Magazine Voir Québec V03 #07 | Juillet 2018

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QUÉBEC VO3 #O7 | JUILLET 2O18 LA FLÛTE ENCHANTÉE LE FESTIF! FEMMES, FEMMES RICARDO TROGI MESNARD-DEMERS ELISA C. ROSSOW PARFUMS MONSILLAGE LES CORÉENS À QUÉBEC

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PATRICE MICHAUD


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QUÉBEC | JUILLET 2018

RÉDACTION

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Coordonnatrice à la rédac­tion et journaliste: Catherine Genest Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, art de vivre et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse

Directeur des ventes: Maxime Alarie Adjointe / Coordonnatrice aux ventes: Karyne Dutremble Consultante média aux comptes majeurs: Alexandra Labarre Conseillères médias: Lucie Bernier, Suzie Plante

COLLABORATEURS

COMMUNICATIONS VOIR

Mickaël Bergeron, François Gionet, Patrick Baillargeon, Réjean Beaucage, Ralph Boncy, Christine Fortier, Monique Giroux, Émilie Rioux, Normand Baillargeon, Jérémie Laniel, Eric Godin

OPÉRATIONS / PRODUCTION Vice-président - Production et Technologies: Simon Jodoin Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Comptable principale: Marie-Ève Besner Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Des­chambeault Coordonnatrice à la production: Sophie Privé Infographie: René Despars

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Président: Michel Fortin Vice-président: Hugues Mailhot Impression: Transcontinental Interweb VOIR est distribué par Communications Voir inc. © 2018 Communications Voir inc. Le contenu de Voir ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans autorisation écrite de l’éditeur. Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada / ISSN 0849-5920 Convention de la poste-publications: No 40010891 305, boulevard Charest Est, suite 225 Québec (QC) G1K 3H3 Téléphone général: 418 522 7777

Jocelyn Michel | leconsulat.ca

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«ÇA M’A PRIS DU TEMPS AVANT D’AVOIR L’AMBITION DE FAIRE DE LA MUSIQUE. ENCORE AUJOURD’HUI, JE SUIS TOUT À FAIT À L’AISE AVEC L’IDÉE QUE J’AURAIS PU FAIRE AUTRE CHOSE.» Photo | Jocelyn Michel (Consulat) Assistante | Frédérique Duchesne Maquillage-coiffure | Brigitte Lacoste

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SCÈNE

La flûte enchantée

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MUSIQUE

Le Festif! de Baie-Saint-Paul

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CINÉMA

Ricardo Trogi Un été de cinémas de femmes Goblin: Par-delà la porte rouge

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ART DE VIVRE

Le Québec à plein nez

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LIVRES

La fille qui brûle La fatigue des fruits

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ARTS VISUELS

Mesnard-Demers Elisa C. Rossow

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QUOI FAIRE CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Mickaël Bergeron (p12) Monique Giroux (p22) Normand Baillargeon (p36)


6 CHRONIQUE VOIR QC

VO3 #O7

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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

LE BOUT DU MONDE ILLUSTRATION | ERIC GODIN

Tout ce cirque du sommet du G7 dans Charlevoix valait bien la photo. Pour quelques heures, les dirigeants du monde moderne et développé s’étaient donné rendez-vous à La Malbaie. Un autre chapitre du progrès planétaire devait s’y écrire, nous disait-on. Un chapitre à 600 millions de dollars. Ce chiffre est si immense qu’il est presque inconcevable. Ça fait cher de l’heure en tout cas. Comme je suis nul en économie, je vais faire un calcul un peu con et diviser cette somme par 7, tiens, ce qui nous donne 85,7 millions par chef d’État désirant se serrer la main et causer avenir de l’humanité. La clôture érigée autour d’eux et censée les protéger des manifestants aurait coûté à elle seule 3,8 millions de dollars. Ça aussi, ça fait cher du pied linéaire. Et encore plus cher du manifestant, si je peux dire. Mais le prix, ici, est accessoire. C’est la clôture elle-même qui est intéressante. Ce qui frappe, c’est cette idée que ce monde meilleur, dont les 7 seraient les artisans, ne peut se discuter qu’en se coupant des gens qui l’habitent, pour garantir la sécurité des chefs d’État. Que voulez-vous, c’est comme ça: pour discuter libre-échange, ouverture des frontières et fluidité du commerce, il faut bien se payer quelques mètres de clôture Frost. Il fallait donc se couper des gens, mais du paysage aussi. Je lisais, quelques jours avant la rencontre, les textes publiés sur le site du G7. On y parlait de la région de Charlevoix. J’aimerais un jour rencontrer celui ou celle qu’on a engagé pour écrire ces lignes: «La riche histoire de Charlevoix et ses

paysages magnifiques stimuleront les discussions des dirigeantes et dirigeants et leur permettront de dégager des consensus sur les plus grands enjeux mondiaux de l’heure.» Trouvez-moi qui a écrit ça, je l’engage illico! J’ai toujours rêvé d’avoir à mon service un maître ès bullshit et je crois bien avoir trouvé ici une sommité en la matière. Dans cette fiction touristique se joue en quelque sorte une allégorie du mondialisme bienheureux. C’est que ce fameux paysage, censé inspirer la bonne entente et la paix mondiale, personne, au cours des deux jours de sommet, n’aura pu le voir tel qu’il est. Il était clôturé, surveillé, piétiné par quelque 3000 policiers. Ce bout de pays, pendant quelques heures, n’était qu’une cage, vide de ses habitants, écoles fermées, interdictions de circuler, contrôles routiers. Les paysages magnifiques, vous disiez? La vérité est ailleurs, elle se trouve quelque part dans le 5e Rang Ouest, derrière Saint-Hilarion, en roulant lentement, quand les grands du monde ne sont pas là. Il y a là quelques vaches qui broutent tranquillement avec les montagnes au fond de l’horizon. Ah, madame Merkel, monsieur Trump, si vous saviez tout ce qu’on ne vous a pas montré pendant que vous vous regardiez sévèrement dans les yeux. Je le dis sans aucun regret, c’est un peu sauver le monde que de vous garder prisonniers de votre sécurité.

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«DANS CETTE FICTION TOURISTIQUE SE JOUE EN QUELQUE SORTE UNE ALLÉGORIE DU MONDIALISME BIENHEUREUX.» Reste que le truc du paysage censé inspirer les grandes conversations politiques, ce n’est pas au point. Pour ne pas dire complètement raté. En matière de consensus, on a vu mieux. Trump a préféré se farcir une cuisse ou une poitrine dans un St-Hubert pour s’envoler ensuite vers la Corée du Nord, tweetant pendant son trajet que Justin Trudeau n’est ni plus ni moins qu’un fieffé menteur et que le reste de la planète pouvait bien aller se masser les tibias.

À cet instant même, on a un peu senti que nous étions arrivés au bout du monde. Pas à sa fin, mais à son extrémité. Une limite au-delà de laquelle on ne voit plus rien, où on ne peut plus rien prévoir. C’est cette image qui valait bien tout ce cirque: d’un côté, le président de la plus grande puissance occidentale retirant impulsivement ses billes de l’échiquier planétaire en grognant America First!, de l’autre, les 6 autres chefs d’État, voulant encore y croire, tentant de s’accrocher aux promesses de la mondialisation dont la première se lit ainsi, texto: investir dans la croissance qui profite à tout le monde. Bref, il faudrait malgré tout continuer d’avancer. Une question demeure cependant. Au bout du monde, que signifie faire un pas de plus? y sjodoin@voir.ca



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LA FINESSE DE L’ILLUSION UNE FOIS DE PLUS, LE FESTIVAL D’OPÉRA DE QUÉBEC S’ASSOCIE AU DYNAMISME CRÉATIF DE ROBERT LEPAGE ET À SON ÉQUIPE POUR METTRE EN SCÈNE LA PIÈCE DE RÉSISTANCE DE SA PROCHAINE ÉDITION. SUR LA VASTE SCÈNE DU GRAND THÉÂTRE, PLACE AUX ENVOÛTEMENTS ET À LA ROCAMBOLESQUE HISTOIRE DE LA FLÛTE ENCHANTÉE DE WOLFGANG AMADEUS MOZART. MOTS | ÉMILIE RIOUX

PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)

ROBERT LEPAGE

Jadis considéré comme marginal, voire vulgaire, cet opéra est aujourd’hui l’un des plus connus du grand public. C’est sans doute en raison du contexte moins guindé dans lequel elle a été créée que la pièce s’avère être une porte d’entrée tout indiquée pour les plus néophytes, tout en demeurant un classique du répertoire lyrique. Avoisinant la parodie, La flûte enchantée s’inscrit dans un univers éclaté qui aura tôt fait d’inspirer le metteur en scène. «Il y a des personnages bouffons extraordinaires dans La flûte, qu’on retrouve peut-être moins dans d’autres opéras. Il y a aussi toute cette fantaisie extraordinaire: plein de sortilèges et plein de prétextes pour des tours de magie, des apparitions, des disparitions ou des transformations», expli­ que Robert Lepage, qui compte bien insuffler à la scène cette magie, qui suscitera assurément l’émerveillement des plus sceptiques. Si le metteur en scène est reconnu pour ses décors grandioses, son usage des nouvelles technologies et les prouesses techniques que cela suggère, c’est plutôt vers la tradition qu’il se tourne maintenant pour que s’opère le charme scénique. En effet, les jeux d’illusion seront inspirés du black art, une pratique qui remonte à l’âge d’or de l’époque des cabarets, où ont été présentés les premiers grands numéros de magie influents. Ici, la clé réside dans le jeu des ombres et de la lumière, mais surtout dans la précision des mouvements, toujours exécutés sur fond noir. Afin de se prêter à cet exercice vertigineux, il était essentiel de réunir les plus grands experts de chaque domaine, assurant ainsi l’efficacité et la qualité de la production. «On s’est retrouvé avec une équipe très prestigieuse et

intéressante qui savait comment intégrer ça dans un spectacle d’opéra. Faire de la magie ou du black art dans un cabaret, c’est une chose, mais essayer d’intégrer ça dans un monde de chanteurs d’opéra, c’est autre chose», précise Lepage.

Trouver le temps d’être audacieux C’est donc en s’adjoignant une solide sélection de concepteurs et de consultants que l’équipe tentera d’optimiser le temps alloué aux répétitions, tou­ jours animée du désir d’innover dans un domaine aux apparences plutôt rigides et codifiées. Pour le metteur en scène, ce renouvellement passe d’abord par le travail de la présence physique des comédiens et des chanteurs sur les planches, un aspect qu’il trouve un peu négligé en opéra. «Il y a souvent très peu de temps de répétition et les metteurs en scène n’ont pas beaucoup de temps pour faire bouger les chanteurs. Souvent, on voit la bonne vieille technique du park and bark. [...] On pense toujours que les chanteurs d’opéra doivent rester statiques, parce que leur art c’est de chanter, mais c’est des gens qui sont de plus en plus aventuriers, qui ont le goût et le courage d’essayer de sortir un peu des sentiers battus.» Permettre aux artistes de se dépasser demeure un défi fondamental dans la mise en scène opératique. Toutefois, il ne faut jamais sous-estimer le rôle de la musique, qui constitue les racines d’une œuvre lyrique. Avant que décor et costumes n’éblouissent les spectateurs, le nœud doit être solide entre la théâtralité musicale et scénique.

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TARTES EN FOLIE ! PREMIEREMOISSON.COM


La croisée des chemins «Il y a deux boss, définit Robert Lepage. Le chef d’orchestre et le metteur en scène. Le pauvre chan­ teur d’opéra est pris en sandwich entre les deux. Moi, j’essaie toujours de me mettre assez copain avec le chef d’orchestre et j’essaie de faire des propositions qui ne sont pas seulement spatiales, physiques ou chorégraphiques. Je suis responsable de l’espace, mais mes propositions essaient d’être le plus possible en phase avec les idées musicales qui se trouvent dans la partition.» Selon Lepage, ce retour aux sources de l’opéra peut enrichir concrètement la théâtralité d’une œuvre, lorsque les metteurs en scène se permettent d’aller au-delà de la simple lecture du livret. En quelque sorte, on peut dire que la vive partition musicale de Mozart est une didascalie en elle-même, qu’elle recèle des indications dramatiques intrinsèques à l’histoire racontée. «On se creuse la tête pour trouver des solutions, et on cherche en dehors de l’opéra. En fait, souvent, les solutions sont dans la partition. Il y a beaucoup de sous-texte et d’émo­ tions dans la musique.» On devine que cette Flûte enchantée sera à l’image de l’opéra contemporain, mais aussi un hybride entre le théâtre et le cabaret, entre les traditions et

«IL Y A DEUX BOSS. LE CHEF D’ORCHESTRE ET LE METTEUR EN SCÈNE. LE PAUVRE CHANTEUR D’OPÉRA EST PRIS EN SANDWICH ENTRE LES DEUX.» l’innovation. Au carrefour des époques, une touche de magie pour un opéra résolument abracadabrant. y 31 juillet, 2,4 et 6 août Grand Théâtre de Québec Dans le cadre du Festival d’opéra de Québec festivaloperaquebec.com


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MICKAËL BERGERON ROULETTE RUSSE

COMME UN ANIMAL BLESSÉ Avance, recule. Avance et recule encore. La pauvre madame essayait de faire demi-tour sur la 3e Avenue, elle essayait de faire vite, mais dans sa précipitation, elle ne faisait que s’empêtrer avec des mouvements inefficaces. Tout ça pour rattraper la 5e Rue qu’elle venait de manquer. Aucun doute, cette femme ignorait qu’avec les rues en quadrilatère de Limoilou, prendre la 6e Rue et revenir via la 2e Avenue aurait été beaucoup plus simple et plus rapide, et sans bloquer la circulation. Ce qu’elle a fait n’était vraiment pas le plus rapide, ni le plus efficace, mais dans l’ignorance, sans la vue d’ensemble, la manœuvre lui semblait tout à fait logique. Nous prenons souvent des décisions similaires. Des décisions précipitées et réactives, parfois dans la panique. Parce qu’on se sent pris au piège. Ou pire, blessé. La blessure est souvent psychologique. On dénombre de plus en plus de burn-out, par exemple. Ça peut aussi toucher notre orgueil. Un manque de liberté ou de capacité d’action ou la sensation d’un étau autour de notre vie. C’est le vide ou l’absence d’un sens à notre vie. Une sensation d’échapper le bonheur. Ou de se sentir seul. Beaucoup de gens ont l’impression d’étouffer. Plusieurs tentent de faire croire que ce sont les taxes et les impôts qui les étouffent. Sinon l’immigration ou les accommodements raisonnables. Ou les féministes. Ou les cyclistes. À moins que ça ne soit l’absence d’un troisième lien entre Québec et Lévis. Nous réagissons comme un animal blessé, avec une certaine rage, avec un instinct de survie, irrité et hérissé, exacerbé et énervé. Blessé par la société. L’animal blessé ne comprend pas nécessairement la source de sa blessure et il ne saura pas nécessairement contre quoi il doit se défendre.

