MONTRÉAL VO3 #O7 | JUILLET 2O18 OSHEAGA HEAVY MONTRÉAL LE FESTIF! ELISA C. ROSSOW PARFUMS MONSILLAGE FEMMES, FEMMES ZOOFEST ZH FESTIVAL RICARDO TROGI FANTASIA LES CORÉENS À QUÉBEC
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MONTRÉAL COMPLÈTEMENT CIRQUE / SISTERS
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MONTRÉAL | JUILLET 2018
RÉDACTION
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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, art de vivre et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse
Directeur des ventes: Maxime Alarie Adjointe / Coordonnatrice aux ventes: Karyne Dutremble Consultante média aux comptes majeurs: Alexandra Labarre Conseillères média: Miriam Bérubé, Céline Lebrun (comptes culturels)
COLLABORATEURS Ralph Boncy, Christine Fortier, François Gionet, Jérémy Laniel, Monique Giroux, Réjean Beaucage, Catherine Genest, Émilie Dubreuil, Normand Baillargeon, Patrick Baillargeon, Rose Carine Henriquez, Philippe Couture, Maxime Labreque, Eric Godin
OPÉRATIONS / PRODUCTION Vice-président - Production et Technologies: Simon Jodoin Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Comptable principale: Marie-Ève Besner Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Deschambeault Coordonnatrice à la production: Sophie Privé Infographie: René Despars
DISTRIBUTION Transmet / Diffumag 514 447-4100
COMMUNICATIONS VOIR Président: Michel Fortin Vice-président: Hugues Mailhot Impression: Transcontinental Interweb VOIR est distribué par Communications Voir inc. © 2018 Communications Voir inc. Le contenu de Voir ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans autorisation écrite de l’éditeur. Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada / ISSN 0849-5920 Convention de la poste-publications: No 40010891 606, rue Cathcart, 10e étage, bureau 1007 Montréal (Qc) H3B 1K9 Téléphone général: 514 848 0805
PHOTO COUVERTURE Jocelyn Michel | leconsulat.ca
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«SISTERS PARLE DE NOUS, DES SŒURS, DE LA FAMILLE, ET ÇA NOUS PERMET DE PRENDRE UN PEU DE RECUL ET DE TROUVER DE LA LÉGÈRETÉ.» Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistant | Thibaut Ketterer Maquillage-coiffure | Catherine Laniel
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SCÈNE
Zoofest
ZH Festival
20
MUSIQUE
Osheaga
Le Festif! de Baie-Saint-Paul Napalm Death à Heavy Montréal
32
CINÉMA
Ricardo Trogi Un été de cinémas de femmes Panorama du 22e Fantasia Goblin: Par-delà la porte rouge
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ART DE VIVRE
Le Québec à plein nez
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LIVRES
La fille qui brûle La fatigue des fruits
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ARTS VISUELS
Elisa C. Rossow
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QUOI FAIRE
CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p18) Monique Giroux (p30) Normand Baillargeon (p46)
6 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O7
O7 / 2O18
SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
LE BOUT DU MONDE ILLUSTRATION | ERIC GODIN
Tout ce cirque du sommet du G7 dans Charlevoix valait bien la photo. Pour quelques heures, les dirigeants du monde moderne et développé s’étaient donné rendez-vous à La Malbaie. Un autre chapitre du progrès planétaire devait s’y écrire, nous disait-on. Un chapitre à 600 millions de dollars. Ce chiffre est si immense qu’il est presque inconcevable. Ça fait cher de l’heure en tout cas. Comme je suis nul en économie, je vais faire un calcul un peu con et diviser cette somme par 7, tiens, ce qui nous donne 85,7 millions par chef d’État désirant se serrer la main et causer avenir de l’humanité. La clôture érigée autour d’eux et censée les protéger des manifestants aurait coûté à elle seule 3,8 millions de dollars. Ça aussi, ça fait cher du pied linéaire. Et encore plus cher du manifestant, si je peux dire. Mais le prix, ici, est accessoire. C’est la clôture elle-même qui est intéressante. Ce qui frappe, c’est cette idée que ce monde meilleur, dont les 7 seraient les artisans, ne peut se discuter qu’en se coupant des gens qui l’habitent, pour garantir la sécurité des chefs d’État. Que voulez-vous, c’est comme ça: pour discuter libre-échange, ouverture des frontières et fluidité du commerce, il faut bien se payer quelques mètres de clôture Frost. Il fallait donc se couper des gens, mais du paysage aussi. Je lisais, quelques jours avant la rencontre, les textes publiés sur le site du G7. On y parlait de la région de Charlevoix. J’aimerais un jour rencontrer celui ou celle qu’on a engagé pour écrire ces lignes: «La riche histoire de Charlevoix et ses
paysages magnifiques stimuleront les discussions des dirigeantes et dirigeants et leur permettront de dégager des consensus sur les plus grands enjeux mondiaux de l’heure.» Trouvez-moi qui a écrit ça, je l’engage illico! J’ai toujours rêvé d’avoir à mon service un maître ès bullshit et je crois bien avoir trouvé ici une sommité en la matière. Dans cette fiction touristique se joue en quelque sorte une allégorie du mondialisme bienheureux. C’est que ce fameux paysage, censé inspirer la bonne entente et la paix mondiale, personne, au cours des deux jours de sommet, n’aura pu le voir tel qu’il est. Il était clôturé, surveillé, piétiné par quelque 3000 policiers. Ce bout de pays, pendant quelques heures, n’était qu’une cage, vide de ses habitants, écoles fermées, interdictions de circuler, contrôles routiers. Les paysages magnifiques, vous disiez? La vérité est ailleurs, elle se trouve quelque part dans le 5e Rang Ouest, derrière Saint-Hilarion, en roulant lentement, quand les grands du monde ne sont pas là. Il y a là quelques vaches qui broutent tranquillement avec les montagnes au fond de l’horizon. Ah, madame Merkel, monsieur Trump, si vous saviez tout ce qu’on ne vous a pas montré pendant que vous vous regardiez sévèrement dans les yeux. Je le dis sans aucun regret, c’est un peu sauver le monde que de vous garder prisonniers de votre sécurité.
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«DANS CETTE FICTION TOURISTIQUE SE JOUE EN QUELQUE SORTE UNE ALLÉGORIE DU MONDIALISME BIENHEUREUX.» Reste que le truc du paysage censé inspirer les grandes conversations politiques, ce n’est pas au point. Pour ne pas dire complètement raté. En matière de consensus, on a vu mieux. Trump a préféré se farcir une cuisse ou une poitrine dans un St-Hubert pour s’envoler ensuite vers la Corée du Nord, tweetant pendant son trajet que Justin Trudeau n’est ni plus ni moins qu’un fieffé menteur et que le reste de la planète pouvait bien aller se masser les tibias.
À cet instant même, on a un peu senti que nous étions arrivés au bout du monde. Pas à sa fin, mais à son extrémité. Une limite au-delà de laquelle on ne voit plus rien, où on ne peut plus rien prévoir. C’est cette image qui valait bien tout ce cirque: d’un côté, le président de la plus grande puissance occidentale retirant impulsivement ses billes de l’échiquier planétaire en grognant America First!, de l’autre, les 6 autres chefs d’État, voulant encore y croire, tentant de s’accrocher aux promesses de la mondialisation dont la première se lit ainsi, texto: investir dans la croissance qui profite à tout le monde. Bref, il faudrait malgré tout continuer d’avancer. Une question demeure cependant. Au bout du monde, que signifie faire un pas de plus? y sjodoin@voir.ca
SCÈNE 9 VOIR MTL
VO3 #O7
PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE MONTRÉAL COMPLÈTEMENT CIRQUE, SISTERS EST UNE COMPOSITION MULTIDISCIPLINAIRE DE MIRIAM ET AYIN DE SELA. UN SPECTACLE AVEC POUR TOILE DE FOND LA MUSIQUE DE LEUR DÉFUNTE SŒUR LHASA… MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)
Chez les sœurs de Sela, il y a plus qu’un air de famille. Leurs voix sont difficilement identifiables, elles parlent de la même façon et promènent la même silhouette fine aux longs cheveux, telle une entité unique à deux têtes. Pourtant, si elles viennent du même noyau – une fratrie de neuf frères et sœurs –, Ayin et Miriam se disent complètement différentes. À l’opposé, comme ces deux S qui se font face aux deux extrémités du titre de leur spectacle, SisterS, présenté à Montréal ce mois-ci en première mondiale. «On a eu l’idée de SisterS il y a plus de deux ans, au plus profond de l’hiver. On a eu envie d’accomplir un rêve: celui de créer ensemble, confie Ayin. On avait quelque chose de physique à exprimer à deux.» Le spectacle met en place un univers de conte de fées, avec sortilège et forêt magique au programme, pour parler du lien entre sœurs et de la force de la sororité. Une histoire très symbolique et assez universelle, qui laisse finalement beaucoup de place à l’interprétation personnelle. «Le monde de la famille est mystérieux, on a tous des contes familiaux, analyse Miriam. SisterS parle de nous, des sœurs, de la famille, et ça nous permet de prendre un peu de recul et de trouver de la légèreté. On avait envie d’avoir un aspect hors temps et fantastique…» «On a tous quelque chose qui n’est pas là, mais qui est malgré tout très présent, renchérit Ayin. Le conte de fées est la meilleure façon de parler de cette présence invisible. On avait envie de la sentir.»
Cette présence invisible, c’est celle de Lhasa, leur sœur chanteuse décédée en 2012 d’un cancer du sein. Avant SisterS, aucune des sœurs de Sela n’avait utilisé ses chansons. «Ce spectacle, c’est pas du tout un hommage à Lhasa; c’est un honneur à Lhasa, nuance Miriam. Pour la première fois, on avait très envie d’utiliser sa musique sans que ce soit un hommage. Il y en a déjà eu plein, et on voulait faire autre chose. C’est un spectacle avec Lhasa sans qu’elle soit là.» Et la chanteuse sera là via ses sœurs, via sa mère, dont les photos sont utilisées dans le spectacle, via Gypsy Snider, amie d’enfance des quatre sœurs de Sela, membre de la compagnie des 7 Doigts et conceptrice de SisterS, ou encore via la musicienne Sarah Pagé, meilleure amie de Lhasa, qui a joué pendant des années sur ses tournées et qui accompagnera Ayin et Miriam sur scène à la harpe. Musique et parfum Bref, ce spectacle est une histoire de famille, et d’amitié aussi. Un conte de fées travaillé au Château de Monthelon, en Bourgogne, puis dans un théâtre en Suisse. Mais si les sœurs de Sela évoluent dans le monde du cirque depuis une vingtaine d’années, elles voulaient cette fois aller chercher ailleurs. «Il y a des changements avec l’âge qui font que le corps réagit différemment. Et on voulait communiquer quelque chose au-delà de la technique, explique Miriam. Lhasa avait ce talent de partager des choses très intimes avec le public…» Aller au-delà, un défi
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> qu’a dû relever Ayin, ancienne équilibriste qui s’est éloignée un temps du cirque: «J’ai perdu mon équilibre, comme ça, un matin. J’ai donc développé d’autres talents. Et je suis contente de retourner dans le monde du cirque avec ces nouvelles cordes à mon arc.» Un retour au cirque qu’elle qualifie de «très joyeux». Elle s’est ainsi consacrée au monde des fragrances et a créé une collection de parfums. Dans SisterS, Ayin veut faire quelque chose qu’elle n’a jamais vu sur scène avant: créer une odeur qu’elle va ensuite donner au public. «J’ai envie de partager une expérience olfactive avec les gens.» Avec ce mélange de voix, cirque, musique et odeur, le spectacle s’annonce très multidisciplinaire; d’autant plus que SisterS est intimement lié à la musique. «La musique, c’est une magnifique façon de raconter une histoire. Là où les mondes se touchent, c’est un endroit magique. On veut rester là», murmure Ayin. La musique, celle de Lhasa notamment, qui ne sera pas reprise telle quelle mais présentée avec de nouveaux arrangements.
«LA MUSIQUE, C’EST UNE MAGNIFIQUE FAÇON DE RACONTER UNE HISTOIRE. LÀ OÙ LES MONDES SE TOUCHENT, C’EST UN ENDROIT MAGIQUE. ON VEUT RESTER LÀ.» En fait, impossible de parler de la famille de Sela sans évoquer Lhasa. Difficile pour ses sœurs de s’imposer, avec l’ombre de ce succès? «Non, on est très heureuses que sa présence brille encore aussi fort», assure Miriam. Que ce soit pour la musique de Lhasa ou le cirque des sœurs de Sela, le calendrier commence à se remplir pour SisterS; le spectacle sera notamment présenté à Édimbourg pendant tout le mois d’août dans le cadre du Fringe Festival. Mais avant ça, il y a Montréal Complètement Cirque. Un arrêt au Québec très attendu du public, mais aussi des deux artistes. «C’est le lieu où Lhasa a habité... Ça a beaucoup de sens pour nous, de jouer là-bas.» y SisterS Montréal Complètement Cirque du 8 au 21 juillet au Théâtre Outremont
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10 ANS SANS BARRIÈRE EN 10 ANS, LE ZOOFEST A CONTRIBUÉ À FAIRE ÉVOLUER L’INDUSTRIE DE L’HUMOUR AU QUÉBEC, EN DONNANT UNE PLACE DE CHOIX À LA RELÈVE. FIDÈLES PARTICIPANTS DU FESTIVAL, LES HUMORISTES ROSALIE VAILLANCOURT, YANNICK DE MARTINO, JAY DU TEMPLE, MARTIN PERIZZOLO ET LES PIC-BOIS CONSTATENT L’IMPACT QUE L’ÉVÉNEMENT FONDÉ PAR JUSTE POUR RIRE A EU SUR LEUR CARRIÈRE. PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
(En-haut) Yannick de Martino, Martin Perizzolo (En-bas) Dom Massi, Maxime Gervais, Jay Du Temple, Julien Bernatchez et Rosalie Vaillancourt
MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
> Voir: Visiblement, le Zoofest a été un tremplin pour chacun d’entre vous. Quelles sont les retombées concrètes de vos premières apparitions dans ce festival?
party qui crie «YES! BUDWEISER!». La relève était là, mais elle avait pas de plateforme, et les gens se fiaient à ce qu’ils voyaient à Canal D ou dans les galas Juste pour rire.
Jay Du Temple: Le Zoofest, c’est la première fois que quelqu’un te fait confiance et te dit «ouais cool, vas-y!», à un moment où même tes parents sont pas super down avec ce que tu fais. Le festival t’assure d’avoir une salle et un certain public et, après, tu décides comment tu fais ta promo. Surtout, les gens qui travaillent là sont game de te laisser développer des concepts.
M. P.: Je veux pas donner un spin péjoratif à tout ça, mais y a un prix à payer pour [tous ces changements-là]. Avant que le festival soit fondé, y avait des shows en marge de Juste pour rire qui étaient dans le même genre un peu champ gauche, mais pour lesquels on était payés avec un contrat UDA incluant un salaire fixe, des assurances et des bonnes conditions. Avec le Zoofest, on devient producteur de notre show, et on nous paie en fonction du nombre de gens qui rentrent dans ta salle. Tu peux t’en tirer quand même au niveau financier, mais t’es pas assuré d’un salaire. Avec les années, j’en ai vu des collègues qui ont eu de la misère à arriver et qui, pourtant, étaient capables de payer leur loyer jusqu’à Noël avant.
