MONTRÉAL VO3 #O9 | SEPTEMBRE 2O18 ALEXANDER CALDER JAMES HYNDMAN SAKÉ STÉPHANIE BOULAY ET JULIE DELPORTE SABRINA LEMAY PAULINE JULIEN SÉBASTIEN PILOTE CINÉMA MODERNE EMMANUEL SCHWARTZ ELISAPIE ISAAC LES LOUANGES
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MONTRÉAL | SEPTEMBRE 2018
RÉDACTION
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«JE VEUX DONNER UN PEU D’ESPOIR AUX GENS ET, SURTOUT, ÉVITER QU’ILS PARTENT DU SHOW EN SE DISANT QU’ILS DOIVENT TOUT ARRÊTER POUR S’ACHETER UN BUNKER.» Photo | Maxyme G. Delisle (Consulat) Assistant | Tom Berthelot Stylisme | Laurence Blais-Morisset Production | Vincent Boivent (Consulat)
8
SCÈNE
Emmanuel Schwartz
18
MUSIQUE
Elisapie Isaac
Les Louanges
30
CINÉMA
Pauline Julien, intime et politique La disparition des lucioles Cinéma moderne
42
ART DE VIVRE
Saké
Portrait de chef: Sabrina Lemay
48
LIVRES
James Hyndman Quelqu’un Zviane au Japon À son image Moi, ce que j’aime, c’est les monstres
54
ESPACE CRÉATION
Stéphanie Boulay et Julie Delporte
58
ARTS VISUELS
Alexander Calder
64
QUOI FAIRE CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Émilie Dubreuil (p16) Mickaël Bergeron (p28) Normand Baillargeon (p40) Catherine Genest (p62)
6 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O9
O9 / 2O18
THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
MOTS & PHOTO SIMON JODOIN
La vraie vie Il y a des banalités qui méritent d’être répétées. J’oserais même dire que dans ce flot constant de choses urgentes et très importantes où nous naviguons quotidiennement, la banalité prend de la valeur. J’y vais donc sans gêne et je vous pose la question à laquelle vous vous attendez. Ça va, vous? Vous passez un bel été, malgré ce parfum de fin du monde dans la météo caniculaire? On me souffle à l’oreille que c’est la rentrée. Le retour à la vie normale, avec le rythme de la semaine de cinq jours, l’école, le boulot, les obligations. On retient sa respiration et on plonge en espérant avoir assez d’air jusqu’aux fêtes. Les politiciens, qui sont ces jours-ci en campagne électorale, semblent avoir compris tout ça. J’espère que vous avez bien entendu ce qu’ils nous disent. On nous promet de «faciliter la vie des Québécois». Faire les lunchs pour les enfants serait devenu un «fardeau» qui est digne d’une intervention de l’État. D’autres nous disent qu’ils vont remettre de l’argent dans les poches des contribuables, ce qui serait un gage de liberté. Bref, nous manquons de temps, nous sommes au bout du rouleau et nous ne savons plus où donner de la tête.
En avril dernier, l’Institut de la statistique du Québec publiait dans son bulletin quelques chiffres à ce sujet. Selon les plus récentes données, 48% des Québécois de 15 ans et plus se sentent tendus en raison du manque de temps. Quatre personnes sur 10 n’ont pas l’impression de pouvoir terminer les tâches qu’elles souhaitent accomplir. La même proportion de la population avoue devoir réduire les heures de sommeil pour trouver un peu de temps dans leur horaire surchargé.
Mesurons bien le problème auquel nous faisons face. Comme je viens de vous le dire, près de la moitié de la population manque de temps. Ceux qui aspirent au pouvoir semblent au courant de la situation puisqu’ils nous promettent quelques dollars par-ci ou quelques minutes par-là pour passer plus de temps en famille ou avec nos proches. Des grenailles et des brindilles, pour le dire autrement.
Alors, donc, que je vous demandais, ça va, vous? Vous passez un bel été? Et la rentrée? Vous êtes prêts?
C’est pourtant tout notre rapport au travail, à la production et à la consommation que nous devrions de toute urgence remettre en question. Tout y passe. Ce rythme insoutenable de la vie quotidienne entraîne tout avec lui; éducation, santé, culture, information, vie sociale, il n’y a aucun aspect de nos vies qui ne s’effrite pas dans l’urgence.
J’ai passé une bonne partie du mois d’août à rouler lentement dans les rangs. Je songe à établir un record: prendre le plus de temps possible pour parcourir la plus courte distance entre deux points relativement rapprochés. C’est ainsi que je suis allé rouler pendant plusieurs heures entre Charette et Saint-Sévère, en Mauricie, question de ne rien voir du tout, sauf quelques granges. C’est d’ailleurs ma nouvelle passion, m’arrêter en chemin et observer les granges qui semblent abandonnées.
J’aime, l’été, observer les campeurs qui, pour quelques jours, se paient le luxe d’une certaine forme de retour à la vie primitive. Le père avec ses enfants qui enseigne l’art de faire un feu, c’est magnifique. En bermudas, avec le chapeau de soleil tout croche, il explique lentement l’art de tailler la branche pour enfiler une saucisse ou une guimauve qu’on fera cuire sans cérémonie. Si l’enfant l’échappe dans la cendre, il lui explique que ce n’est pas grave, qu’il ne faut pas en faire tout un plat. Du ketchup
Or, curieusement et inversement, seulement 17% de la population québécoise songe à lever le pied et à ralentir le rythme.
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sur le t-shirt? Qu’importe? Ce n’est pas important. On vit avec peu, on se débrouille, on joue aux cartes, on ne fait rien. On peut aussi remettre le même linge un peu sale quelques jours de suite. Qui s’en soucie? Ce serait gâcher le plaisir des vacances.
assez connement, de vivre une fausse vie? Est-ce dire que nous nous mentons? En échange de quoi, au juste, avons-nous accepté de vivre une vraie vie seulement quelques jours par année, et encore, si nous en avons les moyens?
Et on se dit que ça, vraiment, c’est la vraie vie!
À ceux qui nous promettent quelques breloques de temps et quelques sous usés, il faudrait peut-être bientôt répondre qu’on a un peu le sentiment de s’être fait baiser quelque part dans la grande aventure de la modernité.
La vraie vie… Ces trois mots résonnent dans un écho lointain à l’aube du retour à la normalité du calendrier. Serait-ce dire que dans le grand cycle de la vie quotidienne où repas, lavage, ménage, courses, travail et devoirs se bousculent, nous acceptons,
Qu’avons-nous fait du temps, au juste, pour ne plus en avoir?
Je vous avais prévenus, la banalité prend de la valeur. Ce qui est rare, parfois, vaut cher. Comme le temps pour ne rien faire. Mais qui, au monde, osera ne rien nous promettre, ne serait-ce que pour quelques minutes? Ça, ce serait de l’espoir. Allez. Bonne rentrée! y sjodoin@voir.ca
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VO3 #O9
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SCÈNE 9 VOIR MTL
VO3 #O9
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MEHDI BOUSAIDAN EN MISSION
L’HUMORISTE MEHDI BOUSAIDAN DÉSIRE SENSIBILISER LES GENS AUX ENJEUX INTERNATIONAUX DANS DEMAIN, UN PREMIER ONE-MAN-SHOW CRÉÉ DANS L’URGENCE DE DIRE ET D’AGIR.
MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTOS | MAXYME G. DELISLE (CONSULAT)
Contrairement à beaucoup de ses homologues de la relève, Mehdi Bousaidan a choisi de mettre de côté son matériel éprouvé pour la création de ce premier spectacle officiel, actuellement en rodage partout au Québec. «C’est pas un best of, je repars vraiment à zéro, assure-t-il. C’est un prof qui m’avait dit que l’important en humour, c’est l’urgence d’être sur scène, alors pour moi, ce show-là, il devait arriver maintenant. Je pouvais pas attendre cinq ans avant d’aborder ces enjeux-là, car la situation mondiale est inquiétante en ce moment. On doit faire un check point, regarder où on est rendus collectivement et comment on peut améliorer notre sort. Sinon, on s’en va dans rien de bon.» Du terrorisme à la guerre en Syrie, en passant par le conflit israélo-palestinien, le mouvement #metoo et la culture des armes à feu aux États-Unis, «ces enjeux-là» sont nombreux. Sans tomber dans la case de l’humoriste militant, l’Algérien d’origine utilise son expérience personnelle, notamment ses voyages et ses rencontres, pour commenter l’actualité. «J’ai dû trouver un équilibre, car même moi, un spectacle qui parle juste de politique, je trouve ça lourd. Souvent, je vais partir de ma base, de quelque
chose que j’ai vécu. Je vais faire 2-3 jokes là-dessus, sur un voyage en Italie par exemple, et après, j’embarque dans les questions politiques, comme la corruption. C’est pas mal ça, mon pattern, explique-t-il. J’ai déjà essayé d’écrire des numéros autrement, en partant d’autre chose que de mon expérience, mais c’était plus dur de développer, et il y avait le risque de tomber dans quelque chose de plus académique. Des fois, je vais même jusqu’à m’imposer un contexte pour avoir quelque chose à dire. Je pense à un numéro que j’avais sur les sports extrêmes, dans lequel je me questionnais sur les raisons qui poussaient les gens à frôler des montages avec des jumpsuits. Je sentais qu’il manquait quelque chose à mon récit, donc je suis allé sauter en parachute pour pouvoir comprendre le feeling. Après ça, je suis retourné écrire et j’ai élargi le numéro sur les gens qui sont à la recherche d’adrénaline. Je pouvais parler en connaissance de cause et m’amuser avec ça.» Jusqu’à maintenant, cette technique d’écriture fonctionne plutôt bien. L’accueil que reçoit Mehdi Bousaidan dans les petites salles des quatre coins de la province le convainc qu’il est dans la bonne direction. Il constate que les Québécois ont une curiosité et un intérêt marqué pour les enjeux dont
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10 il traite, même si les nouvelles internationales n’ont jamais occupé une place prépondérante dans l’actualité de la province. «Les gens sont très ouverts à entendre parler de ça, mais à mon avis, c’est juste normal qu’ils n’aient pas envie de s’informer sur la situation géopolitique en Irak chaque matin, nuance-t-il. Je pense aussi que ce qui m’aide à faire passer mon message, c’est que je suis optimiste. Découragé parfois – comme quand je réalise qu’il y a eu près d’une tuerie par semaine dans les écoles aux États-Unis depuis le début de l’année –, mais généralement optimiste. J’aime l’idée d’aller sur scène et de faire part de mes solutions, aussi extrê mes et absurdes soient-elles parfois. Je veux donner un peu d’espoir aux gens et, surtout, éviter qu’ils partent du show en se disant qu’ils doivent tout arrêter pour s’acheter un bunker.»
«J’AI DÛ TROUVER UN ÉQUILIBRE, CAR MÊME MOI, UN SPECTACLE QUI PARLE JUSTE DE POLITIQUE, JE TROUVE ÇA LOURD.»
L’importance d’improviser L’essence de ce spectacle passe d’ailleurs par la connexion entre Bousaidan et son public. Comme beaucoup de ses compères du milieu humoristique, le Montréalais se sert de son expérience dans les ligues d’improvisation pour parfaire certains numéros de son spectacle. Actuellement, Demain est constitué de 50 minutes de nouveau matériel et d’autant de minutes de «vieux numéros patchés». D’ici la première en avril 2019, le spectacle sera
entièrement composé de matériel inédit. «Les improvisations que je fais sur scène nourrissent mon spectacle. C’est le dialogue avec le public qui me permet d’avancer. Récemment, j’avais un numéro qui parlait d’un voyage au Japon et je trouvais qu’il manquait d’interactions. J’ai posé des questions aux gens, et ç’a donné lieu à des séquences vraiment drôle, notamment un spectateur qui m’a parlé de son expérience au mont
> Fuji. J’ai réécouté ce bout-là et, rendu chez nous, j’ai cherché un peu d’infos sur l’histoire du mont en question. J’ai complété mon numéro comme ça.» Question de garder sa spontanéité intacte, l’humo riste s’assure aussi de ne pas trop scénariser ses numéros, préférant s’en remettre à une suite de motsclés schématique. «Écrire un numéro en prose, c’est comme le locker de façon permanente, et je n’aime pas avoir l’air de réciter quelque chose par cœur. Ce que j’aime en humour, c’est qu’on sente pas l’écri ture. J’aime que la personne jase avec son public sur scène. Ça crée un lien unique, plus chaleureux.» Surtout, cette aisance à improviser lui permet de ne jamais refaire le même spectacle. Pour un gars qui avoue «se tanner vite de tout», cette habileté demeure essentielle à l’essence même de ce métier d’humoriste, qu’il a choisi au cégep après s’être rendu compte que «l’impro n’était pas vraiment rentable». «Les Japonais disent que la perfection est seule ment atteinte avec la répétition, mais moi, je pré fère constamment essayer des nouvelles affaires sans que ce soit parfait», proclame-t-il, avant de faire un parallèle avec son enfance. «Quand je suis arrivé au Canada à l’âge de cinq ans, on a déménagé chaque année pendant presque une décennie. Je vivais un déracinement constant avec une nouvelle école, un nouvel appart, de nouveaux amis... Autant que ça m’a amené à être super efficace socialement, autant que ça me rend la vie difficile à plein d’autres niveaux, notamment en couple. Après un an, c’est comme si j’attendais de découvrir mon nouveau milieu de vie. Ça m’amène donc à tout renouveler, et c’est sans doute pour ça que j’ai choisi de faire un tout nouveau show plutôt que de continuer à tourner mon vieux stock.» Cette enfance instable, voire fugitive, a également forgé le caractère de l’humoriste de 26 ans. Au lieu d’attendre qu’un producteur quelconque le découvre, Bousaidan a pris les choses en main, en prenant d’assaut les scènes des bars dès son entrée à l’École nationale de l’humour, en 2011. Conscient du nombre limité de plateformes pour se faire entendre, il a amorcé sa propre soirée d’humour à L’abreuvoir en 2013, puis s’est officiellement lancé avec un premier 60 minutes en solo au Zoofest l’année suivante, fraîchement diplômé de l’ENH. Plus récemment, sa tournée panquébécoise aux côtés de Julien Lacroix lui a permis de se faire connaître au-delà de la région métropolitaine, à l’instar de son expérience à la télé dans les émis sions Med et Code F à VRAK ainsi qu’au cinéma dans De père en flic 2. Cette polyvalence a grandement contribué à son ascension rapide dans le milieu compétitif de la relève. «On est loin de l’époque où tu pouvais faire ton one-man-show pis être juste bon là-dedans. La plupart de mes amis humoristes
ont des projets télé ou cinéma et ils ont tous déjà fait de la vidéo ou du montage. On ne peut plus se contenter de faire juste une chose. Moi, idéalement, je ferais un show par année et, après, je partirais sur un autre trip. Je n’ai pas cette mégalomanie de l’humoriste superstar. Je veux juste faire assez d’argent pour être heureux.» Ambitieux, il désire maintenant ouvrir ses horizons au reste de la francophonie. Ses passages sur scène en Belgique et en France, notamment au Comedy Club du populaire humoriste Jamel Debbouze, ont été plutôt fructueux. «Tous les shows que je fais ici, je veux les faire là-bas. C’est assez simple: tu changes quelques mots, tu adaptes quelques références et le monde est à toi. Je vise pas juste l’Europe, mais aussi des pays de l’Afrique francophone comme ceux du Maghreb. Pour moi, aller là-bas, c’est pareil comme un autre changement d’appart à Montréal. Le bail est fini, on change de place.» y Demain en rodage: Le 21 septembre À la Petite Église de Saint-Eustache Le 4 octobre Au Théâtre Desjardins de LaSalle Le 3 octobre au Centre d’art La Chapelle Le 8 décembre à l’Anglicane Première de Demain: Le 2 avril 2019 À la Cinquième Salle de la Place des Arts
ATHLÈTE DE LA SCÈNE ON PEUT VOIR SA GRANDE STATURE ET ENTENDRE SA VOIX GRAVE SUR DE NOMBREUSES SCÈNES ET À L’ÉCRAN. APRÈS AVOIR FAIT SENSATION AVEC SON SOLO D’ALEXANDRE LE GRAND AU PRINTEMPS DERNIER, EMMANUEL SCHWARTZ REVIENT DANS LE RÔLE DE VOLTAIRE. ENTRETIEN AVEC UN JEUNE COMÉDIEN QUI A DÉCIDÉMENT FAIT SA PLACE DANS LE MÉTIER. MOTS | MARIE PÂRIS
PHOTO | ANTOINE BORDELEAU
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Voir: Le théâtre, ç’a toujours fait partie de ta vie? Emmanuel Schwartz: Je suis né là-dedans. C’était ce qui m’intéressait et j’y démontrais des aptitudes. J’ai toujours senti que j’allais faire ça; le cliché de l’enfant qui danse en spectacle devant sa famille, c’est moi. Quand j’ai voulu tenter le football ou n’importe quoi d’autre, l’ordre du monde m’indiquait que c’était pas fait pour moi! C’est aussi cette nécessité qui nous représente, nous, les passionnés: je pourrais pas faire autre chose, mentalement et sûrement pas physiquement. C’est mon lot – un très beau lot, faut dire. Puis il y a eu la compagnie Abé Carré Cé Carré, que tu as codirigée avec Wajdi Mouawad en 2005… C’était une chance de découvrir les coulisses de productions importantes, mais qui conservaient la légitimité artistique d’un théâtre de création et de recherche. Une chance de témoigner de ça, de rencontrer Wajdi et d’assister à son processus, et en même temps de comprendre les rouages économiques d’une compagnie. On désapprend et on réapprend tout quand on fait de grandes rencontres comme ça. Ça t’octroie le droit de réfléchir autrement, de rêver à autre chose... J’avais 22 ans quand j’ai rencontré Wajdi, 29 quand j’ai quitté la compagnie; j’étais plus la même personne. Ç’a été une deuxième école. Écris-tu et composes-tu toujours, en plus du théâtre? Oui, j’ai encore un projet de roman; plusieurs même. À mesure que la vie avance, on amasse encore plus d’histoires... J’écris surtout du théâtre, pour me reposer, pour le plaisir; pour prendre un break, j’écris une scène. J’ai aussi un projet de rap électro avec Tomas Furey. À cause de nos métiers respectifs, on est encore sur ce projet qu’on avait annoncé en 2016. Je me demande combien de fois je vais en parler en entrevue avant que ça arrive! Mais je compose toujours de mon côté et j’enregistre des petites choses. J’ai aussi envie de faire des films en anglais; travailler dans mon autre langue me manque. J’aimerais bien aller à Londres, ou m’installer un moment à Toronto ou Vancouver, où il y a aussi une grosse industrie du cinéma. C’est plus comme c’était, quand on avait besoin d’être serveur à Los Angeles pendant 10 ans. Il y a encore des gens là-bas avec le rêve de jouer, mais je pense que ça passe aussi par d’autres chemins. Nos films sont nos cartes de visite. Et ça, ça voyage. Difficile de gérer tous ces projets simultanément? Ça fait cinq ans que j’ai plus d’agent d’artiste. Étonnamment, je travaille plus. C’est un choix, mais je commence à trouver le temps long le matin quand j’ai besoin de faire des horaires – c’est environ une heure de bureau par jour pour être capable de faire fonctionner du théâtre avec de la télévision et du cinéma. Et tout le monde est de moins en moins tolérant. Ça arrive souvent que ça se court-circuite...
