me suis levée. J’ai entrouvert la fenêtre, respiré un bon coup, me suis remise au lit – il devait être 5 heures et demie. Je me suis rendormie enfin rassurée… de ne pas avoir tout compris. C’est pour ça que je continuerai à parler de chansons, dimanche dans mon émission. y

10 FÉVRIER | COMPLET

9 NOVEMBRE | SUPPLÉMENTAIRE

ÉMILE BILODEAU

16 FÉVRIER

MATT HOLUBOWSKI

23 FÉVRIER

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CINÉMA 35 VOIR QC

VO3 #O2

O2 / 2O18

POUR VIVRE ICI: D’ESPOIR ET DE LUMIÈRE BERNARD ÉMOND ET ÉLISE GUILBAULT RENOUENT POUR UN QUATRIÈME FILM EN 16 ANS AVEC LE TRIPTYQUE HIVERNAL ET LUMINEUX POUR VIVRE ICI. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

«Y’a juste ta mère qui connaît mieux ton visage que moi», lance le réalisateur à sa muse comédienne. «Ben, tu commences à prendre de l’avance!» rétorque-t-elle. En entrevue, le duo de créateurs navigue entre rigolades et réflexions, fruits d’une longue amitié. S’ils ont une vague impression de parler le même langage après toutes ces années de collaboration, Bernard Émond affirme que désormais, sur le plateau, les mots ne sont parfois pas nécessaires. «Je n’ai plus l’impression de diriger Élise. J’ai l’impression d’avoir une conversation avec elle. Ce qu’on appelle les notes entre les prises, ça se réduit au minimum. Un regard dit tout. Elle va me regarder et je me dis: “C’est bon, elle veut une autre prise.” Et c’est la même chose avec l’équipe parce qu’on travaille avec les mêmes personnes depuis longtemps.» Le cinéaste québécois a écrit pour la comédienne le personnage de Monique, une femme endeuillée résidant à Baie-Comeau qui part visiter ses enfants à Montréal, puis se rend dans sa ville natale en Ontario. Nous voici donc devant un triptyque qui mène ultimement vers la lumière, «quelque chose comme la perte, le désarroi et l’espoir», précise Bernard Émond. «Très souvent, le lieu où va se passer l’histoire précède celle-ci, dit-il. J’aime Baie-Comeau depuis longtemps. J’y ai des amis que je vais souvent visiter. J’avais envie d’écrire une histoire là, une histoire d’hiver.»

Le tournage l’an dernier a débuté par une frisquette journée à -38 degrés ressentis, mais Élise Guilbault assure que le tout a été «un 30 jours de pur bonheur». Elle a d’ailleurs trouvé, en ce tournage heureux dans des conditions difficiles, écho dans l’épreuve que traverse son personnage à l’écran. «Quand on a froid dehors comme ça – j’ai dû ressentir ce que mon père, qui était ouvrier, ressentait, une espèce d’accomplissement –, on doit avancer non pas contre le froid mais avec le froid. Le soir, on rentrait avec un picotement, le nez et les doigts gelés. Mais on ne rouspétait pas, on était là-dedans ensemble. L’équipe a, en quelque sorte, emprunté le chemin que Monique devait emprunter. On était tous dans une marche vers quelque chose de très calme, de grand respect pour le deuil de cette femme et cette nature qui imposait ses épreuves et ses grâces.» Le voyage intérieur de Monique l’amène à rebrousser chemin, à revisiter des lieux qui l’ont menée là où elle s’est rendue. «Je le vois comme de l’accomplissement, de confirmer les choix qu’on a faits, explique la comédienne. D’abord, on part avec un deuil, mais ce voyage-là mène à une sorte de tranquillité, de paix intérieure. C’est ce qu’il faut se souhaiter: de penser qu’on a bien fait pour nous et nos proches et qu’on a rempli notre devoir, qu’on a accompli les choses dont on est fier.» «Ce que le film dit, c’est: oui, on perd – chaque existence

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PHOTO | LES FILMS SÉVILLE

est une suite de pertes et on finit tous par mourir et perdre les nôtres –, mais au bout du compte, y’a des choses qui se poursuivent et qui se transmettent et la beauté du monde est toujours là», ajoute Bernard Émond. Si les influences littéraires (Stachura, Tchekhov) étaient bien présentes dans ses films récents, c’est un film japonais qui l’a mené à Pour vivre ici. Bernard Émond a puisé son inspiration dans Tokyo Story, qui raconte l’histoire d’un vieux couple de campagnards qui visite ses enfants à Tokyo. «Évidemment, les enfants ont d’autres choses à faire que de s’occuper des parents, indique le réalisateur. Mon film n’est pas du tout une copie de ça, mais y a une sorte d’inspiration semblable. L’idée, c’est celle de la rupture entre les générations, rupture qui n’est pas complète parce qu’il y a une personne étrangère à la famille avec qui se fait le lien. Je pense aussi au

vieillissement, à ce que ça signifie. Et toute l’idée de la transmission, qui est devenue si difficile dans le monde dans lequel on vit.» À Montréal, Monique retrouve son fils et sa fille, mais l’une est enfouie dans la superficialité et l’autre est divorcé. Il a deux enfants, deux maisons, une grosse voiture et il travaille trop. Oui, il y’a ici un commentaire sur le capitalisme, mais c’est en filigrane. «Y a pas de dénonciation, c’est pas un film coup-de-poing ou militant, assure le cinéaste. C’est un film qui constate qu’il y a des vies qui n’ont aucun sens.» Monique tisse toutefois des liens forts avec la femme de son fils et avec une jeune femme au grand cœur qu’elle a connue à Baie-Comeau et qui habite maintenant Montréal. En Ontario, dans la ville qui l’a vue grandir, elle voit ses repères décimés (l’église et la ferme familiale n’existent plus), mais y retrouve une chaleureuse amie. Ultimement, s’il y a un sentiment de perte de transmission et de repères culturels ou religieux, l’espoir demeure. «On m’accuse souvent d’être nostalgique et je l’assume, dit Bernard Émond. Je pense qu’on a perdu des choses importantes et qu’il faut le dire. Mais tout n’est évidemment pas mauvais dans ce qu’on a gagné! Je n’ai pas la nostalgie des familles de 15 enfants et du pouvoir de monsieur le curé, mais j’ai la nostalgie d’un monde où les liens familiaux et les responsabilités sociales étaient plus serrés, où l’argent menait moins le monde, où le commerce n’avait pas tout envahi, où tout n’était pas devenu marchandise. Et c’est un peu ça que le film exprime, mais ça débouche quand même sur un constat d’espoir parce qu’il reste un véritable lien humain dans ce film. Oui, on a perdu des choses, mais comment peut-on faire pour garder les liens humains, la solidarité, le sens de la responsabilité? C’est souhaitable et c’est possible!» y En salle le 23 février


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Chronique légère mais très pertinente sur l’éveil sexuel d’une adolescente en pleine quête identitaire, Charlotte a du fun s’intéresse aux relations remuantes qu’entretiennent les jeunes hommes et les jeunes femmes à une période déterminante de leur vie. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

