Magazine Voir Montréal V03 #06 | Juin 2018

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MONTRÉAL VO3 #O6 | JUIN 2O18 JEAN-MARC PARENT SLĀV GENEVIÈVE CASTRÉE LE MONSTR ALEXANDRE LANDRY HEREDITARY FESTIVAL EN CHANSON DE PETITE-VALLÉE EDDY DE PRETTO CHET DOXAS JOHN MEDESKI VINS NATURE VIANDES SAUVAGES

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CHROMEO



28 juin – 7 juillet

39e

Ludovico Einaudi Ben Harper & Charlie Musselwhite Seal Al Di Meola Geoffroy Herbie Hancock | Thundercat Cécile McLorin Salvant Charlotte Gainsbourg St. Paul & The Broken Bones Jann Arden Metronomy SLĀV, Robert Lepage / Betty Bonifassi / Ex Machina BEYRIES | Alela Diane Bobby McFerrin Cory Henry | José James Bonobo | St Germain GoGo Penguin Kimbra Molly Johnson Boz Scaggs Et plus encore !

montrealjazzfest.com


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MONTRÉAL | JUIN 2018

RÉDACTION

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, art de vivre et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse

Vice-présidente - Ventes: Valérie Brasseur Adjointe / Coordonnatrice aux ventes: Karyne Dutremble Conseillers aux solutions médias: Alexandra Labarre (comptes majeurs), Miriam Bérubé, Aimé Bertrand, Maxime Alarie, Daniel Di Tullio, Victor Petrescu, Céline Lebrun (comptes culturels).

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C’EST EN FAISANT FI DES MODES QU’ILS ONT RALLUMÉ LES BRAISES DU NU DISCO. LES MEMBRES DE CHROMEO RÈGNENT AUJOURD’HUI EN MAÎTRES SUR LES PISTES DE DANSE. Photo | Guillaume Simoneau (Consulat) Production | Vincent Boivent (Consulat) Coiffure & maquillage | Vanessa Ashley Assistant | Thibaut Ketterer

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SCÈNE

Slāv

Jean-Marc Parent

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MUSIQUE

Festival en chanson de Petite-Vallée Eddy de Pretto John Medeski Chet Doxas

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CINÉMA

Hereditary

Alexandre Landry

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GASTRONOMIE

Viandes sauvages Vins nature

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LIVRES

Geneviève Castrée Le renard roux de l’été Les fins heureuses

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ARTS VISUELS

Le Monstr

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QUOI FAIRE CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p16) Monique Giroux (p34) Normand Baillargeon (p44)


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VO3 #O6

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

LE NOUVEAU QUÉBEC ILLUSTRATION | ERIC GODIN

En novembre dernier, à l’occasion du 33e congrès du PLQ, Philippe Couillard annonçait que grâce au travail de ses troupes au cours des dernières années, il avait «commencé à dessiner notre nouveau Québec».

peuvent être repoussées sans cesse, toujours plus loin, toujours plus nouvelles.

Depuis, dès qu’il se passe quelque chose, ce nouvel ordre des choses doit être réaffirmé.

Ce qui ne cesse de me fasciner avec la nouveauté, c’est justement qu’elle n’a rien de bien nouveau et que, par un étrange revers du destin, ne rien faire de neuf est parfois l’acte le plus inusité et insolite qu’on puisse imaginer.

En décembre, en dressant son bilan parlementaire annuel, il déclarait qu’avec son équipe, il avait «jeté les bases d’un nouveau Québec». En mars, il nous expliquait que le «nouveau Québec» avait réduit sa dette grâce au Fonds des générations. Deux jours plus tard, rebelote, dans ce «nouveau Québec», prévoyait-il, «les transports modernes, attrayants et efficaces auront vaincu la congestion routière». D’ailleurs, parlant de transport, le projet du REM mérite bien, lui aussi, un peu de poésie. En février, nous apprenions que ce réseau n’est rien de moins qu’un «des visages du nouveau Québec que nous voyons apparaître». La politique bioalimentaire? Ben quoi, n’en doutez pas, il s’agit d’une «transformation majeure, à l’image du nouveau Québec qui prend forme autour de nous». Je vous le dis en passant, comme ça, mais sur le site du PLQ, on vous lance un appel à la mobilisation: «Inscrivez-vous à l’infolettre pour en connaître davantage sur le nouveau Québec.» Notez bien cette prophétie que je risque ici: je vous annonce qu’au rythme où vont les choses, si dans les prochaines semaines on répare un trou dans la chaussée entre Mont-Laurier et Ferme-Neuve, ce sera sans aucun doute un signe que les routes du nouveau Québec s’ouvrent devant nous. Je suis même prêt à prendre les paris. Le slogan du PLQ pour la prochaine campagne électorale devrait ressembler à quelque chose comme: «Ensemble, bâtissons le nouveau Québec». Ce qui pourra peut-être convaincre les plus sceptiques que les limites de la fiction publicitaire politique

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Comprenez bien l’astuce: le progrès pourrait bien ne pas être le fruit de la nouveauté, mais plutôt, platement, la prise en compte d’idées usées à la corde. Prenez cette curieuse idée, par exemple, de ne pas posséder de voiture et d’utiliser plutôt des transports en commun. Pensez-y, vous pourriez même marcher! Le vélo? N’ayons pas peur des mots, c’est clairement un mode de transport postmoderne. Soyons audacieux. Imaginons une production agricole où on fait tout à la pioche, à la brouette, un chapeau de paille et des sandales. Incroyable. Du jamais-vu! Bon, vous avez raison, j’exagère avec les sandales, mais quand même, posons-nous quand même un peu la question: qu’avons-nous donc de si neuf à dire, au juste? Qu’on parle d’environnement, d’agriculture, d’accès à un système de santé équitable et efficace, d’une éducation de qualité pour tous et toutes, de soins des aînés, des milieux de vie en région, de temps de qualité à passer en famille, à quoi peut-on rêver de si nouveau? Bientôt, sans rire, on nous parlera de la redistribution de la richesse comme s’il s’agissait d’une invention récente qu’on a enfin les moyens de se payer. Le nouveau Québec annoncé par Philippe Couillard ne sert qu’à une seule chose, au fond: signifier une rupture. C’est un artifice du discours. Les 15 dernières années, marquées par le règne presque ininterrompu du PLQ, ne seraient qu’un long intermède permettant de tracer la frontière entre un monde ancien, qu’il


vaudrait mieux oublier, et un monde nouveau, où on nous invite tout bonnement à rêver. *** De manière plus insidieuse, la nouveauté se présente comme quelque chose d’inusité et, donc, d’inégalé. Elle est propre comme un sou neuf et dépasse en moralité toute forme d’idéologie. À ce titre, il vaut la peine de relire le discours que Philippe Couillard livrait le 18 novembre dernier, alors qu’il annonçait en primeur cette idée de nouveau Québec. J’en transcris ici quelques mots, sans altérer la forme. Sur le site du PLQ, le texte est bel et bien présenté ainsi, en vers. Je vous engage à penser ce nouveau Québec librement. Travaillez sans contrainte. Ignorez l’habitude. Faites abstraction des dogmes et des corporatismes. Ne vous enfermez pas dans les clivages imaginaires et idéologiques. Pensez le nouveau Québec comme le Québec dont vous rêvez. Difficile d’y voir autre chose qu’une sorte d’évangile, tant sur la forme que sur le fond. La nouveauté transcende tout. Elle fait fi des aspérités du devenir, des labeurs et des contraintes de la condition humaine.

Les clivages sont imaginaires et n’existent que par entêtement idéologique, une mauvaise habitude dont il faudrait se libérer. Le nouveau Québec étant proclamé et célébré, aucune division ne peut subsister, tout est soudainement remis à niveau. On nage ici en pleine mythologie. Comme si l’appel à la nouveauté n’était pas, intrinsèquement, la forme la plus aboutie d’une idéologie qui tente tout simplement de se dissimuler pour ce qu’elle est. Ce n’est pas le rêve qu’on stimule avec cette idée de nouveau Québec, mais bien plutôt l’amnésie. On nous invite à oublier l’histoire pour nous complaire dans l’étonnement constant. C’est la base de tout bon spectacle. Cette amnésie à laquelle on nous convie sera évidem­ ment bien temporaire. Elle ne durera que quelques semaines, jusqu’aux urnes. Dès le lendemain, la contingence du monde aura tôt fait de nous rattraper. On ne peut pas tout faire, qu’on nous dira en nous invitant au réalisme et au pragmatisme de bon usage. C’est un mode de séduction comme un autre. Quel coquin de sort! Faire valoir la nouveauté pendant quelques instants furtifs, c’est peut-être tout l’art du plus vieux métier du monde. y sjodoin@voir.ca



SCÈNE 9 VOIR MTL

VO3 #O6

UN CONTINENT CONSTRUIT SUR L’OPPRESSION DÉJÀ PLUS DE CINQ ANS QUE BETTY BONIFASSI REMANIE DES CHANTS D’ESCLAVES AFRO-AMÉRICAINS DANS UNE RIGOUREUSE DÉMARCHE D’ANTHROPOLOGIE ARTISTIQUE. AVEC NUL AUTRE QUE ROBERT LEPAGE, CE PARCOURS CULMINE DANS SLĀV, MÉGA-SPECTACLE INTERDISCIPLINAIRE RACONTANT UN CONTINENT BLESSÉ ET OPPRESSIF. MOTS | PHILIPPE COUTURE

«No More, My Lawd.» S’adressant au Tout-Puissant, des prisonniers afro-américains réclament un peu de paix et d’amour dans l’une des plus emblématiques chansons reprises par Betty Bonifassi. On y entend le désespoir de l’incarcération et l’épuisement du travail acharné au quotidien, mais aussi l’espoir d’un monde meilleur et la foi en un avenir plus glorieux. Douleur et force d’un peuple con­ damné: voilà les deux axes sur lesquels s’appuie la recherche de Betty Bonifassi et maintenant celle de Robert Lepage. Après trois albums (Betty Bonifassi, Lomax et Lomax Deluxe) et un grand concert (Chants d’esclaves, chants d’espoir), Betty Bonifassi a amplement pu démontrer la richesse musicale des slave songs, ses réinterprétations racontant le courage des esclaves, mais aussi la beauté de leur contribution artistique à l’Amérique. Flirtant avec plus ou moins un siècle d’histoire musicale qui tire sa source de cette culture afro-américaine oppressée, la triade d’albums revisite le travail d’archives d’Alan Lomax. Mais il faut aller plus loin, raconter encore mieux la «douleur, l’oppression et la résilience», et c’est par les voies du théâtre intermédial de Robert Lepage que la chanteuse compte y arriver. Mais de quel droit? Déjà critiqué avant même son premier filage, le spectacle débarque dans un Québec de plus en plus conscient d’un racisme systémique dont il s’est

PHOTO | KARINE BAUDOT

presque toujours cru vierge, et dans un moment fort de prise de parole de la communauté noire québécoise. De fait, il n’est pas épargné par la critique de ceux qui voient dans la démarche de Bonifassi et Lepage un acte d’appropriation culturelle – la douleur des Noirs étant racontée par des artistes blancs qui se l’approprient et en pervertissent le discours ou la dénaturent, selon les critiques formulées par la femme de théâtre Marilou Craft et le journaliste T’Cha Dunlevy. Nous voici en eaux troubles, au cœur d’un débat vibrant de notre époque. Betty Bonifassi fait-elle respectueusement un emprunt à la culture de l’autre, ou fait-elle acte d’appropriation culturelle, ajoutant à l’oppression? La polémique lui permet à tout le moins de réaffirmer sa conviction de faire «œuvre de transmission de cette culture», dont elle est férocement amoureuse et dont elle cherche à révéler «l’influence profonde sur l’âme nordaméricaine». Est-ce un crime de s’inclure dans une histoire qui nous a façonnés, même si nous n’y avons pas joué le beau rôle et malgré le fait que nous le reconnaissons? La question est lancée. «Je connais bien le principe d’appropriation culturelle, répond Betty Bonifassi. Je sais bien que je ne peux pas prendre le contrôle sur le récit de ces esclaves afro-américains. Mais il me semble que, en toute admiration devant leur courage et devant leur art, je peux admirer leur dignité en béton armé et tenter de les connaître mieux, de les comprendre, de

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> m’inspirer d’eux et de leur résilience, et de mesurer leur importance dans l’histoire de notre continent. Ça me semble légitime. S’intéresser à cette histoire, en tant que Blanche, est un acte de thérapie et d’humanisme. Et puis, certes, je me l’approprie, je m’y reconnais, je suis d’origine soufie-bosniaque et je vois des parallèles avec l’histoire du peuple de ma mère. J’ose aussi rapprocher cette histoire d’un esclavagisme contemporain d’un autre ordre, celui des multinationales qui exploitent des travailleurs précaires. On me le reproche. Je ne sais pas quoi répondre à cela. Doit-on s’empêcher de rapprocher et comparer les expériences douloureuses de l’humanité, ou se flageller de se sentir proche d’une culture de laquelle on ne fait pas partie? Dois-je cacher que mes mentors sont Afro-Américains? Je préfère nettement le célébrer au vu et au su de tous.»

Donner vie à une histoire trouble Si la musique demeure reine et maîtresse dans ce nouveau spectacle dans lequel Bonifassi chante en compagnie d’un groupe de six choristes, le génie scénique de Robert Lepage permettra de plonger dans les archives et de leur donner une incarnation vivante, les ramenant au présent pour dialoguer avec une musique recomposée dans un esprit bien contemporain. «Ce qui m’intéresse, dit Betty Bonifassi, c’est de raconter la force de ces esclaves devant l’horreur. Et ce show est basé sur cette idée de flirter avec l’archivage de leurs chansons et de leurs dures journées de labeur pour arriver à dépeindre cette incroyable force, cette résilience stupéfiante.» À travers une scénographie de rails mouvants, Lepage évoque les chemins de fer qui déplaçaient les esclaves d’une ville à l’autre, parfois jusqu’au Québec (un pan méconnu de l’histoire, que ce spectacle va aussi raconter). «Robert Lepage a un regard empathique et intelligent sur cette histoire, ajoute Betty Bonifassi. Il veut la raconter en la rapprochant de nous, en prenant la responsabilité qui nous incombe devant la douleur qui a été subie par ces gens, et en racontant comment ils ont construit ce continent. On fera aussi honneur à la place des femmes dans cet héritage douloureux.» Ceux qui ont travaillé avec lui à l’opéra savent à quel point Lepage est un fin mélomane. Mais, selon Betty Bonifassi, le grand public ne se doute pas de l’ampleur de ses connaissances musicales. «En plus, il a de l’oreille! dit-elle. Lui et moi sommes tous deux des amoureux des grandes voix. Je n’ai pas hésité à travailler avec lui, certes parce que c’est un génie de la mise en scène, mais surtout parce que je sais qu’il apprécie autant que moi l’émotion vocale et qu’il sait mettre en valeur différents registres de voix. Il le fait amoureusement. Et c’est merveilleux.» y Slāv Du 26 juin au 14 juillet au Théâtre du Nouveau Monde Une production d’Ex Machina Dans le cadre du 39e Festival international de jazz de Montréal

ROBERT LEPAGE, PHOTO JOCELYN MICHEL (CONSULAT)


D E P U I S

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L’art de plaire B e r ri- UQA M

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D’INSTINCT ET D’AUDACE TRENTE ANS APRÈS SES DÉBUTS RETENTISSANTS, JEAN-MARC PARENT ENTAME LE SPRINT FINAL DE SA CARRIÈRE AVEC UTOPIE, ONZIÈME SPECTACLE ENCORE UNE FOIS MARQUÉ PAR SON ANALYSE SPONTANÉE DES COMPORTEMENTS HUMAINS. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


SCÈNE 13 VOIR MTL

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C

onstruit à partir d’improvisations présentées devant public au Monte Carlo, restaurant de Repentigny qu’il considère comme son laboratoire, Utopie est le fruit d’une réflexion sur ces désirs humains qui ne trouvent pas écho dans la réalité, mais plutôt dans ce monde fabulé où la vieillesse et la maladie mentale n’existent pas et où le gâteau au chocolat fait maigrir. «J’aime rêver à des choses qui existent pas, même si je sais qu’elles arriveront jamais. À mon sens, si ces choses-là sont capables d’arriver dans ma tête, j’ai déjà un bout de fait.»

Et là-dessus, le rêveur sait de quoi il parle. Propulsé sur la scène humoristique québécoise avec son numéro maintenant classique L’handicapé (sic), qui lui a permis de remporter les Auditions Juste pour rire ex aequo avec Stéphane Rousseau en 1988, Parent a élaboré sa carrière en faisant confiance à son instinct, à ses espoirs les plus impossibles. Instructeur de ski alpin et étudiant en psychologie au début de sa vingtaine, il s’est d’abord fait repérer par Louise Richer, alors qu’il évoluait sans grandes ambitions avec le duo de variétés Noir et Blanc aux côtés de l’acteur Widemir Normil. «Widemir avait beaucoup plus de volonté que moi. Il dansait et chantait super bien, tandis que moi, l’humour, ça m’intéressait pas pantoute... Je voulais être intervenant en toxicomanie. C’est vraiment quand Widemir a pris son envolée de son bord comme acteur que j’ai compris un peu plus ce qui m’intéressait: le comportement humain.» Décidé à creuser davantage ce filon, il entre à l’École nationale de l’humour au sein de la toute première cohorte. Déjà, son genre d’humour le distingue de ses camarades. «Louise avait pas vraiment le choix de me laisser aller. Sans le vouloir, j’étais le mouton noir. Quand on me disait de mettre un costume, j’étais mal à l’aise. C’était pas ça, mon style. Les histoires que je raconte, elles prennent forme quand tu te les imagines. Tout se passe dans la tête du spectateur, donc le costume sert à rien. C’est un peu pour ça que j’aime autant les films français. J’aime comment ces cinéastes décrivent le quotidien, même quand il se passe rien.»

