QUÉBEC VO3 #O5 | MAI 2O18 CLAUDINE ROBILLARD NANA MOUSKOURI JESUSLESFILLES CLAUDIE GAGNON EXPOS AU RESTO LA MAISON DES SYRIENS LA CHUTE DE SPARTE VINCENT CASSEL MARC BEAUPRÉ MARTIN SCHICK
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Le Québec regorge d’histoires à raconter
Un lieu presque inconnu à découvrir
Un paysage magnifique au détour d’une route
Une légende vivante dont on ne parle pas assez
Un cueilleur de bleuets légendaire Une histoire de pêche à raconter
Un lac en forêt, secret bien gardé
Un type qui prend des photos du loup atlantique en évitant de le déranger Des gens qui, pour préserver une montagne, se sont mis à 30 pour l’acheter
Un collectif poétique qui utilise le joual comme arme de combat
Nouveau magazine | Prenez part à l’aventure | visitez tourduquebec.ca
Une nouvelle microbrasserie dans un village de 237 habitants
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QUÉBEC | MAI 2018
RÉDACTION
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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Coordonnatrice à la rédaction et journaliste: Catherine Genest Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, art de vivre et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse
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COMMUNICATIONS VOIR
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«J’AIME MÉLANGER LE BEAT ET LE PIANO, RACHMANINOV ET RADIOHEAD… JE FAIS PARTIE D’AUCUNE GANG. JE BUTINE ET JE M’INSPIRE DE CE QUE TOUT LE MONDE FAIT.» Photo | Guillaume Simoneau (Consulat) Assistant | Renaud Lafrenière Maquillage | Sarah Ladouceur Retouche | Nathalie Chapedelaine Production | Vincent Boivent (Consulat) Éclairage | SLA Location
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SCÈNE
Martin Schick Marc Beaupré Claudine Robillard
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MUSIQUE
Nana Mouskouri Jesuslesfilles
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CINÉMA
Vincent Cassel La chute de Sparte La maison des Syriens
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ART DE VIVRE
Expos au resto
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LIVRES
La note américaine Corps
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ARTS VISUELS
Claudie Gagnon
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QUOI FAIRE CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p16) Monique Giroux (p30) Normand Baillargeon (p42) Alexandre Taillefer (p52)
6 CHRONIQUE VOIR QC
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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
RELIER LES POINTS ILLUSTRATION | ERIC GODIN
Les tueries de masse ont ceci de particulier qu’elles arrêtent le temps. L’instant d’une dépêche et d’un grand titre, le cours normal des événements est suspendu et le va-et-vient constant du pendule de l’actualité s’arrête. Comme on le dit bien souvent dans les médias, nous interrompons la programmation normale pour nous rendre sur les lieux du drame. C’est l’équivalent humain d’un cataclysme qui balaie tout sur son passage. Dès les premières minutes suivant la secousse et pour les heures qui suivent, une bonne partie du récit médiatique consiste à remonter le fil des événements et à façonner ce qu’on appelle «le profil du tueur». Le profil… Le mot donne à penser. Il s’agit bien de tracer un contour, une silhouette, de manière plus ou moins précise. Dans l’empressement commandé par l’urgence, les articles de presse sont modifiés de minute en minute au gré des détails qu’on trouve un peu partout. On peine à suivre la cadence. Un nom, un âge, une école, un travail et, désormais, des traces laissées sur les médias sociaux. Ce contour tracé a comme première fonction d’établir une sorte de périmètre de sécurité. Il faut cerner l’individu, isoler le plus rapidement l’auteur du carnage afin de le circonscrire radicalement dans son altérité. La ligne qui dessine le profil, c’est essentiellement une frontière entre l’auteur du massacre et le reste de la communauté qui vient de subir le choc. Voilà, c’est lui, Untel, dans sa singularité. On peut se réconforter, ce n’est pas monsieur Tout-le-monde. Reste qu’à la fin de cet exercice, alors que tout le monde peut recommencer à circuler normalement, la boucle n’est jamais parfaitement bouclée. La
bordure est pleine de trous et c’est avec un appétit empressé qui m’étonnera toujours que nous cherchons à la compléter. Sans doute par crainte que ce périmètre de protection ne soit pas complètement infaillible, nous tentons, chacun pour soi, de boucher toutes les fissures encore apparentes. C’est ainsi que commence une sorte de jeu où il s’agit de relier les points, pour faire apparaître l’image mystérieuse qu’il faut découvrir. Chacun joue à ce jeu comme il veut, à la maison, avec ses propres crayons. Pour certains, un nom à consonance étrangère permettra d’avancer rapidement. Ah, voilà, il ne vient pas d’ici, ça en dit long. Traçons donc cette ligne entre ces deux points. Il a crié Allahou Akbar? Très bien, voici la ligne qui manquait à cet endroit. Il jouait à des jeux vidéo violents? Hum, intéressant, c’est le lien qui permet de dessiner cette courbe. Il lisait tel ou tel auteur controversé? Complétons donc cette partie du dessin. Bien souvent, le résultat de ce bricolage suffira pour classer l’affaire, au moins momentanément. Car c’est bien ce dont il s’agit: classer. Nous dessinons ainsi des cases dans lesquelles nous pouvons contenir des gestes qui nous semblent inconcevables. Il y a là, peut-être, une sorte de réflexe de survie ou en tout cas un désir de nommer l’innommable. Mais plus encore, le profil des meurtriers, que nous esquissons ainsi pour nous-mêmes, prend bien souvent la forme d’un biais de confirmation. En se fabriquant pour soi un portrait du tueur de masse, il devient facile de transformer le préjugé en jugement définitif. Il suffit d’observer, au lendemain des attaques, les divers groupes d’intérêts
monter bruyamment sur la scène, y voyant une bonne occasion de faire valoir, encore une fois, leurs prétentions idéologiques, chacun brandissant le résultat de son dessin comme une preuve de quelque chose. Un peu comme certains animateurs de radio forts en gueule, lorsqu’il fait froid en juillet, remettent en question le réchauffement climatique et que des militants écologistes leur répondent qu’ils ont tort en leur rappelant trois jours de redoux en décembre. --Il m’est arrivé de penser, au cours des derniers mois, devant la récurrence des tueries de masse, que nous allions bientôt considérer ces nouvelles comme des alertes météo. C’est-à-dire que ces tragédies pourraient devenir, dans notre imaginaire, d’une certaine manière, des séismes humains qui frappent notre époque comme certaines catastrophes naturelles touchent spécifiquement certaines régions du monde, comme les tornades dans
les Caraïbes ou les tremblements de terre dans les pays situés au croisement des fissures sismiques. Pour l’heure, du moins dans notre construction du récit médiatique qui forge notre vision du monde, nous envisageons les catastrophes humaines que sont ces événements comme s’il s’agissait de phénomènes spontanés. Nous nous contentons de dresser chaque fois un profil sommaire d’individus sans pouvoir saisir les mouvements de fond d’un immense malaise sous-jacent. Il faut pourtant s’en rendre compte, ces drames à répétition nous y invitent, nous habitons un moment de l’histoire où le désespoir et la frustration font irruption de manière particulièrement violente. Que se passet-il donc dans l’air du temps? Nous devrons peutêtre bientôt interrompre la programmation un bon moment pour prendre le temps d’en comprendre les causes en nous intéressant non plus simplement aux profils d’individus, mais bien plutôt au climat social. y sjodoin@voir.ca
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POUR UNE BOUCHÉE DE DEMI-PAIN Et si l’humain était fondamentalement un être de partage qui ne vit que pour donner au suivant? L’artiste suisse-allemand Martin Schick en est convaincu et expérimente, dans son spectacle Halfbreadtechnique, une version pure et extrême de l’économie de partage. MOTS | PHILIPPE COUTURE
PHOTO | HNC.AGENCY
Qu’il sépare la scène en deux pour offrir l’autre moitié à un artiste en manque de visibilité, ou qu’il offre la moitié de son cachet à un spectateur dans le besoin, Martin Schick pratique systématiquement ce qu’il a appelé la «technique du demi-pain». En tournée dans plusieurs villes européennes depuis cinq ans et révélé aux publics francophones au festival Avignon OFF l’été dernier, Halfbreadtechnique fait un pied de nez au capitalisme en poussant jusqu’à l’absurde la notion de redistribution des richesses. Retour en arrière. Quand Martin Schick a créé ce spectacle à Amsterdam en 2012, les progressistes de ce monde s’extasiaient devant les pro messes de l’économie de partage. Désormais, nul besoin de posséder, croyait-on. Nous utiliserions des voitures en libre-service. Nous emprunterions les outils du troisième voisin, généreusement offerts via une application mobile. En voyage, nous dormirions chez l’habitant, en échange de services ou de petits montants. C’était avant que des multinationales du numérique comme Uber et Airbnb s’accaparent le concept et en fassent une lucrative machine à fric, brisant quelque peu nos illusions d’un nouveau monde de troc et de bienveillance. Mais Martin Schick est demeuré fidèle au principe de base. Tout partager, tout le temps: voilà son credo. «Le modèle de la possession est le plus grand obstacle à notre épanouissement, analyse-t-il. Nous savons cela depuis longtemps. J’essaie donc de voir si le modèle contraire, basé sur le partage et sur un certain refus de la possession, est applicable et s’il fonctionne mieux. Ma posture est un brin naïve, mais je me demande si, avec un peu de cette naïveté, on n’arriverait pas à faire naître un nouveau modèle.»
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SCÈNE 9 VOIR QC
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NOURRIR
L’ I M A G I N A I R E
SCÈNE 11 VOIR QC
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> Jusqu’au-boutisme Pour appliquer intégralement la technique du demi-pain, l’acteur et danseur fribourgeois ne fait pas dans la demi-mesure. Il résiste aux directeurs de festival qui refusent de l’engager lorsqu’ils apprennent qu’il ne sera pas payé à sa juste valeur. Il partage son repas post-spectacle avec une spectatrice. Il offre la moitié de son lit à l’hôtel pour la nuit. «La technique du demi-pain n’est pas toujours agréable, dit-il, en ce sens qu’elle force des interactions qui ne se seraient peut-être pas déroulées naturellement et qui peuvent être désagréables. Mais, la plupart du temps, elle me plonge dans des expériences humaines enrichissantes.» D’un même souffle, il montre l’hypocrisie d’un «postcapitalisme» dans lequel les riches de ce monde s’improvisent adeptes du partage. Citant la soudaine générosité de Bill Gates ou de Warren Buffet, Martin Schick en souligne l’apparente superficialité mais ne la condamne guère. Il en profite plutôt pour dénoncer sa propre posture ambiguë: chantre de l’altruisme et du collectivisme, il sculpte pourtant méticuleusement son propre capital culturel et une image de marque qui lui assure un certain pouvoir dans les réseaux artistiques. Il faut bien le vendre, après tout, ce spectacle!
bancs d’école pour s’offrir une formation en théâtre contemporain, qui lui offrait de meilleures possibilités d’expression et de réinvention de soi. De ce parcours lui est resté un goût pour la déconstruction des conventions de la scène et pour la pulvérisation de la notion même de spectacle. Formellement, Halfbreadtechnique est une explosion des codes scéniques, en quelque sorte un antispectacle. Qui plus est un antispectacle «pauvre», créé avec des bouts de ficelles et peu à peu dépouillé de moitié! «L’artiste pauvre, voilà un autre cliché qu’il m’intéresse d’interroger, dit-il. C’est une question omniprésente en Suisse, où le financement des arts est profondément inégal, donnant à certains artistes des moyens colossaux et à tous les autres des broutilles. Pourtant, les meilleurs résultats artistiques ne viennent pas nécessairement de ceux qui sont les mieux financés. Ce paradoxe m’intéresse.» Pour y réfléchir, Schick invente un théâtre interactif dans lequel le spectateur joue peu à peu un rôle important. Les spectateurs de Québec y verront peut-être des similitudes avec le NoShow, du Théâtre DuBunker et du collectif Nous sommes ici. Les critiques français qui ont observé le public avignonnais se précipiter en grand nombre en juillet dernier pour voir ces deux spectacles n’ont pas manqué de souligner leur parenté d’esprit. y
Théâtre pauvre Après ses études en ballet et une carrière de dan seur classique, Martin Schick est retourné sur les
Les 22 et 23 mai à La Bordée (Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec)
BERNIE NG, PHOTO | COURTOISIE ESPLANADE
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CE N’EST PAS LA DESTINATION QUI COMPTE ON A TOUS DES PROJETS QU’ON REMET À PLUS TARD ET DES AMBITIONS QU’ON FREINE. INSPIRÉE PAR SES PROPRES RÉALISATIONS INACHEVÉES, CLAUDINE ROBILLARD SORT LES IDÉES DES FONDS DE TIROIRS ET SOUFFLE LA POUSSIÈRE SUR LES VIEUX RÊVES POUR LES FAIRE REVIVRE SUR SCÈNE. MOTS | ÉMILIE RIOUX
PHOTOS | JONATHAN LORANGE
«À la mi-trentaine, j’ai réalisé le lot de projets ina chevés qui ponctuaient mon parcours et ça m’a un peu découragée. À l’âge où les athlètes prennent leur retraite, moi, j’ai un espèce d’anti-CV d’initiatives amorcées auxquelles j’ai cru, mais que je n’ai pas réussi à aboutir.» Une situation à laquelle plusieurs arrivent à s’identifier, peu importe leur parcours ou leur milieu de vie. Cours de piano, rénovations, voyages, écriture... il y avait là un fil conducteur qui pouvait mener à la concrétisation d’un spectacle plutôt atypique.
une méthode de création caractéristique qui teinte leurs productions d’une humanité sincère. Sans texte dramatique, ce sont les individus qu’elles rencontrent qui inspirent le spectacle. «On ras semble des gens qui nous éblouissent, qui nous intéressent et qui ont un rapport particulier à la thématique choisie. Le texte s’écrit au fil des explo rations. C’est une façon pour nous d’injecter du réel dans la pratique du théâtre», explique la directrice artistique. Finir par (re)commencer
La démarche de Claudine Robillard et de sa collègue Anne-Marie Guilmaine (responsable de la mise en scène) se trace au carrefour de la performance, du théâtre et de la sociologie. La recherche créative que mènent les deux femmes via leur compagnie Système Kangourou leur aura permis de développer
Par une série de récits intimes, non loin du théâtre documentaire, quatre non-acteurs habiteront la scène avec leurs histoires, leurs propres rêves à matérialiser sur scène. Dans une dimension poé tique, Non Finito s’inspire donc de l’inachevé pour
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poser la question de l’impact qu’aurait le théâtre (et l’art en général) sur le réel, sur la manière que nous avons de vivre avec nos projets incomplets. Pour les artistes, la scène est un plateau où la magie opère, où tout devient possible. Les rêves d’enfants et les plans de carrière laissés derrière peuvent renaître, en direct, sous les yeux du public. Le temps d’une représentation, on fait semblant, pour vrai. Le spectateur n’est certes pas laissé de côté dans la réalisation de cet objectif. «Il y a un rapport très direct. On s’adresse à lui, et il y a très peu de dialogues. […] Si je me fie à la réception et à l’expé rience que j’ai de l’intérieur, les gens finissent par se poser des questions et font la liste, eux aussi, de leurs projets inachevés.»