Initialement intitulée De l’amour pour Noël et ensuite Salope dans le bon sens du terme, un titre «qui a fait freaker ben raide la distribution», cette comédie réalisée par Sophie Lorain porte d’abord et avant tout sur l’amitié et l’acceptation de soi. En peine d’amour, après que son chum lui a avoué qu’il était homosexuel, Charlotte (Marguerite Bouchard, pétillante à l’écran) se change les idées aux côtés de ses deux amis de longue date Mégane (Romane Denis, vive) et Aube (Rose Adam, contenue) en travaillant au Jouets dépôt, magasin de jouets qui engage à profusion avant le temps des fêtes et qui, peu à peu, devient un terreau propice aux nouvelles rencontres et au flirt. Désinvolte, l’adolescente de 17 ans enchaîne les histoires d’un soir avec ses collègues masculins, sans réaliser l’ampleur du sentiment de culpabilité que ce libertinage provoquera en elle. Ponctué de moments cocasses et de dialogues colorés, le scénario de Catherine Léger a tout de suite soulevé l’intérêt de Lorain. «Quand Catherine m’a appelée pour que je lise son film, elle voulait le présenter devant les institutions, mais il était plutôt difficile à faire passer. Les gens se demandaient avec raison si ça n’allait pas trop choquer le public de voir cette jeune fille agir de la sorte, un peu sans foi ni loi», explique la réalisatrice, qui avait déjà travaillé avec

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

l’écrivaine sur le scénario de La petite reine (2014). «Ce qui m’a interpellée, c’est surtout l’aspect ultra féminin du récit. C’était de constater que ce qu’on reconnaît comme une pulsion sexuelle ou hormonale chez les garçons, on a de la misère à le reconnaître chez les filles. Souvent, elles n’ont même pas besoin de l’extérieur pour se sentir coupables, car elles se jugent ou se punissent elles-mêmes. C’est d’autant plus triste.» En trame de fond, une vidéo d’archive de Maria Callas interprétant L’amour est un oiseau rebelle, aria du premier acte de l’opéra Carmen de Bizet datant de 1875, vient appuyer le discours de la réalisatrice. «L’amour est enfant de bohème/Il n’a jamais, jamais, connu de loi», y chante la New-Yorkaise décédée en 1977. «C’est surtout pour dire que la nature humaine est faite d’impulsions, de paradoxes, de désirs et d’envies. Si on ne se permet pas de vivre ces émotions à cet âge-là, quand est-ce qu’on va les vivre?» demande Sophie Lorain, à juste titre. Le réalisme avant tout Au-delà du propos qu’il sous-tend, le film dépeint avec mordant le quotidien d’une bande de jeunes laissés à eux-mêmes, aux bons soins de leurs contradictions et de leurs émotions. Tout parent ou toute figure

d’autorité ont été volontairement évacués de la trame narrative, ce qui permet au spectateur d’être totalement immergé dans un monde où cohabitent les histoires de cœur sinueuses, les partys de sous-sol, les virées alcoolisées au parc, les snacks au cassecroûte du coin et les discussions franches (et très divertissantes) dans la salle d’employés. Réaliste, le scénario a plu instantanément à Marguerite Bouchard, qui tient ici son premier grand rôle au cinéma. «C’est très naturel, y a pas de tabous. Tu vas nous voir boire et fumer, et c’est pas la fin du monde, c’est juste normal. À mon avis, ça aurait changé la nature du film si on avait inclus les parents et leurs opinions là-dedans», estime l’actrice de 17 ans. «Ce qui aide beaucoup au réalisme du film, c’est que tous les acteurs ont l’âge des personnages qu’ils jouent. Les trucs que je connais pas dans le film, je les connais pas dans la vraie vie non plus.» Donnant un résultat beaucoup plus spontané et authentique que la plupart des autres productions québécoises pour jeune public, cette contrainte d’âge a toutefois donné du fil à retordre à Sophie Lorain. Lors du tournage, la réalisatrice a dû faire preuve de rigueur afin de diriger convenablement sa vigoureuse bande d’acteurs âgés de 17 à 20 ans. «Comme il n’y avait pas d’adultes, les acteurs n’avaient pas de repères. Entre eux

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autres, ils pensent souvent détenir des vérités absolues, et certains venaient me dire, par exemple, qu’ils n’auraient pas réagi de cette façon dans telle ou telle situation. Il a fallu que je leur fasse comprendre l’importance du sous-texte et de la nuance. Parfois, c’est moins évident de jouer ce genre d’émotions dans une comédie légère que d’exploiter des sentiers plus communs dans le gros drame, par exemple.» Pour ce nouveau défi, à mille lieues de son rôle dans l’émission jeunesse Marc-enpeluche, Marguerite Bouchard a pu compter sur la présence soutenue de Sophie Lorain, qu’elle avait auparavant côtoyée sur le plateau de la première saison de Nouvelle adresse. Une scène l’a toutefois sortie de sa zone de confort: celle où l’on la voit se remémorer tous ses ébats sexuels avec les garçons du magasin. Même sans nudité explicite, cette partie révélatrice du film est

une fenêtre ouverte sur l’intimité de la jeune actrice. «Je suis quelqu’un d’assez pudique dans la vie, donc je n’étais pas certaine d’être prête à m’embarquer là-dedans. Après réflexion, je me suis dit que je devais pas manquer la chance de faire ce film seulement parce que j’avais peur. Je savais qu’en fin de compte, je serais contente et fière de moi.» Sophie Lorain a dû redoubler d’ardeur pour la mettre en confiance. «Marguerite, c’est une hippie, une fille très intelligente et très drôle, mais en même temps, très réservée et timide. Comme toutes les personnes de son âge, elle a pas une expérience de vie très grande, alors je l’ai accompagnée là-dedans pour lui faire comprendre mon approche. Je voulais que cette scène-là ait un côté poétique, qu’elle soit jolie, mais qu’on comprenne ce qui se passe. Surtout, je voulais pas que le spectateur ait de

préjugés et considère Charlotte comme une garce. C’était donc important de rassurer Marguerite, lui dire qu’on allait rien voir, mais qu’on allait suggérer.» Sobre, la mise en scène en noir et blanc de ce deuxième long métrage de Lorain (le premier depuis Les grandes chaleurs en 2009) met l’accent sur le contenu très verbeux des dialogues, plutôt que sur les couleurs éclatantes que présuppose un typique magasin de jouets. «Je voulais pas que notre œil se batte avec nos oreilles», image habilement la réalisatrice. «Je voulais que les jeunes soient sollicités par le dialogue au lieu de les accrocher en les bombardant d’images colorées, comme ils le sont déjà tous les jours. L’important, c’était de donner la parole aux personnages, de comprendre ce qu’ils vivent.» y À l’affiche le 2 mars


40 CHRONIQUE VOIR QC

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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

