Magazine Voir Montréal V03 #08 | Août 2018

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MONTRÉAL VO3 #O8 | AOÛT 2O18 CANNABIS LES NOUVEAUX CAVISTES WORLD PRESS PHOTO RENTRÉE LITTÉRAIRE CONSTITUONS! ÉMILIE BIBEAU ALEXIA BÜRGER L’ÉTÉ DE 84 YES MCCAN MUTEK CHOSES SAUVAGES

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MONTRÉAL | AOÛT 2018

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Rédacteur en chef national: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe et chef de section musique: Valérie Thérien Chef des sections restos, art de vivre et gastronomie: Marie Pâris Journaliste actualité culturelle: Olivier Boisvert-Magnen Producteur de contenus numériques: Antoine Bordeleau Coordonnateur des contenus: René Despars Correctrice: Marie-Claude Masse

Directeur des ventes: Maxime Alarie Adjointe / Coordonnatrice aux ventes: Karyne Dutremble Consultante média aux comptes majeurs: Alexandra Labarre Conseillers médias: Miriam Bérubé, Guillaume Chaput, Olivier Guindon, Céline Lebrun (comptes culturels)

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COMMUNICATIONS VOIR

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Impression: Transcontinental Interweb

Vice-président - Production et Technologies: Simon Jodoin Infographes-intégrateurs: Sébastien Groleau, Danilo Rivas Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Comptable principale: Marie-Ève Besner Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Des­chambeault Coordonnatrice à la production: Sophie Privé Infographie: René Despars

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«LES ARTISTES AUTOCHTONES DE LA RELÈVE ONT BIEN L’INTENTION DE POURSUIVRE LE DIALOGUE ET DE FAIRE TOURNER LA ROUE POUR LEURS PROCHAINS.» Photo | Kelly Jacob (Consulat) Assistant | Thibaut Ketterer Maquillage / coiffure | Amélie Thomas Production Consulat | Vincent Boivent

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SCÈNE

Constituons! Émilie Bibeau Alexia Bürger

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MUSIQUE

Mutek

Yes Mccan Choses sauvages

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CINÉMA

L’été de 84

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ART DE VIVRE

Cannabis

Les nouveaux cavistes

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LIVRES

La rentrée littéraire Crapalachia Foudroyée

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ARTS VISUELS

World Press Photo

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QUOI FAIRE CHRONIQUES

Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p18) Monique Giroux (p38) Normand Baillargeon (p44)


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SIMON JODOIN THÉOLOGIE MÉDIATIQUE

LA PEINTURE À NUMÉROS Il y a des textes, comme celui-ci, où je me demande, devant la page blanche, par où je pourrais bien commencer. Je vais vous parler de mon enfance, tiens, si ça peut détendre l’atmosphère. Lorsque j’étais enfant, donc, on m’avait offert un ensemble de peinture à numéros. J’adorais ce truc. Il y avait sur des cartons des formes numérotées qu’il suffisait de remplir avec la couleur qui se trouvait dans un petit pot portant le bon numéro. C’était facile et sans risque. Pour se tromper, il fallait être un peu con. C’est écrit 14 sur le carton et le pot numéro 14, c’est la peinture verte. Tu comprends, il suffit de ne pas dépasser la ligne. À chaque case sa couleur, et hop! voilà, tu ne t’embêtes pas trop. Il s’agit de suivre une règle simple, d’obéir. J’ai su beaucoup plus tard, alors que je me promenais dans une exposition avec mon père, que l’expression «peinture à numéros» était utilisée de manière péjorative dans le milieu des arts, justement parce que c’est facile et sans risque. C’est un procédé banal qui va de soi. Je n’ai pas vu le spectacle SLĀV qui a fait grand bruit au cours des dernières semaines et je ne le verrai pas de sitôt puisqu’il a été retiré de l’affiche. Je suis depuis une quinzaine d’années le travail de Betty Bonifassi, chanteuse que j’ai découverte en 2003 avec le succès Belleville rendez-vous, chanson thème du film d’animation Les triplettes de Belleville. Un immense tube signé par Ben Charest, sauce swing tzigane. J’ai suivi sa carrière, depuis, dans ses explorations. Une femme solide, originale, qui ne marche pas dans les sentiers battus. Une défricheuse. Je n’ai pas vu SLĀV, donc, mais je n’ai pas manqué une seconde de l’opéra tragi-comique qui s’est joué devant le théâtre et partout dans les médias depuis le premier soir.

Le tableau d’ouverture portait un titre sans équivoque: Retirez de la scène ce spectacle raciste. Je sais... Vous allez me dire qu’il y avait autre chose dans le programme de beaucoup plus important que le titre. Vous allez me dire qu’il aurait fallu faire mieux, qu’on aurait pu discuter, établir un dialogue, entamer une conversation, se tendre la main, aller prendre l’apéro, tenir compte de l’avis de monsieur Untel ou de madame Machin ou mieux encore de toute la communauté noire pleine et entière d’un seul coup. J’ai bien lu tout ça, ça va, j’ai compris. Mais ce titre, quand même, relisons-le ensemble: Retirez de la scène ce spectacle raciste. À partir de là, je vais vous avouer que vous m’avez grandement étonné. J’ai été stupéfait de constater à quel point vous êtes nombreux à vouloir faire de l’aquaforme dans un bénitier. De la nage synchronisée même, chacun connaissant par cœur les mouvements des autres, tentant d’atteindre la perfection pour le salut de nos âmes. Trêve de natation, je vais pour ma part me mettre au plongeon. Allez, je saute, tête première, pour vous dire que devant une telle sommation à se taire, il n’y a qu’une seule réponse possible: non. Il n’y a rien à négocier. On ne retire pas un spectacle sous prétexte qu’il ne répond pas à telle ou telle règle esthétique ou morale. On le critique, on le dénonce, on le boycotte, on en crée un autre pour lui répondre, mais on ne retire pas un spectacle de la scène, pas plus qu’un livre des librairies. Personne ne semble avoir pris la pleine mesure de ce dilemme qui mène à un cul-de-sac dont on discute ces jours-ci. On nous dit que puisqu’ils n’ont pas amorcé

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le dialogue qu’on leur réclamait, parce qu’ils n’ont pas eu l’attitude souhaitée par quelques-uns, on peut très bien s’accommoder de faire taire des artistes. Par ailleurs, nous sommes depuis le début de cette saga devant un grand mystère. Avec qui aurait-il fallu dialoguer, au juste? Avec Will Prosper, qui considère que Maka Kotto est un «nègre de service», ou avec Kattia Thony, cette interprète haïtienne qui prenait part avec fierté au spectacle et que Maïtée LabrecqueSaganash, dans un élan de justice sociale sans doute, a qualifiée de «token noire» anonyme dans une récente chronique? Qu’est-ce à dire? Il y aurait de bons et de mauvais noirs? Certains qu’il faudrait écouter et d’autres qu’on devrait considérer comme de simples jetons? Qui devrais-je choisir, dites-moi? Et en s’imaginant que cette grande conversation à laquelle on les invite aurait pu avoir lieu, au terme de celle-ci, si des artistes devaient choisir de ne pas tenir compte de l’opinion des uns ou des autres, faudrait-il pour autant y voir une raison suffisante pour les faire taire?

À vous entendre, il suffirait de choisir le bon numéro pour appliquer la bonne couleur au bon endroit. Ce serait une simple question de respect, ai-je pu comprendre. Nous n’aurions qu’à obéir à certaines règles de base. C’est pourtant tout le contraire de la simplicité, car les bonnes réponses sont multiples. Nous pouvons très bien imaginer que toute cette grande conversation sociale qui apparaît nécessaire puisse se faire en même temps que Betty Bonifassi interprète des chants d’esclaves avec qui elle le souhaite, tout comme feu Dédé Fortin dansait le gumboot avec sa bande, cette danse créée par des mineurs noirs d’Afrique du Sud durant l’Apartheid. J’oserais même parier que la liberté artistique est une condition essentielle et nécessaire à la progression d’une société plus juste et que partout où on a tenté de suspendre la première pour obtenir la seconde, on a perdu les deux, toujours. Je vais miser là-dessus et permettez-moi, dans ce pari, de considérer que les individus ne sont pas que de simples jetons de couleur. y sjodoin@voir.ca



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VO3 #O8

DÉMOCRATIE DIRECTE LES GOUVERNEMENTS ÉCHOUENT SYSTÉMATIQUEMENT À LA METTRE EN PLACE: VOICI DONC UN HOMME DE THÉÂTRE RÉSOLU À FAIRE ADVENIR UNE VÉRITABLE DÉMOCRATIE POPULAIRE. ZOOM SUR LE PROJET THÉÂTRAL ET CITOYEN CONSTITUONS!, PENSÉ PAR CHRISTIAN LAPOINTE. MOTS | PHILIPPE COUTURE

La chose se répète à chaque élection, inlassablement. Quand un parti promet d’implanter un mode de scrutin proportionnel et des mécanismes de démocratie directe, on esquisse un rictus de scepticisme. Les structures du pouvoir politique étant ce qu’elles sont, aucun élu n’a le courage de rénover notre démocratie de fond en comble, même si la promesse est sans cesse reconduite. Et si le théâtre était l’espace d’expérimentation privilégié pour essayer? Le metteur en scène Milo Rau a tenté le coup à Berlin dans un spectacle intitulé General Assembly. La compagnie suisse-allemande Rimini Protokoll avait balisé le chemin un peu partout dans le monde avec sa série 100% qui donne la parole à 100 citoyens d’une même ville. Voici maintenant venir Christian Lapointe avec un projet québécois dont les ambitions démocratiques sont encore plus affirmées. Rien d’étonnant de la part d’un homme de théâtre de sa trempe, abonné aux projets démesurés, comme la fois où il a lu Artaud sans interruption pendant près de trois jours au Théâtre La Chapelle. Le 25 août au Périscope, à Québec, 42 citoyens choisis au hasard pour former un groupe représen­ tatif de la démographie québécoise vont entamer l’exercice politique jamais achevé: rédiger une constitution québécoise. À quelques pas du Parle­ ment où s’agitent les hommes de loi, ils donneront le coup d’envoi d’une longue série d’assemblées constituantes se déroulant dans les théâtres de toutes les régions du Québec, laquelle aboutira en un

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU

grand texte constitutionnel mais aussi en un grand spectacle documentaire participatif. Rien de moins. Une utopie qui devient réalité Est-ce une lubie d’artiste indépendantiste en mal de ferveur souverainiste? Que nenni! Le Québec n’a pas signé le rapatriement de la constitution canadienne en 1982 et peut légitimement procéder à cet exercice en tant que nation à l’intérieur du Canada, comme l’a d’ailleurs fait la ColombieBritannique en 1996 pour établir les balises de son pouvoir législatif et exécutif. Christian Lapointe insiste: l’exercice de simulation qu’il propose est réalisé de façon absolument non partisane. Dans de nombreuses entrevues à la radio, on l’a entendu répéter que la constitution servira à discuter de qui nous sommes et de ce que nous voulons pour notre société, et finalement à établir les modalités du vivre-ensemble. Il aimerait, bien sûr, que le texte final puisse être considéré par l’Assemblée nationale. Ce serait l’un des rares textes politiques de cette importance à être rédigé par des citoyens. Une utopie de démocratie populaire, certes, mais réalisée avec le plus grand sérieux. L’Institut du Nouveau Monde est aux commandes du processus d’assemblées constituantes, en collaboration avec la firme de sondages Léger 360 qui a sélectionné les 42 participants au hasard, respectant la com­ position démographique du Québec, et leur propo­ sant cette aventure comme un devoir citoyen,

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à la manière de la participation à un jury. Les discussions s’appuieront entre autres sur des mémoires soumis par la population civile, dans un processus rigoureux. Tapi dans l’ombre, Christian Lapointe va observer et documenter l’expérience, qui s’annonce passionnante. Le théâtre comme agora Si le théâtre documentaire est dans l’air du temps, comme en témoigne par exemple le succès de J’aime Hydro, de Christine Beaulieu, c’est qu’il y a une soif de démocratie et de dialogue que nos institutions n’arrivent pas à sustenter. Vaut mieux revenir au bon vieux théâtre, dont le rôle historique a toujours été d’être une agora. C’est précisément ce que veut retrouver Christian Lapointe, loin d’un théâtre prisonnier de ses quatre murs et trop souvent adressé au même public. «À notre époque et dans le contexte politique hautement toxique où nous nous trouvons, dit-il, le théâtre peut sans doute venir jeter une lumière salvatrice sur les questions essentielles soulevées par les besoins de balises que nécessite toute entreprise de nomination des “règles” du vivre-ensemble. L’enjeu est de reconférer au théâtre sa dimension fondamentale d’agora, c’est-à-dire, au sens grec du terme, de lieu de rassemblement social et politique.» Artisan d’un théâtre tantôt symboliste et cérébral, tantôt performatif et festif, Lapointe nous fait remarquer qu’il a intégré, ces dernières années, différentes formes de mise en scène de l’assemblée des spectateurs, qu’il se plaît à nommer «l’assis­ tance». C’était particulièrement le cas de sa mise en scène en 2013 de la pièce Outrage au public, un spectacle sans acteurs, énoncé par des voix de synthèse, et dont l’unique support visuel était une projection en miroir des gradins remplis de

spectateurs. La pièce documentaire qu’il mettra en scène autour de ce projet de constitution en est une suite directe, se proposant de «documenter le processus constituant pour en faire le rejeu avec la salle chaque soir». En gros, l’artiste proposera au public, par un système de votation, de se prononcer sur les grands enjeux sociétaux et de «refaire en quelque sorte la rédaction de la Constitution du Québec». «Chaque soir, ajoute-t-il, je proposerai aux spectateurs de faire comme s’ils étaient les membres de l’Assem­ blée constituante qui furent tirés au hasard. Nous observerons ensuite ensemble la différence entre ce que “rédige” la salle chaque soir et ce qui fut réellement rédigé par les membres de l’Assemblée constituante.» Et comme «toutte est dans toutte», le metteur en scène prépare pour 2018-2019 deux autres mises en scène qui feront écho à ce projet. Pourtant basés sur des fictions pures, Les Phéniciennes d’Euripide, réécrite par le Britannique Martin Crimp, et Les beaux dimanches de Marcel Dubé, tous ces projets «se nourrissent et s’emboîtent». Le reste vous le connaissez par le cinéma, à voir en septembre à l’Espace Go à Montréal et en novembre à Ottawa au Théâtre Français du CNA, «met en relief le choix mince qui nous est donné entre tyrannie ou alternance au pouvoir, et remet en question notre démocratie comme extension à la culture guerrière». Les beaux dimanches, une pièce pas très souvent rejouée et que Lapointe a d’abord créée en tant que professeur invité à l’École nationale de théâtre, «met en scène l’échec du projet de société québécoise». Gros programme. y Pour suivre le projet Constituons! inm.qc.ca/constituons


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STAND-UP LITTÉRAIRE L’AMOUR DES MOTS BERCE SA VIE COMME SON PARCOURS DE COMÉDIENNE. PLONGÉE DANS DES TEXTES À INTERPRÉTER ET À RÉCITER DEPUIS SA SORTIE DU CONSERVATOIRE DE MONTRÉAL, ÉMILIE BIBEAU FAIT MAINTENANT LE SAUT VERS L’ÉCRITURE AVEC SON SPECTACLE CHRONIQUES D’UN CŒUR VINTAGE. RENCONTRE. MOTS | MARIE VILLENEUVE

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

«C’est vraiment né d’un désir profond que j’avais de me frotter à l’écriture», confie la comédienne qui se prête à l’exercice d’un spectacle solo pour une première fois. Collaboratrice depuis de nombreuses années à Plus on est de fous, plus on lit!, émission littéraire radiophonique de Radio-Canada, elle a osé en 2016 lire un texte de son cru, Chroniques d’un cœur vintage. La création auto­ fictionnelle, sur les déboires d’une femme au cœur hypersensible qui tente de survivre à la Saint-Valentin, a rapidement obtenu un vif succès auprès des auditeurs. Émilie Bibeau a pris plaisir à poursuivre son écriture en offrant de nouvelles chroniques à l’émission sans pour autant avoir le rêve d’en faire un spectacle. «Je n’ai jamais pensé que ça prendrait cette forme-là», raconte-t-elle à propos du passage des chroniques radio vers la scène. «Ça se passait super bien et ce sont des amis autour de moi, dont François Létourneau, qui me disaient que je devrais faire un spectacle solo autour de ça. Il y a aussi eu Alain Farah, qui m’avait accompagnée et avait été un peu comme mon conseiller dramaturgique quand j’en ai fait une relecture au Festival international de littérature. Il m’avait dit qu’il y avait matière à en faire quelque chose de plus étoffé, et comme je recevais souvent le commentaire qu’il serait intéressant d’en faire un spectacle, on dirait que c’est venu naturellement par la suite.» Cinq chroniques originales d’Émilie Bibeau se grefferont aux écrits de ses auteurs favoris, même si parfois l’envie d’en ajouter quelques-unes se faisait sentir une fois l’écriture complétée. «Je suis vraiment allée avec mes coups de cœur, ceux qui sont marquants, ceux auxquels je me réfère souvent dans ma vie. Ça peut être autant Madame Bovary de Flaubert que des philosophes pessimistes comme Cioran ou Schopenhauer, qui me font vraiment rire. Je trouve ça l’fun comment des êtres assez sombres dans leurs propos peuvent donner beaucoup d’histoires et d’humour, finalement.»