Trouver son élan dans le contact humain provoqué par la performance scénique, par la diversité des histoires, des protagonistes et des enjeux qui construisent leur quotidien. C’est là l’objectif de Claudine et de son équipe. «C’est un spectacle où on n’aborde pas l’inachevé dans une perspective de regret. C’est un appel à la vie; à se questionner sur ce que l’on considère comme inachevé et qui nous ferait plaisir de pousser plus loin.» Chose certaine, qu’on arrive ou non à atteindre l’objectif fixé au départ, il faut se rappeler que ce n’est pas la destination qui compte, mais le chemin parcouru pour y arriver.» y Du 5 au 7 juin à la Caserne Dalhousie (Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec)
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Réanimer Shakespeare Avec la complicité de son collègue cinéaste François Blouin, le comédien Marc Beaupré revêt l’identité d’Hamlet, fracassant le classique des classiques pour reconstruire un solo audacieux qui sort des sentiers battus. Un pari considérable pour un acteur ne craignant pas les défis. MOTS | ÉMILIE RIOUX
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Le visage de Marc Beaupré est connu du grand public grâce à ses nombreuses apparitions au grand et au petit écran. En ce sens, difficile de ne pas évoquer le mythique Marc Arcand, personnage bien connu des téléspectateurs grâce à la populaire Série noire. Au-delà de cet antagoniste singulier qui a marqué l’imaginaire d’une génération, le parcours du comédien est jalonné d’une présence constante sur les scènes de théâtre, tant à titre d’interprète que de metteur en scène au sein de sa compagnie Terre des Hommes. Sa dernière création, Hamlet Director’s Cut, permettra au public de la Capitale de le voir performer sur les planches pour une très rare fois, dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec.
scène, pas de décor, sauf pour de gigantesques écrans de tulle sur lesquels défileront les spectres qui hantent l’esprit torturé du héros shakespearien. «L’idée, c’est de nous per mettre d’utiliser le corps de Marc, qui va illustrer, à travers ses propres gestes, la silhouette des personnages avec lesquels il va interagir. C’est de le voir dessiner, créer lui-même l’univers dans lequel il joue. […] Le décor devient l’inconscient du personnage principal, qui se retrouve littéralement au centre de ses pensées», poétise le co-metteur en scène François Blouin, qui a le rôle tout aussi complexe de donner vie à cette galerie de personnages intangibles à chaque représentation. À l’ombre du drame
Donner corps au doute Après Caligula et Dom Juan, c’est au tour du légendaire texte de Shakespeare de passer par le filtre créatif de Marc Beaupré et de François Blouin. D’abord prévue pour être jouée par une distribution plus nombreuse, la pièce a connu quelques changements au fil du processus de création et c’est finalement seul en scène que le prince du Danemark racontera son histoire. «Un de nos moteurs de création, c’est comment on peut rendre spectaculaire le sentiment du doute, scéniquement. […] François a amené la notion de solo et de motion capture. Éventuellement, c’est devenu ça, le spectacle», explique l’interprète d’Hamlet. L’histoire demeure la même, racontée autre ment: la mort du roi du Danemark, la trahison de l’oncle et de l’épouse, la mission vengeresse du protagoniste remué d’incertitudes, dont les moindres mouvements sont captés en direct par caméra et retransmis en vastes projections sur le dispositif scénique. Sur
La reprise de ce spectacle, créé en 2017 à La Chapelle de Montréal, ne demeure pas moins un défi d’acteur considérable, tant physiquement que psychologiquement. Emmuré sur scène, dans une antichambre assombrie formée d’écrans de tissu, Marc Beaupré doit interpréter le plus justement possible les répliques de William Shakespeare tout en livrant une chorégraphie de mouvements larges et précis. Même s’ils se racontent directement au public, le personnage autant que l’acteur sont seuls avec leur création, sans aucun accès direct à l’assistance qui l’écoute attentivement. «Dans une boîte noire, la seule chose que tu vois c’est du noir et des projecteurs qui t’éclairent. Ça devient aliénant très rapidement, affirme l’acteur. Mais je les entends, les spectateurs. J’entends les estrades qui craquent, je sais qu’ils sont là.» Le titre du spectacle, à consonance cinéma tographique, n’a rien d’anodin. L’œuvre s’ap proche du cinéma, alors que les textures vidéo
étudiées, la chorégraphie et l’interprétation du texte tendent vers une unité esthétique qui captive l’œil. Le réalisateur de ce film n’est nul autre qu’Hamlet, pour qui les scènes défilent une à une. Malgré son doute constant, il réorganise l’information et conserve l’essentiel de son histoire au montage. Force est d’admettre que la mise en scène de Beaupré et de Blouin pousse la mise en abyme à son paroxysme, alors que le personnage-titre de leur œuvre théâtrale se posera des questions sur la véracité de situations qu’il met lui-même en scène, au fil de cette orchestration de projections lumineuses. Métaphoriquement, l’acteur compare son spectacle à l’allégorie de la caverne de Platon... à l’envers. «Chez Platon, les gens voient des formes sur les murs et se rendent compte que c’est leur propre ombre […], qu’ils ont peur de quelque chose qu’ils connaissent. Hamlet est au sommet de la connaissance, mais il ne peut pas résumer le monde à ces ombres qu’il projette.» Bien qu’on ne puisse pas refaire l’histoire, la créativité des concepteurs propose ici un nouveau visage au héros tragique qui ne manquera pas de bousculer les conventions classiques. y Du 1er au 3 juin à La Bordée (Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec)
FRANÇOIS BLOUIN ET MARC BEAUPRÉ
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MICKAËL BERGERON ROULETTE RUSSE
QUÉBÉCOISE, MAIS… Diana est citoyenne canadienne. Elle a juré devant la reine pis toute. Elle est aussi originaire de l’Amérique du Sud. Mais elle a surtout grandi ici, à Québec. Aujourd’hui, elle a 26 ans. Depuis son arrivée avec ses parents à l’âge de 10 ans, elle a eu le temps de faire une partie de son école primaire à Québec, puis secondaire, son cégep et même un baccalauréat.
dienne. Après tout, habituellement, quand on accepte quelqu’un dans notre gang, c’est que la personne fait entièrement partie de la gang. Elle n’a plus rien à prouver ensuite. Jurer devant la reine, c’est l’espèce de test final, pour départager les apprentis des mestres. Le stage est fini, t’intègres la patente pour vrai, avec tous les droits et devoirs qui viennent avec. Ç’a l’air que non.
Elle travaille ici, comme pas mal tout le monde. Elle s’implique dans sa communauté et est fière du coin où elle a grandi. Elle revendique et célèbre sa québécité comme elle chérit ses origines latines. Diana est un bel exemple d’immigration, comme on en a plein au Québec. Ou presque. Le hic ne vient pas d’elle. Il ne vient pas vraiment des autres. Il vient du système. Un système qui rappelle sans cesse qu’elle a beau avoir sa citoyenneté, elle n’est pas tout à fait une citoyenne canadienne comme moi. Comme s’il y avait deux classes de citoyenneté. Il y a la citoyenneté qui vient avec la naissance, une citoyenneté qui n’a jamais à prêter serment à la reine (ce que je serais incapable de faire), une citoyenneté qui n’a pas à passer de test pour prouver ses connaissances sur le Canada (ce que plusieurs échoueraient) et une citoyenneté qui n’a pas à toujours prouver sa loyauté au pays.
Diana se demande combien de fois elle devra prouver qu’elle est québécoise, comme moi, comme les autres de la table voisine du café où on parle de sa situation. Une de ces situations l’a déjà forcée à reporter son deuxième bac. Le temps qu’elle trouve les papiers à remettre et qu’elle prouve qu’elle n’a pas à passer un test de français, ce programme contingenté s’est rempli. À sa deuxième tentative, elle a encore dû prouver qu’on l’a acceptée dans notre gang. Le ministère de l’Éducation exige que les personnes comme Diana prouvent qu’elles ont continué à vivre ici s’il y a eu une pause dans les études.
Bon, quelquefois je dois montrer mon certificat de naissance, mais ça n’arrive pas si souvent. Pas aussi souvent que ça peut arriver à Diana en tout cas.
Elle doit déclarer sous serment qu’elle vit au Québec. Que ses parents ou son conjoint restent au Québec – on remercie que ses parents ne soient pas repartis et qu’elle ait un conjoint. Et ce, malgré son âge, son bac déjà en poche, fait ici à Québec, et sa citoyenneté canadienne.
Jusqu’à ce que Diana me raconte son histoire, je pensais naïvement que nos immigrant.e.s devenaient nos égaux en recevant la citoyenneté cana-
À quoi bon jurer devant la reine si la reine ne la reconnaît pas entièrement devant la loi et les procédures?
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Diana pourrait donc passer 20 ans au Québec à participer à l’économie, à payer ses impôts, à avoir des enfants ici et il faudrait quand même qu’elle prouve qu’elle n’a pas trahi sa citoyenneté canadienne en allant vivre ailleurs. Sinon, pourquoi vérifier ça? N’est-elle pas citoyenne canadienne? N’a-t-elle pas été acceptée dans la gang? Si je pars vivre cinq ou vingt ans à New York et que je reviens, je n’aurai pas à prouver ma citoyenneté canadienne. Par ma naissance, elle m’est acquise pour la vie. Qu’importe ce que je fais, sans avoir prêté aucun serment, sans avoir fait aucun test. Selon Diana, tout ça est très humiliant. Elle ne le dit pas, mais je sens aussi la lourdeur et la lassitude dans ses mots. Elle repense à ses parents dont le Québec n’a jamais reconnu leurs compétences. J’en comprends que ses parents ne se plaignent pas, mais qu’ils sont quand même blessés par ces promesses qui ont été brisées par le système qui ne reconnaît pas les diplômes. L’exil vient avec d’énormes souffrances, et de grands espoirs. Le sacrifice se fait souvent pour
l’avenir de ses enfants, alors on accepte d’être commis dans un entrepôt au lieu d’être ingénieur, on accepte ce sacrifice de plus, pour l’avenir de ses enfants. On oublie trop souvent ce que les immigrant.e.s mettent de côté pour être accepté.e.s parmi nous. Diana semble en colère à la place de ses parents. Diana insiste pour dire qu’elle n’est pas ingrate et elle est consciente de ce qu’elle bénéficie ici. C’est comme si elle se demandait si elle allait devoir dire merci toute sa vie. Pendant combien de temps un.e immigrant.e doit être reconnaissant.e? Des cicatrices familiales qui ouvrent chaque fois que le système lui rappelle qu’elle n’est pas née ici, au Canada, et que c’est peut-être un problème. Une sorte de trahison de la terre d’accueil. Comme s’il y avait toujours un mais. Bien sûr qu’elle est canadienne, mais, juste pour être sûr, faudrait le déclarer encore. Bien sûr qu’elle est québécoise, mais, juste pour être sûr, on va vérifier. Bien sûr qu’elle est l’une des nôtres, mais on garde quand même un œil sur elle. y
LA RÉUNIFICATION DES DEUX CORÉES THE DRAGONFLY OF CHICOUTIMI ROTTERDAM Une présentation
SAUVER DES VIES CHRISTINE, LA REINE-GARÇON
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MUSIQUE 19 VOIR QC
VO3 #O5
TOUS LES CHEMINS LE SUCCÈS INOPINÉ DE SON PREMIER ALBUM IL DERRIÈRE LUI, LE PIANISTE CLASSIQUE JEAN-MICHEL BLAIS REGARDE VERS L’AVANT AVEC DANS MA MAIN, UNE ŒUVRE À LA PROPENSION THÉRAPEUTIQUE ET AUX NOMBREUSES EXPLORATIONS ÉLECTRONIQUES. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTOS | GUILLAUME SIMONEAU (CONSULAT)
Noël 2016. Le moment restera gravé longtemps dans la mémoire du pianiste montréalais originaire de Nicolet. «C’est là où je me suis dit: “J’y vais”. Une chance de même, ça arrivera pas souvent dans une vie.» Tout juste mentionné dans le top 10 des meilleurs albums de l’année du prestigieux magazine américain Time, aux côtés de ceux de Radiohead, Solange et Frank Ocean, Il dépassait alors le cadre local pour atteindre le rang bien prisé de curiosité internationale. «Au début, quand on m’a dit ça, je pensais que c’était pas vrai. Dans ma tête, ça se pouvait pas qu’un album broche à foin enregistré avec un micro zoom puisse se retrouver dans le top 10 des albums de l’année», dit-il, encore saisi. «Même si le palmarès du Time est moins attendu qu’il pouvait l’être y a 10 ans, ça part bien une carrière.» En demande, le compositeur de 31 ans peine à accepter les offres de remplacement comme professeur à la technique en éducation spécialisée, un emploi qu’il avait exercé au collège MarieVictorin après avoir travaillé pour le Dr Julien. «Juste avant ce Noël-là, j’ai dû refuser cinq remplacements. Entre-temps, j’étais sur le chômage, mais je finissais toujours par rembourser mes prestations parce que je faisais trop de spectacles. Quand j’ai regardé tout ça, j’ai réalisé que mes affaires commençaient peut-être à marcher. Dans ma main, ça part de là… de ce moment où j’ai décidé de devenir le héros de ma propre vie plutôt que de faire comme tout le monde et de me projeter dans une série sur Netflix.» Inspiré du poème Monde irrémédiable désert de Saint-Denys Garneau, ce titre porte en lui cette force soudaine et vive qui a amené Jean-Michel
Blais à mettre son plan à exécution. «C’est un poème crissement déprimant et touchant dans lequel Garneau regarde l’univers mécanique dans lequel il vit, sans être capable de parler au monde, car il est trop dans sa bulle. Il dit: “Dans ma main. Le bout cassé de tous les chemins.” Je le vois comme si, en dedans de nous, on avait déjà les semences de notre futur… qu’il suffisait de regarder là pour trouver notre chemin. Moi, j’ai toujours su que je voulais faire de la musique, mais j’me l’avouais pas. Même que j’ai pas joué de piano pendant près d’un an, car je trouvais que c’était un truc de bourge. Il y a du monde qui crève de faim pis, moi, je vais jouer du piano? What the fuck!» s’exclame-t-il, en riant. «Aujourd’hui, je vois ça de façon complètement différente. J’ai juste pas le choix. Si je joue pas de piano, je me sens pas bien.» C’est d’ailleurs un mal-être chronique qui a poussé le jeune Jean-Michel Blais, atteint du syndrome Gilles de la Tourette, à écrire ses premières com positions à l’âge de 11 ans, puis à s’inscrire au Conservatoire de musique de Trois-Rivières à l’adolescence, formation qu’il a ensuite rejetée du revers de la main en raison de son cadre trop serré, non propice à l’expérimentation. «Quand j’étais jeune, j’étais pas mal anxieux et j’avais beaucoup de tics à cause du syndrome. C’était vraiment intense. J’me suis rendu compte qu’en jouant du piano, je n’avais plus rien. Pour une fois, j’étais bien, je n’étais pas en train de faire plein de mouvements et de penser à mes problèmes. La musique, c’était l’endroit où je pouvais me confesser. Avec les années, j’me suis dit qu’un jour, cette passion-là arrêterait, car ma vie allait finir par aller mieux avec ma grosse maison en banlieue, ma piscine creusée, ma toile solaire… Au contraire, les tics ont arrêté, mais pas l’envie de composer.»
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Musique curative spontanée Encore aujourd’hui, cette «envie de composer» agit comme une thérapie. Premier extrait de Dans ma main, Roses aborde avec délicatesse et sensibilité la maladie qui a frappé la mère d’une de ses amies. «La note de piano qui est là tout le temps, qui gosse, qui part et qui revient, c’est la maladie, celle qui récidive quand tu ne l’attends plus. Tout ce qui concerne cette toune-là, ça passe par mon amie. Je voulais m’assurer qu’elle soit à l’aise avec tous les éléments. C’était important pour moi d’incorporer aussi un peu de nostalgie là-dedans, car c’est un sentiment qui est très fort en fin de vie», explique Blais qui, dans cette même chanson, évoque à la fois Radiohead, Rachmaninov et Eric Carmen, auteur de la ballade All by Myself popularisée par Céline Dion. «À mon sens, la musique a ce pouvoir nostalgique-là. Des fois, j’ai une chanson dans la tête et, quand je m’attarde aux paroles, je constate qu’elle est une représentation de comment je me sens à ce moment-là. Comme si on encapsulait nos préoccupations dans la musique.»