L’animal blessé devient hargneux envers tout ce qui ressemble à une attaque et griffe tout ce qui semble lui en vouloir. Un instinct de survie. J’ai parfois l’impression de vivre dans une société blessée, ou composée de nombreuses personnes blessées, ou qui se sentent piégées. Après tout, on ne trouvera jamais le sens de la vie dans notre nouvelle voiture ni dans notre nouveau téléphone cellulaire. La publicité nous promet le contraire, mais c’est un leurre et nous mordons à l’hameçon avec un grand sourire. Selfie en prime pour immortaliser le bonheur sur Instagram. C’est comme si au lieu d’écouter notre envie de changer de ville, on ne faisait que repeinturer notre salon. Dans un récent sondage, publié en mai, on a demandé quel parti semblait le mieux placé pour diminuer les impôts. Depuis quand diminuer les impôts est un projet de société? Selon le sociologue Philippe Corcuff, que j’ai récemment interviewé, plusieurs blessures viennent des promesses que ne peut tenir le capitalisme ou le néolibéralisme. Depuis les années 1980, le néolibéralisme a fait croire que libérer les plus riches aiderait les plus pauvres, mais le fossé ne fait que se creuser davantage entre les plus riches et les plus pauvres. Nous sommes plusieurs en mode survivance. Malheureux au boulot et en amour, endettés, avec des choix politiques la plupart du temps déprimants, encouragés à toujours être de plus en plus perfomants, comme si le bonheur et l’épanouissement étaient des synonymes qui se cachaient dans l’efficacité.

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Les études montrent que le climat va mal et va nous faire mal. Les terroristes ont réussi à nous faire peur – surtout à ceux et celles qui se croyaient en sécurité. Des gens qui en arrachent ne comprennent pas pourquoi leur vie serait privilégiée par rapport aux minorités. Des gens craquent, paniquent et essaient donc de faire demi-tour sur la 3e Avenue, même si ça coupe tout le monde qui essaie de circuler. La frustration prend le dessus. Devant cette pression sociale qui est bien là, devant ces fractures sociales, même, des gens nous disent que ce qu’il faut, c’est payer moins d’impôts. La grande solution est là, payer moins d’impôts. C’est un appel de détresse, comme les propos derrière La Meute ou les masculinistes. C’est un «fichez-moi la paix, chu pu capable!» Les gens ne veulent pas tant payer moins d’impôts, ils veulent moins de pression et celle-ci est facile à cibler. Quand on a mal, on veut juste la paix. Payer moins d’impôts est un réflexe, pas une réflexion. C’est une fuite, pas une solution. C’est comme un dégagement au hockey – faire descendre la pression le temps de reprendre son souffle.

Des fois, ça aide, mais parfois, on fait juste passer notre temps à faire des dégagements et on ne reprend jamais son souffle. Les entreprises se désengagent de plus en plus de leurs responsabilités sociales, en payant moins d’impôts, en cotisant moins aux régimes de retraite, en refilant la facture environnementale à la société, voire en refilant carrément leurs pertes. La liberté se cache plus dans notre capacité d’influ­ encer la société que dans notre pouvoir d’achat – un pouvoir inventé par ceux et celles qui nous vendent des choses, quand on y pense. Mais en étant de plus en plus éloigné des lieux de décisions, en devenant plus une statistique dans la masse qu’un acteur dans une communauté, le pouvoir d’agir devient une illusion. On développe alors un sentiment d’impuissance. Une partie de la droite et de l’extrême droite joue beaucoup sur ces blessures. Elle pige dans l’aigreur de ne pas être pris en considération. Elle souligne les traumatismes pour inviter à réagir – mais sans réfléchir. Elle ne promet pas réellement de solutions, encore moins aux gens de s’émanciper. Elle pointe du doigt. y



MUSIQUE 15 VOIR QC

VO3 #O7

JEUNE VÉTÉRAN SIGNE INDISCUTABLE DE SA DIGNE ASCENSION DANS LES HAUTES SPHÈRES DE LA POP QUÉBÉCOISE, PATRICE MICHAUD EST LE SEUL ARTISTE FRANCOPHONE À SE PRODUIRE EN TÊTE D’AFFICHE DU FESTIVAL D’ÉTÉ DE QUÉBEC CETTE ANNÉE. VISIBLEMENT EXCITÉ, LE GASPÉSIEN DE 37 ANS AURA CARTE BLANCHE LE 10 JUILLET PROCHAIN SUR LES PLAINES D’ABRAHAM. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

«Quand on m’a signalé l’intention du FEQ de me proposer les plaines, j’ai été très surpris. Pour être franc, je m’attendais à un bon vieux Pigeonnier bien relax comme d’habitude... J’avais pas le sentiment de l’imposteur, c’était pas aussi fort que ça, mais je pouvais pas m’empêcher de me demander pourquoi moi et pas un autre», révèle l’auteur-compositeurinterprète. «Finalement, quand j’y ai repensé après avoir jasé avec mes musiciens, j’ai compris que mon show avait tout à fait sa place sur cette grosse scène-là. Je ne suis pas moins bien placé ou moins bien nanti qu’un autre pour offrir une proposition à la hauteur. Checkez-moi bien aller!» Appuyé par son ami Yann Perreau à la mise en scène, Michaud offrira un spectacle exclusif, totale­ ment différent de ceux de la tournée panquébécoise qu’il a entamée il y a un an et demi. «Le mandat de base qu’on nous a donné et que, de toute façon, on voulait mettre de l’avant dès le départ, c’était de faire un show unique. On nous a donné toute la latitude possible, autant en termes d’instruments que d’invités. Je peux pas tout divulguer pour l’instant, mais je peux dire qu’il y aura Marie-Mai sur scène avec moi. Pour vrai, je m’attendais pas à ce qu’elle embarque, car on se connaît peu. En plus, elle a accepté toutes les propositions que je lui ai faites avec enthousiasme! Sincèrement, on prépare quelque chose qui sort de l’ordinaire et qui, franchement, me dézone. Je suis un gars de chanson et de storytelling et, là, je dois occuper toute cette grosse scène-là. J’ai hâte de voir à quel point ça va

PHOTO | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)

être trop grand pis trop impressionnant», projette celui qui avait chanté brièvement sur les plaines lors de la Fête nationale en 2016. Déjà mémorable à ses yeux, ce rendez-vous au FEQ sera le point culminant d’une série de spectacles qui compte maintenant plus de 120 arrêts partout au Québec. Cette fois, le chanteur originaire de CapChat a redoublé de vigilance pour ne pas vivre le même épuisement qu’il avait subi lors de sa précédente tournée. «J’ai pas eu le choix de couper quelque part, car il faut comprendre que cette tournée s’allie à la vie d’un gars qui a deux enfants en bas âge et qui veut être là pour sa famille. Ça, ça veut dire que je peux pus faire le party comme je le faisais avant, sinon y a des shows qui vont en souffrir et y a des matins où papa ne se lèvera pas pour faire une activité avec son kid. En ce moment, en vivant comme ça sur deux shifts, j’ai l’impression de vivre un jetlag continuel, donc j’ai pas le choix de prendre les décisions qui s’imposent. Faut dire aussi que c’est le show le plus physique que j’ai fait de ma vie, donc mon régime doit être plus sain. À 37 ans, ça m’oblige à prendre des décisions que j’aurais peut-être dû prendre à 24.» L’air de rien Chose certaine, Patrice Michaud n’est pas pressé. À l’instar d’un Daniel Bélanger ou d’un Richard Desjardins, sa percée tardive dans l’industrie de la musique québécoise lui a permis de rester

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OBTENIR

PLUS

D’ARGENT POUR PROLONGER LA SOIRÉE CINÉ?

OUI C’EST POSSIBLE!


MUSIQUE 17 VOIR QC

> terre-à-terre. «Ça m’a pris du temps avant d’avoir l’ambition de faire de la musique. Encore aujourd’hui, je suis tout à fait à l’aise avec l’idée que j’aurais pu faire autre chose dans la vie que ça. J’ai pas eu l’appel d’un musicien précoce ou d’un jeune premier à la Hubert Lenoir. Lui, je le voyais aller en show à 16-17 ans avec The Seasons et je savais qu’il était déjà prêt. Moi, à son âge, je veillais le soir et je lisais des livres beaucoup trop sérieux, sans trop penser au reste. Maintenant, je suis très à l’aise avec mon rôle de jeune vétéran. Je suis un peu comme Jonathan Marchessault des Golden Knights: j’ai l’air de rien, j’ai pas été repêché, mais mes affaires ont fini par marcher.» Et c’est d’autant plus le cas depuis la sortie d’Almanach, un opus plus rock et groovy que le reste de son répertoire, qui tangue davantage dans la chanson folk. Salué par la critique, ce troisième album paru en février 2017 a bénéficié d’un succès radiophonique considérable, notamment grâce à la superbe Kamikaze, couronnée au dernier Gala de l’ADISQ dans la catégorie prisée de la chanson de l’année. Fier de cet honneur, le Gaspésien s’assure de ne pas laisser cette popularité grandissante et bien méritée influencer son cadre de travail. «La pression de ce métier-là, elle est déjà présente à la base même de la création, c’est-à-dire au sein du travail artistique qu’on fait à partir d’éléments complètement volatils. Cette pression-là de créer de quoi de beau et de touchant, elle est déjà tellement élevée qu’en ajouter une autre, ce serait trop. Quand on parle de remplir un mandat, de répéter une recette ou même d’atteindre les espérances des gens, ça devient une pression nettement moins saine. J’essaie de pas inviter ça chez nous.» Envahi par l’esprit chaotique de sa tournée, qui se poursuit jusqu’à la fin de l’été à un rythme tout aussi effréné, Patrice Michaud voit actuellement naître un besoin de solitude, qui pourrait donner lieu à l’écriture de nouvelles chansons. Sans échéancier à respecter, l’interprète masculin de l’année 2017 refuse toutefois de parler concrète­ ment d’un quatrième album. «Une fois que tout ralentit et que je me ramasse seul pour écrire, ça peut être vertigineux. Y a toujours des doutes par rapport au fait que, finalement, j’ai peut-être rien à dire. Si c’est le cas, je suis mieux de me la fermer. Cette fois, j’ai envie de profiter de l’automne pour entamer une période de reset, une bonne pause pour créer sans date butoir. J’ai besoin de me lancer dans des projets qui vont peut-être pas aboutir, de rentrer en studio pas de toune, juste pour partir à

l’inverse. Y a beaucoup de gens qui me disent “Pat, ça va bien tes affaires, faudrait que tu tapes dans le tas pendant que c’est le temps”, mais bon, ça fait neuf ans que je tape dans le tas. Faut que j’arrête de penser que le monde va m’oublier ou switcher à la prochaine affaire si j’arrive avec de quoi de différent. J’ai confiance en ce que j’ai construit et je sais que les gens vont prêter oreille à ce que je fais si j’arrive avec une proposition artistique qui a de la valeur. J’ai envie d’aller voir où je me trouve pas.» y 10 juillet sur les plaines d’Abraham (dans le cadre du Festival d’été de Québec)

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AUDACE EXPÉRIMENTATION RETOURS > La 9e édition du Festif! de Baie-Saint-Paul arrive à grands pas. Pour l’occasion, Voir vous propose six artistes à surveiller durant le festival, question de vous préparer à passer une fin de semaine musicale des plus mémorables dans ce sublime (et maintenant mythique) village champêtre de Charlevoix. MOTS | FRANÇOIS GIONET

Random Recipe

Urban Junior

Vagabon

Déhanchements et énergie épidémique seront au rendez-vous sur la scène Sirius XM au début de la nuit. Le quatuor rap devenu un trio depuis le départ du guitariste/ claviériste et membre fondateur Vincent Legault débarquera à Baie-Saint-Paul avec sa plus récente offrande, Distractions, sortie en février dernier, qui s’imprègne de sonorités tropicales et explore une vaste palette musicale, passant du funk à la pop léchée. Par ailleurs, Frannie Holder, Fabrizia Di Fruscia et Liu Kong Ha se sont entourées de collaboratrices de choix pour composer cet opus, dont Marie-Pierre Arthur, la DJ montréalaise Foxtrott, la rappeuse Ladybug Mecca (Digable Planets), la chanteuse virginienne Sunny Moonshine et la bassiste Ronda Smith, qui a travaillé avec Prince. Les textes évoquent cette époque trouble axée sur la consommation et l’information en continu, mais aussi les enjeux féministes, politiques et sociaux qui préoccupent les deux MC.

Est-ce qu’il y a quelque chose qu’Urban Junior ne sait pas faire? Guitare, synthétiseur, batterie, beat machine, chant à travers un mégaphone désuet… Cet homme-orchestre, multiinstrumentiste, en provenance de la Suisse est capable de tout jouer, à n’importe quel moment. Sa musique représente une bulle déjantée nous emportant dans un univers chaotique où s’entremêlent électro, garage punk, nouveau disco et rock trash. Seul sur scène, Urban Junior est une véritable boule d’énergie. Il n’aura aucune difficulté à s’accaparer la foule du Festif! dans le garage du curé, qui n’hésitera pas une seconde à se remuer intensément et à se bousculer amicalement.

La jeune multi-instrumentaliste et productrice brooklynoise d’origine camerounaise Laetitia Tamko (alias Vagabon) a le vent dans les voiles. Son premier album complet, Infinite Worlds, a créé un véritable buzz aux États-Unis et s’est hissé parmi les plus belles découvertes de 2017. Les huit pièces proposent un rock fragile et authentique, mais l’Américaine, en pleine confiance, expérimente et incorpore habilement des éléments de shoegaze, d’électro et de folk. Sa plume, sensible, traduit la beauté de la vie ordinaire et des relations humaines. À elle seule, Vagabon vaut l’aller-retour vers Baie-Saint-Paul.