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> «Les chroniques partent de mon vécu, d’une réflexion sur les expériences humaines qu’on traverse tous, mais accompagnées des mots des autres. C’est comme ça que j’arrive à insérer des paroles d’auteurs. J’essaie de le faire avec authen­ticité et sensibilité. Il y a beaucoup d’humour; j’essaie de montrer que la littérature n’est pas quelque chose de lourd et d’inaccessible. Je trouve un grand refuge dans les mots et c’est de ça que le spectacle parle, à travers l’autofiction.» C’est sa grande amie Sophie Cadieux qui assure la mise en scène de ce spectacle intimiste. Afin de laisser toute la place aux mots et à l’interprétation, la mise en scène insiste sur le découpage de l’espace et la structuration de certains passages. Le titre du spectacle est tiré de sa toute première chro­ nique radio. Et un cœur vintage, pour l’auteure, c’est celui qui appartient à une autre époque, sans pour autant condamner la sienne. «Il y appartient dans son attachement, son romantisme, peut-être; pour moi, le romantisme, maintenant, c’est quasiment les concepts d’engagement, de loyauté... Je ne voulais pas non plus donner une image premier degré, clichée, un peu “jugeante” de notre époque. C’est plus complexe que

Gâtez-vous ! BISTRONOMIE RAFFINÉE ACCORDS METS ET VINS NUITÉE CONFORT Sur présentation de cette publicité, nous vous offrons le petit-déjeuner pour 2* ça. C’était pour moi aussi une façon de décrire pourquoi ce cœur-là peut avoir un parcours sentimental plus difficile parfois ou peut frapper certains écueils, puis trouver refuge dans les mots des autres. Il y a une phrase d’Albert Jacquard que j’aime beaucoup et que je cite souvent qui dit: “Je suis les liens que je tisse aux autres”. Ça m’a beaucoup inspirée pour le spectacle. Souvent, les phrases des autres s’impriment en moi, me marquent et me stimulent à faire des choses.» Émilie Bibeau sera également porte-parole des Journées de la culture du 28 au 30 septembre aux côtés de Laurent Paquin, un ancien camarade de la Ligue nationale d’improvisation, lui-même tout aussi passionné de lecture et d’écriture. «Ça m’a tout de suite parlé, parce que je trouve que ça démystifie l’idée que la culture est non accessible. Ça prouve aussi que la culture, c’est partout. C’est le théâtre, le cinéma, la danse, mais c’est aussi imprégné dans le quotidien.» y Du 4 au 21 septembre Au Théâtre La Licorne

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PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


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> «Je suis une femme, une artiste de théâtre. Je dirais que je suis une mère, c’est assez important dans ma vie. Une femme de 40 ans mieux dans sa peau qu’elle ne l’a été plus jeune.» La comédienne et metteure en scène Alexia Bürger joue le jeu en répondant à cette question identitaire toujours trop large pour être posée. Tout de même, elle isole ces trois statuts qui ne sont en rien anodins. Formée au jeu, elle penche néanmoins davantage vers la mise en scène qui lui permet de faire ce qui revient comme un leitmotiv dans son discours: se lier aux autres. «Je me rends compte que ce qui m’intéresse à travers l’art, ce sont les liens que ça crée entre les humains, les liens que la vie de tous les jours ne nous permet pas forcément de créer. D’avoir un espace où je peux les créer en dehors des jugements, en dehors de la morale, c’est arriver à rencontrer l’autre autrement.» Cette démarche artistique centrée sur l’humain révèle les possibilités du théâtre de dévoiler les rouages sociaux qui la fascinent. Les Hardings, inspirée de la tragédie de Lac-Mégantic en 2013 et présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui au printemps dernier, en est un exemple. C’est son projet le plus personnel, confie la metteure en scène, et le premier texte qu’elle signe de son seul nom. «Les Hardings traitait à la fois de questions politiques et du système auquel tout le monde participe; et de questions extrêmement personnelles, comme mon rapport à la catastrophe, à la mort, à l’après, à la perte des autres, à la culpabilité.» Belles-sœurs universelles Dans le cadre de la 10e édition de Dramaturgies en dialogue, Les belles-sœurs de Michel Tremblay fêtera ses 50 ans de création en s’offrant une mise en lecture polyphonique dont Alexia Bürger assure la direction; une proposition du Centre des auteurs dramatiques (CEAD) qu’elle n’a pu refuser. «Ce qui m’attirait là-dedans, c’était de savoir ce que Les belles-sœurs disent quand elles sortent de la notion du joual, ce que ça témoigne de notre aliénation lorsque c’est exprimé à travers une autre langue, une autre culture.» Dans cette pièce emblématique, on retrouve une Germaine Lauzon créole, une Linda qui parle en flamand, ou Angéline et Rhéauna parlant yiddish. Du tamoul au catalan en passant par l’arabe, Les belles-sœurs polyphoniques mettra en scène 15 femmes, chacune dans sa langue maternelle et son unicité. Un changement de perspective où se déploient plusieurs questionnements. La traduction – qui relève aussi d’un travail d’interprétation – était bien sûr l’un des défis de ce projet métissé, autant dans la recherche de comédiennes qui parlaient spécifiquement une langue que dans la réception prochaine de l’œuvre. «Comme spectateurs, on ne comprendra certainement pas toutes les langues qui sont parlées. On va les traduire et ce qui va ressortir, c’est l’énergie et l’intelligence d’un texte au-delà des mots. Ça va être intéressant à voir, je

pense, car outre la compréhension logique, il y a une énergie chez les interprètes, une sensibilité qui fait qu’on peut comprendre.» La liberté de la parole C’est seulement avec une prémisse que la dramaturge Annick Lefebvre est venue vers Alexia Bürger en 2017 pour la création des Barbelés. Une pièce montée au théâtre national La Colline à Paris et qu’on retrouve à l’automne au Quat’Sous avec Marie-Ève Milot. Les enjeux de la création résonnent particulièrement à la suite de la polémique – parce que personne ne semble s’entendre – de l’affaire SLĀV. Plus qu’une résonance, peut-être même une réponse. «Une femme blanche privilégiée qui a le droit à la parole se questionne sur ce qu’elle deviendrait si elle ne l’avait plus, sur ce qui lui appartient véritablement et sur ce qui lui a été transmis malgré elle et ce qu’elle va transmettre. Il y a cette question de la transmission, mais aussi de la place qu’on prend lorsqu’on a l’espace pour s’exprimer.» Le temps de la représentation, alors que des barbelés lui poussent dans le corps, l’urgence de la parole survient. «La création de ce spectacle tournait autour de ces questions: “Quand est-ce que je parle pour moi? Quand est-ce que je parle à la place des autres? Quand est-ce que les autres parlent à travers moi?”» Actes de résistance Alexia Bürger n’oublie pas qu’elle est aussi une femme et une mère, avec les batailles à mener dans un univers où la combinaison de ces éléments est un acte de résistance quotidien pour la metteure en scène. «Pour moi, c’est un travail de tous les jours, d’essayer de faire à ma manière et de ne pas rentrer dans les façons de faire qui ne m’appar­ tiennent pas. Tout en ayant un enfant. Ce qui me trouble le plus, c’est l’aspect de la charge mentale. Quand tu as un poste un peu plus décisionnel, tenir le fort d’une création par exemple, la tête est déjà très pleine de ça. Les deux c’est énorme, c’est beaucoup, alors j’apprends.» Alexia Bürger a certainement une parole bien à elle à défendre, ainsi qu’une vision critique du monde. On imagine aisément celle qui voit son univers comme un bateau à mener comme une capitaine ou une âme rassembleuse qui sait assembler les pièces d’un puzzle pour créer «un monde cohérent» autour d’un texte, d’acteurs ou d’une idée. y Les belles-sœurs polyphoniques Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui le 30 août Dans le cadre de Dramaturgies en dialogue Les barbelés Au Quat’Sous du 4 au 26 septembre


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ÉMILIE DUBREUIL SALE TEMPS POUR SORTIR

APPRIVOISER LE «YOGA» Dans sa petite chambre du CHSLD, grand-maman Lulu s’ennuie. Ses voisins de chambre n’ont guère de conversation. À plus de 95 ans, elle les appelle les «p’tits vieux». «Ils dorment tout le temps, les “p’tits vieux”», se plaint-elle, se détachant du groupe sans aucune ironie. Grand-maman aime parler. Elle a quelques sujets privilégiés, les guerres napoléoniennes entre autres. Parmi celles-ci, sa préférée est sans doute l’épisode de la Bérézina, où Napoléon a dû traverser avec ses hommes la rivière Bérézina en Biélorussie en 1812, une épreuve historique entrée dans la langue lorsqu’on veut qualifier une déroute sportive ou électorale. «C’est une Bérézina», dit-on de quelqu’un qui doit encaisser un échec cuisant, une grosse difficulté. Ma grand-mère adore cette expression, fascinée sans doute par l’échec, par la chute, par l’écueil vécu même par les plus grands. Heureusement que ma grand-mère n’a pas accès aux réseaux sociaux, car elle mettrait un #Bérézina à toutes les controverses qui animent notre monde virtuel qui affectionne par-dessus tout les chutes. Au-delà des débats de fond sur les agressions sexuelles, le racisme ou la corruption, voir des «puissants» s’enliser dans les remous agités d’une rivière hostile est fascinant. Difficile de lever les yeux du spectacle de la chute, difficile de ne pas regarder attentivement l’homme ou la femme qui se débat dans la boue et la vase. La chute est un événement rare, et vivant, qui nous renvoie à quelque chose de fondamental de notre humanité: le besoin de croire que personne n’est invulnérable et que personne ne peut échapper à la morale; notre distinction historiquement codée entre le bien et le mal, notre perception de ce qui est bien et de ce qui est mal.

Et lorsqu’on est convaincu que celui qui s’enlise dans sa #Bérézina a fait le mal, certains expriment une sorte de plaisir jubilatoire à le voir sombrer. Et les réseaux sociaux, ici, n’ont rien inventé. Les Romains, déjà, faut-il le rappeler, faisaient des crucifixions un spectacle. Car s’il est important dans toutes les civilisations de condamner le malfaiteur, on aime aussi le voir souffrir et parfois, on s’égare dans la jouissance vengeresse. Ma grand-mère dirait «tirer sur l’ambulance». On aime tirer sur l’ambulance. Et parfois, on tire plus qu’il n’en faut. Il y a des gens qui méritent des crucifixions, d’autres moins, mais l’été, les mouches à chevreuil ont faim, elles aiment bien mordre et embêter l’homme et la femme dénudée. Malgré la chaleur de cet été torride, Lulu a froid. Les infirmières et les préposées doivent presque se battre avec elle pour lui enlever foulards et vestes de laine qu’elle tient à porter malgré la canicule. Et puis, elle ne veut pas de deuxième bain! Elle trouve que c’est «ben du trouble» pour rien. Elle préfère qu’on la nettoie doucement à la débarbouillette, ce qui est fait fort régulièrement. Mais comme les préposées sont très occupées et n’ont pas le temps de discuter des déboires de Napoléon en 1812, on a eu la bonne idée d’envoyer une bénévole à Lulu, uniquement pour «jaser». Formidable idée. Une dame, que je ne connais pas du tout et que je tiens à remercier, ici, de sa générosité est donc venue rendre régulièrement visite à Lulu, jusqu’au jour où ma grand-mère a signifié aux responsables du CHSLD qu’elle ne voulait plus la voir. — Pourquoi? — Parce que!

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«J’AI JUSTE ENVIE DE BEAUCOUP DE SILENCE.» Troublée devant le mutisme résolu de ma grand-mère, la direction du centre a téléphoné aux enfants de Lulu pour lui demander la raison de cette rupture subite. — Maman, pourquoi ne veux-tu plus voir la bénévole? — Parce qu’elle veut que j’apprivoise un animal. — Un animal? Un autre bénévole vient régulièrement sur l’étage où habite Lulu avec un chien. Il fait de la zoothérapie avec les «p’tits vieux». Lulu trouve cette activité totalement inepte. Elle n’aime pas du tout qu’on lui demande de caresser un chien avec un regard attendri. Elle abhorre l’infantilisation. «Elle veut amener un animal dans ma chambre et que je l’apprivoise», a expliqué ma grand-mère. La dame en question pratique le yoga, enfin, j’imagine, j’ignore comment le malentendu a pu se glisser dans leur conversation. Mais cela a à voir avec le yoga. A-t-elle dit à Lulu qu’elle devait apprivoiser le yoga? Se familiariser avec des techniques de respirations liées au yoga? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que Lulu a pensé que le yoga était un animal et qu’elle n’avait ni l’envie ni le temps – il lui en reste, après tout, très peu sur cette terre – d’apprivoiser le yoga de la bénévole. J’aime beaucoup, cette belle confusion métaphorique, loufoque et lucide à la fois. Moi non plus, je n’ai pas envie d’apprivoiser les divers yogas qu’on me propose, petits animaux à la mode, tout mignons, mais qui m’indiffèrent. «As-tu downloadé (apprivoisé) telle ou telle nouvelle application? As-tu vu cette nouvelle série sur Netflix? Tu devrais essayer la méditation pleine conscience, tu devrais arrêter le gluten, réduire les produits laitiers, etc. As-tu écouté la nouvelle baladodiffusion de machin chouette…» Le plus souvent, la réponse que j’ai envie de donner, c’est: ben non, j’ai comme plus le temps d’apprivoiser tous ces yogas fournis par l’air du temps. J’ai juste envie de beaucoup de silence. Envie d’entendre de la sollicitude, de la sagesse et des regards sans passions inutiles sur la vie et les choses. Et puis de parler avec Lulu de la Bérézina avant qu’elle ne puisse plus le faire. y

Centre de formation


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LA PUISSANCE DES ORIGINES LES ARTISTES AUTOCHTONES DE LA RELÈVE ONT BIEN L’INTENTION DE POURSUIVRE LE DIALOGUE ET DE FAIRE TOURNER LA ROUE POUR LEURS PROCHAINS. ENTRETIEN AVEC LES PARTICIPANTS DE LA GRANDE FÊTE NIKAMOTAN MTL – NICW. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN

PHOTOS | KELLY JACOB (CONSULAT)

A

u studio photo, chacun arrive à l’heure prévue. La cadette du quintette d’invités, Anachnid, est là avant nous et nous accueille avec un sourire radieux. Allan et Christian, deux frères, s’introduisent dans le plus grand calme avec des t-shirts à l’effigie de leur groupe, Violent Ground. Iskwé, confiante, sort une jolie robe colorée qu’elle portait sur scène à Ottawa il y a quelques jours, lors des célébrations de la Fête nationale. Annie Sama se change plus vite que Clark Kent dans la cabine d’essayage et en sort avec ses longues tresses et un magnifique complet. Par un samedi soir d’été, tout ce beau monde sera sur la grande scène de la place des Festivals à Montréal pour le spectacle Nikamotan MTL – nicw, présenté dans le cadre de Présence autochtone. Il s’agit d’un grand rassemblement musical mis sur pied par Musique nomade, un organisme à but non lucratif fondé par Manon Barbeau (Wapikoni mobile) en 2011. Musique nomade encadre la relève musicale autochtone en lui offrant des outils et des ressources pour développer sa carrière. L’événement Nikamotan MTL – nicw, comme l’an dernier (nicw désigne le mot «deux» en atikamekw, puisqu’il s’agit de la deuxième édition), est un rendez-vous avec cette scène émergente et

actuelle autochtone et des artistes collaborateurs issus de différentes cultures. À cette occasion, les mondes électropop du trio Chances et d’Iskwé se rencontrent, tout comme ceux d’Anachnid, artiste multidisciplinaire d’origine autochtone, et d’Annie Sama, d’origine québécoise et congolaise et qui a amorcé sa carrière musicale sous le nom APigeon. En studio récemment pour l’enregistrement du titre Now Wow We, les deux femmes ont mis à profit le mariage de musiques contemporaines, la puissance de leurs héritages et leur désir de revendication. «J’ai écrit des paroles en espagnol pour représenter le mur qui se construit au Mexique et les enfants immigrants qui se font enlever de leurs parents, explique Anachnid. Je voulais faire quelque chose de proactif et constructif avec mes frustrations envers Trump. Puisque c’est en espagnol, les gens ne penseront pas que je parle nécessairement de mes origines, mais celles-ci peuvent s’appliquer tout autant dans ce contexte contemporain. Y a comme un cycle historique qui se régénère lorsqu’on pense à divers peuples et populations dominés. Et je pense que la meilleure façon que je peux en parler c’est à travers la musique.» «Quand j’ai amené le beat de la chanson, je voyais totalement Anachnid là-dessus, avec sa puissance et sa belle profondeur», dit Annie Sama à propos de cette collaboration bien dansante. «J’ai voulu souligner cette énergie et cette revendication dans