BREL À cette époque, en 1978, le jeune homme que j’étais écoutait sans s’en lasser Les Marquises, l’ultime disque, celui que Brel, déjà très malade, était venu enregistrer à Paris depuis son exil dans ces îles. Je pense aujourd’hui – et je pensais alors – que c’était un album sublime, le dernier chef-d’œuvre de celui qui, avec quelques rares autres, a porté au plus haut l’art d’écrire des chansons. Brel n’est certes pas un philosophe et il tenait même la chanson pour un art mineur: c’est dire s’il n’avait aucune prétention sur ce plan. Mais il n’est pas interdit de rechercher chez lui, ou du moins chez le héros brélien de ses chansons, quelque chose comme une vision du monde. J’y lis pour ma part ce que j’appellerais volontiers une métaphysique de l’excès – ce qui l’aurait fait sourire, je pense… *** L’Ostendaise est une chanson moins connue, mais elle donne une des clés de cette vision du monde du héros brélien: Il y a deux sortes de temps/Il y a le temps qui attend/Et le temps qui espère/Il y a deux sortes de gens/Il y a les vivants/Et ceux qui sont en mer. Attendre est un acte passif. Mais espérer, rêver, c’est déjà engager sa conscience dans un rapport actif au réel. Le héros brélien existe en portant une espérance. Mieux: il existe par cette espérance qu’il porte. Que celle-ci soit finalement comblée ou non importe peu: le fait d’espérer est à lui-même sa fin. Voyez le héros de la chanson Madeleine. Il espère l’aimée, s’inscrit dans ce temps de l’espérance, en prévoit déjà toutes les promesses: on mangera des frites, on ira au cinéma… Mais, cette fois encore, Madeleine ne viendra pas. Pourtant, il se le promet, demain il l’attendra encore, car demain, peut-être que demain…

Ce temps passif, ce temps de tous ceux qui n’espèrent plus rien, de ceux qui ne se projettent plus dans le futur en voyageant sur la fusée Espérance, de ceux qui ne sont pas en mer, ce temps-là, c’est celui des simples vivants. Ce sont les antihéros bréliens. Ils foisonnent dans l’univers de Brel. Ce sont par exemple les Vieux, peu importe leur âge, ceux qui ne rêvent plus, ceux et celles qui vivent en écoutant la pendule d’argent/qui ronronne au salon/ qui dit oui qui dit non/qui leur dit: je t’attends; celle du temps qui attend. Ceux-là ne vivront même pas pleinement leur mort: ils s’endorment, tout simplement. Mais les antihéros, ce sont surtout les bourgeois qui, chez Brel, ne désignent pas tant une catégorie socioéconomique qu’un état d’esprit, celui de ces gens-là, ceux de ce milieu étouffant dont on ne s’en va pas, de ces gens chez qui on compte. Il est intéressant de noter à ce propos combien, dans les chansons de Brel, contrairement à ce qu’on constatera chez ses illustres contemporains que sont Brassens ou Ferré, le politique au sens strict est peu présent. Les chansons Jaurès et Les F…, tardives, en sont de rares contre-exemples. L’envers du monde de ces gens-là, le monde de ceux qui rêvent et espèrent, est décrit chez Brel par diverses métaphores parmi lesquelles je retiendrais, récurrentes, celle de l’enfance (Qui peut nous dire quand ça finit/qui peut nous dire quand ça commence/C’est rien avec de l’imprudence) et celle du Far West. Ces mondes sont toujours menacés, souvent même vaincus, par ceux qui attendent: Mon père était un chercheur d’or/L’ennui, c’est qu’il en a trouvé; Je devenais indien/Pourtant déjà certain/Que mes oncles repus/M’avaient volé le Far West.

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Mais dans ces mondes, si du moins on y vit pleinement, on fera la rencontre de ces expérienceslimite que procure la métaphysique de l’excès à laquelle Brel nous convie. Elles ne sont pas sans risque; mais, comme la vie dans le temps qui espère, elles sont à elles-mêmes leurs fins. La mort est une de ces expériences-limite. La mort m’attend comme une vieille fille/au rendez-vous de la faucille. Elle est omniprésente dans les chansons de Brel: J’arrive, À mon dernier repas, Fernand, et d’autres encore. Vivre pleinement, c’est vivre avec cette idée de la mort, qui signale le terme, redouté mais connu et assumé, de ce rapport au temps du héros brélien. Elle n’est en rien tragique. Mais chez ceux qui se contentent de l’attendre, elle a pour nom vieillir. La conviction du héros brélien est: Mourir, cela n’est rien/Mourir, la belle affaire/Mais vieillir… oh vieillir.

SUR LA GLACE. AVEC GLACE. LE MATCH PARFAIT.

L’amour est une autre de ces expériences-limite. Elle aussi est risquée. Elle conduit parfois au zénith et à la plénitude: Quand on n’a que l’amour/[…] nous aurons dans nos mains/ami, le monde entier, mais il arrive aussi, hélas, qu’elle mène au nadir. La douce flamme qu’on approchait pourra alors nous consumer. Ne reste alors plus qu’à supplier: Laisse-moi devenir/L’ombre de ton ombre/L’ombre de ta main/ L’ombre de ton chien/Ne me quitte pas. Autre expérience-limite: celle de l’anéantissement de soi… *** Après avoir quitté le monde du spectacle parce qu’il en avait vécu à l’excès toutes les expériences et toutes les tentations (ces interminables tournées épuisantes, avec le bonheur, disait-il, le soir, de non pas s’endormir, mais de tomber évanoui…), Brel découvrira à New York l’opéra L’Homme de la Mancha. Il le traduira en français et le jouera. Après tout, Don Quichotte, l’homme de La Quête, rêvant un impossible rêve et cherchant, sans jamais renoncer, à atteindre l’inaccessible étoile, c’était lui. Brel s’essaiera ensuite au cinéma, comme acteur d’abord, puis comme réalisateur. Lui qui avait toujours été du nombre de ceux qui sont en mer partira ensuite en voilier, pour un tour du monde. Malade, il se fixera aux Marquises, là où gémir n’est pas de mise. Durant ses trop brèves 49 années parmi nous, Brel aura vécu de nombreuses vies, chacune à l’excès. L’une d’entre elles, pour notre plus grand bonheur, aura été celle d’auteur-compositeur-interprète. Brel est mort. Mais cette part de sa vie reste bien vivante et chacun de nous peut encore en jouir. Je vous souhaite même d’en jouir à l’excès… y

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COMPOSTAGE, RÉCUPÉRATION, ÉPICERIES EN VRAC, CUISINES COMMUNAUTAIRES… 2018 SERA-T-ELLE L’ANNÉE DU ZÉRO DÉCHET DANS LE DOMAINE ALIMENTAIRE? MOTS | SOPHIE GINOUX

PHOTO | MIKE DORNER


ART DE VIVRE 43 VOIR QC

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e mouvement zéro déchet peut effrayer au premier abord. On imagine tout de suite quelques environnementalistes convaincus amenant sur un plateau de télévision un pot Mason contenant les déchets qu’ils ont accumulés pendant une année entière, et on se dit qu’un tel changement dans notre style de vie est tout simplement impossible. Mais la réalité est toute autre. «C’est avant tout un mouvement qui encourage le public à refuser ce dont il n’a pas besoin, à la hauteur de ses moyens et de ses limites», explique Michelle Poirier, de l’Association Zéro Déchet.