Samedi 21 juillet à 1h30, garage du curé

Desjardins, on l’aime-tu! Samedi 21 juillet à 23h30, Cour du Carrefour culturel

Marie-Jo Thério Le Festif! aura une saveur acadienne encore une fois cette année. Après Lisa LeBlanc l’an passé, le festival accueillera la grande artiste aux cheveux blonds ébouriffés Marie-Jo Thério. Armée de son piano, elle revisitera, dans une formule solo, l’ensemble de son répertoire (dont, qui sait, ses succès Café Robinson, T’es le beau Raphaël ou même Évangéline), mais aussi quelques nouveaux titres. La rue Sainte-Adolphe se transformera en un spec­tacle cinématique avec, au centre, une protagoniste au talent d’improvisatrice sans borne et à la fougue contagieuse. Samedi 21 juillet à 14h30, Hangar-29

Excellente prise de l’organisation du Festif!, alors que ce sera la seule et unique représentation estivale de cette méga-production dédiée à l’œuvre intemporelle et transcendante de Richard Desjardins. La poésie crue et intelligente de l’auteur-compositeur abitibien sera réinterprétée par une foule d’artistes de la scène musicale: Yann Perreau, Philippe B, Koriass, Mara Tremblay, Philippe Brach, Émile Bilodeau, Salomé Leclerc, Avec pas d’casque, Keith Kouna, Saratoga, Queen Ka, Matiu. D’autres se joindront à eux pour célébrer la musique de ce pilier de la chanson francophone. Daniel Boucher et Vincent Vallières assureront les premières parties. Samedi 21 juillet à 21h45, Cour de l’École Thomas-Tremblay

Dimanche 22 juillet à midi, quai Bell

Helena Deland Douce, envoûtante et apaisante: voilà les adjectifs pour décrire la musique folk de cette jeune auteure-compositrice à la voix puissante et raffinée originaire de la Rive-Sud de Québec, maintenant installée à Montréal. Les quatre pièces de son premier mini-album, Drawing Room, sorti en 2016, lui ont permis de faire les premières parties du groupe indie pop britannique Superorganism et de dénicher un contrat avec le label américain Luminelle Recordings. Deux ans plus tard, elle nous revient avec From the Series of Songs «Altogether Unaccompanied» Vol. I & II, deux minicompilations de deux titres chacune – regroupées en une sortie – baignant dans une bedroom pop magnétique et introspective, qui rappelle l’univers de St. Vincent ou même de Big Thief. Une artiste dont l’ascension sera à surveiller au courant des prochaines années. Samedi 21 juillet à 16h30, Cour de l’École Forget


En-haut Random Recipe, photo Victoria Dimaano; Ci-contre: Vagabon, photo Daniel Dorsa; Marie-Jo ThĂŠrio: Louis-Philippe Chiasson


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À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL

FATHER JOHN MISTY GOD’S FAVORITE CUSTOMER

(Sub Pop) HHHH

Avec ce quatrième album studio, Father John Misty (Josh Tillman) prouve que son talent ne s’essouffle pas. Sur ce disque qui arrive tout juste 14 mois après le très incisif mais moins mémorable Pure Comedy, les éléments clés du succès de FJM y sont toujours: poésie brillante, interprétation juste, ton direct, histoires cocasses, musiques intemporelles et délicieuses. Toujours très introspectif, le chanteur se met en scène dans l’espèce de fable psychédélique Mr. Tillman. L’album est somme toute plutôt lumineux et léger malgré des chansons où le regard sur soi s’avère brutal. «I’m in over my head», répète-t-il sur la ballade The Palace, vulnérable comme pas un, entouré des douceurs d’un piano. À écouter aussi: l’excellente pièce-titre, émouvante avec l’ajout d’une voix féminine. (V. Thérien)

NATALIE PRASS THE FUTURE AND THE PAST

IMMORTAL NORTHERN CHAOS GOD

(ATO Records) HHH 1/2

(Nuclear Blast) HHH

La musicienne et chanteuse américaine Natalie Prass ne manquait pas d’assurance, mais la voici en pleine éclosion avec ce second disque. La pop ensoleillée à saveur R&B et jazz qu’elle propose depuis un album éponyme en 2015 était déjà très séduisante, mais voilà qu’elle saupoudre des guitares bien funky sur la pièce d’ouverture, Oh My, et qu’elle tâte le terrain du soft rock à la Haim sur The Fire. Si elle s’éclate à fond sur Ship Go Down, elle est aussi capable de somptuosité avec Hot for the Mountain. La production est encore une fois impeccable, signée par Matthew E. White, et ses musiciens du studio Spacebomb sont excellents, quoique le disque s’essouffle à la dernière chanson, peu mémorable. On retient le superbe appel à la solidarité de Sisters sur laquelle elle chante «keep your sisters close to you». (V. Thérien)

Rebienvenue dans le «Blashyrkh», le royaume de l’obscurité et du froid que le guitariste et chanteur Demonaz a imaginé dans les débuts d’Immortal pour donner corps aux textes et à la musique du groupe norvégien. La sortie d’un neuvième album sans la contribution d’Abbath, le chanteurguitariste qui a cofondé Immortal avec Demonaz en 1991, sera probablement considérée comme une hérésie par les fans de la première heure. N’empêche qu’en matière de son et de style, Northern Chaos God est un digne successeur à At the Heart of Winter (1999), Sons of Northern Darkness (2002) et All Shall Fall (2009). Le fait qu’ils aient tous été réalisés par Peter Tägtgren (Hypocrisy) n’y est sûrement pas étranger. Le black métal de Northern Chaos God est cru, froid et entraînant, mais son principal défaut est son manque de variété sur le plan rythmique, à tel point qu’on a parfois l’impression d’écouter plusieurs fois la même chanson. (C. Fortier)

CHRISTINA AGUILERA LIBERATION (RCA / Sony) HHH 1/2 La chanteuse américaine de 37 ans livre ici un album pop puissant, possiblement son disque le plus important de sa disco­ graphie, pas très loin devant Stripped (2002). Son huitième album studio est imbibé de hip-hop, de r&b, de reggae, de soul, un peu d’énergie rock, et le tout se termine sur une élégante ballade. Les superstars Kanye West et Anderson .Paak participent à deux titres chacun, parmi une pléthore de compositeurs. Les propos sont forts alors que la chanteuse pose un regard sur soi nécessaire, tentant ainsi de se libérer, comme le titre l’indique. En guise d’introduction à l’excellente Fall in Line, on entend des jeunes filles et des femmes énoncer ce qu’elles souhaitent devenir (une superhéroïne, une docteure, une présidente). Christina s’adresse ensuite à elles pour livrer une bombe pop féministe. Coup de cœur pour Maria en début de disque: beat assassin, instruments à cordes et échantillon du jeune Michael Jackson. (V. Thérien)

GILLES BERNARD QUARTET FRÉQUENCE 119 (Arte Boréal) HHH 1/2 Reconnaissable à son béret gris et à sa large palette sonore, le pianiste de Québec Gilles Bernard sort enfin de sa tanière, le Studio de l’Ours. Ce nouvel album, à la fois réfléchi et spontané, donne beaucoup d’espace aux autres membres très éloquents de son excellent quartette: le saxophoniste brésilien Thiago Ferté, le batteur montréalais Louis-Vincent Hamel et le contrebassiste Pierre Côté, avec qui Bernard joue depuis des décennies. Fréquence 119 (la fameuse note bleue, d’après le leader) est constitué de cinq longues pièces originales signées par l’unique compositeur. Tantôt grave (Requiem pour Colette), tantôt ponctué d’humour jazz bop (Le Cambrigor), il se termine avec Via, un bijou de légèreté sur cadences tropicales comme un clin d’œil calypso à Sonny Rollins et Monty Alexander. Ici, la musique prend son temps. (R. Boncy)


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ALBERT SCHNELZER TALES FROM SUBURBIA (BIS/Naxos) HHH Le compositeur suédois Albert Schneizer est né dans les années 1970, et il ne fait pas comme s’il n’avait jamais entendu du rock. Il a déjà écrit un solo de piano inspiré d’Iron Maiden, et les deux concertos qu’il présente ici sont directement inspirés de Pink Floyd. Crazy Diamond, un concerto pour violoncelle (Claes Gunnarsson), et Brain Damage, un concerto pour orchestre (Gothenburg Symphony/Benjamin Shwartz), ne citent pas la musique du groupe anglais, mais puisent dans ses thèmes récurrents (la folie de Syd Barrett, le contrôle mental, etc.) pour s’en inspirer. La démarche est intéressante. Une troisième pièce, Tales from Suburbia, nous ramène encore à ses (nos?) souvenirs d’adolescence. Une musique très évocatrice, qui pourrait être celle d’un ballet. (R. Beaucage)

COWBOY JUNKIES ALL THAT RECKONING (Latent Recordings) HHH 1/2 Encore aujourd’hui, les Cowboy Junkies demeurent uniques et pertinents, comme en témoigne ce 17e album. Malgré les années, le son folk et country alternatif du groupe n’a pas changé d’un iota. All That Reckoning est un album tout en délicatesse, même quand la bande décide d’appuyer un peu sur la pédale de fuzz. À l’instar des nombreux autres efforts du combo, tout ici est maîtrisé, retenu, l’envoûtante voix de Margo Timmins flottant au-dessus des envolées oniriques du groupe. Reste que si le ton invite à la rêverie, le fond est beaucoup plus sombre. All That Reckoning pourrait bien être le disque le plus sévère de la formation, road trip nocturne sur une route qu’on croit sans fin, disque de considérations politiques et sentimentales, qui appelle à rendre des comptes et aussi sans doute à se réveiller malgré la douceur et les caresses de la musique. (P. Baillargeon)

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JAKOB BANGSØ CONNECT - ELECTRONIC WORKS FOR GUITAR (Dacapo Records / Naxos) HHH 1/2 Le guitariste danois Jakob Bangsø est un petit génie de la six cordes acoustique qui rafle des premiers prix partout où il passe. Pas de feu d’artifice ici, cependant; il ne se la joue pas McLaughlin ou Di Meola, mais reste presque en retrait pour laisser parler les bidouillages électroniques conçus par les cinq compositeurs dont les œuvres sont enregistrées ici pour la première fois. Déclenchement de séquences d’échantillons, production de feedbacks ou légère coloration numérique, la guitare n’est jamais seule, et le musicien a tout un monde au bout des doigts. Il traverse cinq univers bien différents, dans lesquels l’électro et l’acoustique ont bien des choses à se dire, et du temps pour le faire. (R. Beaucage)

ARTISTES VARIÉS FOR MY CITY [VOL. 1] (Indépendant) HHH 1/2 Décidément, on ne manque pas de producteurs talentueux au Québec. Après l’éclosion des Kaytranada, High Klassified, Tommy Kruise et autres figures de proue maintenant bien en vue à l’international, voilà qu’une nouvelle génération est prête à prendre le flambeau du microcosme local avec autant d’audace que celle qui l’a précédée. Tâtant habilement le pouls de cette relève, For My City [Vol. 1] met en vedette une pluralité de beatmakers aux styles différents, sans pour autant tomber dans l’assemblage disparate. Traversée par une esthétique trap chaleureuse aux contours de jazz et de soul, qu’arpentent notamment QuietMike, Slumgod, Lowpocus et Franklin Would avec mordant, la compilation se permet des instants lo-fi plus rugueux signés Highlord et d’autres détours expérimentaux aux racines house signés Xixool. Un aperçu significatif de la richesse qui habite la scène hip-hop québécoise ces derniers temps. (O. Boisvert-Magnen)

LYKKE LI SO SAD SO SEXY

(LL Recordings/RCA Records) HHH 1/2 Le temps où l’on se blottissait dans les douces mais puissantes chansons de Lykke Li est révolu. La jeune maman nous offre un changement de cap avec ce quatrième album à saveur davantage r&b et hip-hop, mais n’ayez crainte, son grand talent pour la pop mélancolique y est toujours et on le reconnaît bien sur last piece et bad woman. Comme elle s’entoure de multiples compositeurs qui signent des hits pour Bruno Mars, Beyoncé ou The Weeknd, plutôt que son habituel collaborateur – et compatriote suédois – Björn Yttling, l’intimité inhérente de ses précédents albums prend le bord. Heureusement, dans toutes ses pérégrinations, Lykke Li maintient ce qu’elle fait brillamment depuis ses débuts: elle perce la pop avec des émotions vives, abordant les angoisses de la vie de couple et la dépendance à l’autre, par exemple. Nous voici devant un disque qui ajoute du chien à sa discographie. (V. Thérien)


22 CHRONIQUE VOIR QC

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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

EST-CE BIEN NÉCESSAIRE ? Vous est-il déjà arrivé de vous arrêter au beau milieu d’une action et de vous demander: est-ce bien nécessaire? Jusqu’à maintenant, je n’ai pas considéré comme indispensable de trouver les raisons qui me poussent ces derniers temps à me poser de plus en plus souvent cette question. Mais là, me voilà en plus devant mon écran à me demander s’il est bien raisonnable de partager avec vous ma réflexion.

il y a six fuseaux horaires au Canada, idem aux États-Unis, et deux au Mexique. Les petits gars aux mollets d’acier vont jouer le lundi à Toronto, le jeudi à Tijuana et le samedi à Oakland? Est-ce bien réaliste?

Ici là, maintenant, pendant que je vous écris, vient de sonner le signal de la fin de cycle de mon sèchelinge: 14 notes de La truite de Schubert. Je les ai comptées. Y a des gens qui bossent à programmer La truite de Schubert dans le système de sèchelinge chez Samsung. Est-ce bien nécessaire?

C’est souvent quand je suis en vacances que ces questions superfétatoires occupent mon esprit et se pointent sans prévenir. Comme une chanson, tiens, disons La danse des canards par exemple, quand elle s’entête à se secouer le bas des reins en faisant coin-coin.