> ANACHNID & ANNIE SAMA >




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la musique, alors que la voix pouvait naviguer à travers des sons ancestraux. On voulait ainsi travailler avec quelque chose d’ancien, mais l’appliquer dans le futur. C’était important pour moi qu’il y ait une dénonciation dans les paroles, mais aussi un appel à nos ancêtres africains et autochtones.» Ce mélange de passé/futur, cette communion entre les racines et des musiques contemporaines, est aussi bien présent dans le travail d’Iskwé (originaire du territoire du Traité no 1 au Manitoba) et de Violent Ground (originaires de la communauté naskapie Kawawachikamach près de Schefferville). Ces derniers évoluent dans le monde du hip-hop. Alors qu’ils étaient encore tout jeunes – 12 et 16 ans –, Allan et Christian se sont mis à prendre goût au rap, chacun de son côté, avant de réaliser que c’était une passion commune. Aujourd’hui, ils font des concerts, ils développent leur marque et ils ont complété l’enregistrement d’un premier album ce printemps. Si la vie les a menés à sortir de leur village – Christian est maintenant à Montréal et Allan est à Sept-Îles –, c’est la vie en réserve qui les inspire toujours et ils souhaitent faire tourner la roue avec leur musique. «On veut être des inspirations pour les jeunes de notre communauté, leur faire comprendre qu’on essaie de mettre notre nation naskapie sur la mappe et qu’ils le peuvent aussi, dit l’aîné des deux frères, Allan. On espère qu’en gagnant en notoriété, on aidera des gens. Notre équipe de hockey a gagné un tournoi au moment où on finissait notre album et ça nous a vraiment donné beaucoup de fierté envers notre peuple!» Les gars de Violent Ground se démarquent par leur honnête portrait de la dure réalité d’habiter dans la «rez» (réserve). «On dit ce qui doit être dit sur notre extrait Difference, dit Allan. C’est à propos des épreuves à traverser, les douleurs causées par toutes sortes de choses: des femmes assassinées au mercure dans notre eau, en passant par le suicide et les questions de logement.» Son cadet, Christian, poursuit: «Ça parle de tous les problèmes qu’on a au Canada, mais ça s’applique aussi au reste du monde. Notre musique est créée en pensant aux habitants de notre communauté, mais les gens à l’extérieur peuvent s’y reconnaître aussi.» Allan reprend: «On aime penser qu’on est des voix pour ceux qui n’en ont pas. Y a bien des gens qui ont des problèmes, mais qui ne se font pas entendre. La musique est un bon moyen de communication parce que c’est ouvert et disponible partout en ligne.» Anachnid remet les choses en perspective, s’adressant aux mauvaises langues qui diront que les artistes autochtones ne font que parler de leurs problèmes: «Les

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> ISKWÉ < ALLAN & CHRISTIAN, DE VIOLENT GROUND


DE LA CULTURE À L’ART DE VIVRE + de jeux et cadeaux + de livres, cd et dvd + d’instruments + de partitions ARCHAMBAULT.CA


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«Y A BIEN DES GENS QUI ONT DES PROBLÈMES, MAIS QUI NE SE FONT PAS ENTENDRE. LA MUSIQUE EST UN BON MOYEN DE COMMUNICATION PARCE QUE C’EST OUVERT ET DISPONIBLE PARTOUT EN LIGNE.»

gens ne peuvent pas dire: “Oh, vous autres, vous vous victimisez et vous ne faites rien pour changer les choses.” Si vous nous donnez les outils, ça va se passer! On va prendre soin de nos communautés, un pas à la fois. La colonisation a cessé il y a 22 ans seulement. Est-ce qu’on peut nous laisser une chance de nous exprimer? Laissez-nous l’espace pour faire de l’art, ne parlez pas pour nous. Et je ne parle pas que des peuples autochtones, mais d’autres minorités.» Iskwé, qui a quelques années de carrière derrière la cravate, dit se concentrer désormais davantage sur des chansons axées sur la conscience sociale. Pour elle, il fallait que sa musique devienne une source de conversation avec son public. Nobody Knows, extrait sorti en 2015 et qui traite des femmes autochtones disparues ou assassinées, a été le point de départ d’une nouvelle voie pour la chanteuse. «T’arrives à un moment où, lorsque tu as les yeux ouverts sur quelque chose, tu ne peux plus les refermer, dit-elle. J’étais fatiguée de me sentir comme si j’étais contre un mur de briques et de ne rien faire. J’ai eu tellement de gens de l’extérieur qui disaient: “Tu n’auras jamais de carrière si tu parles de ça, personne ne veut entendre parler de femmes mortes.” Mais c’est de ça qu’on parle dans nos communautés. Nous avons des conversations avec nos jeunes filles qui grandissent sur les façons de se protéger. À Winnipeg, nous avons un service de taxi différent pour les femmes autochtones parce que nous sommes trop en danger. Pourquoi donc ne parlerais-je pas de ces réalités? Heureusement, les choses changent et les gens semblent comprendre que c’est terrible et qu’il faudrait nous écouter.»

La chanteuse manitobaine, qui a vécu un temps à Mistassini, croit qu’il y a un intérêt accru envers les artistes autochtones depuis quelques années (on pense entre autres à Tanya Tagaq, A Tribe Called Red, Jeremy Dutcher et Matiu) et elle profite de cette visibilité pour poursuivre un dialogue important. «Dans le passé, c’était très séparé. Nous, les artistes autochtones, partagions des chansons, des histoires et nous avons fait des choses géniales, mais sans la plateforme pour nous pousser vers le succès à travers les médias traditionnels. Y a eu du changement. Je pense que nous sommes dans une ère de prise de conscience. Quand vous regardez la musique pop par exemple, je trouve ça très cyclique. Nous passons de périodes où nous sommes très conscients en ce qui a trait à la musique populaire, l’art, l’activisme politique, puis les gens ont besoin de revenir à écouter quelque chose qui est facile à digérer. À l’heure actuelle, nous sommes de retour dans une époque de conscientisation, alors que nous avons des conversations sur les droits des femmes, les droits des Autochtones, la représentation des femmes et les abus sexuels. Les gens sont ouverts en ce moment aux histoires des uns et des autres.» Et on souhaite que toutes ces histoires voyagent et résonnent sur les scènes. y

Nikamotan MTL – nicw Avec Iskué, Chances, Anachnid, Annie Sama, Violent Ground et plus Présenté dans le cadre de Présence autochtone Le 11 août à la Place des festivals


>> ANALOG TARA >< ERRORSMITH © CAMILLE BLAKE <> CATERINA BARBIERI © VISVALDAS-MORKEVICIUS


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ÉQUITÉ, PARITÉ, INCLUSIVITÉ MUTEK PRENDRA LE CONTRÔLE DU QUARTIER DES SPECTACLES POUR UNE 19E ÉDITION DU 22 AU 26 AOÛT. EN PLUS DE PRÉSENTER UNE MYRIADE D’ARTISTES D’ICI ET D’AILLEURS À LA FINE POINTE DES MUSIQUES ÉLECTRONIQUES ET DES ARTS NUMÉRIQUES, LE FESTIVAL S’EST ASSOCIÉ AU MOUVEMENT KEYCHANGE DONT L’OBJECTIF EST DE RENFORCER LA PLACE DES FEMMES DANS L’INDUSTRIE DE LA MUSIQUE. MOTS | PATRICK BAILLARGEON

Le projet Keychange est une initiative de la PRS Foundation – l’équivalent britannique de la Fondation SOCAN au Canada – mise sur pied vers la fin de l’année 2017 et dont le but est de transformer l’avenir de l’industrie de la musique en encourageant les festivals à atteindre la parité 50/50 d’ici 2022. Plusieurs festivals européens ont emboîté le pas, dont Reeperbahn Festival, Iceland Airwaves, Way Out West et The Great Escape, Mutek étant le seul partenaire non européen. Afin de souligner adéquatement son implication, le festival présente un symposium de deux jours au Monument-National, les 21 et 22 août, qui proposera des discours, des tables rondes, des présentations, des laboratoires de création et diverses activités de réseautage avec comme toile de fond le renforcement de la place des femmes dans les arts numériques et la musique électronique. Selon Patti Schmidt, coresponsable de la programmation du festival et commissaire du projet, l’initiative Keychange a fourni à Mutek un cadre dans lequel le festival pouvait commencer à aborder les questions de parité. «Nous avons décidé de faire un symposium sur les femmes dans la musique électronique et les arts numériques, un angle moins fréquent chez les festivals européens faisant partie du projet Keychange, la plupart sont axés sur le genre pop-rock. Nous avons ajouté notre propre twist.»

Réseau techno Plus de 35 femmes artistes et professionnelles du milieu de la musique seront donc de cette 19e édition charnière et c’est à l’actrice, metteure en scène et réalisatrice Brigitte Poupart que le festival a offert le rôle d’ambassadrice du projet. «Ça fait longtemps que je suis Mutek. Connaissant ma position quant à la place des femmes dans l’art en général, le directeur artistique Alain Mongeau m’a approchée pour me demander si je voulais devenir ambassadrice du projet à Montréal pour Mutek. C’est un problème qui affecte presque toutes les facettes de l’art. Comme je touche à plusieurs médiums, que ce soit en cinéma, au théâtre, en musique, c’est une question récurrente. On se retrouve devant un phénomène où les opportunités sont là pour un groupe de personnes qui ont toujours tout dirigé ça. C’est un milieu dirigé majoritairement par des hommes, qui se sont crées des réseaux, des contacts, des festivals à leur image, des modèles de production qui reflétaient leurs valeurs», souligne la comédienne bien connue pour son rôle dans la série Catherine. «Les filles qui ont commencé à s’intéresser à ça ont dû passer par un modèle de séduction qui n’est pas très valorisant. Après, il faut faire sa place, car tu te fais souvent regarder de haut, on doute de tes compétences, donc les femmes doivent faire leur place à tous les niveaux dans le monde du spectacle et des arts.»

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> Afin de ne plus dépendre de réseaux qui, de toute manière, les ignorent largement, il est impératif que les artistes féminines bâtissent leurs propres structures, estime Brigitte Poupart. «Ce que Mutek va tenter de faire à l’intérieur de Keychange sera de créer un réseautage chez les femmes artistes pour les amener à ne plus dépendre du modèle déjà existant où elles manquent d’opportunités. C’est pas mal ça l’idée principale de Keychange, créer un réseautage, des opportunités. Il y a un tas de filles qui font de la musique électronique intéressante et qui ne se feront jamais connaître, car on ne leur donnera pas la chance de se faire voir et entendre.» Et à ce sujet, il y a un tas de filles qui ont répondu à l’appel lancé par Mutek et dont l’éthique correspond à celle du festival. «Ç’a été pas mal plus facile qu’on le pensait, je crois que nous allons atteindre la parité et même qu’il y aura possiblement un peu plus d’artistes féminines que d’artistes masculins», admet Patti Schmidt, qui réalise qu’ouvrir la porte à la parité hommes-femmes, c’est aussi ouvrir la porte à une parité des genres et raciale. «C’est un long processus d’apprentissage, mais une fois que tu as le réflexe de chercher à être le plus inclusif possible dans ta programmation, ça devient bien plus simple.» Paresse et facilité Si les femmes sont moins présentes dans le milieu de la musique électronique et des arts numériques, c’est aussi en partie dû à la paresse et au manque de vision et d’audace des bookers et des promoteurs, croit Patti Schmidt. «Pitchfork a publié un article intéressant dans lequel ils révèlent que la majorité des grands festivals programmeront les mêmes sept ou huit artistes. Ces festivals ont tendance à avoir une programmation moins variée que les plus petits festivals plus spécialisés. Ces petits festivals sont plus équilibrés et diversifiés parce que leur objectif est de se concentrer sur la découverte ou l’unicité. Donc, le côté commercial de l’industrie des festivals aime s’en tenir à ce qui est familier et sûr.» «C’est facile de ne pas sortir de sa zone de confort et de se fier à son réseau de contacts au lieu d’essayer de découvrir ce qu’il se trame en dehors de ces réseaux. À la place, tous ces gens contactent les mêmes personnes, renchérit Brigitte Poupart. C’est comme en télé, on dit souvent qu’on est tanné de voir les mêmes visages over and over. C’est tout simplement parce que ça demande un effort de trouver du nouveau monde, d’aller voir ce qui se fait en dehors de ton réseau, de défricher. Il y a un risque à prendre et ce risque est nécessaire. Il faut changer les mentalités, les modèles. Les modèles de production, les modèles de distribution, les modèles d’affaires, repenser tout ça». y Du 22 au 26 août

DIVISÉ PAR 100 Pour cette 19e édition de Mutek, les coprogrammateurs Vincent Lemieux et Patti Schmidt nous livrent leurs bons coups, valeurs sûres et découvertes. Entre les cinq séries Nocturnes et Satosphères à la SAT, les quatre séries Play et les deux A/Visions au Monument-National, les deux soirées Métropolis au MTelus, un Piknic Électronik et les événements extérieurs gratuits Expérience à l’Esplanade de la Place des Arts et Hors-circuit dans le Mile-End au Virage, il y aura 100 performances pour s’en mettre plein les yeux et les oreilles.

Kenny Larkin (Métropolis 2) C’est un des pionniers de la techno de Detroit qui est un peu sous-estimé. Il mérite sa place au même titre que le Belleville Three (Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson) comme l’un des grands producteurs de Detroit. Machine Woman (Nocturne 3) On aime son audace et son swag. C’est une fille avec une démarche singulière, un peu punk, mais qui va rocker la place le vendredi soir à la SAT. Le même soir que Ramzi, qu’on a vraiment hâte de revoir à Montréal. Dasha Rush (Hors-circuit) C’est une artiste d’une finesse et d’une précision incroyables. Que ce soit avec ses excursions techno ultra-raffinées, ou ses performances plus expérimentales et scénographiques avec Stanislav Glazov (Mutek 2016), tout ce qu’elle touche est toujours right on point. Cette année, elle fera un set techno (vendredi soir sous le nom de Lada), mais c’est son set ambiant dimanche après-midi au Virage qui risque d’être un des highlights du festival. Clap! Clap! (Nocturne 1) Un artiste italien qui s’inspire de la musique tribale africaine qu’il manipule d’une façon très singulière. Ce sera sûrement une expérience très physique et spirituelle. Avant, DJ Lag d’Afrique du Sud, qu’on est vraiment curieux d’entendre. Des soirées qu’on ne fait pas assez souvent à Mutek. Steevio & Suzy B (Nocturne 5) Un couple qui travaille ensemble depuis longtemps. Lui à la musique, elle au visuel. Steevio travaille avec un synthé modulaire qu’il transporte partout avec lui. De la techno minimale, subtile, mais très groovy, un son très personnel. Suzy B crée des visuels psychédéliques qui s’agencent parfaitement à la musique. Ils sont aussi organisateurs du festival Free Rotation, chez eux au Pays de Galles. Il y a aussi quelques artistes émergents de Montréal qu’il faudra surveiller, entre autres Line Katcho (A/Visions 1) et Myriam Boucher (Play 3) qui ont une approche brillante du VJing et de l’audiovisuel, tout comme Sabrina Ratté (Play 3) aussi. Elle va présenter une version live de ses sculptures audiovisuelles. Un esthétisme fort et unique.