Martin Perizzolo: Avant le Zoofest, j’avais pas la même confiance en moi. J’avais des 45 minutes de collage de matériel, mais j’avais jamais eu à écrire un show complet en un mouvement, comme je l’ai fait en 2010. Pour moi, c’est la place idéale pour essayer des choses et créer sa zone de confort. Rosalie Vaillancourt: Moi aussi, le Zoofest m’a donné confiance. Avant, les gens me disaient que c’était le fun de m’écouter cinq minutes, mais qu’après une heure, ça pouvait devenir fatigant. On me disait de doser mon énergie! Finalement, avec mon premier spectacle en 2016, les gens ont vu que ça se tenait, mon affaire. C’est là aussi que mes producteurs de La Tribu m’ont vue pour la première fois. Maxime Gervais (des Pic-Bois): Nous, avant le Zoofest, on faisait surtout des numéros de 8 ou 15 minutes dans les bars. Avec le style d’humour qu’on avait, on était souvent considérés comme les bibittes entre deux stand-ups. Dom Massi (des Pic-Bois): En fait, le festival nous a permis d’arrêter de s’excuser pour ce qu’on fait et, surtout, d’imaginer un show de A à Z, incluant l’affiche et la musique d’intro. Le festival semble avoir grandi en même temps que la relève qui prend actuellement sa place dans l’industrie. À quel point a-t-il joué un rôle important dans son développement? Yannick de Martino: D’abord, je crois qu’il y a le concours En route vers mon premier gala Juste pour rire qui a propulsé tout ça. Le public a ensuite été attiré par le Zoofest en se disant: «Voilà le festival des gens que j’ai vus à la télé.» Avant, l’offre en humour au Québec était filtrée par des producteurs, alors que maintenant, elle est tout simplement ouverte à tous ceux qui sont capables de rejoindre un public. On parle souvent de la tarte en humour et du fait qu’il y a soi-disant trop d’humoristes au Québec. Finalement, on se rend compte qu’il y avait peut-être plus qu’une tarte... M. G.: Il y a une dizaine d’années, j’avais de la misère à dire que j’étais humoriste sans que les gens aient en tête le stéréotype de l’humoriste de
M. G.: C’est très capitaliste comme fonctionnement en fait. Mais pour des jeunes humoristes comme Jay Du Temple ou Rosalie Vaillancourt, qui n’ont pas connu l’ancien modèle, la frustration ne doit pas être la même... R. V.: L’an dernier, je faisais partie du spectacle La table d’hôte et, là, c’était différent: Zoofest produisait le spectacle et nous payait directement, car c’était leur concept à eux. J. D. T.: Moi, je suis arrivé à un moment où certains humoristes étaient en colère contre le Zoofest, car ils se sentaient utilisés. Je me suis donc demandé comment, moi, je pouvais utiliser le festival à mon tour. C’est pour ça que, dès ma première année, j’ai décidé de faire 17 représentations de mon 60 minutes. Je me suis dit qu’au pire, si je faisais pas d’argent, j’aurai au moins pris de l’expérience. C’est aussi cette année-là que Patrick Rozon est arrivé à la direction du festival et, sincèrement, ça prenait un gars jovial et impliqué comme lui, sinon je crois pas que le festival se serait poursuivi. M. G.: Quand Pat est arrivé, on est allés le rencontrer à son bureau, et j’ai tout de suite été frappé par son ouverture. D. M.: Avant ça, on sentait parfois qu’on était pris pour acquis. Vu qu’on remplissait nos salles, le festival poussait pas vraiment pour qu’on ait de la promo, alors que certains shows moins populaires avaient plus de couverture médiatique que le nôtre. M. P.: Je pense que c’était important qu’on s’assoit tous avec la direction pour discuter et arranger nos contrats. En fin de compte, on a tous contribué à modeler ce festival-là. C’est pas juste une entité à laquelle on s’est pliés.
Y. D. M.: Moi, pour être franc, j’ai même pas lu les contrats au complet... Au-delà de ces questions administratives, le Zoofest est reconnu pour sa grande flexibilité en ce qui a trait au contenu des spectacles. Qu’est-ce que cette liberté de création vous a amené? M. G.: Les premiers shows officiels des Pic-Bois qu’on a faits au Zoofest, c’était Frite et Moule, et il y avait beaucoup de pénis, de seins, de scènes homoérotiques, de trucs qui ont pas de bon sens mais qui surprennent... Avec les années, on a réussi à transposer cet effet de surprise ailleurs, et j’en suis plutôt fier. Maintenant, les gens savent qu’en venant nous voir en spectacle, ils vont en avoir pour leur argent et vont vivre de quoi. On a eu besoin de cette liberté-là pour aller chercher notre public. J. D. T.: Cette liberté-là a permis aux artistes de se trouver. Y a personne qui te met de barrière, alors tu trouves ton terrain de jeu. Y. D. M.: Ça développe aussi la perception, car tu finis par comprendre les effets que tu provoques à ton public. Ça te permet de varier les tons et les sujets, et de prendre des risques que tu aurais pas nécessairement pris dans un bar quand il y a 40 personnes qui sont dans la salle pour le mot «humour». En terminant, avez-vous eu des doutes à l’idée de participer au festival cette année, considérant qu’il est la propriété de Juste pour rire, organisation minée par l’affaire Gilbert Rozon? R. V.: Oui, c’est sûr... M. P.: Moi, à la base, mon idée était claire: c’est pas parce que je fais le Zoofest que je donne mon aval à ce qui s’est passé. Mais bon, j’ai attendu avant de donner ma réponse, car je voulais pas être le seul à y aller... D. M.: Si je me trompe pas, on a été les premiers à signer un show Zoofest cette année. Patrick Rozon, on le connaît personnellement et on a jamais douté de son intégrité. M. G.: En allant le rencontrer à son bureau, j’ai vu la petite équipe du festival travailler et j’ai compris que c’était une entité totalement à part de JPR. Ensuite, Pat a mis cartes sur table avec nous, en toute transparence. Ça nous a rassurés. N. B.: Accompagnant ses amis des Pic-Bois, l’animateur radio et vedette du web Julien Bernatchez s’est présenté à l’improviste à cette table ronde. Ses propos n’ont malheureusement pas été retenus. y Du 5 au 28 juillet zoofest.com
PATRICK ROZON, LE RASSEMBLEUR Malgré l’évolution manifeste que son festival a connue en 10 ans, Patrick Rozon se dit surtout fier d’avoir réussi à entretenir son essence. «Ce qui est beau, c’est que le festival est toujours resté un laboratoire créatif. Oui, la direction artistique, la popularité et la couverture médiatique ont changé, mais la base est encore là», observe le directeur. Pourtant, l’événement ne ressemble plus vraiment à ce qu’il était en 2009. Inspirée par le festival Fringe d’Édimbourg, cette première édition présentait 60% de spectacles en anglais et mélangeait danse, théâtre, musique et cirque, jouant ainsi dans les platebandes de différents festivals multidisciplinaires comme le Festival TransAmériques et le Fringe de Montréal. La direction du festival s’est précisée en 2011 et 2012 lorsqu’une place plus importante a été laissée aux humoristes francophones de la relève, notamment Yannick de Martino, Phil Roy, Adib Alkhalidey, Louis T. et Kim Lizotte. Arrivé à la barre du festival en 2015, Patrick Rozon a donc hérité d’une formule efficace, mais également d’un sentiment de discorde partagé par certains humoristes, qui peinaient parfois à rentabiliser leurs représentations. «Ç’a toujours été comme ça au Zoofest. [Vu que les artistes produisent leurs spectacles], ils peuvent finir par faire de super beaux cachets, mais peuvent aussi faire peu d’argent. Quand je suis arrivé, j’ai rencontré chaque artiste en leur disant que je pouvais pas réinventer la roue, mais que j’étais là pour les aider. Le Zoofest, c’est pas là pour vous faire devenir riches, mais ça va vous garantir une bonne visibilité. La hargne est moins grande maintenant.» Depuis son entrée en poste, Rozon a intégré au Zoofest le volet anglophone OFF-JFL, en plus de mettre en œuvre la production de spectacles conceptuels comme La table d’hôte et Ben voyons donc!. Autrement, il s’est surtout assuré d’encadrer les artistes, tout en leur laissant une pleine liberté. «Ma job, c’est d’installer le terrain de jeu. Maintenant que les artistes ont compris l’essence du festival, ils arrivent avec leurs propres surprises sur scène. Tranquillement, je perds le contrôle du festival... et j’aime ça!» Malgré la popularité stable dûment acquise du festival, le directeur général a toutefois vécu un stress important cette année dans l’élaboration de sa programmation. En raison de l’affaire Gilbert Rozon (un cousin éloigné de Patrick) et du fait que Juste pour rire est toujours propriétaire du Zoofest, les humoristes ont tardé à envoyer leurs offres de spectacle. «On en a eu autant que d’habitude, mais elles sont majoritairement arrivées en avril plutôt qu’en février [...]. On a vécu une grosse période d’insécurité, mais en même temps, on a tellement été chanceux d’avoir l’appui des artistes et des employés. Quand la crise est arrivée, j’ai reçu plein de courriels de gens qui voulaient donner leur appui au Zoofest. Personne ne voulait que ce festival-là meurt.»
16 SCÈNE VOIR MTL
VO3 #O7
O7 / 2O18
LABORATOIRE DES POSSIBLES IL Y A DIX ANS NAISSAIT ZH FESTIVAL, RENFORÇANT LA VITALITÉ DE LA RELÈVE CULTURELLE MONTRÉALAISE. DIX ANS À FAIRE D’HOCHELAGA-MAISONNEUVE UN CARREFOUR BOUILLONNANT DE PREMIÈRES FOIS. POUR L’OCCASION, MELLISSA LARIVIÈRE NOUS PARLE DE CE PÔLE CRÉATIF AU PASSÉ, AU PRÉSENT ET AU FUTUR. MOTS & PHOTO | ROSE CARINE HENRIQUEZ
Il est loin le temps où l’envoi de dossiers se faisait en urgence dans des lieux interdits, où le bureau de travail était un parking et où les décorations s’achetaient au magasin du dollar. Malgré le peu de moyens, la volonté de mettre en avant l’émergence était remplie de candeur à l’époque, nous dit Mellissa Larivière, fondatrice et directrice artistique du festival. Il y avait tout de même les doutes qui accompagnaient les bonnes intentions, comme les deux faces d’une même médaille. «Il s’agit de voir ce que ç’a donné aux artistes, exprime-t-elle. Les projets qui ont eu d’autres vies. Le but était de créer un passage, pas une finalité.» Lieu de laboratoire pluridisciplinaire qui s’étend cette année sur quatre semaines au lieu de six, ZH sert de véritable plateforme de lancement pour de jeunes créateurs qui ont toute la liberté de créer des projets qui seront confrontés pour la première fois aux regards. «C’est vraiment important que ZH soit un terrain de jeu où je n’impose pas ma vision artistique, où je laisse la place à des créations qui peuvent aller un peu partout, parce qu’à la base, c’était ça: ne pas essayer de fitter quelque part.» Prendre conscience Lorsqu’on est organisateur, le temps passe à une drôle d’allure, d’une édition à l’autre, sans que l’on s’en aperçoive réellement. Mellissa Larivière relève chez elle ce sentiment qui est tout de même accompagné d’une fierté. Celle de voir, par exemple, les Catherine Chabot, Amélie Dallaire, David Paquet ou Simon Boulerice de ce monde faire éclore leurs projets à ZH et que ceux-ci deviennent signifiants. Une fierté aussi quant au fait d’avoir des alliés chez les diffuseurs culturels. «C’est devenu un rendez-vous pour eux de voir ce qui se trame et c’était un peu l’objectif, explique Mellissa. Au-delà de donner un dossier, quand on voit ta couleur et ton univers, c’est plus concret.»
Une édition de son temps Les œuvres choisies sont portées par une vision de l’actualité, un regard sur le monde intime et sur la vie contemporaine, constate la directrice artistique, sans toutefois qu’elles soient associées à une thématique. «Ceux qu’on choisit, c’est parce qu’on sent chez eux une grande volonté de faire, et quand il y a bouillonnement, on y va. Et même si ce sont des projets embryonnaires, on sent quand même une qualité et une pertinence.» On aura droit au projet Umanishish de Xavier Huard, mettant en scène l’artiste innue Soleil Launière, dans un dispositif scénique de Gonzalo Soldi, un projet «hautement performatif» qui ouvrira cette éditionanniversaire. Si notre monde connaît aujourd’hui encore des soubresauts révolutionnaires en matière sociale, regarder les bouleversements d’un passé pas si lointain sera possible avec Give Me A Revolution, de Mireille Camier, un spectacle qui impliquera quatre performeurs de quatre villes. Il y sera question de la révolution verte en Iran, de la révolution Jasmin en Tunisie, des indignés de Barcelone et du printemps érable au Québec. Les questions de genre ont aussi été beaucoup explorées cette année et l’artiste Pascale Drevillon, impliquée dans le milieu LGBTQ, convie le public à GENDERF*CKER, «qui parle de la construction et la déconstruction des archétypes masculins-féminins». Une évolution critique «Il faut toujours rester en questionnement pour savoir comment on se positionne dans le milieu, affirme Mellissa. Les artistes n’ont pas les mêmes besoins aujourd’hui que lorsque j’ai lancé l’événement. Notre identité et notre place ont changé aussi d’une certaine manière.»
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On observe ces variations dans cette édition qui devient plus courte et plus centrée sur des projets d’arts vivants ou de performance. «C’est de revenir aussi à ce qu’on faisait au départ, d’aider des premiers projets, des expérimentations. Ça demande de vouloir partager quelque chose à grand déploiement, d’une certaine manière.» De la musique, il y en a encore, comme dans L’amour au 21e siècle (selon Wikihow), présenté par la compagnie La société baroque. Une comédie musicale sur «notre façon d’aborder l’amour et la séduction à l’ère des technologies». Pour l’avenir, il existe de multiples possibles du point de vue de Mellissa, notamment la consolidation de partenariats encore plus structurants. Comme ceux qui découlent du projet Haïti-Montréal cette année où ZH
reçoit des artistes du Festival Quatre Chemins, situé à Port-au-Prince. «J’ai peut-être envie de développer cette formule de résidence d’artistes, mais avec une espèce de rencontre avec d’autres pays qui ne viennent pas nécessairement d’Europe. On connaît beaucoup les codes et l’esthétisme de l’Europe, qui nous inspirent, mais je trouve qu’il y a une richesse à apprendre des autres pays, surtout en arts vivants.» Sous une bannière radioactive pimpante signée BOUGIE, ZH est un espace pour des artistes qui cherchent à se définir, mais aussi un lieu de rencontres citoyennes et inclusives. Il est certain que tous les acteurs sont prêts à repartir pour un autre 10 ans. y ZH Festival 17 juillet – 11 août zhfestival.com
18 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O7
O7 / 2O18
ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR
MAUX DE JEUX Je crois que j’ai pris la 245. Me suis laissée guider par le GPS sur une route traversant la campagne toute fière enhardie de ses toutes jaunes potentilles.
La bouffe est un terreau fertile au «qu’est-ce qu’on pourrait bien construire comme jeu de mots dans notre domaine?»
Potentilles.
Un autre exemple qui m’a particulièrement frappée récemment, dans un marché, pas très loin de SaintJean-sur-Richelieu: Les Vins de Chais-Vous.
Ce mot à lui seul me réjouit. Il roule dans la bouche comme un bonbon de couleur. L’été, j’aime me perdre sur les chemins, prendre des détours et réfléchir à des trucs inutiles, ainsi je contemple les fleurs des champs et les mots que je rencontre sur ma route.
Ici, on joue sur l’expression «chez vous» et les chais. Chai: lieu de vinification où l’on entrepose des tonneaux de vin. Pourquoi ce calembour?
Je souris devant l’inventivité souvent hasardeuse de certains commerçants de village. Sur la rue principale d’un village traversé récemment, le salon de coiffure pour dames: La Boucletterie. Une usine à bouclettes. Tiens donc. La dame a dû ouvrir son commerce à une époque où la permanente était très à la mode. Comme c’est joli. Boucletterie. C’est vif et pimpant. Un néologisme que j’applaudis. «Chéri, je m’en vais me faire friser à La Boucletterie», c’est plus chouette que: «Chéri, je m’en vais me faire couper les cheveux au salon Chez Nicole.»
Étaient-ils saouls, les propriétaires, lorsqu’ils se sont dit: «Eille, on appelle pas ça Les Vins de Chez Vous, mais Les Vins de Chais-Vous, t’as pogne-tu?» Et là, on rigole en groupe, on se frappe dans les mains, on ouvre une autre bouteille et on bombe le torse en se disant: «Eureka! On fait enregistrer ce pet de cerveau, on fait imprimer des cartes professionnelles, on fait faire une jolie marquise.» Et hop! le calembour en grosses lettres se trouve au centre du marché, il est là pour toujours dans sa splendeur inepte.
Si boucletterie me réjouit, la plupart des trouvailles linguistiques me désespèrent. Suis allée faire du vélo dans le coin d’Oka, l’autre jour. Par hasard, je me suis arrêtée boire un peu d’eau devant un panneau routier indiquant la proximité du verger JudePomme. Jude-Pomme... Calvaire.
Je suis encore toute secouée par l’EGG-cité croisé quelque part dans la banlieue sud. Egg-cité. Comme dans «œuf» en anglais et ville, mais qui, lu à haute voix, donne «exciter», comme dans provoquer chez quelqu’un un état d’irritation nerveuse. Eggcité... Juste penser au brainstorm qui a abouti à cette assiette sémantique trop pleine d’œufs, de fruits et de pain doré me donne mal au cœur.
C’est même pas un jeu de mots. C’est un homonyme sans double sens et ça me taraude encore. Les propriétaires n’auraient pas pu appeler leur verger tout simplement Jus de pomme? C’est beau et bon, du jus de pomme... Ça se suffit à soi-même, non?
On aime le jeu de mots, comme bien des choses icibas, le plus gras et le plus sucré possible. Si ces tentatives de déjouer le dictionnaire ne se cantonnaient qu’au secteur alimentaire... mais non. L’éducation, même, n’y échappe pas.
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«LA LANGUE EST SI RICHE, LE VOCABULAIRE EST SI DOUX, MAIS ON LE CULTIVE SI PEU. LES MOTS SONT COMME DES FLEURS ÉGARÉES SUR LE CHEMIN QUI ATTENDENT D’ÊTRE COUPÉES POUR EN FAIRE UN IMMENSE BOUQUET D’ÉTÉ.»