Ce matin, j’ai ouvert la télé pour regarder d’un œil, seulement d’un, le match de soccer qui opposait la Colombie au Japon. J’aime bien le sport, mais seulement quand il s’agit de grands rassemblements, par exemple les Olympiques, Wimbledon, Roland-Garros, mais pas le Super Bowl – je n’ai jamais rien compris au football. L’idée de faire la même chose simultanément que la moitié de la planète me rassure, surtout quand celle-ci se divertit. Mais est-ce bien utile? Après la première mi-temps, RDS nous apprend que les Japonais ont couru 48km et les Colombiens 45km… Ma foi… 48km… est-ce bien prudent? La moitié du stade est composée de fans qui, le vent dans le dos, ont fait le voyage Colombie-Russie, et l’autre moitié venant vent de face a fait le voyage Japon-Russie. Ils logent où tous ces aficionados provenant des 32 pays participants? Dans quelle langue parlent les joueurs quand ils s’obstinent avec l’arbitre? En 2026, la Coupe du monde de soccer va se tenir au Canada, au Mexique et aux États-Unis. Est-ce bien primordial? Et puis, je dis ça et je dis rien, mais

Voici en vrac quelques faits qui se bousculent dans mes songes par temps de canicule.

Le plus étrange avec ces incessantes questions qui me laissent souvent coite, c’est que je ne leur trouve rarement de réponses.

Trump laisse toujours son veston ouvert sur sa cravate rouge, est-ce bien indispensable? Et les cages à enfants? Ça, j’ai la réponse. C’est scandaleux, honteux, inadmissible, insoutenable, inacceptable, intolérable, inconcevable. Dans un enregistrement, alors que me venait spontanément le mot «conséquemment», on m’a demandé de le remplacer par «parce que». Un chanteur français invité aux FrancoFolies chante une chanson en anglais non sans nous avoir d’abord dit: «Ici, vous comprenez que je chante en anglais, vous êtes Canadiens, tandis que chez nous…» Est-ce bien vrai? Encore cette nuit, dans mon insomnie, branchée sur France-Inter, qui, contrairement à Radio-Canada, because le décalage, est en direct, j’ai entendu: «Vous serez sécure. Very sécure.» Are you sure?

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Old Navy, Foot Locker, Urban Behavior, Mandy’s, September Café, Cartel Street Food Bar, Red Tiger, Pier 66, Meat Ball House, Lawrence, Sparrow, Satay Brother’s, Kitchen Galerie, Grinder, Le Darling. Banana Republic… Je vous l’accorde, République de bananes m’attirerait moins. Que des endroits sympas et que j’aime. Est-ce bien rassurant? Pas, very pas. Bertrand Cantat qui, pour avoir tué son amoureuse à coups de poing, a fait quatre ans de prison reprend la route et sa guitare. Est-ce bien convenable? Après le Théâtre de la Vieille Forge, la Maison Lebreux de Petite-Vallée, qui a vu grandir je ne sais combien de générations et qui a accueilli dans ses chambres et sa cuisine Plume, Michel Fugain, Gilles Vigneault et tous les Daniel Boucher de la francophonie, a été elle aussi détruite par le feu. J’aimais la berceuse à deux places, et le cœur à la bonne place. Y a que ça qui est nécessaire dans l’histoire. Pourquoi inclure le nom des animateurs dans les titres de leurs émissions de radio? Quand l’animateur part en vacances, son remplaçant est forcé pendant tout l’été de répéter le nom de celui

qui se prélasse au soleil pendant que lui trime à l’ombre. Hubert Lenoir, bel elfe de la chanson, mi-ombre, mi-lumière, remporte le prix Félix-Leclerc de la chanson, accompagné d’une bourse de 30 000$, et le prix Révélation Radio-Canada en chanson. Hubert a une fleur de lys tatouée sur la fesse. Est-ce sur la fesse gauche ou sur la droite? Est-ce bien acceptable de payer un cahier de notes bleu ciel 24$ juste parce qu’il est à carreaux et que j’aime les cahiers à carreaux et que celui-ci vient d’Allemagne et que j’aurais donc dû acheter un proxi-cahier, un cahier gossé dans mon quartier? Voilà autant de pensées parfois futiles, parfois graves ou juste bruyantes qui traversent ma cervelle estivale grillée au BBQ. Juillet, puisses-tu diffuser ton brumisateur de légèreté encore plus fort cette année. Il me semble qu’on en a bien besoin, citoyens circonspects, inondés d’informations diverses et variées, de rumeurs et d’inepties. Ah oui, ça me revient. Les cônes orange oubliés les longs des trottoirs juste au cas où on en aurait encore besoin l’année prochaine… est-ce bien nécessaire? y

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VIENNOISERIES MUSICALES II RÉCITAL D’ART VOCAL



CINÉMA 25 VOIR QC

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L’IMPORTANCE

DE L’ÉCHEC FILM AU DESSEIN NOSTALGIQUE, 1991 COMPLÈTE LA TRILOGIE ENTAMÉE PAR RICARDO TROGI EN 2009. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

«Ça reste la même chose que les deux autres films. C’est juste de la pure nostalgie», schématise le cinéaste et scénariste montréalais. «Par contre, j’ai pas l’impression d’avoir fait trois fois le même film. Je vois ça comme les aventures de Tintin, mais avec un personnage qui vieillit.» Après avoir vécu le déracinement durant son enfance (1981) et flirté avec la délinquance durant son adolescence (1987), le personnage autobiographique de Ricardo Trogi (joué par Jean-Carl Boucher) se paie le premier voyage de sa vie en 1991. Attiré par celle qu’il croit être la femme de sa vie, MarieÈve Bernard (interprétée par Juliette Gosselin), le jeune adulte se rend à Perugia en Italie pour rejoindre sa flamme et, par la bande, renouer avec ses racines italiennes. Comme c’était le cas dans les deux précédents volets, il se butera à une suite de péripéties qui viendra compromettre la relation amoureuse escomptée. «La recherche de l’amour, c’est encore la thé­ matique principale, le moteur créatif. Je pense que tout le monde peut se reconnaître là-dedans, car on a tous déjà forcé des affaires en sachant très bien que c’était pas voué à fonctionner, explique Trogi. En regardant le film, les gens auront peutêtre l’impression que c’est une recette que je répète, mais au moment où je l’ai écrit, c’était pas ça, l’enjeu. Je voulais juste avoir le récit le plus honnête possible par rapport à ce que j’ai vécu à ce moment-là. Pis c’est rien ça, car j’en ai plein d’autres, des situations de même à raconter... Je pourrais facilement écrire le film Ma vie en 30 échecs.»

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

Encore une fois, c’est le côté authentique de l’œuvre qui décuple l’intérêt qu’on lui porte. Naïf, le jeune Ricardo s’embourbe dans différentes situations problématiques qui deviennent cocasses grâce à la narration badine du réalisateur. On pense notamment à cette scène risible où l’aventurier perd son passeport et tous ses papiers en arrivant à Perugia ou à cette autre scène encore plus embar­ rassante où, bien camouflé dans ses draps, il devient le témoin accidentel d’une scène d’ébats amoureux se déroulant juste en haut de lui. S’il admet jouer avec l’ordre des événements afin que l’essentiel de la période qu’il dépeint soit regroupé au sein du même film, le cinéaste s’assure de les représenter avec le plus de fidélité possible. «Je mélange certains détails et certaines époques, mais généralement, ce qui se passe dans le film, ce sont des trucs qui me sont arrivés», certifie le réalisateur, qui a tourné la majeure partie du film en six semaines à Perugia avec une équipe de 30 personnes. «Avec du recul, ça m’amuse de raconter tout ça, même si j’ai souvent l’air con.» Trogi s’assure toutefois de ne pas forcer la note, en laissant une grande place à la personnalité de son alter ego Jean-Carl Boucher. «Par exemple, tout mon aspect sportif, je l’ai délaissé, car Jean-Carl n’est pas quelqu’un de particulièrement porté vers les sports. À la place, j’ai davantage mis de l’avant mon côté sociable à travers lui. Aussi, il est un peu plus sérieux que moi dans la vie, alors au lieu qu’il provoque lui-même les conneries qui lui arrivent, on s’arrange pour qu’il se ramasse plus naïvement dans des situations rocambolesques.»

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Parler de soi sans prétention Ainsi, le Montréalais a réussi un tour de force: réaliser trois films autobiographiques sans pour autant en faire des objets artistiques prétentieux. Présentes lors de l’écriture du premier volet, les craintes que sa trilogie soit perçue comme narcissique ont rapidement été évacuées. «J’ai fait attention à ça dès le début. De toute façon, le choix de la comédie m’empêche de finir on top of the world à chaque film. Personne ne peut dire que j’essaie de me penser bon.» Très loin des stéréotypes de croissance personnelle que les films pour jeune public mettent bien souvent de l’avant, 1991 expose la réalité concrète d’un jeune adulte en quête identitaire, sans autres artifices que ceux qui déterminent nos vies à ce moment crucial de notre développement. Sans répéter une formule naturaliste à la Boyhood, l’ensemble de la trilogie rend compte de l’évolution de Jean-Carl Boucher avec une impressionnante justesse. «C’est moins laboratoire que Boyhood, pas mal plus narratif, mais c’est certain que ceux qui vont écouter les trois films le même soir vont avoir la chance de voir un gars passer de l’enfance à l’âge adulte en quelques heures. Mais bon, au-delà de ça, y a pas de morale. J’aime pas les personnages qui doivent évoluer avant la fin du film, même si c’est une technique de scénarisation qui a fait ses preuves. J’ai de la misère à croire qu’un personnage peut changer du jour au lendemain ou, même, en quelques semaines.»


PHOTO LES FILMS SÉVILLE

Sa trilogie maintenant derrière lui, Trogi planche sur différents projets, tous confidentiels pour l’instant. Mais l’envie de remettre ses frasques adulescentes à l’écran n’est jamais très loin. «Dans ma tête, la saga était terminée jusqu’à tout récemment... J’aimerais peut-être ça faire un 1994 avec tout ce qui s’est passé durant mon expérience à la Course destination monde», dévoile-t-il, en faisant référence à cette émission diffusée à Radio-Canada entre 1991 et 1999 durant laquelle des participants parcouraient des régions du monde pour réaliser des courts métrages. «L’affaire, c’est que sur le plan narratif, je sais pas comment je ferais pour raconter tout ce qui s’est passé dans 20 pays. Aussi, j’ai toujours peur de faire du cinéma qui parle de cinéma.» Chose certaine, le réalisateur a déjà en tête des scènes incommodantes qui, tout comme dans sa trilogie, ont un potentiel humoristique certain grâce au détachement temporel qu’implique le médium filmique. «J’ai notamment passé trois jours à la douane égyptienne pour récupérer une caméra vidéo qu’on voulait pas me donner. Ça m’a pris du temps pour comprendre qu’il fallait juste que je donne 30$ on the side pour la ravoir, se souvient-il, en riant. Dans des situations comme ça, mon réflexe, c’est de continuer à m’enfoncer, car je sais que l’histoire va être drôle quand je vais la raconter plus tard. En fait, je dois avoir le même genre de réflexes que les humoristes.» y En salle le 27 juillet


LES SIGNES VITAUX DE SOPHIE DERASPE


CINÉMA 29 VOIR QC

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MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

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epuis qu’il siège à la Cinémathèque qué­ bécoise à titre de directeur général, Marcel Jean se régale à programmer un cycle estival, qui s’échelonne du début du mois de juillet à la fin août. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’été est une bonne saison pour la Cinémathèque, alors qu’on voit beaucoup de blockbusters prendre l’affiche ailleurs, films qui intéressent peu son public. Exit aussi la concurrence potentielle des théâtres, en relâche. En 2016, l’établissement du Quartier latin avait fait un bon coup avec le cycle Une histoire de l’érotisme. Et l’an dernier, réalisant que la période représentait grosso modo 100 séances, Marcel Jean a misé sur 5 films de 20 grands cinéastes avec 20 x 5. Aujourd’hui, la programmation estivale est dédiée aux femmes réalisatrices. «Le flash qui s’est imposé, c’était d’aller contre l’espèce de lieu commun qu’on entend souvent quand on parle de la place des femmes: “Oui, y a des femmes en cinéma, mais pas beaucoup…” Notre intention, c’était donc de dire: “Mais y en a pas mal!” Pourquoi ne pas faire 100 réalisatrices?! On voulait surtout montrer qu’il y a beaucoup de femmes qui ont du talent et aussi qu’il n’y a pas qu’un seul cinéma de femmes.» Le cycle Femmes, femmes s’ouvrait avec un grand classique, Molière d’Ariane Mnouchkine, et se poursuit jusqu’au 26 août. De grands rendez-vous sont prévus avec des œuvres de sommités comme Alice Guy, Agnès Varda ou Ida Lupino, en passant par des films de grandes cinéastes contemporaines (Jane Campion, Claire Denis, Mireille Dansereau, Andrea Arnold, Chantal Akerman), mais aussi des voix fortes issues de la dernière décennie (Miranda July, Virginie Despentes, Lawrence CôtéCollins, Lena Dunham). «Les femmes font partie du cinéma depuis le tout début, l’époque muette, et y a des femmes qui se sont fait remarquer dans toutes les cultures aussi, indique le DG. On est allé chercher un film d’Euzhan Palcy (Rue Cases-Nègres), la première femme noire cinéaste primée à la Mostra de Venise. Au Japon, dans les cinq réalisateurs contemporains les plus réputés mondialement, il y a Naomi Kawase.» La Cinémathèque présentera donc l’une de ses plus récentes œuvres, Still the Water. Marcel Jean souligne également le travail de deux cinéastes qui ont su se frayer un chemin dans un monde majoritairement masculin. «Ida Lupino, dans l’histoire, c’est une actrice qui marie un scénariste et qui le devient aussi elle-même. Elle devient ensuite réalisatrice un

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CINÉMA 31 VOIR QC

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peu par accident. Elle écrit un jour un scénario. Le film est à l’aube d’être tourné et le réalisateur fait un infarctus. Les producteurs la choisissent pour le remplacer parce qu’elle connaît le scénario par cœur. À partir de là, sa carrière est lancée. Ça démontre à quel point c’était difficile pour les femmes d’avoir la confiance des patrons d’Hollywood. L’histoire d’Alice Guy est un peu semblable et illustre bien ce manque d’ouverture à l’époque. Elle était la secrétaire de Pathé et a fini par lui dire: “Monsieur, pourrais-je prendre une caméra et tourner un film?” Il lui a répondu: “Oui, mais pas sur les heures de bureau et on ne vous paye pas plus!”» En plus d’avoir travaillé en dialogue avec Réalisatrices équitables et la spécialiste du cinéma féministe Julia Minne pour ce cycle, Marcel Jean et la Cinémathèque québécoise sont allés chercher deux alliées ambassadrices pour Femmes, femmes – l’ancienne présidente et chef de la direction de la SODEC Monique Simard et la cinéaste Sophie Deraspe –, qui ont aussi eu un apport dans la sélection des films.