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APPELEZ-LE OUI TRAVERSANT UNE PÉRIODE À LA FOIS FASTE ET TORTUEUSE, PARSEMÉE DE SUCCÈS ET D’OPPORTUNITÉS, MAIS AUSSI DE DOUTES, DE STRESS ET DE REMISES EN QUESTION, LE RAPPEUR YES MCCAN FAIT LE VIDE SUR OUI (TOUT, TOUT, TOUT, TOUTTTTE), UN PREMIER ALBUM SOLO EN GRANDE PARTIE ÉCRIT DANS L’URGENCE À LA SUITE DE SON DÉPART DE DEAD OBIES. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

Lorsqu’il nous rejoint dans les bureaux de son étiquette de disques à la mi-juillet, Jean-François Ruel (alias Yes Mccan) semble plutôt essoufflé. Entre deux déménagements, il a dû retourner vivre chez ses parents, à Granby. «Je suis toujours à la course ces temps-ci», nous confie-t-il, s’excusant au passage pour son retard de 40 minutes en raison du trafic. «Tout ce qui est censé être simple est super compliqué. Par exemple, on était censés recevoir les mix finaux de l’album hier, mais on n’a rien finalement. On vient de demander au label une extension d’une semaine pour l’envoi.» Fixée au 31 août, la date de sortie de ce premier album solo cause du stress à Mccan depuis un moment déjà. Pourtant, c’est bel et bien lui qui, un an auparavant, s’était donné l’objectif de faire paraître cet opus à la rentrée de 2018, histoire de donner à ses fans autre chose à se mettre sous la dent que son EP PS. Merci pour le love, un ramassis «de freestyles et d’affaires écrites sur un coin de table». «Quand j’ai remarqué que cet EP-là devenait big et qu’on en parlait autant dans les médias, je suis allé voir le label pour lui dire que je voulais faire de quoi de plus complet. Ils m’ont donné le go pour un projet solo, et ça me donnait un an pour l’écrire. Je suis allé m’enfermer dans un chalet en mai 2017 avec plusieurs producteurs [Ruffsound, Yen Dough, Vnce Carter et Realmind], et ç’a donné lieu à Désirée et Forêts. Après ça, j’ai tourné non-stop avec Dead Obies ici et en Europe», explique celui qui, durant cette période, a également campé le rôle du redoutable proxénète Damien de la populaire série Fugueuse. «Après tout ça, fallait travailler sur le troisième album du groupe, ce qui impliquait des chalets

PHOTO | JOHN LONDOÑO (CONSULAT)

de création et beaucoup d’investissement de temps. À un moment donné, le label est revenu me voir pour me demander quand est-ce que mon album serait prêt... Mais j’avais toujours juste deux tounes en banque, malgré les multiples sessions que j’avais faites. Là, fallait que ça goale et que les tounes se passent.» Aux côtés de Yen Dough, jeune producteur montréalais de 20 ans reconnu pour ses mélanges de trap, de pop et de R&B, Mccan a alors mis les bouchées doubles pour tenter de réussir l’impossible: finaliser un album à peine entamé en un peu plus de deux mois. «On s’est mis à jammer ensemble et, sincèrement, on s’est vraiment bien entendus. C’est un humain vraiment super. Pendant un bout, j’avais le syndrome de la page blanche et je faisais des trucs très nuls. Lui, il était patient avec moi, il croyait en moi et il m’encourageait à des moments où je me demandais si j’avais encore envie de rapper. Pour vrai, ç’a été tout un réapprentissage, autant dans mon approche du rap que de la vie. J’ai fait plein de changements dans la dernière année: j’ai brisé des patterns qui allaient finir par m’autodétruire, j’ai commencé la méditation, j’ai arrêté de boire et de fumer... Tout ça m’a amené à tout remettre en question, notamment ma façon d’écrire du rap.» Jadis reconnu pour son franglais exacerbé, qu’il a défendu maintes fois dans les médias face aux critiques de chroniqueurs réactionnaires comme Christian Rioux et Mathieu Bock-Côté, Mccan s’en remet ici à une parole moins relâchée et à un accent français plus international que joual. Dès les premiers instants de l’album, le changement de cap est frappant. «J’ai jamais été à l’aise à l’idée de rester trop longtemps à la même place. Faut que

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ça évolue et que ça change. Et de toute façon, en dehors de Dead Obies, je suis pas super anglophone. Oui, je suis bilingue, mais j’ai un accent, et cette forme d’expression là ne me rejoignait plus. J’avais envie de plus de clarté.» Ce n’est toutefois pas ce changement de registre qui a motivé son départ de Dead Obies au printemps dernier. C’est davantage une volonté de se libérer de l’engrenage commercial inhérent à la popularité de la formation. «J’ai quitté le groupe parce que j’avais besoin de le quitter, sinon je faisais semblant. Quand j’ai rencontré ces gars-là, c’était formidable. Mais à un moment, c’est devenu une obligation de continuer, car on était six à devoir payer le loyer avec ça. Fallait donc partir en tournée, faire un autre album... Je me suis demandé quand est-ce que tout ça allait arrêter, quand est-ce que j’allais pouvoir reconnecter avec ma folie pour faire des choix qui ont pas de sens. J’avais besoin de suivre mon instinct et de faire une scission avec tout ce qui brimait mon feeling pur.» Le mantra du OUI Le titre de ce premier album embrasse cette idée bien vaste de «tout, tout, tout, toutttte» renouveler. Le «OUI» agit ici comme un mantra, une façon pour le rappeur de dire qu’il ouvre son esprit aux nouveaux horizons qui se profilent devant lui. «À un moment donné, je voulais même changer de nom pour OUI, mais le label

capotait parce que j’allais perdre mes stats. J’ai quand même continué à buzzer sur ce mot-là pour tout ce qu’il englobe. Pour moi, c’est un mot qui envoie une wave particulière: l’acceptation de tout, l’ouverture... Aussi, la nature particulière qu’il a avec l’histoire politique du Québec, ça me fascinait. J’étais appelé par cette énergie-là.» C’est ce pouvoir insaisissable des mots que le rappeur de 28 ans aborde dans l’ouverture Temps. «Tout ce dont j’ai ever rêvé, je l’ai d’abord rap dans mes verses/Avant de le voir comme par magie apparaître devant mes yeux», lance-t-il, revendiquant la valeur prophétique de ses écrits. «Ça, c’est une croyance ferme que j’ai, soutient-il. À chaque nouvelle étape de ma carrière, je me suis créé de la réalité dans ma musique, comme on le fait généralement dans le rap en se mettant de l’avant. Et souvent, après ça, je me rendais compte que la réalité rattrapait ce que j’avais écrit. En fait, c’est vraiment une question de minding. Avant l’album, je me suis rendu compte que ma vitesse neutre dans la vie, c’était toujours une force négative ou bien une critique de quelque chose. J’ai fait le travail interne de tout changer ça, et ça se reflète [dans cet album]. Encore aujourd’hui, je sais pas si c’est bon ou si c’est nul [comme approche], mais je sais que j’ai fait le travail d’essayer des trucs et de me mettre en danger.»


> En résulte un album plus lumineux, autant dans les sonorités résolument pop que dans les textes, essentiellement marqués par le récit optimiste d’un rappeur qui gravit les échelons de la célébrité avec le désir ardent d’atteindre le sommet. À travers cette quête obsessive, Mccan proclame sa vénération de l’argent, érigé comme principal moteur de motivation et d’interaction sociale. «C’est vraiment une figure d’exagération, nuance-t-il. Pour être franc, l’argent m’intéresse pas du tout. Ce qui m’intéresse, c’est d’être libre.» Sans avoir eu un impact direct, son expérience dans Fugueuse et, tout particulièrement, les retombées que la série a eues sur sa carrière l’ont influencé incons­ ciemment dans sa création. «C’est la première année de ma vie où j’ai fait de l’argent pour vrai. J’avais accumulé plein de dettes pendant 10 ans et, enfin, j’ai pu les régler. C’est la première fois que je vivais sans stresser et c’est probablement pour ça que l’album parle autant

«À UN MOMENT DONNÉ, JE VOULAIS MÊME CHANGER DE NOM POUR OUI, MAIS LE LABEL CAPOTAIT PARCE QUE J’ALLAIS PERDRE MES STATS.»

Vous vivrez une expérience inoubliable!

[d’argent]. Au-delà de ça, j’ai tellement le nez collé dessus que c’est difficile d’en parler avec du recul... Mais bon, je suis plutôt fier de m’être fié à mon instinct et à ma première idée plutôt que de chercher à m’appuyer sur une critique comme je le faisais [avec Dead Obies]. Cette fois, ce sera aux autres d’analyser mon album. Si, en l’écoutant, les gens en viennent à la conclusion que je suis brainwashé par l’argent, ça dira bien ce que ç’a à dire sur la société dans laquelle on vit.» y

OUI (tout, tout, tout, toutttte) (Make it Rain Records) En vente le 31 août Lancement le 14 septembre au Théâtre Rialto

1550, rue Fullum, Montréal 514 524 4442 www.lepetitbistro.ca


Félix Bélisle, Thierry Malépart, Tony Bélisle, Philippe Gauthier-Boudreau et Marc-Antoine Barbier

HISTOIRE DE CHUMS QUELQUE PART ENTRE MAC DEMARCO ET CHIC, LE GROUPE CHOSES SAUVAGES DÉVOILE UN GROOVE RONDEMENT TRAVAILLÉ SUR SON PREMIER ALBUM HOMONYME, UNE SUITE DE CHANSONS CRÉÉES DANS LA CAMARADERIE ET LA COLLÉGIALITÉ. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN

PHOTO | ANTOINE BORDELEAU


MUSIQUE 35 VOIR MTL

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> Tissé serré, le quintette est curieusement amputé d’un de ses membres lorsqu’on le rejoint dans un café du centre-ville un vendredi midi. Injoignable, le chanteur, bassiste et barman Félix Bélisle est fort probablement dans les bras de Morphée à l’heure qu’il est. «Il closait le bar hier et il a dû se coucher à six heures du matin… On vient d’appeler sa voisine. D’après moi, dans 20 minutes, il devrait être levé», s’imagine naïvement le claviériste Tommy Bélisle, croyant (à tort) que son ami ayant le même patronyme finira par nous rejoindre.

Parmi les cinq musiciens, «personne joue de la guit tout seul chez lui en pratiquant des accords» et, par conséquent, «personne arrive en studio avec un riff précis auquel il est très attaché». Au contraire, tout se passe de manière spontanée lorsqu’ils se réunissent pour pratiquer. «Une session typique, c’est plusieurs jams de 20 minutes. On enregistre tout ça et, quelques jours après, on réécoute ça pour trouver la cohésion et le groove qui fonctionnent. Ça devient un collage», explique le batteur Philippe Gauthier-Boudreau.

Visiblement, l’image ludique et slacker sur les bords que le groupe met de l’avant sur internet n’a pas mis de temps à se confirmer. Pourtant, lorsqu’on écoute son premier album, c’est une tout autre impression qu’on reçoit. Mixé avec minutie par les renommés ingénieurs de son Emmanuel Éthier et Samuel Gemme, l’opus marque par ses compositions soignées, ses structures de chansons rigoureuses et ses textes mélancoliques, qui incarnent les angoisses et les histoires d’amour sinueuses d’une jeunesse vivant ses émotions fortes la nuit. «Nos photos nous montrent boire dans la rue ou chiller dans les parcs et, en quelque sorte, nos textes parlent de ça aussi. C’est juste un autre point de vue, comme l’envers de la photo, le négatif», analyse le guitariste Marc-Antoine Barbier.

«Ça cache juste le fait qu’on est trop paresseux pour composer chez nous. On vient puncher à la job, blague Marc-Antoine Barbier. Dès qu’on a commencé à composer cet album-là, on a remarqué qu’on était dans un mood très smooth et sexy, ce qui était très différent de nos shows, qui virent constamment en party où tout le monde trashe et danse.»

«Dans la vie, on est des super bons chums: on fait de la marde non-stop, on est jamais sérieux quand on se parle... Mais nos textes, c’est différent», poursuit Tommy Bélisle. «C’est le seul moment où l’on se parle des vraies affaires... ou presque, renchérit Barbier. À la base, Félix avait écrit des trucs assez dark qui ont établi les thématiques de l’album et, après, on a juste poursuivi là-dessus. On s’est aussi assuré de trouver un équilibre pour pas non plus tomber dans la grande poésie ou dans le senti trop intense. En fait, on voulait surtout s’écarter de la chanson. On voulait pas que la voix de Félix embarque par-dessus tout le reste, on voulait qu’elle reste un instrument parmi les autres.» Ce procédé d’enregistrement témoigne de la dynamique très équilibrée du groupe.

«Et vu qu’on voulait un album homogène, on a choisi de calmer les guits pour l’album, mais de se permettre de les crasser pas mal plus durant nos spectacles», image Bélisle pour terminer l’idée de son collègue. «C’est à ce moment-là que ça vire plus rock.» Naissance du dreamy funk Cette énergie plus brute est à la base de l’essence qui anime Choses sauvages. Dans sa version adolescente et embryonnaire, quelque part en 2007 ou 2008, la formation originaire de Saint-Eustache cultivait déjà cette idée maintenant bien éprouvée de créer quelque chose à partir d’à peu près rien, si ce n’est que de la complicité et de la persévérance. «Dès qu’on avait du temps, on allait jammer dans le sous-sol de mes parents. N’importe qui qui savait pas jouer du clavier ou de la basse pouvait venir jouer avec nous», se rappelle Barbier. De multiples reformulations du projet plus tard, les musiciens ont amélioré leur jeu respectif pour en arriver à créer Late Night, un EP bilingue au funk omniprésent, mais à la ligne directrice plutôt insaisissable. «C’était très juvénile. Ça partait vraiment dans tous les sens», reconnaît le guitariste, à propos de ce premier mini-album paru en

2013. «Le but, c’était de faire des tounes au plus vite pour pouvoir faire notre premier show quatre mois après. On voulait juste créer un ostie de party.» En 2015, Japanese Jazz, un EP totalement en anglais cette fois, poursuivait sur cette voie dansante et très éclectique. «L’identité était pas claire non plus. Ça manquait de cohésion», admet à son tour Philippe Gauthier-Boudreau. Quelques mois après, l’arrivée de Thierry Malépart comme deuxième claviériste et guitariste est venue raffermir la proposition du groupe, à l’instar d’une prise de conscience générale sur la langue de création. «On réécoutait nos chansons et on trouvait qu’en français, il se passait quelque chose de plus, se souvient Barbier. On a choisi d’y aller avec ça plutôt que de se battre contre la marée anglophone, alors qu’on est même pas anglos du tout... Dans le fond, on était des imposteurs!» Deux années ont ensuite été nécessaires pour que les cinq camarades trouvent leur son. Avec l’appui et les conseils de Samuel Gemme, ils ont tracé l’esquisse de leur style dreamy funk sur L’épave trouée, chanson parue en 2016 qui a donné le coup d’envoi aux sessions de ce premier album. «C’est ce son-là qui nous permet de varier les tons, d’alterner entre des tounes disco rapides et d’autres R&B plus lentes. On a assez expérimenté de trucs dans le passé qu’on sait ce qu’on veut maintenant», explique Malépart. Enregistré à l’été 2017, Choses sauvages a mis du temps avant d’être finalisé sur la table de mixage. Tranquillement, la spontanéité qui a caractérisé les premiers jams du groupe laisse place à un souci du détail qui frôle le perfectionnisme. «On a tellement travaillé sur cet album qu’on voulait qu’il soit parfait, explique le batteur. On a pris le temps de s’assurer de pas avoir de regrets.» y Choses sauvages (Audiogram) en vente le 31 août Lancement le 21 septembre à l’Église Saint-Édouard


À ÉCOUTER

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HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL

ARTISTES VARIÉS BLESS VOL. 2

(Inner Ocean Records) HHHH

Dans cet océan mondial de hip-hop où voguent sans concession les basses saturées et les doubles cymbales sautillantes, l’audace sert de rempart pour ramer à contre-courant. C’est ce que fait avec beaucoup d’aplomb et d’adresse l’étiquette Inner Ocean Records depuis 2012, en offrant à ses auditeurs un hip-hop instrumental à l’esthétique lo-fi et aux teintes jazzy rutilantes. Sur Bless vol. 2, un assemblage homogène de 99 chansons (!) visant à collecter des fonds pour différents programmes sociaux et culturels, le label fondé à Calgary offre un panorama international de ce qui se fait de mieux chez ces beatmakers qui ont choisi la douceur et la fragilité du lo-fi plutôt que la lourdeur et la puissance du trap. Dans l’ensemble, les 99 producteurs en vedette sur cette compilation livrent des bribes convaincantes de leur univers respectif, même s’ils ne sont pas tous dotés du même talent. Au passage, on retient l’apport éloquent des révélations québécoises Kawfee, Slumgod et Blankanvas. (O. Boisvert-Magnen)

DEPTHS OF HATRED BLOODGUILT

DIOGO RAMOS SAMBA SANS FRONTIÈRES

(Prosthetic Records) HHHH

(Diram) HHH 1/2

Deux mois après sa signature avec le label américain, le groupe death métal technique montréalais lance un premier EP avec son nouveau chanteur, Nico Monette (My Home, The Catacombs). Au lieu de remettre les compteurs à zéro, Depths Of Hatred poursuit le travail entamé sur les albums Aversionist (2012) et Hellborn (2014), notamment du côté du chant de Monette, qui alterne entre voix d’outre-tombe et crissements aigus qui s’accordent aux influences black du groupe. Sur ce plan, Depths of Hatred n’aurait pas pu trouver un meilleur remplaçant à Dominic D.D. Le EP se démarque aussi par ses chansons aux refrains accrocheurs et aux solos mélodieux qui n’enlèvent rien à la brutalité mordante du son de Depths of Hatred. (C. Fortier)

Installé à Montréal depuis un bail, l’excellent guitariste et arrangeur brésilien Diogo de Almeida Ramos a travaillé auparavant avec Chico César, vedette de son pays natal, avant de réaliser ici un compact percutant (Egologico/Recycle) pour son compatriote et ami Rommel Ribeiro. Cette fois, c’est à lui de prendre la parole. Pas comme un chanteur à voix, mais plutôt comme un artiste vrai qui sait se montrer touchant avec son naturel et sa fragilité. Tout en finesse et en français, s’il vous plaît. Au passage, Diogo emprunte volontiers les mots et la musique de Vigneault qu’il transforme en une samba authentique sur la question des migrants. Pourquoi pas? «On ne sait jamais qui frappe à la porte, on ne sait jamais ce qu’il nous apporte. Il ne faut pas fermer son cœur à l’étranger, au voyageur.» (R. Boncy)