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> Raconteur d’histoires hors pair, Parent frappe fort au début des années 1990, d’abord en duo avec Michel Barrette et, ensuite, grâce à ses premiers spectacles solos, qui bénéficient d’une technique marketing fort habile et efficace – depuis rebaptisée «le principe Jean-Marc Parent» par le journal Les Affaires. «On avait fait le Théâtre Saint-Denis 2 pendant trois soirs, et ça avait arrêté de vendre. Mon gérant voulait qu’on déménage le show dans une plus petite salle, mais pour moi, c’était illogique. C’était comme si on avouait au public que le spectacle fonctionnait pas tant que ça. À la place, je l’ai convaincu de transférer le show dans le gros Théâtre Saint-Denis. On a réussi à le vendre neuf soirs, pis encore une fois, ç’a arrêté de marcher», explique-t-il, en faisant référence aux deux salles montréalaises qui peuvent respectivement accueillir 900 et 2000 spectateurs. «C’est là que j’ai dit: on s’en va au Forum de Montréal. Le pari était risqué, car personne avait jamais tenté ça dans le milieu de l’humour au Québec. Tout le monde riait de moi, mais j’avais une grande confiance en mon show. Je suis un gros joueur de cartes et je savais qu’en prenant cette chance, je pouvais tout perdre ou tout gagner. J’ai mis tout mon argent là-dedans, environ 80 000 dollars, et j’ai bien fait. Après une heure de mise en vente, on avait vendu 10 000 billets. On l’a finalement fait 13 fois.»

Trois ans plus tard, la carrière de l’humoriste atteint des horizons insoupçonnés avec la diffusion de L’heure JMP. Présentée tous les dimanches pendant deux saisons, l’émission en grande partie improvisée devient un véritable événement à la grandeur du Québec, atteignant des cotes d’écoute faramineuses de 1,6 million de téléspectateurs «même si la plupart des familles ne pognaient pas TQS». Faisant fi des conventions, l’humoriste en fait à sa tête et prolonge l’émission au-delà des heures prévues. «On défonce!» devient alors l’une de ses phrases cultes. «La première fois qu’on a fait ça, ç’a duré sept ou huit minutes, et les producteurs capotaient. Les commanditaires appelaient, c’était le branle-bas de combat à la station. Moi, ça me regardait pas, ces questions-là. Je voulais juste faire un méchant stunt. Des fois, on continuait même le show pendant une bonne partie du film qui suivait dans la grille horaire. Au lieu de le présenter tel quel, on le diffusait à partir de notre salle, et les gens à la maison pouvaient nous voir regarder le film. Je commentais même les pauses commerciales en direct.» Débordant d’énergie, Parent part à la rencontre de ses fans à chaque fin d’émission, allant même jusqu’à prendre un avion vers des villes éloignées du Québec. «J’arrivais dans un restaurant de Val-d’Or


15 à minuit pour parler au monde et continuer le show. C’était l’enfer, une course sans arrêt. Je me rendais même pas compte de ce qui se passait.» Adulé par son public, l’animateur doit également faire face à de nombreuses critiques de la part des médias et de certains de ses collègues humoristes. Les insultes et les ragots finiront par avoir raison de lui: «Y a des gens qui me niaisaient, qui disaient des choses totalement gratuites à mon sujet. Je suis quelqu’un de sensible, et ça m’a touché. Quand j’ai vu que c’était de plus en plus heavy et que les gens étaient aussi durs envers moi, j’ai arrêté. J’avais pas la carapace pour continuer. Je suis marqué au fer rouge de cette aventure-là.» Le calme après la tempête Sous le radar médiatique, Parent revient sur les planches sans faire de fracas au tournant du millé­ naire. «Pour certaines personnes, je n’existais plus

«J’AI PEUR QUE LA MÉMOIRE RÉTRÉCISSE EN VIEILLISSANT, DONC UNE DES MEILLEURES FAÇONS D’ÉVITER ÇA, C’EST DE LA FAIRE TRAVAILLER.» car, du jour au lendemain, je n’étais plus à la télé. On trouvait que j’étais tranquille. Mais la réalité, c’est que, durant ce temps-là, je continuais à faire une centaine de shows par année.» Après avoir attiré à nouveau l’attention des médias en 2001, grâce à un spectacle record d’une durée de 24 heures présenté à Juste pour rire, Parent revient sous les feux de la rampe avec le spectacle Urgence de vivre quatre ans plus tard. Cette fois, au lieu d’improviser pendant de longues heures, il s’en remet à un spectacle entièrement écrit – une première en 10 ans. Unanime, la réception du public et de la critique le mène jusqu’aux Olivier, où il reçoit les honneurs dans trois catégories, notamment dans celle du meilleur spectacle de l’année. «Ça m’a repositionné dans l’industrie, et j’étais bien content de recevoir une tape dans le dos du milieu. C’est comme si j’avais voulu montrer à mes parents que j’étais encore bon au hockey.»

Parent répète une recette semblable pour la création de ses deux spectacles subséquents, Torture et Utopie, qui viennent compléter la trilogie entamée en 2005. «Je construis toujours mes numéros de la même façon. D’abord, je les improvise sur scène au Monte Carlo puis je retiens ce qui est bon. Si je les raconte 4-5 fois et que ça rit beaucoup, je les garde. Après, il me reste à peaufiner des bouts et à trouver une chute.» Bref, trois décennies après son éclosion, l’humoriste reste le même. Conscient des mutations que tra­ verse actuellement le milieu de l’humour, il se dit heureux de pouvoir évoluer dans une communauté aussi dynamique, notamment vivifiée par l’arrivée du Bordel comédie club et de festivals en plein développement comme le Dr. Mobilo Aquafest et le Grand Montréal comédie fest, crée par une coalition d’humoristes à la suite des allégations d’agression sexuelle portées à Gilbert Rozon. Malgré tous ces changements importants dans l’industrie, l’humoriste a choisi le statu quo pour la première montréalaise de son nouveau spectacle, qui sera présentée au festival Juste pour rire. «Un an avant que [le scandale Rozon] se produise et que Juste pour rire soit racheté, mon spectacle était déjà annoncé. Je pouvais pas demander à une compagnie de production de rem­bourser 50 000 personnes...» soutient-il, évoquant des raisons purement logis­ tiques. «Quand on m’a appelé pour participer [au Grand Montréal comédie fest], je trouvais que c’était une excellente idée, mais j’avais déjà assez de stress avec mon show. Par contre, ce festival-là, il va exister l’année pro­chaine, et je vais y aller avec plaisir.» D’ici là, Utopie sera présenté partout au Québec à raison de «deux fois par semaine, trois semaines par mois, sept mois par année». Un rythme qui permettra au marathonien de l’humour québécois de préparer, bien tranquillement, sa retraite de la scène. «J’ai failli la prendre l’an dernier parce que ma gérante la prenait. Une nuit de réflexion plus tard, j’ai compris que je serais pas capable de faire ça tout de suite. J’aime trop ça, raconter des histoires. Aussi, j’ai peur que la mémoire rétrécisse en vieillissant, donc une des meilleures façons d’éviter ça, c’est de la faire travailler. Bref, y aura pas de retraite pour tout de suite, mais je vais diminuer la cadence. Utopie devrait durer trois ans, pis après, j’ai l’intention de continuer à faire de la scène sans avoir de show officiel. Un genre de formule à la carte où tu viens voir Jean-Marc Parent improviser pendant deux heures.» Ce sera probablement quatre heures. y

Utopie 10, 11, 12, 17, 18 et 19 juillet au Théâtre Maisonneuve


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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR

LES LARGES ÉPAULES DU GASPÉSIEN Il pleut délicatement sur mon toit dans le PlateauMont-Royal. J’écoute des morceaux d’Erik Satie. L’air est doux et le temps coule lentement en ce samedi consacré à prendre le temps de ne rien faire. Par la fenêtre, je regarde les lilas et j’ai le cœur au large, l’âme en Gaspésie sur un banc de bois inconfortable de l’église de Cloridorme, posée devant l’immensité gris-bleu du fleuve, où j’écoute des dizaines d’enfants de la côte chanter le répertoire, difficile pour des enfants, de Pierre Flynn. C’était peut-être en 2004 ou 2005. Depuis, j’y ai entendu, dans cette église, cette même chorale, année après année, chanter les répertoires de Paul Piché, de Richard Séguin, de Daniel Boucher, etc. Que l’on aime ou pas ces artistes, il y a une émotion très puissante qui se passe en dedans lorsqu’on entend des enfants chanter par cœur, dans cette immense église de ce tout petit village, notre poésie, notre chanson, nos mots. L’incarnation d’une éducation culturelle hors-norme dans ce Québec qui se célèbre si peu lui-même, car il s’aime si peu, et est si peu fier de ce qu’il est. Ici, fédéralistes ou souverainistes, gens de gauche ou de droite, scolarisés ou analphabètes, riches ou pauvres, mais les mêmes mots, d’une même langue. C’est un tour de force que réussit depuis des décennies la Petite École de la chanson du Festival en chanson de Petite-Vallée. Réunir des enfants de tous les villages de la péninsule et donner, l’espace d’un concert, aux gens qui sont là l’impression d’appartenir à un tout culturellement cohérent. Petite-Vallée est situé juste après le village de Grande-Vallée, juste après la grande côte de Rivière-Madeleine où se situe l’une des plus grandes passes aux saumons au monde. Jusqu’en 1976, année de l’élection du premier gouvernement de René Lévesque, ce joyau de la pêche était un

club privé appartenant à la Domtar. Beaucoup de Gaspésiens du coin y travaillaient comme guides ou comme servantes. Ils étaient chez eux, mais n’y avaient pas accès. À près de 100 kilomètres de Petite-Vallée, dans les terres, Murdochville, où ont travaillé tant d’hommes de la côte de la Haute-Gaspésie, jusqu’à la fermeture de la mine en 1999. Des hommes de L’Anse-Pleureuse, de Manche-d’Épée, de GrosMorne, de Rivière-à-Claude. Des noms de villages d’une grande beauté; la toponymie déclinée d’une grande misère sociale et économique qui se déroule sur la carte de la 132, comme dans l’histoire, et ce, jusqu’à L’Anse-à-Valleau, Rivière-au-Renard, L’Anse-au-Griffon et Cap-aux-Os. Cloridorme a encore une poissonnerie, mais celle de Grande-Vallée a fermé il y a quelques années. Les quais naguère occupés par les vigneaux de morues sont délabrés, abandonnés depuis le début des années 1990 quand le gouvernement de Brian Mulroney a imposé le moratoire sur la morue. La morue, la pêche... là encore, une histoire de drames et de misère gaspésienne. Des morts tragiques dans ce fleuve bleu-gris et souvent fâché, sans parler de l’exploitation par la compagnie Robin, des pêcheurs pris au piège dans un système où leur labeur ne payait pas. Pendant deux siècles, les pêcheurs ont dû acheter la nourriture, les agrès de pêche, le tissu pour vêtir les enfants et le peu qu’il fallait pour survivre jusqu’à l’automne à la compagnie britannique. La Robin vendait à crédit et se faisait rembourser à la fin de la saison de pêche. Le prix de la morue n’était fixé qu’à la toute fin de la saison. Par Robin. À ce moment-là seulement, Robin et les pêcheurs faisaient leurs comptes. Il ne restait, le plus souvent, rien du tout aux hommes qui avaient pris la mer.

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«LA PÉRENNITÉ DE L’ÉCONOMIE D’UNE RÉGION PEUT-ELLE REPOSER SUR LE COURAGE ET LA DÉTERMINATION D’UNE SEULE FAMILLE ET DE SES AMIS?» René Lévesque écrivait en 1947: «Ils [les Robin] étaient actifs et sans scrupules […]. Ils parvinrent ainsi à garder sous leur coupe, dans un véritable servage, des générations entières de pêcheurs, hommes simples pour qui les chiffres étaient une magie noire d’où ne sortaient jamais rien que des dettes.»

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n s a é l r O ’ d e l'îl

À Grande-Vallée, il reste le moulin, une scierie qui existe depuis 1905, mais qui, selon les humeurs de l’industrie forestière, connaît depuis quelques années des bons jours comme des fermetures temporaires. Et on n’a pas parlé de la nationalisation du parc Forillon, grand traumatisme des années 1970 où l’on a exproprié brutalement les gens qui y vivaient. On a brûlé leurs maisons. Ils ne comptaient pas dans l’Histoire. Bref, de ce côté-là de la Gaspésie, la vie a été dure, pleine de vent et de froid. Aujourd’hui, les motels abandonnés de Mont-Louis offrent une image saisissante de cette grande beauté esseulée, mais encore fière. Et, dans cette histoire difficile, le Festival en chanson de Petite-Vallée a été comme un souffle de vie, une façon de faire monter du «beau monde» sur le bord de la grève, d’inventer un avenir à cette région. Mais le Festival en chanson, c’est surtout l’histoire d’un homme, Alan Côté, de sa famille et de quelques amis et alliés qui portent sur leurs larges épaules de bien lourdes responsabilités. La pérennité de l’économie d’une région peut-elle reposer sur le courage et la détermination d’une seule famille et de ses amis?

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Dans la dernière année, le feu s’est acharné deux fois sur le festival. Il a détruit le théâtre et, un an après, il a détruit l’auberge. Le feu, j’en sais quelque chose, est une expérience brutale, horrible, mais qui a ceci de lumineux qu’elle force à regarder vers la reconstruction, vers la réinvention, vers l’avenir. Or, que voulons-nous pour l’avenir de cette partie de la Gaspésie? Que voulons-nous collectivement pour l’avenir de tous ces villages au Québec qui se meurent lentement? Allez. Bonne Saint-Jean. y

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CHROMEO: FUNK VELOURS C’EST EN FAISANT FI DES MODES QU’ILS ONT RALLUMÉ LES BRAISES DU NU DISCO ET CONTRIBUÉ À SON EXPLOSION. FIDÈLES À EUX-MÊMES ET AU SOMMET DE LEUR FUNK, DAVID MACKLOVITCH ET PATRICK GEMAYEL RÈGNENT AUJOURD’HUI EN MAÎTRES SUR LES PISTES DE DANSE. MOTS | CATHERINE GENEST

PHOTO | GUILLAUME SIMONEAU (CONSULAT)

C’est presque un retour aux sources. Photographiés par Guillaume Simoneau sous une nuée rouge plus chimérique qu’inquiétante, les deux Montréalais remarchent dans leurs propres pas. Une scène croquée sous le viaduc Van Horne, non loin de ce local de répète qu’ils ont occupé coin Beaubien et du Parc, à quelques pas de la station Rosemont. «C’était mon arrêt chaque matin pour aller au Collège Stanislas, renchérit Patrick, alias P-Thugg. Je prenais la 161.» Chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, on se surprend à les entendre dans la langue de chez nous, on s’étonne de partager d’obscures références avec eux. Des trajets de bus de la métropole aux fragments de pop culture francophone qui nous arrachent un sourire. «Sérieusement, pour nous, et ça on pourrait jamais dire ça aux États-Unis parce que personne comprendrait, confie Dave 1, c’est le vidéo de Je danse le mia de IAM qui nous a fait découvrir le funk. On l’avait enregistré sur VHS et on l’écoutait en revenant de l’école.» Enfants de MusiquePlus, ils ont grandi en absorbant leur dose quotidienne de clips. Bouge de là, citentils sourire en coin, Rap City, Vidéo Danse… De la fin des années 1980 à l’aube du troisième millénaire, Macklovitch et Gemayel ont dévoré tout ce que les VJ avaient de bon à leur offrir. David l’avoue sans gêne: cette époque préinternet constitue le fondement même de ses goûts. «Nous, notre groupe quand on était p’tits, c’était Les B.B. C’est bon Les B.B. pour vrai, c’est vraiment bon. C’était funky, en fait! Ou, même, il y avait le groupe Madame. Regarde comment je m’habille. Je m’habille exactement comme eux.» Il n’a pas été bercé par Gino Soccio et Boule noire, ses parents préféraient la

guitare acoustique de Dylan aux synthétiseurs de Moroder, mais le chanteur du duo s’estime tout de même lié au riche patrimoine disco de sa ville d’origine. Un hasard, une chance! «La couverture du single de Juice avec la fille qui boit du jus d’orange à la paille, ça, c’est une référence à Lime. C’était un gros groupe disco de Montréal dans les années 1980.» Fiction pulpeuse Si les deux amis sont rentrés au bercail pour cette séance photo, c’est qu’ils ont ce nouveau disque à promouvoir et qu’ils ont gentiment accepté de faire l’aller-retour LAX-YUL. Un moindre mal pour des frequent flyers en leur genre. Head Over Heels est leur cinquième offrande, la première depuis l’inauguration de leur studio dans le comté d’Orange. Les 12 plages qui s’y trouvent ont été concoctées avec le plus grand des soins, un perfectionnisme exacerbé et, notamment, l’apport de l’ancien guitariste de Prince. Jesse Johnson aura été leur ange gardien, une source intarissable d’inspiration. Cette collaboration est une façon pour eux de le remercier. Patrick nous raconte: «Lui, il est super content. C’est pas qu’il est oublié, mais il n’a plus la carrière qu’il avait. Pour lui, c’est incroyable d’avoir quelqu’un de notre génération qui lui donne tellement d’attention, de jouer sur des nouvelles chansons qui capturent un p’tit peu le vibe de son époque, d’avoir fait le show de Jimmy Fallon avec nous. Il nous a remerciés comme trois jours après, il m’appelle tout le temps, il me dit comment il aime ça travailler avec nous.»