A Heartbeat Away est également teintée d’un drame familial, celui qu’a vécu une autre de ses amies lorsque son père a été victime d’un arrêt cardiaque à vélo. «C’était un homme de 55 ans super en forme et là, paf!, c’est fini. Cette histoire m’a jeté à terre, et le lendemain, après avoir appris ça, y a cette toune qui sortait», raconte-t-il, un peu ébranlé. «C’est spécial, car à la base, je sais pas ce que je compose. C’est assez improvisé, y a rien de rationnel. C’est par après que je fais la psychanalyse de ce qui est arrivé dans mon inconscient. Très souvent, mes chansons rejoignent des événements, des personnes. C’est de là que la créativité naît.» Plus élaboré que son prédécesseur sur le plan des arrangements, Dans ma main a pris forme de façon tout aussi spontanée. Visiblement inspiré par sa collaboration avec son voisin CFCF, talentueux producteur montréalais avec qui il a proposé le mini-album Cascades en mars 2017, Blais a fait ses premières armes en création électronique peu après. «J’ai downloadé une version crackée du logiciel Ableton et j’ai pas dormi pendant une semaine!
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VIENNOISERIES MUSICALES II RÉCITAL D’ART VOCAL
MUSIQUE 21 VOIR QC
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des pianos Steinway & Sons sur Saint-Laurent à Montréal avec son complice Bufflo et son ingénieur sonore Marc-André Migneault. «On est allés enregistrer ça là-bas durant huit nuits avec un piano différent pour chaque toune. À notre disposition, on avait des petits micros et des pianos à 200 000$! Après 2-3 nuits, on a réécouté les premiers enregistrements et, franchement, c’était tellement lent que je m’endormais. Y a fallu qu’on retourne là-bas sur le gros café et là, c’était meilleur! C’était vraiment un beau challenge au niveau sonore, car il y a quand même beaucoup de bruit sur Saint-Lau. Pendant une prise, y a un gros truck qui est passé et on a essayé de le masquer en post-prod avec une ligne de basse.»
C’était vraiment pas sain. Au départ, j’ai fait plein d’erreurs en uploadant certaines pistes, et c’est pour ça qu’il y a des glitchs, des sons renversés et de sons étirés sur l’album.» De pair avec l’arrangeur Bufflo, qui l’avait également aidé sur Il, le Montréalais a d’abord réécouté le vaste contenu de son micro zoom, avec lequel il avait enregistré quelque 300 pistes d’ébauches de composition dans son salon. Après ce tri, le musicien a travaillé sur une vingtaine de démos qu’il a envoyées à son étiquette Arts & Crafts, basée à Toronto. «Je cherchais l’équilibre, quelque chose entre le côté expérimental de Bufflo et celui plus marketing de Arts & Crafts. Par-dessus tout, je voulais que cet album-là soit un tremplin vers une proposition plus électronique. Je voulais me rendre à la limite de ce que ça peut être, un album de piano.» L’importance des contraintes Pour ce faire, pas question de répéter la même recette qu’Il, un album enregistré de façon brute chez lui sans égard aux bruits environnants. À l’inverse, l’idée d’entrer dans les ligues majeures des studios onéreux n’avait rien de très séduisant pour le pianiste montréalais. «J’avais pas envie d’un son impeccable à 1000$ par jour. Je désirais encore m’imposer des contraintes», explique celui qui a finalement choisi de s’installer dans le local
Loin de la rectitude qui caractérise la plupart du temps les enregistrements de musique classique, Dans ma main fuit les genres fixes et immuables pour rejoindre celui plus étendu du postclassique, une catégorie très inclusive qui se définit par son abondance de références à la musique populaire et son penchant marqué pour les mélanges de styles. Somme toute, cette étiquette fourre-tout plaît au compositeur montréalais. «C’est mieux que néoclassique, un terme associé à un courant musical remontant à plus d’un siècle», estime-t-il, mentionnant qu’on l’a souvent associé, à tort, à ce genre. «Moi, j’aime mélanger le beat et le piano, Rachmaninov et Radiohead… Et cette tendance-là se manifeste encore plus sur cet album. Je fais partie d’aucune gang. Je butine et je m’inspire de ce que tout le monde fait.» Sur scène, c’est justement cette facilité à croiser les époques et les styles qui soulève l’intérêt. Vulgarisateur de talent, Jean-Michel Blais s’assure d’expliquer aux spectateurs les tenants et les aboutissants de certaines pièces qu’il joue. Une façon pertinente de jumeler sa passion pour la musique et son passé de professeur. «C’est intéressant de donner des éléments de compréhension à l’auditeur pour pas qu’il soit totalement perdu. Il tente de trouver la référence, la variation ou le thème dont je viens de lui parler. Il y a un jeu qui se passe.» Prochainement, les occasions de rencontres entre Jean-Michel Blais et son public seront nombreuses. Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni... Le calendrier du pianiste s’étire au-delà de l’été 2019. «Sérieusement, ça fait peur, mais en même temps, c’est rassurant de savoir que je vais travailler autant.» Dans sa main. Le bout raccommodé de tous les chemins du monde. y Dans ma main (Arts & Crafts) Sortie le 11 mai 6 septembre au Grand Théâtre de Québec
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L’ULTIME DIVINITÉ GRECQUE ELLE N’HÉSITE PAS À PARLER DE SA CARRIÈRE COMME DE «L’AMOUR DE SA VIE», UNE LONGUE IDYLLE À LAQUELLE ELLE NE SE RÉSOUT PAS À RENONCER. À 83 PRINTEMPS, NANA MOUSKOURI EST DE CELLES, LES RARES, QUI CHANTENT POUR VIVRE ET VIVENT POUR CHANTER. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Un sourire sculpte sa bouche. Malgré les entrevues à la chaîne, cette journée de promotion possiblement éreintante, Nana resplendit, pétille. Elle cache presque parfaitement cette gêne qui la tenaille encore, mais ses lèvres pincées, nerveusement, la trahissent un tout petit peu. «J’ai appris que je pouvais parler. Quand j’étais plus jeune, j’étais timide, je n’y arrivais pas, tandis que maintenant, je suis plus libre. Je me dis, bon, après tout, tout le monde ne vient pas ici pour me faire du mal», confie-t-elle en évoquant les journalistes. Dans sa voix, les accents de Grèce et de France se mélangent. On la reconnaîtrait à son phrasé si distinctif en gardant les yeux fermés, sans même apercevoir ses grandes lunettes noires. Madame Mouskouri est une icône qui s’ignore. C’est que, voyez-vous, il y a de ces choses que ni la gloire ni l’expérience ne parviennent à dompter. Parlez-lui du trac, par exemple, de l’inquiétude qui la taraude avant d’empoigner le microphone et de monter sur scène. Chaque concert est encore pour elle un saut dans le vide, une épreuve qui se solde finalement en douceur exquise. C’en est presque une drogue. «Le moment où vous en êtes à l’exécution, vous ne pensez qu’à vos notes, à tout ce qui va sortir, si c’est sincère, et tout ça. Moi, je pense que c’est le parfait bonheur si le public applaudit. C’est quelque chose de merveilleux. Mais, en même temps, j’ai le même sentiment qu’après une grande douleur qui s’explose, qui s’en va.» Nana ne se plaint pas de cette
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> condition un brin embarrassante, bien au contraire, et puis «ce n’est pas un très grand mal», qu’elle vous dira. Généralement, ça passe après les trois ou quatre premières chansons, le temps d’apprivoiser l’assistance. Liberace lui avait bien menti. «Un jour, j’étais à Los Angeles pour un spectacle avec Unicef, je tremblais de peur. Il m’a dit: “Écoute chérie, le trac, tout ça, c’est quelque chose qui dure seule ment 80 ans. Après, ça passe.” Là, il n’est plus là pour que je lui dise qu’il n’avait pas raison!» La vocaliste ne doit pas non plus sa légende au hasard des rencontres, ces spectaculaires amitiés qui continuent d’embellir sa vie. La discipline façonne toute l’existence de Nana. Vaillante au possible, et jusque dans les moindres racoins du quotidien, elle fait tout ce qu’elle peut pour protéger sa voix, préserver son don. «Il faut, et pendant toute la vie, faire attention à certaines choses. C’est ce que j’ai fait. Donc, bien sûr, lorsque je me prépare pour la tournée, je commence à chanter petit à petit, pas beaucoup, tous les jours, pour m’habituer déjà et libérer ma voix. […] Il
Un travail exigeant qui passe par la compréhension des mots, la célébration de leurs sonorités vraies. Cette carrière titanesque, et absolument impossible à reproduire à l’ère de la mondialisation, elle la doit grandement à sa flexibilité peu commune. Cette façon qu’elle a de jongler entre les dialectes et les styles dans une espèce de ronde infinie. Trop souvent, au Québec, on la cantonne à ce rôle de chanteuse de variétés, au Tournesol ou au Soleil soleil repris dans les publicités d’une franchise de résidences pour aînés. Or, ce n’est qu’un petit échantillon de sa vaste discographie, qu’un pan de sa personnalité multifacette. Ce qu’on sait moins de Nana Mouskouri, c’est ce goût pour le jazz qu’elle cultive depuis l’adolescence. Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday… The Girl from Greece Sings, son album de 1962 enregistré à New York aux côtés de Quincy Jones, témoigne merveilleusement de l’admiration qu’elle porte à ces grandes Améri caines. Un secret musical encore trop bien gardé, le souvenir d’une expérience initiatique qu’elle se remémore les yeux brillants. «C’était le début
CETTE CARRIÈRE TITANESQUE, ELLE LA DOIT GRANDEMENT À SA FLEXIBILITÉ PEU COMMUNE. faut faire attention de ne pas avoir des acidités à l’estomac, il y a des choses comme ça, comme manger naturellement, éviter certaines choses qui font trop de salive. J’adore les produits laitiers, mais quand on chante, il ne faut pas tellement. Puis, pour l’équilibre de la voix, ce qui est le plus important, c’est le sommeil. Pas trop, non plus, mais faire huit heures si c’est possible.» Et quand la voix faillit, malgré tout, elle a son remède: «Il faut du miel avec de la camomille, des fois un peu de citron à cause des vitamines.» Le goût du partage Grec, français, allemand, japonais, espagnol, italien, néerlandais, on en oublie sûrement. Tant dans ses chansons que dans les présentations qui les précèdent, Nana s’avère une redoutable polyglotte. Elle est d’ici, d’ailleurs, de partout à la fois, transgressant joyeusement les frontières au nom de sa passion. «Il faut respecter les langues comme on respecte la musique», résume-t-elle si habilement.
de tout pour moi. D’abord, il m’a donné un grand choix de disques, il me fallait les écouter et choisir les chansons. Après, il passait me prendre tous les jours après 6h et on allait faire tous, tous les clubs. On allait écouter “the masters” qu’il me disait, les maîtres. […] Par la suite, après 15 ou 20 jours, on est allés au studio. Là, c’était lui qui commandait. Ça commençait par le rythme, puis il travaillait instrument par instrument. Après, c’était à mon tour de chanter avec eux. Il me reprenait sans arrêt. Il me disait: “Il faut que tu sentes plus ce que tu chantes.” Avec lui, j’ai appris à chercher dans les chansons, à trouver la signification des mots.» Forever Young, c’est beaucoup ça. L’album et sa tournée homonyme commémorent une époque passée, mais pas révolue parce que la musique, après tout, ne connaît ni les âges ni le temps. La musique est éternelle et ça tombe bien: Nana l’est aussi. y Le 18 mai au Grand Théâtre de Québec
BIN COMMODE AVEC SON TROISIÈME ALBUM, DANIEL, JESUSLESFILLES REVIENT EN FORCE APRÈS UN HIATUS DE QUATRE ANS. PLUS STABLE QUE JAMAIS, LA FORMATION CONSERVE UNE ÉNERGIE CRÉATIVE FÉBRILE, QUOIQUE MOINS DESTRUCTRICE QU’AUPARAVANT. ENTRETIEN AMICAL AVEC LE QUINTETTE DE GARAGE ROCK ABRASIF. MOTS & PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
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epuis sa naissance en 2008, la formation a vécu quelques changements de personnel avant d’en arriver à sa forme actuelle, celle qui signe un Daniel aux accents plus simples, axé sur les mélodies et assurément plus souple que ses prédécesseurs sur le plan des textures. À mesure que de nouveaux membres sont venus remplacer les anciens, la direction s’est dessinée d’elle-même. «On était à une autre place à nos débuts, explique Martin (guitares, voix), mais la dynamique en ce moment est aussi forte qu’au départ. Ça s’est toujours fait naturellement quand on a changé de line-up, pis ceux qui sont venus s’ajouter au projet, c’était toujours des nouveaux amis. Mettons, on avait besoin d’un guitariste. Phil, c’était un nouvel ami, fait que je lui ai demandé si ça lui tentait. Y a dit oui. Pis ça s’est fait pareil pour Guillaume (basse) pis Yuki (voix). On est juste allés chercher le talent chez nos nouveaux amis, Benoit (batterie) pis moi.» C’est donc dans un tissu de cohérence qu’est tissé Jesuslesfilles, et c’est dans ce matériau brut même que le groupe va puiser son inspiration. Mais, question légitime, c’est qui ce Daniel? «Ben, au début, poursuit Martin, y avait une toune sur l’album qui avait un nom, je me souviens pus c’est quoi, mais ça marchait pas. Faque je me suis dit “Je vais l’appeler Daniel”, pis Benoit a dit “OK”. Ça arrive assez rarement que c’est simple de même, fait qu’on a décidé que ça allait être le nom de l’album.» En fait, c’est un peu plus poussé que la simple anecdote. Effectivement, ce prénom en apparence anodin est intimement lié à Jesuslesfilles. Au tout début du projet, c’est après avoir écouté un documentaire sur Daniel Johnston que Martin s’est senti extrêmement inspiré par son processus de création très naïf. «C’est quelque chose qui est toujours resté dans la façon dont j’écris des paroles», mentionnet-il. L’autre Daniel? Nul autre que Daniel Balavoine, ce chanteur français marquant des années 1980, dont l’empreinte s’est ressentie jusque dans les années 2000 dans l’Hexagone. «On s’était fait une playlist pour écouter en montant à Toronto, explique Benoit. Évidemment, on avait mis Tous les cris les SOS de MarieDenise Pelletier, mais on a appris plus tard que c’était pas sa toune, que c’était un cover de Daniel Balavoine. C’est un peu de même qu’est née notre fascination pour lui.» Finalement, selon Martin, si l’album en soi est un Daniel, «c’te Daniel-là, y est bin commode». «Avant, les soirées finissaient pas, pis c’tait un peu le moteur du groupe, selon Benoit. Astheure, on a un peu vieilli, fait qu’on finit par aller se coucher. C’est comme une autre façon d’avoir de l’énergie, on est plus en forme le matin.» Martin conclut: «T’sais, si t’es accro à quelque chose pis que ça te détruit, même si c’est ton moteur, un moment donné, faut que t’arrêtes. Pis un coup qu’t’as arrêté, faut que tu continues à faire de la musique pareil. C’est un peu ça qui s’est passé avec cet album-là. On a encore la même énergie, elle s’est juste déplacée ailleurs.» y Daniel est en vente partout dès maintenant. 11 mai au Pantoum (En double plateau avec Silver Dapple)
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À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL
BRAZILIAN GIRLS LET’S MAKE LOVE
(Six Shooter Records) HHHH