BRAD MEHLDAU TRIO SEYMOUR READS THE CONSTITUTION (Nonesuch) HHHH Brad Mehldau a rêvé, en janvier 2014, que son acteur favori, Philip Seymour Hoffman, lui lisait la Constitution des États-Unis d’Amérique dans le décor cossu d’une grande bibliothèque avec une voix stoïque et triste à la fois. Il y avait, en toile de fond, une mélodie que le pianiste s’est empressé de transcrire sur un morceau de papier avant de se rendormir. Dix jours plus tard, on apprenait le suicide du comédien oscarisé pour son incarnation de Capote. Pourtant, il n’est pas tout lugubre, ce 21e album de Mehldau comme leader. Son trio de prédilection complété par le contrebassiste Larry Grenadier et le batteur Jeff Ballard nous offre un pur régal. On révise au passage McCartney, les Beach Boys, Sam Rivers et le Great American Songbook. Où la créativité et l’intégrité se dressent contre Trump et le «arrange-toi a’ec ça!» (R. Boncy)

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL LEONARD BERNSTEIN: A QUIET PLACE (Decca/Universal) HHH 1/2 La dernière œuvre pour la scène de Leonard Bernstein a une histoire un peu compliquée, et cette version de chambre avec 18 musiciens arrive après deux révisions du projet original de 1983. Kent Nagano a créé cette version en 2013 avec l’Ensemble Modern à Berlin, puis il l’a reprise à Montréal l’année suivante et, enfin, en 2017 pour cet enregistre­ ment. C’est tout autre chose que Trouble in Tahiti (1952), premier opéra de Bernstein, jazzé à fond, dont A Quiet Place est en fait la suite... Le personnage de Sam est de retour, entouré de ses enfants, tandis que son épouse Dinah meurt dès le prologue. La suite n’est pas si «tranquille», on s’en doute. Il s’agit du premier enregistrement de cette version, un bon coup pour l’OSM. (R. Beaucage)


DISQUES 37 VOIR MTL

HANNOVER PHILARMONIE / IAIN SUTHERLAND BERNSTEIN: BROADWAY TO HOLLYWOOD (Ariadne/Naxos) HHH 1/2 Le grand Lenny Bernstein aurait 100 ans le 25 août 2018, alors, forcément, ils sont nombreux à lui rendre hommage, et on ne s’en plaint pas. Cet enregistre­ ment en concert, bien que publié pour la première fois, date de 1993, alors que l’Orchestre philharmonique de Hanovre lui rendait hommage trois ans après son décès. Le programme que dirige Iain Sutherland offre trois suites pour orchestre: On the Waterfront, Fancy Free, et les superbes Symphonic Dances from West Side Story. Avec l’ouverture de Candide et deux extraits de On the Town, ça donne une bonne idée du bonhomme. Les percussionnistes et les cuivres sont contents, l’orchestre sonne à fond et il n’est pas gêné de swinger, comme c’est souvent le cas. Le Royal Liverpool Philhar­monic Orchestra a fait paraître pratiquement le même programme chez BIS en février; chacun a ses mérites. (R. Beaucage)

RAVENS CREED GET KILLED OR DIE TRYING (Xtreem Music) HHH 1/2 Celles et ceux qui considèrent que le métal était meilleur «dans le temps» seront comblés par le quatrième disque du quatuor britannique. Fondé en 2008 par les guitaristes Steve Watson (Iron Monkey, Cerebral Fix) et Jay Graham (Skyclad), Ravens Creed propose un amalgame de death métal, de thrash et de crust grandement inspiré par Venom, Celtic Frost, Slayer et même Napalm Death. Sur Get Killed or Die Trying, pas de fioritures inutiles, que des morceaux courts parsemés de riffs accrocheurs qui font hocher la tête. Le son de l’album enregistré aux Tenko Studios de Jay Graham est cru, ce qui renforce le côté nostalgique de Ravens Creed. Les fans d’Albion Thunder (2009) et Ravens Krieg (2015) ne seront pas déçus. (C. Fortier)

VO3 #O8

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MITSKI BE THE COWBOY (Dead Oceans) HHH Mitski a été révélée dans la scène indie-rock comme la petite sœur de St. Vincent avec Puberty 2 en 2016, son album de la consacration. Si sur ce dernier, elle s’enflammait telle une tornade avec des propos passionnés, ici, l’artiste américaine d’origine japonaise peint le portrait d’une femme qui veut être forte, mais qui au final est prisonnière de sa solitude, comme sur la funky Nobody, et nostalgique de ses amours brisées ou impossibles («Why am I lonely for lonesome love?», se demande-t-elle). Elle s’éparpille quand même, Mitski, sur ces 14 titres, dont 12 font moins de 3 minutes, et les textes sont assurément moins intéres­ sants que sur son prédécesseur. Mais la saveur pop fait du bien et les élans grunge y sont toujours assez jouissifs. (V. Thérien)

BODEGA ENDLESS SCROLL (What’s Your Rupture?) HHHH Bodega est probablement une coche au-dessus de tous ceux qui essaient de faire leur place dans le circuit souvent un peu trop élitiste du art-rock. Sur disque, la claque est un peu moins intense, mais assez pour qu’on prenne cette formation au sérieux. Elle balance un solide mélange de post-punk angulaire et d’avant-pop vitaminée sur ce premier effort. La musique, croisement libre entre Wire, Talking Heads, Crisis, Elastica, Kleenex et Pylon (entre autres), appuie les manifestes antitechnologie ou les critiques socioculturelles du groupe, le tout ponctué d’une bonne dose de cynisme, d’ironie et de dérision. La bande ne craint pas non plus de dévoiler un côté plus vulnérable, comme en témoigne la touchante Charlie, souvenir douloureux d’un ami disparu. Si les Bodega ne font pas mouche à tous coups, ils signent là un des albums les plus significatifs à être paru cette année. (P. Baillargeon)

JEREMY DUTCHER WOLASTOQIYIK LINTUWA­ KONAWA

(Fontana North) HHHH

Voici un album sorti au printemps, mais on se devait d’en parler dans nos pages tant il est d’une importance capitale. Nommé sur la courte liste du prestigieux prix Polaris, Wolastoqiyik Lintuwakonawa est le premier album du chanteur ténor et compositeur canadien qui puise dans les mélodies traditionnelles de sa nation Wolastoq (Nouveau-Brunswick) pour s’inspirer. Quel beau cadeau il fait à sa nation en utilisant ainsi les archives et cette langue qui se meurt! Les échantillons sonores s’insèrent de façon tout à fait naturelle dans ses jolies compositions classiques et pop de chambre. Si Essuwonike en début de disque rappelle l’univers d’Antony and the Johnsons, on pense à Owen Pallett à d’autres moments. Magique, élégant, entraînant et complètement unique, cet album. À écouter absolument. (V. Thérien)


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MONIQUE GIROUX SUR MESURE

ET SI JE NE DEVAIS JOUER QUE LES LESBIENNES À LUNETTES On met une vie à apprendre à vivre et il semble qu’il ne soit pas aussi simple qu’on le croit… de mourir. Alors après quoi courir, puisque peu importe la voie qu’on empruntera, on finira bien par arriver à destination. On se croise souvent, mon passé et moi. Comme s’il m’attendait au tournant. La plupart du temps, je feins de ne pas l’avoir vu, espérant secrètement qu’il passera son chemin sans laisser de trace. Et surtout, je m’empresse d’oublier la séquence. Foncer, aller droit devant, vivre ici, maintenant, et investir dans l’avenir. Mais depuis quelque temps, j’ai vaguement l’impression de revenir en arrière. Je vous l’ai dit déjà, je me suis racheté une table tournante. Je me suis procuré des bottines Clark en suède beige, des Stan Smith – ceux-là, on me les a offerts et je les entretiens avec soin dans l’espoir de les garder toujours. Je vais bientôt retourner voir Les fées ont soif. Non, je n’ai pas eu le temps de voir SLĀV. J’achète de la tire-éponge quand j’en vois et je ne résiste pas à une tranche de pain blanc toastée, beurrée, trempée dans la mélasse, comme Donalda en offrait à Séraphin pour déjeuner. Ce que je donnerais pour racheter ma Renault 5 rouge, sièges pied-depoule en velours, cinq vitesses et toit ouvrant, avec en prime le poste de radio cinq haut-parleurs Blaupunkt! J’ai gagné une fois à la loterie. Je devais avoir 20 ans. Ma mère se chargeait et se charge toujours avec assiduité de prendre des billets. Nous avions cinq bons numéros sur six. Cinq sur six, vous vous rendez

compte? N’y connaissant rien, j’étais persuadée d’avoir réglé mon avenir, avec ce lot partagé en trois parce que ma cousine Suzanne avait misé avec nous. On a gagné 2700$ à trois. Pour avoir trouvé cinq bons numéros sur six, avouez que ça fait de la peine… Bref, j’ai gagné juste assez pour m’offrir un radio de char Blaupunkt – 900$, c’était toute une somme en 1983. Après tout, je rêvais de faire de la radio, ça me prenait bien ça. Il me raconte tout ça, mon passé, quand on se rencontre lui et moi. Depuis quelques mois, quand je rentre à Radio-Canada, je réalise que les jours de cette maison sont comptés. On nous prédit un déménagement pour 2020. À ceux qui me demandent où nous irons, je réponds «dans le stationnement», ce qui fait rire systématiquement. Mais c’est pourtant vrai. Nos vingt-trois étages se transformeront en trois. Avant de quitter le studio pour l’été, j’ai croisé mon passé sur le parvis de RadioCanada, où j’attendais ma poutine au food truck. Il sortait les bras remplis de disques, de livres, de rubans ¼ de pouce, de vieilles lames rouillées et de petits rouleaux de scotch tape pro pour effectuer de minutieux montages. Il portait péniblement des dossiers de presse d’artistes oubliés ou devenus des stars, des photos de Guy Mauffette, de Myra Cree, de Judith Jasmin, d’Andréanne Lafond, de Lisette Gervais, de Chantal Jolis, de Jean-François Doré. Cette fois-là, je ne l’ai pas évité, je lui ai même proposé un coup de main. Un de ces vendredis, il finira bien, mon passé, par sortir aussi quantité de Steinway, de consoles, de U-87

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– mon arme préférée pour vous parler rondement, un micro comme une Rolls Royce –, de fauteuils ayant accueilli les plus célèbres arrière-trains de la francophonie. Je roulais avec mon amoureuse dans une voiture de l’année en direction du Maine quand, arrivé à la frontière, j’ai croisé mon passé. Le douanier avait des allures de Tante Lydia dans La servante écarlate. Après avoir tenté d’annuler notre séjour pour plutôt loger dans une auberge du Bas-du-Fleuve, nous nous sommes résignées à ne pas perdre les gras dollars investis et à regarder la mer, manger du homard et rentrer fissa. Après avoir cavalièrement arraché des mains de mon amoureuse nos deux passeports, leur avoir fait passer une IRM – on n’est jamais trop prudent –, il a daigné ouvrir sa minable fenêtre en plexi pour nous japper: «What kind of relationship???» Ma blonde m’a regardée, aussi dépitée qu’incrédule. Elle n’aime pas trop regarder La servante écarlate, elle, ça lui fait faire des cauchemars. «Que répondre à ça?» ai-je eu le réflexe de demander à mon passé. Et puis, qu’est-ce que ça peut te foutre que cette femme soit la mienne,

1030 Laurier Ouest - (514) 279-7355

toi, douanier américain? En quoi ça te regarde qu’on soit épouses, friends, sisters, ou carrément strangers? M’aurais-tu posé la question si je n’avais pas eu une gueule de l’emploi? On m’a remis le prix Laurent McCutcheon, prix de lutte, et j’ai répondu friends pour avoir la paix, pour aller manger du homard et parce que ça ne te regarde tout simplement pas, que je ne vais pas t’élever, que c’est peine perdue. Est-ce que je te demande à toi ce que tu fais de ta vie et dans ton lit, toi, douanier américain, petit lutin dirigé à la baguette de ton roi à toupet? On a beau tout faire pour avancer, mais comme dans les piscines à vagues, quand on les prend de face, j’ai l’impression qu’on nage pour pas grand-chose. On crawle tant qu’on peut, mais ça résiste. Mon passé qui a beaucoup marché et manifesté, qui s’est rebellé aussi et qui a frondé les convenances avec espoir et autant de candeur… commence à avoir un peu peur. Et si je ne devais que jouer les lesbiennes à lunettes, comme les musiciens de Québec devraient jouer aux musiciens de Québec et les blacks jouer aux blacks? Si vous croisez votre passé, posez-lui la question. y

chezleveque.ca - Tous les soirs après 21 h.



CINÉMA 41 VOIR MTL

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L’AMÉRIQUE QUI S’EFFRITE AVEC SUMMER OF 84 (L’ÉTÉ DE 84), LE TRIO DE RÉALISATEURS RKSS NOUS RAMÈNE À L’ÉPOQUE ÉLECTORALE DU DEUXIÈME MANDAT DE RONALD REAGAN DANS UNE BANLIEUE OÙ SÉVIT UN TUEUR EN SÉRIE. UN PREMIER SUSPENSE INTRIGANT DE CEUX QUI NOUS ONT DONNÉ TURBO KID EN 2015. MOTS | JEAN-BAPTISTE HERVÉ

«On a décidé de faire ce film parce que le scénario prenait des risques», avoue d’entrée de jeu François Simard, l’une des trois têtes pensantes de RKSS. «On aime des films comme The Goonies, The Birds ou encore Stand by Me, mais la tangente prise par le scénario amenait quelque chose de neuf qui allait faire de ce film un objet cinématographique mémorable.» RKSS, c’est François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell, qui travaillent ensemble depuis maintenant plus de 15 ans. Ils se sont d’abord fait connaître avec des courts métrages comme Bagman, Demonitron ou encore le désopilant Ninja Eliminator. Bien connu des événements et festivals axés sur les films de genre comme Spasm et Vitesse Lumière, le trio a lancé Summer of 84 à Sundance un peu plus tôt cette année. Voir les a rencontrés après la projection montréalaise du film dans le cadre de Fantasia. «On est heureux que l’étape de la première soit derrière nous. On a passé le test de la projection devant nos proches», commente Yoann-Karl Whissell. L’histoire de ce film met en scène le jeune Davey Armstrong (Graham Verchere) et sa bande d’amis dans la banlieue d’Ipswich en Oregon. C’est un été de découvertes où l’on apprend à boire, à flirter

et à s’échanger des magazines pornos. Cet été-là, une étrange vague de disparitions a lieu et Davey croit avoir repéré le tueur en série: son voisin, le policier Wayne Mackey (Rich Sommer). Les quatre amis inséparables mèneront l’enquête et tenteront de prouver la culpabilité du policier. D’entrée de jeu, ce qui fascine chez le trio RKSS, c’est justement le travail de réalisation à trois têtes. Comment fonctionne un plateau sous la supervision du triumvirat? «Ça fait plus de 15 ans qu’on travaille à trois, et cela a toujours été la façon de faire», précise Yoann-Karl Whissell. «Nous arrivons sur le plateau très préparés. Je m’occupe de la direction des comédiens, François s’occupe de l’équipe caméra et Anouk coordonne les chefs de département. On se sépare les forces et on partage nos cerveaux. C’est un peu comme faire partie d’un band», ajoute François Simard. Avec Turbo Kid il y a trois ans, le trio avait déjà entamé un pastiche, un hommage et une plongée dans le langage esthétique des années 1980, et cela bien avant la sortie de la série aujourd’hui culte Stranger Things. Le retour en arrière à cette époque permet de traiter de sujets actuels et de comprendre la désillusion ambiante avant l’élection du deuxième mandat de Reagan.