Ce constat, de plus en plus de personnes en ont cependant conscience. Ce ne sont pas automatiquement des ultras, loin de là. Michelle Poirier a ellemême une famille, des besoins et, avoue-t-elle en souriant, elle ne peut pas se passer de ses cotonstiges même s’ils ne sont pas recyclables. «Je mange également de la viande et sors des poubelles comme tout le monde. J’ai cependant décidé de réduire, par des petits gestes du quotidien, ma production de déchets à la source en observant tout ce que je jetais en l’espace de quelques semaines. J’ai ainsi progressivement changé mon mode de consommation, mais aussi mon mode de vie. Je cherche à présent à avoir une relation durable avec ce que j’achète. Je magasine intelligemment, je réutilise, je recycle et je lutte à ma manière contre l’obsolescence programmée qu’on veut nous imposer.» Ces petits gestes qui comptent Penser zéro déchet en alimentation, ce n’est pas si compliqué que cela en a l’air. Michelle Poirier utilise ses pelures d’oranges pour faire de la confiture, s’approvisionne en viande et en fromage avec ses propres contenants, fréquente des épiceries zéro déchet et emprunte ses livres de cuisine à la bibliothèque. Estelle Richard, du projet Sauve ta bouffe, donne aussi des trucs tout simples: manger avant de faire son épicerie, plonger sa salade dans de l’eau pour la conserver plus longtemps, ou encore faire un bouillon avec ses restes de viande.

«La plupart du temps, les gens ne gaspillent pas par légèreté, dit-elle. Ils ne savent juste pas comment s’y prendre pour améliorer les choses et succombent aux messages trompeurs des épiceries, qui nous incitent à acheter bien plus que ce dont nous avons réellement besoin. Notre rôle, ce n’est donc pas de sermonner qui que ce soit, mais d’encourager chaque petit geste.» Cette approche inclusive explique sans doute le succès de la plateforme Sauve ta bouffe, très dynamique sur le web et sur le terrain, tout comme l’achalandage surprenant (7000 visiteurs) du premier Festival Zéro Déchet qui s’est tenu cet automne à Montréal. Quels sont les publics rejoints par un message zéro déchet? «À peu près tous, répond Michelle Poirier. Nous avions pendant le festival des activités destinées à tous les types de consommateurs: familles, jeunes adultes, enfants, aînés. Ils étaient curieux et désireux d’en apprendre plus.» De son côté, Estelle Richard a constaté que ses astuces anti-gaspillage alimentaire étaient très populaires auprès des femmes actives. «Ce sont souvent elles qui s’occupent de la gestion de la nourriture à la maison et qui voient concrètement ce qui est jeté. Mais nos conseils rejoignent aussi les gens qui veulent économiser, ceux qui sont aux prises avec la pauvreté et qui veulent reprendre du pouvoir sur leur alimentation, ou simplement ceux qui aiment bien manger et trouvent dommage de voir partir de bons produits à la poubelle.»

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GUILLAUME CANTIN

Comment concilier alimentation durable et société d’hyperconsommation? Nous nous procurons des aliments biologiques venant du Mexique, achetons en plus gros format pour obtenir un meilleur rapport qualité-prix, consommons moins de viande mais sortons toujours nos trois sacs-poubelle chaque semaine sur le trottoir… Et nous gaspillons aussi beaucoup: 47% des denrées que nous achetons, ce qui correspond annuellement à plus de 1000 dollars par foyer.


> Du côté des professionnels Que représente le gaspillage dans les épiceries, les commerces de bouche et les restaurants de la province? Qu’en est-il aussi des producteurs, ou encore des entreprises en transformation? Environ 40% des produits de la chaîne alimentaire sont perdus. On sait cependant que les légumes moches, longtemps rejetés avant même d’aller sur les étalages des magasins, ont à présent une vitrine. Il existe également des initiatives intéressantes sur le marché. Le Circuit Zéro Déchet par exemple, qui permet aux consommateurs de se rendre dans des épiceries traditionnelles avec leurs propres contenants, peut être une bonne alternative en région aux épiceries sans déchet. En Outaouais, l’Escouade anti-gaspillage, composée de bénévoles, se rend à l’invitation de producteurs dans des fermes pour y chercher des légumes à donner et les ramène à Moisson Outaouais. À Québec, Récoltes urbaines ramasse les fruits des arbres laissés à l’abandon dans les jardins, cours arrière et parcs pour les redistribuer à parts égales entre les propriétaires, les bénévoles et des organismes

Le bouchon québécois d’inspiration lyonnaise

La buvette de quartier

3 RESTOS, 3 EXPÉRIENCES

Grillades et saveurs vietnamiennes


ART DE VIVRE 45 VOIR QC

sociaux. À Montréal, La Tablée des chefs récupère les préparations des grands hôtels et des restaurants et les achemine à différents centres d’aide aux plus démunis. Chef activiste «Ça fait partie de notre travail de cuisinier d’éviter le gaspillage, pense Guillaume Cantin, ancien maître des fourneaux au restaurant Les 400 Coups et activement impliqué dans la mouvance zéro déchet. C’est naturel, puisque nous calculons nos coûts. Par contre, il y a encore beaucoup d’éducation à faire dès l’école. Personnellement, même si je m’intéressais depuis longtemps à l’origine des produits que j’utilisais, j’ai pris conscience que si on n’assure pas leur durabilité, ça ne sert à rien. Et je me suis demandé comment agir pour que cet héritage soit accessible aux prochaines générations.» Le chef a donc commencé à réfléchir à une solution qui lui permettrait de joindre son expertise à un message positif encourageant l’alimentation durable. Il l’a finalement trouvé en compagnie de Thibault Renouf, son partenaire dans le projet La Transformerie, qui est en train de voir le jour dans le quartier Rosemont–La Petite-Patrie. «Notre idée de base est simple: pourquoi ne pas réaliser des produits intéressants avec ce qui est d’ordinaire envoyé à la poubelle par les commerces? Nous avons fait des tests et avons été très surpris de constater que les fruits et les légumes, notamment, sont souvent retirés des étalages quand ils sont mûrs, et donc à leur meilleur. Nous avons donc approché plusieurs entreprises et leur avons proposé de faire la collecte de leurs invendus, pour les transformer en de nouveaux produits qui seront en partie vendus au public, et en partie remis à des associations d’aide alimentaire du quartier. C’est un projet collaboratif porteur pour tous, les consommateurs, les commerçants et la municipalité.»

«Même si pour une entreprise artisanale comme la nôtre, accumuler plus de 100 kilos de restants de pain pour produire 2000 litres de bière peut représenter un défi, nous sommes très fiers de ce projet, à la fois en termes de qualité, de collaboration et de recyclage.» Autre exemple intéressant, et à une plus grande échelle: la gamme de sauces pour pâtes Kitchen Lab faites à base de légumes moches. Initiée par les supermarchés Metro et développée dans Lanaudière par la compagnie de transformation Aliments Sibon, elle propose trois recettes originales, dont la rosée à la betterave, qui a fait partie des coups de cœur de la dernière Expo Manger Santé et Vivre Vert. «Je suis convaincue qu’il y aura de plus en plus d’initiatives de ce genre dans l’industrie alimentaire. Nous développons d’ailleurs de nouveaux produits dans cette gamme, notamment avec du chou-fleur», explique Amélie Léger, présidente d’Aliments Sibon. Un avenir zéro déchet? Même si leur approche est différente, tous les intervenants sont optimistes quant à la tangente que prendra notre rapport à la nourriture au cours des prochaines années. «Je crois que le mouvement est enclenché et qu’il ne s’agira pas d’une mode de passage, car il nous invite à retourner à la source après 30 ans d’égarement, pense Michelle Poirier. Nous n’aurons pas le choix dans le futur, si nous voulons garder notre planète et l’humanité qui l’habite. Cependant, il s’agit moins de regarder ce qui va mal que de mettre en place des choses pour que ça aille mieux.» y