Dix ans après New York City, les Brazilian Girls refont surface et n’ont rien perdu de leur attrait. Let’s Make Love est un album aussi réjouissant que les trois autres que la formation new-yorkaise a fait paraître entre 2005 et 2008. Toujours mené par la charismatique chanteuse polyglotte Sabina Sciubba, éternellement sensuelle et joueuse, le quatuor déballe ici douze morceaux de pop brillante et aventureuse. Entre funk irrévérencieux, new-wave punky, reggae décalé, exotica futuriste et disco jazzy, la formation colore ses compositions de savantes teintes électro, lounge, latines, brésiliennes et africaines. Plus de grooves que les Talking Heads et plus de charme que Blondie – pour rester dans le registre NYC –, les Brazilian Girls manient l’art de créer des chansons entraînantes, sexy, quelquefois volontairement dérisoires mais invariablement irrésistibles. (P. Baillargeon)
ARCHITEK PERCUSSION THE PRIVACY OF DOMESTIC LIFE
STEVE HILL THE ONE-MAN BLUES ROCK BAND
(Centredisques/Naxos) HHHH
(No Label Records / Outside) HHHH Ceux qui auraient découvert Steve Hill comme soliste avec l’OSM en février dernier, alors qu’il donnait en création The Electric Candlelight Concerto de John Anthony Lennon, pourront mesurer le talent du bonhomme en solo. Oui, oui, le band que l’on entend, avec batteur, bassiste, guitariste et chanteur, c’est lui tout seul, et qui joue tout ça simultanément (avec harmonica en prime)! Le mec doit être dans une sacrée forme, parce que le résultat est franchement étonnant, mais en plus, c’est qu’il est bon ce blues du Sud, et qu’il donne chaud. Hill glisse quelques reprises dans son set de pièces originales, dont Hate to See You Go, de Little Walter (que les Rolling Stones ont reprise sur Blue & Lonesome en 2016) et Voodoo Child (Slight Return), d’Hendrix, presque plus vraie que la vraie. Oh ya! (R. Beaucage)
On avait été impressionné l’année dernière par la musique d’Eliot Britton interprétée par l’ensemble Architek Percussion sur le disque Metatron, et l’enchantement ne se dissipe pas avec ce nouvel opus du quatuor. Au contraire, la qualité sonore de cet enregis trement réalisé à la salle Oscar-Peterson (Université Concordia) est encore une fois superbe, et le programme est solide. Ça débute avec la pièce-titre, d’Adam Basanta, dans laquelle les bruits du quotidien prennent une nouvelle vie, et ça se poursuit avec les variations de vitesse de Beavan Flanagan, l’exploration des métaux de Taylor Brook et le proto-heavy métal de Duncan Schouten, qui pourrait réconcilier les amateurs de musique contemporaine avec le genre. Grâce à ces jeunes compositeurs canadiens, l’ensemble montréalais renouvelle le genre de la «pièce pour percussion» avec brio. (R. Beaucage)
STIMULATOR JONES EXOTIC WORLDS AND MASTERFUL TREASURES (Stones Throw) HHH Ne s’étant révélé qu’il y a quelques mois à peine, le multi-instrumentiste Stimulator Jones nous arrive précocement avec un opus initiateur aux accents RnB circa 1988. Alors qu’il ne se limite pas aux sonorités nostalgiques, force est d’admettre que l’inspiration rétro est claire autant dans les arrangements que dans le mix. Les compositions, bien que solides et habiles, semblent par endroits manquer d’originalité, et la voix parfois faiblarde de Jones ne rend pas tout à fait justice à ses mélodies sensibles. On y retrouve tout le groove désiré, l’ensemble se tient, mais il manque un petit lustre à l’album qui aurait pu se démarquer davantage de ce qui s’est fait par le passé. Somme toute, il s’agit ici d’un premier effort respectable, mais qui aurait probablement pu profiter d’une période de gestation un peu plus longue. (A. Bordeleau)
MICHAEL GORDON ET KRONOS QUARTET CLOUDED YELLOW (Cantaloupe Music / Naxos) HHHH Voici un album qui regroupe les pièces que le compositeur new-yorkais Michael Gordon a com posées pour le Kronos Quartet dans la première décennie de ce siècle. Connu pour un style postminimaliste qui a souvent recours à l’électronique, le cofondateur de l’ensemble Bang on a Can offre au Kronos de grandes œuvres. Potassium (2000), leur première collaboration, était son tout premier quatuor à cordes, et il a choisi d’y ajouter une petite touche de fuzz qui donne une sacrée allure à l’affaire. Dans The Sad Park (2006), à propos du 11 septembre 2001, le quatuor est accompagné de voix d’enfants complètement déconstruites électroniquement, tandis que dans Exalted (2010), c’est un véritable chœur qui mêle ses glissandi à ceux des musiciens. Clouded Yellow, entièrement acoustique, est légère comme le papillon auquel son titre fait référence. Magnifique. (R. Beaucage)
DISQUES 29 VOIR QC
JAY SCØTT ET SMITTY BACALLEY UN CHEVREUIL
OKTOÉCHO SAIMANIQ
(Indépendant) HHH 1/2
(Oktoécho / Outside) HHHH 1/2
«On roule depuis 10 ans, mais on n’arrive pas vite», clame le rappeur et producteur Jay Scott sur C’était nous ça, remarquable chanson d’ouverture qui donne le ton à ce mini-album aussi divertissant qu’ingénieux. Encore méconnu sur la scène hip-hop québécoise, le duo terrebonnien complété par Smitty Bacalley fait un grand bond en avant avec ce deuxième projet collaboratif, qui donne suite au rafraîchissant album conceptuel Stockholm paru l’an dernier. Fins observateurs du quotidien, les deux rappeurs évitent la critique sociale facile et dressent un portrait à la fois lucide et humoristique des relations virtuelles qui caractérisent notre époque. Avec son flow posé, dynamique et modulable, Bacalley se distingue tout particulièrement au micro, alors que son complice à la voix nasillarde teintée d’Auto-Tune ajoute une couleur excentrique et décalée à l’ensemble, en plus de livrer ses cinq productions les plus étoffées en carrière. (O. Boisvert-Magnen)
Nous sommes huit sur scène et nous venons en amis. Car Saimamiq signifie paix en langue inuktituk. Parmi nous: Lydia Etok et Nina Segalowitz, spécialistes aguerries du katajjaq (chant de gorge inuit), avec Hélène Martel qui s’en est librement inspirée pour développer ses propres techni ques vocales inédites. Katia Makdissi-Warren, la directrice artistique de l’audacieux OktoÉcho, a cru bon de rajouter des effets électroniques, du violoncelle et du piano, mais avec parcimonie. On a mis aussi des flûtes bizarroïdes – dont l’une de paternité sibérienne – et du vrai oud moyen-oriental, en plus du fabuleux percussionniste Bertil Schulrabe. Le résultat est fascinant. Aux confins des déserts de glace et de sables infinis, on explore avec des humains des espaces vierges et lointains. Après une longue résidence à la Maison de la culture Ahuntsic, voici donc un premier album créatif et marquant. Littéra lement inouï. Sans jeu de mots. (R. Boncy)
MICHAEL KAESHAMMER SOMETHING NEW
BORNBROKEN THE YEARS OF HARSH TRUTHS AND LITTLE LIES
(Linus) HHH
(Indépendant) HHHH 1/2
Quoi de neuf? Eh bien, figurez-vous que pour son 12e album, le très talentueux Michael K a enfin trouvé la formule, le dosage idéal. D’origine allemande et plutôt beau bonhomme, ce jazzman surdoué s’est retrouvé longtemps ballotté entre un rôle de crooner un peu trop clean et une carrière plus obscure de pianiste de blues au boogie-woogie d’enfer. Celui qui n’hésitait pas à partager la scène avec Harry Manx déménage cette fois ses pénates au quartier Tremé, en plein cœur de La NouvelleOrléans. Là, il recrute les musiciens du coin comme Curtis Salgado, George Porter Jr (The Meters) et Cyril Neville (Neville Brothers). Dix pièces brèves pompées par l’humour et les cuivres et deux instrumentales qui achèvent de nous convaincre. Bonne job. (R. Boncy)
Ce n’est pas parce qu’il y a du groove dans les mélodies que la musique n’est pas heavy! Le meilleur exemple de cette affirmation est le deuxième album du groupe montréalais, qui donne l’impression d’avoir mangé du lion en attendant de pouvoir enregistrer le successeur de The Healing Powers of Hate (2013). Il faut dire qu’après plusieurs changements de musiciens, les guitaristes et membres fondateurs Simon Savard et Mike Decker devaient avoir hâte de reprendre le flambeau de BornBroken. Deux de leurs trois recrues, le chanteur Pepe Poliquin (Endast) et le batteur Samuel Santiago (Gorod, First Fragment), livrent la marchandise avec célérité sur l’album thrashcore métal qui comprend la collaboration de Jason Rockman (Slaves on Dope) sur le morceau rap métal Fight. Un retour percutant qui plaira aux fans de Lamb of God, DevilDriver. (C. Fortier)
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MINISTRY AMERIKKKANT
(Nuclear Blast) HHH
L’heure de l’apocalypse a sonné chez Ministry. Toutes les visions de fin du monde que le groupe préfigurait sur ses précédents albums sont à nos portes et Al Jourgensen ne compte pas baisser les bras. «I’m on a mission to make things right» martèle-t-il sur la pièce Game Over. Avec Trump et sa horde aux commandes, Jourgensen ne manque pas d’inspiration ni de colère pour alimenter ce 14e album de Ministry. Si la bande ne se renouvelle pas beaucoup et tape un peu toujours sur le même clou métal-industriel avec autant de force, elle est cependant encore plus pertinente aujourd’hui que jamais auparavant. Avec à son bord des musiciens qui se sont fait les dents chez Fear Factory, Prong, Revolting Cocks, Killing Joke et Soulfly, Ministry sort le napalm et applique la politique de la terre brûlée en y ajoutant quelques notes d’harmonica et de violents violons ici et là. Entre des extraits de discours du chef d’état américain et autres sbires, DJ Swamp (Beck, Crystal Method) hache tout ça avec ses scratchs assassins. Victims Of A Clown, Antifa, We’re Tired Of It, Wargasm... des titres sans équivoques qui résument parfaitement la teneur d’AmeriKKKant; Ministry est sur le pied de guerre. (P. Baillargeon)
30 CHRONIQUE VOIR QC
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MONIQUE GIROUX SUR MESURE
IL N’Y A VRAIMENT PAS DE QUOI RIRE Je ne suis pas très douée pour les blagues. Je suis incapable de les retenir, donc d’en raconter. Je n’en connais que deux que je répète tout le temps, ce qui finit par exaspérer mon entourage. La première, je ne peux pas la raconter ici parce qu’elle est vraiment trop juvénile. Je mettrais ma crédibilité en péril. Quant à la seconde, elle est trop longue. Je n’en dévoilerai que le punch: «La cape me va à ravir, mais le béret est un peu grand…» Ah! vous voyez bien que vous la connaissez!
juvénile qui commence par: «Une fois, c’est trois gars assis sur un banc…») Revenons aux choses sérieuses, comme ce texte de Raymond Devos par exemple. Il m’épate, il ne me fait pas rire, mais sourire de contentement. Mon cerveau sourit. Mes neurones doivent glousser avant que mes zygomatiques s’activent. Il y a des verbes qui se conjuguent très irrégulièrement. Par exemple, le verbe ouïr.
Bien que joviale de nature, j’aurais une défaillance du système immuno-humoristique que ça ne m’étonnerait pas. C’est moi ou depuis quelque temps, on nous en sert à toute heure, en entrée, en plat et en dessert? À l’évidence, je n’aurais pas assez d’une vie pour connaître tous les humoristes de la francophonie, surtout qu’ils semblent se multiplier aussi vite que leurs tribunes. Mon palmarès est composé d’André Sauvé, de Lise Dion, de Florence Foresti, de Muriel Robin et de Louis-José Houde. Si jamais Fabrice Luchini est admis au panthéon, je serai preneuse aussi. Et puis, il y a bien sûr Fred, Clémence et Yvon, qui ont aussi fait de la chanson, tiens donc. Mais quand ils nous font aussi pleurer, sont-ils toujours des humoristes? L’humour est, dit-on, la politesse du désespoir. Et comme les goûts et les couleurs, il ne se discute pas. C’est bien connu: c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. J’ai croisé un monsieur très, très sérieux, grave, sévère, le père d’une amie. Un politicien, régional soit, mais néanmoins cravaté, coincé, grincheux, pas rigolo du tout. Au milieu d’une phrase, on disait «prout» et il se roulait par terre de rire en se tenant les côtes, il en pleurait. Un phénomène. (Fermons la parenthèse, parce que je pourrais bien finir par vous la raconter, ma blague
Le verbe ouïr, au présent, ça fait: J’ois… J’ois… Si au lieu de dire «j’entends», je dis «j’ois», les gens vont penser que ce que j’entends est joyeux, alors que ce que j’entends peut être particulièrement triste. II faudrait préciser: «Dieu, que ce que j’ois est triste!» J’ois… Tu ois… Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois? Il oit… Oyons-nous? Vous oyez… Ils oient. C’est bête! L’oie oit. Elle oit, l’oie! Ce que nous oyons, l’oie l’oit-elle? Si au lieu de dire «l’oreille», on dit «l’ouïe», alors: l’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu que l’oie appartienne à Louis… «L’ouïe de l’oie de Louis a ouï.» «Ah oui? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis? «Elle a ouï ce que toute oie oit…» «Et qu’oit toute oie?» «Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie oit: ouah! ouah! Qu’elle oit, l’oie!» Au passé, ça fait J’ouïs… J’ouïs! Il n’y a vraiment pas de quoi!
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31 Il y a encore meilleur exemple, toujours de Devos.
La dernière fois que j’ai vu Raymond Devos* en spectacle, c’était au Théâtre Saint-Denis, le 29 septembre 1998. Ça fera bientôt 20 ans. Si je m’en souviens avec autant de précision, c’est que Pauline Julien a mis fin à ses jours le 1er octobre, un jeudi… et que j’étais avec elle au spectacle de Devos l’avantveille, le mardi, que je l’ai emmenée voir son vieil ami Devos en coulisses, que je lui ai fait comprendre du regard que Pauline était souffrante, qu’elle ne parlait plus, accablée par l’aphasie, que je l’ai ramenée chez elle rue Pontiac après la soirée, qu’on s’est saluées longuement, plus longuement qu’à l’habitude parce que je pense qu’elle avait pris sa décision pour le lendemain, et parce qu’on ne s’est plus jamais revues. C’est pour ça que je m’en souviens avec autant de précision. En fait, ce n’est pas vrai. La dernière fois que j’ai vu Devos, c’était aux funérailles de Pauline le dimanche suivant son suicide.
J’avais dit pendant les vacances j’fais rien Rien, je veux rien faire J’savais pas où aller Comme j’avais entendu dire «À quand les vacances, à quand les vacances?» J’dis «Bon, je vais aller à Caen» Et puis à Caen, ça tombait bien, j’avais rien à y faire Je boucle la valise, j’vais pour prendre le car Je demande à l’employé «Pour Caen quelle heure?» Il me dit «Pour où?» J’lui dis «Pour Caen» Il me dit «Comment voulez-vous que je vous dise quand, si je ne sais pas où?» J’lui dis «Comment? Vous ne savez pas où est Caen?» Il me dit «Si vous ne me le dites pas» Mais j’lui dis «Mais je vous ai dit Caen» Il me dit «Oui, mais vous ne m’avez pas dit où»
Il n’y avait vraiment pas de quoi rire en effet. La suite serait trop longue à reproduire ici, mais je vous suggère de la trouver sur le web. Pourquoi je vous parle de Devos aujourd’hui? Par peur de l’oublier. Il y a quelques jours, alors que j’interviewais la formidable chanteuse Camille, on a évoqué Higelin et Devos. À Higelin elle a pleuré. À Devos Camille s’est rappelé à quel point il l’avait marquée et comment son talent, son humour, son esprit faisaient appel à notre intelligence.