LE SEUL FESTIVAL MUSICAL DONT LES VOISINS NE SE PLAIGNENT PAS.
Près de l’avenue De Lorimier à Montréal, il y a cette perle: La garderie Japran et Mamuse. Deux petits sont dessinés en vitrine. Je déduis que ce sont eux, Japran (un garçon?) et Mamuse (une fille?). J’espère qu’ils n’enseignent pas aux enfants l’art de nommer les choses. Ça en dit long, en tout cas, sur la valorisation de la langue des propriétaires de l’établissement. Et que dire d’un autre havre pour tout-petits de Mirabelle qui s’appelle Magie-Rouette. La garderie Magie-Rouette. De quessé? Ma girouette? Magique? Girouette n’est pas tout à fait un modèle pour les enfants. Ma petite girouette, va! Quel est le message? Que veulent-ils nous dire exactement? Que ce sont des gens funny? Capables de jouer avec la langue? Chaque fois, quand je croise ce genre d’alchimie linguistique, j’ai l’impression de rencontrer un jongleur malhabile et un peu paresseux qui joue avec les mots en diluant leur sens. Cela me donne envie de pleurer, j’ai l’impression de voir en grosses lettres les slogans d’une dictature de l’humour et de l’esprit facile qui s’évertue à déjouer... à déjouer quoi exactement? La langue est si riche, le vocabulaire est si doux, mais on le cultive si peu. Les mots sont comme des fleurs égarées sur le chemin qui attendent d’être coupées pour en faire un immense bouquet d’été. Mais on ne passe pas souvent par là, on ne se donne pas la peine de chercher un peu le bon mot. On reste sur l’autoroute de la facilité et on se gosse des noms à coucher dehors. — Chéri, j’ai terminé ma chronique. Est-ce qu’on va souper au restaurant Les Cons Servent? C’est pas loin d’ici. y
lanaudiere.org
Billetterie
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OSHEAGA POUR LE MÉLOMANE QUI VIEILLIT VOICI UN PETIT GUIDE DE SUGGESTIONS D’INCONTOURNABLES, DE VALEURS SÛRES ET DE DÉCOUVERTES POUR LES AMATEURS DE MUSIQUE QUI ONT VIEILLI AVEC OSHEAGA. EN CETTE 13E ÉDITION, LE FESTIVAL ACCUEILLE LES TÊTES D’AFFICHE TRAVIS SCOTT, ARCTIC MONKEYS ET FLORENCE+THE MACHINE. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
Chaque année à Osheaga, il y a toujours deux ou trois moments où je me retrouve dans une foule monstre enthousiaste alors que je ne connais que dalle du groupe qui se produit devant moi. Et puis un air connu me revient à l’esprit. Ah oui, ce hit radiophonique! Fiou. Force est de constater que pour certains d’entre nous, amateurs de longue date de l’événement, d’année en année, on se sent de moins en moins jeunes à Osheaga. Mais rassurez-vous, chers moins jeunes mélomanes, car avec Chromeo, The National et Franz Ferdinand, par exemple, y a de quoi prévoir un beau week-end entre amis cette année à Osheaga et faire le plein de découvertes. L’excitation est totale pour le retour en ville de Yeah Yeah Yeahs, groupe rock américain mené par l’icône du rock Karen O. Ceux qui fréquentent Osheaga depuis longtemps se souviendront d’une prestation mémorable et énergique en 2009. Cette année-là, Yeah Yeah Yeahs avait remplacé les Beastie Boys en tant que tête d’affiche alors qu’Adam Yauch devait se faire traiter pour le cancer qui finira par l’emporter en 2012. Yeah Yeah Yeahs avait pris une petite pause avant de revenir sur les planches récemment. Comment passer à côté de ce qui s’annonce comme un concert bouillonnant? Autres incontournables pour danser sa vie: le collectif local funk-soul The Brooks qui connaît un beau succès présentement; LaF, jeune groupe rap grand gagnant du concours musical Les
Francouvertes cette année; Future Islands, qui, après 12 ans de carrière, nous charment toujours autant par ses musiques synth-pop impeccables et les mouvements de bassin incomparables du chanteur Samuel Herring. Si vous ne connaissez pas encore Jungle, c’est le temps ou jamais d’aller les voir en concert, puisque la troupe pop-funk d’Angleterre a vraiment bien pris du galon sur scène depuis ses débuts retentissants il y a cinq ans. Dans la catégorie «valeurs sûres», on prend bonne note du maître de l’électro r&b James Blake, qui sait comment bien doser un concert entre énergie jubilatoire et douceur captivante. L’artiste d’origine suédoise Lykke Li, qui vient de livrer un album à saveur hip-hop fort réussi, viendra présenter son nouveau matériel en primeur devant la foule d’Osheaga avant sa tournée automnale nord-américaine. On devrait la découvrir sous un nouveau jour. Loud, ce rappeur dont tout le monde parle, sera aussi de la grande fête de la musique au parc JeanDrapeau après des petits sauts en Europe cette année. C’est clair qu’on danse dès qu’on entend les premières notes de Toutes les femmes savent danser. Même si les membres du groupe Alvvays disent être Antisocialites (nom du plus récent disque), les Torontois devraient bien rallier un public de jeunes et moins jeunes avec leur pop accrocheuse aux teintes de grunge.
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LYKKE LI
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PLUS
D’ARGENT POUR PROLONGER LA SOIRÉE CINÉ?
OUI C’EST POSSIBLE!
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> Sans le comparse Sasha Ring avec qui il forme Moderat, le duo de compositeurs électroniques allemands Modeselektor propose un DJ set à Osheaga. En 20 ans de carrière, ces deux-là ont rarement raté la cible. Dans un autre registre, on vous conseille de faire un saut pour voir le chanteur r&b Son Little, dont la voix parfaitement soul résonnera longtemps dans vos oreilles. Finalement, il ne faut pas manquer la performance du crooner nouveau genre Alex Cameron, chanteur dandy à connaître absolument et qui a maintenant deux albums de synth-pop savoureux à son actif. Au-delà de la bonne musique, il faut aussi voir le personnage sur scène. Ces jours-ci, je découvre la pop-rock de la jeune Australienne Alex Lahey. Elle a des airs de Courtney Barnett et un semblant d’héritage de Joan Jett ou des Ramones, mais son matériel est beaucoup plus léché. Son hit Every Day’s the Weekend démontre bien la recette gagnante de l’artiste de Melbourne: ça dégage et ça fait bien danser. Il faudra faire un petit saut pour voir de quoi se chauffe la one-woman-band Tash Sultana. L’Aus tralienne a une gueule de mannequin et a connu la gloire avec des vidéos de prestations en ligne. Finalement, un artiste qui n’a pas encore atteint la vingtaine, mais dont le succès est plutôt fulgurant: Cuco, Américain d’origine mexicaine qui fait dans la «bedroom pop» psychédélique minimaliste. À voir si le public sera assez attentif pour se laisser emporter par sa musique onctueuse. y Osheaga Du 3 au 5 août Au parc Jean-Drapeau
> ALEX CAMERON, PHOTO CHRIS RHODES > ALEX LAHEY
AUDACE EXPÉRIMENTATION RETOURS > La 9e édition du Festif! de Baie-Saint-Paul arrive à grands pas. Pour l’occasion, Voir vous propose six artistes à surveiller durant le festival, question de vous préparer à passer une fin de semaine musicale des plus mémorables dans ce sublime (et maintenant mythique) village champêtre de Charlevoix. MOTS | FRANÇOIS GIONET
Random Recipe
Urban Junior
Vagabon
Déhanchements et énergie épidémique seront au rendez-vous sur la scène Sirius XM au début de la nuit. Le quatuor rap devenu un trio depuis le départ du guitariste/ claviériste et membre fondateur Vincent Legault débarquera à Baie-Saint-Paul avec sa plus récente offrande, Distractions, sortie en février dernier, qui s’imprègne de sonorités tropicales et explore une vaste palette musicale, passant du funk à la pop léchée. Par ailleurs, Frannie Holder, Fabrizia Di Fruscia et Liu Kong Ha se sont entourées de collaboratrices de choix pour composer cet opus, dont Marie-Pierre Arthur, la DJ montréalaise Foxtrott, la rappeuse Ladybug Mecca (Digable Planets), la chanteuse virginienne Sunny Moonshine et la bassiste Ronda Smith, qui a travaillé avec Prince. Les textes évoquent cette époque trouble axée sur la consommation et l’information en continu, mais aussi les enjeux féministes, politiques et sociaux qui préoccupent les deux MC.
Est-ce qu’il y a quelque chose qu’Urban Junior ne sait pas faire? Guitare, synthétiseur, batterie, beat machine, chant à travers un mégaphone désuet… Cet homme-orchestre, multiinstrumentiste, en provenance de la Suisse est capable de tout jouer, à n’importe quel moment. Sa musique représente une bulle déjantée nous emportant dans un univers chaotique où s’entremêlent électro, garage punk, nouveau disco et rock trash. Seul sur scène, Urban Junior est une véritable boule d’énergie. Il n’aura aucune difficulté à s’accaparer la foule du Festif! dans le garage du curé, qui n’hésitera pas une seconde à se remuer intensément et à se bousculer amicalement.
La jeune multi-instrumentaliste et productrice brooklynoise d’origine camerounaise Laetitia Tamko (alias Vagabon) a le vent dans les voiles. Son premier album complet, Infinite Worlds, a créé un véritable buzz aux États-Unis et s’est hissé parmi les plus belles découvertes de 2017. Les huit pièces proposent un rock fragile et authentique, mais l’Américaine, en pleine confiance, expérimente et incorpore habilement des éléments de shoegaze, d’électro et de folk. Sa plume, sensible, traduit la beauté de la vie ordinaire et des relations humaines. À elle seule, Vagabon vaut l’aller-retour vers Baie-Saint-Paul.
Samedi 21 juillet à 1h30, garage du curé
Desjardins, on l’aime-tu! Samedi 21 juillet à 23h30, Cour du Carrefour culturel
Marie-Jo Thério Le Festif! aura une saveur acadienne encore une fois cette année. Après Lisa LeBlanc l’an passé, le festival accueillera la grande artiste aux cheveux blonds ébouriffés Marie-Jo Thério. Armée de son piano, elle revisitera, dans une formule solo, l’ensemble de son répertoire (dont, qui sait, ses succès Café Robinson, T’es le beau Raphaël ou même Évangéline), mais aussi quelques nouveaux titres. La rue Sainte-Adolphe se transformera en un spectacle cinématique avec, au centre, une protagoniste au talent d’improvisatrice sans borne et à la fougue contagieuse. Samedi 21 juillet à 14h30, Hangar-29
Excellente prise de l’organisation du Festif!, alors que ce sera la seule et unique représentation estivale de cette méga-production dédiée à l’œuvre intemporelle et transcendante de Richard Desjardins. La poésie crue et intelligente de l’auteur-compositeur abitibien sera réinterprétée par une foule d’artistes de la scène musicale: Yann Perreau, Philippe B, Koriass, Mara Tremblay, Philippe Brach, Émile Bilodeau, Salomé Leclerc, Avec pas d’casque, Keith Kouna, Saratoga, Queen Ka, Matiu. D’autres se joindront à eux pour célébrer la musique de ce pilier de la chanson francophone. Daniel Boucher et Vincent Vallières assureront les premières parties. Samedi 21 juillet à 21h45, Cour de l’École Thomas-Tremblay
Dimanche 22 juillet à midi, quai Bell
Helena Deland Douce, envoûtante et apaisante: voilà les adjectifs pour décrire la musique folk de cette jeune auteure-compositrice à la voix puissante et raffinée originaire de la Rive-Sud de Québec, maintenant installée à Montréal. Les quatre pièces de son premier mini-album, Drawing Room, sorti en 2016, lui ont permis de faire les premières parties du groupe indie pop britannique Superorganism et de dénicher un contrat avec le label américain Luminelle Recordings. Deux ans plus tard, elle nous revient avec From the Series of Songs «Altogether Unaccompanied» Vol. I & II, deux minicompilations de deux titres chacune – regroupées en une sortie – baignant dans une bedroom pop magnétique et introspective, qui rappelle l’univers de St. Vincent ou même de Big Thief. Une artiste dont l’ascension sera à surveiller au courant des prochaines années. Samedi 21 juillet à 16h30, Cour de l’École Forget
En-haut Random Recipe, photo Victoria Dimaano; Ci-contre: Vagabon, photo Daniel Dorsa; Marie-Jo ThĂŠrio: Louis-Philippe Chiasson
POUSSIÈRE DE GRINDCORE APRÈS UNE ANNÉE DE PAUSE, LE FESTIVAL HEAVY MONTRÉAL EST DE RETOUR POUR UNE NEUVIÈME ÉDITION LES 28 ET 29 JUILLET. CE SERA LA DEUXIÈME FOIS QUE NAPALM DEATH PARTICIPERA À L’ÉVÉNEMENT, ET SI L’ON SE FIE À LA RÉACTION DE LA FOULE PENDANT LEUR PRESTATION DE 2016, ON PEUT D’ORES ET DÉJÀ S’ATTENDRE À UN CONCERT MÉMORABLE. MOTS | CHRISTINE FORTIER
PHOTO | KEVIN ESTRADA
MUSIQUE 27 VOIR MTL
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> Ceux et celles qui assistaient au spectacle de Napalm Death lors du huitième festival Heavy Montréal se souviennent sûrement du nuage de poussière qui s’était élevé devant la scène à cause du mouvement des fans dans le «pit de thrash». L’anecdote traduit bien l’effervescence qui entoure chaque visite du groupe grindcore britannique à Montréal. De son côté, le bassiste Shane Embury se souvient de leur participation au festival pour des raisons différentes: «Nos amis de Suffocation avaient joué juste avant nous et j’ai vu un castor. Le temps que je me dise “oh, un castor!”, il m’a regardé et s’est sauvé. J’aurais aimé avoir le temps de prendre une photo, car c’était la première fois que j’en voyais un d’aussi près», relate le bassiste. Il ajoute qu’il garde un souvenir positif de son expérience au festival parce que les gens étaient cool, la nourriture était bonne et la météo agréable: «On a joué souvent à Montréal, alors je connais le coin et j’y ai des amis. On est contents d’avoir été réinvités, alors ça devrait être le fun.» Au départ, Napalm Death avait prévu de faire le voyage au Québec dans le seul but de participer à Heavy Montréal, puis on leur a offert de se joindre à la deuxième partie de la tournée d’adieu de Slayer. C’était une occasion que la formation, également composée du chanteur Mark «Barney» Greenway, du batteur Danny Herrera et du guitariste Mitch Harris (à noter que ce dernier est toujours en pause et remplacé par le guitariste John Cook en tournée, mais selon Shane, on devrait le revoir bientôt), ne pouvait pas manquer: «On a joué un ou deux concerts avec Slayer dans le passé, mais le fait de finalement faire une tournée avec eux, plus spécialement aux États-Unis, est très significatif pour nous», précise le bassiste qui rêve de partir en tournée avec le quatuor thrash depuis qu’il a 16 ans. En mars dernier, Napalm Death a lancé la compi lation Coded Smears and More Uncommon Slurs. C’est Shane qui a eu l’idée de rassembler sur un même disque 31 chansons et reprises enregistrées entre 2004 et 2016 pour différentes versions de leurs albums de même que des splits EP, dont un avec Voïvod lancé en 2014: «On a accumulé ainsi beaucoup de morceaux que tout le monde n’a pas entendus et il me semblait que ce serait une bonne façon de faire patienter les fans jusqu’à la sortie du prochain album.» Le bassiste a trouvé l’exercice d’autant plus intéressant que Napalm Death n’avait jamais joué en concert la plupart des pièces de Coded Smears and More Uncommun Slurs: «Quand j’écoute les huit ou neuf premières chansons, j’ai un peu l’impression d’entendre un nouveau disque et
j’espère que les fans vont y trouver leur compte», mentionne-t-il. En ce qui a trait au prochain disque de Napalm Death qui est en préparation, Shane affirme qu’on peut s’attendre à des compositions extrêmes typiques du groupe ainsi qu’à des chansons qui vont dans des directions inattendues: «Avec de la chance, il ne sera pas trop prévisible.»