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PLUTÔT QUE DE CHANTER DES TRUCS COMME «SALUT CHÉRIE, VIENS DANSER, LA NUIT VA ÊTRE LONGUE», LEURS PAROLES TÉMOIGNENT DE LEUR SINCÈRE RESPECT ENVERS LES FEMMES. Cet album marque aussi le début d’une ère, un changement d’image amorcé par le rafraîchissant vidéoclip de Juice, puis confirmé au dévoilement de la pochette du long-jeu. Leurs jambes emblé­ matiques et érotisées font un retour sauf que, cette fois-ci, ce sont les leurs. Une façon pour eux de s’exprimer sur des questions qui transcendent les frontières du groove. «On voulait afficher une responsabilité face à ce symbole […], montrer qu’on est allumés à certaines causes, clame David. Ça semblait opportun pour nous d’afficher ça, mais

on en a beaucoup parlé aux gens autour de nous, aux membres de certaines communautés, etc., pour s’assurer que ce soit fait avec goût.» Chromeo donne dans le funk, certes, mais ses protagonistes en détournent les codes vieillots. Plutôt que de chanter des trucs comme «salut chérie, viens danser, la nuit va être longue», leurs paroles témoignent de leur sincère respect envers les femmes. Séduction et galanterie se conjuguent sur Don’t Sleep, la deuxième, alors que le personnage campé par le vocaliste s’efforce de ne pas brusquer, de ne pas tordre un bras à l’élue de son cœur. Sans oui, c’est non. «Mais même le fait que ce soit comme une dichotomie homme-femme, ça nous gêne. Ben, pas que ça nous gêne, mais on aimerait ça que ce soit même plus fluide ou plus général que ça, que ce soit même pas nécessairement homme versus femme. C’est sûr que la voix dans Chromeo s’adresse à une femme… mais est-ce que ces questions-là peuvent s’appliquer à tout et à toutes sortes de permutations? Et c’est un peu ça qu’on voulait montrer avec l’image de la couverture.» Depuis sa formation en 2002, le duo se donne pour mission de chasser les réflexes des auteurs de l’ancienne génération et de subvertir les sujets propres à cette musique qu’ils aiment tellement, qu’ils modernisent sans la dénaturer. «C’est comme si tu mettais la voix de Timothée dans Call Me by Your Name, sa position, sa vulnérabilité et son insécurité, et que tu la superposais à une toune de funk. Ce serait un collage moderne et c’est ce genre de juxtaposition qu’on essaie de faire.» y Head Over Heels (Big Beat/Atlantic Records) Sortie le 15 juin Vendredi 3 juillet à Osheaga



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PETITE-VALLÉE: GO, ON Y VA! APRÈS AVOIR PERDU SON CENTRE NÉVRALGIQUE, LE THÉÂTRE DE LA VIEILLE FORGE, DANS UN VIOLENT INCENDIE EN AOÛT DERNIER, LE FESTIVAL EN CHANSON DE PETITE-VALLÉE REGARDE DROIT DEVANT POUR SA 36e ÉDITION. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

«Ç’a été une année de toutes les émotions, de tous les rebondissements», commente Alan Côté, directeur général et artistique de Village en chanson de PetiteVallée, en Gaspésie. «En 2017, on a connu l’une des bonnes sinon la meilleure année de toute l’organisation sur le plan de l’achalandage et du soutien. Avant l’incendie, donc, on a eu une super édition. Et puis, il y a eu cette vague de solidarité exceptionnelle qui nous a submergés d’amour et qui nous a donné du gaz pour être résilients, pour nous permettre de continuer notre mission et éventuellement de reconstruire notre théâtre.»

Vallée pendant le festival. «On sera encore sur le bord de la mer, précise Alan Côté. On essaie d’avoir notre installation complète: un bar, une cuisine, deux salles de spectacle, au même endroit en bas de la côte. L’équipement de son et la cui­sine serviront au Camp en chanson [un camp de vacances musical annuel] et au futur théâtre par la suite. Ce sera même plus spacieux! On garde vraiment le même modèle de festival: jamais deux spectacles en même temps, mais plusieurs shows par jour.»

Lors d’une année divisée entre la préparation de la 36e édition – pas question, évidemment, de cesser les activités – et la tenue d’événements liés à sa grande campagne de financement – où le festival a récolté 1,5M$ en dons et 250 000$ en biens et services –, Alan Côté n’est pas tombé dans la nostalgie pour mieux avancer. «La salle n’est plus là, mais son âme est encore là et moi je suis encore là. Alors on regarde en avant. On est en mode action-réaction. Go, on y va! On va construire quelque chose de plus beau encore.»

Le spectacle qui vendait le plus de billets au moment de notre entretien, c’était La caravane country avec Laurence Jalbert et ses invités, le 7 juillet au Chapiteau Québecor. «On a toujours un grand spectacle country au festival, parce qu’on est dans une région qui aime ça.» Parmi les autres grands rendez-vous, il y a les spectacles de Jean-Pierre Ferland et de Marjo, tous deux à leur première visite au festival de Petite-Vallée. «J’ai toujours un attachement pour les artistes marquants de leur génération et de l’histoire de notre chanson, dit Alan. C’est donc avec une grande fierté que j’accueille ces artistes. Chacun à sa façon a révolutionné et bouleversé la chanson québécoise.»

Le prochain Théâtre de la Vieille Forge du Festival en chanson de Petite-Vallée devrait renaître sous un nom similaire, mais il ne sera pas prêt avant 2020, indique le DG. L’événement a donc fait l’acquisition de la «Cadillac des chapiteaux», une structure d’aluminium sans poteaux qui résiste à des vents de 140km/h et qui fait 75 pieds de large par 157 pieds de long. L’expérience générale du Festival en chanson ne sera pas chamboulée. Et lorsque le théâtre sera reconstruit, ce fameux chapiteau remplacera celui qui est installé à Grande-

Une programmation variée

À l’inverse, il y a aussi, parmi la programmation de Petite-Vallée, de ces artistes qui ont vécu toutes les étapes de l’événement, comme un parrainage complet. Une autre grande fierté du festival pour Alan Côté. «La chance que j’ai, c’est de pouvoir accompagner les artistes dès le début et jusqu’à ce qu’ils deviennent les plus reconnus de leur génération. Klô Pelgag et Philippe Brach, qui sont du

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festival cette année, sont des exemples parfaits. Ils ont fait les Rencontres qui chantent [réunissant une douzaine d’auteurs-compositeurs-interprètes] tout jeunes, autour de 20 ans, et puis ils ont participé au festival comme chansonneurs. Puis, ils ont été programmés dans de petites salles à Petite-Vallée, ils ont fait des premières parties et maintenant ils sont les vedettes. Pour moi, ça, c’est des must. C’est la même chose pour Marie-Pierre Arthur et LouisJean Cormier, qui ont fait ces étapes-là et qui sont devenus porte-parole.» Les deux passeurs cette année seront d’un évé­ nement unique, 1 fois 6, qui fait écho au mythique 1 fois 5, spectacle de la Saint-Jean de 1976 qui avait réuni Robert Charlebois, Gilles Vigneault, Claude Léveillée, Jean-Pierre Ferland et Yvon Deschamps. Cette fois-ci, la parité dans le spectacle est venue tout naturellement. Autour des deux porte-parole se rassembleront Salomé Leclerc, Ariane Moffatt, Olivier Langevin et Fred Fortin. «Louis-Jean est en sabbatique et Marie-Pierre est en année de création. On devait penser à un concept original parce qu’ils n’ont pas de nouveau show. On s’est dit qu’on pourrait avoir des invités. Ariane et Marie-Pierre avaient fait le spectacle Les louves l’an passé aux Francos et ça ressemble un peu à ça: des chansons des uns et des autres et sans doute des reprises. Ce sont des artistes d’une même génération, comme 1 fois 5 l’était. Et la beauté, c’est que ça prouve l’évolution d’une société puisqu’on a maintenant trois gars et trois filles. On n’a pas pensé à la parité, on a regardé les artistes solistes qui étaient

capables d’accompagner les autres et ça s’est fait tout bonnement. Ces artistes se sont souvent accompagnés sur scène, mais pas tous ensemble.» L’art pour l’art La motivation d’Alan Côté, à travers le Festival en chanson, c’est aussi de valoriser la création sans bornes. Lors d’une allocution cet hiver dans le cadre de l’événement Rideau, il a demandé aux diffuseurs et producteurs de croire en nos artistes, de les soutenir et de prendre des risques. «Il faut que tous les gens dans l’industrie de la musique aient une vision, une capacité d’évolution pour ne pas toujours brasser les mêmes eaux, réitèret-il. Je crois beaucoup à l’audace et à l’évolution des publics. C’est pas stagnant, un public, c’est un animal à dompter. Si tu lui donnes toujours la même avoine, il mangera la même avoine, mais si tu lui en donnes d’autres, il finira par aimer autre chose. L’image des brasseries au Québec est assez éloquente en ce sens. On buvait tous de la 50, de la Molson et de la O’Keefe à l’époque, mais là y a une effervescence et c’est pas pour rien qu’on crée de nouvelles bières aux deux jours. Les gens sont curieux. C’est correct aussi de vouloir encore sa 50. Tout est OK! Mais quand on est dans une société et qu’on travaille avec des subventions, l’État doit soutenir la création, l’art pour l’art, l’évolution de l’être humain par l’intelligence et l’art.» y Du 28 juin au 7 juillet À Petite-Vallée


LE PHÉNOMÈNE CURE, PREMIER ALBUM D’EDDY DE PRETTO SORTI LE 2 MARS, A MIS LE FEU SUR L’HUILE D’UN BUZZ DÉJÀ FOUDROYANT CHEZ NOS COUSINS FRANÇAIS. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | VINCENT DUCARD


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> À la manière de Stromae, le jeune chanteur français marie le rap à la chanson française, mais son œuvre est plus crue et incisive, Cure ayant pour thèmes principaux la recherche d’identité et la virilité. Eddy de Pretto se dévoile à nous dans une langue forte. Une œuvre coup-de-poing que le Français viendra défendre sur scène ce mois-ci. Ce sera votre premier concert à Montréal. Quelles sont vos attentes? Je suis déjà venu à Montréal, pour les Francos justement, mais comme spectateur. À l’époque, j’avais vraiment aimé. J’étais passé au festival Mural, fasciné par cette rue entière où les gens faisaient des graffitis. Pour le concert, je n’ai pas d’attentes à part celle comme d’habitude de conquérir les gens et que ça fonctionne entre nous. Je ne sais pas du tout la propension de l’affaire au Québec, donc je verrai le jour où j’y serai. J’espère être surpris! Est-ce que c’est un objectif pour vous de tenter de percer d’autres marchés francophones hors de l’Europe? Oui, l’idée de s’agrandir est une chose qui m’excite beaucoup. Pour ce qui est de tournées à venir, on verra. Je laisse le temps faire. J’adore la scène, donc plus ça va bien, mieux je me porte, mais on verra comment ça va se dessiner. Vous avez grandi à Créteil, en banlieue de Paris. Votre album Cure laisse entrevoir une enfance plus difficile que douillette. Est-ce le cas? Non, ce n’était pas une enfance particulièrement difficile. Je me sentais énormément enfermé à l’idée d’être en banlieue. On me laissait croire par mon éducation que c’était difficile de réussir, que je n’étais pas né au bon endroit. J’ai donc développé un acharnement à vouloir tout dépasser, avoir encore plus envie de réussir et faire de ma vie ce que je voulais. L’album évoque l’adolescence, la recherche d’identité, comment s’épanouir… Vous interprétez ces chansons souvent seul sur scène, mais désormais, vous êtes accompagné d’un batteur en tournée. Y a un désir de garder ça minimaliste? Pour le moment, oui, j’aime cette idée d’un spec­ tacle épuré pour revenir à l’essentiel, c’est-à-dire le texte. Je veux qu’il n’y ait pas grand-chose et qu’on puisse entendre la densité qu’il y a dans ces chansons et créer un dialogue assez intimiste avec le public malgré les scènes de plus en plus grandes. C’est ça le défi: être encore plus fort avec peu de choses sur scène. On ne monte pas sur scène de la même manière avec un orchestre symphonique comme on monte seul avec son téléphone cellulaire. Dans l’approche et la volonté de conquérir les gens, ce ne sont pas les mêmes intentions.

Dans votre interprétation se dégage une grande force, voire une violence. Pour la scène, le souffle doit être important. Devez-vous faire un entraînement? Totalement. Je chauffe ma voix tous les jours. J’ai acquis une technique pendant mes années de formation et ça me permet sur scène de ne plus y penser aujourd’hui, d’être plus dans l’inter­ prétation. Et c’est ça pour moi l’essentiel. C’est comme de l’acrobatie, un exercice quotidien qui, un jour, est intégré complètement à soi. Votre succès semble avoir été instantané alors qu’en réalité, vous avez travaillé longtemps avant de connaître la gloire. La reconnaissance publique et médiatique est arrivée extrêmement vite en effet, mais je suis sur ce projet depuis pas mal de temps. Dans les dernières années, j’ai fait des scènes de 40 places dans des caves parisiennes. Les objectifs augmentaient et j’avais cette volonté de faire grandir ce projet artistique. Après, oui, le succès est arrivé de manière fulgurante, mais je crois que c’est une question d’époque, la manière qu’on a de consommer les choses aujourd’hui. On écoute les artistes à la va-vite et on ne sait pas jusqu’à quand ça durera. Aujourd’hui, êtes-vous là où vous souhaitiez être, avez-vous de nouveaux objectifs? Oui, je suis content d’en être arrivé là. Après, main­ tenant, il faut tout reconfirmer, rejouer les cartes, et ce sera un travail intense. Rien n’est terminé. Je veux faire un deuxième album. J’ai des thèmes qui sortent de ma tête de plus en plus et il faudra passer à l’élaboration pour creuser les choses, mais en tout cas, c’est en cours! y En concert le 10 juin au MTelus dans le cadre des Francos de Montréal Cure (Universal) En vente maintenant


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TRIPTYQUE IMPROVISÉ LE PIANISTE ET CLAVIÉRISTE NEW-YORKAIS JOHN MEDESKI PRÉSENTERA NON PAS UN, MAIS TROIS CONCERTS, COMPLÈTEMENT DIFFÉRENTS, DANS LE CADRE DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL. ENTRETIEN AVEC UN VIRTUOSE AU TALENT ET AUX COLLABORATIONS APPAREMMENT SANS LIMITES. MOTS | ANTOINE BORDELEAU

«J’ai toujours adoré Montréal», lance d’emblée John Medeski lorsqu’on le questionne sur sa relation avec le FIJM. Véritable pionnier du festival devenu l’un des plus gros au monde, il a foulé ses planches pour la première fois en 1986 en compagnie du groupe be-bop Holliday Brothers. «C’est donc une très longue histoire qui me lie ici, puisque je suis repassé très souvent avec mes différents projets. Il y a toujours eu une excitation particulière à revenir à Montréal, c’est vraiment une ville inspirante où on a donné certains de nos meilleurs concerts.» C’était donc naturel pour le FIJM de lui proposer quelque chose d’un peu différent, après plus de 30 ans d’échanges. «Quand ils m’ont approché pour faire un genre de collaboration, c’était clair dans ma tête que ça devait être quelque chose de spécial. Je suis quelqu’un qui aime multiplier les projets, et l’idée est venue d’elle-même de présenter plusieurs concerts radicalement différents. Je me nourris de ces collaborations et c’est important pour moi de créer une variété d’expériences différentes pour le public. Je ne serais jamais capable de faire toujours la même chose.» Effectivement, lorsqu’on regarde la discographie (massive!) de John Medeski, on réalise rapidement que le jazzman est un véritable touche-à-tout. Piano, orgue, synthétiseur, Rhodes, Clavinet, rien qui possède des touches n’est à son épreuve. Côté stylistique, il est aussi à l’aise dans le funk et le be-bop que dans le jazz latin ou même la musique pour enfants, des genres qu’il a explorés avec un nombre incroyable de musiciens différents en plus de son trio iconique Medeski Martin & Wood. «Beaucoup de gens vont parler de leurs influences en mentionnant de grands musiciens qu’ils ont étudiés ou écoutés toute leur vie… Pour ma part, je pense que les gens avec qui je joue ont une influence beaucoup plus profonde sur mon jeu et ma conception de la musique que quoi que ce soit

que j’ai écouté dans ma vie. Ce contact réel, ce transfert d’énergies et d’idées, c’est quelque chose qui s’imprime de manière indélébile dans l’esprit créatif d’un musicien, s’il est ouvert aux autres.» Justement, en matière d’horizons musicaux grand ouverts, John Medeski pourrait faire office d’exemple. Approchant la spontanéité musicale de façon très spirituelle et étant constamment à la recherche d’expériences inspirantes, il a passé pas mal de temps en Amérique du Sud, rencontrant des peuples indigènes et partageant avec eux quelques mesures. «C’est fascinant de rencontrer quelqu’un qui a des codes et des référents culturels complètement différents des tiens. À travers des discussions et des expérimentations musicales avec des shamans, j’ai découvert qu’ils utilisaient la musique comme forme d’aide aux rituels de guérison. Ça m’a confirmé ce que j’ai toujours cru au plus profond de moi-même: la musique est un langage qui peut alléger les souffrances de toutes formes dans une certaine mesure, qu’elles soient physiques ou spirituelles, et aider les gens à mieux accepter leur réalité et affronter leurs problèmes. Ça peut sembler ésotérique, mais je crois que c’est plutôt très psychologique.» Pour ce qui est de ses performances au FIJM, John Medeski prépare toute une brochette de prestations éclatées au public montréalais. La première soirée de son triptyque sera réservée à son «organ trio» avec le guitariste d’avant-garde Marc Ribot. Les deux musiciens ayant partagé de nombreuses scènes par le passé, leur formation risque de voler dans les hautes sphères de l’improvisation champ gauche. Le second concert mettra en vedette le projet Mad Skillet, un quatuor formé par Medeski lors d’un passage à La Nouvelle-Orléans. Guitare, claviers, sousaphone et batterie s’y mêlent dans des sonorités funk modernes, quoiqu’étant bien

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ancrées dans le jazz traditionnel de la NO. Pour finir en beauté, Medeski s’entourera de deux batteurs pour son troisième concert à Montréal: Mark Guiliana et son comparse de longue date Billy Martin. Il promet une soirée tout en subtilités percussives, alors que Martin se concentrera sur des éléments de percussion variés plutôt que la batterie à proprement parler. D’ailleurs, cet entretien se conclut sur un scoop: «Je suis vraiment content de jouer à Montréal avec Billy. On vient tout juste de terminer des séances d’enregistrement avec Medeski Martin & Wood, dans le but de sortir un nouvel album sous peu. À travers toutes les collaborations que j’ai réalisées à travers les années, il y a toujours quelque chose de magique à revenir avec MMW. On est comme un vieux band rock qui n’est pas capable d’arrêter de jouer ensemble.» y