(CI-CONTRE) MOURIR Á TUE-TÊTE DE ANNE-CLAIRE POIRIER; (EN-HAUT) CLÉO DE 5 À 7 DE AGNÈS VARDA

«C’était très important pour nous de montrer des films qui vont au cœur de la prise de parole féminine et féministe. En guise d’exemple, on savait qu’il fallait montrer un film d’Anne Claire Poirier. Au départ, j’avais choisi De mère en fille, sur la

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maternité. Monique Simard m’a questionné sur ce choix quand on l’a consultée. Elle m’a dit: “C’est Mourir à tue-tête qu’il faut montrer, son film sur le viol.” Moi, en tant qu’homme, je n’osais pas aller là, mais elle m’a expliqué en quoi c’est un film majeur. Elle viendra donc le présenter elle-même à la Cinémathèque.» Un point important communément soulevé lorsque des initiatives culturelles proposent un événement entièrement féminin (ou dédié aux peuples autochtones ou à d’autres minorités), c’est qu’on se demande pourquoi présenter un événement «spécial» alors qu’on devrait plutôt intégrer ces œuvres dans la programmation régulière parce qu’elles y ont leur place. «Je suis absolument d’accord avec ça! nous dit Marcel Jean. Notre ambassadrice Sophie Deraspe disait: “Je rêve du jour où on n’aura plus besoin de faire des cycles de femmes.” Elle a raison, mais on n’est pas encore rendu là.» Lui qui est aussi délégué artistique du Festival international du film d’animation d’Annecy prévoyait signer, comme l’ont fait les dirigeants de Cannes en mai, une charte pour la parité femmeshommes dans les festivals de cinéma. «Ce que ça dit, entre autres, c’est qu’en tant que festival, on s’engage à publier des statistiques genrées de soumissions et de sélections.» Selon le DG de la Cinémathèque, les institutions ont tout à gagner à actionner des mécanismes pour que la roue soit tournée en faveur de la parité. «Quand je suis arrivé à Annecy en 2013, j’ai fait la remarque qu’il y avait toujours plus d’hommes que de femmes dans le jury. On me disait: “Ah, y a pas autant de femmes qui ont la stature.” J’avais mes doutes alors j’ai commencé à essayer de vendre l’idée de faire une année de femmes et un jury entièrement féminin. Ç’a obligé tous les gens dans l’équipe à creuser dans leurs listes pour trouver des noms et depuis ce temps-là, on a toujours l’équité. Et l’équité sans forcer, parce que tout le monde a mis à jour ses listes de réalisateurs, producteurs, journalistes, etc. Parfois, il faut un simple geste comme ça pour changer les choses. Ce cycle de femmes, ça nous a permis de fouiller dans les collections de la Cinémathèque pour trouver des copies de films de femmes et maintenant, on a plein d’idées pour la suite! On pense à plusieurs réalisatrices autour desquelles faire des événements. Quand les gens entendaient parler de ce cycle, certains nous signalaient, par exemple, le travail d’une femme cinéaste militante qui fait de l’expérimental. On ne la connaissait pas, mais maintenant on la connaît et on la programmera! Ça génère donc du mouvement et l’impact positif est pratiquement dans toutes les retombées.» y Jusqu’au 25 août À la Cinémathèque québécoise



PAR-DELÀ LA PORTE ROUGE LES SUD-CORÉENS ONT ENGRAVÉ LEURS LÉGENDES SUR NOS PIERRES, S’APPROPRIANT LA CITÉ FORTIFIÉE DU 418 POUR Y TOURNER UNE SÉRIE (GOBLIN: THE LONELY AND GREAT GOD) DEVENUE CULTE CHEZ EUX DEPUIS. UN PHÉNOMÈNE CULTUREL QUI CHANGE LA FACE DE LA VIEILLE CAPITALE, DE SES INDUSTRIES TOURISTIQUES ET CINÉMATOGRAPHIQUES. MOTS | CATHERINE GENEST

(CI-CONTRE) COURTOISIE OFFICE DE TOURISME DE QUÉBEC (EN-HAUT) COURTOISIE DESTINATION CANADA

La prémisse de l’œuvre est presque aussi improba­ ble et surnaturelle que le fait d’avoir choisi Québec pour théâtre de telles fantasmagories. Goblin: The Lonely and Great God est un récit puisé à même le folklore national coréen, une réactualisation contemporaine des mythes du gobelin (ou dokkaebi) et du Faucheur. L’auteure Kim Eun Sook s’est inspirée de la tradition orale de son pays pour jeter les bases d’une histoire d’amour tragique entre un homme condamné à la vie éternelle, le personnage titre, et une simple mortelle. Une fable romantique qui aurait, à en croire les chiffres fournis par Destination Canada, été vue plus de 245 millions de fois seulement à la télévision traditionnelle sud-coréenne. C’est sans compter les marchés malaisiens et chinois, ni même les statistiques de vues uniques pour la plateforme d’écoute en continu Naver TV. Difficile de quantifier tout ça. «C’est des cotes d’écoute très, très imposantes, s’exclame Charles Gaudreau, chef d’équipe d’une cinquantaine de techniciens et artistes qui ont travaillé de pair avec les Asiatiques. C’est une autre stratosphère. C’est des centaines de millions de personnes. Pas qu’ils l’ont écoutée chaque semaine, mais ils ont écouté au moins un épisode.» Pour le producteur délégué qui occupe un bureau dans le quartier Saint-Roch, c’est un contrat qui tombe du ciel. Les compagnies étrangères ne sont pas tenues de s’associer à des boîtes d’ici lorsqu’elles débarquent pour un tournage, rien ne les y oblige. «Il n’y a pas de règlement en ce

sens-là parce que c’est souvent très contraignant», explique Alicia Despins, membre du comité exécutif de la Ville de Québec, responsable de la culture, de la technoculture et des grands événements. «Mais on fait savoir qu’on l’apprécie particulièrement quand ils retiennent les services des artisans et producteurs locaux pour mener à terme leurs projets.» D’ailleurs, les fonctionnaires municipaux servent d’entremetteurs en partageant un bottin de leur cru conçu à l’intention des cinéastes en visite, facilitant ainsi les contacts entre collègues de nationalités différentes. Huit mois avant le début du tournage, Charles Gaudreau rencontrait le producteur coréen accompagné de son interprète, un tête-à-tête éclair qui s’inscrivait dans une séance de magasinage chez une myriade de maisons de production de Québec. Puis, silence radio. Il n’apprendra que beaucoup plus tard que ses services avaient été retenus. «Six mois après, je reçois un appel du fixer. “Ouais, notre producteur t’as bien aimé. Il veut faire affaire avec toi. On arrive dans deux mois.” Là, j’ai fait de l’espace dans mon agenda!» Les premiers membres de l’équipage sud-coréen débarquaient peu après le coup de fil décisif. «C’était phénoménal de les voir aller parce qu’on a 13 heures de décalage avec là-bas. Le jour, ils travaillaient avec nous et, le soir, la Corée se réveillait. C’est des surhumains.» Dire que ces gens ont le cœur à l’ouvrage serait un euphémisme. Investis jusqu’à en perdre haleine, les caméramans, les éclairagistes et autres machinos ont très souvent défié les normes instaurées par les

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34 syndicats qui ne représentaient que les Québécois. «Il a fallu qu’on fasse deux équipes parce qu’ils faisaient des shifts de 30 heures en ligne des fois. On se relayait. Pour eux, il paraît que c’est normal. L’assistant-réalisateur Jeremy Peter Allen n’en revient toujours pas, même s’il précise que ce quart de travail triple ne s’est produit qu’une seule fois. «Ils étaient absolument épuisés à la fin, ils dormaient dans les camions.» Parmi ce qui subsiste à ce tournage très intense d’une dizaine de jours, il y a ce pèlerinage que les fans font caméra à la main pour ensuite téléverser le tout en ligne. Les journaux de bord vidéo pul­ lulent sur YouTube. Le Château Frontenac, qui a d’ailleurs vu croître sa clientèle coréenne de 500%, vend même le forfait Ultimate Goblin Experience comprenant une nuitée dans une suite qui a servi de décor et une carte des endroits où les scènes ont été filmées. La fontaine de Tourny, la Boutique de Noël sur Buade, la terrasse Pierre-Dugua-De Mons, la rue des Carrières, l’escalier Casse-Cou… Des endroits déjà légendaires ou carrément méconnus que Catherine Lavoie, directrice des lieux de tournage, a finement choisis. C’est elle qui, notamment, a déniché la fameuse porte rouge, celle devant laquelle de nombreux touristes se photographient désormais chaque jour. «Au départ,

MOULIN LA LORRAINE

«ON POUVAIT FILMER UNE SCÈNE QUI SE PASSE EN 1960, MAIS ILS AVAIENT UN CALENDRIER SUR LE MUR OÙ C’ÉTAIT INSCRIT 1932. ON AVAIT BEAU LEUR DIRE, MAIS CE N’ÉTAIT PAS GRAVE POUR EUX.» nous avions proposé plusieurs portes. Le réalisateur en a choisi une dans le lot, et c’est tombé sur celle du Théâtre Petit Champlain. J’ai su que le Théâtre a eu beaucoup de visite par la suite…» Au-delà du portail magique, de ce lien fictif entre Québec

À NE PAS MANQUER!

Expositions à voir tout l'été! 29 juillet

Centre d’arts

1286, route 277 Lac-Etchemin (Qc) moulinlalorraine.ca 418 625-4400

ART

PIQUE-NIQUE DES CRÉATEURS

CLAUDE GAGNÉ

IN VIVO ou Examen ante mortem des causes de la vie

JARDIN

ANIK LACHANCE Paysages intérieurs

Création in situ, musique, poésie et plus encore...

MOULIN


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> et Séoul, l’experte du repérage avait pour mandat de magnifier l’exotisme de nos automnes. Au final, et en postproduction, les feuilles rouges ou orange se conjuguent à un soleil vibrant, une lumière absolument invraisemblable pour cette période de l’année où les feuillus se colorent en raison du manque de chlorophylle. Le spectacle est féérique. Mondes parallèles Ce tournage aux allures d’échange culturel aura permis à Jeremy Peter Allen de se familiariser avec un mode de production tout autre et une grammaire de l’image très différente de la sienne, ce à quoi le public nord-américain est accoutumé. «Même si la collaboration entre les deux pays s’est très bien passée de façon générale, on sentait qu’ils venaient d’une autre culture esthétique qui, à plusieurs égards, nous paraissait assez kitsch. Mais si tu regardes la télé asiatique et coréenne, c’est plutôt normal. Nous, les Québécois, on est beaucoup plus dans le réalisme social.» Dans Goblin, les époques se mélangent jusque dans les costumes et accessoires, des anachronismes dont le réalisateur Lee Eung Bok semble faire fi. «On pouvait filmer une scène qui se passe en 1960, mais ils avaient un calendrier sur le mur où c’était inscrit 1932. On avait beau leur dire, mais ce n’était pas grave pour eux.» Le travail des interprètes est teinté par ce même irréalisme, un jeu des plus économes, voire carrément décalé par rapport à ce qu’on voit dans les films occidentaux. «Je ne sais pas si c’est parce qu’ils sont moins expressifs ou si c’est nous qui n’avons pas les codes, qui ne repérons pas ce qui, pour eux, est une réaction normale, admet Jeremy. C’est sûr que le personnage principal était une espèce de demi-dieu, donc il était un peu distant vis-à-vis des autres humains. Mais je pense plus au rôle de la fille qui le suit, celui campé par Kim Go Eun. Ses réactions étaient, je trouve, très codées. Je pense au kabuki ou à l’opéra chinois. Nous, on n’avait peut-être pas les références pour bien lire ça.» Jocelyn Paré, comédien bien actif dans les théâtres de la ville, est de ceux qui ont décroché un petit rôle dans l’émission. On peut le voir aux côtés de Gong Woo, cet acteur si célèbre que les groupes de touristes qui passaient par là devaient être maîtrisés, gardés à l’écart pour assurer sa sécurité. Une expérience qu’il n’est pas prêt d’oublier. «Ce qui est drôle, c’est que, lui, c’est comme une mégavedette! T’sais, je veux dire, il est fucking big. C’est comme si je jouais avec Brad Pitt, là! Mais il ne me disait rien. Il avait toujours deux ou trois filles après lui, une qui replaçait ses cheveux, une autre qui le repoudrait, qui replaçait ses petites couettes. Je trouvais que c’était très plastique comme manière

de fonctionner.» Jocelyn, avec ses 6 pieds et sa crinière châtain foncé, incarnait lui-même la quintessence de l’exotisme aux yeux de ceux qui l’avaient choisi. Le casting était d’une précision chirurgicale et chaque acteur principal était doté de son propre cortège: un coiffeur, un maquilleur et un habilleur. Quelque chose qu’on ne voit jamais sur les plateaux de la Belle Province, «un souci du détail presque maniaque», pour reprendre les mots de l’assistant-réalisateur issu de l’escouade locale. Malgré leurs considérations différentes, malgré cette manifestation de l’extrême droite qui est venue troubler leur mise en scène à la fontaine de Tourny, les Sud-Coréens et les Québécois ont uni leurs forces pour donner vie à ce conte qui fait rêver les masses. Des artistes ont bâti un point entre deux peuples que rien ne rassemblait au préalable. Il nous tarde, à notre tour, de découvrir ce lointain pays à travers les yeux d’un de nos écrivains. y


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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

BON ANNIVERSAIRE, LE BARBU ! C’est cette année le 200e anniversaire de Karl Marx, né en 1818 et mort en 1883. Il y a tant de penseurs, de militants, de politiciens et même de gens de toutes sortes, parfois infréquentables, qui se sont réclamés de lui qu’il est difficile d’en parler sereinement ou objectivement. On risque cependant alors d’oublier de le relire et de constater qu’il a aussi été un important et fort brillant philosophe dont nous sommes tous plus ou moins tributaires sur certains plans. Prenez par exemple ce concept d’idéologie qu’il développe. Pour le dire vite: il existe dans toute société des ensembles d’idées qui tendent à faire système et qui sont à la fois le reflet, mais aussi, très subtilement, le masque des conditions économiques de cette société. Incontournable… Je propose de nous pencher sur un concept moins connu, mais fort intéressant et stimulant: le fétichisme de la marchandise. Nous savons tous ce qu’est un fétiche: c’est un objet (il peut s’agir d’une personne, mais typiquement, il s’agit d’une communauté tout entière) dont on pense qu’il possède des propriétés extraordinaires, divines ou surnaturelles. Ce concept a d’abord été employé par des ethnologues pour désigner des objets utilisés dans diverses pratiques des peuples dits prémodernes. Une statue, mais aussi un bâton, un collier et une infinité d’autres objets peuvent être des fétiches et servir à d’innombrables fins dans le cadre de pratiques sociales, souvent ritualisées. Voyez ce sorcier qui agite cette statuette au-dessus du ventre de ce malade: tous deux pensent qu’elle pourra le guérir. La statuette n’est pas une simple pièce de bois sculptée: elle est un fétiche, doté de pouvoirs extraordinaires, et elle en est sans doute devenue un par quelque cérémonial.