*Allez découvrir Raymond Devos sur le web ou en librairie. Ce génie des mots et de la scène, décédé en 2006 et à qui, depuis peu, un musée est consacré à Saint-Remy-lès-Chevreuse, ne doit pas être oublié. Et pour la même raison, allez découvrir Pauline Julien. Un hommage lui sera rendu le 8 juin aux FrancoFolies avec entre autres Klô Pelgag, Fanny Bloom, Louise Latraverse, Frannie Holder, Isabelle Blais et Sophie Cadieux. y
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VINCENT CASSEL, PEINTRE MAUDIT DANS GAUGUIN – VOYAGE DE TAHITI, AU CINÉMA CE MOIS-CI, L’ACTEUR FRANÇAIS SE GLISSE DANS LA PEAU DU PEINTRE POSTIMPRESSIONNISTE. CE FILM D’ÉDOUARD DELUC REVIENT SUR LE PREMIER SÉJOUR DE PAUL GAUGUIN EN POLYNÉSIE EN 1891. ON A DISCUTÉ AVEC VINCENT CASSEL DE CE TOURNAGE PAS COMME LES AUTRES, ENTRE PEINTURE ET OCÉAN. MOTS | MARIE PÂRIS
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En ce moment, il fait une pause sans caméra. L’acteur revient d’un tournage en Corée, et plusieurs films dans lesquels il joue vont sortir prochainement (L’Empereur de Paris de Jean-François Richet, Le monde est à toi de Romain Gavras, Underwater de William Eubank...). Avant de commencer une comédie à la rentrée, Vincent Cassel a pris le temps de revenir avec nous sur Gauguin – Voyage de Tahiti, sorti en septembre en Europe. Une sortie qui ne s’est pas faite sans bruit.
n’a pas été fait pour défendre Gauguin, il s’agit juste de lever un peu le voile sur qui était ce mec. Il a quand même un parcours incroyable: avoir confiance toute sa vie en quelque chose alors que tout le monde dit le contraire, au point de tout abandonner et de sacrifier sa famille. C’était presque une mission. On n’a jamais dit qu’on faisait un film qui montrait la vie d’un saint. Mais de réduire tout ça à l’histoire de pédophilie, je trouve que c’est un peu hors sujet...
Voir: On ne peut pas parler de ce film sans évoquer la polémique qui l’a accompagné. On lui a reproché d’être un peu trop complaisant avec Gauguin, en passant notamment sous silence ses relations sexuelles avec des adolescentes...
Que vous inspire le personnage de Gauguin?
Vincent Cassel: Certains ont oublié de remettre les choses dans leur contexte. Et beaucoup d’informations qui ont circulé étaient fausses... On a par exemple dit que Gauguin était syphilitique, alors qu’il ne l’était pas encore lors de son premier voyage.
Au-delà du peintre, c’est un homme qui est parti s’expatrier à l’autre bout du monde, à une époque où il était très difficile de prendre un bateau. Quand on va si loin, on ne sait jamais si on en revient. Gauguin a eu la force de tout abandonner parce qu’il savait qu’il avait des choses à réaliser; et même si de son vivant personne ne lui dira jamais, l’histoire nous prouve qu’il avait raison de vouloir aller au bout de ce qu’il sentait.
Le film se concentre sur son époque tahitienne et s’inspire surtout de son récit de voyage Noa Noa. Gauguin a fait comme le font souvent les auteurs qui racontent leur vie: il romance un peu les choses. En adaptant ce livre, on savait qu’on avait déjà dans les mains quelque chose qui n’était pas la réalité à 100%. Le film
Noa Noa est un bouquin incroyable, où Gauguin parle de lui, des difficultés qu’il rencontre, de ses craintes. Même s’il enjolive les choses, on voit qu’il est dans une détresse profonde. Il n’a pas toujours eu de quoi manger... Son quotidien n’était pas ce qu’il avait imaginé en partant.
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Comment avez-vous travaillé ce personnage pour le film? J’ai fait de Gauguin quelqu’un d’un peu plus rustre que ce qu’il était dans la vie, je crois. Sans l’avoir planifié, ça s’est passé comme ça sur le plateau. On a d’ailleurs eu à un moment un petit désaccord à ce propos avec le metteur en scène: il voulait en faire un personnage un peu plus dandy. Il voulait me ramener vers quelque chose de plus distingué et je n’y arrivais pas. Mais bon, le dandysme, quand on fabrique des toiles avec de la noix de coco et qu’on court dans la forêt pieds nus... Vous vous êtes déjà glissé dans la peau de personnages réels (Jacques Mesrine dans L’instinct de mort de Jean-François Richet, Otto Gross dans Une méthode dangereuse de David Cronenberg...), mais Gauguin est votre premier rôle d’artiste. J’avais l’impression que ça manquait un peu à ma panoplie! Quand l’occasion de faire quelque chose de cet acabit s’est présentée, j’y suis allé. J’ai fait beaucoup de lectures, et on m’a expliqué sa peinture parce que je n’y connaissais rien. J’ai appris en quoi il avait révolutionné quelque chose, comment il peignait à ce moment, etc. En fait, ce qui m’a vraiment aidé, c’est de peindre: devenir peintre pendant un moment m’a permis d’avoir l’air un peu crédible quand je peins dans le film. Je ne peins plus aujourd’hui. Mais ce film a changé mon regard sur la peinture et sur l’art en général. J’ai compris des choses, je ne regarde plus une œuvre de la même manière. Ce qu’un personnage vous fait découvrir sur vous-même à chaque fois, on s’en rend compte un peu après...
Quelle a été votre expérience de Tahiti pendant les deux mois de tournage? Très différente des tournages que j’ai pu faire ailleurs! On faisait le maquillage sous des huttes, ou carrément à l’air libre. On travaillait avec des locaux. Ça ne me dérange pas de jouer avec des gens qui ne sont pas forcément acteurs à la base; parfois certaines choses prennent plus de temps, mais sinon c’était vraiment sympa. Pour les paysages, j’avais tout le temps l’impression d’être dans Avatar! On allait beaucoup dans la mer, dès qu’on avait cinq minutes de libres... À Tahiti, tout se passe dans l’eau, tout a un rapport à l’océan. Et le surf, la plongée ou la pêche deviennent une aventure complètement dingue là-bas. Je ne savais pas très bien à quoi m’attendre avant d’y aller, mais finalement, tout ce qu’on m’avait dit est vrai: c’est magnifique, les gens sont très accueillants, on a envie d’y rester... C’était l’occasion d’être longtemps dans un endroit magique, et ça, je sais pas si ça arrivera de nouveau. Mais c’est sûr que je vais y retourner. J’ai gardé des contacts là-bas. En atten dant, il me reste le souvenir d’un tournage unique.
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Le film montre aussi l’île avec ses sables noirs, ses ciels orageux… A-t-on une image trop clichée de Tahiti? Tahiti n’est pas que bleue. Il y a aussi un côté un peu mélancolique et dramatique dans la lumière. C’était un parti pris depuis le début de montrer l’île comme ça, autrement que comme dans un dépliant touristique. Sur place, il y a aussi eu des protestations contre le film à votre arrivée... Oui, il y a des gens qui n’aimaient pas Gauguin et qui ne voulaient pas qu’on fasse un film sur lui. Le rapport de Tahiti avec Gauguin est particulier: il a pété des plombs à certains moments, et c’est devenu une histoire très sulfureuse. À la fin de sa vie, il est devenu complètement nihiliste, il rampait dans la fange... Mais il n’a pas été que ça là-bas. En même temps, les Tahitiens se rendent bien compte qu’ils sont indissociables de Gauguin. Il a tellement représenté l’île! Il y a toute une imagerie de Tahiti qui est retranscrite à travers le monde grâce à ses tableaux. Il y a aussi des gens sur place qui le reconnaissent pour ce qu’il est. Et il n’a pas laissé que des mau vais souvenirs! Contrairement à ce qu’on a pu lui reprocher, par exemple de se comporter comme un colon, il n’avait parfois pas de quoi manger, car justement il n’était pas venu à Tahiti pour faire du business. Il a fui toute la petite France et ses notables qui se trouvaient là. Il avait besoin de trouver quelque chose de plus profond que ça, ce que devait être l’île avant l’arrivée de tous ces gens. Certains le voient un peu comme un touriste qui essayait de profiter, mais ce n’est pas du tout
ça! C’est un mec qui était venu se perdre. Il avait un amour profond pour ce qui l’entourait, ce qu’il découvrait à Tahiti. Il fait d’ailleurs partie des gens qui l’ont le mieux retranscrit. Comment a évolué le film au fil du temps, depuis l’idée qu’en avait initialement Édouard Deluc? Dans les premières versions, il y avait plus de voix off, de dialogues aussi... On a enlevé beaucoup de mots au fur et à mesure du film, et ça, j’en suis assez content. Le film est plutôt mutique et je trouve que ça lui va bien. Gauguin est la plupart du temps seul ou avec des gens dont il ne parle pas bien la langue, donc il fallait que ça se passe par autre chose que des mots. On a épuré beaucoup le film pour en faire quelque chose d’assez contemplatif: c’est un espèce de western sur un mec qui se perd dans la nature. On s’est aussi rapproché du personnage par rapport aux premières versions. Raconter l’histoire d’un peintre, on s’en fout un peu – l’homme devant les affres de la création, c’est chiant à regarder. Mais le rapport impossible avec cette jeune fille qu’il épouse alors qu’il est déjà marié, qui devient sa muse; le moment où il se rend compte qu’il est vieillissant et perd ses moyens, qu’il réalise qu’il est complètement contre nature en étant ici alors qu’il prétendait vouloir être un sauvage; le fait qu’il soit refusé malgré lui... C’est en cristallisant autour de tout ça que le film devient intéressant. y Gauguin – Voyage de Tahiti Sortie le 25 mai
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HISTOIRE TRAGIQUE REPRENANT LES CODES DU FILM D’ADOS AMÉRICAIN, LA CHUTE DE SPARTE ABORDE LA PÉRIODE DE L’ÉCOLE SECONDAIRE COMME UNE TRAGÉDIE GRECQUE, UNE «BATAILLE» DE LAQUELLE ON RESSORT MÉTAMORPHOSÉ. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
de La chute de Sparte avec le réalisateur Tristan Dubois et auteur du best-seller homonyme inspiré de sa propre adolescence. «Quand tu écris un livre, tu veux une histoire forte, tragique, et à mon avis, y a rien de plus tragique que l’adolescence. En cinq ans, tu vas jamais te transformer autant que ça. C’est là que t’as ta première job, ta première blonde, ta première brosse... Pour moi, finir son secondaire, c’est gagner une bataille.» À l’instar de Charlotte a du fun (de Sophie Lorain) et des Faux tatouages (de Pascal Plante), deux autres films parus cette année qui abordent avec réalisme cette période de mutation et d’inconstance qu’est l’adolescence, les deux scénaristes ont choisi de faire confiance à de jeunes acteurs pour la plupart inconnus du grand public. Seuls Lévi Doré et Karl Walcott (respectivement vus dans les séries Au secours de Béatrice et Le chalet) avaient une expérience plus étoffée devant la caméra.
Interprété par Lévi Doré, jeune acteur de 18 ans au talent certain, Steeve Simard est l’archétype de l’adolescent renfermé qui, au-delà de sa chambre et du monde imaginaire qu’il s’est créé à travers ses lectures, peine à se lier aux autres élèves de son école, une polyvalente de Saint-Lambert judicieusement nommée Gaston-Miron. En secondaire 5, son destin change soudainement lorsqu’il tombe en amour avec Véronique (Lili-Ann De Francesco) et se bute, par la bande, à la bête de l’équipe de football des Spartiates, Giroux (Karl Walcott). «C’est là qu’il va devoir affronter le réel et arrêter de juste chialer et subir. Il va devenir le pilote aux commandes de sa vie», explique Biz, coscénariste
«En fait, on a eu quelques auditions avec des ac teurs connus, et ça n’a pas du tout abouti. Ils arrivaient pas préparés, un peu paresseux... Ça m’a un peu déçu, révèle Biz. À l’inverse, ceux qui ont fait les auditions sauvages, ils ont bûché leur vie! C’est sûr que y a des risques à prendre ces acteurs-là, car ils sont moins professionnels. En même temps, ça devient presque un documentaire par moments, car on part de qui ils sont pour étoffer les personnages du film. On leur disait presque d’amener leur propre linge!» «Moi, j’ai jamais compris ça, le cast à la Watatatow», admet Tristan Dubois, qui s’est pourtant fait connaître en jouant dans cette série reconnue pour engager de jeunes adultes à la place d’adolescents. «Oui, le tournage va vite parce que les
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> pros ont de l’expérience, mais en même temps, y a quelque chose de beau à faire le contraire. Au début, [les adolescents en vedette dans La chute de Sparte] avaient le réflexe de se cacher derrière d’autres acteurs. On a demandé à Karl [Walcott] d’être un exemple pour eux, car il est un peu plus vieux.» «C’était vraiment notre joueur de concession, Karl. Il incarnait l’assurance», confirme Biz. Loin d’être relégué à l’arrière-plan après l’écriture du scénario, Biz a joué un rôle important aux côtés du réalisateur. «J’ai dit à Tristan: “Je vais prendre autant de place que tu veux que je prenne.” En fin de compte, y a fallu couper des bouts du scénario pour des raisons de budget, donc ça nécessitait une restructuration de l’histoire. On pouvait pas juste arracher des pages.» Ces petits changements de dernière minute n’ont toutefois pas altéré l’ambiance du tournage. «Y avait une symbiose naturelle entre les acteurs. Entre les prises, ils se faisaient du fun entre eux, donc lors qu’on tournait, ils étaient super détendus, se rappelle Dubois. On dit que faire du cinéma, c’est laborieux, mais c’est possible d’accoucher sans douleur.» En amont, toutefois, le travail n’a pas été aussi simple et linéaire. Publié en 2011 chez Leméac, La chute de Sparte a nécessité quatre dépôts de scénario à la SODEC et à Téléfilm Canada avant d’être accepté et financé comme production ciné matographique. Sept ans séparent donc la sortie en salle et le coup de cœur instantané de Tristan Dubois qui, au lendemain d’une nuit où il a dévoré le livre de bout en bout, a appelé son bon ami pour le convaincre d’en faire un film. «Y a des écritures qui sont littéraires et d’autres, cinématographiques. La chute de Sparte, ça appartenait clairement à la deuxième catégorie», explique le réalisateur, qui signe ici son premier long métrage en français. «En le lisant, je voyais le rythme, les personnages, l’imbrication des intrigues. J’étais en train de le shooter dans ma tête.» «Reste qu’à un moment donné, on savait pus où donner de la tête, confie Biz. La troisième fois, on trouvait notre scénario écœurant, on était presque en train de magasiner notre tuxedo pour les Oscars... Pis finalement, on se fait dire non! On était sur le point de l’avoir, mais c’était l’année des suites de Bon Cop, Bad Cop et de De père en flic... Heureusement, la SODEC croyait en notre projet, donc elle nous a exceptionnellement permis de redéposer une quatrième fois. [Ensuite, c’est vraiment] en regardant les commentaires des comités de lecture [qu’]on a pu bonifier le scénario. Au début, on essayait d’adapter le roman scène par scène, mais on s’est rendu compte que ça marchait pas. Fallait changer l’histoire pour mieux la raconter, ce qui m’a permis de l’améliorer. Mes personnages avaient eu le temps de vivre en cinq ans, et je pouvais les amener plus loin.»