En concert les 29 et 30 juin et le 1er juillet dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal


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LE JAZZ EN COLORAMA SAXOPHONISTE ÉMÉRITE, CHET DOXAS EXPLORE LES MULTIPLES POSSIBILITÉS DE LA SYNESTHÉSIE SUR RICH IN SYMBOLS. D’AILLEURS, C’EST LUI QUI ILLUSTRE CE DISQUE. MOTS | CATHERINE GENEST

Il est le frère de Jim, le cadet d’une fratrie connue d’ouest en est pour son amour de la musique. Le jazz coule dans les veines des Doxas, ces anglos au français fluide et subtilement cassé qui rythment les scènes de Montréal de père en fils. Transplanté sur les berges de l’East River depuis trois ans, Chet vit et travaille à Brooklyn non loin du pont homonyme. C’est là, dans le quartier Dumbo, qu’il partage un local de pratique avec le guitariste Matthew Stevens et le batteur Eric Doob. Des amis, des complices précieux qui l’accompagnent souvent. Gars de gang invétéré, le soliste se laisse contaminer par les idées de ses collègues, leurs styles respectifs. Sa musique ne connaît pas de frontières. Sur son plus récent album enregistré dans le studio du quatuor pop Metric, le jazzman s’offre des expérimentations électro (les synthés sur Starcrossings) et même une batterie galopante, caractéristique du son indie rock, sur la plage no 1. Des chansons arrangées aux côtés de Liam O’Neil, connu pour son travail au sein de Broken Social Scene, son regretté groupe The Stills et ses collaborations auprès de Kings of Leon. «C’est sûr qu’il était très hands on avec cet album, confie Doxas. Il l’a réalisé et il a beaucoup, beaucoup contribué aux idées.» D’abord et avant tout, Rich in Symbols est une célé­ bration de la passion du saxophoniste pour les arts visuels. C’est aussi la sortie du placard d’un synesthète. Comme Lorde et Duke Ellington, Chet Doxas est atteint de ce phénomène neurologique un peu magique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Dans son cas, il voit certains accords en couleurs, puis la peinture et les dessins en musique. Explications. «Il y a quatre ans, je suis

PHOTO | EVAN SHAY

allé à un musée et je commençais à entendre de la musique en regardant les œuvres. J’avais la chance d’avoir un cahier de musique dans mon sac et j’ai commencé à composer juste comme ça, à l’oreille. Les premières fois, c’était tellement fulgurant que je devais écrire très, très rapidement. C’était des affiches du mouvement Art nouveau. Après ça, je suis allé dans une autre expo et ça m’a fait la même chose devant une toile de Georgia O’Keeffe. C’est là que j’ai vu que quelque chose se passait.» C’est à la suite de cette révélation qu’il détermine la ligne directrice de Rich in Symbols. Toutes les pièces lui seront inspirées par des œuvres du New York des années 1970 et 1980. Une époque marquée par le no wave, les débuts du graffiti, les balbutiements de Madonna, la fraîcheur des Talking Heads. «Toutes les scènes se mélangeaient, il y avait une telle unité dans l’art! Ça me fascine de voir comment la musique a influencé les arts visuels et vice-versa. Je suis donc allé au MoMA et au Whitney Museum et j’ai commencé à composer devant les œuvres.» C’est ainsi que naissent ses «trames sonores» pour les dessins de Keith Haring, les toiles de Jean-Michel Basquiat, les photographies de Robert Mapplethorpe, de Robert Longo et de Nan Goldin. Jamais prisonnier des stéréotypes Chet Doxas donne dans l’autodérision avec son le récent vidéoclip de Starcrossing, un petit film reprenant l’esthétique surannée des VHS. Trop longtemps, à cause de Kenny G et Careless Whisper de George Michael, on a associé le son du saxophone à quelque chose de quétaine. «C’est clair que c’est un clin d’œil à ça [l’ancienne réputation de mon

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instrument]. Je trouve juste ça tellement drôle! Mais je pense que Broken Social Scene a été très important dans la renaissance des cuivres et du saxophone. Eux autres, ils n’ont jamais utilisé les cuivres comme quelque chose de kitsch. Ça fait partie de leur son! Il y a aussi eu Midnight City de M83. J’adore cette chanson! À la fin, le solo de sax, il est juste sur la ligne. Est-ce que c’est kitsch ou est-ce que c’est cool? C’est très le fun de se poser cette question, parce que c’est les deux. Il y a quelque chose de vintage, mais aussi de tellement cool, d’un peu dangereux dans le son. On dirait que ça raconte l’histoire de quelqu’un qui fait quelque chose de pas correct à 4 heures du matin.» Colin Stetson et le projet d’Anthony Gonzalez évoqué plus haut ont su renverser la vapeur. Mais Chet Doxas ne pousse pas la note: il sait s’effacer pour mieux servir les chansons et laisser de la place

aux autres instruments. «C’est une grande leçon de vie que la musique peut nous enseigner. Je pourrais jouer un million de notes, mais sur l’album, il y a comme deux solos de saxophone. C’est tout ce que ça prenait.» y

Rich in Symbols (eOne Music) Offert maintenant 3 juillet au Gesù (Dans le cadre du FIJM) 4 juillet à l’Espace Côté Jardin (Dans le cadre du Festivoix) 5 juillet au Théâtre Petit-Champlain (Dans le cadre du Festival d’été de Québec)


À ÉCOUTER

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HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL

COEUR DE PIRATE EN CAS DE TEMPÊTE, CE JARDIN SERA FERMÉ (Dare to Care) HHH 1/2

COURTNEY BARNETT TELL ME HOW YOU REALLY FEEL

(Milk! / Mom + Pop / Marathon Artists) HHHH

Sur son deuxième album solo, Courtney Barnett en appelle à la franchise et à l’humilité, exhibant sa tristesse et sa colère avec résilience, sans tomber à tous coups dans l’émotion brute. En guise de contraste, l’Australienne utilise sa voix veloutée et enveloppante qui se veut rassurante et réconfortante, comme pour nous signaler qu’en cas de tempête, tout va finir par être correct. «La noirceur dépend de l’endroit où l’on se trouve», image-t-elle sur Help Your Self. Jointe par le réalisateur Burke Reid, le batteur Dave Mudie et le bassiste Bones Sloane, la même équipe qui l’avait accompagnée sur son premier album acclamé en 2015, l’auteure-compositrice-interprète de 30 ans livre un rock à la fois simple et puissant, qui se développe avec profondeur dans ses instants les plus acerbes (I’m Not Your Mother...) et les plus sensibles (Sunday Roast). Une suite digne, quoique moins percutante. (O. Boisvert-Magnen)

Il devrait, depuis fort longtemps d’ailleurs, être acquis que Béatrice Martin est une auteure d’exception. Après moult expérimentations dans la langue de Kate Bush, la voilà qui revient à ce qu’elle fait de mieux. C’est en français qu’elle livre quelques-uns de ses meilleurs textes à ce jour, des paroles cryptées comme celles du brûlot pop Prémonition ou de cette énigmatique complainte intitulée De honte et de pardon. Plus que jamais, elle se vautre dans une prose dont elle seule connaît le secret, presque une réponse à la presse jaune qui se régale des potins la concernant. On se surprend aussi à dodeliner de la tête sur la vaste majorité des pièces, de son exercice de style avec le rappeur du moment (Loud, Dans la nuit) aux rythmes subtilement exotiques de Combustible. Audace et constance. (C. Genest)

JON HOPKINS SINGULARITY (Domino) HHHH Cinq ans après le célébré Immunity, Jon Hopkins remet la table avec le légèrement psychédélique Singularity. En neuf titres oscillant entre techno sinistre et envolées ambient célestes, le musicien/producteur/DJ présente ce qui semble être deux univers parallèles bien distincts, sorte de dualité sonore entre la terrible réalité de notre monde et son indicible beauté. Ombre et lumière, machine et piano. Hopkins, par sa sensibilité et une délicate mise en scène sonore, les rend complémentaires. Ainsi deux mondes, aux musiques parfois improvisées, s’affrontent et cohabitent avec grâce. La complémentarité et l’unicité de Singularity résident donc plus dans son ensemble que dans l’étude de chacune des neuf pièces. Cela dit, il est aussi possible de trouver que ce disque est décousu, que certains titres sont inutilement trop longs... C’est le risque avec une œuvre comme celle-ci, mais Singularity vaut la peine qu’on s’y attarde. (P. Baillargeon)

OBIA LE CHEF SOUFFLETTE (7ieme Ciel) HHHH Grâce à ce premier album solo en carrière, Obia le chef s’impose comme l’un des rappeurs les plus talentueux et pertinents au Québec. Alternant avec un parfait équilibre entre flow chanté à la mode et débit stoïque réglé au quart de tour, le vétéran montre à tous ses pairs qu’on peut adopter les tendances trap du moment sans verser dans l’insipide exercice de style. Intraitable au micro, comme nous l’avaient jadis prouvé ses prouesses aux WordUP! Battles et aux combats de mots de Plus on est de fous, plus on lit!, le Montréalais livre des textes en apparence simples, mais aux doubles sens riches, s’ouvrant avec une certaine retenue sur son passé sinueux, thème fertile qu’il gagnera à creuser davantage sur un second opus. Épaulé par les producteurs étoiles Freakey!, DoomX, High Klassified, Kaytranada et Benny Adam, coréalisateur de l’album qui signe la bombe afropop tropical Pas né, Obia donne une soufflette cinglante à la scène hip-hop montréalaise, qui manquait quelque peu de mordant ces derniers mois. (O. Boisvert-Magnen)

KATAKLYSM MEDITATIONS (Nuclear Blast Records) HHHH Une fois qu’on sait que le groupe montréalais a composé les morceaux de son 13e disque après sa tournée de l’automne 2017 dédiée aux albums Shadows & Dust (2002) et Serenity in Fire (2004), le lien de parenté entre les trois parutions est encore plus évident. On y retrouve entre autres la rythmique galopante des chansons qu’on s’approprie dès la première écoute de Meditations. Kataklysm continue aussi de mettre beaucoup l’accent sur le côté mélodique de son death métal. Ce n’est pas un défaut, surtout quand les mélodies accrocheuses contrastent efficacement avec les décharges de puissance défoulatoire, comme c’est le cas sur Guillotine, The Last Breath I’ll Take Is Yours, Born to Kill and Destined to Die et In Limbic Resonance. (C. Fortier)


DISQUES 33 VOIR MTL

NOZEN SIT

ROVA SAXOPHONE QUARTET IN TRANSVERSE TIME

(Malasartes) HHH 1/2

(Disques Victo / Dame) HHHH

noZen est un quartette plutôt atypique et intrigant formé du vétéran Pierre Tanguay à la batterie, du prolifique Jean-Félix Mailloux à la contrebasse, du trop rare guitariste Bernard Falaise – toujours très électrique – et d’un conteur poète, l’Argentin Damian Nisenson au saxophone et, occasionnellement, au chant. Sept ans après un premier opus, sept ans pendant lesquels chacun aura cumulé une multitude de projets personnels et de collaborations diverses, les voilà, les quatre, à nouveau réunis. Et ce, par pur plaisir, faut-il le préciser? En tout cas, cette musique nous amène tout naturellement dans son errance à travers l’univers sud-américain et les traditions juives, notamment avec le chanteur Boaz Davidoff (le titre Dans ta main) qui semble avoir été enregistré en pleine synagogue. À la fois sombre et très spontané, noZen aboutit par moments à une espèce de free-jazz contemporain qu’il faudrait mieux qualifier de «free world-jazz». Merci pour le trip, les gars! (R. Boncy)

Si l’on peut parler de «classiques» dans la programmation du Festival international de musique actuelle de Victoriaville, le quatuor de saxophones Rova est certainement de ceux-là. Venu fêter ses 40 ans dans le cadre du FIMAV en mai dernier, il livrait pour l’occasion la matière de cet album. Mais ce disque enregistré en studio est beaucoup plus satisfaisant, surtout parce qu’il offre un son beaucoup mieux défini que le magma réverbérant d’une église. Seule Hidden in Ochre, de Larry Ochs, expressément composée pour un «espace résonnant», pouvait vraiment profiter d’un tel lieu. Toutes les pièces du disque profitent par contre d’un mastering impeccable de la part de Myles Boisen. C’est peut-être aussi la longévité de l’ensemble qui explique ses incomparables qualités sonores. (R. Beaucage)

KIRAN AHLUWALIA 7 BILLION (Pinwheel Music / Six Degrees) HHH 1/2 La chanteuse est née en Inde et a grandi au Canada avant de s’installer récemment à New York. Celle qui a obtenu deux fois le prix Juno du meilleur album de musique du monde offre un étrange mélange musical de desert blues (elle a collaboré avec les Maliens de Tinariwen), de jazz-rock aux accents funky et de musiques indo-pakistanaises. 7 Billion, son septième album, célèbre les points communs entre les sept milliards d’habitants qui peuplent notre vieille planète; des migrants en majorité, quelque part dans leur histoire ancienne ou dans leur cheminement actuel. À noter la présence d’un petit futé, Louis Simão (orgue et accordéon) et l’implication du super guitariste Rez Abbasi, le fidèle compagnon de route de la dame, à titre d’arrangeur et de réalisateur. (R. Boncy)

SUSAN ALLEN, CALARTS ORCHESTRA GLORIA COATES: PIANO QUINTET 1, SYMPHONY NO. 10 (Naxos) HHHH La compositrice américaine Gloria Coates aura 80 ans en octobre 2018, et elle serait, avec ses 16 symphonies, la femme ayant le plus contribué à ce genre musical dans l’histoire de la musique. Les deux œuvres présentées ici sont enregistrées pour la première fois. Coates utilise beaucoup dans son Piano Quintet les glissandos qui sont sa marque de commerce, mais en plus, ici, la moitié du quatuor à cordes Kreutzer est accordée un demi-ton plus haut que l’autre, ce qui fera certes grincer quelques oreilles! Sa dixième symphonie est aussi passablement surprenante, avec un deuxième mouvement totalement confié aux percussions! Le langage minimaliste de l’œuvre, qui salue la spiritualité des druides celtes, est pour le moins provocateur. (R. Beaucage)

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KIEFER HAPPYSAD

(Stones Throw) HHHH 1/2

Le multi-instrumentiste et beatmaker angelin Kiefer arrive enfin avec un second opus complet qui fait suite au novateur Kickinit Alone, paru l’an dernier. La courte période séparant ces albums a visiblement servi d’incubateur pour son talent indéniable: cette nouvelle sortie flotte très, très haut au-dessus de la mêlée de ce qui se fait dans les cercles combinant l’alt-rap et le jazz moderne. En plus d’y retrouver toute la fougue improvisationnelle du pianiste, on peut y entendre des collaborations éclatantes avec Kaytranada, Jonah Levine et Paul Castelluzzo qui viennent sublimer l’essence déjà riche contenue dans les harmonies et les arrangements inventifs de Kiefer. Avec Happysad, ce dernier rejoint assurément les rangs de la A-Team des musiciens issus de LA Beat Scene. (A. Bordeleau)


34 CHRONIQUE VOIR MTL

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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

LE SPECTROU C’est ainsi qu’on désigne le site, le terrain vacant, le néant laissé par la démolition du Spectrum, salle mythique qui avait abrité jadis le cinéma Alouette qui présentait les films de Fernandel et le Club Montréal qui accueillait U2 en 1981. On ne soulignera sans doute pas le 10e anniversaire du Spectrou en 2018. Dix ans, c’est pourtant beaucoup pour un trou. Le Spectrum, œuvre de Spectra Scène imaginée par Alain Simard et André Ménard, était une salle polyvalente et multidisciplinaire de 1000 places qui allait accueillir 250 000 spectateurs et 200 spectacles par année pendant 25 ans – 5346 événements pour être précise. En 2007, l’échéance du bail emphytéotique venue, et alors que la salle avait grand besoin d’être rafraîchie, on a mis la clé dans la porte. Le 5 août 2007, c’est Michel Rivard, détenteur du record du plus grand nombre de spectacles donnés au Spectrum, soit 54, qui a éteint les lumières de la salle comme il éteignait celles de la ville dans sa chanson Schefferville. Je m’en souviens, j’y étais. J’ai assisté à 2389 des 5346 spectacles présentés là. J’exagère à peine. De La Bottine souriante à Renaud, de Souchon à Bélanger, de Plume à Paolo Conte, de Miles Davis à Astor Piazzolla, de Buffy Sainte-Marie à Marjo, de Rivard à Séguin, de Flynn à Desjardins. J’y ai même présenté quelques shows. J’ai donc eu l’occasion de fréquenter les coulisses dont la vétusté et l’exiguïté étaient mondialement renommées. D’autres vous parleront de Metallica, de Sting, d’Iggy Pop, de Peter Gabriel, de Radiohead, de La p’tite vie, de RBO, de Samedi de rire. Il fallait démolir vite, et que ça saute! Alors on allait entreposer les fameux rideaux noirs sertis d’ampoules blanches en attendant la réouverture… ailleurs… du Spectrum. On devait ériger en lieu et place du Spectrum bientôt, très bientôt, plus haut, plus gros, une tour à bureaux, des boutiques et puis des condos et puis… rien. La crise. Et puis 10 ans de Spectrou.