Marx va appliquer quelque chose de semblable non pas aux sociétés prémodernes, mais bien à la société capitaliste qu’il décrit, et qui reste pour l’essentiel la nôtre. Il semblera à première vue étrange de parler de cette sorte de pensée magique, de mystification investissant un objet d’obscurs pouvoirs que décrivent les ethnologues pour parler des marchandises qu’on rencontre dans notre monde, et notamment au supermarché. Que veut dire Marx, exactement? Je suggère que le concept est au mieux compris comme désignant simultanément trois opérations: occulter; étalonner; mythifier. Occulter. Une marchandise est le résultat du travail humain qui la produit, et c’est d’abord cela qu’on va cacher. Les questions ne se posent en effet jamais ou presque: quelle somme de travail et quels travailleurs ont investi leurs temps, leurs énergies, leur ingéniosité dans cette marchandise? Qui, par exemple, a planté ces légumes du supermarché? Qui les a récoltés? Par quelles mains sont-ils passés pour parvenir jusqu’ici? Dans quelles conditions travaillent tous ces gens? Qui tire profit de ce travail? Tout cela est (presque magiquement) effacé dans l’apparition de la marchandise, tout ce qui rappellerait aux humains que ce monde d’objets est le produit de leur travail (mieux: de leur travail exploité) est gommé. Il n’est pas interdit d’y voir là une des clés qui explique pourquoi on parle tant du consommateur et si peu du citoyen… On ajouterait de nos jours que, par le même procédé, on ne se soucie guère, non plus, de ce qu’il advient de ce qui, une fois consommé, est jeté. Par exemple de ces téléphones portables, jetables et jetés. Étalonner. Ce monde de marchandises, ainsi devenu en quelque sorte indépendant du travail humain

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37 par lequel il existe, prend ensuite la seule forme d’existence possible dans le monde capitaliste: il devient un élément possible d’échange, comme l’est au demeurant le travail lui-même. Chacun de ces éléments peut être ramené à ce qui médiatise ces échanges entre eux: l’argent; et bientôt les êtres humains n’entrent plus en relations concrètes les uns avec les autres, mais par ces relations abstraites d’échange de marchandises, qui sont étalonnées par l’intermédiaire universel qu’est l’argent. Ces rapports entre des choses occultent les rapports entre les êtres humains. Le capitalisme, pense Marx, ambitionne de tout faire entrer dans ce système de relations. Mythifier. Les marchandises sont alors prêtes pour que s’accomplisse la dernière opération par laquelle elles seront dotées de toutes sortes de propriétés plus fantastiques les unes que les autres. Des experts s’en chargent. Nombre d’entre eux s’appellent aujourd’hui publicistes, conseillers en images, en relations publiques... En bout de piste, on n’est pas si loin de la statuette du sorcier, finalement… À quoi ressemble un être humain au milieu de ces relations mystifiantes? Marx, on le sait, le décrit comme aliéné, trompé et coupé de lui-même. Et qu’en est-il de l’homme Marx lui-même?

Ses filles ont recueilli les réponses de leur père à un jeu appelé Confessions, que Marcel Proust rendra populaire. Les voici: Votre vertu préférée: La simplicité Votre vertu préférée chez un homme: La force Votre vertu préférée chez une femme: La faiblesse Votre trait caractéristique principal: La ténacité Votre idée du bonheur: Combattre Votre idée du malheur: La soumission Le défaut que vous pardonnez le plus: La crédulité Le défaut que vous détestez le plus: La servilité Votre aversion: Martin Tupper Occupation favorite: Dévorer des livres Poète favori: Shakespeare, Eschyle, Goethe Prosateur favori : Diderot Héros favori: Spartacus, Kepler Héroïne favorite: Marguerite Fleur favorite: Le Daphné Couleur favorite: Le rouge Nom favori: Laura, Jenny Plat favori: Le poisson Maxime favorite: Nihil humani a me alienum puto (rien de ce qui est humain ne m’est étranger) Devise favorite: De omnibus dubitandum (douter de toute chose) y

Du 28 juin au 11 août 2018 PRÉSENTE

RÉSERVATION

1 877 666-0260 / THEATREDUCOQ.CA 2581, rang Saint-Joseph, Sainte-Perpétue JOC 1R0 (Centre-du-Québec)

TEXTE EXTE SIMON BOUDREAULT, JEAN-GUY LEGAULT MISE EN SCÈNE DE JACQUES LESSARD SCÉNOGRAPHIE DE MONA ELICEIRY Avec Nicola Boulanger / Charlie Jutras / Amélie Laprise / Guillaume Pepin


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LE QUÉBEC À PLEIN NEZ RÉCOMPENSÉS À L’INTERNATIONAL, LES PARFUMS ARTISANAUX MONSILLAGE SONT CONÇUS À MONTRÉAL. DERRIÈRE DES NOTES VARIÉES, ILS RACONTENT AUSSI LE TERROIR QUÉBÉCOIS CHER À LEUR CRÉATRICE. RENCONTRE DANS UN ATELIER PLEIN D’ODEURS. MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTOS | DANIELE TOMELLERI

À peine entré chez Isabelle Michaud, un parfum persistant nous accueille. Un large frigo renferme les quelque 400 molécules de synthèse, huiles essentielles et absolus nécessaires à la création de parfums, qu’elle met au point ici même. Formée en France, à l’Institut supérieur international du parfum, Isabelle a créé Monsillage en 2009; en mai dernier, elle remportait son deuxième Art and Olfaction Award, un prix international qui récompense annuellement les créateurs de la parfumerie artisanale de niche. «Ça me prend beaucoup de temps à développer ma marque, car je porte tous les chapeaux en même temps, explique Isabelle. Recherche de fournisseurs, conception des parfums, administration…»

Elle arrive cependant à créer un parfum par an, qu’elle produit ensuite par lot de 40 flacons, à la demande, embouteillant elle-même sa petite production artisanale. Les parfums Monsillage sont offerts en ligne et dans plusieurs points de vente au Québec, en Ontario et dans l’est des États-Unis – un marché très nord-américain. À ce jour, elle a sept créations à son actif, dont Eau de céleri et Pays d’Ogon qui lui ont valu ses deux Art and Olfaction Award, auxquelles s’ajoutent deux collaborations pour les marques québécoises Wazo et Harricana. Si Isabelle regrette que la parfumerie ait longtemps été un milieu très caché et mystérieux, elle raconte volontiers les secrets de la fabrication. Comme une partition de musique Chacun de ses parfums est la mise en scène d’une tranche de vie. La créatrice puise d’abord son inspiration dans une expérience, qu’elle transpose ensuite en odeur. «On part d’une page blanche, comme un écrivain. On réfléchit à l’histoire qu’on veut raconter. Moi, je m’inspire de photos, d’images, raconte Isabelle. Par exemple, Pays d’Ogon me ramenait 25 ans en arrière. Je voulais montrer le côté humide qu’on trouve en Afrique, et surtout à cet endroit. Il y a un peu plus de verdure qu’ailleurs. Il y a donc au début du parfum un côté un peu plus vert, plus tropical, puis ça tombe dans les bois exotiques, comme le bois de santal. Je voulais que ça reste très brut.» Le reste se compose comme une partition de musique, avec des notes qui durent plus ou moins longtemps, se précèdent et se succèdent. Toutes les notes ont ainsi leur propre volatilité; les notes de tête sont plus éphémères, tandis que les notes de fond restent plus longtemps sur la peau. «C’est vivant un parfum…» Place à la chimie: chaque changement de proportion demande un nouvel

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dans un flacon. Elle puise beaucoup d’idées dans les endroits qu’elle visite, les rencontres, mais surtout dans ses souvenirs personnels, principalement de voyages. «Je m’inspire de la culture, mais aussi de la géographie des lieux, des expériences que j’ai vécues là-bas.» C’est ensuite une interprétation sur différentes notes, où se mélangent le côté artistique et le côté personnel. «J’ai une sensibilité pour certaines notes, mais j’ai aussi un bagage culturel: mon terroir canadien est différent de celui d’un parfumeur européen, qui va avoir d’autres références – par exemple par rapport à certaines fleurs qu’on n’a pas. Ici, on a beaucoup de notes boisées, de forêts, de souvenirs culinaires propres au Québec… Ça, ça crée une différence dans le parfum.» Une gamme de fragrances qui évoque le terroir et le coin de pays d’où elle vient, et qui s’inscrit parfaitement dans la tendance actuelle du «consommer local». Garde-robes de parfums

essai – un parfum peut parfois demander plus de 300 essais. Et le terrain de jeu est infini: «Il y a toujours des molécules de synthèse à découvrir», assure Isabelle. Les laboratoires en découvrent en effet de nouvelles régulièrement, et il est donc important de rester à jour sur les notes offertes sur le marché. «Il faut expliquer aux gens que la molécule de synthèse, c’est pas forcément mauvais, insiste la parfumeuse. Une huile essentielle est gorgée de molécules, qu’on peut isoler pour travailler avec chacune d’elles. Ça ouvre la palette de création, ça ajoute des reliefs, de la transparence aux parfums…» Les molécules de synthèse permettent en outre de créer des odeurs de fleurs comme le lilas, le muguet ou la jacinthe; autant de plantes qui perdent leurs odeurs quand elles passent par le processus d’extraction, et qu’il faut donc recréer avec d’autres notes. Parfumerie d’auteur La parfumerie de niche, c’est d’abord une parfumerie d’auteur, définit Isabelle: le parfumeur est aussi le chef de sa marque, et il y a donc un point de vue très subjectif, un fil directeur dans toute la marque. «C’est une façon de voir la parfumerie qui est beaucoup plus personnelle. Au lieu de se fier à des focus groups, des tendances, on se fie plus à la personne qui crée le parfum, on fait confiance à la création.» Monsillage, c’est le passé d’Isabelle. Pour chaque parfum, l’idée est toujours là depuis longtemps, en gestation pendant environ deux ans avant d’aboutir

Bon timing: quand Isabelle lance Monsillage il y a pres­ que 10 ans, c’est le début de ce mouvement. «À l’époque de nos parents, il y avait un seul standard de chic, un standard pour tout, alors qu’aujourd’hui, on respecte plus les individualités, pense Isabelle. Quand je me suis lancée, le marché et les clients étaient ouverts à des choses différentes de ce que faisaient les grandes marques.» L’atout du local reste prépondérant, et si son premier prix en 2015 lui ouvre les frontières, son marché principal reste le Québec. «Monsillage est fait ici, par une créatrice d’ici, et les gens aiment ça.» En soit aussi pour preuve le succès d’Invocation, seule parfumerie autochtone en Amérique du Nord, fondée en 1999. Inspirés des traditions ancestrales amérindiennes d’herboristerie, les parfums Invocation sont composés d’herbes, d’épices et de fleurs locales cultivées et récoltées par les communautés autochtones, et sont faits à la main. Leurs flacons sont baptisés avec des noms amérindiens signifiant «son sacré» ou «feu», qui rappellent leur inspiration. Cette année, la production artisanale de la manufacture devrait dépasser les 1000 litres, et deux nouveaux parfums sont attendus. Bref, les fragrances locales ont la cote. Dans l’évolution des mœurs, Isabelle constate aussi la tendance aux «garde-robes de parfums»: depuis quelques années, les gens sont moins forcément fidèles à un parfum particulier. Une tendance qui se vérifie avec l’apparition de nouveaux volumes de vente: si on achetait avant des bouteilles de parfum de 100ml, elles font aujourd’hui 75, 50, 30 ou même 15ml. «Les gens aiment les petits flacons, pour en avoir de plusieurs marques et changer, s’adapter aux températures, aux événements… C’est une réelle tendance, confirme la parfumeuse. Il y a plus d’ouverture aussi pour essayer de nouvelles choses.» Et soutenir l’artisanat local en prime. y


Sur les rayons

Sur les rayons

LA FILLE QUI BRÛLE CLAIRE MESSUD

LA FATIGUE DES FRUITS JEAN-CHRISTOPHE RÉHEL

Gallimard, 253 pages

L’Oie de Cravan, 64 pages

Il y a des lieux que la littérature ne peut s’empêcher de fréquenter encore et encore. L’adolescence est un terrain fertile où le réel et la fiction peuvent communier. De cette rencontre, plusieurs auteurs tracent divers sentiers au sol et tentent de cerner à nouveau tout ce qu’on perd dans le brasier qu’est le passage à l’âge adulte. Avec La fille qui brûle, l’écrivaine américaine Claire Messud dépeint avec retenue, et non pas sans style, une amitié symbiotique qui, comme trop souvent, s’étiole dans le temps. Comment, en l’espace d’un instant, peut-on s’éloigner au point de devenir étranger l’un à l’autre, même si, malgré tout, un fil invisible de souvenirs forgés à même l’amitié et l’enfance persévère à nous unir?