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> L’économie a tellement pris un rôle conducteur dans notre milieu que c’est parfois compliqué d’avoir l’impression qu’on fait ce métier pour les mêmes raisons qu’au début. Pour vivre, faudrait que je fasse quatre pièces par an. Et dans ce temps-là, tu te dis: «Oui, je vais faire cette pub qui paye bien parce que j’ai besoin d’avoir une relâche.» Mais je suis quand même fier d’avoir eu les moyens de dire souvent non à de la publicité… Je ne critique pas ceux qui le font, je critique l’avarice de ce métier. Comédien, acteur, musicien, réalisateur… Qu’est-ce qui te définit le mieux? Je gagne ma vie en jouant des textes sur scène. C’est mon premier métier. Puis ma recherche d’approfondissement de cette discipline m’a mené à des découvertes incro yables, comme la littérature, la mise en scène, la réalisa tion, l’écriture scénaristique… Comment travailles-tu un film versus une pièce de théâtre? C’est un geste athlétique différent, ça dépend quelle discipline tu joues. L’approche sensitive est à son paroxysme au cinéma, tandis que l’approche physique est à son paroxysme au théâtre. Là, il faut déployer de
l’énergie, donner du son, accrocher l’œil du spectateur. Le cinéma, c’est un autre médium et les outils à utiliser sont différents. Comment se servir de son intériorité en étant dans le déploiement vocal ou l’ampleur, ou comment avoir de la grandeur quand on joue tout petit? Ce sont des défis propres à chaque forme. Mais je me découvre un amour pour le jeu du cinéma que je ne soupçonnais pas. Le jeu au théâtre est un sport, celui à la caméra est une mise en état. Je pense à Kubrick, qui faisait répéter une scène jusqu’à ce que les acteurs soient vraiment fatigués, pour voir ce qui allait sortir… Ce sont des processus qui m’intéressent beaucoup, par leur transdisciplinarité. Où en est le théâtre québécois aujourd’hui, selon toi? Je pense qu’on arrive à quelque chose. Y a quelques années, j’avais peur d’un mouvement trop important du privé, un envahissement avec l’avènement du Quartier des spectacles. Je le vois différemment maintenant. J’accepte la mouvance dans laquelle on est. Y a des choses importantes qui sont dites, et on est dans un endroit privilégié pour pouvoir parler et échanger. Il se passe ici en ce moment des discussions qu’il n’y a pas ailleurs dans le monde.
Peux-tu nous en dire plus sur ton personnage de Voltaire, dans Candide? En ces temps où on cherche à se redéfinir, on se tourne vers les grandes figures. C’est une pièce très contemporaine; la volonté de la metteure en scène Alice (Ronfard), c’est que ça ressemble plus à un concert des Rolling Stones! Être dans la délinquance de cette pensée, dans le plaisir de la philosophie, de la pensée et de la parole... Et je trouve ça très actuel. On peut débattre de la nature de Dieu, de l’esclavage ou de la souffrance dans un contexte protégé, où il n’y a pas de connotation historique. On te voit souvent dans des personnages extrêmes, très énervés. Ce sont des rôles que tu recherches? Plus jeune, c’est ce que je voulais montrer. C’est ce qui m’inspirait, ce à quoi je voulais correspondre. Toutes les occasions étaient bonnes pour déployer ce type d’énergie là. C’est le modèle sur lequel je me suis construit en tant qu’artiste. Pour qu’il y ait de la fiction, il faut des éléments perturbateurs, du drama, des personnages désaxés – sur lesquels se construit notre dramaturgie. Moi, je suis très grand, on sait tout le temps où je suis rendu sur la scène: je peux très bien jouer le rôle de ce catalyseur et je sais que ça me va bien. C’est sûr que j’aimerais aussi jouer tous les rôles d’Anthony Hopkins ou Morgan Freeman… Dernièrement, j’ai été très touché par le personnage d’Hopkins dans West World. Je me vois aussi très bien dans le personnage de l’inventeur fou de Retour vers le futur… Mais ça, c’est une autre histoire. Maintenant, je me sens prêt à aborder des personnages plus calmes, qui n’ont pas besoin d’être dans un grand déploiement énergétique pour toucher. À mesure que ma confiance se confirme, ce besoin fantaisiste d’être dans la brillance et l’éclat est moins nécessaire. Je suis plutôt intéressé par des zones d’ombre qui ne relèvent pas de la folie juvénile ou de l’instabilité.
Vous vivrez une expérience inoubliable!
Je vais jouer prochainement une version de Deleuze, et ça m’intéresse beaucoup. Pour Voltaire, je sais comment je l’aurais abordé y a 10 ans, et c’est très différent de ce qu’on fait aujourd’hui: la simplicité apparaît comme une solution, non comme quelque chose qu’on doit dépasser pour trouver la pertinence. Ce type de personnages d’intellectuels m’intéresse. On dirait que tu entres dans un virage professionnel… J’ai l’impression que je vais aller chercher plus du côté de l’écriture et de la mise en scène. J’ai envie d’investiguer, de chercher quel autre type de fiction on peut créer. Je me questionne sur la nature même de la fiction. Qu’est-ce qu’il y a d’autre dans la manière de se divertir? Est-ce possible de s’intéresser, de faire passer le temps autrement? Est-ce qu’une génération future pourrait ne pas conditionner son schème social en regardant une suite de désastres? Je veux incarner, écrire ou produire des œuvres qui cherchent à créer un équilibre entre cette impression de désenchantement, de bouleversement, et une volonté vague et indéfinie de faire du bien. Y a quelque chose de nouveau qui doit être inventé… y Candide Au Théâtre du Nouveau Monde Du 11 septembre au 6 octobre
1550, rue Fullum, Montréal 514 524 4442 www.lepetitbistro.ca
16 CHRONIQUE VOIR MTL
VO3 #O9
O9 / 2O18
SALE TEMPS POUR SORTIR
PAR ÉMILIE DUBREUIL
Voir un ami pleurer La petite fille souriante, 6 ou 7 ans, s’est arrêtée devant moi avec sa crème glacée. Sa mère discutait avec une amie et, avec mon regard posé dans le vague, je devais lui sembler une interlocutrice idéale. — C’est quoi, toi, ta chanson préférée? Sans réfléchir, j’ai répondu: Voir un ami pleurer. — Mais c’est pas une chanson, ça, m’a répondu la petite, en fronçant légèrement les sourcils avec le sérieux des enfants de cet âge-là. — Alors, toi, c’est quoi ta chanson préférée? — On va s’aimer! m’a-t-elle dit. J’ai sursauté et fredonné la chanson de Martine St-Clair. Non, ce n’était pas de celle-là qu’elle parlait. Elle a chanté celle à laquelle elle faisait référence, puis s’est arrêtée net. — Tu as un ami qui pleure. Il est où? — Il n’est pas loin, dans ma tête… — Dans ta tête? La maman est arrivée. Elle a récupéré Lili et sa crème glacée. Elles sont parties sur le trottoir. La petite s’est retournée pour m’envoyer la main.