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> «On retourne aux années 1980, car cette époque est le puits dans lequel on a puisé notre imaginaire et on a vécu notre enfance», explique Yoann-Karl Whissell, en verve. «Il y avait aussi une façon de faire dans les années 1980 qui n’existe plus aujourd’hui. Je suis convaincu que bon nombre de films faits à cette époque n’auraient plus aujourd’hui le feu vert des producteurs. C’est une époque en cinéma où l’on osait encore et où l’on faisait confiance aux spectateurs. Summer of 1984 est un film sur la paranoïa et la peur de son voisin.» À la direction photo, on retrouve le fidèle JeanPhilippe Bernier, également membre du duo musical Le Matos qu’il complète avec Jean-Nicolas Leupi. Le Matos, faut-il le rappeler, compose la musique de ce film, une musique dense et inquiétante qui vient souligner le climat de peur et d’insécurité propre aux années 1980. «On commence à parler de la musique dès l’étape du scénario. La musique est super importante, nous dit Anouk Whissell. Ils disposent de tout juste un mois pour composer la bande sonore du film. Étant donné que Jean-Philippe est notre directeur photo, il connaît le scénario par cœur, ce qui contribue à la justesse de la musique composée.» Après ce hiatus du côté du film de suspense, on voulait savoir ce qu’ils nous réservaient pour leur prochain long métrage, ou du moins ce qu’ils souhaiteraient tourner et dans quel genre, eux qui sont les maîtres du pastiche. «J’aimerais beaucoup faire un film de sciencefiction même si pour le moment nous travaillons sur un film d’horreur pur», nous répond YoannKarl Whissell. «Moi, j’aimerais faire un film d’horreur dans l’espace, car c’est un endroit qui m’insécurise au plus haut point», avoue de son côté Anouk Whissell. «J’aimerais faire un film de kung-fu et un western», révèle François Simard. En attendant cet hypothétique troisième long métrage, leur second prend l’affiche ces jours-ci. y En salle le 3 août



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NORMAND BAILLARGEON PRISE DE TÊTE

EN VACANCES AVEC ARISTOTE Vous êtes peut-être en vacances en lisant ceci. Ou vous l’avez récemment été. Ou alors vous le serez sous peu. En tout cas, c’est actuellement, pour la majorité d’entre nous, le temps de l’année où l’on prend ses vacances.

reste du travail; et ils (pas elles…) s’occupent de politique.

Quel rapport avec Aristote?

De nos jours, pour la plupart des gens, c’est pour un salaire qu’on fait ce travail, plus ou moins agréable – et certains parlent parfois à ce sujet d’esclavage salarial, mais c’est un autre sujet.

Outre le fait qu’il a, sur cette question comme sur tant d’autres, des choses fort éclairantes à dire, j’avoue que je me cherchais depuis longtemps une occasion de parler en ces pages de celui qui reste mon philosophe préféré; les vacances me la fournissent.

Il y a ensuite, selon Aristote, ce temps durant lequel on refait ses forces, notamment pour ensuite continuer à travailler. Ce temps-là est celui du repos, du divertissement, de l’amusement, du jeu. Ce serait là, avec d’autres jours, ce que nous appelons aujourd’hui nos vacances.

C’est qu’Aristote est, avec raison, souvent donné pour celui qui, le premier, a proposé une substantielle réflexion sur les loisirs, le temps libre et, au fond, sur ce qui est aujourd’hui appelé vacances.

Mais Aristote pense que ce serait une erreur d’en rester là. C’est que ce temps-là, celui du repos, n’est pas plus que le précédent une fin en soi: il a pour but de nous refaire des forces – pour travailler de nouveau, il est vrai, mais aussi pour accéder à cette troisième activité qu’Aristote distingue. Notons déjà qu’il rappelle aussi qu’il y a même des dangers, y compris pour la santé physique, de se complaire trop et trop longtemps dans ces divertissements (on pense ici sans mal à certaines activités de vacances… je dis ça en regardant vers le bar, là-bas…).

Trois types d’activité Nous distinguons spontanément aujourd’hui deux choses: le travail, d’un côté; les loisirs, le temps libre ou les vacances de l’autre. Aristote, lui, distingue dans tout cela trois choses, trois temps, trois types d’activité. Il y a d’abord ce qu’on appellerait le temps du travail. Ce temps est celui de la première nécessité pour les êtres humains, qui doivent assurer leur survie, leur sécurité et un certain bien-être. On dirait aujourd’hui que c’est le temps des activités économiques et politiques. À l’époque d’Aristote, en Grèce, les esclaves font le gros de ce travail économique, celui qui est le plus désagréable; les citoyens et les femmes en font une autre part, qui peut être plus agréable, mais qui

Arrive donc la troisième catégorie d’activité, d’occupation du temps, que les deux précédentes ont préparée: c’est le temps des loisirs nobles, si je puis dire. Les deux catégories d’activité précédentes ne sont pas une fin en soi: mais celle-là, oui. Elle se concentre parmi les activités spécifiquement humaines les plus élevées, celles qui contribuent à nous rendre meilleurs en tant qu’êtres humains doués de raison et qui désirent connaître. Ces activités sont accessibles à des êtres libres et reposés,

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qui ont accompli leurs devoirs politiques et économiques et qui disposent de temps et de ressources. Ce sont, selon Aristote, toutes ces activités contemplatives centrées sur les plus hauts objets de l’activité humaine: l’art et la connaissance, pour parler en des mots que nous utilisons aujourd’hui. Et aujourd’hui? Aristote habitait un monde bien différent du nôtre, il est vrai. Mais il me semble néanmoins que ce qu’il avance devrait nous parler et qu’on manquerait une belle occasion de réfléchir à notre monde en ne l’écoutant pas et en le taxant par exemple d’élitiste. L’idée que le travail ne peut être une fin en soi et doit ouvrir sur autre chose devrait d’ailleurs faire consensus. Que cette autre chose ne soit pas seulement un temps de repos et de divertissement me semble aussi admissible. Encore plus si on porte attention aux dangers qu’il y a de s’y complaire. L’alcool et les autres stimulants en sont un; mais comment ne pas penser aussi à toute cette commercialisation du divertissement et à la menace d’abrutissement qu’elle entraîne? Si je devais nommer un lieu sur Terre qui incarne ces menaces, je donnerais pour ma part Las Vegas…

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L’idée qu’il existe des loisirs nobles consacrés à la contemplation des plus hautes activités de l’esprit humain peut, il est vrai, sembler bien élitiste. Mais dans un monde où on s’active sans cesse, et pas toujours en pensant à ce que l’on fait, la proposition me semble plus que défendable. Certes, Aristote l’expose dans une société où tous et toutes n’ont pas accès à ces hautes activités: mais n’est-ce pas un des buts d’une démocratie que d’en généraliser l’accès, idéalement à tout le monde, et cela par l’éducation? Cet idéal me semble bien défendable. Et pour finir sur une note optimiste, ne voit-on pas, justement, à l’heure des vacances, bien des gens qui, après le repos et les divertissements bien mérités, recherchent passionnément ces activités contemplatives? Livres, cinéma, musées sont des lieux où on les trouve, sinon toujours, du moins parfois. Que voulez-vous, pour paraphraser le vieil Aristote, un être humain, par nature, ça désire connaître, contempler, comprendre. Bonnes vacances à ceux qui les commencent. y



ART DE VIVRE 47 VOIR MTL

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ENTREPRENEURS EN HERBE AVEC SA LÉGALISATION PRÉVUE POUR OCTOBRE PROCHAIN, LE CANNABIS INSPIRE AUSSI LES NON-FUMEURS. ZOOM SUR DEUX ENTREPRENEURS QUI ONT FLAIRÉ LE BON FILON. MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTO | ROBERT NELSON

Bière «gros pétard» L’idée d’une bière au cannabis n’avait pas effleuré Martin Guimond, propriétaire de la microbrasserie montréalaise Le Saint-Bock, avant qu’un ami ne lui en parle. Ce dernier, avocat criminaliste qui a défendu plusieurs clients dans le domaine du cannabis, connaît bien le sujet. En janvier dernier, voyant venir la légalisation, il propose au brasseur de rencontrer deux entrepreneurs dans le cannabis pour réfléchir à la réalisation d’une bière. Pas question ici d’être gelé: la compagnie Cannabis and Grow fournit au SaintBock des extraits de «cannabis sans cannabis». «On en a retiré les substances hallucinogènes, explique Martin. C’est comme du café décaféiné: on a toute la saveur, sans les excès ni les substances nuisibles à la santé!» L’équipe fait des essais pendant plusieurs semaines; c’est qu’il y a des centaines de sortes de cannabis, et autant d’extraits disponibles. «Ça goûtait vraiment le cannabis. Presque trop, en fait», se souvient le brasseur. Il commande donc une analyse chimique complète de ses bières à un laboratoire indépendant pour être sûr qu’elles soient aux normes. Finalement, sept bières sont produites. Et les noms résultent d’un fin travail de recherche: la High-PA, la Gros Pétard (ainsi nommée en hommage à Dédé Fortin), la Fourire, la Munchies, la Pot Pas d’Pot… D’autres sont baptisées d’après le cannabis utilisé lors du brassage, comme la Pineapple Express ou la Jack L’Éventreur.

En tout, Martin investit près de 10 000$ dans le développement de ces produits. Il travaille notam­ ment avec deux avocats sur les intitulés des bières, les étiquettes et les mots utilisés dans la communication. Actuellement, deux bières sont sur le marché et deux nouvelles sont attendues ce mois-ci. La réaction des clients? «Ils trouvent ça très bon, affirme le brasseur. On a une clientèle pas forcément consommatrice de cannabis, mais curieuse de goûter sans avoir à se droguer. Au Mondial de la bière, on présentait seulement deux produits, mais on a eu le kiosque le plus achalandé!» Au total, 6000 litres des bières au cannabis du Saint-Bock ont été mis sur le marché, et pratiquement tout est vendu à ce jour. Et une bière au vrai cannabis, c’est pour quand? Le jour où ça sera légal, Martin prévoit une course des microbrasseries. «Mais ça m’étonnerait que de la bière au vrai cannabis soit vendue prochainement dans les bars. C’est une trop grosse responsabilité pour le propriétaire... Je ne suis pas contre, mais va falloir que ça soit bien encadré.» D’ici là, plusieurs brasseurs lui ont déjà demandé ses contacts pour obtenir des extraits de cannabis sans cannabinoïde – pas de chance, leur contrat est exclusif. Quant à la rumeur selon laquelle Molson préparerait également une bière au cannabis, la brasserie l’a démentie – mais sans cacher un certain intérêt: «Il n’y a pas de volonté en ce moment de produire une bière. C’est un nouveau marché et on est en train

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d’évaluer les possibilités. On a regardé les coûts, les opportunités de développement, mais il n’y a pas eu de décision d’investir et de brasser une bière…» En attendant, le Saint-Bock prévoit un événement spécial le 17 octobre pour fêter la légalisation, avec une dizaine de lignes de bières prévues. Crème au chanvre Graydon Moffat, c’est une ancienne prof de yoga qui s’est reconvertie dans les cosmétiques en lançant sa collection éponyme de produits naturels. Elle propose notamment dans sa gamme The Putty, une lotion pour la peau qui utilise les propriétés apaisantes et anti-irritantes de l’huile de Cannabis sativa, ou encore un shampooing qui hydrate les cheveux et prévient les cassures grâce à l’huile de chanvre. Elle travaille aussi depuis un an et demi à mettre au point huiles, baumes, crèmes hydratantes, vaporisateurs et autres mélanges à base de cannabinoïde. «On a parlé avec plusieurs producteurs de cannabis pour voir qui serait le meilleur partenaire. C’est encore en développement...» indique Graydon.

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PHOTO (HAUT) DOMINIC GRAVEL; (BAS) ANTOINE BORDELEAU


49 Graydon parle d’un «beau mouvement», bénéfi­ que autant pour les consommateurs que pour les entreprises de cannabis, et auquel elle sent les clients très réceptifs. Des industries qui augmentent considérablement le bassin de consommateurs de cannabis: «Il y a différentes sortes de consom­ mateurs, et pas seulement le cliché des hippies qui fument. C’est une chose de fumer le cannabis, c’en est une autre de le mettre sur sa peau», souligne l’entrepreneure. «Le secteur des soins de la peau est une industrie à 900 milliards de dollars, et celui du cannabis est en pleine floraison. Marier ces deux industries, c’est créer des perspectives exponentielles en termes d’affaires, mais aussi en termes d’aide aux gens. Pour moi, c’est orienté vers la beauté, car c’est ce que j’aime, mais il y a de la place pour d’autres produits de niche, pour lutter contre la douleur musculaire par exemple, ou contre les gênes et douleurs lors de relations sexuelles… Je pense que d’ici cinq ans, le marché va être envahi! Et ça va rendre le Canada encore plus spécial...» y

L’atout du cannabis pour elle, c’est sa propriété antiinflammatoire, dans la mesure où la plupart des problèmes de peau (acné, psoriasis, eczéma…) sont causés par des inflammations. «Ça serait super d’utiliser un cannabinoïde comme le CBD pour soulager les inflammations topiques en réduisant les rougeurs, les squames ou la douleur. Le monde se porterait tellement mieux sans crème cortisone!» Dans le domaine de la santé, une chaire de recherche sur le cannabis médical a d’ailleurs été créée à l’Uni­ versité de Sherbrooke pour étudier toutes les vertus de la plante, qui seraient nombreuses. Pas étonnant que l’industrie des cosmétiques soit sur le coup. Graydon mène ses recherches avec précaution, notamment par rapport à la législation sur le can­ nabis. «Il faut faire très attention. J’ai plus d’une vingtaine de produits et je n’ai pas envie de mettre toute ma gamme en danger à cause d’un seul d’entre eux. Il y a toujours eu une zone grise au Canada, des gens qui travaillent en cachette sur le cannabis dans des dispensaires… Mais le futur de cette plante a commencé récemment à changer. Et je veux vraiment être un des chefs de file dans ce domaine.» Une file qui s’allonge; Aurora, l’un des plus gros producteurs de cannabis au Canada, a annoncé il y a quelques mois vouloir lancer une gamme de produits pour la peau infusés au CBD.


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LES NOUVEAUX CAVISTES ACTUELLEMENT, POUR VENDRE DE L’ALCOOL, IL FAUT ENCORE VENDRE UN REPAS. MAIS CERTAINS RESTOS JOUENT AVEC LE FLOU LÉGISLATIF POUR VENDRE DU VIN, SE RAPPROCHANT AINSI DU MODÈLE DES CAVES QU’ON TROUVE EN EUROPE. UN BON MOYEN DE CONTOURNER LE MONOPOLE DE LA SAQ? MOTS | MARIE PÂRIS

PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU

«Malheureusement au Québec, l’un ne va pas sans l’autre, le vin et la bouffe. Si t’as un permis de bar, tu peux vendre juste du vin, mais pas pour emporter», résume le chef Martin Juneau, qui a ouvert le Cul-Sec dans Rosemont. On connaissait déjà à Montréal Les Cavistes sur la rue Saint-Denis, ou Le Quartet dans le Vieux. Ces établissements proposent un beau choix de bouteilles, avec lesquelles les clients peuvent repartir après s’être acquittés d’un repas parfois symbolique. C’est la chaîne St-Hubert, qui a commencé à livrer du vin avec ses repas, qui a inspiré Martin Juneau à ouvrir son établissement. «On s’est dit: “Ça marche pour eux, alors on va le faire”. Mais en étant super tight: chaque facture doit compter un repas», raconte le chef. En 2015, quand lui et son associé ouvrent leur établissement, ils travaillent avec un partenaire avocat pour voir exactement ce qui est légal – et toléré – en matière de vente de vin, et quelle est précisément la définition d’un repas. La loi est en effet un peu vague sur cette définition, expliquant finalement surtout ce qui n’est pas un repas – une planche de fromages ou de charcuteries, un plateau d’huîtres ou des bouchées, par exemple. Jouant avec le concept de repas et gardant les prix bas, Cul-Sec propose un sandwich baptisé Le Prétexte, au tarif minimum. «Tu le manges si t’as envie, tu peux le donner à un itinérant, tu le prends pas si tu veux pas, mais ça doit apparaître sur la facture. C’est comme un cover charge pour pouvoir acheter du vin», résume Martin. Le chef reconnaît manœuvrer dans «une zone grise», d’autant qu’il n’y a pas de limite quant à la quantité de vin achetée – certains clients repartent avec des dizaines de bouteilles. Une zone grise qui reste dans le viseur du gouver­ nement. «Ils ont dû rapidement être au courant qu’on vendait du vin pour emporter. Je pense que oui, ils surveillent, confie le chef. Mais on a tou-

jours fait ça dans les règles de l’art.» La brigade des mœurs est en effet venue il y a peu pour vérifier que tout était en règle en matière de vin. La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) précise pour sa part que les quelque 24 000 titulaires de permis bar et restaurant au Québec sont contrôlés au moins une fois par an. Quant au repas, «c’est une question d’interprétation, indique Joyce Tremblay, de la RACJ. On ne peut pas être derrière chaque restaurateur. Je fais le parallèle avec les excès de vitesse sur la route; c’est une question de jugement.» Compléter l’offre de la SAQ Mais un modèle comme Cul-Sec a ses limites. D’abord dans sa définition de «cave et cantine»: «Les gens au Québec ne comprennent pas le concept de cave, contrairement aux Européens», raconte Martin. Dans sa cantine, la cuisine est là pour mettre en valeur, supporter le vin. Mais il manque la demande, de la part d’une population encore trop habituée à aller à la SAQ pour acheter du vin. Pour la plupart des clients qui viennent au Cul-Sec, ils sont au restaurant, pas dans une cave. «Il faut un minimum d’encadrement. Ça fait trois ans qu’on est ouvert, et on est encore souvent dans l’explication, regrette Martin. La SAQ est toujours très présente dans l’esprit des gens; c’est l’ultime caviste…» Cul-Sec, spécialisé en vins nature, offre cependant un choix de 140 références de vins à la carte. Pour Louis-Philippe Breton, associé de Martin Juneau, c’est ce qui confère à l’établissement une clientèle de niche, qui recherche vraiment ces produits introuvables à la SAQ. «Si c’est pour offrir un vin conventionnel 10$ plus cher qu’à la SAQ, y a pas d’intérêt à avoir une cave, tranche le chef. Avec la rareté des petits producteurs, le caviste offrirait un créneau qui viendrait juste compléter l’offre de la SAQ, au lieu de la concur­

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> rencer.» La SAQ s’est déjà beaucoup ouverte à l’univers des vins nature, mais cela reste un créneau non profitable pour elle, selon les associés de Cul-Sec, car il lui faut des vins de volume et de stabilité. «On espère une ouverture du côté du gouvernement, on aimerait bien qu’il y ait des permis de caviste, ou même de vente à emporter dans des restos sans avoir à manger, explique Martin. Nous, on importe du vin, on est prêts. Dès qu’il y aura une possibilité, on va le faire.»