SURVOL DE HEAVY MONTRÉAL EN QUELQUES RECOMMANDATIONS Après une prestation très appréciée en 2015 avec le projet solo qui porte son nom, Ihsahn débarque cette fois-ci avec Emperor. Le groupe culte qu’il a cofondé en 1991, et qui est considéré comme l’un des pionniers du mouvement black métal, s’est séparé en 2001, mais donne de rares concerts depuis 2005. Mieux encore, le 28 juillet, la formation norvégienne va régaler ses fans en jouant intégralement son classique Anthems to the Welkin at Dusk, paru en 1997. Dans les années 1990, Sleep a lancé trois albums (Volume One, Sleep’s Holy Mountain et Dopesmoker) qui sont aujourd’hui vénérés par les amateurs de stoner métal. De fait, ce n’est que plusieurs années après sa séparation survenue en 1998 que le trio californien est devenu populaire. En 2009, le guitariste Matt Pike (High on Fire), le bassiste-chanteur Al Cisneros (OM) et le batteur Jason Roeder (Neurosis), qui s’est joint au groupe en 2010, ont repris leurs activités, mais ce n’est qu’en avril dernier qu’ils se sont commis avec un quatrième disque intitulé The Sciences. Ils sont à voir le 29 juillet. Chaque édition d’Heavy Montréal propose des groupes qui contentent notre fibre nostalgique. Cette année, c’est à la formation canadienne Helix, qui nous a donné l’inoubliable Rock You en 1984, qu’incombe la responsabilité de nous rappeler de vieux souvenirs, cela même si elle n’a jamais cessé ses activités. y
Heavy Montréal Les 28 et 29 juillet Au parc Jean-Drapeau Heavy en ville le 27 juillet heavymontreal.com
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À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL
FATHER JOHN MISTY GOD’S FAVORITE CUSTOMER
(Sub Pop) HHHH
Avec ce quatrième album studio, Father John Misty (Josh Tillman) prouve que son talent ne s’essouffle pas. Sur ce disque qui arrive tout juste 14 mois après le très incisif mais moins mémorable Pure Comedy, les éléments clés du succès de FJM y sont toujours: poésie brillante, interprétation juste, ton direct, histoires cocasses, musiques intemporelles et délicieuses. Toujours très introspectif, le chanteur se met en scène dans l’espèce de fable psychédélique Mr. Tillman. L’album est somme toute plutôt lumineux et léger malgré des chansons où le regard sur soi s’avère brutal. «I’m in over my head», répète-t-il sur la ballade The Palace, vulnérable comme pas un, entouré des douceurs d’un piano. À écouter aussi: l’excellente pièce-titre, émouvante avec l’ajout d’une voix féminine. (V. Thérien)
NATALIE PRASS THE FUTURE AND THE PAST
IMMORTAL NORTHERN CHAOS GOD
(ATO Records) HHH 1/2
(Nuclear Blast) HHH
La musicienne et chanteuse américaine Natalie Prass ne manquait pas d’assurance, mais la voici en pleine éclosion avec ce second disque. La pop ensoleillée à saveur R&B et jazz qu’elle propose depuis un album éponyme en 2015 était déjà très séduisante, mais voilà qu’elle saupoudre des guitares bien funky sur la pièce d’ouverture, Oh My, et qu’elle tâte le terrain du soft rock à la Haim sur The Fire. Si elle s’éclate à fond sur Ship Go Down, elle est aussi capable de somptuosité avec Hot for the Mountain. La production est encore une fois impeccable, signée par Matthew E. White, et ses musiciens du studio Spacebomb sont excellents, quoique le disque s’essouffle à la dernière chanson, peu mémorable. On retient le superbe appel à la solidarité de Sisters sur laquelle elle chante «keep your sisters close to you». (V. Thérien)
Rebienvenue dans le «Blashyrkh», le royaume de l’obscurité et du froid que le guitariste et chanteur Demonaz a imaginé dans les débuts d’Immortal pour donner corps aux textes et à la musique du groupe norvégien. La sortie d’un neuvième album sans la contribution d’Abbath, le chanteurguitariste qui a cofondé Immortal avec Demonaz en 1991, sera probablement considérée comme une hérésie par les fans de la première heure. N’empêche qu’en matière de son et de style, Northern Chaos God est un digne successeur à At the Heart of Winter (1999), Sons of Northern Darkness (2002) et All Shall Fall (2009). Le fait qu’ils aient tous été réalisés par Peter Tägtgren (Hypocrisy) n’y est sûrement pas étranger. Le black métal de Northern Chaos God est cru, froid et entraînant, mais son principal défaut est son manque de variété sur le plan rythmique, à tel point qu’on a parfois l’impression d’écouter plusieurs fois la même chanson. (C. Fortier)
CHRISTINA AGUILERA LIBERATION (RCA / Sony) HHH 1/2 La chanteuse américaine de 37 ans livre ici un album pop puissant, possiblement son disque le plus important de sa disco graphie, pas très loin devant Stripped (2002). Son huitième album studio est imbibé de hip-hop, de r&b, de reggae, de soul, un peu d’énergie rock, et le tout se termine sur une élégante ballade. Les superstars Kanye West et Anderson .Paak participent à deux titres chacun, parmi une pléthore de compositeurs. Les propos sont forts alors que la chanteuse pose un regard sur soi nécessaire, tentant ainsi de se libérer, comme le titre l’indique. En guise d’introduction à l’excellente Fall in Line, on entend des jeunes filles et des femmes énoncer ce qu’elles souhaitent devenir (une superhéroïne, une docteure, une présidente). Christina s’adresse ensuite à elles pour livrer une bombe pop féministe. Coup de cœur pour Maria en début de disque: beat assassin, instruments à cordes et échantillon du jeune Michael Jackson. (V. Thérien)
GILLES BERNARD QUARTET FRÉQUENCE 119 (Arte Boréal) HHH 1/2 Reconnaissable à son béret gris et à sa large palette sonore, le pianiste de Québec Gilles Bernard sort enfin de sa tanière, le Studio de l’Ours. Ce nouvel album, à la fois réfléchi et spontané, donne beaucoup d’espace aux autres membres très éloquents de son excellent quartette: le saxophoniste brésilien Thiago Ferté, le batteur montréalais Louis-Vincent Hamel et le contrebassiste Pierre Côté, avec qui Bernard joue depuis des décennies. Fréquence 119 (la fameuse note bleue, d’après le leader) est constitué de cinq longues pièces originales signées par l’unique compositeur. Tantôt grave (Requiem pour Colette), tantôt ponctué d’humour jazz bop (Le Cambrigor), il se termine avec Via, un bijou de légèreté sur cadences tropicales comme un clin d’œil calypso à Sonny Rollins et Monty Alexander. Ici, la musique prend son temps. (R. Boncy)
DISQUES 29 VOIR MTL
ALBERT SCHNELZER TALES FROM SUBURBIA (BIS/Naxos) HHH Le compositeur suédois Albert Schneizer est né dans les années 1970, et il ne fait pas comme s’il n’avait jamais entendu du rock. Il a déjà écrit un solo de piano inspiré d’Iron Maiden, et les deux concertos qu’il présente ici sont directement inspirés de Pink Floyd. Crazy Diamond, un concerto pour violoncelle (Claes Gunnarsson), et Brain Damage, un concerto pour orchestre (Gothenburg Symphony/Benjamin Shwartz), ne citent pas la musique du groupe anglais, mais puisent dans ses thèmes récurrents (la folie de Syd Barrett, le contrôle mental, etc.) pour s’en inspirer. La démarche est intéressante. Une troisième pièce, Tales from Suburbia, nous ramène encore à ses (nos?) souvenirs d’adolescence. Une musique très évocatrice, qui pourrait être celle d’un ballet. (R. Beaucage)
COWBOY JUNKIES ALL THAT RECKONING (Latent Recordings) HHH 1/2 Encore aujourd’hui, les Cowboy Junkies demeurent uniques et pertinents, comme en témoigne ce 17e album. Malgré les années, le son folk et country alternatif du groupe n’a pas changé d’un iota. All That Reckoning est un album tout en délicatesse, même quand la bande décide d’appuyer un peu sur la pédale de fuzz. À l’instar des nombreux autres efforts du combo, tout ici est maîtrisé, retenu, l’envoûtante voix de Margo Timmins flottant au-dessus des envolées oniriques du groupe. Reste que si le ton invite à la rêverie, le fond est beaucoup plus sombre. All That Reckoning pourrait bien être le disque le plus sévère de la formation, road trip nocturne sur une route qu’on croit sans fin, disque de considérations politiques et sentimentales, qui appelle à rendre des comptes et aussi sans doute à se réveiller malgré la douceur et les caresses de la musique. (P. Baillargeon)
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JAKOB BANGSØ CONNECT - ELECTRONIC WORKS FOR GUITAR (Dacapo Records / Naxos) HHH 1/2 Le guitariste danois Jakob Bangsø est un petit génie de la six cordes acoustique qui rafle des premiers prix partout où il passe. Pas de feu d’artifice ici, cependant; il ne se la joue pas McLaughlin ou Di Meola, mais reste presque en retrait pour laisser parler les bidouillages électroniques conçus par les cinq compositeurs dont les œuvres sont enregistrées ici pour la première fois. Déclenchement de séquences d’échantillons, production de feedbacks ou légère coloration numérique, la guitare n’est jamais seule, et le musicien a tout un monde au bout des doigts. Il traverse cinq univers bien différents, dans lesquels l’électro et l’acoustique ont bien des choses à se dire, et du temps pour le faire. (R. Beaucage)
ARTISTES VARIÉS FOR MY CITY [VOL. 1] (Indépendant) HHH 1/2 Décidément, on ne manque pas de producteurs talentueux au Québec. Après l’éclosion des Kaytranada, High Klassified, Tommy Kruise et autres figures de proue maintenant bien en vue à l’international, voilà qu’une nouvelle génération est prête à prendre le flambeau du microcosme local avec autant d’audace que celle qui l’a précédée. Tâtant habilement le pouls de cette relève, For My City [Vol. 1] met en vedette une pluralité de beatmakers aux styles différents, sans pour autant tomber dans l’assemblage disparate. Traversée par une esthétique trap chaleureuse aux contours de jazz et de soul, qu’arpentent notamment QuietMike, Slumgod, Lowpocus et Franklin Would avec mordant, la compilation se permet des instants lo-fi plus rugueux signés Highlord et d’autres détours expérimentaux aux racines house signés Xixool. Un aperçu significatif de la richesse qui habite la scène hip-hop québécoise ces derniers temps. (O. Boisvert-Magnen)
LYKKE LI SO SAD SO SEXY
(LL Recordings/RCA Records) HHH 1/2 Le temps où l’on se blottissait dans les douces mais puissantes chansons de Lykke Li est révolu. La jeune maman nous offre un changement de cap avec ce quatrième album à saveur davantage r&b et hip-hop, mais n’ayez crainte, son grand talent pour la pop mélancolique y est toujours et on le reconnaît bien sur last piece et bad woman. Comme elle s’entoure de multiples compositeurs qui signent des hits pour Bruno Mars, Beyoncé ou The Weeknd, plutôt que son habituel collaborateur – et compatriote suédois – Björn Yttling, l’intimité inhérente de ses précédents albums prend le bord. Heureusement, dans toutes ses pérégrinations, Lykke Li maintient ce qu’elle fait brillamment depuis ses débuts: elle perce la pop avec des émotions vives, abordant les angoisses de la vie de couple et la dépendance à l’autre, par exemple. Nous voici devant un disque qui ajoute du chien à sa discographie. (V. Thérien)
30 CHRONIQUE VOIR MTL
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MONIQUE GIROUX SUR MESURE
EST-CE BIEN NÉCESSAIRE ? Vous est-il déjà arrivé de vous arrêter au beau milieu d’une action et de vous demander: est-ce bien nécessaire? Jusqu’à maintenant, je n’ai pas considéré comme indispensable de trouver les raisons qui me poussent ces derniers temps à me poser de plus en plus souvent cette question. Mais là, me voilà en plus devant mon écran à me demander s’il est bien raisonnable de partager avec vous ma réflexion. Ici là, maintenant, pendant que je vous écris, vient de sonner le signal de la fin de cycle de mon sèchelinge: 14 notes de La truite de Schubert. Je les ai comptées. Y a des gens qui bossent à programmer La truite de Schubert dans le système de sèchelinge chez Samsung. Est-ce bien nécessaire? Ce matin, j’ai ouvert la télé pour regarder d’un œil, seulement d’un, le match de soccer qui opposait la Colombie au Japon. J’aime bien le sport, mais seulement quand il s’agit de grands rassemblements, par exemple les Olympiques, Wimbledon, Roland-Garros, mais pas le Super Bowl – je n’ai jamais rien compris au football. L’idée de faire la même chose simultanément que la moitié de la planète me rassure, surtout quand celle-ci se divertit. Mais est-ce bien utile? Après la première mi-temps, RDS nous apprend que les Japonais ont couru 48km et les Colombiens 45km… Ma foi… 48km… est-ce bien prudent? La moitié du stade est composée de fans qui, le vent dans le dos, ont fait le voyage Colombie-Russie, et l’autre moitié venant vent de face a fait le voyage Japon-Russie. Ils logent où tous ces aficionados provenant des 32 pays participants? Dans quelle langue parlent les joueurs
quand ils s’obstinent avec l’arbitre? En 2026, la Coupe du monde de soccer va se tenir au Canada, au Mexique et aux États-Unis. Est-ce bien primordial? Et puis, je dis ça et je dis rien, mais il y a six fuseaux horaires au Canada, idem aux États-Unis, et deux au Mexique. Les petits gars aux mollets d’acier vont jouer le lundi à Toronto, le jeudi à Tijuana et le samedi à Oakland? Est-ce bien réaliste? Le plus étrange avec ces incessantes questions qui me laissent souvent coite, c’est que je ne leur trouve rarement de réponses. C’est souvent quand je suis en vacances que ces questions superfétatoires occupent mon esprit et se pointent sans prévenir. Comme une chanson, tiens, disons La danse des canards par exemple, quand elle s’entête à se secouer le bas des reins en faisant coin-coin. Voici en vrac quelques faits qui se bousculent dans mes songes par temps de canicule. Trump laisse toujours son veston ouvert sur sa cravate rouge, est-ce bien indispensable? Et les cages à enfants? Ça, j’ai la réponse. C’est scandaleux, honteux, inadmissible, insoutenable, inacceptable, intolérable, inconcevable. Dans un enregistrement, alors que me venait spontanément le mot «conséquemment», on m’a demandé de le remplacer par «parce que». Un chanteur français invité aux FrancoFolies chante une chanson en anglais non sans nous avoir d’abord
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dit: «Ici, vous comprenez que je chante en anglais, vous êtes Canadiens, tandis que chez nous…» Est-ce bien vrai? Encore cette nuit, dans mon insomnie, branchée sur France-Inter, qui, contrairement à Radio-Canada, because le décalage, est en direct, j’ai entendu: «Vous serez sécure. Very sécure.» Are you sure? Old Navy, Foot Locker, Urban Behavior, Mandy’s, September Café, Cartel Street Food Bar, Red Tiger, Pier 66, Meat Ball House, Lawrence, Sparrow, Satay Brother’s, Kitchen Galerie, Grinder, Le Darling. Banana Republic… Je vous l’accorde, République de bananes m’attirerait moins. Que des endroits sympas et que j’aime. Est-ce bien rassurant? Pas, very pas. Bertrand Cantat qui, pour avoir tué son amoureuse à coups de poing, a fait quatre ans de prison reprend la route et sa guitare. Est-ce bien convenable? Après le Théâtre de la Vieille Forge, la Maison Lebreux de Petite-Vallée, qui a vu grandir je ne sais combien de générations et qui a accueilli dans ses chambres et sa cuisine Plume, Michel Fugain, Gilles Vigneault et tous les Daniel Boucher de la francophonie, a été elle aussi détruite par le feu. J’aimais la berceuse à deux places, et le cœur à la bonne place. Y a que ça qui est nécessaire dans l’histoire. Pourquoi inclure le nom des animateurs dans les titres de leurs émissions de radio? Quand l’animateur part en vacances, son remplaçant est forcé pendant tout l’été de répéter le nom de celui qui se prélasse au soleil pendant que lui trime à l’ombre. Hubert Lenoir, bel elfe de la chanson, mi-ombre, mi-lumière, remporte le prix Félix-Leclerc de la chanson, accompagné d’une bourse de 30 000$, et le prix Révélation Radio-Canada en chanson. Hubert a une fleur de lys tatouée sur la fesse. Est-ce sur la fesse gauche ou sur la droite?