La gamme de tartinades sucrées et salées de la Transformerie, qui devrait compter une douzaine de produits conçus sur la base de recettes simples et grand public, disposera aussi d’un principe de recyclage des bocaux qui seront rapportés. D’ici un an, elle a l’objectif de produire 1500 pots de tartinades par semaine. Quand l’industrie fait sa part En 2017, Le pain dans les voiles, boulangerie artisanale bien connue à Montréal et sur la Rive-Sud, a concocté en collaboration avec la brasserie Simple Malt une bière un peu particulière… à base de restants de pain. «L’idée n’est pas nouvelle, car on retrouve déjà des produits de ce type en Belgique et en Russie. Mais nous avons eu envie de la tester ici avec des restes de notre Pain du Peuple», explique Jimmy Gravelet, gérant de la boulangerie. Le succès de l’opération Bière du peuple a été immédiat. DANIEL VÉZINA, PORTE-PAROLE DU FESTIVAL ZÉRO DÉCHET

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MOTS | FRANCO NUOVO

PHOTO | GIUSEPPE MASCI


LIVRES 47 VOIR QC

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> Sur scène, elle est la grâce, la féminité, la passion, celle qui fait vivre et celle qui déchire. On la dirait sortie tout droit de Tchekhov. Elle a l’âme russe de Gorki. Elle est Blanche, Marie Curie, Lady Macbeth, Albertine, Mirandolina et Marie Stuart. Elle est toutes celles qu’elle incarne, et à chaque occasion qui se présente, dès que je le peux, je vais la voir au théâtre. Elle a toujours l’air de voler, de flotter au-dessus des planches. Je vais la voir comme on allait voir autrefois un film pour une actrice ou un acteur qu’on aimait tant. Ça ne se fait plus ou presque plus. Je n’avais pourtant pas encore lu les romans de Sylvie Drapeau. Deux petits romans qui ensemble ne font même pas 200 pages. Or, ce n’est pas le nombre de pages qui définit la qualité d’une écriture, son intensité. On m’en avait parlé, vanté sa plume. D’ailleurs, on la reconnaît dans cette façon sensuelle, intime, intérieure et presque discrète d’écrire. Les deux bouquins sont sortis à deux ans d’intervalle, rédigés par la même main, la même âme. Elle aurait d’ailleurs pu n’en faire qu’un seul. Peut-être n’a-t-elle pas osé se lancer dès le premier? Pourtant, le souffle y était, contenu, rythmé. Peut-être à l’époque a-t-il eu quelques ratés. Il y a tout de même une différence entre Le fleuve, le roman paru en 2015, et Le ciel, qui nous est arrivé deux ans plus tard, mais aussi un lien, bien sûr, celui tissé par le temps. Cela dit, ça ne change rien. Je les ai lus l’un à la suite de l’autre. Et j’étais dans le même univers, les mêmes couleurs d’automne, les mêmes joies, les mêmes tristesses, la même famille. Le premier, plus intérieur, évoque une enfance sur la Côte-Nord, au sein d’une famille nombreuse et d’une meute de jeunes loups fous de liberté et remplis de cette insouciance qui les poussent à courir, juste pour courir. Une gamine de cinq ans est baignée dans le bonheur d’un été qui bascule en drame. Après les courses dans la forêt bleue, les peurs qu’on s’invente et les baignades interdites survient l’accident, l’imprévu: la noyade du frère aîné d’à peine quelques années, Roch. Il disparaît avalé par une marée plus rapide et cruelle que lui. La vie désormais ne sera plus la même, ni pour cette fillette, ni pour la fratrie un temps dispersée, ni pour cette mère au cœur déchiré. Sylvie Drapeau nous plonge en douceur dans l’insouciance et la douleur. Elle décrit avec une finesse inouïe l’indéfinissable, le mal, le deuil, l’égarement, l’incompréhension et surtout la vie qui, dans les moindres détails, continue. Et il y a ce fleuve qui là-haut se déguise en mer et qui bat la mesure du quotidien au rythme des vagues et des marées.

À l’horizon, le fleuve et le ciel se marient jus­qu’à ne plus faire qu’un. Et c’est là que nous emmène Sylvie Drapeau dans son deuxième roman. La fillette a grandi. «Votre fille a 20 ans, que le temps passe vite, Madame, hier encore elle était si petite.» Elle est presque une femme, elle quitte la maison, la Côte-Nord, pour la ville, la grande, pour l’université et pour Paris. Elle effleure une sensualité naissante, goûte au désir et au vent «des caresses sans fin», à la douceur insoupçonnée d’un garçon qui, sur le coup, est prêt à tout donner. Et le romantisme s’envole, et avec lui «la magie et la douceur». En quelques pages, Sylvie Drapeau décrit la naissance de l’amour, la décevante réalité, et la chute au fond du gouffre qui laisse meurtri, blessé. Ce second roman n’a rien à voir avec le premier. Elle y peint à l’aquarelle les émotions, les insatisfactions, les déceptions et l’errance d’un cœur meurtri d’abord par l’amour égaré et enfin par un tour du destin. Le douloureux souvenir de Roch remonte à la surface et voilà maintenant… voilà maintenant… Je ne dirai rien sinon que cette enfant du fleuve devenue une femme en apparence libre descendra le courant, retrouvera la rive et la maison de la Côte-Nord. Tout ce récit est si intime que le particulier s’y unit à l’universel. Voilà, je crois, la beauté et la finesse de ces deux romans. Le lieu, le clan, la ville, le déplacement, la chambre au drap taché de sang ne sont qu’artifices, accessoires et décors au service d’une troublante émotion. y Sylvie Drapeau Le fleuve, Leméac, 2015, 72 pages Le ciel, Leméac, 2017, 88 pages

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L’ALLUMEUSE SUZANNE MYRE Marchand de feuilles, 216 pages Les nouvellistes sont de précieux écrivains. Il n’est pas donné à tous d’avoir une telle concision dans la création, de parvenir, au détour de quelques pages, à créer des mondes où vivent des personnages beaucoup plus grands que le papier qui les portent. Après deux romans, Suzanne revient aux nouvelles avec L’allumeuse, elle qui, forte de cinq recueils, n’en avait pas publié depuis plus de 10 ans. Si on retrouve dans ce livre la douce ironie et l’humour certain qui ont fait la marque de l’auteure, on dirait qu’elle a ici les dents plus affûtées avec, en bouche, le goût du sang, alors qu’à son cou, son pouls semble crier: «Vengeance!» Les histoires nous transportent à Montréal-Nord, quartier malfamé et mal-aimé de la ville. Tant les lecteurs que les protagonistes partagent l’idée qu’ici, les rêves viennent mourir et non éclore. Il y aura d’abord cette «allumeuse», Annabelle, qui découvrira malheureusement son corps sous les mains du bedeau de l’église où sa mère la traîne, elle et ses frères, chaque dimanche. Puis cette petite de 10 ans qui prend très mal que sa mère désire désormais se faire appeler «Julie», parce que ça fait plus jeune que «Maman». Et une autre qui trop rapidement se retrouvera au ciel sans trop comprendre pourquoi et tentera de hanter celui qui lui a fauché la vie. Ou encore la nouvelle «Victorinox» qui, affublée d’un tel titre, ne peut pas vraiment bien se terminer. Tout au long du recueil, les jeunes femmes apprennent à se faire justice seules, sachant qu’il leur est impossible d’avoir une meilleure alliée que leur fureur. Dans un quartier austère qui n’a bien souvent de littéraire que le nom des rues (la rue Balzac est le théâtre de plus d’une nouvelle), Suzanne Myre crée de flamboyants personnages qu’elle place dans de terribles circonstances, n’hésitant pas à faire errer ses héroïnes d’un texte à l’autre, elles qui passent d’histoire en histoire comme des rumeurs tout aussi farfelues que terrifiantes. Et malgré la violence et les drames, c’est encore l’humour (noir) qui prime ici, comme en témoigne le préavis de décès que l’auteure signe elle-même en fin de recueil! (Jérémy Laniel) y