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«Des grands vins avec un petit repas, c’est pas légitime» Du côté des agences d’importation, on est plus mitigés. «Si ça prend trop d’ampleur, les épiceries pourraient demander jurisprudence pour pouvoir aussi vendre du vin, avance un agent sous couvert d’anonymat. Vendre des grands vins avec un petit repas, c’est pas légitime. La SAQ va resserrer ses critères; c’est toléré actuellement, mais c’est pas accepté pour autant. Ça doit pas faire ombrage au monopole.» Pour lui, la possibilité d’avoir un permis de caviste ouvre la porte à la privatisation de la vente d’alcool, ce qui amènerait alors de nouveaux problèmes. «Vendre du vin à emporter, c’est pas super payant. On va finir avec des maga­ sins qui n’auront que du Kim Crawford ou du Red Revolution…» L’offre de vins de la SAQ est en outre loin devant les autres marchés, souligne cet agent: le nombre de références disponibles au Québec, pour un marché de huit millions d’habitants, est presque aussi élevé qu’à New York. Au milieu de cet argumentaire, un projet de loi sanctionné en mai dernier prévoit d’«assouplir la notion de repas», indique Joyce Tremblay de la RACJ. «Ça faisait 15 ans qu’on n’avait pas modifié cette loi. Le but reste de ne pas compétitionner avec les épiceries ou la SAQ.» Le projet de loi 170 prévoit en outre d’autoriser aux titulaires de permis de restaurant de servir de l’alcool sans obligation de consommer un repas. La date d’entrée en vigueur et les modalités de cette mesure doivent cependant encore être fixées par règlement. En attendant, ce projet de loi a été très chaleureusement accueilli par l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), qui y voit une modernisation du régime juridique applicable aux permis d’alcool, selon François Meunier, vice-président: «C’est un gain historique pour l’ARQ et pour tous les titulaires de permis d’alcool, car ces lois étaient désuètes». Quant au monopole de la SAQ, la Coalition avenir Québec annonçait le mois dernier qu’elle souhaitait libéraliser le marché de l’alcool dans la province si le parti gagnait les élections en octobre prochain. Un débat qui n’en finit pas de déchaîner les passions. En attendant, s’il y a bien un moment où le CulSec se fait remarquer, c’est pendant les jours fériés, quand la SAQ est fermée: à Noël ou à la Saint-Jean, c’est le gros achalandage à la cave et cantine... y


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Savez-vous que près de Montréal se trouve le deuxième chantier de reconstitution historique au Québec? Un lieu enchanteur bordant la rivière des Milles Îles, reconnu pour ses animations et sa gastronomie? Théâtre, boutiques, activités et adresses gourmandes à distance de marche: le Vieux-Terrebonne a beaucoup à offrir. Opération terrasses Ici, presque tous les restaurants ont une terrasse! Rendez-vous par exemple au Bâtiment B: ce pub gastronomique au menu original (avec brunch le dimanche) surplombe la rivière des Mille Îles. Vue imprenable garantie! Au Snobinard, restaurant animé de soirées jazz, la terrasse donne sur un bel étang et sur l’Île-des-Moulins. L’Aparté Cuisine & Bar, dans le Théâtre du Vieux-Terrebonne, dispose d’une immense terrasse dotée de foyers. À essayer: ses délicieux nachos et les impressionnants cocktails. Les institutions Certains restaurants sont établis depuis près de 30 ans, signe de qualité. Parmi eux, Chez Fabien, avec son service hors pair, son impressionnante carte des vins et sa cuisine raffinée - avec notamment des pizzas au four à bois. Chez Da Pietro, ouvert aussi aux groupes, on vous réserve des grillades, pâtes maison ou fruits de mer. Enfin, La Steakerie Sainte-Marie est reconnue pour son steakfrites et sa fameuse côte de bœuf au jus. Voyage gourmand Pour les adeptes de cuisines du monde, un tour en Italie est offert par Le Spag, un «apportez votre vin» qui propose des plats traditionnels (pâtes, veau, fruits de mer...). Le Restaurant Trattoria d’Amarone offre aussi un menu typiquement italien, avec gnocchis ou poulet à la Romanov.

On reste en Europe au Folichon, installé dans une maison ancestrale avec une belle terrasse couverte. On y propose, dans la tradition culinaire française, une variété de gibiers, poissons et crustacés. On peut aussi profiter de l’option «apportez votre vin» du Maudit Français pour se régaler de fine cuisine du marché. Pour plus d’exotisme, El Marrakechi propose une cuisine marocaine savoureuse: couscous, tajines… Si vous préférez les saveurs latines, le restaurant mexicain Agave vous invite à découvrir ses tacos, enchiladas, quesadillas, moles et autres spécialités. Pour tous les goûts Pour les adeptes de protéines, La Confrérie propose des poutines et côtes levées (et de délicieux whippets réinventés),

V i si t e z v i e u x t e r r e bonne . com

et le Restaurant BYGS Smoked Meat prépare le meilleur smoked meat du coin. Le Restaurant le Vieux-Terrebonne dispose quant à lui d’un menu varié (pâtes, grillades, pizzas, etc.). Vous aimez le tartare? La coquette Buvette du Vieux-Terrebonne en compte cinq au menu, et ils sont à moitié prix les mercredis! On en trouve aussi de très bons au bœuf, au saumon et végétariens au Bistro-Chocolaterie Le Divin Tandem. Dans le Vieux-Terrebonne, à la fois joyau patrimonial et lieu d’action et de plaisirs, près de 400 événements, spectacles et festivals sont organisés chaque année. Venez nous rendre visite ou cliquez sur vieuxterrebonne.com pour en savoir plus! y


SAVOIR OÙ DONNER DE LA TÊTE PARCE QU’UNE RENTRÉE LITTÉRAIRE EST AUTANT UNE FÊTE QU’UN CAPHARNAÜM, QU’EN L’INSTANT DE QUELQUES SEMAINES DES CENTAINES DE LIVRES ARRIVENT SUR LES TABLETTES ET QUE LE VERTIGE EST UNE SECONDE NATURE EN LIBRAIRIE AU TOURNANT DU MOIS DE SEPTEMBRE, VOICI UNE LISTE – LOIN D’ÊTRE EXHAUSTIVE – DE QUELQUES LIVRES À SURVEILLER CET AUTOMNE. MOTS | JÉRÉMY LANIEL


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UIESH. QUELQUE PART

LES BLEED

Joséphine Bacon, Mémoire d’encrier

Dimitri Nasrallah, La Peuplade

Après Bâtons à message et Un thé dans la toundra, la poète innue Joséphine Bacon revient avec un recueil de poésie abordant à la fois l’âge vénérable qui est le sien et le territoire qui l’accompagne depuis si longtemps. Ayant pour titre Uiesh. Quelque part, on imagine déjà une errance en des lieux aux frontières plus souples que celles que nous connaissons, une immersion poétique où la langue de Bacon illumine les chemins à prendre.

Éditeur chez Vehicule Press, traducteur du triptyque 1984 d’Éric Plamondon (Le Quartanier, 2011-2013), Dimitri Nasrallah s’est fait connaître du public francophone avec la publication de la traduction de son deuxième roman, Niko. Ce lauréat du Hugh MacLennan Prize for Fiction revient à La Peuplade avec Les Bleed, un thriller politique qui, comme Niko, s’interroge sur la manière que se façonne une relation père-fils. Toujours traduit par Daniel Grenier, cet auteur anglo-montréalais peut maintenant être certain d’avoir une voix au cœur de la métropole francophone.

LES BAINS ÉLECTRIQUES Jean-Michel Fortier, La Mèche Après Le chasseur inconnu, un premier roman prometteur paru en 2014, Jean-Michel Fortier revient à La Mèche avec Les bains électriques. Il ne semble pas s’éloigner des thèmes qui lui étaient chers dans ce premier opus: commérages de village, mystères de campagne et truculence des personnages. Cette fois-ci, le retour aux sources de la comédienne Louisa Louis bouscule le quotidien d’un village perdu. Jean-Michel Fortier a l’habitude de faire de grands personnages avec de petites gens. On peut donc s’attendre à une lecture tout aussi efficace que surprenante.

THELMA, LOUISE & MOI Martine Delvaux, Héliotrope Martine Delvaux prend depuis quelques années un immense plaisir à nous surprendre. Entre un essai sur Nan Goldin, un roman sur l’absence du père (Blanc dehors) ou une lettre d’amour à sa fille (Le monde est à toi), elle nous étonne par ses choix et réussit grâce à son talent. Cet automne, elle propose Thelma, Louise & moi, un livre dans lequel l’autrice saute dans la Thunderbird du mythique film pour retrouver qui elle était au début des années 1990 tout en réfléchissant et en célébrant la nécessité de toutes les Thelma et les Louise qui nous entourent.

LA MAISON MÈRE Alexandre Soublière, Éditions du Boréal Arrivé en littérature québécoise avec Charlotte before Christ alors âgé de 26 ans, Alexandre Soublière en avait surpris plus d’un avec un roman éclaté et générationnel, à la langue maîtrisée et choquante. Son prochain livre, un essai publié dans la collection «Liberté grande» dirigée par Robert Lévesque au Boréal, devrait surprendre tout autant. Intitulé La maison mère, Soublière, qui a habité Vancouver ces dernières années, remet en question le mythe du Canadien français tout en mettant l’identité québécoise face à ses contradictions.

MÈRE D’INVENTION Clara Dupuis-Morency, Triptyque Avec Mère d’invention, Clara Dupuis-Morency propose un premier livre à mi-chemin entre le récit et l’essai, un ouvrage réflexif autour de la maternité. Présenté par sa maison d’édition comme un hybride entre Marcel Proust – sur qui elle a travaillé lors de son doctorat et qu’elle cite en exergue du livre – et Christine Angot, ce premier ouvrage pourrait bien être l’une des surprises de la rentrée littéraire. Un livre qui n’est pas sans rappeler des essais comme Le monde est à toi de Martine Delvaux ou encore Les argonautes de Maggie Nelson.

QUELQU’UN Nicholas Giguère, Hamac Avec Queues, son premier livre, Nicholas Giguère en avait saisi plus d’un en abordant sans détour ses bassesses les plus intimes et les clichés hétéronormatifs qui se perpétuent dans la communauté LGBTQ. Avec le même dispositif que son précédent livre, Nicholas Giguère propose un récit poétique versifié, abordant cette fois-ci une jeunesse en Beauce et les premières expériences sexuelles qui s’ensuivent. Au bar L’Envol, on se commande un coke aux cerises et on espère ne pas finir la soirée seul.

MOI, CE QUE J’AIME, C’EST LES MONSTRES Emil Ferris, Alto Emil Ferris s’est réveillée trois semaines après s’être fait piquer par un moustique et avoir contracté un virus rare. On a dit à cette illustratrice qu’elle ne pourra fort probablement plus marcher ni écrire. Et pourtant. À force de persévérance surhumaine, Ferris travaille sur un manuscrit d’un roman graphique de plus de 800 pages qui sera refusé par près de 50 éditeurs avant de faire sensation. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un livreévénement qui puise dans le fantastique pour nous expliquer le réel. L’un des incontournables de l’automne.

FRÈRES AMIS, FRÈRES ENNEMIS Frédérick et Jasmin Lavoie, Somme toute Après Allers simples: aventures journalistiques en Post-Soviétie, Ukraine à fragmentation et Avant l’après: voyage à Cuba avec George Orwell, Frédérick Lavoie, en concert avec son frère Jasmin, nous propose une correspondance fraternelle. Les deux sont journalistes, l’un est basé en Inde, l’autre, au Pakistan. Les 35 lettres qui forment cette correspondance devraient parvenir à jumeler la fraternité qui les unit, en plus de mettre en lumière les enjeux sociaux, politiques et économiques qui divisent ces deux pays voisins.

L’IVRESSE DU JOUR 1 Shanti Van Dun, Leméac Shanti Van Dun, professeure de littérature au cégep, nous propose ici un premier livre à mi-chemin entre le récit et le roman. Si l’éditeur situe le livre entre Christian Bobin et Nancy Huston, ce n’est pas sans piquer notre intérêt. S’articulant autour de la maternité, L’ivresse du jour 1 semble s’éloigner avec brio du premier roman de prof de cégep qui sombre trop souvent dans le piège d’un livre d’initiés et propose plutôt une ode au pacte infrangible inhérent à une naissance. y


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Ici vous trouverez de superbes pièces de viande prêtes à servir ou marinées mais aussi une grande épicerie regorgeant de toutes sortes de délices! Sur les rayons

CRAPALACHIA SCOTT MCCLANAHAN Cambourakis, 201 pages Si pour Sartre, l’enfer c’était les autres, pour Scott McClanahan, l’enfer c’est la Virginie-Occidentale. Avec son premier roman, Crapalachia, il nous offre la «biographie d’un lieu», comme nous promet le sous-titre. Drôle, absurde, white trash sans pour autant manquer de tendresse, l’adolescence de McClanahan dans un bled perdu des États-Unis est un feu roulant d’anecdotes tout aussi improbables qu’hilarantes, bien qu’ici les rires et les pleurs semblent se côtoyer plus souvent qu’à leur tour. Si leur réalité est stagnante, l’écrivain la dynamise avec une galerie de personnages tout aussi truculente qu’attachante. Crapalachia est peut-être bien la biographie d’un lieu, mais elle est surtout l’autopsie grinçante d’un mode de vie impensable que certains appellent leur quotidien. Les premiers chapitres défilent comme les pages d’un album photo que l’on feuillette. Rapidement, le portrait de famille prend place, les visages sont campés. Scott ira vivre avec sa grand-mère Ruby et son oncle Nathan. Si l’une est fascinée par les morts qui l’entourent, l’autre, prisonnier de son fauteuil roulant et de son silence, écoute les preachers américains pendant que son neveu siffle un six packs de bières à même sa sonde alimentaire. Bien sûr, le tout peut sembler grotesque et risible, mais on s’attache rapidement à ces êtres perdus que le cours des jours avalera bien avant la fin du roman. Un monde de déchéance, oui, mais non sans amour, car Scott McClanahan aime véritablement chacun des énergumènes qui peuplent ses pages.