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Est-ce bien acceptable de payer un cahier de notes bleu ciel 24$ juste parce qu’il est à carreaux et que j’aime les cahiers à carreaux et que celui-ci vient d’Allemagne et que j’aurais donc dû acheter un proxi-cahier, un cahier gossé dans mon quartier? Voilà autant de pensées parfois futiles, parfois graves ou juste bruyantes qui traversent ma cervelle estivale grillée au BBQ. Juillet, puisses-tu diffuser ton brumisateur de légèreté encore plus fort cette année. Il me semble qu’on en a bien besoin, citoyens circonspects, inondés d’informations diverses et variées, de rumeurs et d’inepties. Ah oui, ça me revient. Les cônes orange oubliés les longs des trottoirs juste au cas où on en aurait encore besoin l’année prochaine… est-ce bien nécessaire? y
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L’IMPORTANCE
DE L’ÉCHEC FILM AU DESSEIN NOSTALGIQUE, 1991 COMPLÈTE LA TRILOGIE ENTAMÉE PAR RICARDO TROGI EN 2009. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
«Ça reste la même chose que les deux autres films. C’est juste de la pure nostalgie», schématise le cinéaste et scénariste montréalais. «Par contre, j’ai pas l’impression d’avoir fait trois fois le même film. Je vois ça comme les aventures de Tintin, mais avec un personnage qui vieillit.» Après avoir vécu le déracinement durant son enfance (1981) et flirté avec la délinquance durant son adolescence (1987), le personnage autobiographique de Ricardo Trogi (joué par Jean-Carl Boucher) se paie le premier voyage de sa vie en 1991. Attiré par celle qu’il croit être la femme de sa vie, MarieÈve Bernard (interprétée par Juliette Gosselin), le jeune adulte se rend à Perugia en Italie pour rejoindre sa flamme et, par la bande, renouer avec ses racines italiennes. Comme c’était le cas dans les deux précédents volets, il se butera à une suite de péripéties qui viendra compromettre la relation amoureuse escomptée. «La recherche de l’amour, c’est encore la thé matique principale, le moteur créatif. Je pense que tout le monde peut se reconnaître là-dedans, car on a tous déjà forcé des affaires en sachant très bien que c’était pas voué à fonctionner, explique Trogi. En regardant le film, les gens auront peutêtre l’impression que c’est une recette que je répète, mais au moment où je l’ai écrit, c’était pas ça, l’enjeu. Je voulais juste avoir le récit le plus honnête possible par rapport à ce que j’ai vécu à ce moment-là. Pis c’est rien ça, car j’en ai plein d’autres, des situations de même à raconter... Je pourrais facilement écrire le film Ma vie en 30 échecs.»
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
Encore une fois, c’est le côté authentique de l’œuvre qui décuple l’intérêt qu’on lui porte. Naïf, le jeune Ricardo s’embourbe dans différentes situations problématiques qui deviennent cocasses grâce à la narration badine du réalisateur. On pense notamment à cette scène risible où l’aventurier perd son passeport et tous ses papiers en arrivant à Perugia ou à cette autre scène encore plus embar rassante où, bien camouflé dans ses draps, il devient le témoin accidentel d’une scène d’ébats amoureux se déroulant juste en haut de lui. S’il admet jouer avec l’ordre des événements afin que l’essentiel de la période qu’il dépeint soit regroupé au sein du même film, le cinéaste s’assure de les représenter avec le plus de fidélité possible. «Je mélange certains détails et certaines époques, mais généralement, ce qui se passe dans le film, ce sont des trucs qui me sont arrivés», certifie le réalisateur, qui a tourné la majeure partie du film en six semaines à Perugia avec une équipe de 30 personnes. «Avec du recul, ça m’amuse de raconter tout ça, même si j’ai souvent l’air con.» Trogi s’assure toutefois de ne pas forcer la note, en laissant une grande place à la personnalité de son alter ego Jean-Carl Boucher. «Par exemple, tout mon aspect sportif, je l’ai délaissé, car Jean-Carl n’est pas quelqu’un de particulièrement porté vers les sports. À la place, j’ai davantage mis de l’avant mon côté sociable à travers lui. Aussi, il est un peu plus sérieux que moi dans la vie, alors au lieu qu’il provoque lui-même les conneries qui lui arrivent, on s’arrange pour qu’il se ramasse plus naïvement dans des situations rocambolesques.»
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Parler de soi sans prétention Ainsi, le Montréalais a réussi un tour de force: réaliser trois films autobiographiques sans pour autant en faire des objets artistiques prétentieux. Présentes lors de l’écriture du premier volet, les craintes que sa trilogie soit perçue comme narcissique ont rapidement été évacuées. «J’ai fait attention à ça dès le début. De toute façon, le choix de la comédie m’empêche de finir on top of the world à chaque film. Personne ne peut dire que j’essaie de me penser bon.» Très loin des stéréotypes de croissance personnelle que les films pour jeune public mettent bien souvent de l’avant, 1991 expose la réalité concrète d’un jeune adulte en quête identitaire, sans autres artifices que ceux qui déterminent nos vies à ce moment crucial de notre développement. Sans répéter une formule naturaliste à la Boyhood, l’ensemble de la trilogie rend compte de l’évolution de Jean-Carl Boucher avec une impressionnante justesse. «C’est moins laboratoire que Boyhood, pas mal plus narratif, mais c’est certain que ceux qui vont écouter les trois films le même soir vont avoir la chance de voir un gars passer de l’enfance à l’âge adulte en quelques heures. Mais bon, au-delà de ça, y a pas de morale. J’aime pas les personnages qui doivent évoluer avant la fin du film, même si c’est une technique de scénarisation qui a fait ses preuves. J’ai de la misère à croire qu’un personnage peut changer du jour au lendemain ou, même, en quelques semaines.»
PHOTO LES FILMS SÉVILLE
Sa trilogie maintenant derrière lui, Trogi planche sur différents projets, tous confidentiels pour l’instant. Mais l’envie de remettre ses frasques adulescentes à l’écran n’est jamais très loin. «Dans ma tête, la saga était terminée jusqu’à tout récemment... J’aimerais peut-être ça faire un 1994 avec tout ce qui s’est passé durant mon expérience à la Course destination monde», dévoile-t-il, en faisant référence à cette émission diffusée à Radio-Canada entre 1991 et 1999 durant laquelle des participants parcouraient des régions du monde pour réaliser des courts métrages. «L’affaire, c’est que sur le plan narratif, je sais pas comment je ferais pour raconter tout ce qui s’est passé dans 20 pays. Aussi, j’ai toujours peur de faire du cinéma qui parle de cinéma.» Chose certaine, le réalisateur a déjà en tête des scènes incommodantes qui, tout comme dans sa trilogie, ont un potentiel humoristique certain grâce au détachement temporel qu’implique le médium filmique. «J’ai notamment passé trois jours à la douane égyptienne pour récupérer une caméra vidéo qu’on voulait pas me donner. Ça m’a pris du temps pour comprendre qu’il fallait juste que je donne 30$ on the side pour la ravoir, se souvient-il, en riant. Dans des situations comme ça, mon réflexe, c’est de continuer à m’enfoncer, car je sais que l’histoire va être drôle quand je vais la raconter plus tard. En fait, je dois avoir le même genre de réflexes que les humoristes.» y En salle le 27 juillet
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LES SIGNES VITAUX DE SOPHIE DERASPE
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MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
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epuis qu’il siège à la Cinémathèque qué bécoise à titre de directeur général, Marcel Jean se régale à programmer un cycle estival, qui s’échelonne du début du mois de juillet à la fin août. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’été est une bonne saison pour la Cinémathèque, alors qu’on voit beaucoup de blockbusters prendre l’affiche ailleurs, films qui intéressent peu son public. Exit aussi la concurrence potentielle des théâtres, en relâche. En 2016, l’établissement du Quartier latin avait fait un bon coup avec le cycle Une histoire de l’érotisme. Et l’an dernier, réalisant que la période représentait grosso modo 100 séances, Marcel Jean a misé sur 5 films de 20 grands cinéastes avec 20 x 5. Aujourd’hui, la programmation estivale est dédiée aux femmes réalisatrices. «Le flash qui s’est imposé, c’était d’aller contre l’espèce de lieu commun qu’on entend souvent quand on parle de la place des femmes: “Oui, y a des femmes en cinéma, mais pas beaucoup…” Notre intention, c’était donc de dire: “Mais y en a pas mal!” Pourquoi ne pas faire 100 réalisatrices?! On voulait surtout montrer qu’il y a beaucoup de femmes qui ont du talent et aussi qu’il n’y a pas qu’un seul cinéma de femmes.» Le cycle Femmes, femmes s’ouvrait avec un grand classique, Molière d’Ariane Mnouchkine, et se poursuit jusqu’au 26 août. De grands rendez-vous sont prévus avec des œuvres de sommités comme Alice Guy, Agnès Varda ou Ida Lupino, en passant par des films de grandes cinéastes contemporaines (Jane Campion, Claire Denis, Mireille Dansereau, Andrea Arnold, Chantal Akerman), mais aussi des voix fortes issues de la dernière décennie (Miranda July, Virginie Despentes, Lawrence CôtéCollins, Lena Dunham). «Les femmes font partie du cinéma depuis le tout début, l’époque muette, et y a des femmes qui se sont fait remarquer dans toutes les cultures aussi, indique le DG. On est allé chercher un film d’Euzhan Palcy (Rue Cases-Nègres), la première femme noire cinéaste primée à la Mostra de Venise. Au Japon, dans les cinq réalisateurs contemporains les plus réputés mondialement, il y a Naomi Kawase.» La Cinémathèque présentera donc l’une de ses plus récentes œuvres, Still the Water. Marcel Jean souligne également le travail de deux cinéastes qui ont su se frayer un chemin dans un monde majoritairement masculin. «Ida Lupino, dans l’histoire, c’est une actrice qui marie un scénariste et qui le devient aussi elle-même. Elle devient ensuite réalisatrice un
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peu par accident. Elle écrit un jour un scénario. Le film est à l’aube d’être tourné et le réalisateur fait un infarctus. Les producteurs la choisissent pour le remplacer parce qu’elle connaît le scénario par cœur. À partir de là, sa carrière est lancée. Ça démontre à quel point c’était difficile pour les femmes d’avoir la confiance des patrons d’Hollywood. L’histoire d’Alice Guy est un peu semblable et illustre bien ce manque d’ouverture à l’époque. Elle était la secrétaire de Pathé et a fini par lui dire: “Monsieur, pourrais-je prendre une caméra et tourner un film?” Il lui a répondu: “Oui, mais pas sur les heures de bureau et on ne vous paye pas plus!”» En plus d’avoir travaillé en dialogue avec Réalisatrices équitables et la spécialiste du cinéma féministe Julia Minne pour ce cycle, Marcel Jean et la Cinémathèque québécoise sont allés chercher deux alliées ambassadrices pour Femmes, femmes – l’ancienne présidente et chef de la direction de la SODEC Monique Simard et la cinéaste Sophie Deraspe –, qui ont aussi eu un apport dans la sélection des films.
(CI-CONTRE) MOURIR Á TUE-TÊTE DE ANNE-CLAIRE POIRIER; (EN-HAUT) CLÉO DE 5 À 7 DE AGNÈS VARDA
«C’était très important pour nous de montrer des films qui vont au cœur de la prise de parole féminine et féministe. En guise d’exemple, on savait qu’il fallait montrer un film d’Anne Claire Poirier. Au départ, j’avais choisi De mère en fille, sur la
maternité. Monique Simard m’a questionné sur ce choix quand on l’a consultée. Elle m’a dit: “C’est Mourir à tue-tête qu’il faut montrer, son film sur le viol.” Moi, en tant qu’homme, je n’osais pas aller là, mais elle m’a expliqué en quoi c’est un film majeur. Elle viendra donc le présenter elle-même à la Cinémathèque.» Un point important communément soulevé lorsque des initiatives culturelles proposent un événement entièrement féminin (ou dédié aux peuples autochtones ou à d’autres minorités), c’est qu’on se demande pourquoi présenter un événement «spécial» alors qu’on devrait plutôt intégrer ces œuvres dans la programmation régulière parce qu’elles y ont leur place. «Je suis absolument d’accord avec ça! nous dit Marcel Jean. Notre ambassadrice Sophie Deraspe disait: “Je rêve du jour où on n’aura plus besoin de faire des cycles de femmes.” Elle a raison, mais on n’est pas encore rendu là.» Lui qui est aussi délégué artistique du Festival international du film d’animation d’Annecy prévoyait signer, comme l’ont fait les dirigeants de Cannes en mai, une charte pour la parité femmeshommes dans les festivals de cinéma. «Ce que ça dit, entre autres, c’est qu’en tant que festival, on s’engage à publier des statistiques genrées de soumissions et de sélections.» Selon le DG de la Cinémathèque, les institutions ont tout à gagner à actionner des mécanismes pour que la roue soit tournée en faveur de la parité. «Quand je suis arrivé à Annecy en 2013, j’ai fait la remarque qu’il y avait toujours plus d’hommes que de femmes dans le jury. On me disait: “Ah, y a pas autant de femmes qui ont la stature.” J’avais mes doutes alors j’ai commencé à essayer de vendre l’idée de faire une année de femmes et un jury entièrement féminin. Ç’a obligé tous les gens dans l’équipe à creuser dans leurs listes pour trouver des noms et depuis ce temps-là, on a toujours l’équité. Et l’équité sans forcer, parce que tout le monde a mis à jour ses listes de réalisateurs, producteurs, journalistes, etc. Parfois, il faut un simple geste comme ça pour changer les choses. Ce cycle de femmes, ça nous a permis de fouiller dans les collections de la Cinémathèque pour trouver des copies de films de femmes et maintenant, on a plein d’idées pour la suite! On pense à plusieurs réalisatrices autour desquelles faire des événements. Quand les gens entendaient parler de ce cycle, certains nous signalaient, par exemple, le travail d’une femme cinéaste militante qui fait de l’expérimental. On ne la connaissait pas, mais maintenant on la connaît et on la programmera! Ça génère donc du mouvement et l’impact positif est pratiquement dans toutes les retombées.» y Jusqu’au 25 août À la Cinémathèque québécoise
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PANORAMA e DU 22 FANTASIA LA PROCHAINE ÉDITION DU FESTIVAL FANTASIA, QUI SE TIENDRA DU 12 JUILLET AU 1ER AOÛT, S’ANNONCE FORT PROMETTEUSE. MOTS | MAXIME LABRECQUE
Vitrine et plateforme incontournable, Fantasia élargit et repousse les limites du cinéma de genre d’ici et d’ailleurs. Même si l’horreur et la science-fiction ont toujours la cote et que le kitsch et les clichés abondent – souvent au plus grand bonheur des fidèles spectateurs –, les découvertes cinématographiques sont nombreuses et révèlent des voix fortes. C’est aussi ce qui fait le charme du festival: un mélange de folie et d’adrénaline, de tendresse et d’hémoglobine! Souvent, d’impression nantes files se forment à l’extérieur de l’Uni versité Concordia – centre névralgique du festival –, témoignant de la dévotion des fans. Car ce qui donne vie au festival, c’est son public. Même si elle ne se définit pas comme une festivalière «type», Zoé Protat affirme toujours y trouver son compte: «J’avais vu un film de fantômes italien littéralement terrifiant il y a quelques années, ou des docus sur de grands excentriques (celui sur Divine il y a quelques années encore). Ou, encore mieux, des rétrospectives de trucs improbables, comme des films fantastiques soviétiques restaurés!» Simon Laperrière, qui connaît très bien les coulisses de Fantasia, affirme qu’il s’agit d’un événement majeur «entièrement dédié au cinéma de genre, ce qui lui a permis de faire découvrir les premières œuvres de cinéastes majeurs comme Darren Aronofsky avec Pi, et les productions Troma, scénarisées par James Gunn. Ce créneau fait également en sorte que le festival est encore et toujours le plus populaire en ville». C’est également ce que souligne Aurélie C.-Couture, une spectatrice occasionnelle mais toujours conquise. Pour elle, le festival se démarque par son ouverture: «Programmation super éclectique,
public diversifié et amical, et possibilité de découvrir de véritables ovnis cinématographiques, quelquefois avant tout le monde!» Même si un certain mystère enveloppe encore l’actuelle programmation au moment d’écrire ces lignes, on peut déjà évoquer certains titres. La première mondiale de la version restaurée Tales from the Hood, produite par Spike Lee, sera de la partie. On peut aussi s’attendre à découvrir le film apocalyptique et atmosphérique Dans la brume, de Daniel Roby (Louis Cyr: l’homme le plus fort du monde et Funkytown), avec Romain Duris, qui sera présenté en ouverture du festival. Aux côtés de Vincent Cassel, Duris sera également de la distribution de Fleuve noir d’Erick Zonca, qui suit une enquête policière autour de la disparition d’un adolescent. Et puisque les disparitions ont la cote, le film Mon garçon, de Christian Carion, avec Guillaume Canet et Mélanie Laurent et le film Searching, d’Aneesh Chaganty, s’intéressent à un sujet similaire mais réinventent les codes de ce genre de récit. Qu’advient-il de Nicolas Cage? On pourra retrouver l’énigmatique acteur dans le film portugais Mandy de Panos Cosmatos, un récit de vengeance qui se déroule dans les années 1980. On retrouvera également le film à sketches Nightmare Cinema, dont un segment est signé par Joe Dante (Gremlins). On a égale ment très hâte de découvrir Under the Silver Lake, le troisième long métrage de David Robert Mitchell, après le succès populaire et critique du film d’horreur It Follows. De son côté, l’intrigant Chained for Life d’Aaron Schimberg constitue une comédie noire surréaliste à propos de la vie des acteurs sur un plateau de tournage.