Bien sûr, il y a les guerres d’Irlande Et les peuplades sans musique Bien sûr, tout ce manque de tendre Il n’y a plus d’Amérique Bien sûr, l’argent n’a pas d’odeur Mais pas d’odeur vous monte au nez Bien sûr, on marche sur les fleurs Mais, mais voir un ami pleurer... Tout d’un coup, j’ai eu envie de faire revenir la petite fille et de lui chanter cette chanson de Brel, lui expliquer à quel point ce long poème dit à peu près tout ce qu’il y a à dire sur quelques accords en mineur. Bien sûr tout. Bien sûr, il y a les grands enjeux, les guerres, les réfugiés, les dictateurs, les corrompus. Bien sûr, un manque de projet de société et bien sûr, il y a nos propres vies imparfaites, nos amours qui ne nous fournissent pas toujours le bonheur rose et dodu qu’on lui demande, bien sûr. Mais voir un ami pleurer Bien sûr, ces villes épuisées Par ces enfants de 50 ans Notre impuissance à les aider Et nos amours qui ont mal aux dents Bien sûr, le temps qui va trop vite Ces métros remplis de noyés La vérité qui nous évite Mais, mais voir un ami pleurer...
Bien sûr, la job qui consomme et consume nos jours à la vitesse de l’éclair et qui fait que le temps passe tout droit et nous donne parfois l’impression que notre vie se déroule entre parenthèses, en attendant d’avoir le temps de vivre un peu comme si elle était ailleurs, nos compagnons d’armes qui courent toute la journée, métro, dodo, deadline, cours de judo, cours de yoga, etc. Bien sûr, nos miroirs sont intègres… Bien sûr, tous ces mensonges que nous nous racontons à nous-mêmes, ces névroses que l’on refuse de voir, ces trucs toxiques que l’on ne change pas. Et tous ces hommes qui sont nos frères Tellement qu’on est plus étonnés Que par amour ils nous lacèrent Mais voir un ami pleurer… La petite fille avait disparu depuis longtemps de mon champ de vision et je venais de lui faire cette petite leçon imaginaire en déclinant par cœur ces strophes que j’ai fini par assimiler à force d’écouter en boucle ce texte, adolescente, sur la vieille table tournante de mes parents. Cette chanson me bouleversait à un âge tendre. Je ne l’écoute que rarement aujourd’hui. J’ai moins de temps pour goûter la nostalgie et me mettre sciemment
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17 l’humeur au bleu. Mais spontanément, quand la petite fille m’a demandé ça – c’est quoi ta chanson préférée? –, mon inconscient s’est mis en mineur. Sans doute un peu parce que je m’étais arrêtée au café de retour de chez elle. J’avais pris une petite heure de ma vie. Je lui avais dit que je serais là à 16h. J’ai déboulé dans son salon en retard, 16h30: «Excuse-moi, il y avait du trafic.» Alors qu’elle me racontait sa rage de dents venue s’ajouter aux douleurs engendrées par son genou foutu, mon téléphone vibrait de messages vers lesquels mon regard se détournait par réflexe. Elle m’a dit, sans emphase: «J’en ai assez de souffrir, c’est trop dur, je n’en peux plus, je suis fatiguée, je n’ai plus la force.» Elle s’est mise à pleurer doucement. De grosses larmes perceptibles sur ses joues. Je lui ai tenu la main. Discrètement, j’ai fermé le téléphone, laissant de côté les
«MÊME SI ON EXPOSE À PEU PRÈS TOUS LES PETITS ÉVÉNEMENTS DE NOS VIES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, ON SE CACHE POUR PLEURER.» guerres d’Irlande, les peuplades sans musique, notre société sans projets ni rêves, mes miroirs intègres et le temps qui va trop vite et je l’ai regardée pleurer en silence, car il n’y a surtout rien à dire ni
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rien à faire quand on voit un ami pleurer, il faut se taire et s’oublier. Se taire, se taire, se taire, ta yeule et faire face à la fragilité devant laquelle on devient si con, si plein de conseils inutiles. Je lui ai tendu un mouchoir. Elle s’est ressaisie. Je lui ai dit des conneries du genre: «Un jour à la fois, ça va s’arranger, tu vas t’en sortir, ça va aller mieux demain.» Elle a souri pour me rassurer: «Ça va, t’inquiète pas. J’irai mieux demain. Vas-y, je sais que t’es dans le jus.» J’ai fait semblant d’y croire et je suis partie. Plus tard, assise au café, les yeux dans le vague quand la petite fille m’a questionnée, je l’entendais pleurer dans ma tête, persuadée qu’elle avait attendu mon départ pour pleurer vraiment, lâcher la digue. Car le plus souvent, même si on expose à peu près tous les petits événements de nos vies sur les réseaux sociaux, on se cache pour pleurer. y
NOUVELLES EXPÉRIENCES MUSICALES
�3 OCT
CHANCES �3 NOV
JACQUES JACOBUS �8 JANV
MIEN �6 FÉV
LE COULEUR �0 MAI
THUS OWLS
+
ÉVÉNEMENT SURPRISE
MUSIQUE 19 VOIR MTL
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LE VENT TOURNE APRÈS UNE LONGUE DÉPRESSION, L’AUTEURE-COMPOSITRICE-INTERPRÈTE ELISAPIE ÉTALE LE FRUIT DE SON INTROSPECTION SUR THE BALLAD OF THE RUNAWAY GIRL, UN TROISIÈME ALBUM SOLO À LA FACTURE FOLK BRUTE. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
Les cinq dernières années ont été mouvementées pour Elisapie Isaac. Un moment euphorique, l’accouchement d’un deuxième enfant, s’est rapidement transformé en dépression post-partum. La chanteuse inuk venait alors de frapper un mur. «La vie a basculé au moment où ça aurait pas dû. J’avais une maison, un chum, deux enfants... Tout allait bien. Mais curieusement, j’ai commencé à me poser des questions. Maintenant que j’avais trouvé mon nid et ma famille, qu’est-ce qui m’attendait? Comment on fait pour vivre normalement? J’ai tellement fui dans ma vie que, là, la stabilité me faisait peur», confie l’artiste de 41 ans. «Quand t’es une mère de famille et que tu vis des choses aussi profondes et lourdes que ça, tu te dis que c’est impossible, que tu peux pas, que tu dois toujours bien aller.» Proactive malgré tout, Elisapie a alors entamé une longue et exigeante introspection. Adoptée à la naissance par une famille voisine de son village nordique Salluit, l’artiste a compris que ce déracinement initial avait eu un impact sur sa personnalité, à l’instar de celui qui l’a poussée à venir s’installer à Montréal au début de sa vingtaine. De là le nom de l’album, qui fait écho à cette fuite permanente. «J’ai réalisé que j’ai constamment essayé de survivre dans un environnement qui n’était pas le mien. Quand j’étais petite, je voulais plaire, m’adapter à tout le monde. Un peu comme un réflexe de survie. J’ai toujours pensé que c’était une force que j’avais, mais durant ma dépression, j’ai découvert qu’à force de faire attention à tout le monde, j’avais jamais pris soin de moi… J’avais jamais été vraie avec moi-même.» Au plus bas, la chanteuse a composé Ikajunga, touchante chanson qui, malgré son contexte de création difficile, a donné le ton à l’album. «Je pleurais devant le sapin de Noël mort et j’ai pris ma guitare. Je faisais juste pleurer et m’excuser. C’est là que j’ai senti que j’avais besoin d’aide.»