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Sur les rayons

CORRESPONDANCE (1944-1959) ALBERT CAMUS ET MARIA CASARÈS Gallimard, 1312 pages La correspondance est un art qui se perd. À une époque où nous sommes tous instantanément joignables, le temps de l’écriture et la distance qu’impose une relation épistolaire peuvent sembler archaïques. Pourtant, à la lecture de certaines correspondances, on y découvre une urgence et une incandescence que seul le temps peut catalyser. Les éditions Gallimard font paraître un exemple probant avec Correspondance (1944-1959) de l’actrice Maria Casarès et de l’écrivain Albert Camus, une somme de plus de 800 lettres que se sont échangées les deux amants, coiffées d’un avant-propos signé par Catherine Camus, la fille de l’auteur de L’étranger. Le pavé de plus de 1000 pages est une vive incursion dans l’écriture, le théâtre, la passion et la clandestinité d’une relation qui jamais n’a perdu de sa vivacité. Ils se sont d’abord rencontrés le 6 juin 1944, date inoubliable, alors que se déroulait au même moment le débarquement de Normandie. Puis, ils se sont croisés sur le boulevard Saint-Germain, quatre ans plus tard, jour pour jour. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils deviennent amants, pour croire en une sorte de synchronicité les unissant. De ces lettres on retiendra bien sûr la passion et le désir, les réels moteurs qui les pousseront à s’écrire si souvent et pendant 15 ans, mais aussi un Albert Camus épris de doutes tant personnels qu’existentiels, à quelques lieues de «l’homme révolté» qu’on retrouvait dans ses livres. De l’autre côté, on découvre une Maria Casarès battante, au volant d’une carrière théâtrale allant à vive allure, et au détour de ses lettres on découvre les coulisses d’un milieu artistique tant grisant que mondain, dans lequel elle s’installe avec aplomb. Cette correspondance se termine par la mort brutale de Camus, décédé dans un accident de la route avec son éditeur Michel Gallimard le 4 janvier 1960. Au sortir de cette copieuse et brûlante correspondance, le lecteur ne peut qu’être bousculé par la fin abrupte de ces missives, dont certaines demeureront pour toujours sans réponse. Si cette lecture nous transporte de Paris à Alger, du théâtre à l’écriture, de la ville à la campagne, c’est un récit double qu’on nous donne à lire: d’abord celui d’un amour impossible qu’ils n’abandonneront jamais, puis celui d’une vie artistique dans un Paris au cœur de l’après-guerre. (Jérémy Laniel) y



ARTS VISUELS 51 VOIR QC

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RATON DE VILLE ON N’APPRIVOISE PAS LES CHATS SAUVAGES. À L’INSTAR DE MARJO, GRAEME PATTERSON JASE D’AMOUR ET DE LIBERTÉ AVEC A SUITABLE DEN, UNE INSTALLATION IMMERSIVE PRÉSENTÉE AU MOIS MULTI. MOTS | CATHERINE GENEST

Décorée à la mode des années 1970, ornée de meubles mid century modern comme on en voyait dans la télésérie Mad Men, la tanière aux tons de terre abrite un raton laveur aussi espiègle qu’attachant. Le cabinet fictif devient une scène pour le coquet mammifère qui interagit avec le visiteur et le surprend au détour. Il danse, parfois il parle, autrement il dort. Au gré de ses envies, l’artiste néo-brunswickois guide ses pas. C’est Graeme Patterson lui-même qui contrôle les manettes à distance, poussant sa progéniture numérique à renverser les poubelles et à déchirer les murs et la carpette pour faire rigoler ou émouvoir les invités. Son secret? Des capteurs cachés sous le tapis bleu acier à motif de treillis marocain. «Il bouge avec toi, en quelque sorte, lorsque tu es dans l’espace. C’est une animation comme on en trouve dans les jeux vidéo. Tous ses gestes et mouvements sont aléatoires et imprévisibles. […] Je veux donner l’impression qu’il vit vraiment dans l’espace.» Commandée par la Banque BMO, l’œuvre grandeur nature a d’abord été présentée entre les murs du First Canadian Place, l’un des plus hauts gratteciel de la Ville Reine. «Originalement, c’était spécifiquement construit pour une pièce plus petite, un ancien bureau transformé en espace de diffusion pour l’art, raconte Graeme Patterson. J’ai fait pas mal de recherches à propos des ratons laveurs et découvert qu’à Toronto, il y en a plusieurs qui se cachent dans les greniers des gens. C’est une des choses qu’ils font pour survivre. Ils grimpent, ils se cachent. Ils font aussi ça dans les bois, ils montent dans les arbres et tout. J’ai eu la drôle d’idée d’en placer un au 68e étage!» Ce n’est pas la première fois que Patterson s’intéresse aux animaux sauvages qui vivent en territoire urbain. C’est un thème récurrent de sa pratique, son «obsession constante», comme il l’écrit sur son site web. A Suitable Den lui permet de poser une loupe sur la triste réalité des petites bêtes poivre et sel qui donnent de l’ouvrage aux compagnies d’extermination. Ces créatures qu’on appâte pour mieux les piéger et finalement les relocaliser ou carrément mettre fin à leurs jours. Le sort qu’on

PHOTO | TONI HAFKENSCHEID

leur réserve est trop souvent cruel. Pour certains citadins, la créature aux délicates mains agiles et au petit masque noir de voleur n’est rien de plus qu’un parasite. Une nuisance publique. Le maire John Tory en est: il a même investi dans de nouveaux bacs à compost à l’épreuve des astucieux omnivores, les coupant ainsi d’une de leurs principales sources de nourriture. «Toronto a été l’une des premières villes à vraiment avoir une importante population de ratons laveurs. C’est pour ça qu’on y retrouve les individus les plus intelligents du monde! Leurs ratons laveurs sont les plus gros, les plus paresseux, les plus similaires aux humains. Souvent, ils sont vraiment confortablement installés et je crois qu’ils sont heureux.» Dans la capitale ontarienne, ledit racoon fait quand même office d’emblème. Les graffeurs s’en donnent à cœur joie, idem pour les illustrateurs mandatés à la création d’articles de souvenirs. Leurs jolis petits minois ont été aperçus dans les tuiles du plafond de l’aéroport Pearson, des caméras ont capté leurs tribulations à la station de métro Bloor en pleine heure de pointe. La presse numérique s’enthousiasme, les journalistes citoyens et autres vidéastes amateurs s’en régalent, mais ces scènes sont en fait une conséquence directe de l’étalement urbain. Ce ne sont pas eux qui vont vers la ville, c’est la ville qui vient vers eux! Est-ce que A Suitable Den serait, en ce sens, une prise de position contre les erreurs d’urbanisme? Graeme Patterson reste prudent. «Je ne pose pas de jugement. Mon travail n’est pas, en ce sens, politique. Le message que je veux transmettre, ce que je veux communiquer au visiteur, par contre, c’est clairement une prise de conscience émotionnelle. Si ça se trouve, j’illustre la mauvaise posture de ces animaux. Les questions que je veux soulever c’est: “Comment est-ce qu’on va de l’avant avec ça? Comment est-ce qu’on peut apprendre à coexister?” Mais les expulser? Non. Je n’aime pas cette idée.» y A Suitable Den Du 16 février au 22 mars à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval (Dans le cadre du Mois Multi)