Le Spectrum a sa page Facebook, 104 amis. On peut y voir Plume live en 1985, Marjo live en 1987, le tout jeune Daniel Bélanger chanter Il fait froid, on gèle en 1993, et aussi des dizaines de photos de la démolition. Tous les ans quand viennent les beaux jours, la fin de ma saison de radio et les FrancoFolies, je repense au Spectrum et fréquente le Spectrou. On y monte quelques scènes éphémères qui portent des noms de bières pendant les festivals, mais toujours ce trou. Parce que c’est bien là, en septembre 1989, qu’ont été créées les FrancoFolies de Montréal, bébé de l’animateur français Jean-Louis Foulquier, adop­ tées et adaptées au Québec par Alain Simard et Guy Latraverse. En 1989, les FrancoFolies c’était neuf spectacles au Spectrum en neuf jours du 7 au 16 septembre. Huit doubles plateaux et une émission de télé qui allait être présentée dans toute la francophonie constituaient la programmation des premières FrancoFolies de Montréal. Tous les soirs, un.e artiste québécois.e montait sur scène avec un.e artiste de la francophonie. Les premiers furent… Michel Rivard et Maxime Leforestier, et puis Edith Butler et Véronique Sanson, Louise Forestier et la regrettée Maurane, Richard Séguin et Daniela Simmons, chanteuse italienne qui avait représenté la Suisse à l’Eurovision en 1986 et qui n’avait pas été prévenue qu’il valait mieux chanter en français aux FrancoFolies de Montréal. La pauvre est demeurée célèbre pour avoir été copieusement huée au Spectrum ce 10 septembre 1989. On n’a plus jamais entendu parler de Daniela Simmons. Le lendemain, Pagliaro partageait la scène avec Higelin… le regretté, Robert Charlebois avec le groupe antillais Malavoi, Pellegrin El Kady et Loketo... Le naissant Jean Leloup, grand frère d’Hubert Lenoir (ne voyez-vous des airs de famille?), était quant à lui à l’affiche du Spectrum avec Noir Désir.

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35

En 1990, la deuxième édition des Francos présentée du 30 novembre au 8 décembre accueillait entre autres à la Place des Arts, au Club Soda (qui, à l’époque, était situé sur avenue du Parc) et au Spectrum Higelin fils, Arthur H, qui sera sur scène cette année, Moustaki, re-Jean Leloup et sa Sale Affaire, Gilles Vigneault qui aura 90 ans cette année et qu’on honorait déjà, Jim Corcoran qu’on n’entend plus qu’au micro de sa propre émission de radio et Patriiiiiiiiick Bruel. C’était parti pour ne plus s’arrêter jamais. C’est cruel de ressentir de la nostalgie pour un trou qui ne le fut pas toujours. Parce qu’autour du trou, il y a tout un amas de moments jolis qui furent emportés dans les décombres. Ceux des alentours aussi, ceux d’une époque sans doute. D’un bout de vie aussi. Comme le dit Perec, je me souviens de… Souchon ayant fait fermer la clim au Spectrum par 40 degrés, de Reggiani à la Place des Arts que j’ai vu depuis les coulisses, assise sur un road case, du spectacle d’ouverture en 1993 Jacques Brel, 15 ans déjà, premier

spectacle que j’ai conçu et animé sur scène avec Piché, Rivard, Dubois, Leloup, Jean-Louis Millette. On présente cette année Brel symphonique. Je me souviens aussi de Salut Félix!, spectacle d’ouverture en 1994. Aïe, aïe, aïe… la fois où je suis morte… Je devais faire mes présentations depuis les coulisses en voix off. À 17h30, après la générale, on me dit: «On s’est trompé, tu dois être sur scène pour tes présentations, autrement on te cherche… Préparetoi, on va te trouver des vêtements.» Il y avait dans la salle le pape Foulquier, le premier ministre Jacques Parizeau et 3000 autres personnes. Doux Jésus!!! Je me souviens aussi de Pierre Lapointe tout seul à 4 heures de l’après-midi en plein soleil sur la scène Le Lait en 2002. Cette année, c’est le 30e des FrancoFolies!!! Dix jours, 350 spectacles, 1000 artistes de 10 pays et 1 million de visiteurs. Et encore une fois, j’en serai. Après avoir fait une émission spéciale 10e, une spéciale 20e, voilà que je vais faire une spéciale 30e. Au train où ça va, si je suis la voie de mon collègue Homier-Roy, je serai là pour le 40e et le 50e itou. Parce qu’une chanson, c’est bien plus qu’une chanson. Et tant pis pour le trou. On le contournera encore cette année. y



CINÉMA 37 VOIR MTL

VO3 #O6

HEREDITARY: ESPRITS MALADES POUR DISTILLER L’ANGOISSE QUE GÉNÈRENT LE DEUIL ET LA MALADIE MENTALE, ARI ASTER FILME DES PIÈCES VIDES ET MENAÇANTES, MULTIPLIE LES LENTS TRAVELLINGS ET S’APPUIE SUR UNE BANDE-SON STRESSANTE. DES PROCÉDÉS QUI NE SONT PAS SANS RAPPELER LE CINÉMA DE JOHN CARPENTER. MOTS | CÉLINE GOBERT

Tout commence avec des funérailles: celles de la grand-mère, Ellen. Annie (Toni Collette), mariée à Steve (Gabriel Byrne) et mère de deux enfants (Alex Wolff et Milly Shapiro), doit alors composer avec la disparition de cette femme qui souffrait de certains désordres psychologiques et avec qui elle entretenait une relation complexe. Mais le pire reste encore à venir... «Pour moi, il a toujours été question dès le début de faire un film d’horreur existentiel autour d’une tragédie familiale, explique Ari Aster. Ce qu’il y a de beau avec le genre, c’est qu’il permet une catharsis. On commence avec un drame sur le deuil et le traumatisme, et on laisse aller les personnages vers une conclusion logique, mais surtout émotionnelle, où ils s’autorisent à ressentir leurs émotions.» Cette volonté d’offrir une horreur plus minimaliste et intellectuelle, au rythme très lent, est devenue la marque de fabrique de la société américaine de distribution et de production A24 Films, fondée en 2012. En proposant récemment des films à l’horreur plus psychologique et cérébrale comme A Ghost Story, The Witch, Under the Skin ou encore Woodshock, A24 Films vient compléter à merveille (ou concurrencer, c’est selon) ce que proposent les productions Blumhouse depuis 2000, soit des films aux traitements formels plus frontaux, et souvent dopés aux jump scares comme Ouija, Insidious, Paranormal Activity, voire Get Out de Jordan Peele. Quant aux films estampillés IFC Midnight (les récents Lowlife, Killing Ground, ou Would You Rather en sont de bons exemples), ils versent beaucoup moins dans l’émotion que ceux d’A24.

Dans Hereditary, la dimension émotionnelle est évidente, dévasta­trice. Car si Ari Aster utilise les codes de l’horreur – que ce soit du film de fantô­mes, de maison hantée ou de possession –, c’est pour mieux illustrer le malaise et la détresse psycholo­ gique qui accompagnent l’éclatement d’une cellule familiale éventrée par le deuil et la maladie mentale. Derrière les frissons se cache donc une charge émotionnelle incroyable que les jeux épi­ dermiques des quatre acteurs principaux conjugués à une approche psychologique des personnages minutieuse rendent très intense, voire gorgée de tristesse par moments. «Je suis vraiment fier de la performance des acteurs, explique Aster. Mais tout était dans le scénario. Pour une scène donnée, il était spécifié que l’acteur devait hurler, par exemple. J’attendais d’eux à ce qu’ils aillent jusqu’au bout, et ils étaient tous très investis.» Esthétique du cauchemar À l’écran, c’est à l’aide d’apparitions d’entités bizarres, de décapitations, de crises d’hystérie sur fond de séances de spiritisme qui dégénèrent ou encore d’hallucinations sonores et visuelles oppres­ santes que le cinéaste américain de 31 ans déploie une esthétique du cauchemar extrêmement soignée, qui bascule dans la terreur pure et les ténèbres à mesure que les personnages perdent l’esprit. En plus d’utiliser le lieu cloisonné (ici: une maison aux multiples pièces, aux longs couloirs et au grenier inquiétant compris), Aster opère un mouvement d’emprisonnement et d’isolement similaire à celui qu’avait l’habitude de mettre en place John

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Carpenter dans ses films. En effet, dans The Fog ou In the Mouth of Madness, Carpenter enfermait ses personnages dans des villes. Dans Halloween, ils étaient coincés dans une maison. Dans The Thing, une station scientifique en Antarctique. Dans Hereditary, les personnages deviennent petit à petit prisonniers d’eux-mêmes et de leur propre cerveau malade. D’un point de vue métaphorique, Aster personnalise en outre les démons intérieurs qu’on hérite fatale­ment de nos parents ou de notre famille. La peur de l’autre, mais aussi de soi-même, y contamine de la même manière les esprits et fait ressurgir les dysfonctions du groupe. «Je voulais que le film rappelle la tragédie grecque, avec des personnages qui n’ont aucun contrôle sur ce qui leur arrive, indique le cinéaste. Les petites maisons que crée le personnage d’Annie servent de métaphores à cette idée. Les personnages y apparaissent comme des petites poupées, manipulées par des forces extérieures et vidées de tout libre arbitre.»

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Ce n’est pas la première fois qu’un film de la nouvelle vague horrifique rappelle le cinéma de Carpenter. It Follows de David Robert Mitchell, It Comes at Night de Trey Edward Shults et The Witch de Robert Eggers, tout comme le fait Hereditary, se servent aussi du huis clos pour mieux révéler les angoisses de leurs personnages. «J’adore John Carpenter! Tout particulièrement The Thing. C’est vrai que je pensais aux premiers Carpenter ou à David Cronenberg pour les éléments de body horror. Mais pour le reste, mes influences étaient plutôt Don’t Look Now de Nicolas Roeg, les premiers Polanski, et des films d’horreur japonais comme Kwaidan, Kuroneko, ou encore Empire of Passion.» Enfin, la bande-son, comme chez Carpenter, s’im­pose comme un élément-clé dans la progression de l’horreur – que serait Halloween sans sa musique culte terrifiante? Dans Hereditary, la partition du saxophoniste Colin Stetson, parsemée de dissonances et de notes agressives, crée un climat suffocant. «Je suis un fan de la première heure de Stetson», confie le cinéaste, qui a écrit le scénario en écoutant les compositions du musicien. «Je trouve sa musique particulière, fascinante. Il utilise le cor, le saxophone et la clarinette pour créer un son nouveau qu’on n’a jamais entendu avant. Sa musique est un moteur qui fait avancer le film vers l’inévitable. La bande originale a conscience de ce mouvement, elle nous y conduit.» D’ailleurs, pour composer la musique, le réalisateur n’avait donné qu’une seule consigne à Stetson: que ça sonne… maléfique! y Sortie le 8 juin

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LA VALEUR DU VALEUREUX ON NE SAIT PRESQUE RIEN DE LA CHUTE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN, SINON QUE DENYS ARCAND Y REVIENT À SES PREMIÈRES AMOURS POUR LE FILM SOCIAL AUX ACCENTS POLICIERS, AVEC UNE DISTRIBUTION ÉTOILE. AU CENTRE DE CETTE CONSTELLATION GRAVITE ALEXANDRE LANDRY, UN JEUNE COMÉDIEN AUSSI DISCRET QUE DOUÉ, QUI CHEMINE BELLEMENT SANS JAMAIS PAVOISER. MOTS | NICOLAS GENDRON

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Dès sa sortie de l’École nationale de théâtre en 2009, où il joue tour à tour Hamlet ou un Petit Prince aviné, Alexandre Landry a la chance de pratiquer son métier, jouant de cape et d’épée dans le rôletitre des Aventures de Lagardère, à La Roulotte puis en tournée, avant d’incarner un amoureux toxique dans le téléroman Destinées. Si le petit écran n’a jamais cessé de lui faire les yeux doux, de 30 vies jusqu’au fameux Todore Bouchonneau des Pays d’en haut, c’est par le cinéma qu’il marque assurément les esprits. Son jeune handicapé intellectuel qui s’amourache de Gabrielle est bluffant de vérité dans le film du même nom signé Louise Archambault, tout comme son prostitué sous influence dans le troublant L’amour au temps de la guerre civile, de Rodrigue Jean: deux fortes compositions qui lui valent prix et nominations, entre autres à Angoulême et au Gala du cinéma québécois. Entretemps, il endosse en 2011 les habits du deuil dans la pièce Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard, un rôle qui lui vaudra d’être remarqué par un certain Denys Arcand… Sept ans plus tard, le voilà au cœur du nouveau film de l’un des créateurs les plus emblématiques de notre cinéma (Gina, Jésus de Montréal, Les invasions barbares), qui devait d’abord s’intituler Le triomphe de l’argent, avant d’être rebaptisé La chute de l’empire américain. Tiens donc! «Quand j’ai obtenu le rôle, j’ai regardé tous ses films, certains pour une deuxième fois», avoue l’acteur, particulièrement bon élève. «C’est un dialoguiste incroyable, qui parle toujours en son temps, de nos travers et de nos angoisses, mais aussi de notre lumière. Son

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CINÉMA 41 VOIR MTL

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42 intelligence tient d’abord à l’écoute, car impossible d’avoir un tel discours sans te cultiver, lire les journaux, t’imprégner de la société dans laquelle tu vis. Et cette écoute-là se traduit par la liberté qu’il nous accorde sur le plateau, en respectant la part de création de chacun; c’est vraiment précieux.» Entouré de Rémy Girard, Louis Morissette, Maripier Morin ou Pierre Curzi, Landry interprète ici un docteur en philosophie qui, au hasard de son emploi alimentaire de livreur, assiste à un hold-up raté. Une fortune lui pend alors sous le nez, et du même coup sa destinée. Comme un artisan Ce grand blond avec un air courtois, la barbe «en jachère» – selon ses propres mots – au moment de l’entrevue, est toujours aussi curieux de tout, surtout de l’Autre. «Je lis plus qu’avant, entre autres grâce aux scénarios et aux références que je grappille autour de moi. Mais j’ai toujours eu un intérêt pour la philosophie. J’ai écrit à Denys que le projet tombait pile-poil dans ma volonté de connaître les différentes doctrines d’hier et d’aujourd’hui. Je lisais Nietzsche, alors que j’aurais pensé que ça m’était inaccessible avant. Quand c’était trop aride, je me disais que ce n’était pas pour moi. Mais le

«C’EST UN DIALOGUISTE INCROYABLE, QUI PARLE TOUJOURS EN SON TEMPS, DE NOS TRAVERS ET DE NOS ANGOISSES, MAIS AUSSI DE NOTRE LUMIÈRE.» philosophe Marc-Aurèle, par exemple, je connecte vraiment avec sa façon d’appréhender la vie. À 33 ans, je n’ai pas fini d’apprendre. Personnellement, je m’impose des défis. T’as rien à faire? Alors, apprends quelque chose, un jour ça te sera utile; ou sinon, t’auras entraîné ton cerveau!»

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43 Ce qui n’exclut pas pour lui le corps, car ses qualités athlétiques, héritées à la fois des arts martiaux, de la boxe et du temps où l’armée lui permettait de payer ses études d’acteur, l’ont mené vers les rôles les plus divers: tireur d’élite dans Blue Moon, criminel sans envergure dans De père en flic 2, danseur nu dans Cheval-Serpent, puis nouveau riche en fuite chez Arcand. «L’homme fort Elliott Hulse rappelle que le cerveau ne s’arrête pas à la nuque, raconte le comédien. Et ça me parle beaucoup. Mon cerveau se déploie et s’oxygène dans le mouvement, la détente, la méditation. Et c’est une chance que mon métier sollicite autant mon corps que mon cerveau.» La profession est souvent associée, à tort ou à raison, à la performance. «D’un côté, être en santé m’offre plus de possibilités dans ma palette d’interprète, convient Landry. C’est un atout d’être capable de tolérer le stress, de me transformer physiquement. Mais j’essaie aussi de me détacher du souci de performer. Parce qu’à trop vouloir tout contrôler ou impressionner les autres, tu finis par travailler contre toi-même. Je ne compte pas les heures, je fais tout ce qu’il faut pour me préparer, mais après, je plonge comme si c’était la première fois, comme un enfant en train de créer.»

Se tenant loin des micros qu’on voudrait bien lui tendre, vite étourdi par la lumière intense que lui projette la facette glamour du métier, Alexandre se considère d’abord comme un artisan. «J’enregistre mes auditions vidéo dans mon salon ou je répète mes textes dans la forêt. Je suis minimaliste, je porte toujours les mêmes cinq t-shirts! Je préfère ne pas trop m’exposer, pour qu’ensuite les réalisateurs et le public puissent m’oublier derrière un personnage. Devant une personnalité trop connue, à mon avis, c’est plus difficile de croire en la magie. En même temps, Christian Bégin l’a fait magnifiquement dans Le problème d’infiltration...» Et à supposer que l’argent triomphe de tout – du moins il faudra voir le film d’Arcand pour s’en convaincre –, l’acteur a-t-il une valeur marchande comme tout le reste? «IMDb me donne une cote de star, mais à quoi bon? C’est éphémère, parce que ça ne t’est pas intrinsèque. Le jour où tu n’as plus de job, il faut que tu te souviennes que t’as de la valeur. Qui te suit? Combien tu vaux sur le marché? Ça ne veut pas dire grand-chose, ultimement. Mais quand t’as eu une bonne journée, que t’as l’impression d’avoir grandi ou appris, ça, c’est tangible à mes yeux, et personne d’autre que moi peut calculer ça.» y La chute de l’empire américain Sortie en salle le 28 juin

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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

AUTODÉFENSE INTELLECTUELLE FINANCIÈRE On apprenait ces jours-ci que la Sûreté du Québec vient d’ouvrir une enquête pour une fraude pouvant osciller entre 1 et 2 millions de dollars. Le ou les suspects auraient reçu ces sommes importantes de dizaines de personnes. L’affaire, disent les enquêteurs, semble être une fraude à la Ponzi. Elle me fournit une belle occasion de proposer un peu d’autodéfense intellectuelle financière. Mais d’abord, qu’est-ce qu’une fraude à la Ponzi?

nouveaux investisseurs… et ainsi de suite. Ponzi se prend bien entendu au passage d’immenses sommes. On l’aura compris: une telle pyramide ne subsiste que tant que de nouveaux et de plus en plus nombreux investisseurs arrivent et lui permettent de tenir debout. Et comme la population de naïfs (et même la population tout court…) est limitée, si tout va bien, il vient immanquablement un moment où il est impossible d’en recruter suffisamment: et tout va alors mal!

La méthode Ponzi Ce type de fraude doit son nom à un Italien immigré aux États-Unis, Charles Ponzi (1882-1949) – détail peu connu: son par­cours l’a mené à travailler un temps pour une banque à Montréal. Ce nom est resté, même si Ponzi n’a pas été le premier à pratiquer ce type de fraude.