Lauréat du Prix du livre jeunesse des bibliothèques de Montréal ainsi que du Prix jeunesse des librairies du Québec, La chute de Sparte bénéficie donc d’une nouvelle mouture à la fois plus condensée et plus poussée. Destiné aux adolescents, comme en témoigne la populaire bande-annonce lancée sur Facebook juste avant la semaine de relâche et partagée plus de 1500 fois depuis, le film contient son lot de références à la culture québécoise, qu’un tout autre public pourra sans doute apprécier. «On a eu nos divergences de points de vue avec le distributeur et sa façon de faire la promo. Oui, la bande-annonce fait très high school movie, et on aurait clairement pu s’en mêler pour faire changer ça... Mais l’avantage, c’est qu’on a eu plus de 200 000 vues en moins de deux semaines», reconnaît Dubois. «J’avais des doutes moi aussi sur la bandeannonce, mais elle marche, poursuit Biz. C’est sûr qu’on s’adresse aux jeunes dans le film, mais on voulait pas non plus le faire en utilisant des “chill” pis des “nice”. On a mis du Gaston Miron solide, des références à Pierre Bourgault, un clin d’œil à Elvis Gratton... Les jeunes de 15-16 ans, ils ramasseront pas ça nécessairement, mais les parents, oui.» S’il se confirme en salle, le succès de La chute de Sparte pourrait donner le ton à davantage d’adaptations cinématographiques de romans jeunesse québécois, un secteur très vivant de notre littérature mais curieusement peu porté à l’écran depuis Le journal d’Aurélie Laflamme en 2010. «On a une super bonne littérature pour les jeunes», juge Biz, en nommant les livres de Simon Boulerice. «Je lance une lettre ouverte à l’univers: les filles pis les gars qui veulent faire du cinéma au Québec, prenez compte de la talle de scénario jeunesse qui dort dans nos romans. C’est vraiment fort.» y En salle le 1er juin
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De Damas à Saint-Ubalde Pendant un an, ce documentaire tourné au plus près des gens suit une petite communauté de Portneuf qui attend une famille syrienne. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le duo de réalisateurs: Nadine Beaudet et Christian M. Fournier. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ
PHOTO | JONATHAN LORANGE
«Nous habitons à Grondines dans le comté de Portneuf depuis maintenant 14 ans», explique Nadine Beaudet au bout du fil. «Il y avait un comité de parrainage qui se mobilisait à SaintUbalde, qui est à côté de chez nous. On trouvait l’approche intéressante, ce côté rural, alors qu’on entend souvent parler de la ville et des défis de l’intégration. On s’est alors greffé à leur comité et on a suivi le processus jusqu’à l’arrivée de la famille syrienne.» Evlyne, la petite Lamitta et Hani ont déposé une demande pour émigrer au Canada à partir de Beyrouth au Liban, où ils sont réfugiés comme des millions d’autres Syriens. Au Québec, un comité de parrainage les a pris en charge. Il ne reste plus que l’attente administrative avant que la famille ne vienne établir ses pénates loin de la Syrie, bien loin: dans le comté de Portneuf. Ce film décrit cette attente du côté canadien. Comment une communauté rurale a-t-elle décidé de prendre en charge une infime part du conflit syrien? Voilà un angle qui n’a pas souvent été traité dans les médias et au cinéma, sinon pour dénoncer la peur de l’autre et les mouvements identitaires de Québec et sa région. Ici, aucune mauvaise intention, seulement un petit village qui décide de se liguer pour aider par pure bonté. Couple à la ville comme à la campagne, le duo fabrique des films comme de l’artisanat, simplement et sans effet de style. À partir d’un lieu et d’une situation: Portneuf accueille une famille de Syriens, le duo de cinéastes s’installe dans un village près de chez eux pour tenter de suivre, d’écouter et de comprendre leur démarche. Ainsi, nous ferons la connaissance de Gilles, Réginald, Pauline, Nathalie, Margot, Nawel et plusieurs autres qui s’organisent et s’occupent pendant les longs mois d’attente qui précèdent l’arrivée de la petite famille syrienne dans le village de Saint-Ubalde.
On rencontre Margot Moisan, la propriétaire qui prête sa maison à long terme à cette famille en ne demandant rien en retour. C’est la maison familiale, elle parle de son père qui y tenait un jardin qui servait à tout le village. Et on devine que la fondation de ce film c’est Margot, qui tend la main et qui a dans son ADN des valeurs d’inclusion, de générosité et d’ouverture à l’autre. Non, nous ne sommes pas les images que les médias renvoient de nous. Nous sommes d’abord et avant tout une communauté qui est faite de divers indi vidus aux valeurs et aux parcours singuliers. C’est le message essentiel qui ressort de ce documentaire. Comme Nawel, cette jeune Tunisienne, la seule femme voilée du village de Saint-Ubalde, mariée à un gars du coin. Elle aussi fait partie de la communauté qui attend sa famille syrienne. «Au moment de tourner notre documentaire, il y avait une montée des groupes nationalistes et la méfiance était de plus en plus présente. On démontre que ce n’est pas vrai que tout le monde a peur des minorités en campagne. Cela démonte les préjugés à propos du monde rural», nous explique Christian M. Fournier. Même si tout semble plutôt beau et inclusif dans Portneuf, ce n’est pas tous les habitants de la région qui sont en accord avec l’arrivée des Syriens. Une scène du film le démontre assez bien. Un homme arrive, son nom est Éric «Corvus» Venne, l’ex-chef du groupe identitaire La Meute. Il se saisit du micro pendant une réunion des divers groupes de parrainage de la région. Il dit trouver leur geste honorable, mais aussi s’inquiéter pour la sécurité des familles. «Ce court moment pendant la grande réunion n’a pas duré très longtemps, mais explique bien la démarche de ce comité de parrainage.
En fait, je trouve qu’ils ont bien réagi. On a décidé de mettre cette scène dans le film parce que ce n’est pas vrai que tout le monde est d’accord avec l’arrivée des Syriens. La peur de l’autre existe et il fallait le montrer. Et il fallait aussi montrer la réaction saine du comité de parrainage», nous dit Nadine Beaudet. Aujourd’hui, plus d’un an après son arrivée, la petite famille s’est agrandie et a décidé de demeurer à Saint-Ubalde même si elle aurait pu partir pour la grande ville ou ailleurs. Ses membres parlent tous français et se sont intégrés à la petite communauté de Portneuf. Nadine Beaudet, la réalisatrice, a même démarré un autre comité de parrainage qui s’emploie à faire venir la famille d’Evlyne au village. Et si vous passez par là, sachez qu’une fois par semaine, un restaurant de SaintUbalde a un menu syrien à la carte. y La maison des Syriens À l’affiche le 11 mai
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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
MENTIR Une des plus remarquables différences entre un chat et un mensonge est que le chat, lui, n’a que neuf vies. — Mark Twain Je ne vous mentirai pas: ce sont l’actualité et l’approche des élections qui m’incitent à vous parler cette fois du mensonge. Il faut dire que le sujet n’a cessé d’intéresser les philosophes, peut-être bien depuis ce jour où quelqu’un a eu l’idée d’attribuer à Épiménide le Crétois la phrase suivante: «Tous les Crétois sont des menteurs» (je suis désolé si je vous casse un peu le coco…). Depuis toujours, deux grandes questions concernant le mensonge sont surtout discutées en philosophie. La première est celle de la définition du mensonge. Qu’est-ce exactement que mentir et à quelles conditions peut-on parler de mensonge? La deuxième demande s’il existe, ou non, des mensonges qui seraient justifiés, voire nécessaires. Bref, le mensonge est-il, ou non, toujours immoral? Prenons la première question. Définition On dit souvent que mentir, c’est ne pas dire la vérité. Mais c’est un peu plus compliqué que ça, comme le montrera un petit moment de réflexion. Un formulaire me demande de préciser une infraction que j’aurais peut-être commise. C’est le cas, mais je ne le dis pas et n’écris rien. Il est clair en ce cas que je mens: c’est un mensonge par omission. On peut donc mentir en ne disant rien. Mais on peut aussi mentir en disant la vérité. Ce sera le cas si on la dit, mais en en cachant une partie, laquelle serait essentielle pour que notre interlocuteur comprenne pleinement ce que j’ai dévoilé.
On peut même mentir en disant toute la vérité. Considérez untel, qui est tueur à gages de son métier. À sa femme, qui l’ignore, et qui lui demande ce qu’il a fait de sa journée, il répond avec un sourire ironique qu’il a tué deux personnes: il a menti en disant la vérité. Dans la nouvelle Le mur, de Jean-Paul Sartre, un personnage que l’on torture finit par dire, pour leurrer ses tortionnaires, que telle personne recherchée par ses bourreaux et qu’il pense être chez un ami se cache au cimetière. Les tortionnaires y vont et la trouvent bien là: le torturé a par hasard dit vrai en mentant. On multipliera les exemples montrant que définir le mensonge par le fait de ne pas dire la vérité est insuffisant. En fait, ce qui caractérise le mensonge, plutôt que la vérité ou la fausseté de ce qui est avancé (ou même le fait que quelque chose soit avancé), c’est la volonté de tromper, d’induire en erreur. Un mensonge est donc une machine destinée à berner, à faire en sorte, par exemple, que notre destinataire tiendra pour vrai quelque chose qui ne l’est pas ou pour faux quelque chose qui est vrai. Cette intention, intéressée, permet encore de distinguer le mensonge de tous ces autres cas où une personne dit ce qui est faux, mais par ignorance et sans vouloir induire en erreur. L’élève qui répond que c’est Albert Camus qui a écrit Le mur ne ment pas: il se trompe. On pourrait raffiner encore cette définition, et je ne vous ai même pas parlé de cette possibilité de se mentir à soi-même, au moins aussi troublante que mon Crétois de tout à l’heure… Mais posons que cette petite définition est suffisante pour tenter une classification des manières par lesquelles des hommes ou des femmes politiques pourraient nous mentir – je ne donnerai aucun exemple; à vous de les fournir, ce qui ne devrait pas être trop difficile.
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43 Mensonges politiques
Je suggère enfin qu’il peut exister, en politique, un mensonge accidentel, un mensonge par la vérité.
À l’évidence, une première forme de mensonge politique consiste à sciemment affirmer ce qui est faux en cherchant à le faire passer pour vrai. Tant que ce vrai n’est pas connu, le mensonge remplit la fonction que voulait lui faire jouer le menteur. Cela peut prendre du temps avant que le mensonge soit dévoilé au grand jour, plusieurs vies, même… La promesse électorale peut fort bien, elle aussi, être une forme de mensonge. Imaginons une politicienne sachant telle chose impossible à réaliser (ou très peu probable), mais qui prend l’engagement formel de la réaliser: ce faisant, elle ment. Il existe aussi, on peut le penser, à tout le moins en théorie, un mensonge systématique, organisé, planifié: on le retrouverait dans diverses formes de calculs électoraux par lesquels on décide de ce qu’il convient de dire aux électeurs sans égard pour la vérité et avec pour seul but de gagner des votes. La propagande est la forme la plus extrême de ce mensonge politique. Il existe encore, en politique comme dans la vie courante, un mensonge par omission. Il est trop facile d’imaginer des exemples…
Imaginons un politicien qui promet X tout en sachant qu’on ne peut raisonnablement penser que cette promesse pourra être remplie. Mais voilà: par des circonstances totalement indépendantes du parti porté au pouvoir, notamment sur cette promesse, celle-ci est remplie. Le parti se présentera à la prochaine élection comme celui qui tient ses promesses, inventant en quelque sorte par là un mensonge au deuxième degré. Les mensonges politiques peuvent-ils être justifiés? Platon l’a cru, et il a argué que pour le bien commun, les politiques au pouvoir pouvaient laisser croire aux citoyens un pieux mensonge – on l’appelle parfois le noble mensonge, ça ne s’invente pas... D’autres pensent au contraire que rien, jamais, ne justifie que l’on mente, ni dans la vie de tous les jours ni en politique. Je vous mentirais si je vous disais que je partage ce point de vue. Je vous souhaite tout de même, sincèrement, une bonne campagne électorale. y
À DÉCOUVRIR BIENTÔT AU PALAIS MONTCALM
Le Projet FZ
Frank Zappa à l’orgue
JEUDI 31 MAI
SNARKY PUPPY
MERCREDI 27 JUIN
Information et billetterie
418 641-6040 1 877 641-6040
palaismontcalm.ca
ÓLAFUR ARNALDS
JEUDI 28 JUIN
(EN-HAUT) HUGO LANDRY, THE BREAKTHROUGH. PHOTO / MARTHE FORTIN (EN-BAS) SÉBASTIEN RIOPELLE, CHEZ LÉGENDE. PHOTO/ CAROLINE MERCIER (PAGE DE DROITE) UNE ŒUVRE DE JEAN GAUDREAU, CHEZ OPHELIA. PHOTO / CATH LANGLOIS
ART DE VIVRE 45 VOIR QC
VO3 #O5
O5 / 2O18
DES EXPOS AU RESTO JADIS CONSIDÉRÉES COMME UN ESPACE RÉSERVÉ AUX ARTISTES AMATEURS, LES SALLES À MANGER ATTIRENT DE PLUS EN PLUS LES PROFESSIONNELS... MOTS | HÉLOÏSE LECLERC
Restaurants et œuvres d’art cohabitent depuis belle lurette. Parfois avec une intention charitable, en offrant un pan de mur à des artistes amateurs en quête de public, parfois par avarice – déco bigarrée pour laquelle le restaurateur ne payera pas un sou. C’est une tendance montante cependant: l’exposition d’œuvres d’art par des professionnels dans les cafés et restaurants. En mars dernier, l’artiste peintre Jean Gaudreau lançait en grande pompe à Québec l’exposition Lemieux vu par Gaudreau, une série de sept œuvres en clin d’œil à l’artiste. Le lieu? Non pas une galerie, un musée ou une bibliothèque, mais le restaurant Ophélia, jadis la résidence de son idole. En amont du vernissage, Gaudreau a pris le temps de bien communiquer sa démarche artistique et de positionner sa collaboration avec Fabio Monti, propriétaire de l’établissement. L’enjeu sous-jacent? Légitimer le choix d’un lieu commercial tel un restaurant comme lieu d’expression culturelle à part entière (et ainsi débouter les détracteurs). Un pro sorti du resto «Si Gaudreau l’a fait, ça veut dire beaucoup», s’exclame Hugo Landry. La carrière de l’artiste trentenaire a connu un bel essor ces dernières années. Après avoir commencé en exposant à Québec, dans les brûleries puis au SSS, il a cessé de diffuser en salle à manger dès son entrée en galerie. «Le galeriste veut te représenter et avoir une certaine exclusivité», explique-t-il. Au-delà de cette réalité, Hugo ne serait plus enclin à exposer au restaurant: «Moi, ça m’a apporté beaucoup. Au SSS, j’avais accès à une clientèle d’avocats, d’architectes, que je n’aurais jamais rejoints autrement, mais…»
Les «mais», Hugo les aligne avec lucidité: au restaurant, les gens ne sont pas là pour l’art visuel. Les œuvres subissent parfois des dommages liés à l’environnement – l’ajout d’un trait de sauce par exemple... Certains restaurateurs se font aussi
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46 gourmands que les galeries en demandant une commission de 50% sur la vente. Enfin, leurs murs deviennent trop souvent des parkings pour le vieux matériel qui ne représente plus adéquatement le travail de l’artiste, un problème quand le paiement est surtout en visibilité. Le restaurateur aspirant galeriste Vieux routard de l’industrie de l’hospitalité, Marc Carbonneau a imaginé Galerie R qui, malgré son nom, demeure un restaurant avant tout. «Ce projet d’extension de carrière me permet d’explorer mon intérêt grandissant pour l’art visuel de collection.» Marc se souvient de sa première visite en galerie comme si c’était hier. «C’est difficile d’accès. Tu te fais dévisager des pieds à la tête, tu sens qu’on évalue la profondeur de tes poches.» Son restaurant se veut tout le contraire, un espace de démocratisation des arts. À son ouverture à Belœil, en 2017, il a d’abord exposé sa collection personnelle pendant six mois. Marc se rappelle la mise en garde de Johanne Boucher, l’une des galeristes qui l’a initié au monde des acheteurs d’art et qui l’accompagne dans sa démarche. «Elle m’a dit que je risquais d’avoir des problèmes pour trouver des artistes cotés, que pour eux, exposer dans un restaurant serait comme un
GELATO
ANDRÉE ROY, CHEZ GALERIE R, PHOTO / MARC CARBONNEAU
retour en arrière.» Cependant, des peintres telles que Micheline Landry, Andrée Roy et Ruth Brassard ont embarqué dans son concept. L’entrepreneur s’explique l’intérêt des artistes professionnels par les avantages qu’il leur offre, à commencer par l’exclusivité de l’accrochage, rare en galerie. «Je participe à la sélection des œuvres, j’organise un vernissage, je garde les portfolios des artistes en salle et je parle des œuvres aux clients. C’est une réelle valeur ajoutée pour tous.»