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«NOTRE CULTURE, C’EST DE TRANSFORMER LES CHOSES QUI NOUS TOMBENT SOUS LA MAIN. ON A CETTE FORCE-LÀ EN NOUS.» L’aveu a ensuite laissé place à la quête intérieure. Sur Una, Elisapie touche le cœur du problème et aborde la blessure qu’elle a vécue lorsque sa mère biologique l’a donnée en adoption. «J’ai réalisé que je me sentais coupable depuis ma naissance, car c’est à ce moment-là que j’ai vécu ma première grande peine d’amour. J’ai essayé de comprendre comment ma mère avait vécu ça, alors que moi, je vivais un amour intense et extraordinaire avec mes enfants. C’était pas d’une petite thérapie que j’avais besoin, mais bien d’un retour sur moimême à partir de la naissance. Una témoigne en partie de ce processus-là et, à la fin, il y a comme une rédemption.» Cette rédemption a pris son élan dans le Nord québécois. Au lieu d’y aller seulement une fois par année, comme elle le faisait en moyenne depuis son exil, Elisapie a accepté toutes les offres de séjours que ses proches de Salluit lui ont proposées. «C’est vraiment ça qui m’a sauvée, car je m’ennuyais profondément du territoire, de l’horizon, du rythme du Nord. Chez nous, on se donne des rendez-vous, mais sans jamais se fixer d’heure. On se dit: “On se voit tantôt!” Avec les drames rapportés dans les médias, on a souvent l’impression que tout va mal chez nous, mais il y a une belle résilience là-bas. On se ramasse avec de la merde, mais on fait du ménage et on trouve des trésors. Notre culture, c’est de transformer les choses qui nous tombent sous la main. On a cette force-là en nous.» Ressourcée, Elisapie a donné l’impulsion nécessaire à ses chansons en faisant appel à Joe Grass, guitariste, chanteur, compositeur et arrangeur qui a fait sa marque avec Patrick Watson, The Barr Brothers et, plus récemment, Klaus. «Je savais qu’il avait une sensibilité pour le blues et le folk, et c’est vraiment là que je voulais aller. Mon deuxième album était très pop et, là, mon instinct me disait d’aller ailleurs. Comme si le vent tournait et qu’un autre cycle commençait.» Surtout, la Montréalaise désirait habiller ses chansons de façon crue et dépouillée pour en laisser davantage ressortir l’émotion. Les affinités étaient donc naturelles avec un musicien à la démarche sobre et impulsive comme Grass. «Joe, c’est une
espèce d’animal très adorable, mais qui agit de façon brute quand c’est le temps de créer. Quand tu entres en studio avec lui, il ne perd pas de temps à essayer de te mettre à l’aise. Il commence tout de suite à jouer. Au début, j’étais nerveuse, j’avais pas confiance en moi, mais après un week-end avec lui et Nicolas Basque (de Plants and Animals), j’ai compris ce qui m’attendait. Ça m’a donné du guts. J’avais besoin de vivre ça.» Marqué par une complicité musicale vivifiante, The Ballad of the Runaway Girl n’est donc pas l’album morne qu’il aurait pu être. «Oui, il y a un peu de darkness, mais il y a surtout un équilibre. C’est pas un voyage vers Walt Disney ni vers l’enfer, c’est plus une route avec de la gravelle et, parfois, avec un super beau coucher de soleil.» y The Ballad of the Runaway Girl (Bonsound) En magasin le 14 septembre Le 27 septembre au Monument-National
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LANCER LES DÉS VINCENT ROBERGE DONNE DANS LE JAZZ À ASCENDANCE RAP – OU SERAIT-CE LE CONTRAIRE? –, TAPISSE SES COMPOSITIONS DE GUITARES BASSES FUNK, DE CHANT R&B. UNE PROPOSITION EXTRÊMEMENT RICHE ET IMPOSSIBLE À ÉTIQUETER, POSSIBLEMENT LE MEILLEUR DISQUE QUÉBÉCOIS DE LA RENTRÉE. MOTS | CATHERINE GENEST
PHOTOS | JEAN-FRANÇOIS SAUVÉ
Rendez-vous rue Masson, un grand bâtiment bleu et blanc, des entrepôts d’une redoutable discrétion. C’est là, entre des locaux d’ébénisterie et ceux de deux ou trois traiteurs, que celui qu’on appelle Les Louanges s’est affairé à enregistrer ses compositions. Un studio autour duquel gravite notamment Félix Petit (Oblique), coréalisateur de l’offrande et saxophoniste, de même qu’un certain Jérôme Beaulieu, un pianiste de renom, faut-il le préciser, poids lourd de la nouvelle scène jazz québécoise, qui s’est prêté à une improvisation pour les besoins de l’album. Un solo charcuté, passé au scalpel, qu’on entend dans le mix final de Tercel. «On l’a fait jammer sur la toune parce que je trouvais que mes accords étaient assez simples, parce que je voulais éviter que ça sonne trop pop. [...] On lui a demandé de jouer comme s’il n’y avait pas de lendemain et on a coupé 90% de ce qu’il a fait pour garder juste des petits bouts. Moi, ça me permettait de fucker un peu l’harmonie, de donner un texte différent et même de partir d’un beat trap.»
collab Canada-France!” Bon, après, c’était pas Booba. C’était des up-and-coming un peu comme moi, du même niveau un peu. Je me suis aussi fait envoyer full messages du genre: “Hé! c’est qui qui fait tes prods?” Mais… c’est comme moi un peu.»
Tercel, c’est un hommage à Lévis, c’est le retour au bercail d’un Montréalais d’adoption qui ressasse ses souvenirs. Cette dernière L2 (on dit «une bus»!) qu’on manque à la nuit tombée, le chantier Davie, la poly. Des références truculentes que seuls les vrais Rive-Sudois captent, des lignes livrées dans un phrasé hip-hop sur des rythmes syncopés. «Je suis pas tout à fait un rappeur, pas encore du moins. [...] Mais, t’sais, j’ai quand même été mis sur la playlist Rap québ de Spotify. À partir de cette toune-là, j’ai aussi reçu des messages de gars en France, des gros gars qui fument des backwoods avec des chicks dans leurs clips, et ils étaient comme: “On est très chauds, on fait une
Manger ses croûtes
Malgré des études en guitare jazz, Vincent Roberge préconise, de son propre aveu, une démarche de producteur. «Pendant un an, j’ai arrêté de jouer de la guit. J’ai joué du clavier midi et de la basse, une vieille basse toute défaite.» La charpente de ses pièces est la plupart du temps construite devant l’ordi, en solitaire, et bonifiée d’instruments de synthèse et d’échantillonnages sonores comme les roues d’un skate qui foulent l’asphalte. Chaque morceau est l’objet de réécritures, de moult réarrangements, avant d’être scellé dans le marbre. «Je ne suis pas le gars avec la meilleure puissance technique, admettons, comme instrumentiste. Mais, composer de la musique, j’ai juste fait ça en sortant de l’école. J’ai travaillé sur mon goût, si je peux dire ça comme ça.»
Il y a ceux qui puisent à même leurs archives personnelles, qui rescapent les chansons de leurs 18 ans en vue de leur premier album, puis il y a les musiciens qui, comme Vincent, osent faire table rase. Depuis son passage à Granby et son EP étonnamment rock enregistré au Pantoum à Québec, il s’est offert un cours en littérature à l’université, le temps d’affûter sa plume. La nuit est une panthère se pare de paroles autobiographiques écrites dans un franglais assumé, résolument naturel et en phase avec
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CANDIDE OU L’OPTIMISME UNE CRÉATION POUR LA SCÈNE DE
PIERRE YVES LEMIEUX —
D’APRÈS LE ROMAN DE
AVEC
MISE EN SCÈNE ALICE RONFARD
assistance à la mise en scène
VOLTAIRE TNM rix p t u o t À – Bill
arifs a e ts à t
bordab
le s –
Valérie Blais Patrice Coquereau Larissa Corriveau Benoît Drouin-Germain Emmanuel Schwartz Claude Lemelin
UN CONTE LUDIQUE ET FANTAISISTE… DÈS LE 11 SEPTEMBRE
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AUTHENTIQUE. INCONTOURNABLE. L’UNIQUE BISTRO DU VIEUX-PORT DEPUIS 1984.