La pyramide de Ponzi a pris fin à l’été 1920 quand des journaux ont entre autres remarqué que, pour continuer, l’entreprise mise sur pied par Ponzi devrait acheter des millions de coupons, alors qu’il n’y en avait que quelques dizaines de milliers en circulation… Des émules

Flash-back. Nous sommes en 1920 et Ponzi, alors à Boston, remarque qu’on peut vendre avec profit, aux États-Unis, des coupons de poste achetés en Italie. Rien jusque-là d’illégal. Mais Ponzi promet aux investisseurs qui achèteront ces coupons des rendements faramineux (50% en 45 jours!), qu’il paie en effet aux premiers investisseurs… mais avec les rentrées d’argent de nouveaux investisseurs attirés par l’extraordinaire affaire, eux-mêmes payés avec l’argent de

Ponzi a eu de nombreux successeurs, jusqu’à son émule québécois évoqué plus haut. Il a même eu, on l’a dit, des prédécesseurs. Dans tous ces cas, le procédé joue sur la crédulité de gens qui s’en remettent au comportement d’autrui pour prendre une décision sur un sujet sur lequel ils sont peu informés, voire pas du tout. Dans des circonstances singulières, ou lorsqu’un habile charlatan en profite ou les crée, cela peut mener très loin beaucoup de monde.

Des exemples? On se souviendra peut-être de Bernard Madoff, actuellement en prison pour pur­ger une peine de 150 ans. La fraude de sa pyramide de Ponzi, orchestrée sur des mil­liers de clients depuis sa réputée société d’investissement de Wall Street, a été dévoi­lée en 2008. Le montant en cause est parfois estimé à plus de 60 milliards de dollars américains. On se souvient moins de Thérèse Humbert (1856-1918), riche grande dame du ToutParis. Sa fortune lui vient, dit-elle, de l’héritage laissé par un millionnaire américain croisé par hasard sur un train et à qui elle a sauvé la vie. Cette fortune est déposée dans un coffre placé dans une banque. On l’ouvrira et elle pourra toucher sa fortune, mais seulement quand un certain mariage aura été consommé. En attendant, elle emprunte sur cet héritage. Les prêteurs prêtent, sur l’exemple des prêteurs précédents. Eh oui: tout cela finira comme vous avez deviné que ça doit finir, c’est-à-dire mal pour les prêteurs. Une fois ouvert sur ordre de la justice, ce coffre se révélera vide. Pensez encore à la toute récente bulle spéculative, dite bulle internet, de la fin des années 1990, et au krach qui s’ensuivit. Tout le monde achetait, confiant, parce que tout le monde achetait, confiant…


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> Et que dire de l’affaire des tulipes aux Pays-Bas, au 17e siècle, la fameuse tulipomanie? Elle est une des toutes premières bulles spéculatives et une illustre prédécesseure de ce qui est en jeu dans un schème de Ponzi. Le bulbe de tulipe aurait alors, semble-t-il, valu jusqu’à 10 fois le salaire annuel d’un ouvrier spécialisé; il se serait échangé contre une maison ou contre des hectares de terre. Dans tous les cas, on le voit, ce qui est en jeu, c’est cette forme particulière de crédulité qui fait suivre l’exemple de ses semblables présumés savants pour prendre des décisions dans un domaine inconnu ou méconnu. Pourquoi ça marche et comment se protéger Stephen Greenspan est un psychologue spécialiste de la crédulité («gullibility»), cette tendance à être manipulé par une ou plusieurs personnes. Il a pourtant perdu des sommes considérables en étant dupé par Madoff. Son cas est courant et s’explique en partie par la paresse: ignorant dans ce domaine, il a imité le comportement des autres sans (se) poser de questions. Il aurait dû… Mais bien des experts se sont aussi fait rouler par Madoff. Cherchant à comprendre comment cela a été possible, Greenspan a proposé quatre variables qui entrent alors en jeu. Ce sont: la situation; la cognition; la personnalité; les émotions. La situation est ce microcontexte où entrent en scène des gens connus ou des réputations qui influencent vos décisions; les émotions sont celles qui vous motivent et dont vous devez prendre conscience (appât du gain? désir de sécurité financière? autre chose?); pour les apprécier, la cognition doit jouer un grand rôle, mais il ne suffit pas de savoir des choses sur le sujet en question: encore faut-il les utiliser; la personnalité de la personne concernée entre ici en jeu et des choses comme le désir de ne pas déplaire à qui propose l’affaire ou de ne pas savoir dire non peuvent faire des ravages… Si Greenspan est tombé dans le panneau de Madoff, c’est, selon ce modèle, que la situation mettait en scène des gens qui étaient à ses yeux fiables; qu’il a bien du mal à dire non de peur de blesser; et que, paradoxalement, les rendements modestes promis le rassuraient, lui qui ne recherchait que la stabilité de ses vieux jours – et pas à faire fortune. Une lecture: J’ai beaucoup appris sur ce sujet du livre de Stephen Greenspan, Annals of Gullibility: Why We Get Duped and How to Avoid It, Praeger, 2008. y



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CUISINE INTERDITE AU QUÉBEC, LA VENTE DE VIANDES DES BOIS EST INTERDITE. IMPOSSIBLE DONC DE TROUVER AU RESTO DU CERF SAUVAGE OU DE L’ORIGNAL. UNE RÉALITÉ QUE REGRETTENT CERTAINS CHEFS, QUI AIMERAIENT AMENER CE TERROIR DANS L’ASSIETTE… MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTOS | FRÉDÉRIC LAROCHE

(en-haut) Hooké

«Réapproprions-nous les savoir-faire et traditions qui nous définissent.» Cette devise, c’est celle de Bravejack, un petit groupe de passionnés de chasse créé par le chef Stéphane Modat et un ami. Sur le site web, photos et vidéos revisitent des recettes ancestrales ou expliquent les modes de cuisson en pleine nature. La chasse, et surtout la préparation des viandes qui s’en suit, c’est la passion du chef du Champlain. Quand il n’est pas dans les cuisines haut de gamme du restaurant du Château Frontenac, il aime s’enfuir dans les forêts, fusil à l’épaule, pour tirer du gibier et le cuisiner. Ces animaux sauvages, il les a dans la peau, tatoués en grand sur les bras. Mais il regrette de ne pas pouvoir faire goûter ces viandes à ses clients. «C’est cool de cuisiner le terroir, mais ici, on ne peut le faire qu’à moitié. C’est giboyeux, le Québec, y a quelque chose de très culturel dans les viandes sauvages… Les cuisiner, ça permettrait d’avoir une identité culinaire claire: on sert ce qui vient de chez nous, car on en est fiers, martèle Stéphane Modat. Dans le Grand Nord, on mange du phoque, du caribou, etc. C’est ça, l’expression du terroir. Y’a qu’à TerreNeuve qu’on peut servir de la viande des bois dans les restaurants. Et après, c’est qui les newfies?» Au Champlain, le chef peut recevoir du caribou de Laponie… mais pas du Labrador. Au Québec, la réglementation sur les produits ali­ mentaires limite la commercialisation des produits de la chasse depuis 1967: les viandes utilisées par un restaurateur doivent provenir exclusivement d’un animal abattu dans un abattoir sous inspection. «Toutefois, tout restaurant peut offrir de la viande de gibier issu d’animaux d’élevage ayant été abattus dans des abattoirs sous inspection, souligne Mélissa Lapointe, du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Ces produits distinctifs permettent aux visiteurs

de vivre une expérience culinaire authentique et conforme aux standards de salubrité alimentaire.» Mais pas besoin d’être un grand chef pour savoir qu’un animal d’élevage n’a pas le même goût que son pendant sauvage… Et, note Stéphane Modat, si on a le droit d’élever au Québec du wapiti ou du cerf rouge, élever de l’orignal est interdit. «Tous les chefs aimeraient pouvoir servir un morceau d’orignal! Ici, on peut acheter du loup marin parce que c’est considéré comme un poisson au niveau fédéral. Mais plein d’autres viandes sont interdites et j’aimerais comprendre pourquoi. Il y a des animaux qui sont fédéraux, d’autres qui sont provinciaux... C’est un vrai sac de nœuds.» Produit de niche L’autre enjeu de la commercialisation des viandes sauvages, c’est la salubrité et la traçabilité des aliments. Lors d’un événement culinaire organisé dans un resto de Toronto autour de viandes des bois, le chef du Champlain a dû demander une dérogation au gouvernement ontarien et chaque client a dû signer une décharge en cas de problème sanitaire. «Les animaux abattus, éviscérés et découpés en quartier à la chasse comportent des risques élevés de contamination par des microorganismes responsables de toxi-infections alimentaires, et représentent également des risques parasitologiques et chimiques, explique Mélissa Lapointe. Malgré les recommandations faites aux chasseurs, les diverses conditions, notamment environnementales et climatiques, appliquées en pleine nature par des personnes d’expériences variées contribuent à des risques de contamination des viandes. De plus, certaines maladies ou con­ ditions de l’animal comportent des risques sanitaires.» Un argument qui laisse Stéphane Modat dubitatif: «Je serais très curieux d’aller à

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l’épicerie du coin, d’y acheter un morceau de bœuf, de l’analyser et de le comparer à un morceau d’orignal que j’ai chassé. Je me demande lequel est le moins bon pour le consommateur…» La commercialisation de viande de gibier sauvage dans les restaurants est aussi un enjeu au regard de la concurrence avec les éleveurs. Un faux problème, contre­ carre Stéphane Modat, pour qui les vian­ des sauvages sont un produit de niche que les éleveurs n’ont pas à craindre. «Ça ne ferait aucune concurrence aux producteurs de bœuf et porc, car on parle de quantités très limitées. Mais le lobby de l’orignal est beaucoup moins fort que celui du bœuf, ironise le chef du Champlain. Moi, je n’arrêterais pas pour autant d’acheter du bœuf, je compléterais juste mes menus au resto par d’autres viandes. Je veux ajouter des cordes à mon arc, bonifier l’expérience…» Quand il part chasser un orignal, il peut revenir avec 650 livres de viande. «Je n’ai aucun intérêt à garder tout ça pour moi…»

Un des problèmes entraînés par les lois, selon le chef, c’est le gaspillage. Beaucoup de chasseurs de l’extérieur viennent au Québec avec un permis de nonrésident, et ne peuvent donc pas ramener la viande chez eux. Marc Plourde, président de la Fédération des pourvoiries du Québec (FPQ), indique pour sa part n’avoir jamais vu de sa vie des quartiers d’orignaux perdus: «La viande est toujours récupérée.» Il donne par ailleurs l’exemple du Chasseur généreux, un programme de don de viande de gibier destiné aux personnes dans le besoin. Ainsi, la viande issue de la chasse est traitée par un boucher et remise à des banques alimentaires – les pourvoiries n’ont en effet pas le droit d’apprêter de la viande dans leurs établissements. «Le Règlement sur les aliments n’interdit pas qu’un chasseur donne à un particulier la viande provenant d’un animal qu’il a abattu à la chasse, appuie Mélissa Lapointe. Il réglemente la vente d’aliments et non les dons à des particuliers. Il est ainsi possible de remettre du gibier sauvage à

une institution ou à un orga­nisme philanthropique pour être servi gratuitement et exclusivement à ses bénéficiaires. Le gaspillage alimentaire peut ainsi être évité.» Meatballs à l’ours En attendant, toujours pas de viandes des bois au resto. Le président de la FPQ, chasseur depuis 43 ans, connaît bien la question. «La commer­cialisation de ces viandes est associée à la notion de conservation. Et le gibier est considéré comme une ressource collective, qu’on ne peut donc pas commercialiser.» Il suggère cependant de faire, lors des opérations de contrôle quand il y a des populations en surnombre, un abattage contrôlé dont bénéficieraient les restaurateurs. «Ça permettrait de faire le pont entre une saine gestion de la faune et la découverte du terroir culinaire. Il faudrait juste bien encadrer la pratique pour éviter le braconnage. Pourquoi pas faire des soupers au resto à des fins philanthropiques, pour mettre en valeur

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du gibier?» Des suggestions, Stéphane Modat n’en manque pas non plus. Il propose un distributeur officiel pour autoriser la revente de viandes sauvages, sous supervision du MAPAQ. Selon lui, valoriser la viande chassée par les titulaires de permis non résidents permettrait aussi de limiter les pertes. «Ça prendrait des données, des analyses… Et surtout une table ronde. Rien ne prendra forme tant que les institutions n’accepteront pas d’en parler ensemble.» «On serait mûrs pour une discussion à ce sujet-là, approuve Marc Plourde. Ce dont on a besoin, c’est pas un discours médiatique comme au temps de Marois, mais une table de discussion. Nous, on est prêts. Le problème, c’est que le ministère n’a jamais remis cet enjeu sur la table…» En 2014, des réflexions avaient été amorcées par les ministères impliqués dans le dossier du gibier sauvage. L’annonce d’un projet-pilote pour autoriser la vente de viandes des bois dans certains restaurants avait alors généré des «réactions mitigées du public et des intervenants du secteur», indique Mélissa Lapointe. «Les inquiétudes soulevées étaient en lien avec les mesures de contrôle pour assurer la salubrité de la viande, de même que des

inquiétudes liées à la préservation des espèces et les risques de braconnage. De plus, les éleveurs de gibiers relevaient le risque d’inhiber leurs efforts de mise en marché de leurs produits et demandaient de suspendre le projet.» Pression des lobbys de la viande ou réel problème de gestion des risques? En attendant, le dossier n’avance pas d’un pouce. «C’est dommage, car ça serait bon de faire connaître le gibier au grand public, aux gens qui ne sont pas en contact avec la chasse», regrette le président de la FPQ. De son côté, le chef du Champlain continue lors de ses temps libres à s’adonner joyeusement à la chasse au cerf sauvage, au caribou, à l’orignal, à la perdrix ou encore à l’oie blanche, dont il prélève tout pour cuisiner. «Mes enfants adorent ma recette de spaghettis aux meatballs à l’ours», confie-t-il. Il prépare d’ailleurs pour octobre un livre de recettes à base d’animaux sauvages du terroir québécois. Le chef y parle de sa «cuisine interdite», donne des conseils pour apprêter le gibier – «la viande des bois, on a toujours tendance à la faire trop cuire!» – et célèbre les animaux sauvages et leurs saveurs. «Quitte à manger moins de viande, mangeons-en de la meilleure…» y


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VIN NATURE: LE RAZ-DE-MARÉE ILS DÉBARQUENT EN NOMBRE DANS LES RESTOS ET LES BARS À VIN. ET SI LES CONSOMMATEURS NE SONT PAS ENCORE TOUS CONVERTIS AUX VINS NATURE, DE PLUS EN PLUS D’ÉTABLISSEMENTS ACHÈTENT PEU OU PLUS DE VINS DITS CONVENTIONNELS. VA-T-ON TOUS DEVENIR NATURISTES? MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

Le mouvement des vins nature a commencé dans les années 1980 à Paris, puis les autres grandes villes ont suivi. Aujourd’hui, toutes les cartes des vins ou presque proposent des crus nature – certains en ont même fait leur spécialité, comme c’est le cas par exemple du Moine Échanson ou du Nénuphar à Québec, du Manitoba ou du Vin Papillon à Montréal. Il y a aussi le Pastaga, le fameux resto de Martin Juneau, qui s’est fait chantre du vin nature depuis qu’il est tombé dans la marmite quand il était petit (à 24 ans). «Avant, je pensais que j’aimais pas le vin. Et un jour, en goûtant un verre du Domaine de l’Anglore, mon corps a littéralement réagi. Ça m’a touché, ça m’a fait vibrer, se souvient le chef. Avec le temps, je me suis rendu compte que le vin nature, c’est ce que j’aimais vraiment. J’aime la vie dans la bouteille; ce sont les défauts qui font que ce n’est pas un produit mort. Et comme je défendais les petits producteurs en cuisine, j’ai trouvé normal de le faire aussi dans le vin…»

qui viennent au Pastaga ne savent pas ce que c’est, raconte le chef. Y a des clients qui sont plus ou moins ouverts… Le nature, ça passe ou ça casse.» C’est que ce type de vin n’a pas forcément bonne presse auprès des novices, qui lui associent souvent des défauts. Ce que regrette la sommelière et auteure Michelle Bouffard: «Je connais des vignerons qui refusent d’être mis dans un groupe, d’être étiquetés “vin nature”, bien que leurs vins soient complètement nature, car ils ne veulent pas être associés à un profil de goût qui a des fautes.» Face aux idées reçues des clients, elle préconise de prendre le temps d’expliquer le vin nature, de bien communiquer pour éviter les mythes. Et des mythes, il y en a en nombre – «beaucoup de gens pensent par exemple qu’il n’y a pas de soufre dans le vin nature». D’autant que souvent les clients ne savent pas ce qui définit un vin nature. Une autre forme d’élitisme

Quand il ouvre le Pastaga en 2012, il décide d’ailleurs d’écrire «vins nature» dans la vitrine, pour en faire la promotion. Martin Juneau est notamment grand amateur des bouteilles d’Olivier Lemasson, Pierre Cotton, Alain Allier… Quelque temps plus tard, Les Trois petits bouchons – un autre antre montréalais des vins nature – ferme ses portes, faisant du Pastaga le doyen des ambassadeurs du nature à Montréal. «On est en quelque sorte devenu la référence», indique Martin Juneau. Mais si le resto est un incontournable pour les amateurs, il ne se passe pas une journée sans qu’un client demande ce qu’est le vin nature. «En fait, la plupart des gens

Au contraire des vins biologiques ou biodynamiques qui ont des labels régis par un cahier des charges, l’appellation de vin nature n’est pas légiférée. En principe, il s’agit lors de la vinification de ne rien enlever ni ajouter au vin; en général, les gens qui ont cette philosophie dans le chai l’ont aussi dans les vignes, même si certains vignobles disant travailler en nature utilisent des pesticides. «Il faut avoir confiance dans le producteur», répond Martin Juneau. Alors que les consommateurs réfléchissent de plus en plus à ce qu’ils mangent, la conscience du produit arrive jusqu’à la carte des

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première moisson 302061 v17

LA SAISON DU BBQ EST ENFIN ARRIVÉE !