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Bien que le chat s’appelle Sida, que la grand-mère espère de tout cœur être atteinte du cancer du sein et que le coloc aux multiples TOC écoute sans cesse Dust in the Wind de Kansas, le burlesque ne monopolise jamais l’ensemble du projet. L’entreprise de McClanahan est multiple et beaucoup plus brillante qu’une simple caricature. L’écriture est ici sans filet, jamais l’écrivain ne prêche ni par pudeur ni par excès, le court roman se développe comme une lettre d’amour s’adressant à tous ceux qui habitent les marges bien trop grandes d’une société qui en oublie plusieurs derrière. Le pari était difficile, le projet risqué, mais c’est avec succès que l’écrivain américain propose un premier roman aux allures de John Fante sans pour autant baigner dans le pastiche. (Jérémy Laniel) y


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Sur les rayons

FOUDROYÉE GRACE O’CONNELL Éditions du Boréal, 392 pages La publication de Foudroyée de Grace O’Connell chez Boréal démontre l’importance d’une littérature canadienne-anglaise accessible, ainsi que l’intérêt d’une traduction de qualité. Deuxième roman de l’écrivaine torontoise, Foudroyée revêt les sobres habits de la traduction de Fanny Britt qui parvient rapidement à mettre en lumière toute la subtilité romanesque de cette proposition littéraire. Roman en deux temps, à cheval entre Vancouver et New York, il nous amène au cœur des violences quotidiennes, proposant un efficace récit initiatique qui plonge le lecteur au centre d’un temps où l’immuabilité des choses est mise à mal. Car comme l’a déjà écrit James Matthew Barrie: «Tous les enfants grandissent. Tous, sauf un.» En plein New York, une Vancouveroise court pour ne pas manquer son autobus. Quelques minutes après s’être faufilée dans la foule hétéroclite du véhicule, un homme sort une arme et abat le chauffeur. Ainsi commence Foudroyée. Dans ce chassé-croisé entre une jeunesse rangée sur la côte ouest-canadienne et cet attentat dans la Grosse Pomme, O’Connell trace la vie de Veda, sœur de Conrad, amie d’Annie et Al, et amoureuse de Ted, le meilleur ami de son grand frère. Ce club des cinq passera de l’adolescence à l’âge adulte en se tenant les coudes serrés, avant d’apprendre lentement mais sûrement que ces relations sont rarement inaltérables. Un se retrouve en prison, l’autre à New York, une à San Francisco, pendant que le dernier vide les bières sur un bateau de croisière. Il y a quelque chose d’éminemment subtil, mais de terriblement efficace dans ce roman. À plusieurs reprises le lecteur pense être en mesure de cerner le début et la fin des différents arcs narratifs qui se déplient devant lui, mais à tout coup il a tort. Au moment où l’on croit que l’écrivaine va nous surprendre, elle ralentit le rythme; quand on croit qu’elle perd de sa superbe, elle nous épate. L’écriture d’O’Connell n’est pas sans rappeler celle de Miriam Toews, une proposition qui n’aspire pas nécessairement aux grands rebonds romanesques, laissant la force du livre résider dans les nombreux vases communicants. Roman sur les ingérables violences qu’on porte en soi, Foudroyée est aussi une ode à l’enfance et au lieu qu’on oublie d’habiter. (Jérémy Laniel) y

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RÉVO LUTIONS PHOTO GRAPHI QUES POUR ANNA BOYIAZIS, ARRIVÉE EN DEUXIÈME PLACE DANS LA CATÉGORIE PEOPLE DU WORLD PRESS PHOTO 2018, LE PHOTOJOURNALISME ET LES PROBLÈMES SOCIAUX SONT INDISSOCIABLES. ENTREVUE AVEC UNE ARTISTE QUI VISE À CHANGER LES PERCEPTIONS À TRAVERS SON TRAVAIL. MOTS | ANTOINE BORDELEAU

PHOTOS | ANNA BOYIAZIS

Créatrice en soif constante de sujets frappants, Anna Boyiazis n’aurait pas pu résister à l’appel de sa série Finding Freedom in the Water même si elle l’avait voulu. Ces photographies portent sur le Panje Project (panje signifiant «gros poisson» en swahili), un organisme non gouvernemental ayant pour but d’apprendre à nager aux jeunes filles et aux femmes du Zanzibar. Bien qu’à nos yeux occidentaux, il puisse ne pas sembler s’agir là d’un accomplissement exceptionnel, il faut savoir qu’au Zanzibar, les mentalités paternalistes et fortement rétrogrades en place empêchaient depuis très longtemps l’accès à l’eau aux femmes. Ironie suprême du sort pour un peuple insulaire. Le Panje Project fournit entre autres des burkinis (la communauté zanzibarite étant majoritairement musulmane), des techniques de nage et de sécurité aquatique à ces femmes, brisant ainsi un cycle ancien de répression qui leur refusait catégoriquement cette liberté fondamentale que procure la nage.

Libération aquatique Lorsque la photographe a entendu parler du projet, elle a immédiatement été interpellée. En plus de s’intéresser tout particulièrement dans son œuvre aux problèmes sociaux vécus par les femmes, elle portait le surnom de psaroukla lorsqu’elle était jeune. Il s’agit d’un terme grec qui se traduit librement par «gros poisson», tout comme panje. Le lien n’était pas difficile à faire dans sa tête. «Ç’a été tout sauf facile de réaliser cette série, malgré mon emballement, explique-t-elle. Après des premières approches via courriel pour lesquelles je n’ai tout simplement pas reçu de réponse, j’ai dû me faire à la fois sensible et insistante. Lorsque j’ai réussi à entrer en contact avec les gens derrière Panje en me rendant directement sur place, un long processus de dialogue avec la communauté s’est amorcé. J’ai rencontré, en compagnie des responsables, les anciens du village, les parents

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NOUVEAUTÉS VÉGÉS À SAVOURER !

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> des filles, tout le monde qui avait rapport de près ou de loin avec ce que je voulais documenter, pour m’assurer que personne n’était inconfortable avec mon travail. Après de nombreuses semaines, j’ai enfin pu entrer dans l’eau avec ma caméra.» Pour Boyiazis, il y a quelque chose de profondément symbolique dans cette connexion nouvelle entre ces Zanzibariennes et l’océan Indien. «Bien que le port d’un maillot de bain intégral puisse nous sembler être de la soumission, cette limitation amène avec elle l’apprentissage d’une compétence essentielle qui pourrait signifier la vie plutôt que la mort pour ces insulaires. À mon sens, c’est un premier pas massif vers l’émancipation; c’est un véritable tremplin pour ces jeunes femmes vers l’autonomisation et la réalisation personnelle. Ce sont des outils dont elles pourront se servir pour briser toutes sortes d’autres barrières préexistantes dans leur vie.» Photo engagée Ce qui a attiré Boyiazis vers le photojournalisme, c’est la possibilité de non seulement créer des ima­ ges percutantes, mais de leur donner une résonance sociale et de faire évoluer les consciences à travers

«JE NE ME SUIS JAMAIS POSÉ DE QUESTION À SAVOIR SI JE VOULAIS QUE MON TRAVAIL SOIT ENGAGÉ. IL L’EST, TOUT SIMPLEMENT.» elles. «Je ne me suis jamais posé de question à savoir si je voulais que mon travail soit engagé. Il l’est, tout simplement. Je trouve les sujets ou ce sont les sujets qui me trouvent. Le photojournalisme est essentiel pour mettre en lumière des problèmes sociaux complexes. Son intention est d’inspirer le changement. À travers mon travail, je vise la compassion holistique, à amener une plus grande part d’humanité sur Terre.» Avec cette série et la reconnaissance qu’elle reçoit, Anna Boyiazis réussit non seulement à montrer une réalité nouvelle et magnifique; elle ouvre aussi les yeux du monde sur un coin de notre planète où les femmes n’ont même pas droit d’acquérir une habileté qui s’avère souvent essentielle à leur survie. Le taux de mort par noyade est plus haut sur le continent africain que partout ailleurs, et les systèmes de valeurs en place dans certains pays plus conservateurs en sont en grande partie responsables. À travers ses images qui voyagent via la tournée mondiale de l’exposition World Press Photo, la photographe vise à faire changer les mentalités. «Selon moi, le cœur de cette série, c’est la juxtaposition entre la liberté absolue que l’on ressent lorsque l’on est dans l’eau et les restrictions toujours bien réelles vécues par un trop grand nombre de femmes et de jeunes filles aujourd’hui.» y L’exposition du World Press Photo 2018 s’arrêtera au Marché Bonsecours du 29 août au 30 septembre

ANNA BOYIAZIS, PHOTO JEAN KRIKORIAN


QUOI FAIRE

MUSIQUE

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LAURENCE NERBONNE

FEMMES DE TÊTE PARC DES FAUBOURGS – 11 AOÛT

Dans le cadre de Fierté Montréal, l’événement annuel soutenant les communautés LGBTQ+ rassemble une soirée extérieure avec des femmes en musique: Milk & Bone, Laurence Nerbonne, Donzelle, Naya Ali, DJ Debbie Tebbs et Tamara Weber-Fillion. Belle soirée diversifiée en perspective. Fierté Montréal aura lieu du 9 au 19 août.


QUOI FAIRE 63 VOIR MTL

VO3 #O8

O8 / 2O18

PHOTO JIMMI FRANCOEUR

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BARRASSO

HONEY DIJON

ANNE-MARIE

SALA ROSSA – 16 AOÛT

MTELUS – 25 AOÛT

LE MINISTÈRE – 29 AOÛT

Révélé en 2015 avec le vigoureux Des X, des croix, des pointillés, un premier album rock aux influences punk et heavy métal, le groupe montréalais Barrasso sort d’un hiatus de création avec Colada, une deuxième offrande à paraître le 17 août prochain sous Music Mansion Records. Lors de ce lancement, il sera accompagné par BonVivant et The Bottle, nouveau projet de Colin Moore.

La DJ, compositrice électro et activiste transgenre Honey Dijon nous fait plaisir avec une visite en ville dans le cadre du festival d’arts numériques Mutek. Le DJ set de l’Américaine sera précédé de performances de Chloé, DJ Python, Highbloom & Rémillard et Kenny Larkin.

Après cinq ans de carrière, la jeune chanteuse pop originaire de l’Angleterre sortait enfin son premier album complet, Speak Your Mind en avril dernier. Quelques très bons hits radiophoniques ont suivi, comme la très estivale Ciao Adios, et Friends, sa collaboration avec le compositeur électro américain Marshmello.

SMASHING PUMPKINS CENTRE BELL – 7 AOÛT

Le groupe mythique de rock alternatif de Billy Corgan, qui a connu la gloire à la fin des années 1990 avec entre autres l’album Mellon Collie and the Infinite Sadness, passe l’été sur les routes d’Amérique du Nord avec de nouveaux morceaux à nous offrir en concert. Les voici en tournée de réunion sans la bassiste D’Arcy Wretzky.

SAINT-JÉRÔME FOLK DIFFÉRENTS LIEUX – SAINT-JÉRÔME

LA VIRÉE CLASSIQUE

10, 11, 16, 17 ET 18 AOÛT

MAISON SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL

Pour sa quatrième édition, le festival Saint-Jérôme Folk revient avec une programmation de belle envergure, incluant notamment Jesse Mac Cormack, Alexandre Poulin, Martha Wainwright, Zen Bamboo, Matt Holubowski, Lisa LeBlanc et Daniel Boucher. Le festival prend place dans plusieurs lieux emblématiques de la ville laurentienne tels que la salle Antony-Lessard et la place du Curé-Labelle.

29 AOÛT AU 2 SEPTEMBRE

La célébration annuelle de la démocratisation de la musique classique présentée par l’Orchestre symphonique de Montréal est de retour pour quelques concerts gratuits et d’autres payants – mais à petits prix –, autour de la Place des Arts. Kent Nagano célébrera les grands chœurs de Wagner et Verdi le 31 août et le 1er septembre.


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FESTIVAL DE MUSIQUE ÉMERGENTE DIFFÉRENTS LIEUX – ROUYN-NORANDA 30 AOÛT AU 2 SEPTEMBRE

Annonçant le sprint final des festivals de l’été au Québec, le Festival de musique émergente (FME) d’Abitibi-Témiscamingue mise sur une programmation à l’image de la diversité et du talent qui habitent la scène musicale québécoise. Cette année, on y retrouvera notamment Loud, Milk & Bone, Random Recipe, Galaxie, Hubert Lenoir, Lydia Képinski et Alexandra Stréliski.

DRAKE ET MIGOS CENTRE BELL – 4 ET 5 SEPTEMBRE

La populaire tournée Aubrey & The Three Migos s’arrêtera au Centre Bell deux fois plutôt qu’une. Venant tout juste de battre des records d’écoutes en continu avec son cinquième album Scorpion, le maître du rap torontois Drake sera accompagné par Migos, l’un des groupes trap les plus influents du rap américain ces jours-ci.

MEG DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL

PHOTO PHILIPPE ARCHAMBAULT

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SCÈNE

Pour sa 20e édition, le festival montréalais de découvertes musicales MEG propose une incursion au sein de notre scène électronique et hip-hop. S’y produiront entre autres Marie-Gold, Ghost Love, Syzzors, JT Soul, Fonkynson et Clark’s Bowling Club. On y retrouvera également le DJ et producteur lyonnais Étienne de Crécy ainsi que l’une des références de la techno française, Arnaud Rebotini.

DRAMATURGIES EN DIALOGUE

SAM BRETON

THE DARKEST MINDS

MEDLEY SIMPLE MALT – 8 AOÛT

EN SALLE LE 3 AOÛT

Avec plus de 800 spectacles à son actif, Sam Breton est l’un des humoristes québécois les plus prolifiques de la relève. Raconteur de premier plan, il se démarque de ses compères avec un humour vif et attachant, parsemé de ses expressions campagnardes. Diplômé de l’École nationale de l’humour en 2013, il présente maintenant le rodage de son premier one-man-show.

À la suite d’une épidémie mondiale qui a décimé 98% des enfants et des adolescents, de jeunes survivants développent des pouvoirs psychiques extraordinaires. Un gouvernement craintif les réunit dans des «camps de réhabilitation». La jeune Ruby, 16 ans, parvient à s’échapper et rejoint un petit groupe de résistants.

CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI 23 AU 30 AOÛT

C’est la 10e édition de ce festival de lectures publiques, qui présente cette année 10 œuvres inédites. Au programme: 7 textes d’auteurs du Centre des auteurs dramatiques (CEAD) et 3 œuvres finlandaises contemporaines. Pour clore cette édition, le festival propose une lecture en 15 langues des Belles-Sœurs de Michel Tremblay, histoire de souligner les 50 ans de la première lecture publique de ce texte-monument.

THE HISTORY OF SEXUALITY

EN GUERRE

PLACE DES ARTS – CINQUIÈME SALLE

EN SALLE LE 31 AOÛT

9 AU 12 AOÛT

Présentée en collaboration avec Fierté Montréal, cette pièce signée Dane Stewart parle des identités et communautés queer à Montréal. Des étudiants discutent de la sexualité à travers une série d’entrevues, y compris quand elle se mêle au kink, BDSM, handicap, ou encore à l’industrie du sexe. Spectacle présenté en anglais.

Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de l’entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins de fermer totalement le site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte-parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.

CINÉMA

30 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE


THE DARKEST MINDS

ESCAPADE DÉTENTE ET NATURE Une nuit douillette à l’hôtel

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Une journée de détente au SPA eaunergique du Noah Spa (unique au Canada)

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LA SEMAINE ITALIENNE PETITE-ITALIE – 3 AU 12 AOÛT

Red Miller et Mandy Bloom mènent une existence paisible et empreinte d’amour. Quand leur refuge entouré de pinèdes est sauvagement détruit par les membres d’une secte dirigée par le sadique Jérémie Sand, Red est catapulté dans un voyage fantasmagorique marqué par la vengeance, le sang et le feu.

Slender Man raconte l’histoire d’une grande et effrayante silhouette avec des bras anormalement longs et un visage sans traits, qui est soi-disant responsable de la disparition d’innombrables enfants et adolescents. Ce personnage a été créé de toutes pièces sur des sites «creepypasta» en 2009.

L’ULTIME VOYAGE

LE NID

EN SALLE LE 24 AOÛT

EN SALLE LE 31 AOÛT

Abraham Bursztein, un tailleur juif de 88 ans, s’enfuit de Buenos Aires pour la Pologne, où il espère trouver un ami qui l’a sauvé d’une mort certaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après sept décennies sans aucune nouvelle de lui, Abraham va essayer de retrouver son vieil ami et tenir sa promesse de revenir un jour.

Afin de sauver sa relation amoureuse en déclin, un comédien accepte de participer à une étrange expérience orchestrée par sa conjointe. Confiné à un endroit lugubre et à une routine inquiétante, il devra prendre part à un jeu de vérité qui le mènera au plus profond de son âme tourmentée.

Depuis 25 ans, la Semaine italienne de Montréal honore la beauté et les richesses de l’Italie dans sa métropole. Au menu, des activités variées pour s’imprégner de la culture italienne: opéra en plein air, défilé de mode sous les étoiles, concerts de musique classique et populaire, concours de dessert, cinéma italien... Cette année, la Toscane est à l’honneur, région reconnue pour ses multiples paysages, sa gastronomie, son architecture de la Renaissance ou encore ses petits villages idylliques.

NOUS SOMMES ICI, D’ICI MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL – JUSQU’AU 16 SEPTEMBRE

Cette exposition présente les œuvres de 11 artistes contemporains qui, à leur façon, remettent en question les préjugés sur la condition des Noirs au Canada. Évitant de tomber dans le discours prédominant qui réduit l’expérience des Noirs «à celle d’éternels immigrants ou de nouveaux arrivants», les multiples voix et sensibilités présentées durant cette expo «bouleversent les récits simplistes et réconfortants».

LAURIE KANG + KATIE LYLE PROJET PANGÉE – 30 AOÛT AU 6 OCTOBRE

La Torontoise Laurie Kang et la Victorienne Katie Lyle unissent leurs forces pour une exposition conjointe. Alors que la première a fait sa marque en photographie, sculpture, installation et vidéo en intégrant à son art ses recherches en génétique, science-fiction et études féministes, la deuxième allie peinture, dessin et performance dans un style visant à représenter la figure féminine en mouvement.

SHALOM MONTRÉAL MUSÉE MCCORD - JUSQU’AU 11 NOVEMBRE

Mettant en lumière «la participation des communautés juives au développement et à l’effervescence de la ville au 20e siècle», Shalom Montréal présente des réalisations marquantes dans le domaine de l’architecture, de la protection du patrimoine, des sciences de la santé, des droits de la personne, du commerce, des arts et de la culture. Témoignages, vidéos et photographies s’entremêlent dans cette exposition reflétant la force des traditions juives à Montréal.

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ART DE VIVRE

SLENDER MAN EN SALLE LE 24 AOÛT

ARTS VISUELS

MANDY EN SALLE LE 1ER AOÛT


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