47 Le café amoureux des arts
Le chef collectionneur
Ancienne employée de la Fonderie Darling, Jessica Begault ne pouvait concevoir d’abandonner sa passion pour les arts visuels en ouvrant son café à Pointe-Saint-Charles. Elle a donc incorporé l’art au projet, en prévoyant un mur et un éclairage adéquats pour l’exposition d’œuvres. Elle s’est aussi adjoint le concours de son ancienne patronne, Caroline Andrieux, également fondatrice et direc trice artistique de Quartier éphémère.
Aux antipodes, l’approche du chef propriétaire Frédéric Plante est tout aussi intéressante. Il a commencé à collectionner de l’art il y a plusieurs années et se fait un plaisir d’exposer les toiles achetées dans la salle de ses restaurants. Qui plus est, il les revend volontiers afin de racheter d’autres œuvres. «Ça m’a permis de monter en qualité et en grosseur.» En ce moment, Frédéric expose chez Légende, à Québec, quelques-uns de ses Sébastien Riopelle et de ses Dominique Besner. «On vend pas mal plus que dans certaines galeries», affirme le restaurateur. «Dans 90% des cas, les clients ont un coup de cœur et partent avec le tableau sous le bras, sans vraiment se soucier de l’emballage.»
Le tandem reçoit et évalue moult dossiers pour sélectionner deux artistes par an: un amateur et un pro, en alternance. Le café ne met pas les œuvres en vente, mais offre un cachet de 300$ en gage de reconnaissance. «Nous estimons que les artistes nous font une véritable faveur: c’est tellement important de vivre avec du beau autour de nous...» Au cœur de cette démarche, le souci d’adapter l’espace aux œuvres d’art et non l’inverse, quitte à ce qu’elles dérangent et deviennent prétexte à la discussion. «Nous prenons l’aspect “curatorial” très au sérieux, et on fait attention à l’accrochage des œuvres, à ce que ça fasse expo et non déco. Un tableau de Françoise Sullivan, c’est 15 000$, donc ce n’est pas à la portée de tous, mais des milliers de personnes ont pu voir son travail chez nous», explique Jessica avec fierté.
Investi dans le fait de développer une relation com plice avec les artistes dont il possède les œuvres, Frédéric a d’ailleurs invité Sébastien Riopelle à joindre l’équipe de design de son futur restaurant. Ces nouvelles approches font ainsi des artistes et des restaurateurs de véritables partenaires qui contribuent à exposer les gens à l’art. Le tout en mangeant! y
Atelier de danse Adultes et enfants JOUR / SOIR / FIN DE SEMAINE TAP (claquettes) •
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SPECTAP 27 MAI 14 H
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Z E T I F O PR LEIL !
48 LIVRES VOIR QC
VO3 #O5
O5 / 2O18
Rabais de
DU SO
150
$
sur les verres solaires progressifs
Rabais de
75
$
sur les verres solaires simple vision
Sur les rayons
CORPS CHLOÉ SAVOIE-BERNARD (SOUS LA DIRECTION) Triptyque, 148 pages Si les recueils de nouvelles sont par définition inégaux, les collectifs qui tentent de réunir sous un même toit et sur un même thème une myriade d’écrivains tous azimuts ont souvent des allures de brocante où les trouvailles sont toujours présentes, mais rares. Le risque était donc là lorsque Chloé Savoie-Bernard a convié 13 autrices et auteurs à aborder le corps sous toutes ses coutures dans un recueil du même nom. L’actualité criante du thème et la pluralité d’esthétiques présentées dans le recueil ont donné la main heureuse au projet de Savoie-Bernard, créant par le fait même un livre d’une efficace densité, sans temps mort, proposant au détour de nouvelles voix littéraires qui ne pâlissent pas aux côtés de celles ayant plus de métier. Conviant Martine Delvaux, Catherine Mavrikakis, Maxime Raymond Bock, Carole David, Maude Veilleux, Alice Michaud-Lapointe, Kevin Lambert, Anne-Renée Caillé, Katia Belkhodja, Laurence Bourdon, Marilou Craft, Emmanuelle Riendeau et l’auteur-compositeurinterprète Philémon Cimon, Corps propose de manière frontale tous les angles morts qu’on souhaite éviter lorsqu’on se retrouve devant le miroir. Le projet de Savoie-Bernard désire «fouiller longtemps, ratisser poèmes et récits, nouvelles et essais, patiemment, afin de trouver ces bouts de bras, ces bouts de jambes, ces morceaux de corps que nous emprunterons, que nous volerons peut-être même afin de nous constituer, enfin, un corps qui nous ressemble». Du lot, malgré une surprenante cohérence pour l’exercice, le texte d’Emmanuelle Riendeau ressort par sa charge inénarrable. Extraction en cours se lit comme un manifeste et se reçoit comme un poing sur la gueule, alors que dans une langue qui lui est unique la poète y invite la culture populaire – Gildor Roy, Ted Nugent, Linkin Park et plusieurs autres – pour célébrer un corps dans toutes ses bassesses et sous tous ses éclats.
LANGLOIS OPTICIEN 1113, route de l’Église, Ste-Foy
418.659.3616 Dre Gina Martineau, optométriste Martin Langlois, opticien propriétaire
Les corps ici sont tantôt différents, tantôt métaphoriques, ils s’exposent comme ils se récusent, ils s’excusent au même moment où ils nous font un doigt d’honneur. Intime, sensuel, mais surtout précaire, le corps n’est pas ici autant célébré qu’il est disséqué. Si notre humanité nous rapproche, notre mortalité nous soude. Et cette péremption – qui ne nous guette point, mais qui nous attend tous – erre en ces pages, autant dans le regard de l’autre que dans le nôtre. (Jérémy Laniel) y
Sur les rayons
LA NOTE AMÉRICAINE DAVID GRANN Éditions Globe, 360 pages Fertile et insatiable, l’Amérique est un terrain de jeu de tous les instants pour n’importe quel auteur en manque d’inspiration, en quête d’immensité, désirant comme tant d’autres avant lui habiter ce théâtre grandiose et précaire qu’est le rêve américain. Mainte fois mise en scène, la fiction est peuplée d’un imaginaire américain touffu, parfois frisant la perfection, d’autres fois dégoulinante de clichés. La note américaine, l’essai du journaliste David Grann, travaillant au New Yorker, parvient à lier – sans le savoir – cette fascination fictive au réel, démontrant à quel point le romanesque a parfois si peu à nous apporter tellement l’Histoire peut à elle seule être fascinante. Encore faut-il savoir aller à sa rencontre et avoir le talent de le rendre, deux qualités que possède indéniablement celui qui mène ici l’enquête. Au début du 20e siècle, le peuple osage se fait délocaliser par le gouvernement américain deux fois plutôt qu’une et se retrouve quelque part en Oklahoma, sur un bout de terre rocailleux et non cultivable. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’on apprendra qu’en dessous de ce no man’s land coule l’une des plus grandes réserves de pétrole du pays, appartenant dorénavant à cette tribu autochtone qui deviendra, au tournant des années 1920, la communauté la plus riche par personne. Et c’est ici que ça se gâte. Cette concentration particulière d’autochtones millionnaires en dérangera plus d’un et, dès 1924, s’amorcera le Règne de la terreur pendant lequel plusieurs seront assassinés, tantôt empoisonnés, tantôt laissés pour morts dans un ravin, une balle de petit calibre derrière la tête. C’est ici que le génie de David Grann entre en jeu. S’intéressant à l’une de ces histoires, celle de Mollie Burkhart, le journaliste se penche sur un complot effarant: des hommes blancs se mariaient avec des autochtones, élevaient des enfants, vivaient dans la communauté pendant plusieurs années avec pour simple but d’assassiner leurs conjointes pour toucher l’héritage. Si l’histoire donne froid dans le dos, le talent d’investigateur de David Grann, lui, est fascinant. Le livre est beaucoup plus grand que l’enquête: au détour d’une phrase, il tisse des liens avec l’administration américaine actuellement au pouvoir, à la fin d’un chapitre, il parvient à faire écho aux tensions raciales divisant encore le pays, tout en brodant à même son récit – et avec autant d’importance – la naissance du FBI sous le joug de J. Edgar Hoover. Avec ce livre, Grann peut se retrouver bien à son aise dans notre bibliothèque entre Joan Didion et John McPhee. (Jérémy Laniel) y
50 ARTS VISUELS VOIR QC
VO3 #O5
O5 / 2O18
QUÉBEC EST UNE FÊTE ELLE A MARQUÉ LES ESPRITS, CERTAINES DE SES CRÉATIONS SONT PASSÉES AU RANG DE LÉGENDES URBAINES. COLLECTIONNÉE PAR LE MNBAQ, ÉTUDIÉE DANS LES UNIVERSITÉS, CLAUDIE GAGNON EST DE CELLES DONT LA FOLIE ET L’AUDACE ONT PAVÉ LA VOIE POUR LES AUTRES. MOTS | CATHERINE GENEST
Dans les cafés de la Cité, on parle encore de son fameux appartement de Saint-Malo, ce grand logis délabré, mais au passé chic, qu’elle avait transformé en gigantesque installation. Le plein d’ordinaire, c’était le titre de son inclassable offrande de 1997, l’avait amenée à planter du gazon dans son salon de l’époque, à remplir son bain d’une eau rougeâtre comme pour faire croire à un sinistre homicide impudique. Aucune pièce du logement n’était épargnée par son imagination si fertile et, pourtant, assez invraisemblablement d’ailleurs, le propriétaire de son immeuble n’avait jamais eu connaissance de quoi que ce soit. «C’était pas quelqu’un qui s’intéressait à l’art, donc il n’est pas venu, se souvient-elle en riant. Il trouvait que j’avais beaucoup de visites par exemple!» Claudie Gagnon est aussi ricaneuse que son travail fait sourire. Spécialiste des faux semblants, on la reconnaît à ses lustres de babioles en plastique récupérées, de saucisses ou de poches de solutés. Il lui est même arrivé de découper une élégante robe de la Renaissance dans du tapis de billard, de cuisiner des petits gâteaux aux cheveux. Tout n’est qu’illusion dans le monde de l’autodidacte. Ses œuvres réalisées in situ sont savamment décalées, immersives, complètement surdimensionnées. On l’a vue investir une grange à la campagne, l’église Notre-Dame-de-Grâce avant qu’on ne la démolisse, établir les standards de qualité d’Où tu vas quand tu dors en marchant…? en participant à la toute première édition de ce populaire parcours déambulatoire. C’est une démarche difficile à résumer, résolument multidisciplinaire, complexe, bien que terriblement accessible. Sculptures, tableaux vivants, costumes, maquillages, vidéos… «Je n’ai jamais tracé de ligne entre les disciplines.»
Sa signature n’en est pas moins nette. On reconnaît son esthétique vaguement anachronique et circassienne, ce petit quelque chose de forain qu’on retrouve dans toutes ses œuvres. «Mais je ne suis pas dans le mouvement, précise-t-elle modestement, dans le jonglage, mettons. Ce serait ben le boutte!» Peu importe la nature de son projet, Claudie aime intégrer des personnages issus de la tradition orale, du conte, des protagonistes que tout le monde connaît déjà, finalement. Parmi ses motifs de prédilection? Ses hommes forts aux allures de Louis Cyr anémiques, ses «foutus mariés» ligotés l’un à l’autre qui illustrent sa monographie publiée il y a presque 10 ans. C’est sans parler de ses citations visuelles très directes, ses clins d’œil d’outretombe à de grands maîtres comme Jérôme Bosch («une inspiration infinie») ou Jan van Eyck avec ses Époux Arnolfini – un tableau vivant acquis par le MNBAQ en 2008. «Les références à l’histoire de l’art, c’est très, très, très présent. J’ai fait un banquet au MAC en 2012 où je citais vraiment des natures mortes des Hollandais du 18e siècle, tout ça. J’ai littéralement reconstitué des œuvres avec un chef cuisinier. On a travaillé comme des fous là-dessus et le lendemain, il ne restait plus rien. […] C’était une soirée qui, moi, m’a demandé des mois de travail.» Ce qu’elle propose ce mois-ci à la Galerie 3 n’aura rien d’éphémère. Bien au contraire! Contrefaçons est sa toute première exposition solo présentée dans une galerie privée et commerciale. C’est une série d’œuvres tangibles, qui résisteront au temps et qui pourront être achetées – des impressions sur coton mat sur lesquelles elle se permet moult coups de pinceau. «Là, j’ai bouclé une sorte de boucle, une boucle assez étrange en fait […]. J’ai jamais fait ça.
«J’AI PRIS DES ŒUVRES DE PEINTRES, JE LES AI TOURNÉES EN VIDÉO, JE LES AI TRANSFORMÉES EN PHOTOS, ET LÀ, JE LES PEINS.» PHOTO / COURTOISIE DE L’ARTISTE
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J’ai pris des œuvres de peintres, je les ai tournées en vidéo, je les ai transformées en photos, et là, je les peins.» Le corpus compte 10 à 12 tableaux, des scènes puisées à même 500 ans de peinture, du 17e siècle à aujourd’hui. Odilon Redon lui en inspire un, avec son homme-cactus et ses géraniums, des motifs surréalistes incarnés par des comédiens à qui elle demande de revêtir les plus cocasses atours. Elle rend aussi hommage à des figures de l’ombre, des gens comme Jean-Louis Forain, «un espèce de Toulouse Lautrec, mais side show qu’on connaît pas». Friande de recherche, curieuse devant l’éternel, Claudie Gagnon embrasse une démarche
«monastique». Elle épluche les livres, les catalogues en ligne des grands musées pour bricoler des œuvres généreusement référencées qui vont bien au-delà du cute. «Pour moi, la vie n’est pas roserose, elle n’est pas brune-brune non plus. Elle est quelque part entre les deux.» y Contrefaçons Du 11 mai au 11 juin à la Galerie 3
52 CHRONIQUE VOIR QC
VO3 #O5
O5 / 2O18
ALEXANDRE TAILLEFER DE LA MAIN GAUCHE
LES CONVICTIONS PROFONDES D’UNE VENTRILOQUE Je veux pondre une chronique sur l’immigration depuis quelques mois déjà. Je dévoile d’emblée que j’ai un parti pris pour l’augmentation des seuils actuellement en place et que je m’inquiète des effets néfastes qu’ont les positions de certains partis politiques sur l’accueil que réservent les Québécois aux immigrants actuels. De tout temps, nous avons été un pays extrêmement accueillant. Pour une ville comme Montréal, dont la population est composée à 40% d’immigrants de première et de seconde génération, il me semble que nos politiques d’intégration ont plutôt bien fonctionné. À ce titre, je suis de l’école de Michel C. Auger. Je défends l’immigration pour des fins humanitaires d’abord, parce que je suis moi-même le fruit de l’immigration irlandaise du 18e ou 19e siècle (on ne s’enfargera pas dans les fleurs du tapis pour une centaine d’années), et que ma fille est immigrante de quatrième génération selon la définition qu’en font les statisticiens. Ses arrière-grands-parents sont nés au Liban. Quand je vois Daphnée, ma fille, je vois une adolescente profondément québécoise qui, comme la majorité des filles de son âge, écoute trop de musique anglophone à mon goût et trouve les anglicismes un peu trop cool à mon goût. Mais quand je l’entends citer Martin Léon ou chanter Faufile de Charlotte Cardin par cœur avec émotion, je me dis que le labourage est fait. Comme souvent, j’allais écrire cette chronique en me fiant à des chiffres et à des statistiques afin de démontrer qu’en sus des aspects humanitaires, l’immigration était cruciale à notre économie, à cause du vieillissement de la population, de la pénurie d’emploi et du taux de natalité trop bas.