PREMIEREMOISSON.COM


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vins. «Le chaînon manquant dans cette vision de consommer bio, ça passe pas le verre, pense le chef. Mais le changement prend plus de temps à se faire: le vigneron ne peut constater les changements qu’une fois par an, c’est pas comme en cuisine où on peut essayer et créer tous les soirs…» Si le changement a pris du temps, les vins nature sont aujourd’hui sur le devant de la scène. La SAQ a introduit ses premières bouteilles en 2015 – on trouve actuellement une cinquantaine de crus différents en succursale –, et des agences d’importation spécialisées dans le nature ont depuis fait leur apparition (les Décuveurs, le Vin dans les voiles…). Un mouvement qui va peut-être trop loin, selon certains. Un vigneron nous confie ainsi que de plus en plus d’établissements refusent dorénavant de prendre des bouteilles de vignobles conventionnels, instaurant une «dictature du nature». Du côté des consommateurs, tous ne sont cependant pas encore prêts à abandonner les vins plus classiques. «On veut démocratiser le vin, mais le nature devient parfois une autre forme d’élitisme, regrette Michelle Bouffard. Le consommateur ne comprend pas toujours; et il se sent obligé d’aimer car c’est nature, donc c’est censé être bien.» «C’est pas ce mouvement du nature qui est le problème, c’est la communication autour, poursuit la sommelière. On a un peu perdu en cours de route la notion que le vin doit avant tout être bon et surtout, plaire au consomateur. Faut pas oublier que le vin doit être un plaisir.» Un vrai plaisir pour elle, qui boit volontiers les bouteilles des vignobles de Gérard Gauby, Mathieu Lapierre, Catherine et Pierre Breton… Quant à cette tendance du «tout nature», Michelle Bouffard parle d’un mouvement nécessaire pour encourager les vignerons qui travaillent de manière consciencieuse. «Parfois, il faut aller loin dans le balancier pour pouvoir revenir au milieu.»

la SAQ. Mais il faut savoir remettre les choses en question, sans se baser sur des préjugés. Si y a des palais pour les vins conventionnels, y a aussi des palais pour les vins nature. Moi, je me vois comme un végétalien du vin. Plus le vin subit de l’intervention, moins on sent le raisin… Même les sommeliers récalcitrants s’y mettent!» La seule chose qu’il trouve dommage, c’est que, justement, les grands sommeliers ne fassent pas plus la promotion du nature. D’après le chef, on peut d’autant moins parler d’un effet de mode qu’il s’est rendu compte que faire la promotion du vin nature était «antibusiness»: «Tu veux pas baser ton commerce sur de l’inconnu… Avec le vin nature, on est toujours en mode apprentissage, découverte. C’est normal pour la SAQ de préférer les vins en grand volume et avec de la stabilité plutôt que du petit volume et de la fragilité. Mais en tout cas, le conventionnel, ça va pas me manquer!» La fin du conventionnel? Même si les gros producteurs lancent des cuvées nature aujourd’hui, les vins conventionnels ne disparaîtront pas pour autant, avance Michelle Bouffard. En effet, il est difficile de transporter à température stable des vins fragiles, car il y a trop d’infrastructures à gérer pour la distribution sur les marchés internationaux. Pour la sommelière, l’important reste le respect de la terre et du produit, de l’environnement et aussi de la personne qui boit. «Il faut avant tout produire du vin agréable à boire…» y

Le vin nature, «antibusiness» Face à ce raz-de-marée naturel, on pourrait penser à une mode; un avis que ne partage pas le sommelier. Elle parle plutôt d’un mouvement de retour aux sources primordial qui va aller en grandissant. «C’est important de soutenir les producteurs bios. Le nature, c’est une philosophie de vie, même si certains le font pour l’atout marketing. À long terme, ceux qui travaillent vraiment bien vont rester.» Pas d’effet de mode non plus selon Martin Juneau, qui depuis deux-trois ans a vraiment remarqué un changement sur la scène gastronomique québécoise par rapport aux vins nature. «C’est dur d’aller dans un endroit sans trouver de quoi boire», confie le chef, qui avait avant l’habitude de choisir ses restos en fonction de la carte des vins. «Notre palais a été formaté par

MARTIN JUNEAU DU PASTAGA


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DE PEINE ET D’AMOUR ELLE AURA SEMÉ SES MOTS AU VENT DANS UN DERNIER SOUFFLE, EMBLAVÉ CE JARDIN DE VIVACES QUI LUI SURVIVRAIENT. PUBLIÉS À TITRE POSTHUME, LES DEUX DERNIERS OUVRAGES DE GENEVIÈVE CASTRÉE ONT ÉTÉ ÉCRITS ET DESSINÉS ALORS QUE LA TERRE SE DÉROBAIT SOUS SES PIEDS. MOTS | CATHERINE GENEST

ILLUSTRATION | GENEVIÈVE CASTRÉE

Été 2016. Le pancréas de Geneviève Castrée vient à défaillir, son cancer la pousse vers le trépas. Elle n’a que 35 ans et Agathe, sa seule fille, le fruit de ses entrailles, n’a même pas encore soufflé ses deux bougies. C’est une histoire infiniment triste, d’une indicible injustice. Qu’il était doux, jusqu’ici, de laisser couler les jours sur sa montagneuse île de la côte Ouest, dans la photogénique petite ville d’Anacortes. C’est de là, dans l’État de Washington, que ses écrits, ses dessins et ses chansons prenaient corps. Une production multidisciplinaire cohérente et un peu magique, des œuvres admirées par-delà les frontières de cette Belle Province qui l’avait vue naître, grandir et partir, ce Québec qui ne la célèbre que timidement encore. «Je pense que ça viendra, se console son grand ami Benoît Chaput. Quand Geneviève est morte, moi, j’ai envoyé un communiqué à tous les médias et les échos ne sont pas venus d’où je pensais. La Presse en a parlé, le Journal de Montréal en a glissé un mot, mais il n’y a pas eu une ligne dans Le Devoir. J’étais un peu choqué. Je pense que beaucoup de monde ne se rendait pas compte de qui elle était. Là, ça commence à se passer. C’est souvent comme ça. Avec un certain temps, elle va finir par être redécouverte, les gens vont réécouter sa musique, redécouvrir son œuvre. Ça va se faire tranquillement.» L’éditeur de L’Oie de Cravan a toujours des yeux pour la voir, reconnaître son génie. Elle n’a que 16 ans et des fanzines photocopiés sous le bras lorsque Benoît la rencontre dans ce bar où elle n’avait pas même le droit d’entrer. Son mentor lui restera fidèle et publiera (presque) tous ses livres, du premier au tout dernier. À ce jour, le souvenir de sa petite sœur de cœur l’habite encore. L’âme de Geneviève flotte aussi au-dessus de Phil Elverum, son veuf, un musicien américain que l’on

connaît davantage sous le sobriquet de Mount Eerie. Ses deux derniers EP ont été cueillis aux champs de sa peine, ses chansons puisées à même ses larmes. Ses plus récents textes sont d’une sincérité poignante. Sa voix bouleverse. «À vrai dire, j’étais surpris que ça se passe ainsi parce que je ne pensais pas que j’allais refaire de la musique. Et ça ne me tentait plus. La musique, pour moi, me semblait immorale, ou quelque chose du genre. Ça me semblait brutal. Ou peut-être juste off target dans le contexte, celui d’une mort bien réelle. Puis après, j’ai simplement commencé à transformer mes pensées en chansons.» L’écriture, pour l’amoureux éploré, a véritablement pris la forme d’une thérapie – un mot qu’il utilise lui-même. Et libérer ses compositions lui aura accessoirement permis de consoler, de trouver écho dans les oreilles des autres endeuillés. Mais Phil ne croit pas aux fantômes. Voilà ce qu’il entonne sur Distorsion, piste 2 de son dernier minidisque en date, le second de sa si triste série. Ça ne l’empêche pas d’être hanté par la succession de Geneviève dont il se veut le principal responsable. C’est grâce à lui si la toute dernière création de sa douce voit la lumière du jour. Un album écrit dans des conditions très particulières, uniques. Son sprint final, en quelque sorte. «Elle a commencé à travailler là-dessus environ six mois avant de partir. Elle est morte en juillet. C’était à la fin du printemps, au commencement de l’été, lorsqu’elle a commencé. Je ne sais pas exactement ce qui l’a inspirée… C’est parce qu’elle ne voulait pas du tout parler de la mort, elle était très optimiste tout au long de sa maladie. Jusqu’au tout dernier jour, elle refusait d’évoquer cette possibilité, ce dénouement, même si c’était évident sur le plan médical. Elle focussait sur la pensée positive. Mais je crois qu’au fond de son cœur, elle était consciente que

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ça n’allait pas bien du tout, qu’elle allait mourir.» Il se racle la gorge, un court silence tombe. Puis il enchaîne: «Peut-être a-t-elle commencé à tra­ vailler sur ce livre parce qu’elle voulait léguer quelque chose de spécial pour notre fille. C’est conçu comme un livre pour enfants même si c’est une histoire plutôt dure.» Une bulle, ou A Bubble dans la langue d’Elverum, est coédité par La Pastèque. Une première, dont le cofondateur Frédéric Gauthier s’ébaudit avec pudeur, circonstances particulières obligent, lui qui a toujours admiré le travail de la bédéiste sans pour autant collaborer avec elle de son vivant. «Pour moi, c’est vraiment quelqu’un qui a un style propre à elle. Je pense que lorsqu’elle est apparue sur la scène, on sentait ses inspirations. Julie Doucet, c’est facile de voir le lien, d’une certaine façon, mais rapidement son style graphique et son univers narratif n’appartiennent qu’à elle. C’est un mélange de poésie, de monde fantastique, une touche très, très personnelle, et féminine aussi.» Ses derniers dessins resplendissent par la finesse de leurs textures, la finesse de leurs lignes. Même recluse et malade, son talent ne s’était pas étiolé.

Agathe, sa cocotte, son petit champignon, apprivoise aujourd’hui la mort avec la candeur des petits enfants. Geneviève lui aura laissé le plus beau des cadeaux, un livre qui, à beaucoup d’égards, fleure bon la joie de vivre. «Elle était comme ça avec la petite, se souvient Phil. Elle était douce, heureuse et elle avait plein de surnoms mignons pour elle. Elle ne voulait pas d’un livre triste, elle ne voulait pas être un poids pour Agathe. Elle voulait seulement être une maman gentille, aimante.» L’illustratrice et écrivaine aura traduit ses derniers 18 mois en dessins, des saynètes d’une tendresse infinie. L’amour ne meurt jamais. y Une bulle/A Bubble (La Pastèque/ Drawn and Quarterly) En vente maintenant Maman apprivoisée (L’Oie de Cravan) En vente maintenant Une bulle, l’exposition Jusqu’au 16 juin, La Pastèque


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LES FINS HEUREUSES SIMON BROUSSEAU Le cheval d’août, 206 pages Après un premier livre qui avait des allures de quête formaliste – sans pour autant être dénué d’humanité –, Simon Brousseau propose cette fois-ci un recueil de nouvelles plus classique, sans laisser de côté ses questionnements sur la banalité de l’existence. Si Synapses regroupait plus de 200 microfictions d’une phrase narrées au «tu», Les fins heureuses se compose de plus d’une vingtaine de nouvelles dont certaines s’entrecoupent au fil des pages. Ici, le trivial recèle l’extraordinaire, alors que la fin heureuse n’est pas nécessairement celle que l’on croit. Si le projet peut sembler d’un cynisme à peine voilé, il faut lire Brousseau pour cerner toute l’affection qu’il porte à ses personnages, toute l’empathie qu’il a pour nos petits échecs. Brousseau exploite avec intelligence le quotidien. Un nageur laisse une lettre dans un casier en espérant convaincre un homme de cesser de monopoliser la voie rapide. Un propriétaire de logement tente d’assouvir des désirs sexuels particuliers avec un locataire en manque d’argent. Un travailleur de FlyCore – une usine droguant ses employés pour augmenter leur efficience – retrouve le bonheur en jumelant une nouvelle substance au sérum de productivité. Un scientifique apprend que la fin du monde est proche, mais préfère tenir un journal plutôt que d’aviser ses semblables. Toutes les raisons sont bonnes pour trouver la félicité dans le désastre, Les fins heureuses propose de multiples façons d’avancer malgré une profonde vacuité existentielle. La nouvelle la plus réussie, «Le maître du jeu», raconte une partie de Donjons et dragons dans laquelle l’auteur parvient à démontrer comment nos fuites du réel sont rarement des succès. Un tour de force. On se surprend à corner plusieurs pages tellement le tendre cynisme de Brousseau peut être réconfortant: «On a l’impression de savoir ce qui nous plaît, mais c’est une manœuvre de l’esprit se rassurant comme il peut – c’est-à-dire comme un enfant désemparé – devant le gouffre des choses qu’il ignore.» Parce que comme Denis, notre travailleur d’usine qui a «découvert, sous une croûte de sauce brune au fond d’une casserole, l’indifférence du monde à son égard», on découvre avec plaisir qu’il y a peut-être un mode d’emploi pour gérer nos défaites, que parfois la résilience réside dans la répartie et qu’au final, les fins heureuses ne seraient peut-être qu’une construction de l’esprit. (Jérémy Laniel) y


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Sur les rayons

LE RENARD ROUX DE L’ÉTÉ FRANÇOISE DE LUCA Marchand de feuilles, 246 pages Comment une fratrie peut-elle arriver à s’étioler jusqu’à se dissoudre complètement dans une jalousie maladive et pernicieuse? Voilà le point d’ancrage de ce troisième roman de Françoise de Luca qui, encore une fois, plonge dans l’atavisme familial en tentant de cerner ce qui nous désunit sans pourtant nous quitter. Après Pascale et Sèna, l’auteure poursuit cette recherche d’une tendre violence inhérente à nos existences, parvenant avec intelligence à mettre en scène ce balancier tanguant entre la haine et l’adoration, entre la laideur et la beauté, entre soi et l’autre. Chez Luca, la fuite est très souvent malfaisante, n’éloignant en rien les déceptions passées, sublimant plutôt le manque d’une enfance idéale où les rêves communs semblent s’être perdus, où les trajectoires se sont immanquablement séparées. Mathilde et Mathéo sont indissociables jusqu’à leurs prénoms, ils étaient prédestinés à un amour symbiotique, à une relation hors du monde. Frère et sœur d’un plus grand clan qui restera pourtant dans l’angle mort de leur relation, ils sont dépeints dans une enfance où l’un ne vivait que pour l’autre, et vice-versa. Au détour de phrases concises, mais ô combien évocatrices, l’auteure parvient à décrire le lieu de la jeunesse: «Le village ne compte qu’une rue et une boucle autour de l’église. Il est minuscule, mais c’est un grand poème.» Le problème avec l’enfance, c’est qu’elle se termine sans qu’on s’en rende vraiment compte: «Bientôt on les sépare. On les sépare comme on déchire un brin d’herbe et tout change.» Ils s’éloigneront indéniablement l’un de l’autre, Mathilde quittant le village pour la Grande Ville, sa liberté ayant besoin d’espace pour grandir, ses ambitions aussi. Quittant un frère qu’elle ne reconnaît plus et une mère qui la castre, Mathilde découvrira la ville, l’amour, la peinture et la tristesse. Luca décrit les premiers émois amoureux avec une finesse qui sidère, le chapitre où Mathilde rencontre Sara, construit autour d’un poème d’Eluard, impose une relecture tellement il embrase le cœur. Comment on élève un enfant qu’on ne peut cerner? Comment on s’éloigne d’un frère qu’on a tant aimé? Comment on s’autodétruit au sein d’une même fratrie? L’œuvre de Françoise de Luca est un trésor bien gardé au sein du catalogue Marchand de feuilles. Si jamais on vous guide vers elle, ne passez pas votre tour: on découvre ses romans comme on croise un renard roux un soir d’été, avec chance et désir de partage. (Jérémy Laniel) y

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ARTS VISUELS 59 VOIR MTL

VO3 #O6

On pourra voir Le Monstr au prochain festival Mural parmi les 18 artistes de street art qui ajouteront de la beauté urbaine sur les pierres du boulevard Saint-Laurent. Une première pour cet illustrateur soucieux des enjeux de sa génération avec une démarche mouvante et en constante évolution. MOTS | ROSE CARINE HENRIQUEZ

«Ce que j’aime, c’est raconter une histoire dans une seule image», lance Benjamin Tran, qui signe son travail sous le pseudonyme Le Monstr. Ses pas l’ont mené jusqu’à Montréal où il vit depuis maintenant six ans. Il faut dire que l’art coule dans les veines de ce fils de peintre qui, dès la fin de l’adolescence, entame des études en graphisme. «Je ne travaille jamais trop avant de commencer un mur, raconte l’artiste. J’aime attendre le dernier moment pour trouver un concept pour pouvoir être satisfait.» C’est pour cela que le projet qui l’occupera durant le festival reste encore flou, même si le cadre se dessine tranquillement. Noir et blanc, illustration, Montréal; trois choses qui l’habitent. «Je n’ai pas envie de prendre trop de risques non plus, car le festival n’est pas long, avance-t-il. Le mur est pas mal gros. Si je pars dans un truc que je ne connais pas, j’ai l’impression que je pourrais avoir quelques difficultés. L’indéfini volontaire Sa démarche artistique répond à une envie précise, mais Benjamin Tran se considère toujours dans l’expérimentation. «Ça me laisse de la place pour faire beaucoup de choses, développe-t-il. Je n’ai pas envie de tomber dans un pattern dont je vais me resservir toute ma vie.» Au-delà de ses projets illustratifs, le jeune homme touche aussi à la sculpture, aux créations en papier mâché ou en bois.