> DANS LA BRUME DE DANIEL ROBY < FLEUVE NOIR D’ERICK ZONCA
Comme chaque année, le cinéma asiatique n’est pas en reste. Last Child, du scénariste et réalisateur coréen Shin Dong-seok, promet de nous secouer. Côté japonais, l’adaptation du manga Bleach constitue l’un des films les plus attendus de 2018. L’œuvre de Shinsuke Sato met en scène une bataille épique avec des shinigamis, ces esprits révélés notamment par l’excellente série animée Death Note. En outre, la première mondiale du film Buffalo Boys permettra de dévoiler les talents de cascadeurs et d’acteurs provenant de l’archipel indo nésien dans un récit épique et historique. Côté films d’animation, mentionnons d’abord Fireworks d’Akiyuki Shinbô, qui présente une romance adolescente avec un tournant fantastique, ensuite Maquia: When the Promised Flower Blooms, décrit comme une escapade médiévale surnaturelle doublée d’effets visuels saisissants et d’une trame sonore signée Kenji Kawai, et finalement Penguin Highway, dont le sujet prend des allures d’Harold et Maude avec une touche fantaisiste. Bref, une fois de plus, par sa programmation variée, Fantasia propose des œuvres pour tous les goûts. Gageons que les spectateurs, qu’ils soient fans aguerris ou néophytes curieux, seront une fois de plus au rendez-vous. Quant à mon coup de cœur absolu, celui-ci demeure le «zappin party» de l’artiste collagiste et multimédia montréalais DJ XL5. J’y découvre chaque fois un enchaînement hilarant de clips inusités et hétéroclites, dont les désor mais célèbres sketches de Simon’s Cat qui constituent la source derrière les miaulements qu’émettent certains spectateurs de Fantasia avant chaque projection! y Du 12 juillet au 1er août
PAR-DELÀ LA PORTE ROUGE LES SUD-CORÉENS ONT ENGRAVÉ LEURS LÉGENDES SUR NOS PIERRES, S’APPROPRIANT LA CITÉ FORTIFIÉE DU 418 POUR Y TOURNER UNE SÉRIE (GOBLIN: THE LONELY AND GREAT GOD) DEVENUE CULTE CHEZ EUX DEPUIS. UN PHÉNOMÈNE CULTUREL QUI CHANGE LA FACE DE LA VIEILLE CAPITALE, DE SES INDUSTRIES TOURISTIQUES ET CINÉMATOGRAPHIQUES. MOTS | CATHERINE GENEST
(CI-CONTRE) COURTOISIE OFFICE DE TOURISME DE QUÉBEC (EN-HAUT) COURTOISIE DESTINATION CANADA
La prémisse de l’œuvre est presque aussi improba ble et surnaturelle que le fait d’avoir choisi Québec pour théâtre de telles fantasmagories. Goblin: The Lonely and Great God est un récit puisé à même le folklore national coréen, une réactualisation contemporaine des mythes du gobelin (ou dokkaebi) et du Faucheur. L’auteure Kim Eun Sook s’est inspirée de la tradition orale de son pays pour jeter les bases d’une histoire d’amour tragique entre un homme condamné à la vie éternelle, le personnage titre, et une simple mortelle. Une fable romantique qui aurait, à en croire les chiffres fournis par Destination Canada, été vue plus de 245 millions de fois seulement à la télévision traditionnelle sud-coréenne. C’est sans compter les marchés malaisiens et chinois, ni même les statistiques de vues uniques pour la plateforme d’écoute en continu Naver TV. Difficile de quantifier tout ça. «C’est des cotes d’écoute très, très imposantes, s’exclame Charles Gaudreau, chef d’équipe d’une cinquantaine de techniciens et artistes qui ont travaillé de pair avec les Asiatiques. C’est une autre stratosphère. C’est des centaines de millions de personnes. Pas qu’ils l’ont écoutée chaque semaine, mais ils ont écouté au moins un épisode.» Pour le producteur délégué qui occupe un bureau dans le quartier Saint-Roch, c’est un contrat qui tombe du ciel. Les compagnies étrangères ne sont pas tenues de s’associer à des boîtes d’ici lorsqu’elles débarquent pour un tournage, rien ne les y oblige. «Il n’y a pas de règlement en ce
sens-là parce que c’est souvent très contraignant», explique Alicia Despins, membre du comité exécutif de la Ville de Québec, responsable de la culture, de la technoculture et des grands événements. «Mais on fait savoir qu’on l’apprécie particulièrement quand ils retiennent les services des artisans et producteurs locaux pour mener à terme leurs projets.» D’ailleurs, les fonctionnaires municipaux servent d’entremetteurs en partageant un bottin de leur cru conçu à l’intention des cinéastes en visite, facilitant ainsi les contacts entre collègues de nationalités différentes. Huit mois avant le début du tournage, Charles Gaudreau rencontrait le producteur coréen accompagné de son interprète, un tête-à-tête éclair qui s’inscrivait dans une séance de magasinage chez une myriade de maisons de production de Québec. Puis, silence radio. Il n’apprendra que beaucoup plus tard que ses services avaient été retenus. «Six mois après, je reçois un appel du fixer. “Ouais, notre producteur t’as bien aimé. Il veut faire affaire avec toi. On arrive dans deux mois.” Là, j’ai fait de l’espace dans mon agenda!» Les premiers membres de l’équipage sud-coréen débarquaient peu après le coup de fil décisif. «C’était phénoménal de les voir aller parce qu’on a 13 heures de décalage avec là-bas. Le jour, ils travaillaient avec nous et, le soir, la Corée se réveillait. C’est des surhumains.» Dire que ces gens ont le cœur à l’ouvrage serait un euphémisme. Investis jusqu’à en perdre haleine, les caméramans, les éclairagistes et autres machinos ont très souvent défié les normes instaurées par les
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44 syndicats qui ne représentaient que les Québécois. «Il a fallu qu’on fasse deux équipes parce qu’ils faisaient des shifts de 30 heures en ligne des fois. On se relayait. Pour eux, il paraît que c’est normal. L’assistant-réalisateur Jeremy Peter Allen n’en revient toujours pas, même s’il précise que ce quart de travail triple ne s’est produit qu’une seule fois. «Ils étaient absolument épuisés à la fin, ils dormaient dans les camions.» Parmi ce qui subsiste à ce tournage très intense d’une dizaine de jours, il y a ce pèlerinage que les fans font caméra à la main pour ensuite téléverser le tout en ligne. Les journaux de bord vidéo pul lulent sur YouTube. Le Château Frontenac, qui a d’ailleurs vu croître sa clientèle coréenne de 500%, vend même le forfait Ultimate Goblin Experience comprenant une nuitée dans une suite qui a servi de décor et une carte des endroits où les scènes ont été filmées. La fontaine de Tourny, la Boutique de Noël sur Buade, la terrasse Pierre-Dugua-De Mons, la rue des Carrières, l’escalier Casse-Cou… Des endroits déjà légendaires ou carrément méconnus que Catherine Lavoie, directrice des lieux de tournage, a finement choisis. C’est elle qui, notamment, a déniché la fameuse porte rouge, celle devant laquelle de nombreux touristes se photographient désormais chaque jour. «Au départ,
«ON POUVAIT FILMER UNE SCÈNE QUI SE PASSE EN 1960, MAIS ILS AVAIENT UN CALENDRIER SUR LE MUR OÙ C’ÉTAIT INSCRIT 1932. ON AVAIT BEAU LEUR DIRE, MAIS CE N’ÉTAIT PAS GRAVE POUR EUX.» nous avions proposé plusieurs portes. Le réalisateur en a choisi une dans le lot, et c’est tombé sur celle du Théâtre Petit Champlain. J’ai su que le Théâtre a eu beaucoup de visite par la suite…» Au-delà du portail magique, de ce lien fictif entre Québec
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> et Séoul, l’experte du repérage avait pour mandat de magnifier l’exotisme de nos automnes. Au final, et en postproduction, les feuilles rouges ou orange se conjuguent à un soleil vibrant, une lumière absolument invraisemblable pour cette période de l’année où les feuillus se colorent en raison du manque de chlorophylle. Le spectacle est féérique. Mondes parallèles Ce tournage aux allures d’échange culturel aura permis à Jeremy Peter Allen de se familiariser avec un mode de production tout autre et une grammaire de l’image très différente de la sienne, ce à quoi le public nord-américain est accoutumé. «Même si la collaboration entre les deux pays s’est très bien passée de façon générale, on sentait qu’ils venaient d’une autre culture esthétique qui, à plusieurs égards, nous paraissait assez kitsch. Mais si tu regardes la télé asiatique et coréenne, c’est plutôt normal. Nous, les Québécois, on est beaucoup plus dans le réalisme social.» Dans Goblin, les époques se mélangent jusque dans les costumes et accessoires, des anachronismes dont le réalisateur Lee Eung Bok semble faire fi. «On pouvait filmer une scène qui se passe en 1960, mais ils avaient un calendrier sur le mur où c’était inscrit 1932. On avait beau leur dire, mais ce n’était pas grave pour eux.» Le travail des interprètes est teinté par ce même irréalisme, un jeu des plus économes, voire carrément décalé par rapport à ce qu’on voit dans les films occidentaux. «Je ne sais pas si c’est parce qu’ils sont moins expressifs ou si c’est nous qui n’avons pas les codes, qui ne repérons pas ce qui, pour eux, est une réaction normale, admet Jeremy. C’est sûr que le personnage principal était une espèce de demi-dieu, donc il était un peu distant vis-à-vis des autres humains. Mais je pense plus au rôle de la fille qui le suit, celui campé par Kim Go Eun. Ses réactions étaient, je trouve, très codées. Je pense au kabuki ou à l’opéra chinois. Nous, on n’avait peut-être pas les références pour bien lire ça.» Jocelyn Paré, comédien bien actif dans les théâtres de la ville, est de ceux qui ont décroché un petit rôle dans l’émission. On peut le voir aux côtés de Gong Woo, cet acteur si célèbre que les groupes de touristes qui passaient par là devaient être maîtrisés, gardés à l’écart pour assurer sa sécurité. Une expérience qu’il n’est pas prêt d’oublier. «Ce qui est drôle, c’est que, lui, c’est comme une mégavedette! T’sais, je veux dire, il est fucking big. C’est comme si je jouais avec Brad Pitt, là! Mais il ne me disait rien. Il avait toujours deux ou trois filles après lui, une qui replaçait ses cheveux, une autre qui le repoudrait, qui replaçait ses petites couettes. Je trouvais que c’était très plastique comme manière
de fonctionner.» Jocelyn, avec ses 6 pieds et sa crinière châtain foncé, incarnait lui-même la quintessence de l’exotisme aux yeux de ceux qui l’avaient choisi. Le casting était d’une précision chirurgicale et chaque acteur principal était doté de son propre cortège: un coiffeur, un maquilleur et un habilleur. Quelque chose qu’on ne voit jamais sur les plateaux de la Belle Province, «un souci du détail presque maniaque», pour reprendre les mots de l’assistant-réalisateur issu de l’escouade locale. Malgré leurs considérations différentes, malgré cette manifestation de l’extrême droite qui est venue troubler leur mise en scène à la fontaine de Tourny, les Sud-Coréens et les Québécois ont uni leurs forces pour donner vie à ce conte qui fait rêver les masses. Des artistes ont bâti un point entre deux peuples que rien ne rassemblait au préalable. Il nous tarde, à notre tour, de découvrir ce lointain pays à travers les yeux d’un de nos écrivains. y
46 CHRONIQUE VOIR MTL
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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE
BON ANNIVERSAIRE, LE BARBU ! C’est cette année le 200e anniversaire de Karl Marx, né en 1818 et mort en 1883. Il y a tant de penseurs, de militants, de politiciens et même de gens de toutes sortes, parfois infréquentables, qui se sont réclamés de lui qu’il est difficile d’en parler sereinement ou objectivement. On risque cependant alors d’oublier de le relire et de constater qu’il a aussi été un important et fort brillant philosophe dont nous sommes tous plus ou moins tributaires sur certains plans. Prenez par exemple ce concept d’idéologie qu’il développe. Pour le dire vite: il existe dans toute société des ensembles d’idées qui tendent à faire système et qui sont à la fois le reflet, mais aussi, très subtilement, le masque des conditions économiques de cette société. Incontournable… Je propose de nous pencher sur un concept moins connu, mais fort intéressant et stimulant: le fétichisme de la marchandise. Nous savons tous ce qu’est un fétiche: c’est un objet (il peut s’agir d’une personne, mais typiquement, il s’agit d’une communauté tout entière) dont on pense qu’il possède des propriétés extraordinaires, divines ou surnaturelles. Ce concept a d’abord été employé par des ethnologues pour désigner des objets utilisés dans diverses pratiques des peuples dits prémodernes. Une statue, mais aussi un bâton, un collier et une infinité d’autres objets peuvent être des fétiches et servir à d’innombrables fins dans le cadre de pratiques sociales, souvent ritualisées. Voyez ce sorcier qui agite cette statuette au-dessus du ventre de ce malade: tous deux pensent qu’elle pourra le guérir. La statuette n’est pas une simple pièce de bois sculptée: elle est un fétiche, doté de pouvoirs extraordinaires, et elle en est sans doute devenue un par quelque cérémonial.
Marx va appliquer quelque chose de semblable non pas aux sociétés prémodernes, mais bien à la société capitaliste qu’il décrit, et qui reste pour l’essentiel la nôtre. Il semblera à première vue étrange de parler de cette sorte de pensée magique, de mystification investissant un objet d’obscurs pouvoirs que décrivent les ethnologues pour parler des marchandises qu’on rencontre dans notre monde, et notamment au supermarché. Que veut dire Marx, exactement? Je suggère que le concept est au mieux compris comme désignant simultanément trois opérations: occulter; étalonner; mythifier. Occulter. Une marchandise est le résultat du travail humain qui la produit, et c’est d’abord cela qu’on va cacher. Les questions ne se posent en effet jamais ou presque: quelle somme de travail et quels travailleurs ont investi leurs temps, leurs énergies, leur ingéniosité dans cette marchandise? Qui, par exemple, a planté ces légumes du supermarché? Qui les a récoltés? Par quelles mains sont-ils passés pour parvenir jusqu’ici? Dans quelles conditions travaillent tous ces gens? Qui tire profit de ce travail? Tout cela est (presque magiquement) effacé dans l’apparition de la marchandise, tout ce qui rappellerait aux humains que ce monde d’objets est le produit de leur travail (mieux: de leur travail exploité) est gommé. Il n’est pas interdit d’y voir là une des clés qui explique pourquoi on parle tant du consommateur et si peu du citoyen… On ajouterait de nos jours que, par le même procédé, on ne se soucie guère, non plus, de ce qu’il advient de ce qui, une fois consommé, est jeté. Par exemple de ces téléphones portables, jetables et jetés. Étalonner. Ce monde de marchandises, ainsi devenu en quelque sorte indépendant du travail humain
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par lequel il existe, prend ensuite la seule forme d’existence possible dans le monde capitaliste: il devient un élément possible d’échange, comme l’est au demeurant le travail lui-même. Chacun de ces éléments peut être ramené à ce qui médiatise ces échanges entre eux: l’argent; et bientôt les êtres humains n’entrent plus en relations concrètes les uns avec les autres, mais par ces relations abstraites d’échange de marchandises, qui sont étalonnées par l’intermédiaire universel qu’est l’argent. Ces rapports entre des choses occultent les rapports entre les êtres humains. Le capitalisme, pense Marx, ambitionne de tout faire entrer dans ce système de relations. Mythifier. Les marchandises sont alors prêtes pour que s’accomplisse la dernière opération par laquelle elles seront dotées de toutes sortes de propriétés plus fantastiques les unes que les autres. Des experts s’en chargent. Nombre d’entre eux s’appellent aujourd’hui publicistes, conseillers en images, en relations publiques... En bout de piste, on n’est pas si loin de la statuette du sorcier, finalement… À quoi ressemble un être humain au milieu de ces relations mystifiantes? Marx, on le sait, le décrit comme aliéné, trompé et coupé de lui-même. Et qu’en est-il de l’homme Marx lui-même?
Ses filles ont recueilli les réponses de leur père à un jeu appelé Confessions, que Marcel Proust rendra populaire. Les voici: Votre vertu préférée: La simplicité Votre vertu préférée chez un homme: La force Votre vertu préférée chez une femme: La faiblesse Votre trait caractéristique principal: La ténacité Votre idée du bonheur: Combattre Votre idée du malheur: La soumission Le défaut que vous pardonnez le plus: La crédulité Le défaut que vous détestez le plus: La servilité Votre aversion: Martin Tupper Occupation favorite: Dévorer des livres Poète favori: Shakespeare, Eschyle, Goethe Prosateur favori : Diderot Héros favori: Spartacus, Kepler Héroïne favorite: Marguerite Fleur favorite: Le Daphné Couleur favorite: Le rouge Nom favori: Laura, Jenny Plat favori: Le poisson Maxime favorite: Nihil humani a me alienum puto (rien de ce qui est humain ne m’est étranger) Devise favorite: De omnibus dubitandum (douter de toute chose) y
Incontournables de festival Des hauts d’inspiration bohème, du denim dernier cri et des chaussures pour danser sans fin.