Il est rare de trouver des poètes aussi jeunes que Jean-Christophe Réhel qui parviennent à se renouveler si aisément entre chaque recueil. Celui qui nous avait surpris par sa maîtrise surréaliste avec Les volcans sentent la coconut (Del Busso, 2016), finaliste au Prix des libraires du Québec, revient cette fois-ci avec La fatigue des fruits. Celui qui nous avait offert des vers ciselés dans son précédent recueil arrive ici avec un poème beaucoup plus ample, qui court sur une page, voire deux, sans jamais pour autant avoir l’air d’une logorrhée. La fatigue des fruits, c’est celle qui nous frappe tous, celle d’une vie sans éclat où la nuque de l’autre devient un monde, où les oiseaux sont prophètes et où la mort rôde comme un vieil ami.

Julia et Cassie sont inséparables. Elles errent dans un petit bled, arpentant leur jeunesse avec cette certitude que chaque coin de rue peut révéler un monde nouveau, neuf et vierge de regards. Un peu comme dans L’amie prodigieuse, la saga napolitaine d’Elena Ferrante, le lecteur devine rapidement qu’une réussira mieux que l’autre, diktat social oblige. Si Julia, la narratrice, est fille unique d’un père dentiste et d’une mère journaliste, Cassie est élevée seule par sa mère, Bev, une infirmière dévouée, toujours heureuse, qui ne rate jamais une soirée d’études bibliques. La première partie est celle des après-midi à la carrière ou des périples dans la «forêt tentaculaire» à chercher un passage jusqu’à l’asile désaffecté, alors que la deuxième sera celle de l’éloignement où, pour d’inexplicables raisons, les orbites se désynchronisent. Ce n’est qu’en fin de roman, dans la troisième et ultime partie, qu’on abordera la disparition annoncée de Cassie, cette fille qui brûle. Si Cassie se détourne et disparaît, c’est qu’elle-même se distancie de ce qu’elle a toujours été. D’un coup, sa vie semble tenir sur peu de choses, et la friabilité du réel est telle qu’elle se doit de trouver une vérité, quelle qu’elle soit. Claire Messud écrit avec une tendresse épatante sur cette amitié qui s’effrite, parvenant au détour de chaque page à représenter efficacement les aléas d’être une femme dans une Amérique qui n’est point exempte de dangers. La fille qui brûle est un petit roman d’une grande envergure, porté par une prose si juste qu’elle en est fascinante. Finalement, le confort et l’incendie ne sont pas si loin l’un de l’autre. (Jérémy Laniel) y

Dès les premiers poèmes, on est happé. Certains vers frappent avec tant de force qu’ils forcent un temps d’arrêt. Comprenez-moi bien: ces vers ne se cachent pas dans le texte comme quelques perles à trouver en plein océan, non, ils sont là, dans la forêt d’un poème aux multiples cimes, aux différents belvédères, pour répondre au temps de la lecture: «nos mains chaudes essayent de fabriquer une gloire/on bâtit une pyramide on meurt avant que ça fasse un triangle». Réhel parvient à sublimer la maladie, à l’insérer dans la banalité des jours: «mon cœur ne bat qu’une seule fois/aux alentours de midi». Car la mort est omniprésente ici, portée par un monde vivant bien ample: «je laisse mes plantes mourir/pour avoir une longueur d’avance sur le temps». Si encore une fois L’Oie de Cravan démontre tout son savoir-faire et son amour du livre-objet en proposant un ouvrage à la couverture gaufrée et aux papiers épais, la qualité du produit n’a d’égal que les poèmes qu’il contient. Il est, je crois, impossible de ne pas avoir le regard qui se brouille à la lecture de «les mains dans les yeux», une ode à la précarité du nous et à celle du monde. Réhel maîtrise ici la répétition des vers qui reviennent dans le poème comme des métronomes, qui marquent l’impermanence des choses, en plus de jouer sur la longueur des textes à quelques reprises, démontrant qu’il n’a rien perdu de sa concision poétique. Un recueil comme un cadeau. (Jérémy Laniel) y



ARTS VISUELS 43 VOIR QC

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LA FERME DES ANIMAUX C’EST UN RÊVE ÉVEILLÉ, LA PAGE D’UN LIVRE JEUNESSE QUI SE MATÉRIALISE AU DÉTOUR D’UNE PISTE CYCLABLE. CET ÉTÉ, LES HEUREUX NAUFRAGÉS D’ISABELLE DEMERS ET FANNY MESNARD DÉRIVENT JUSQU’AU BASSIN LOUISE POUR NOUS DÉROBER UN SOURIRE. MOTS | CATHERINE GENEST

PHOTO | CHARLES-FRÉDÉRICK OUELLET

Herbes synthétiques verdoyantes, animaux en uréthane aux proportions fantaisistes, des bêtes encore nues ou peintes dans des nuances de couleurs algues marines. L’atelier qu’occupe le duo déborde d’artéfacts plus surprenants les uns que les autres. Isabelle Demers et Fanny Mesnard ont fait du JC Ricard, entrepôt d’articles souvenirs désaffecté, leur manufacture. C’est là qu’elles préparent ces sculptures, les leurs, celles qui seront assemblées sur un quai flottant face aux silos de la Bunge. L’illusion d’une île.

hautement compatibles. Elles aspirent à l’émerveil­ lement d’autrui, à «quelque chose de fort qui traverse les cultures» en participant à la cinquième mouture des Passages insolites. «Ça fait autant référence au Radeau de la Méduse qu’à L’arche de Noé ou à L’île du docteur Moreau. C’est quelque chose que tout le monde connaît aussi, le fantasme de l’insularité.» Isabelle renchérit, ajoutant son grain de sel: «On s’est tous déjà imaginés sur une île déserte. Ce qu’on deviendrait, où on irait, ce qu’on apporterait…»

Le titre semble être une vague allusion à Gilligan et sa bande. Ils sont une vingtaine d’individus, un kangourou comme des lapins, des espèces de partout sur la planète, à s’entasser sur cet amas de terre qui semble s’être détaché du continent. Un ponton de 18 pieds de large sur 28 pieds de longueur qui trône au-devant de la passerelle, juste à côté de l’Espace 400e. Travaillant habituellement en solo, Demers et Mesnard signent à la fois leur première création conjointe et destinée à un lieu public. «Toutes les deux, confie Fanny, on souhaite travailler dans l’espace urbain. Toutes les deux, on a des pratiques très installatives et immersives, mais avec des objets très finis, qui s’appliquent plus au dessin. Des choses fragiles, délicates.» Une méticulosité, un souci du microdétail rarement vu dans les œuvres extérieures de (très) grand format.

Ces mammifères irradiés d’un bleu presque vert suggèrent, par leur couleur paranormale, une vision presque dystopique de Québec. Ils sont comme des extraterrestres, des petits bonshommes verts perdus puis encerclés par la ville. La pollution et l’étalement urbain ont eu raison d’eux, à l’instar de cet orignal qui s’était faufilé jusqu’aux faits divers des grands quotidiens locaux en 2016. Un cervidé véritable qui était resté coincé dans les eaux du fleuve avant d’être abattu par un policier prétextant un enjeu de sécurité pour les piétons et les automobilistes circulant à proximité du marché du Vieux-Port. «On devrait écrire “à la mémoire de”», propose Isabelle, mi-figue mi-raisin. «On aime bien jouer sur le côté multidimensionnel, complète sa collègue. On veut que l’œuvre soit aussi poétique que provocante.» y Les heureux naufragés Jusqu’au 14 octobre au Bassin Louise (Dans le cadre des Passages insolites)

Cousues de la même étoffe, Isabelle Demers et Fanny Mesnard cultivent individuellement leur amour de la nature. Leurs univers sont similaires,

< LES HEUREUX NAUFRAGÉS, 2018.

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ARTS VISUELS 45 VOIR QC

VO3 #O7

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ELISA AUX MAINS D’ARGENT POUR SOULIGNER L’ANNIVERSAIRE DE SA MARQUE DE VÊTEMENTS, ELISA C. ROSSOW A ORGANISÉ UN JOLI PROJET: PHOTOGRAPHIER DIX FEMMES REPRÉSENTANT MONTRÉAL, POUR HONORER SES COLLECTIONS MAIS AUSSI CÉLÉBRER SA VILLE. MOTS | MARIE PÂRIS PHOTOS | MAXYME G. DELISLE COIFFURE ET MAQUILLAGE | MAÏNA MILITZA VÊTEMENTS | ELISA C-ROSSOW

Béatrice Martin, alias Cœur de Pirate, la coprésidente du Groupe Germain Christiane Germain, la mannequin et DJ Ève Salvail, l’illustratrice Gabrielle Laïla Tittley, les actrices Karine Vanasse et Magalie Lépine-Blondeau, l’entrepreneure en esthétique Jennifer Brodeur, l’humoriste Mariana Mazza, la journaliste Marie-Joëlle Parent, la maquilleuse et coiffeuse Maïna Militza. Elles se sont toutes fait tirer le portrait par le photographe Maxyme G. Delisle, dans le cadre du projet Dix ans x Dix femmes. 2018 marque en effet les dix ans d’immigration d’Elisa C. Rossow, mais aussi la dixième année d’exis­ tence de son entreprise de vêtements éponyme. Il fallait marquer le coup. «Mais ça ne me ressemble pas de faire un défilé, un truc fashion... Ça fait des années que j’en ai pas fait. Pour moi, c’est juste une montagne de stress, confie la Française. J’ai pas besoin de ce côté show; mon show, c’est quand j’ai une cliente devant le miroir et que je lui fais une robe sur-mesure.» Elisa a donc cette idée de shooting photo, une façon de souligner les valeurs de la marque. Une façon également de faire parler d’elle, pour cette «artisane du vêtement» peu connue du grand public, qu’on ne voit pas dans les défilés de mode et qui reste peu accessible en raison des prix élevés (près de 1500$ le manteau). «Je voulais aussi remercier le Québec et tout ce que ça m’a apporté, ajoute la créatrice. Ça fait dix ans que je suis à Montréal et que je ne veux plus en repartir. Les gens d’ici m’ont accueillie, achètent mes vêtements…» Parmi les valeurs de sa marque, elle veut souligner le fait qu’elle habille tout le monde, de la plus petite à la plus grande, de la plus maigre à la plus rondelette. Elle a donc choisi dix femmes au Québec qu’elle trouve «particulièrement hots», venant de milieux différents,

avec des morphologies variées et dans une fourchette d’âge allant de 28 à 63 ans. Quelques-unes sont déjà ses clientes, mais pas toutes. La difficulté, ç’a finalement été de trouver une date convenant à ces femmes parmi les plus occupées en ville. Le jour J – Béatrice Martin prenait quand même un avion le soir même pour Paris –, chacune a choisi un vêtement dans les collections d’Elisa. «Je ne voulais pas que les photos soient identiques, c’est pas un catalogue de mode. Les photos sont adaptées à la personnalité de chacune, assure la jeune femme. Maxyme avait déjà travaillé avec certaines d’entre elles, il a donc facilement su les mettre à l’aise. Certaines ne se connaissaient pas encore, elles se croisaient entre les photos, il y avait une énergie vraiment le fun dans le studio…» Sur le résultat final, les vêtements sont parfois à peine visibles. Mais l’identité de la marque est bien reconnaissable: esthétique minimaliste, absence de couleurs, allure classique et contemporaine à la fois. À l’image de la designer elle-même, petite brune à l’allure sobre. La dame en noir Déjà, alors qu’elle étudie en nouvelle couture à Paris, Elisa se sent loin de l’univers «fashion». Elle travaille plutôt le vêtement comme une sculpture autour d’un corps. Des souvenirs qui la font rire: «Mes premières collections à l’école étaient complètement flyées!» Elle immigre à Montréal en mars 2008; à l’époque, sans contact et sans avoir étudié ici, elle n’aurait jamais pensé avoir sa marque avant au moins dix ans, et se dit qu’elle va d’abord devoir travailler pour quelqu’un d’autre. «Mais c’est difficile de trouver une compagnie fashion

> MARIANA MAZZA ET KARINE VANASSE  < MAÏNA MILITZA ET GABRIELLE LAÏLA TITTLEY



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qui veut pas faire du fashion… Puis je me suis vite rendu compte qu’à Montréal, on pouvait vivre de son art.» Trois mois plus tard, elle commence sa première collection. Elisa veut créer de l’intemporel – l’opposé du «fashion». Pour faire un vêtement intemporel mais qui reste au goût du jour, elle décide de travailler sans couleurs, mais uniquement avec des valeurs (noir, blanc, gris). «Coco Chanel portait du noir en 1920, et on en portera encore dans 50 ans!» Une palette qu’elle porte sur elle au quotidien – un journaliste l’avait d’ailleurs surnommée «The Lady in black». Avec l’intemporalité comme pilier, elle choisit des tissus haut de gamme qui durent plus longtemps, et travaille des finitions qui tiennent. Côté modèle, elle mise sur les valeurs sûres en réinventant les classiques d’une garderobe féminine à chaque saison: robe noire, manteau, veste, jupe tailleur… Mais pour que la pièce ne soit pas ennuyeuse, il s’agit de trouver l’équilibre entre une coupe classique et les twists qui font qu’elle aura encore sa place dans dix ans. Ses collections ne proposent qu’une douzaine de morceaux chaque saison. «Je suis minimaliste, dans ma vie comme dans mon travail, affirme Elisa. Je préfère avoir un manteau parfait et n’en avoir qu’un.» Et si pendant ses premières années ses clientes avaient 35 ans et plus, prix oblige, elle a vu cela changer avec la tendance de consommer moins mais mieux: «Cette jeune femme de 28 ans qui a économisé pour s’acheter un manteau d’hiver chez moi, ça me touche tellement! De plus en plus de jeunes comprennent le concept d’investir dans un beau morceau de vêtement qui dure, et ça, c’est une victoire pour moi.» Elisa affirme sa marque et son image au fil du temps, comme sa signature – une main brandissant une paire de ciseaux vintage. Il y a quatre ans, Simons lui passe une première commande. Un client devenu depuis régulier, qui lui permet d’embaucher une employée pour l’aider à la fabrication des quelque 350 pièces qui sortent chaque saison de son atelier montréalais. Aujourd’hui, 70% de la production d’Elisa est destinée aux boutiques. Elle consacre le reste de son temps au sur-mesure, travaillant ses ciseaux dans son atelier en noir et blanc. «Maintenant, à 32 ans, j’ai le luxe de refuser des choses qui me plaisent moins», affirme-t-elle fièrement. En attendant, elle garde profil bas, fêtant ses dix ans en affichant ces dix portraits de femmes dans son atelier et sur son site. «Je me suis jamais imaginé grossir plus la business, avoir 50 employés et passer mon temps derrière un bureau à dessiner. Ma taille d’entreprise va avec mes valeurs de vie et ce que je veux partager à travers mes vêtements…» Un sobriété qui dure, et depuis dix ans déjà. y

> MAGALIE LÉPINE-BLONDEAU  < BÉATRICE MARTIN ET ÈVE SALVAIL


QUOI FAIRE

MUSIQUE

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JAIN PLACE D’YOUVILLE – 8 JUILLET (FEQ)

On avait hâte que le Festival d’été de Québec l’invite! Remarquée à Osheaga l’été dernier, Jain a le don de rassembler tous les publics autour de ses rythmes inspirés par l’afrobeat. Cette fois, la beatmakeuse et vocaliste française nous offre de nouvelles compositions issues de son second album.