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ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE

JE NE FERAI PLUS DE MARATHON Gandhi a dit: «Sois le changement que tu veux voir dans le monde.» Le monde, c’est grand en maudit. C’est pourquoi on est toujours mieux de commencer chez soi. Chaque année, au début de janvier, je m’assois et dresse un portrait sans complaisance de l’année qui vient de se terminer. Je note mes bons et moins bons coups et je crée une liste d’objectifs pour la nouvelle année. C’est formidable, cette notion de faire table rase. On arrive en fin d’année comme à la fin du 42e kilomètre d’un marathon: épuisé, pas toujours content de son temps. Puis on se repose un peu et on se permet de remettre le compteur à zéro. Cette jachère est la bienvenue, elle permet d’excuser son laxisme, ses errances. De croire en un soi nouveau, amélioré. Notre ange sort les violons, nos démons se terrent. Comment avez-vous jugé votre année, vous? Avezvous comparé vos résolutions avec ce qui s’est réellement produit? Je dois vous avouer dans mon cas avoir trouvé l’année difficile. J’ai brûlé la chandelle par les deux bouts. Étonnamment, mes réalisations dont je suis le plus fier n’étaient pas dans les cartons en début d’année, mais ont nécessité de ma part davantage de travail. Quelques-uns de mes projets n’ont pas exactement fonctionné comme je l’aurais souhaité. Il est vrai que l’on ne révolutionne pas des industries en criant ciseau. Je dis souvent aux jeunes entrepreneurs de se préparer au pire, parce qu’il va arriver. Tout prend toujours plus de temps que prévu, je devrais le savoir à mon âge. Je me suis rendu compte durant mon introspection annuelle que j’avais quelquefois tendance à ne pas suivre ce que pourtant je prêche.

Vous n’êtes pas comme ça, vous? On sait intuitivement ce qui est bon pour nous, ce qu’on devrait faire, comment on devrait le faire, mais on finit souvent par faire le contraire. Comme un mécanisme inconscient d’autodestruction saupoudrée d’un soupçon de farniente. On se donne des objectifs, on s’imagine meilleur, plus mince, plus sérieux, plus rigoureux, on se met une pression personnelle, probablement l’une des pressions les plus dures qui soient, et on démarre le tout sur les chapeaux de roues. Habituellement, à ce moment-ci de l’année, on est encore dans les temps ou, du moins, il nous reste suffisamment de temps pour rattraper celui qu’on a perdu. La veille de la date que je m’étais fixée pour remplir mon formulaire des résolutions annuelles, je suis tombé sur cette phrase de Bill Gates: «La plupart des gens surestiment ce qu’ils peuvent accomplir en une année et sous-estiment ce qu’ils peuvent réaliser en 10 ans.» (Je précise que je ne voue aucun culte particulier à ce monsieur. J’ai un malaise croissant avec l’accumulation de la richesse mondiale par une poignée de gens. Ça fera sûrement l’objet d’une autre chronique…) La pression venait de tomber. C’est, ma foi, vrai. Si je me reporte 10 ans en arrière, la sévérité avec laquelle je me suis jugé pour ma dernière année a soudainement fléchi un brin. Que de chemin parcouru, d’enseignements marquants, de changements profonds dans ma façon de voir la vie et mes priorités. La vie n’est pas que succès, performance,

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Pu


dépassement. Elle est faite de hasards, de rencontres, de discussions bouleversantes, d’échecs, de drames, de vie quotidienne, de toutes ces choses ordinaires et extraordinaires qui nous touchent tous, qui nous moulent, qui modifient notre ADN. J’ai maintenant choisi de remettre en question mes marathons annuels. De toute façon, mes genoux ne suivent plus. Je pars en voilier, les amis. Je n’ai pas de GPS, je ne sais pas quand je vais arriver, mais je connais à peu près la destination et je sais que la route sera longue et que les eaux et les vents auront souvent raison de ma volonté.

Cette longue métaphore pour revenir sur ce qui devrait peut-être guider nos vies. Nous vivons dans une société où jamais l’instantanéité n’a été aussi valorisée, nous nous faisons manipuler par nos nombres de likes, bombarder d’images de ce que nous devrions avoir l’air, nous valorisons nos héros et nos héroïnes, nous encensons les performants, nous nous mettons une pression personnelle incroyable et nous oublions que la vie se conjugue mieux avec être qu’avec avoir. Je ne sais pas quel était le hashtag du père Pops, ou quel est le compte Instagram de Léonie Couture, mais je doute que ces deux-là aient déjà fait une liste de 10 objectifs à ub BV demi.qxp_Layout 1 2016-09-26 Page 1 atteindre 4:41 d’ici PM la fin décembre.

«JE ME SUIS RENDU COMPTE DURANT MON INTROSPECTION ANNUELLE QUE J’AVAIS QUELQUEFOIS TENDANCE À NE PAS SUIVRE CE QUE POURTANT JE PRÊCHE.» Il existe une convention selon laquelle on ne devrait plus souhaiter la bonne année passé le 31 janvier. Comme l’édition de février sort le lendemain de cette date, je ne devrais donc pas le faire. Mais comme les conventions me font (un peu) bâiller, je vous souhaite à tous une excellente année. Puissiez-vous avoir une année lumineuse et éclairante. Une année pivot qui saura vous orienter, vous aider à trouver un sens à tout ça. Et qui vous permettra d’identifier une direction, sûrement encore floue, pour votre prochaine décennie. y

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QUOI FAIRE

MUSIQUE

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VALERIE JUNE PALAIS MONTCALM – 8 FÉVRIER

Le blues lui sert de base pour incorporer des influences gospel, bluegrass et folk. Originaire de Memphis au Tennessee, l’auteure-compositrice-interprète se démarque par son style unique et sa voix d’or.

PHOTO | COURTOISIE PALAIS MONTCALM


QUOI FAIRE 55 VOIR QC

VO3 #O2

ROBERT LIPPOK

VIEUX FARKA TOURÉ

MÉDUSE – SALLE MULTI – 2 FÉVRIER

L’ANTI – 21 FÉVRIER

Poids lourd de l’électro d’avant-garde, le Berlinois Robert Lippok passe par le Mois Multi pour présenter Varieties of Impact. Une proposition scénique inclassable alliant claviers, percussions et projections psychédéliques.

On dit de lui qu’il parle huit langues, qu’il est le dernier descendant d’une longue lignée de guerriers. L’improbable biographie du Malien de 37 ans fascine autant que cette musique qu’il parvient à créer, ce savant mélange de blues américain, de musiques latines et ouest-africaines.