MAGASIN DU CENTRE-VILLE DE MONTRÉAL
48 ART DE VIVRE VOIR MTL
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LE QUÉBEC À PLEIN NEZ RÉCOMPENSÉS À L’INTERNATIONAL, LES PARFUMS ARTISANAUX MONSILLAGE SONT CONÇUS À MONTRÉAL. DERRIÈRE DES NOTES VARIÉES, ILS RACONTENT AUSSI LE TERROIR QUÉBÉCOIS CHER À LEUR CRÉATRICE. RENCONTRE DANS UN ATELIER PLEIN D’ODEURS. MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTOS | DANIELE TOMELLERI
À peine entré chez Isabelle Michaud, un parfum persistant nous accueille. Un large frigo renferme les quelque 400 molécules de synthèse, huiles essentielles et absolus nécessaires à la création de parfums, qu’elle met au point ici même. Formée en France, à l’Institut supérieur international du parfum, Isabelle a créé Monsillage en 2009; en mai dernier, elle remportait son deuxième Art and Olfaction Award, un prix international qui récompense annuellement les créateurs de la parfumerie artisanale de niche. «Ça me prend beaucoup de temps à développer ma marque, car je porte tous les chapeaux en même temps, explique Isabelle. Recherche de fournisseurs, conception des parfums, administration…»
Elle arrive cependant à créer un parfum par an, qu’elle produit ensuite par lot de 40 flacons, à la demande, embouteillant elle-même sa petite production artisanale. Les parfums Monsillage sont offerts en ligne et dans plusieurs points de vente au Québec, en Ontario et dans l’est des États-Unis – un marché très nord-américain. À ce jour, elle a sept créations à son actif, dont Eau de céleri et Pays d’Ogon qui lui ont valu ses deux Art and Olfaction Award, auxquelles s’ajoutent deux collaborations pour les marques québécoises Wazo et Harricana. Si Isabelle regrette que la parfumerie ait longtemps été un milieu très caché et mystérieux, elle raconte volontiers les secrets de la fabrication. Comme une partition de musique Chacun de ses parfums est la mise en scène d’une tranche de vie. La créatrice puise d’abord son inspiration dans une expérience, qu’elle transpose ensuite en odeur. «On part d’une page blanche, comme un écrivain. On réfléchit à l’histoire qu’on veut raconter. Moi, je m’inspire de photos, d’images, raconte Isabelle. Par exemple, Pays d’Ogon me ramenait 25 ans en arrière. Je voulais montrer le côté humide qu’on trouve en Afrique, et surtout à cet endroit. Il y a un peu plus de verdure qu’ailleurs. Il y a donc au début du parfum un côté un peu plus vert, plus tropical, puis ça tombe dans les bois exotiques, comme le bois de santal. Je voulais que ça reste très brut.» Le reste se compose comme une partition de musique, avec des notes qui durent plus ou moins longtemps, se précèdent et se succèdent. Toutes les notes ont ainsi leur propre volatilité; les notes de tête sont plus éphémères, tandis que les notes de fond restent plus longtemps sur la peau. «C’est vivant un parfum…» Place à la chimie: chaque changement de proportion demande un nouvel
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50 ART DE VIVRE VOIR MTL
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dans un flacon. Elle puise beaucoup d’idées dans les endroits qu’elle visite, les rencontres, mais surtout dans ses souvenirs personnels, principalement de voyages. «Je m’inspire de la culture, mais aussi de la géographie des lieux, des expériences que j’ai vécues là-bas.» C’est ensuite une interprétation sur différentes notes, où se mélangent le côté artistique et le côté personnel. «J’ai une sensibilité pour certaines notes, mais j’ai aussi un bagage culturel: mon terroir canadien est différent de celui d’un parfumeur européen, qui va avoir d’autres références – par exemple par rapport à certaines fleurs qu’on n’a pas. Ici, on a beaucoup de notes boisées, de forêts, de souvenirs culinaires propres au Québec… Ça, ça crée une différence dans le parfum.» Une gamme de fragrances qui évoque le terroir et le coin de pays d’où elle vient, et qui s’inscrit parfaitement dans la tendance actuelle du «consommer local». Garde-robes de parfums
essai – un parfum peut parfois demander plus de 300 essais. Et le terrain de jeu est infini: «Il y a toujours des molécules de synthèse à découvrir», assure Isabelle. Les laboratoires en découvrent en effet de nouvelles régulièrement, et il est donc important de rester à jour sur les notes offertes sur le marché. «Il faut expliquer aux gens que la molécule de synthèse, c’est pas forcément mauvais, insiste la parfumeuse. Une huile essentielle est gorgée de molécules, qu’on peut isoler pour travailler avec chacune d’elles. Ça ouvre la palette de création, ça ajoute des reliefs, de la transparence aux parfums…» Les molécules de synthèse permettent en outre de créer des odeurs de fleurs comme le lilas, le muguet ou la jacinthe; autant de plantes qui perdent leurs odeurs quand elles passent par le processus d’extraction, et qu’il faut donc recréer avec d’autres notes. Parfumerie d’auteur La parfumerie de niche, c’est d’abord une parfumerie d’auteur, définit Isabelle: le parfumeur est aussi le chef de sa marque, et il y a donc un point de vue très subjectif, un fil directeur dans toute la marque. «C’est une façon de voir la parfumerie qui est beaucoup plus personnelle. Au lieu de se fier à des focus groups, des tendances, on se fie plus à la personne qui crée le parfum, on fait confiance à la création.» Monsillage, c’est le passé d’Isabelle. Pour chaque parfum, l’idée est toujours là depuis longtemps, en gestation pendant environ deux ans avant d’aboutir
Bon timing: quand Isabelle lance Monsillage il y a pres que 10 ans, c’est le début de ce mouvement. «À l’époque de nos parents, il y avait un seul standard de chic, un standard pour tout, alors qu’aujourd’hui, on respecte plus les individualités, pense Isabelle. Quand je me suis lancée, le marché et les clients étaient ouverts à des choses différentes de ce que faisaient les grandes marques.» L’atout du local reste prépondérant, et si son premier prix en 2015 lui ouvre les frontières, son marché principal reste le Québec. «Monsillage est fait ici, par une créatrice d’ici, et les gens aiment ça.» En soit aussi pour preuve le succès d’Invocation, seule parfumerie autochtone en Amérique du Nord, fondée en 1999. Inspirés des traditions ancestrales amérindiennes d’herboristerie, les parfums Invocation sont composés d’herbes, d’épices et de fleurs locales cultivées et récoltées par les communautés autochtones, et sont faits à la main. Leurs flacons sont baptisés avec des noms amérindiens signifiant «son sacré» ou «feu», qui rappellent leur inspiration. Cette année, la production artisanale de la manufacture devrait dépasser les 1000 litres, et deux nouveaux parfums sont attendus. Bref, les fragrances locales ont la cote. Dans l’évolution des mœurs, Isabelle constate aussi la tendance aux «garde-robes de parfums»: depuis quelques années, les gens sont moins forcément fidèles à un parfum particulier. Une tendance qui se vérifie avec l’apparition de nouveaux volumes de vente: si on achetait avant des bouteilles de parfum de 100ml, elles font aujourd’hui 75, 50, 30 ou même 15ml. «Les gens aiment les petits flacons, pour en avoir de plusieurs marques et changer, s’adapter aux températures, aux événements… C’est une réelle tendance, confirme la parfumeuse. Il y a plus d’ouverture aussi pour essayer de nouvelles choses.» Et soutenir l’artisanat local en prime. y
Sur les rayons
Sur les rayons
LA FILLE QUI BRÛLE CLAIRE MESSUD
LA FATIGUE DES FRUITS JEAN-CHRISTOPHE RÉHEL
Gallimard, 253 pages
L’Oie de Cravan, 64 pages
Il y a des lieux que la littérature ne peut s’empêcher de fréquenter encore et encore. L’adolescence est un terrain fertile où le réel et la fiction peuvent communier. De cette rencontre, plusieurs auteurs tracent divers sentiers au sol et tentent de cerner à nouveau tout ce qu’on perd dans le brasier qu’est le passage à l’âge adulte. Avec La fille qui brûle, l’écrivaine américaine Claire Messud dépeint avec retenue, et non pas sans style, une amitié symbiotique qui, comme trop souvent, s’étiole dans le temps. Comment, en l’espace d’un instant, peut-on s’éloigner au point de devenir étranger l’un à l’autre, même si, malgré tout, un fil invisible de souvenirs forgés à même l’amitié et l’enfance persévère à nous unir?
Il est rare de trouver des poètes aussi jeunes que Jean-Christophe Réhel qui parviennent à se renouveler si aisément entre chaque recueil. Celui qui nous avait surpris par sa maîtrise surréaliste avec Les volcans sentent la coconut (Del Busso, 2016), finaliste au Prix des libraires du Québec, revient cette fois-ci avec La fatigue des fruits. Celui qui nous avait offert des vers ciselés dans son précédent recueil arrive ici avec un poème beaucoup plus ample, qui court sur une page, voire deux, sans jamais pour autant avoir l’air d’une logorrhée. La fatigue des fruits, c’est celle qui nous frappe tous, celle d’une vie sans éclat où la nuque de l’autre devient un monde, où les oiseaux sont prophètes et où la mort rôde comme un vieil ami.
Julia et Cassie sont inséparables. Elles errent dans un petit bled, arpentant leur jeunesse avec cette certitude que chaque coin de rue peut révéler un monde nouveau, neuf et vierge de regards. Un peu comme dans L’amie prodigieuse, la saga napolitaine d’Elena Ferrante, le lecteur devine rapidement qu’une réussira mieux que l’autre, diktat social oblige. Si Julia, la narratrice, est fille unique d’un père dentiste et d’une mère journaliste, Cassie est élevée seule par sa mère, Bev, une infirmière dévouée, toujours heureuse, qui ne rate jamais une soirée d’études bibliques. La première partie est celle des après-midi à la carrière ou des périples dans la «forêt tentaculaire» à chercher un passage jusqu’à l’asile désaffecté, alors que la deuxième sera celle de l’éloignement où, pour d’inexplicables raisons, les orbites se désynchronisent. Ce n’est qu’en fin de roman, dans la troisième et ultime partie, qu’on abordera la disparition annoncée de Cassie, cette fille qui brûle. Si Cassie se détourne et disparaît, c’est qu’elle-même se distancie de ce qu’elle a toujours été. D’un coup, sa vie semble tenir sur peu de choses, et la friabilité du réel est telle qu’elle se doit de trouver une vérité, quelle qu’elle soit. Claire Messud écrit avec une tendresse épatante sur cette amitié qui s’effrite, parvenant au détour de chaque page à représenter efficacement les aléas d’être une femme dans une Amérique qui n’est point exempte de dangers. La fille qui brûle est un petit roman d’une grande envergure, porté par une prose si juste qu’elle en est fascinante. Finalement, le confort et l’incendie ne sont pas si loin l’un de l’autre. (Jérémy Laniel) y
Dès les premiers poèmes, on est happé. Certains vers frappent avec tant de force qu’ils forcent un temps d’arrêt. Comprenez-moi bien: ces vers ne se cachent pas dans le texte comme quelques perles à trouver en plein océan, non, ils sont là, dans la forêt d’un poème aux multiples cimes, aux différents belvédères, pour répondre au temps de la lecture: «nos mains chaudes essayent de fabriquer une gloire/on bâtit une pyramide on meurt avant que ça fasse un triangle». Réhel parvient à sublimer la maladie, à l’insérer dans la banalité des jours: «mon cœur ne bat qu’une seule fois/aux alentours de midi». Car la mort est omniprésente ici, portée par un monde vivant bien ample: «je laisse mes plantes mourir/pour avoir une longueur d’avance sur le temps». Si encore une fois L’Oie de Cravan démontre tout son savoir-faire et son amour du livre-objet en proposant un ouvrage à la couverture gaufrée et aux papiers épais, la qualité du produit n’a d’égal que les poèmes qu’il contient. Il est, je crois, impossible de ne pas avoir le regard qui se brouille à la lecture de «les mains dans les yeux», une ode à la précarité du nous et à celle du monde. Réhel maîtrise ici la répétition des vers qui reviennent dans le poème comme des métronomes, qui marquent l’impermanence des choses, en plus de jouer sur la longueur des textes à quelques reprises, démontrant qu’il n’a rien perdu de sa concision poétique. Un recueil comme un cadeau. (Jérémy Laniel) y
ARTS VISUELS 53 VOIR MTL
VO3 #O7
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ELISA AUX MAINS D’ARGENT POUR SOULIGNER L’ANNIVERSAIRE DE SA MARQUE DE VÊTEMENTS, ELISA C. ROSSOW A ORGANISÉ UN JOLI PROJET: PHOTOGRAPHIER DIX FEMMES REPRÉSENTANT MONTRÉAL, POUR HONORER SES COLLECTIONS MAIS AUSSI CÉLÉBRER SA VILLE. MOTS | MARIE PÂRIS PHOTOS | MAXYME G. DELISLE COIFFURE ET MAQUILLAGE | MAÏNA MILITZA VÊTEMENTS | ELISA C-ROSSOW
Béatrice Martin, alias Cœur de Pirate, la coprésidente du Groupe Germain Christiane Germain, la mannequin et DJ Ève Salvail, l’illustratrice Gabrielle Laïla Tittley, les actrices Karine Vanasse et Magalie Lépine-Blondeau, l’entrepreneure en esthétique Jennifer Brodeur, l’humoriste Mariana Mazza, la journaliste Marie-Joëlle Parent, la maquilleuse et coiffeuse Maïna Militza. Elles se sont toutes fait tirer le portrait par le photographe Maxyme G. Delisle, dans le cadre du projet Dix ans x Dix femmes. 2018 marque en effet les dix ans d’immigration d’Elisa C. Rossow, mais aussi la dixième année d’exis tence de son entreprise de vêtements éponyme. Il fallait marquer le coup. «Mais ça ne me ressemble pas de faire un défilé, un truc fashion... Ça fait des années que j’en ai pas fait. Pour moi, c’est juste une montagne de stress, confie la Française. J’ai pas besoin de ce côté show; mon show, c’est quand j’ai une cliente devant le miroir et que je lui fais une robe sur-mesure.» Elisa a donc cette idée de shooting photo, une façon de souligner les valeurs de la marque. Une façon également de faire parler d’elle, pour cette «artisane du vêtement» peu connue du grand public, qu’on ne voit pas dans les défilés de mode et qui reste peu accessible en raison des prix élevés (près de 1500$ le manteau). «Je voulais aussi remercier le Québec et tout ce que ça m’a apporté, ajoute la créatrice. Ça fait dix ans que je suis à Montréal et que je ne veux plus en repartir. Les gens d’ici m’ont accueillie, achètent mes vêtements…» Parmi les valeurs de sa marque, elle veut souligner le fait qu’elle habille tout le monde, de la plus petite à la plus grande, de la plus maigre à la plus rondelette. Elle a donc choisi dix femmes au Québec qu’elle trouve «particulièrement hots», venant de milieux différents,
avec des morphologies variées et dans une fourchette d’âge allant de 28 à 63 ans. Quelques-unes sont déjà ses clientes, mais pas toutes. La difficulté, ç’a finalement été de trouver une date convenant à ces femmes parmi les plus occupées en ville. Le jour J – Béatrice Martin prenait quand même un avion le soir même pour Paris –, chacune a choisi un vêtement dans les collections d’Elisa. «Je ne voulais pas que les photos soient identiques, c’est pas un catalogue de mode. Les photos sont adaptées à la personnalité de chacune, assure la jeune femme. Maxyme avait déjà travaillé avec certaines d’entre elles, il a donc facilement su les mettre à l’aise. Certaines ne se connaissaient pas encore, elles se croisaient entre les photos, il y avait une énergie vraiment le fun dans le studio…» Sur le résultat final, les vêtements sont parfois à peine visibles. Mais l’identité de la marque est bien reconnaissable: esthétique minimaliste, absence de couleurs, allure classique et contemporaine à la fois. À l’image de la designer elle-même, petite brune à l’allure sobre. La dame en noir Déjà, alors qu’elle étudie en nouvelle couture à Paris, Elisa se sent loin de l’univers «fashion». Elle travaille plutôt le vêtement comme une sculpture autour d’un corps. Des souvenirs qui la font rire: «Mes premières collections à l’école étaient complètement flyées!» Elle immigre à Montréal en mars 2008; à l’époque, sans contact et sans avoir étudié ici, elle n’aurait jamais pensé avoir sa marque avant au moins dix ans, et se dit qu’elle va d’abord devoir travailler pour quelqu’un d’autre. «Mais c’est difficile de trouver une compagnie fashion
> MARIANA MAZZA ET KARINE VANASSE < MAÏNA MILITZA ET GABRIELLE LAÏLA TITTLEY
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qui veut pas faire du fashion… Puis je me suis vite rendu compte qu’à Montréal, on pouvait vivre de son art.» Trois mois plus tard, elle commence sa première collection. Elisa veut créer de l’intemporel – l’opposé du «fashion». Pour faire un vêtement intemporel mais qui reste au goût du jour, elle décide de travailler sans couleurs, mais uniquement avec des valeurs (noir, blanc, gris). «Coco Chanel portait du noir en 1920, et on en portera encore dans 50 ans!» Une palette qu’elle porte sur elle au quotidien – un journaliste l’avait d’ailleurs surnommée «The Lady in black». Avec l’intemporalité comme pilier, elle choisit des tissus haut de gamme qui durent plus longtemps, et travaille des finitions qui tiennent. Côté modèle, elle mise sur les valeurs sûres en réinventant les classiques d’une garderobe féminine à chaque saison: robe noire, manteau, veste, jupe tailleur… Mais pour que la pièce ne soit pas ennuyeuse, il s’agit de trouver l’équilibre entre une coupe classique et les twists qui font qu’elle aura encore sa place dans dix ans. Ses collections ne proposent qu’une douzaine de morceaux chaque saison. «Je suis minimaliste, dans ma vie comme dans mon travail, affirme Elisa. Je préfère avoir un manteau parfait et n’en avoir qu’un.» Et si pendant ses premières années ses clientes avaient 35 ans et plus, prix oblige, elle a vu cela changer avec la tendance de consommer moins mais mieux: «Cette jeune femme de 28 ans qui a économisé pour s’acheter un manteau d’hiver chez moi, ça me touche tellement! De plus en plus de jeunes comprennent le concept d’investir dans un beau morceau de vêtement qui dure, et ça, c’est une victoire pour moi.» Elisa affirme sa marque et son image au fil du temps, comme sa signature – une main brandissant une paire de ciseaux vintage. Il y a quatre ans, Simons lui passe une première commande. Un client devenu depuis régulier, qui lui permet d’embaucher une employée pour l’aider à la fabrication des quelque 350 pièces qui sortent chaque saison de son atelier montréalais. Aujourd’hui, 70% de la production d’Elisa est destinée aux boutiques. Elle consacre le reste de son temps au sur-mesure, travaillant ses ciseaux dans son atelier en noir et blanc. «Maintenant, à 32 ans, j’ai le luxe de refuser des choses qui me plaisent moins», affirme-t-elle fièrement. En attendant, elle garde profil bas, fêtant ses dix ans en affichant ces dix portraits de femmes dans son atelier et sur son site. «Je me suis jamais imaginé grossir plus la business, avoir 50 employés et passer mon temps derrière un bureau à dessiner. Ma taille d’entreprise va avec mes valeurs de vie et ce que je veux partager à travers mes vêtements…» Un sobriété qui dure, et depuis dix ans déjà. y
> MAGALIE LÉPINE-BLONDEAU < BÉATRICE MARTIN ET ÈVE SALVAIL
MUSIQUE
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QUOI FAIRE
BONOBO AVEC ST GERMAIN
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PLACE DES ARTS – SALLE WILFRID-PELLETIER 5 JUILLET
Gros programme double signé FIJM! Le DJ et compositeur anglais Bonobo, qui sortait en 2017 le magnifique album aux influences de musiques du monde Migration, partagera la même scène que l’artiste français St Germain qui, lui, a collaboré avec des artistes maliens pour son plus récent album.