Dans cette polyvalence de médiums, Tran cherche tout de même avec son travail à arrêter le temps. «J’essaie de représenter le temps figé, des situations où les personnages prennent leur temps, expliquet-il. J’aime me détacher de ce rythme effréné qu’on a dans la vie.» Il n’est donc pas étonnant de trouver dans ses illustrations des hommes et des femmes dans des activités quotidiennes avec le visage calme et serein de ceux qui n’ont pas cette contrainte si présente dans nos vies que l’on dit modernes. Trait innocent Ces mêmes créations, par cet effet paisible, déga­ gent une subtilité tranquille, rappelant l’innocence. «Je ne cherche pas non plus à faire passer de gros messages politiques, note-t-il. Ça va plus être dans la procuration. J’ai des traits qui sont très simples, très innocents, très ignorants, si on peut dire, le plus minimaliste possible.» On remarque également dans les croquis de l’artiste une attention particulière à la spatialité. Les histoires amusantes de ses personnages s’incarnant dans des scènes aux perspectives originales. «Ce qui marche dans mon travail, c’est la composition, souligne Tran. Ce n’est peut-être pas le trait qui importe, mais l’équilibre du dessin.» Il s’agit d’un travail dans lequel on retrouve des références scientifiques propres à la dimension du temps de l’espace, mais l’artiste puise avant tout dans son quotidien.

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Création cohérente Dans son souci d’exploration, Benjamin Tran se donne comme but de partir régulièrement en résidence d’artiste, pour l’instant seulement en Europe. «C’est un côté de ma démarche artistique assez importante. Ça participe de mon désir de vouloir créer sur le moment.» Il a fait son plus récent arrêt à Bruxelles, où il a exposé son travail sérigraphique. La création, Le Monstr ne veut pas la perdre de vue. Et l’une des choses qui empiète sur cela est le temps que les artistes passent à se vendre. «En ce moment, j’ai un gros rejet envers les réseaux sociaux, j’essaie d’y être moins présent, racontet-il. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, les artistes doivent devenir des managers d’eux-mêmes. Fina­ lement, je trouve qu’on perd du temps à créer une image d’artiste parfaite.» Lui, il recherche le contact humain. Comme dans ses créations où les personnages sont rarement seuls. Comme ce sera le cas dans cette célébration d’art de rue qu’est Mural qui nous invite en quelque sorte aussi à arrêter le temps, à lever les yeux de nos téléphones et à admirer ce qui se passe au-des-

«J’ESSAIE DE REPRÉSENTER LE TEMPS FIGÉ, DES SITUATIONS OÙ LES PERSONNAGES PRENNENT LEUR TEMPS. J’AIME ME DÉTACHER DE CE RYTHME EFFRÉNÉ QU’ON A DANS LA VIE.» sus de nos têtes. De jolies choses sont à prévoir avec Le Monstr au square Saint-Louis, où celui-ci élira domicile pour la durée du festival. y Festival Mural Du 7 au 17 juin

LE BONHEUR ÉMANE DE NOTRE NATURE Plusieurs nouveautés cet été

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QUOI FAIRE

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ANGÈLE, PHOTO CHARLOTTE ABRAMOW

MUSIQUE

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HUBERT LENOIR ET ANGÈLE

SUONI PER IL POPOLO

ROMÉO ELVIS X LE MOTEL

CLUB SODA – 12 JUIN

DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL

MTELUS – 9 JUIN

Hubert Lenoir continue de tout briser sur son passage, quelques mois après la parution de son opéra postmoderne Darlène, sans aucun doute l’un des meilleurs projets francophones de l’année. Après un récent passage remarqué à La Voix, l’artiste au look androgyne et à l’excellente musique éclectique s’offrira le Club Soda accompagné de la nouvelle sensation pop belge Angèle.

1ER AU 19 JUIN

Festival d’avant-garde musicale et d’expérimentations en tous genres, le Suoni per il Popolo revient à Montréal pour une 18e année avec, comme d’habitude, de l’audace à revendre. De La Vitrola à la Casa del Popolo en passant par la Fonderie Darling, plus de 150 artistes d’ici et d’ailleurs seront de la partie, notamment Will Guthrie, William Parker, Miss Eaves, No Negative et Chino Amobi.

De passage sur une scène extérieure des FrancoFolies l’an dernier, le rappeur Roméo Elvis et le producteur Le Motel se retrouvent cette fois au MTelus, signe de leur percée indiscutable qui continue de trouver écho partout en Europe francophone et de ce côté-ci de l’Atlantique. Fort du succès de son deuxième album collaboratif Morale 2Luxe, le duo rap belge offre toujours une prestation enflammée.


CAMILLE PLACE DES ARTS – THÉÂTRE MAISONNEUVE 13 JUIN

La voilà de retour aux Francos, 10 ans après son dernier concert au festival. L’artiste française vient chanter son cinquième album, Ouï, sorti en juin 2017. S’y mêlent des pièces a cappella, folk, pop, blues, dans un joyeux bazar propre à l’univers de la chanteuse. C’est Pomme qui assure la première partie du spectacle.

FEU! CHATTERTON MTELUS – 13 JUIN

Trois ans après avoir assuré la première partie du groupe spoken word Fauve dans cette même salle, la formation parisienne Feu! Chatterton revient aux FrancoFolies en tête d’affiche, le succès enviable de son deuxième album comme principal centre d’attraction. Salué et louangé de part et d’autre, L’oiseleur est sublimé par la voix atypique et la plume saisissante d’Arthur Teboul.

JULIETTE ARMANET L’ASTRAL – 14 JUIN

photo Victor Diaz Lamich

LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL DU 28 JUIN AU 7 JUILLET

Consacré comme le festival de jazz le plus important au monde, le Festival International de Jazz de Montréal est synonyme de passion musicale. Le Festival compte près de 3 000 artistes et 1000 concerts et activités, dont les 2/3 sont gratuits.

Révélation de la scène musicale française en 2017, Juliette Armanet est cette année de la programmation des Francos. Elle présente à l’Astral son premier album, Petite amie, avec notamment les titres L’amour en solitaire ou Alexandre. Une pop fraîche et légèrement rétro, qui rappelle Alain Souchon ou Véronique Sanson. La première partie est assurée par Gael Faure.

YOMNI: L’ÉVÉNEMENT DE YOGA RASSEMBLEUR ET FESTIF EN PLEIN AIR MONTRÉAL – 9 JUIN – PARC DU MONT-ROYAL QUÉBEC – 10 JUIN – QUAI DES CAGEUX, 2795, BOULEVARD CHAMPLAIN SHERBROOKE – 10 JUIN – PARC HOWARD 1300, BOULEVARD DE PORTLAND

Par et pour la Fondation du cancer du sein du Québec, en famille, seul ou entre amis, venez découvrir ou pratiquer votre discipline préférée au cœur d’un nouvel environnement, dans une atmosphère de fête et de solidarité.

CMDWN CLUB SODA – 30 JUIN

Le duo composé du rappeur d’Atlanta Ca$tro Guapo et du vocaliste torontois FIJI offrira les pièces de son dernier album Castro vs FIJI, un mélange surprenant de trap et de pop qui s’imprègne d’éléments rock et de rythmes déchaînés. Une prometteuse soirée 100% rap au Club Soda avec – en prime – des performances de Naya Ali, de Zach Zoya et du rappeur montréalais Nate Husser.

KAMASI WASHINGTON MTELUS – 30 JUIN

Montréal vibrera au rythme de la sensation jazz américaine Kamasi Washington. Le dernier album du saxophoniste, The Epic (2015), est une odyssée symphoniste des plus exaltantes, qui se hisse facilement parmi les meilleurs albums jazz de la décennie. Celui qui a joué aux côtés de Lauryn Hill, Nas, Snoop Dogg et George Duke pourrait d’ailleurs présenter de nouvelles pièces en live de son prochain album Heaven and Earth, attendu pour l’été.

FESTIVAL EN CHANSON DE PETITE-VALLÉE

FESTIVAL MUSIQUE DU BOUT DU MONDE

DU 28 JUIN AU 7 JUILLET

DU 4 AU 12 AOÛT - GASPÉ

Descendez le fleuve jusqu’à Petite-Vallée pour vivre la 36e édition du Festival en chanson. Durant 10 jours, l’événement présentera une programmation éclectique, témoin du dynamisme de la chanson québécoise. Découvertes artistiques à la tonne et rencontres humaines d’exception s’y produisent. Qu’attendez-vous pour suivre la route de la chanson?

La 15e édition du FMBM offre une programmation audacieuse et éclectique. Que ce soit les grands spectacles sous chapiteau, sur la rue de la Reine ou dans les bars, c’est tout le Grand Gaspé qui vibre aux rythmes du monde pendant 10 jours!


Ici vous trouverez de superbes pièces de viande prêtes à servir ou marinées mais aussi une grande épicerie regorgeant de toutes sortes de délices!

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HERBIE HANCOCK ET THUNDERCAT PLACE DES ARTS – SALLE WILFRID-PELLETIER 2 JUILLET

MARCHÉ JEAN-TALON 158, place du Marché-du-Nord Montréal – Petite-Patrie, QC 514 276-1345

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Le légendaire et influent pianiste américain Herbie Hancock unira ses forces au talentueux bassiste Thundercat, reconnu notamment pour ses récentes collaborations avec le rappeur Kendrick Lamar. Un choc des générations sous le signe du jazz, du fusion et du R&B avec ces ténors de la musique afro-américaine qui devraient faire groover la salle Wilfrid-Pelletier sans trop de difficultés.

DANIEL CAESAR MTELUS – 2 ET 3 JUILLET

Figure montante de la scène R&B et soul, l’auteur-compositeurinterprète canadien Daniel Caesar ne cesse de briller depuis la parution de son EP Praise Break en 2014. Son premier album studio, Freudian (2017), lui a valu deux nominations aux derniers Grammys, dont celui du meilleur album R&B. La voix envoûtante et les sonorités elliptiques de Caesar subjugueront la salle du MTelus pendant deux soirées.


QUOI FAIRE 65

SCÈNE

VOIR MTL

BAROK XXI – SAPIENCE TOHU, LA CITÉ DES ARTS DU CIRQUE 29 MAI AU 10 JUIN

Montréal est un carrefour international de cirque, et le niveau des finissants de son École nationale le prouve. Son traditionnel spectacle de fin d’année propose cette fois deux shows, Barok XXI et Sapience. Sur la piste, les étudiants montrent leurs talents dans une douzaine de disciplines différentes: jonglerie, mât chinois, cerceau, corde lisse, équilibre, roue Cyr, sangles aériennes, etc. Spectaculaire.

ENCORE UN SCÉNARIO CATASTROPHE LA LICORNE – 13 AU 15 JUIN

Le festival Porte-Voix met chaque année en lecture des extraits de pièces signées par des auteurs issus de formation

universitaire. Cette année, pour la septième édition, Encore un scénario catastrophe rassemble des textes de six auteurs différents, incarnés sur les planches par cinq comédiens. Il y sera question de talk-show, de pyjama party entre collègues, de Netflix ou encore de magasiner au Dollarama.

GRAND MONTRÉAL COMÉDIE FEST DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL 1ER AU 15 JUILLET

Créé par une coalition d’humoristes reconnus dans la foulée du scandale entourant Gilbert Rozon, fondateur de Juste pour rire, le Grand Montréal comédie fest laisse entrevoir une première édition mémorable, notamment grâce à ses rendez-vous de grande envergure mettant en vedette la crème des

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humoristes du moment. Martin Petit, Julien Lacroix, Rosalie Vaillancourt, François Bellefeuille et Katherine Levac seront notamment de la partie.

LES PIC-BOIS THÉÂTRE SAINTE-CATHERINE 28 ET 30 JUIN

Après avoir conquis les fans d’humour décalé année après année au festival Zoofest, le duo Les Pic-Bois se donne maintenant le défi bien louable de présenter un nouveau spectacle chaque mois au Théâtre Sainte-Catherine. Accompagnés par leur bon vieux complice Julien Bernatchez, Maxime Gervais et Dom Massi repoussent les limites de l’absurde avec audace et, parfois, bon goût.

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THE SEAGULL EN SALLE LE 1ER JUIN

Dans cette adaptation cinématographique du classique littéraire d’Anton Tchekhov, une actrice vieillissante visite son frère et son fils Konstantin à leur maison de campagne. Après qu’elle y invite un romancier, Boris Triogrin, qui est également son amant, Nina, une jeune fille innocente vivant près de là et amoureuse du jeune Konstantin, s’entiche de Boris et vient tout compliquer.

WALLAY EN SALLE LE 8 JUIN

MURAL DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL – 7 AU 17 JUIN

CINÉMA

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MEKTOUB, MY LOVE: CANTO UNO

ANOTE’S ARK

EN SALLE LE 22 JUIN

EN SALLE LE 1ER JUIN

Amin, un aspirant scénariste et photographe, retourne dans son village natal du sud de la France après avoir vécu un an à Paris. Voguant de bar en bar et retrouvant ses amis d’enfance, il cherche l’amour, le vrai, celui qu’il a vu dans les films. Essayant à travers cette quête de trouver sa propre voie, il s’inspirera de personnages féminins qui l’enchantent, mais son destin se décidera de lui-même, hors de son contrôle.

Située en plein milieu de l’océan Pacifique, la minuscule république insulaire des Kiribati est l’un des exemples les plus probants des ravages causés par les changements climatiques. Leur île devenant lentement submergée par l’océan, les habitants doivent faire face à de nombreux défis pour survivre. Ce documentaire explore cette problématique à travers deux histoires poignantes de natifs en lutte pour leur terre natale.

RODIN

INCREDIBLES 2

EN SALLE LE 22 JUIN

EN SALLE LE 15 JUIN

À Paris, en 1880, Auguste Rodin reçoit enfin à 40 ans sa première commande de l’État: ce sera La porte de l’enfer, composée de figurines dont certaines feront sa gloire, comme Le baiser et Le penseur. Il partage sa vie avec Rose, sa compagne de toujours, lorsqu’il rencontre la jeune Camille Claudel, son élève la plus douée qui devient vite son assistante, puis sa maîtresse. Dix ans de passion, mais également dix ans d’admiration commune et de complicité.

Dans ce second opus très attendu de la série Incredibles, on retrouve la famille Parr menant une vie rangée malgré ses superpouvoirs. Mais lorsque la mère, Helen, doit prendre la tête d’une très dangereuse mission, c’est Bob, le père, qui doit s’occuper du foyer familial. Essayant de paraître normal aux yeux de tous malgré les antécédents de sa famille, il devra jongler avec les pouvoirs en développement du plus jeune enfant de la famille.

Encore une fois, les arts visuels, la gastronomie et la musique cohabiteront avec fluidité lors de MURAL, festival d’art public qui prend d’assaut le boulevard Saint-Laurent depuis sa fondation en 2013. En plus de présenter des expositions originales, mettant notamment en vedette les œuvres de LeBicar, Pony et Leo Current, l’événement présentera une programmation hip-hop de calibre avec, entre autres, Maky Lavender, Josman et Krisy.

BALENCIAGA MUSÉE MCCORD – 15 JUIN AU 14 OCTOBRE

Né au tournant du 19e siècle et mort en 1977, le designer basque Cristóbal Balenciaga incarne «l’apogée de la haute couture des années 1950 et 1960». Ses créations, son savoir-faire et son héritage seront mis de l’avant lors de cette exposition organisée par le Victoria and Albert Museum de Londres et présentée en exclusivité nord-américaine à Montréal.

SOIR 2018 DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL – 22 JUIN

Après avoir pris place sur les rues Beaubien et Ontario, la foire nocturne d’art émergent SOIR en fera de même avec l’avenue du Mont-Royal. Le temps d’une nuit, 15 commerces de cette rue seront totalement transformés par différents phénomènes artistiques, autant visuels que musicaux. Ce dernier volet sera notamment assuré par CO/NTRY, zouz et Fet.Nat.

ARTS VISUELS

Ady a 13 ans et n’écoute plus son père qui l’élève seul. Ce dernier, à bout de ressources, décide de confier Ady à son oncle Amadou le temps d’un été. L’oncle Amadou et sa famille habitent de l’autre côté de la Méditerranée... au Burkina Faso. Là-bas, à 13 ans, on se doit de devenir un homme, mais Ady, persuadé de partir en vacances, ne l’entend pas de cette oreille.



UNE PROGRAMMATION EXCEPTIONNELLE pour la saison estivale 2018 !

À voir dès maintenant ! Une présentation de

Une exposition conçue par le musée du quai Branly – Jacques Chirac, en partenariat avec le Musée national Picasso-Paris. Une adaptation du Musée des beaux-arts de Montréal. L’exposition a reçu le soutien du ministère du Patrimoine canadien par le biais du Programme d’indemnisation pour les expositions itinérantes au Canada.

NOUS SOMMES ICI, D’ICI

JEAN-MICHEL OTHONIEL

L’ART CONTEMPORAIN DES NOIRS CANADIENS

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À voir dès maintenant !

Dès le 20 juin

Une présentation de

Une exposition organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal en collaboration avec Jean-Michel Othoniel et la Galerie Perrotin.

Le Musée remercie le ministère de la Culture et des Communications du Québec, le Conseil des arts de Montréal et le Conseil des arts du Canada pour leur soutien constant. | Pablo Picasso, Femmes à la toilette, Cannes, 4 janvier 1956. Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979. © Succession Picasso / SODRAC (2018). Photo © RMN-Grand Palais / Art Resource, NY / Mathieu Rabeau | Artiste kamayura, Brésil, Masque (détail), XXe s. Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac. Photo © musée du quai Branly – Jacques Chirac / Patrick Gries, Bruno Descoings | Zanele Muholi, Phila I, Parktown, de la série « Somnyama Ngonyama », 2016. © Zanele Muholi. Avec l’aimable concours de Stevenson, Le Cap/Johannesbourg, et Yancey Richardson, New York | Shanna Strauss, Gardiennes de la mémoire (détail), 2017. Collection de l’artiste | Jean-Michel Othoniel, Black Tornado, 2017. Avec l’aimable concours de la Galerie Perrotin. © Jean-Michel Othoniel / SODRAC (2018). Photo Claire Dorn

PP 40010891

Une exposition initiée par le Musée royal de l’Ontario, Toronto, et adaptée par le Musée des beaux-arts de Montréal pour la présentation montréalaise.


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