RUFUS WAINWRIGHT PALAIS MONTCALM – 24 FÉVRIER

Son second opéra sera présenté à Toronto à la fin de 2018, mais Rufus Wainwright a quand même réussi à faire un peu de place dans son agenda. Il s’arrête à Québec pour un récital dans cette salle à l’acoustique extraordinaire, cette scène qui n’accueille que des virtuoses.

JOSÉ GONZÁLEZ GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC – 11 FÉVRIER

La folk du Suédois José González recolle les cœurs brisés. De passage à Québec pour une première fois en 10 ans, le chanteur et guitariste émérite nous offre un mélange de compositions et de reprises étonnantes pigées dans le répertoire pop. Gageons que Heartbeats de The Knife figurera au programme!

ÉMILE BILODEAU IMPÉRIAL BELL – 10 FÉVRIER

Sacré révélation de l’année au plus récent Gala de l’ADISQ, Émile Bilodeau est l’un des phénomènes de l’heure sur la scène locale. Grâce à son charisme contagieux, ses textes rassembleurs et ses mélodies folk pop bien ficelées, le jeune Longueuillois accumule les spectacles à guichets fermés partout au Québec.

ALEXANDRE DA COSTA L’ANGLICANE – 24 FÉVRIER

Armé de son Stradivarius et accompagné de cinq autres musiciens, Alexandre Da Costa débarque à Lévis. Le prodigieux soliste présentera une sélection de ses airs d’opéra favoris, des pièces qu’il a lui-même réarrangées pour un sextet. >

PHOTO | LAURENCE LABAT

O2 / 2O18


PHOTO | FLAMME

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CANAILLES THÉÂTRE PETIT CHAMPLAIN – 16 FÉVRIER

SCÈNE

Personne n’arrive à rassemble les 7 à 77 ans comme ces huit garnements. Réputés pour leurs performances aussi intenses qu’à la bonne franquette, le bel orchestre de Montréal nous présente son troisième album intitulé Backflips.

UNE BÊTE SUR LA LUNE THÉÂTRE DE LA BORDÉE – DU 27 FÉVRIER AU 24 MARS

Écrite en 1992, la pièce Une bête sur la lune nous replonge dans le génocide arménien et pose une loupe sur le sort de ceux qui se sont exilés pour survivre. Le texte de Richard Kalinoski sera notamment interprété par Jack Robitaille et Ariane Bellavance-Fafard.

CLOSER – TOUT CONTRE TOI THE SHEEPDOGS MICROBRASSERIE LES GRANDS BOIS 9 MARS

La Microbrasserie Les Grands Bois reçoit la formation The Sheepdogs, qui présentera pour l’occasion leur tout nouvel album Changing Colours! Un spectacle à ne pas manquer, dans une salle à l’ambiance intime, d’autant plus le groupe ne fera que deux arrêts en sol québécois à l’occasion de cette tournée !

CENTRE DES CONGRÈS DE QUÉBEC – DU 6 AU 22 FÉVRIER

C’est une fable sur le sexe et l’amour, l’histoire de deux couples déchirés par le désir. Portée à l’écran au tournant du millénaire, cette œuvre majeure du théâtre britannique contemporain fait maintenant l’objet d’une adaptation québécoise. Une version traduite par nulle autre que la grande Fanny Britt et présentée par Le Périscope.

TENDRE LES GROS-BECS – DU 20 AU 25 FÉVRIER

Il y a longtemps qu’on a remarqué les maladresses savamment étudiées du longiligne Brice Noeser, un interprète qui a su tirer profit de sa singulière silhouette pour faire rire et émouvoir. Il s’associe à la danseuse Katia Petrowick et à la chorégraphe Estelle Clareton pour un spectacle jeune public à la frontière du cirque. Une coprésentation de La Rotonde.


FUSION FRAISE CARAMEL

UNE VAGUE D’AMOUR CRÉATION DE SAVEURS COMPOSÉE DE CARAMEL ET DE FRAISES À PARTAGER PREMIEREMOISSON.COM


58 QUOI FAIRE VO3 #O2

O2 / 2O18

BLACK PANTHER EN SALLE LE 16 FÉVRIER

Suivant les événements de Civil War, T’Challa retourne à Wakanda, nation africaine infiniment avancée technologiquement, pour y régner après la mort de son père. Il se rendra rapidement compte que des factions au cœur même de son pays cherchent à le déloger du pouvoir. Alors même qu’il doit régler ces conflits internes, de vieux ennemis chercheront à plonger Wakanda dans la guerre.

LA PART DU DIABLE EN SALLE LE 16 FÉVRIER

Dans un geste d’une rare poésie, avec l’aide de son complice, le monteur Michel Giroux, Luc Bourdon se penche sur notre histoire et nous montre avec cohérence, à grand renfort d’extraits de près de 200 films de la collection de l’Office national du film du Canada, les dessous d’une décennie au cours de laquelle le Québec s’est profondément transformé.

LES FAUX TATOUAGES EN SALLE LE 16 FÉVRIER

Théo passe son 18e anniversaire seul, se saoulant dans un concert de punk brutal. C’est là qu’il rencontre Mag, une adolescente marginale qui l’invite à venir passer la nuit chez elle. Leur rencontre fortuite se transformera en histoire d’amour intense. Toutefois, Théo doit déménager à la fin de l’été dans un petit village, pour fuir un lourd passé douloureux.

MANIC EN SALLE LE 2 FÉVRIER

N’arrivant pas à trouver un sens aux problèmes de maladie mentale affectant gravement ses frères et sœurs, la réalisatrice Kalina Bertin tente de trouver la source de ces troubles. Sa quête la mènera à découvrir le passé de son père, connu à la fois comme prophète, leader de culte et arnaqueur. Il a 15 enfants partout dans le monde.

ANNIHILATION EN SALLE LE 23 FÉVRIER

Dans ce film de science-fiction basé sur le roman du même nom de Jeff VanderMeer, le mari d’une biologiste disparaît. Elle partira ensuite en expédition dans une zone sinistrée, mais ce que l’équipe y découvrira est tout sauf ce à quoi elle s’attendait. Accompagnée d’un anthropologiste, d’un psychologue, d’un censeur et d’un linguiste, elle devra faire face à une confrontation jusqu’ici jamais rencontrée par l’homme.

JULIEN BOILY L’ŒIL DE POISSON – DU 23 FÉVRIER AU 25 MARS

Lauréat du prix du Créateur de l’année au Saguenay–Lac-Saint-Jean remis par le CALQ, le peintre et modeleur 3D chicoutimien excelle dans la création de natures mortes rétrofuturistes. Des toiles qui rappellent celles des grands maîtres hollandais du 17e siècle. Ironique et décalé!

OUVRIR LA VOIX EN SALLE LE 9 FÉVRIER

Dans ce documentaire frappant, Amandine Gay explore les identités communes de femmes noires tout en les mettant en contraste avec la diversité incroyable de la diaspora afro-européenne. À travers les thèmes de la discrimination, de l’art et de l’état du racisme systémique et les intersections envers cesdits thèmes, elle peint un portrait nouveau de la femme noire en communauté européenne. MARINE AUX CÔNES ROUGES, HUILE SUR TOILE, 100 X 168 CM (39” X 66”), 2018.

ARTS VISUELS

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CIINÉMA

VOIR QC



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