FESTIVAL DIAPASON DIFFÉRENTS LIEUX – LAVAL – 5 AU 8 JUILLET
Le festival musical indépendant Diapason revient pour une 10e année avec une programmation diversifiée regroupant une trentaine d’artistes. S’amorçant avec le spectacle d’ouverture des Trois Accords, Perdrix et Massicotte, le festival lavallois présentera plusieurs autres musiciens québécois de renommée, tels que Rymz, FouKi, Plants and Animals, Antoine Corriveau et Klô Pelgag.
THE WAR ON DRUGS PLACE DES FESTIVALS – 7 JUILLET
Le groupe rock philadelphien donnera le spectacle de clôture du Festival international de jazz de Montréal 2018. Bénéficiant d’un succès critique et populaire considérable depuis la sortie de son troisième album Lost in the Dream en 2014, The War on Drugs a poursuivi son ascension l’an dernier avec l’excellent opus A Deeper Understanding, récompensé du Grammy de l’album rock de l’année.
BECK PLACE BELL – 10 JUILLET
En plus de son passage au Festival d’été de Québec, l’auteur-compositeur-interprète californien passera par la grande région montréalaise pour un spectacle fort attendu. Cette tournée est en soutien à son 13e album, Colors, réalisé aux côtés du producteur émérite Greg Kurstin. Louangé de part et d’autre depuis deux décennies, Beck a remporté le prestigieux Grammy de l’album de l’année en 2015 pour son album Morning Phase.
NUITS D’AFRIQUE
BONOBO, PHOTO NEIL KRUG
RADIOHEAD
L’ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN
CENTRE BELL – 16 JUILLET
CHALET DU MONT-ROYAL – 27 JUILLET
Deux ans après s’être produit en tête d’affiche d’Osheaga, Radiohead revient à Montréal pour deux spectacles intérieurs. Très chargée, la tournée du groupe britannique implique des arrêts dans la plupart des grands centres urbains de l’est du Canada et des États-Unis. Paru en mai 2016, le plus récent album de la formation, A Moon Shaped Pool, a sans surprise connu un succès critique remarquable.
Dans le cadre de sa saison d’été, l’OM prend l’air sur le mont Royal. L’orchestre et son chef bien connu, Yannick Nézet-Séguin, offriront un concert extérieur gratuit, dévorant les notes de Tchaïkovski pour Polonaise d’Eugène Onéguine, Suite pour orchestre no 4, «Mozartiana» et Symphonie no 4.
JUSTE UNE P’TITE NUITE, HOMMAGE AUX COLOCS AMPHITHÉÂTRE COGECO – 18 JUILLET AU 18 AOÛT
Pour la quatrième édition de sa série hommage, 45 DEGREES, la compagnie des événements et des projets spéciaux du Cirque du Soleil, met à l’honneur Les Colocs, groupe phare des années 1990 au Québec. Juste une p’tite nuite proposera une interprétation nouvelle des classiques des Colocs dans un spectacle de 75 minutes, assuré par 27 artistes.
DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL – DU 10 AU 22
FLEET FOXES
JUILLET
THÉÂTRE CORONA VIRGIN MOBILE – 25 JUILLET
Femi Kuti & The Positive Force lanceront les festivités de la 32e édition de Nuits d’Afrique le 12 juillet à 20h30 au MTELUS, alors que la fête de clôture, gratuite à la place des Festivals, sera assurée par Sekouba Bambino le 22 juillet à 21h30. Également au menu: Meklit, AfrotroniX et Artiz.
Il y a 10 ans, la folk aux élégantes harmonies de Fleet Foxes avait connu un énorme succès. Après une pause de quelques années, le groupe seattlien de Robin Pecknold revenait sur disque en 2017 avec Crack-Up. Voilà notre occasion de renouer avec sa douce puissance inclassable.
’77 MONTRÉAL PARC JEAN-DRAPEAU – 27 JUILLET
Après le succès de sa première édition, qui avait réuni 8000 fans de punk rock l’an dernier, le festival revient avec des têtes d’affiche d’envergure: Rise Against, Suicidal Tendencies, mais aussi Me First and the Gimme Gimmes, Steve Ignorant avec Paranoid Vision, The Interrupters, Sick of It All, L7 et The Planet Smashers. >
SUICIDAL TENDENCIES
QUOI FAIRE 57
SCÈNE
VOIR MTL
VO3 #O7
O7 / 2O18
EDMOND
LA TABLE D’HÔTE
SÈXE ILLÉGAL
THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE
SALLE LUDGER-DUVERNAY DU
PLACE DES ARTS – THÉÂTRE JEAN-DUCEPPE
26 JUILLET AU 11 AOÛT
MONUMENT-NATIONAL – 16, 18, 21, 22 ET 23 JUILLET
25 JUILLET
Comment a été créé Cyrano de Bergerac? C’est ce que se propose de raconter cette pièce française mise en scène par Serge Denoncourt, et présentée dans le cadre de Juste pour rire. Une comédie qui rassemble François-Xavier Dufour, Émilie Bibeau, Normand Lévesque, Catherine Proulx-Lemay et Mathieu Quesnel.
Produit par Zoofest, ce spectacle annuel regroupe certains des humoristes qui ont engendré le plus de recettes lors de la dernière édition. Cette année, ce sera donc Arnaud Soly, Alexandre Bisaillon, Philippe-Audrey Larrue St-Jacques ainsi que le duo Les Grandes Crues qui proposeront un tout nouveau spectacle composé de leur meilleur matériel et de surprises exclusives.
Formé des deux acolytes Tony Légal et Paul Sèxe, le duo Sèxe Illégal roule sa bosse depuis une dizaine d’années sur la riche et fertile scène humoristique québécoise. Irrévérencieux, les deux humoristes présenteront le spectacle musico-comique Légendes dans le cadre du festival Juste pour rire.
GALA DU 10E DE ZOOFEST SALLE LUDGER-DUVERNAY DU MONUMENT-NATIONAL – 17 JUILLET
Animé par Sam Breton, un humoriste qui revient année après année au festival, le Gala du 10e a la mission bien honorable de célébrer une décennie de Zoofest, plaque tournante pour la relève en humour au Québec. Pour ce faire, une kyrielle d’humoristes se relanceront sur la scène de la salle Ludger-Duvernay, notamment Jay du Temple, Rosalie Vaillancourt, Mehdi Bousaidan et Martin Perizzolo.
LES DENIS DROLET
PAUL TAYLOR
STUDIO HYDRO-QUÉBEC DU
PLACE DES ARTS – SALLE CLAUDE-LÉVEILLÉE
MONUMENT-NATIONAL - 5, 6, 7, 12, 13 ET 14 JUILLET
17 ET 18 JUILLET
Sur le point de fêter leur 20e anniversaire d’existence, Les Denis Drolet se dévoilent comme jamais avec un spectacle où ils révéleront qui sont «les hommes derrière les personnages». Spectacle musical exclusif, Les Denis: leur histoire en chansons mêlera «chansons inédites, jokes qui frôlent la folie, mais surtout, ben du plaisir».
Le plus français des Anglais s’invite à la Place des Arts avec son spectacle d’humour british qui se promène entre deux langues. Dans Franglais, Paul Taylor s’interroge sur le fait de se faire la bise pour se saluer, sur les anglicismes qui ne sont même pas de l’anglais et autres abus de langage et incongruités qu’on retrouve chez les Français.
Darren Emenau, Lesvos, 2018. Photo Darren Emenau
LANCEMENT: TECHNOLOGIE DES MATÉRIAUX CÉRAMIQUES DE MIMI L. BELLEAU
CIRCUIT DES ARTS MEMPHRÉMAGOG 25 ANS DÉJÀ! CENTRE D’ARTS VISUELS - 18 AU 29 JUILLET
21 JUILLET - 1001 POTS, VAL-DAVID
Découvrez le premier ouvrage québécois en français sur les techniques et les matériaux utilisés dans le domaine de la céramique. Une cinquantaine de dessins, près de deux cents photos et une centaine de tableaux-synthèses: une référence unique et incontournable!
Le Circuit des Arts, c’est parcourir la beauté naturelle de la magnifique région Memprémagog. C’est y faire des rencontres privilégiées avec des artistes professionnels qui partagent leur passion et vous ouvrent les portes de leur lieu de création. C’est découvrir 46 talents avec chacun sa façon de l’exprimer. C’est entrer pour voir…et se faire plaisir! Bref, ce n’est que du bonheur!
LA VIRÉE ROSE DU 23 MAI AU 29 SEPTEMBRE
Quand chaque kilomètre compte pour soutenir la cause! À la marche, à vélo, au pas de course, tous ensemble cumulons des kilomètres pour financer la recherche sur le cancer du sein. La Virée Rose, au profit de la Fondation cancer du sein du Québec est un grand mouvement collectif et sportif à travers la province. vireerose.ca
NI JUGE NI SOUMISE EN SALLE LE 13 JUILLET
Ni juge ni soumise est le premier long métrage de StripTease, émission culte de la télévision belge. Pendant trois ans, les réalisateurs ont suivi à Bruxelles la juge Anne Gruwez au cours d’enquêtes criminelles, d’auditions et de visites de scènes de crime. Ce n’est pas du cinéma, c’est pire.
EN SALLE LE 20 JUILLET
Devenu tétraplégique à la suite d’un accident de la route, un chômeur imbibé d’alcool trouve son salut dans des séances auprès d’un petit groupe des Alcooliques anonymes, et dans sa découverte d’un talent inné pour le dessin, qui fera de lui une célébrité locale.
UNE PART D’OMBRE EN SALLE LE 27 JUILLET
David est un jeune père de famille comblé. Mais au retour de leur dernier séjour dans les Vosges, David est interrogé par la police dans le cadre d’une enquête pour meurtre. Rapidement, il est établi que David, sous des dehors irréprochables, n’avait pas une vie aussi lisse que ce qu’il prétendait. Même si Noël, son meilleur ami, et Marco, son avocat, le soutiennent sans condition, le doute se propage et des clans se forment.
TONY SPEED
MCQUEEN
STUDIO HYDRO-QUÉBEC DU MONUMENT-NATIONAL
EN SALLE LE 20 JUILLET
8 ET 10 JUILLET
L’histoire du designer de mode Alexander McQueen est un véritable conte de fées gothique de l’ère moderne. Reflétant la beauté sauvage, l’audace et la vivacité de son œuvre, ce documentaire est une révélation intime du monde propre à McQueen. Une célébration d’un génie radical et hypnotisant qui a eu une influence profonde sur tous ceux qui l’ont suivi.
Mettant en vedette David Beaucage, Arnaud Soly, François Larouche et Rosalie Vaillancourt, ce court métrage réalisé par le jeune cinéaste Alec Pronovost suit les frasques de l’athlète Tony Speed qui désire accomplir à la course la quête ultime de son meilleur ami, décédé lors d’une compétition de 100 mètres. Le film sera projeté à deux reprises à Zoofest, suivi d’une table ronde avec les artisans du film.
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RAFAEL LOZANO-HEMMER MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MONTRÉAL – JUSQU’AU 9 SEPTEMBRE
Peu exposé à Montréal, sa ville de résidence, le travail de Rafael Lozano-Hemmer prend la forme d’«anti-monuments» construits à partir de projections lumineuses et d’éléments d’architecture des lieux publics. Intitulée Présence instable, cette exposition proposera «une perspective conceptuelle inédite sur la production des dix dernières années de l’artiste».
ARTS VISUELS
Ciao Ciao, une jeune femme chinoise ambitieuse, rend visite à ses parents dans son village natal, niché au cœur de la montagne. Elle n’a qu’un souhait: repartir au plus vite à Canton, ne voyant aucun avenir à la campagne. Mais ses parents vieillissants lui demandent de rester pour les aider. Elle est pendant ce temps l’objet de toutes les convoitises, particulièrement celle de l’orageux Li Wei, le fils du fortuné fournisseur local d’alcool de contrebande.
DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT
JEAN-MICHEL OTHONIEL MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL – JUSQU’AU 11 NOVEMBRE
Dans cette première exposition canadienne consacrée uniquement à l’art du sculpteur français Jean-Michel Othoniel, on pourra voir cohabiter «une série d’œuvres récentes sous le signe de la tempête et de la violence des éléments». Motion – Émotion permettra au public québécois de se familiariser avec les récentes œuvres de l’artiste, beaucoup plus sombres que les perles en verre soufflé qui ont jadis caractérisé son travail.
DELPHINE HENNELLY + MICKEY MACKENNA PROJET PANGÉE – JUSQU’AU 21 JUILLET
Cette exposition présente «un dialogue autour de la ligne comme manière d’observer, d’enregistrer et d’inscrire» la relation qu’ont la peintre vancouvéroise Delphine Hennelly et la sculptrice torontoise Mickey Mackenna avec le monde. Ainsi se crée «un espace permettant aux deux séries de travail de se chevaucher, se déplier et de déployer leurs affinités émotives».
BOUFFONS MTL DE BLEURY ET SAINTE-CATHERINE – 18 JUILLET AU 29 JUILLET
Le village gourmand de Bouffons MTL reprend ses quartiers d’été pour une quatrième édition. Le temps d’une collation, d’un 5 à 7 ou d’un souper en extérieur, c’est l’occasion de découvrir en un même endroit de nombreux restaurateurs et producteurs du Québec. L’entrée est gratuite.
GASTRONOMIE
CINÉMA
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