sa parlure de tous les jours. Tercel est un clin d’œil au hood alors que Wescott, par exemple, lève le voile sur son ancienne jobine alimentaire, sa clé à molette et ses bottes à cap d’acier. «Je travaillais en technique de scène, mais comme machiniste parce que j’ai pas de formation. J’ai joué aux FrancoFolies l’été passé et j’ai monté mon propre stage. Avant d’être bien habillé sur mon stage, j’ai d’abord eu l’air d’un itinérant.» Sur Romains, la douzième plage, l’auteur nous amène là où on l’attendait le moins, paraphrasant au passage ce cher Éric Duhaime. Une référence à son intervention radiophonique au lendemain des viols en série aux résidences de l’Université Laval. Barre tes portes de char Tu veux pas qu’on te vole Baisse un peu ta robe Tu veux pas qu’on te [...] Vincent Roberge aurait pu se contenter d’un album instrumental; sa voix, ses mots ne sont que la cerise sur son complexe sundae. Or, tant qu’à prendre parole, il a osé, au passage, dénoncer la culture du viol. La polarisation des débats, aussi, les coups de gueule qui pullulent sur les réseaux sociaux et la propagation des positions purulentes. Et si la musique, le temps d’un disque, pouvait mettre fin au vacarme? y La nuit est une panthère (Bonsound) En vente le 21 septembre Jeudi 20 septembre au Ministère
4 1 8 .6 9 2.1299 echaude.com 73, rue S ault-au-Mate lo t, V ieu x-Port, Qué be c
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À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL
CHRISTINE AND THE QUEENS CHRIS
(Because Music) HHHH
À l’instar d’Abba et de Petula Clark, Héloïse Letissier adapte son propre matériel pour courtiser les contrées étrangères. Une mise en marché qui étonne à l’ère des plateformes d’écoute en continu, mais qui cadre merveilleusement avec l’esthétique surannée de cette seconde offrande. Si la musicienne, dans l’intro de la plage 1 (Comme si on s’aimait), cite directement Everybody des Backstreet Boys, elle collectionne un amas de motifs sonores éclectiques comme des chuchotements façon Mylène Farmer (le bridge de Follarse), les riffs funky de Prince (Le G) et le phrasé de Michael Jackson (Goya! Soda!), où elle compare d’ailleurs ses 17 ans à une toile du grand maître espagnol Francisco de Goya. On pense également à La Roux côté instrumentation, à une Céline Dion du cycle D’eux pour la voix comme à mi-chemin entre chanson et R&B. C’est diablement bien produit, écrit dans la prose vaporeuse qu’on lui connaît, et la chanteuse s’y révèle pas mal plus mordante, voire théâtrale, dans ses interprétations. (C. Genest)
LA FORCE LA FORCE
MYSTERY LIES AND BUTTERFLIES
(Arts & Crafts) HHHH
(Unicorn Digital) HHH 1/2
Ariel Engle est l’une des chanteuses de l’important groupe alt-rock canadien Broken Social Scene et a déjà accompagné Feist. Sur ce premier album sous le nom La Force, on sent dans les élans que la fibre artistique qui l’alimente est de la même famille que ses autres projets, mais elle vole bel et bien de ses propres ailes ici, et de façon plutôt admirable en explorant toutes sortes d’énergies. En empruntant son nom de scène à la carte de tarot qui représente le courage et la force chez la femme, l’artiste a trouvé un filon intéressant et les textes s’avèrent être de belles réflexions sur l’identité et la féminité. On ressent quelque chose de très puissant lorsqu’on entre tête première dans son beau tourbillon. (V. Thérien)
Bien que ce soit le huitième album de ce groupe montréalais qui est l’un des plus populaires du genre en Europe, le rock progressif de la formation menée par le guitariste Michel St-Père demeure bizarrement un secret pour le public d’ici. Lancé en grande pompe au Night of the Prog Festival de Loreley, en Allemagne, ce nouvel opus fait autant de place au chant de Jean Pageau qu’à la guitare du leader, dont la musique aux accents grandiloquents et aux ambitions symphoniques est produite avec grand soin. Peut-être qu’une chanson en français leur ouvrirait enfin les portes de cet autre «mystère Québec», mais en attendant d’être prophète en son pays, le groupe profite amplement du plaisir d’aller se faire voir ailleurs. (R. Beaucage)
GRANDMILLY & SHOZAE ADVENTURELAND
MISSES SATCHMO VIAN DANS LES DENTS
(Stones Throw) HHH 1/2
(Disques Bros) HH 1/2
Le duo new-yorkais Grandmilly & Shozae (respectivement MC et beatmaker) arrive avec un premier long jeu qui met de l’avant les qualités individuelles de ses deux membres et arrive à les sublimer dans un ensemble cohérent. Évitant les codes quasi omniprésents du trap, Adventureland écarte les trilles de hi-hats et les flows en triolets pour adopter une esthétique plus old school, teintée par endroits de références à la beat scene angeline. Du côté des textes, on est ici franchement ancré dans les rues de Long Island et leurs problèmes sociaux, le tout porté par la plume incisive de l’inventif Grandmilly. Cet album initiateur, extrêmement bien ficelé, saura certainement mettre les deux artistes sur le radar de nombreux amateurs de hip-hop. (A. Bordeleau)
C’est encore et toujours une bonne idée de monter un programme avec quelques-uns des hits de Boris Vian. Cette version du quintette montréalais, où batterie, contrebasse, guitare et sax accompagnent une chanteuse qui est aussi trompettiste, est pleine de bonnes intentions, mais ça se gâche un peu dans la livraison des textes. Ce n’est pas tant la voix, mais quelques problèmes de prosodie, ou de rythme, et, surtout, cette liberté que prend Lysandre Champagne de changer certains textes, comme si Vian s’était trompé... Oui, on fait «toutes» La chasse à l’homme (pas «tous»), et c’est bien «coinstots bizarres» (pas «coins trop bizarres») que l’on veut «z-entendre»... Si c’est pour en retirer la poésie, à quoi peut bien servir de chanter les textes d’un poète? (R. Beaucage)
DISQUES 27 VOIR MTL
KORIASS LA NUIT DES LONGS COUTEAUX
DELGRES MO JODI
(7ieme Ciel Records) HHH 1/2
(PIAS) HHHH
«J’avais tout pour moi, la famille, un avenir blindé/ Dis-moi pourquoi j’t’en train de devenir cinglé?» lance avec intensité Koriass sur l’entrée en matière J-3000, chanson coup-de-poing qui donne le ton à un cinquième album morose, évoquant les nombreux remords et remises en question de son auteur. Saisissant, La nuit des longs couteaux est un livre ouvert sur la vie tortueuse d’un rappeur québécois qui, plus que jamais, ose affirmer haut et fort sa vulnérabilité. En revanche, bien qu’on le sente sincère dans son approche créative, Koriass semble faire du surplace à bien des égards, carburant à la même amertume que sur Rue des Saules, son troisième album qui abordait sensiblement les mêmes thématiques noires. Polyvalent, le rappeur et producteur reprend toutefois son souffle avec humour sur des pièces plus légères comme les mordantes Get It Right et Lait de chèvre ou sur l’envoûtante ballade R&B Chenous, sa plus belle chanson d’amour en carrière. (O. Boisvert-Magnen)
«Je préfère encore mourir aujourd’hui.» Voici ce qu’a répété Louis Delgres, colonel d’infanterie des forces armées de résistance à Basse-Terre le 28 mai 1802, juste avant d’être massacré par l’armée napoléonienne. Auteur d’une proclamation antiesclavagiste 13 jours plus tôt, qui commençait par les mots perçants «le dernier cri de l’innocence et du désespoir», Delgres, ce héros, est aujourd’hui réincarné dans Pascal Danaë, chanteur guadeloupéen à la mine patibulaire, armé seulement d’une guitare slide abrasive et flanqué de deux peurs de rien avec une caisse claire et un tuba. Ce blues-rock primal mais jamais grotesque, monotone et captivant comme les musiques touarègues, est chanté tour à tour en créole et en anglais et met bien le doigt sur les bobos. La bonne nouvelle, c’est que, programmé l’année dernière en ouverture du Festival international Nuits d’Afrique, Delgres arpente depuis les routes du Québec. À suivre! (R. Boncy)
CÉCILE MCLORIN SALVANT THE WINDOW
KRISIUN SCOURGE OF THE ENTHRONED
(Justin Time Records) HHHH