QUOI FAIRE 49 VOIR QC

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KING ABID IMPÉRIAL BELL – 10 JUILLET (FEQ)

Le plus tunisien des musiciens locaux distille rap, reggae et chant tounsi pour mieux nous faire danser. Un univers dont lui seul connaît les secrets, un bouillon de culture qui transcende toutes les frontières.

VO3 #O7

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PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS


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PHOTO JOHN LONDOÑO (CONSULAT)

HUBERT LENOIR PLACE D’YOUVILLE – 11 JUILLET (FEQ)

Ne vous surprenez pas si Hubert Lenoir remporte le prochain Félix de la révélation de l’année. Vibrant et follement doué, l’auteur-compositeurinterprète se hisse au-dessus de la mêlée avec sa pop rock cuivrée aux textes émancipateurs. Une bouffée d’air frais souffle sur le Québec.


PIQUE-NIQUE DES CRÉATEURS

LA VIRÉE ROSE

29 JUILLET - MOULIN LA LORRAINE

DU 23 MAI AU 29 SEPTEMBRE

DU 24 JUILLET AU 6 AOÛT, DIVERS LIEUX À QUÉBEC

Vivez l’événement culturel le plus sympathique de l’été au cœur d’un lieu créateur d’émotions!

Quand chaque kilomètre compte pour soutenir la cause!

Le rendez-vous des amateurs d’art lyrique cet été! De La flûte enchantée de Mozart mise en scène par Robert Lepage à Pelléas et Mélisande de Debussy en version concert en passant par un concert sous les étoiles, la soprano Véronique Gens et Les Violons du Roy, et plusieurs autres, Québec vibre au rythme de 10 événements incontournables.

Un vrai festin créatif vous attend! Nombreux artistes sur place, spectacles musicaux, atelier de poésie et activité créative pour toute la famille. Il ne manque que vous et votre pique-nique... on vous attend!

À la marche, à vélo, au pas de course, tous ensemble cumulons des kilomètres pour financer la recherche sur le cancer du sein. La Virée Rose, au profit de la Fondation cancer du sein du Québec est un grand mouvement collectif et sportif à travers la province.

FESTIVAL D’OPÉRA DE QUÉBEC

vireerose.ca

Photo Jean-Sébastien Veilleux

FESTIVAL INNU NIKAMU

LA FÊTE DES CHANTS DE MARINS

VAGUE DE FOND

DU 2 AU 5 AOÛT - À MALIOTENAM

DU 17 AU 19 AOÛT

DU 28 JUIN AU 11 AOÛT - THÉÂTRE DU COQ

DIVERS LIEUX SAINT-JEAN-PORT-JOLI

Une manifestation culturelle d’envergure qui réunit à Mani-Utenam, sur une grande et vibrante scène extérieure, des artistes autochtones et non-autochtones de tout le continent. Du 02 au 05 août 2018 se succèderont musiciens, interprètes, compositeurs, danseurs, conteurs, rappeurs et ainés s’accompagnant au tambour traditionnel devant un auditoire conquis de plusieurs milliers de festivaliers

Du 17 au 19 août, La Fête des chants de marins vous invite à célébrer le patrimoine maritime et les chants de travail et d’agrément propres à l’équipage, autant en mer que sur terre. Spectacles, conférences et animations de toutes sortes aux abords du Saint-Laurent, à Saint-Jean-Port-Joli!

Alors qu’elle s’apprêtait à se marier, Nadia, prise de panique, s’enfuit de l’église en courant pour prendre refuge dans sa voiture. Le prêtre, la fille d’honneur et le futur marié s’engouffrent à sa suite dans le véhicule. Sous le coup de l’hystérie, Nadia appuie sur l’accélérateur et la voiture plonge tout droit dans le fleuve.


SOIRÉES FEUX FOLLETS Soirées mots et musique sous les étoiles autour du feu. Des arrstes proposent leur univers en toute innmité et une fenêtre ouverte sur deux mondes dissncts, la musique tradiionnelle et le RAP.

27 JUILLET À PARTIR DE 20H ET SI LA POULE TI-CLIN NOUS ÉTAIT CONTÉE…

Soirée pleine lune autour du feu avec les conteurs et musiciens Gervais Lessa Lessard et Claude Morin, les deux plus anciens membres du groupe de musique tradiionnelle Le Rêve du Diable

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BOSKORGÏ STUDIO D’ESSAI DE MÉDUSE – 7 JUILLET

Le groove et la mélancolie font bon ménage sur Saké’d, le premier maxi du duo montréalais Boskorgï. Une proposition électro-downtempo qui flirte allègrement avec le jazz et le hip-hop. Un concert à voir dans le cadre du Festival OFF.

FOUKI IMPÉRIAL BELL – 14 JUILLET (FEQ)

On le présente comme le poulain des disques 7ième Ciel et l’étoile montante du rap québ. FouKi est de ceux qui rappent sans s’inventer une vie, qui privilégie l’autobiographie aux vantardises fictives. Des textes tout de même très efficaces qu’il couche sur des beat trap dans l’air du temps. >

24 AOÛT À PARTIR DE 20H RAP : RYTHMES ET POÉSIE

La poésie derrière derriè le RAP – Musique et textes rythmés autour du feu avec Webster, l’un des pionniers du hip-hop québécois

Apportez votre chaise. Co Contribuuon volontaire. Remis à l’intérieur en cas de pluie.

Magnifique lieu situé en bordure du fleuve et accessible par la piste cyclable

Maison natale Louis Frécheee 4385, rue St-Laurent, Lévis www.maisonfrecheee.com Informaaon : 418 837 4174

Merci à notre partenaire :

FOUKI ET QUIET MIKE


BOSKORGÏ, PHOTO MICKAEL GACHET

LES CHARBONNIERS DE L’ENFER/ LA NEF

ISABELLE CYR YVES MARCHAND

LES SOUILLÉS DE FOND DE CALE

PEKEL

BRISE-GLACE

LES SIFFLEURS DE NUIT | MARC LEPAGE | CHRIS RICKETTS | FLEUVE | ESPACE DANSE FANFARE MONFARLEAU | EN BARQUE | LES MARGAUX | JEAN-FRANÇOIS L-ROY MARIE-FRANCE LA HAYE | CHOEUR LA MARÉE CHANTE | LES MARINS D’EAU DOUCE HÉLÈNE FOURNIER | LIETTE REMON... ET PLUS ENCORE!

SPECTACLES | CONFÉRENCES | ATELIERS | DANSE | MARCHÉ PORTUAIRE ACTIVITÉS NAUTIQUES | ANIMATIONS FAMILIALES | TABLÉE MARITIME

17 au 19 août 2018 Saint-Jean-Port-Joli chantsmarins.com


PHOTO DENA FLOWS

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BOB LOG III L’ANTI – 17 JUILLET

Il est déroutant, Bob Log III. Énigmatique et apparenté en apparence à Daft Punk, le bluesman au casque de moto privilégie pourtant une approche très lo-fi. Rien à voir avec ses cousins français! Homme-orchestre, il manie tous les instruments à la fois en plus de chanter à travers ce drôle de tube qu’il trimballe de ville en ville. Inclassable.

JUSTE UNE P’TITE NUITE, HOMMAGE AUX COLOCS AMPHITHÉÂTRE COGECO - 18 JUILLET AU 18 AOÛT

Pour la quatrième édition de sa série hommage, 45 DEGREES, la compagnie des événements et des projets spéciaux du Cirque du Soleil, met à l’honneur Les Colocs, groupe phare des années 1990 au Québec. Juste une p’tite nuite proposera une interprétation nouvelle des classiques des Colocs dans un spectacle de 75 minutes, assuré par 27 artistes.

BECK PLAINES D’ABRAHAM – 12 JUILLET (FEQ)

Le caméléon américain se révèle sous de nouvelles Colors avec les chansons très rythmées de son plus récent disque. Des compositions encore fraîches que cet habitué des Grammy présentera peu après le tour de chant de Phoenix.


QUOI FAIRE 55 VOIR QC

VO3 #O7

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REUBEN AND THE DARK

VÉRONIQUE GENS

L’ANTI – 31 JUILLET

PALAIS MONTCALM – 3 AOÛT (FESTIVAL D’OPÉRA)

Une voix juste, façonnée par le rock, mais imbriquée dans un univers électropop presque rétrofuturiste. Lorsqu’il revêt la veste de Zagata, Jesse Proteau rivalise avec Peter Peter et nous rappelle les sonorités et l’esthétique du dernier de M83.

Mené par le chanteur Reuben Bullock, ce groupe pop rock de l’étiquette Arts & Craft mise sur des refrains fédérateurs et des textes introspectifs. Une proposition accessible mais aux dimensions presque spirituelles qui plaira assurément aux fans de Bears of Legend ou Of Monsters and Men.

La soprano française Véronique Gens nous honore d’une première visite dans la Vieille Capitale, d’un concert aux côtés des Violons du Roy et de leur (nouveau) directeur musical Jonathan Cohen. Au programme: des airs de Mozart, de Rameau et de Gluck.

SCÈNE

ZAGATA BAIE DE BEAUPORT – 21 JUILLET

LES MEILLEURS AMIS DU MONDE THÉÂTRE PETIT CHAMPLAIN – 18 JUILLET AU 18 AOÛT

Emmanuel Bédard et Charles-Étienne Beaulne, des habitués du TPC, se donnent la réplique en plus de tenir le haut de l’affiche. Ils sont rejoints par Ariane Bellavance-Fafard (notre révélation de l’hiver dernier!) et Marianne Marceau dans cette adaptation de la pièce J’aime beaucoup ce que vous faites. Une comédie grinçante remodelée par Jean-Denis Beaudoin.


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CINÉMA

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DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT EN SALLE LE 20 JUILLET

Devenu tétraplégique à la suite d’un accident de la route, un chômeur imbibé d’alcool trouve son salut dans des séances auprès d’un petit groupe des Alcooliques anonymes, et dans sa découverte d’un talent inné pour le dessin, qui fera de lui une célébrité locale.

MCQUEEN

UNE PART D’OMBRE

EN SALLE LE 20 JUILLET

EN SALLE LE 27 JUILLET

L’histoire du designer de mode Alexander McQueen est un véritable conte de fées gothique de l’ère moderne. Reflétant la beauté sauvage, l’audace et la vivacité de son œuvre, ce documentaire est une révélation intime du monde propre à McQueen. Une célébration d’un génie radical et hypnotisant qui a eu une influence profonde sur tous ceux qui l’ont suivi.

David est un jeune père de famille comblé. Mais au retour de leur dernier séjour dans les Vosges, David est interrogé par la police dans le cadre d’une enquête pour meurtre. Rapidement, il est établi que David, sous des dehors irréprochables, n’avait pas une vie aussi lisse que ce qu’il prétendait. Même si Noël, son meilleur ami, et Marco, son avocat, le soutiennent sans condition, le doute se propage et des clans se forment.


58 QUOI FAIRE VO3 #O7

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NI JUGE NI SOUMISE EN SALLE LE 13 JUILLET

Ni juge ni soumise est le premier long métrage de StripTease, émission culte de la télévision belge. Pendant trois ans, les réalisateurs ont suivi à Bruxelles la juge Anne Gruwez au cours d’enquêtes criminelles, d’auditions et de visites de scènes de crime. Ce n’est pas du cinéma, c’est pire.

CIAO CIAO EN SALLE LE 6 JUILLET

Ciao Ciao, une jeune femme chinoise ambitieuse, rend visite à ses parents dans son village natal, niché au cœur de la montagne. Elle n’a qu’un souhait: repartir au plus vite à Canton, ne voyant aucun avenir à la campagne. Mais ses parents vieillissants lui demandent de rester pour les aider. Elle est pendant ce temps l’objet de toutes les convoitises, particulièrement celle de l’orageux Li Wei, le fils du fortuné fournisseur local d’alcool de contrebande.

PATRICK CRUZ REGART – 6 JUILLET AU 26 AOÛT

Le centre d’artistes le plus chouette de Québec est probablement… à Lévis! Blague à part, Regart rivalise sans gêne avec l’offre de la Rive-Nord grâce au flair de ses employés qui ont le don de débusquer de nouveaux talents. Cet été, on y découvre le monde chaotique et coloré du peintre torontois Patrick Cruz.

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FAIT MAIN MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC JUSQU’AU 3 SEPTEMBRE

On connaît Myriam Dion pour ses mosaïques découpées dans du papier journal. Nadia Myre nous a touchés en alliant photographie et perlage algonquin pour sa série Meditation on Red. Un peu partout au Canada, les artistes incorporent l’artisanat à leurs pratiques contemporaines. Cette expo collective en regroupe une belle brochette. CHRIS MILLAR, REAP (DÉTAIL), 2012-2013. TECHNIQUES MIXTES, 190,5 X 114,3 X 116,84 CM. COLLECTION PRIVÉE. © CHRIS MILLAR. PHOTO HEATHER SAITZ

ARTS VISUELS

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