J’ai entrepris mes recherches et mes réflexions. Je suis tombé sur certains écrits qui dépeignaient un portrait plus nuancé que je l’espérais. D’abord un mémoire préparé par l’économiste Pierre Fortin intitulé Remarques sur les avantages économiques de l’immigration, puis une étude préparée par les économistes Boudarbat et Grenier et entérinée par le CIRANO, L’impact de l’immigration sur la dynamique économique du Québec. Deux sources que je respecte énormément. J’étais contrarié. Et je me suis mis à penser à toutes sortes de contre-arguments, certains plus valables que d’autres. Je suis heureusement tombé sur le texte «Revirement majeur pour les immigrés», signé par Francis Vailles dans La Presse. L’évolution des tendances me donne enfin raison, me confortais-je. Je déteste les positions partisanes, sauf quand elles penchent du même bord que les miennes. Je ne suis pas plus fin qu’un autre, on est humain après tout. Et je me rends compte avec l’âge qu’être humain, c’est malheureusement être biaisé par tout notre bagage: notre éducation, nos expériences, nos relations, ce qu’on lit et qui on écoute. Rares sont les vierges émotionnelles qui peuvent faire abstraction de tout ce qui les a teintées et qui peuvent analyser froidement une situation et en tirer des conclusions. On devrait faire plus de place à nos sages. Mais ils ne sont pas assez polémistes. On préfère les fendants et les tranchants aux éclairants. La vie serait tellement plus simple si on déclarait d’emblée nos biais. Certains sont très faciles à reconnaître de loin. On s’entend que l’Institut économique de Montréal n’est pas pour le bien commun, il n’y croit simplement pas, ou que la Société
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Saint-Jean-Baptiste n’est pas pour une hausse des seuils d’immigration, ça va nuire au prochain référendum. Ces deux-là sont faciles. Certains politiciens ont aussi ce mérite, comme Maxime Bernier, qui ne fera jamais de compromis sur ses positions libertariennes même si ça doit lui coûter la victoire à la course à la chefferie des conservateurs, qui ne sont pourtant plus très progressistes. Je le félicite pour sa transparence. L’enjeu se situe dans ce qu’on appelle nos con victions, celles qui influencent nos gestes et défi nissent nos positions face à tel ou tel enjeu, des plus simples au plus sérieux, malgré les faits. Les gens se lancent en politique pour elles. Et ils veulent tellement se faire élire qu’ils sont prêts à en pervertir une ou deux. Si ce ne sont effectivement que deux petites convictions de rien, ce n’est pas si grave. Mais s’il s’agit de convictions profondes, attention. Ça, c’est de l’usurpation pure et simple qui mériterait, si c’était possible, d’annuler des élections pour fraude. Je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte, mais nous sommes entrés en campagne électorale.
Mai ne sera pas que le mois de Marie, il sera le mois le plus beau pour les belles annonces. Dans la plus pure tradition électoraliste, le parti en place tentera de plaire à tous et à son beau-frère. Ne me dites pas que c’est propre aux libéraux, c’est de tout temps. Puis le temps va suspendre son vol tôt en juin. Les couteaux vont ressortir tranquillement en août et voleront de plus en plus bas après la fête du Travail. On saura qui sera notre premier ministre le 1er octobre. Je vais vous faire une confidence. Ça fait presque 20 ans que je suis avec Debbie, ma femme d’amour. Je vous rassure, messieurs, malgré mon image médiatique impeccable, tout n’est pas toujours parfait, surtout pour elle bien sûr. Mais je connais ses convictions profondes et à tous points de vue nous partageons les mêmes. Jamais il ne me viendrait l’idée de la quitter si nos valeurs profondes respectives étaient toujours semblables. Mais si c’était malheureusement le cas un jour, je ne déménagerais jamais sans connaître hors de tout doute les convictions profondes de ma nouvelle blonde. Parce que s’il fallait que la ventriloque se change en dompteur… y
DIALOGUES PHOTO : GENEVIÈVE THIBAULT
AVEC LES URSULINES
25 - 26 - 27 MAI 2018
Trois jours de rencontres et de découvertes avec les Ursulines, leur Monastère, leurs collections et leurs archives. Activités gratuites pour tous !
POUR PLUS D’INFORMATIONS
1 418 255-1639
polecultureldesursulines.ca Ce projet est réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Québec et de la Ville de Québec dans le cadre de l’Entente de développement culturel.
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QUOI FAIRE
MUSIQUE
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PETULA CLARK
TAKTIKA – 20 ANS, 20 CLASSIQUES
SALLE ALBERT-ROUSSEAU – 13 MAI
THÉÂTRE PETIT CHAMPLAIN/
Forte d’une carrière musicale de plus de 70 ans, la chanteuse britannique Petula Clark fera un arrêt à Québec pour promouvoir son nouvel album 100% franco lancé en avril dernier, dont l’écriture et la réalisation ont entre autres été assurées par Louis-Jean Cormier et Antoine Gratton. Une occasion pour le public québécois de renouer avec cette figure géante de la pop, connue pour ses succès Downtown, This is My Song et La gadoue.
GABRIELLE SHONK L’ANGLICANE – 5 MAI
Compter sur un groupe de spécialistes compétents pour analyser, évaluer, planifier et exécuter chaque facette de votre projet, c’est notre garantie de réussite. Un service clé en main unique à Québec depuis plus de 35 ans!
L’ex-participante de La Voix, qui avait fait tourner les têtes il y a deux ans avec son excellent single Habit, offrira les compositions de son nouvel album Gabrielle Shonk, paru l’automne dernier sous Universal Music Canada. Alliant soul pop, folk, jazz et blues aux sublimes arrangements orchestraux, la musique de Shonk est l’une des plus intéressantes sur le marché actuellement.
www.aag.qc.ca
Avant Garde RBQ : 8002-9804-90
Pionnier de la scène rap de la Vieille Capitale, Taktika fera revivre les chansons qui l’a mené aux quatre coins du Québec pendant 20 ans avec ce spectacle-bilan 20 ans, 20 classiques. Une occasion pour T-Mo et B-Ice de retrouver les adeptes de leur rap authentique aux textes crus et sensibles, qui font la réputation de la formation depuis 1996.
KLÔ PELGAG LA TAVERNE SAINT-CASIMIR – 19 MAI
L’exubérante et colorée auteurecompositrice au talent unique Klô Pelgag connaît une année du tonnerre. Après avoir remporté quatre Félix au dernier Gala de l’ADISQ, dont celui du prestigieux auteurcompositeur de l’année (une première pour une femme depuis 1993), Pelgag amènera à Saint-Casimir la pop orchestrale et imaginative de son deuxième opus L’étoile thoracique, paru en 2016.
HER L’ANTI – 20 MAI
THE BEACHES
ATELIER AVANT-GARDE 2625, chemin Sainte-Foy, Québec 418 651-1616 | info@aag.qc.ca
MAISON DE LA CHANSON – 18 MAI
L’ANTI – 6 MAI
Révélation de l’année dans la catégorie groupe aux derniers prix Juno, le quatuor torontois The Beaches est sans doute le groupe de rock à surveiller au pays. Son premier album, Late Show, propose un rock cru, honnête, avec de solides riffs de guitare, qui gravite autour de l’univers de St.Vincent et de Metric. À découvrir.
Originaire de Rennes, le groupe Her (maintenant le projet de Victor Solf depuis la mort du chanteur Simon Carpentier) revient au Québec pour présenter sa nouvelle offrande, Her, qui joue dans les mêmes ambiances sonores sensuelles et érotiques des deux précédents EP. Une musique qui, conjuguée à la délicate pop de Laura Lefebvre en première partie, devrait assurément faire rêver l’Anti pendant quelques heures.
COLLINE PARLEMENTAIRE – 24 AU 27 MAI ET 31 MAI AU 3 JUIN
Rapporté sur deux fins de semaine pour éviter de se tenir en même temps que le G7, le populaire parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant...? proposera encore cette année cinq univers interactifs complètement insolites et disjonctés sur la colline parlementaire. Un lieu de création et de rencontres fascinant à ne pas manquer.
WILD WEST SHOW THÉÂTRE LA BORDÉE – 7 ET 8 JUIN
1885. À la suite de la pendaison de Louis Riel, le capitaine de la résistance des Métis, Gabriel Dumont, s’exile vers les États-Unis et participe aux spectacles de Buffalo Bill, les Wild West Shows. Cette partie de l’histoire canadienne – souvent tenue secrète –, Jean-Marc Dalpé, Alexis Martin et Yvette Nolan la racontent dans cette production multiculturelle qui réunit une quarantaine d’auteurs, de concepteurs et d’acteurs de tous les horizons.
PHILIPPE-AUDREY LARRUE-ST-JACQUES THÉÂTRE PETIT CHAMPLAIN – 13 MAI
Connu pour son rôle dans la série à succès Like-moi!, le jeune comédien Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques présentera pour la toute première fois à Québec son spectacle Hélas, ce n’est qu’un spectacle d’humour. Se décrivant lui-même comme «un produit d’une vieille famille bourgeoise élitiste», Larrue-St-Jacques articule son spectacle autour du thème de la déception dans un style à la fois théâtral et absurde.
Briser la règle, notre succès. R E S TAU R A N T L E S F R E R E S D E L AC OT E .C O M
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1129, RUE SAINT-JEAN, QUÉBEC
SCÈNE
OÙ TU VAS QUAND TU DORS EN MARCHANT...?
PHOTO | HUGO B. LEFORT
LE PROJET FZ / FRANK ZAPPA À L’ORGUE
FESTIVAL D’OPÉRA DE QUÉBEC DU 24 JUILLET AU 6 AOÛT
PALAIS MONTCALM - 31 MAI
La rencontre surprenante d’un organiste, d’un guitariste et d’un percussionniste, issus d’univers aussi différents que le classique, le rock et le jazz, réinventent le répertoire de Frank Zappa. Une célébration aussi originale qu’étonnante du rock progressif des années 70.
DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON
FESTIVAL DE LA CHANSON DE TADOUSSAC – 35e ÉDITION 28 JUIN AU 1ER JUILLET
Le rendez-vous des amateurs d’opéra! Cet été, Québec vibre au rythme de Mozart, Debussy, Tchaïkovski et plusieurs autres en présentant 10 événements incontournables. À l’affiche: des étoiles de l’art lyriques qui vous feront rêver en offrant des spectacles à couper le souffle.
Un rendez-vous incontournable pour les amateurs de chanson en tout genre et l’envie de dépaysement ! Plus de 40 artistes sur scènes, 80 représentations, et 4 jours de pur bonheur dans un des plus beaux coins du Québec ! Vivez l’expérience Tadoussac !
COLD BLOOD
LA NUIT DES TAUPES
GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC - DU 6 AU 8 JUIN
GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC - 30 ET 31 MAI
Cold Blood: poétique ode à la vie. Après l’extraordinaire Kiss & Cry, Michèle Anne De Mey et Jaco Van Dormael déploient à nouveau leur ingénieux dispositif scénique et leur émouvante nanodanse pour créer un film en direct sous les yeux des spectateurs. Sept récits, sept personnages et autant de morts différentes.
La Nuit des taupes, bestiaire allégorique et déroutant. Philippe Quesne campe un formidable monde souterrain peuplé de taupes géantes qui besognent, copulent, meurent, donnent naissance et... jouent de la musique! Hommage aux utopies et aux cultures underground, cette délirante parabole de notre manière de vivre en communauté surprend, émeut, fait rire et réfléchir.
CASERNE DALHOUSIE - DU 24 AU 27 MAI
Dans la solitude des champs de coton, diamant noir d’une dure pureté. Hugues Frenette, Sébastien Ricard, Brigitte Haentjens: un trio d’enfer pour embraser la partition de Koltès et nous livrer une joute verbale et physique époustouflante.
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CINÉMA
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DEADPOOL 2
ON CHESIL BEACH
EN SALLE LE 18 MAI
EN SALLE LE 25 MAI
La suite de l’insolent antihéros de Marvel arrive sur nos écrans. Dans ce chapitre, Deadpool aura à affronter, en s’alliant avec certains X-Men, un super soldat qui voyage dans le temps afin de protéger un jeune mutant. Tout ça avec l’humour qui caractérise ce personnage décalé.
Une nuit de noces tourne à une confrontation sur la sexualité pour une violoniste et un historien, fraîchement unis. Dans l’Angleterre des années 1960, il n’est certes pas évident d’aller au-delà des conventions. Cette nuit sera l’occasion pour le jeune couple, entre maladresses et peurs, de dépasser ses inhibitions.
KNOCK EN SALLE LE 11 MAI
Une comédie dans laquelle on retrouve le charismatique Omar Sy dans le rôle de Knock, un arnaqueur devenu médecin diplômé dont la méthode de travail est de faire croire «à tout bien portant qu’il est un malade qui s’ignore». Mais les sentiments et un personnage du passé viendront mettre des bâtons dans les roues de cette manigance.
POPE FRANCIS: A MAN OF HIS WORD EN SALLE LE 18 MAI
Ce documentaire est une plongée privilégiée dans la vie du pape François et son cheminement personnel. Coréalisé par Wim Wenders et le Vatican, le film est construit autour des idées, des points essentiels de son travail et de ses positions face à des questions universelles.
SOLO – A STAR WARS STORY EN SALLE LE 25 MAI
Retour dans le passé pour ce second film alternatif de la saga Star Wars. Dans cet opus, on explore la jeunesse du mythique personnage d’Han Solo, de ses premières rencontres avec des personnages-clés de l’univers Star Wars ainsi que la construction de celui qui a eu pendant des années les traits d’Harrison Ford.
YOLANDA EN SALLE LE 25 MAI
Yolanda, c’est la redécouverte de Montréal à travers les yeux d’une septuagénaire et de ses rencontres. Empruntant des procédés du documentaire, cette fiction dresse un portrait de la ville et des gens qui y vivent. Pour l’occasion, la réalisatrice, Jeannine Gagné, a réuni Margot Campbell et Paul Ahmarani.
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Semaine québécoise des personnes handicapées du 1er au 7 juin 2018
Kiss of Death, chapeau. Jo Gordon, 1994. The Victoria and Albert Museum, T.139-1996 © Jo Gordon
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ICI LONDRES
remercie les établissements et restaurateurs partenaires qui diffuseront 50,000 napperons de sensibilisation dans la région de la Capitale-Nationale.
MUSÉE DE LA CIVILISATION DE QUÉBEC –
ALPHIYA JONCAS ET ROXANE TREMBLAY GIRARD
17 MAI AU 10 MARS 2019
L’ŒIL DE POISSON – 18 MAI AU 17 JUIN
Sous forme de parcours multisensoriel, la nouvelle exposition du Musée de la civilisation jette un regard captivant sur cette métropole effervescente, véritable référence mondiale de la création, à travers ses quartiers et ses lieux créatifs les plus attrayants.
Les lauréates du prix l@ch@mbrebl@nche 2017 présenteront leur troisième projet commun à partir des thèmes de l’essentiel et de l’universel. Le duo Joncas-Tremblay Girard exploitera au maximum l’espace de la petite galerie du 281, rue Saint-Vallier Est afin d’y présenter un épatant module composé de plusieurs pièces techniques.
Photo: Geneviève Thibault
DIALOGUES AVEC LES URSULINES, RENCONTRES ET DÉCOUVERTES
#JESUISTAP THÉÂTRE DE LA CITÉ UNIVERSITAIRE - 27 MAI
DU 25 AU 27 MAI
418 524-2404 mpdaqm@videotron.ca mpdaqm.org Action rendue possible grâce au soutien de l’OPHQ
Du 25 au 27 mai, le Pôle culturel du Monastère des Ursulines vous invite à découvrir un lieu patrimonial exceptionnel et l’histoire touchante d’une communauté présente à Québec depuis 1639. Toute la programmation est gratuite et ouverte à tous! Ce projet est réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Québec et de la Ville de Québec dans le cadre de l’Entente de développement culturel.
#JeSuisTap, un spectacle de danse ou le #JeSuis représente enfin du «positif», du plaisir, du bonheur. Les élèves (de 5 à 77 ans) du studio TAP… ETC. et du groupe de spectacle NOUVELLE ÉPOQUE vous y convient. Vos oreilles n’en croiront pas leurs yeux!
CŒUR DE MAMAN CHOCO-FRAISES
UNE PETITE PENSÉE POUR MAMAN ! 13 MAI 2018
PP 40010891
PREMIEREMOISSON.COM