(Century Media Records) HHHH Dans le communiqué qui accompagne son 11e album, le trio brésilien affirme que ses nouvelles chansons sont plus brutales et rapides que celles des précédents disques. C’est indiscutablement vrai. Les frères Alex Camargo (voix, basse), Moyses Kolesne (guitare) et Max Kolesne (batterie) ont aussi privilégié une approche entièrement organique lors de l’enregistrement de Scourge of the Enthroned, ce qui lui donne un son authentique et «dans ta face» qui convient parfaitement au death métal traditionnel du groupe formé en 1990. Pendant 38 minutes, Krisiun s’exécute avec une conviction qui transparaît à travers les morceaux constitués de solos effervescents et de mélodies concises et implacables. (C. Fortier)
On aime ou on adore Cécile McLorin Salvant. Après avoir gagné deux fois de suite le Grammy du meilleur album jazz pour le très personnel For One to Love et le double live Dreams and Daggers, la chanteuse haïtiano-américaine divorce soudainement de son trio de prédilection et nous offre 17 titres en duo piano-voix avec un nouveau musicien plein de ressources et de fantaisie: Sullivan Fortner, le jeune claviériste de Roy Hargrove. Ça commence par une version magistrale de Visions de Stevie Wonder, mais Cécile n’est pas du genre à se cantonner dans un style donné ni des choix prévisibles. Gageons qu’on n’a pas fini de voir sur les podiums cette interprète unique et atypique qui, 10 ans auparavant, connaissait peu le jazz et se destinait au chant lyrique et au droit. La voilà libre! (R. Boncy)
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REJOICER ENERGY DREAMS
(Stones Throw) HHHH
Nouvelle prise du côté du label angelin Stones Throw, Rejoicer amène dans ses rangs un autre producteur aux fortes influences jazz. Sur cet opus, le beatmaker prouve son non-conformisme sur chaque pièce grâce à des instrumentations à la fois surprenantes et cohérentes. Pianos modernes, percussions balinaises, synthétiseurs stridents et nappes ambiantes s’entremêlent de morceau en morceau comme un dédale apaisant dans un décor tantôt familier, tantôt abstrait et enveloppant. Sur le plan du rythme, Rejoicer explore énormément d’allées qui peuvent sembler déstabilisantes lors d’une première écoute. Nos repères habituels ne s’accrochent pas immédiatement à la grille, mais dès la seconde écoute, on comprend mieux l’ensemble de l’œuvre et ces contretemps et autres polyrythmies prennent toute leur place dans cet album d’une qualité rare. (A. Bordeleau)
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ROULETTE RUSSE
PAR MICKAËL BERGERON
Nature humaine Commençons avec une confidence: je suis particulièrement tanné d’entendre cette rengaine de la «loi de la jungle». Cette idée que dans la nature, seuls les plus forts survivent; soit on est mangé, soit on mange l’autre. Je pense avoir passé ma jeunesse à chercher cette loi de la jungle dans Découverte, dans les National Geographic, ou dans Bête pas bête plus. Tout ce que j’ai trouvé, c’est l’inverse. Le lion n’est pas réellement le roi de la jungle – la jungle n’a pas de roi, la nature est anarchiste. Sauf quand il a faim, le lion ne perd pas son temps à écraser tous les autres animaux, il dort. Beaucoup. Aucun animal ne perd son temps à dépenser de l’énergie juste pour conquérir ou écraser quelqu’un. Bien sûr, le lion et plusieurs prédateurs tuent... mais pas plus que ce dont ils ont besoin pour vivre. On est à des années-lumière de la «loi de la jungle» mise de l’avant par un tas d’économistes, de politiciens et d’hommes d’affaires. Les «compétitions» chez les animaux sont plus souvent une parade qu’une réelle compétition. Pas beaucoup d’espèces se battent à la mort. Leur survie l’emporte sur le principe. C’est souvent comme un gros spectacle de lutte. On gueule fort, on fait
des acrobaties, mais au bout du compte, personne ne veut réellement se faire mal. Si un homme d’affaires vivait vraiment selon la loi de la jungle, la vraie, il ne passerait pas son temps à écraser la compétition et à être habité par un esprit de conquête; il tiendrait un commerce qui lui permettrait de se nourrir, lui et sa famille, sans plus. Le lion n’est pas dans la convoitise. Ni le tigre. Ni le grizzly. Ni le requin. Un des rares animaux qui entasse et accumule des affaires, l’écureuil, le fait parce qu’il les perd. Il ne se souvient jamais où il a caché sa noix... alors il en cache, encore et encore. La nature est tout le contraire d’un lieu sauvage et sans merci, c’est plutôt une impressionnante harmonie. Le principe même des écosystèmes repose sur les échanges, sur les coopérations, entre toutes les formes de vie. Aucune espèce ne survivrait sans l’apport des autres espèces – faunique et florale, j’aimerais préciser. De récentes études en sociobiologie – l’étude des sociétés animales – démontrent que l’entraide ne se fait pas tant entre «frères», entre espèces entre elles, mais plutôt selon les environnements ou les contextes, comme des pénuries ou des périodes de froid, sans égard à l’espèce, si
c’est un «frère» ou un «autre». Plus encore, c’est dans ces moments-là que se créent en fait les proximités génétiques. Donc, l’entraide ne viendrait pas de la proximité génétique, c’est plutôt la proximité génétique qui viendrait de l’entraide. Tout ça scrappe le discours de plusieurs racistes sur les «immigrants illégaux», mine de rien. Ce n’est pas tant parce que vous êtes plus forts que les autres que vous vivez jusqu’à 86 ans, voire 100 ans, c’est parce que la société vous le permet. Ce n’est pas avec la compétition ou «la loi de la jungle» que nous avons doublé notre espérance de vie et diminué la mortalité infantile, c’est en s’organisant ensemble, en créant des accès à l’eau potable, en universalisant les soins de santé, en créant des infrastructures partagées, pas tout seul chacun dans notre coin. Si on vit mieux et plus longtemps, c’est parce que des gens ont arrêté de jouer à qui pisse le plus loin. Même notre corps repose sur la collaboration. Notre santé repose sur une étroite synergie entre nous et un tas de bactéries, le microbiote.
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29 La coopération est tellement présente dans notre génétique que nos réflexes sont l’entraide. On le voit dans les grandes catastrophes. La plupart des gens vont aider la personne qui est coincée sous un débris, vont tenter de soigner une personne blessée, même les dons sont une preuve de ce réflexe de l’entraide. En temps de crise, c’est une forme d’autogestion coopérative qui s’installe naturellement. C’est tellement au cœur de notre vie que peut-être aucun animal n’est aussi vulnérable que nous le sommes à notre naissance. Ça nous prend des mois et des années pour devenir autonomes. Tout le contraire des poulains qui galopent deux minutes après leur naissance. Nous ne pourrions pas naître aussi vulnérables si nous n’étions pas des êtres sociaux et coopératifs, si ce n’était pas dans notre nature. Personne n’aime les égoïstes. Pourquoi, alors, continuons-nous de faire croire que c’est ça, la nature profonde de l’être humain?
Parce que l’égoïsme existe aussi dans la nature, même si c’est l’exception et non la règle. Si ce sont les groupes sociaux coopératifs qui s’en sortent le mieux et sont les plus fortes, à l’intérieur même des sociétés, ce sont les êtres individualistes qui s’en sortent le mieux, créant un étrange paradoxe. Ironiquement, donc, parfois, ce sont les êtres les plus égoïstes qui gravissent nos échelons sociaux et prennent les différents postes de pouvoir. Ces personnes pensent sincèrement, et souvent d’une manière bien intentionnée, que leur recette individuelle peut marcher pour la société. Plus encore, quand les choses vont bien, c’est facile d’oublier tout ce qui permet de bien aller et de penser que tout ça n’est que le fruit de notre talent, de nos efforts, de notre supériorité. La plus grosse pomme du pommier peut se penser la meilleure, mais elle est le fruit de tout un arbre et tout un écosystème qui lui ont permis d’être plus imposante que les autres.
«SI ON VIT MIEUX ET PLUS LONGTEMPS, C’EST PARCE QUE DES GENS ONT ARRÊTÉ DE JOUER À QUI PISSE LE PLUS LOIN.» Au-delà des questions plus philosophiques, je crois quand même que «la loi de la jungle» a été inventée par des salauds. y
MICHEL ROBICHAUD TOUT REFAIRE
EN SPECTACLE – 8 SEPTEMBRE, 20 H Théâtre Le Patriote, Sainte-Agathe-des-Monts Billetterie : 1 888 326-3655 – theatrepatriote.com Mise en scène : Edgar Bori
MICHEL ROBICHAUD TOUT REFAIRE
Nouvel album
CINÉMA 31 VOIR MTL
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ODE À L’INSOUMISE VINGT ANS APRÈS SON DÉPART, PAULINE JULIEN RENAÎTRA À L’ÉCRAN COMME SUR SCÈNE, EN PAROLES COMME EN MUSIQUE, DE CONCERT AVEC PLUSIEURS ARTISTES DÉTERMINÉES À CE QUE SON LEGS RÉSONNE BIEN AU-DELÀ D’UN ANNIVERSAIRE. MOTS | NICOLAS GENDRON
Il y a certes une rue qui porte son nom, sur le Plateau-Mont-Royal, littéralement coincée entre celles dédiées à Gerry Boulet et Robert Gravel! De même que la salle Pauline-Julien, dans l’Ouestde-l’Île de Montréal, au cœur du cégep Gérald-Godin (ces deux-là sont décidément indissociables, mais on y reviendra). Dans la foulée du 15e anniversaire de sa mort – par suicide, rappelle-t-on du bout des lèvres –, Monique Giroux avait organisé un spectacle hommage à cette artiste et interprète phare, et la comédienne Audrée Southière avait livré un solo bien personnel à Espace libre, judicieusement intitulé T’en souviens-tu, Pauline? Mais rien de comparable à la déferlante de tendresse qui la ramènera à nos mémoires au cours des prochains mois. En décembre, la jeune compagnie Tableau noir fera revivre la correspondance du couple Julien-Godin, La Renarde et le Mal Peigné, dans Je ne te savais pas poète, de nouveau à Espace libre, puis Annick Lefebvre convoquera ces mêmes figures avec ColoniséEs, en janvier, pour les faire résonner dans le Québec d’hier et de demain… au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui! Sur la route, Marie-Thérèse Fortin et Christian Vézina en font de même sous la forme d’un cabaret musicolittéraire, né aux Correspondances d’Eastman, avec Ils ne demandaient qu’à brûler. Mais trois autres artistes auront donné le coup d’envoi. Avec Spectra Musique, aux récentes Francos, Ines Talbi a piloté avec succès La Renarde: sur les traces de Pauline Julien, une célébration réunissant 14 femmes sur scène, qui reprendront pour la plupart le flambeau dans une douzaine de villes dès février. Inaugurant la saison du Théâtre Denise-Pelletier, à la salle Fred-Barry, avec Je cherche une maison qui vous ressemble, Catherine Allard mènera un «dialogue à quatre» avec Pauline, Gérald, le comédien-poète Gabriel Robichaud et elle-même. Enfin, la cinéaste Pascale Ferland illumine la pasionaria sur
< CATHERINE ALLARD, PASCALE FERLAND ET INES TALBI
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grand écran, dans un documentaire à la fois jazzé et troublant produit par l’ONF. Nous avons réuni ces trois dernières porte-parole pour une table ronde à la mémoire de leur «modèle imparfait». Voir: Qu’est-ce qui vous fascine autant chez Pauline-la-renarde, cet «oiseau qui aurait une crinière»? Pascale Ferland: Elle fait partie de la génération de celles et ceux qui étaient prêts à se battre pour leurs idéaux. Aujourd’hui, c’est ce qui nous manque, je crois. Catherine Allard: Ce qui m’a toujours attiré chez elle, c’est le feu! Ines Talbi: Oui, le feu sacré. Catherine: Quand j’ai lu sa biographie, j’ai compris qu’il y avait en elle une grande peine, mais qui se tient debout dans sa voix. Pascale: C’est ce qui fait d’elle un modèle. Catherine: Elle ne sait pas comment, mais elle le fait! Ines: C’est son imperfection, qui est magique. Toutes ses failles, elle ne s’en cachait pas. Ça m’a rassurée, de voir que ça peut être immense, un monument, et être fragile. C’est beau quelqu’un qui tergiverse. Ça l’amenait dans des zones émotives où elle pouvait porter des chansons intensément, même si elles ne lui appartenaient pas. Son pouvoir d’interprétation était viscéral. Ce terme-là, pour moi, c’est Pauline Julien. Et sa relation avec la politique, c’est un peu comme sa relation amoureuse: son pays, c’est aussi Godin. De vouloir qu’il lui appartienne en sachant qu’il peut glisser, et qu’il est à tout le monde.
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Catherine: C’était du feu, destructeur parfois, mais toujours du feu! Elle a rencontré son égal, et lui aussi!
qu’on réagit viscéralement à quelque chose qu’on est des activistes.
Voir: Ça vous agace ou ça vous inspire, qu’on associe toujours Gérald à Pauline?
Catherine: « Mais je peux pas cacher ce que je pense, je suis entière… » Je l’ai souvent entendue affirmer qu’elle n’est pas une révolutionnaire.
Ines: Ça m’a gossée beaucoup au départ. J’ai été la première, il y a 20 ans, à ne voir que Godin. Et en rencontrant Pauline par ses écrits, ses chansons, j’ai réalisé à quel point elle est derrière lui, comme Simonne l’a été avec Chartrand. Pascale: Je ne suis pas d’accord. Mais je suis plus vieille que toi, j’ai grandi avec Pauline. Elle était d’abord beaucoup plus populaire que Godin. À l’époque, il était journaliste, et c’est quand il s’est fait élire en 1976 qu’il a commencé à être connu. Les gens demandaient Pauline pour appuyer sa campagne! Ils se sont entraînés l’un l’autre dans leurs combats, mais Gérald faisait de la politique consciemment, tandis que Pauline incarnait ses qualités individuelles. Elle ne faisait pas de la politique directement, elle s’en défend d’ailleurs. Ines: Comme dans l’entrevue qu’elle accorde à un journaliste anglophone. Pascale: Exact. Il lui dit: «You’re a political activist.» Et elle répond: «I’m not a political activist, I’m a citizen like you.» Comme femme, on peut s’identifier à ça. Comme artiste, aussi. C’est pas parce
Voir: Croyez-vous qu’il est aussi périlleux aujourd’hui qu’autrefois d’être une artiste engagée? Pascale: C’est différent, parce que dans les années 1960-70, tout était à construire. Aujourd’hui, il y a une diversité de cultures comme une diversité de points de vue. Tous les combats qui ont été menés sont en nous et peuvent nous guider, mais on vit dans une époque très conservatrice. Voir: Mais essayez-vous de vous tenir loin de cette étiquette-là? Ines: Absolument pas. Même si je voulais, on dirait que par instinct, je me retrouve tout le temps dans ces eaux-là. Mais c’est correct, je préfère ça à être dans l’inertie. De toute façon, on est des femmes qui font de l’art! Même si on reste à la maison, et qu’on ne dit rien, on va être considérées comme féministes, parce que notre film ou notre spectacle parle d’une femme. Pascale: Et c’est féministe! Ines: Si Étienne Lepage fait un show sur Miron, ils ne vont pas applaudir une action masculine!
C’est là malgré nous. Et moi, parce que je suis de la diversité, si je décide de jouer une Julie sur scène, on va me demander pourquoi je le fais. Si je décide de jouer une Tunisienne, on va me demander si c’est à cause de mes racines. Catherine: Tout est nommé et doit être étiqueté. Ines: Tout le temps! Voir: Croyez-vous que son immense talent d’interprète a porté ombrage à la créatrice? Catherine: Elle n’avait pas confiance en elle. C’était une torture sans nom, écrire une chanson! Ç’a donné L’âme à la tendresse, L’étranger… Sinon, elle n’arrivait pas à trouver son style, c’était un peu ampoulé. Pascale: C’est pour ça que ça m’a ravie, quand je suis tombée dans les correspondances. Tout d’un coup, sa plume est libre, elle écrit extrêmement bien! Catherine: Elle est amoureuse! Pascale: Et même quand elle est en crisse… tu te dis, tabarouette, si elle avait eu cette liberté-là! Quelque chose la retenait, parce que c’était un geste public. Mais avec Gérald, c’était un autre monde. Ines: Avec Godin, ils se soutenaient dans leur feu. Une déception politique, c’est aussi une grosse peine d’amour. Voir: Comme un sentiment d’inachèvement. Pascale: Pour moi qui ai milité en 1995, c’est pire qu’une peine d’amour. Dans les années 1980, elle avait cette capacité de nous élever. Ça me fait penser à l’échec du premier référendum… Catherine: Elle a chanté La danse à Saint-Dilon! Pascale: Elle n’avait prévu rien d’autre, parce que dans sa tête, ils allaient gagner. Une chance, parce que si elle avait interprété Mommy… Malgré elle, encore une fois, elle affiche cette résistance viscérale et inconsciente! Et ça dédramatise. Ines: Elle avait un instinct de survie très fort. De rassembleuse, aussi. Catherine: Elle m’a consolée si souvent. On est gagnantes, à s’approcher autant d’elle, à faire ce voyage. Ça va être une grande fête de Pauline Julien, cette année! Ines: On a toutes des propositions différentes, et c’est ça le plus beau. C’est ce qui fait que Pauline est Pauline, c’est tellement vivant. Catherine: C’est à son tour! y
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Cinéma PAULINE JULIEN, INTIME ET POLITIQUE En salle dès le 21 septembre Après Adagio pour un gars de bicycle et Ressac, Pascale Ferland embrasse pleinement ici la dimension sociopolitique de son sujet. «J’en rêve depuis bientôt longtemps. Et j’ai eu accès à tellement de belles archives que j’aurais pu faire deux films. Je voulais d’abord l’appeler simplement Pauline, mais il y avait Pauline Marois, puis L’insoumise, mais ça existait déjà. Au final, intime et politique, c’est vraiment elle.» N’ayant pas d’images des débuts de Julien ni de la fin de son parcours, «parce que sa capacité de s’exprimer s’étiolait», vu son aphasie, Ferland a tissé son documentaire d’ellipses et de métaphores, inscrivant la petite histoire dans la grande, de la crise d’Octobre aux référendums. «2012 m’avait ravie. Pauline, si elle avait été en vie, aurait été dans la rue avec les jeunes, à taper sur les casseroles. J’avais envie de réfléchir aujourd’hui à l’écho des années 1970, si lumineuses.»
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Théâtre JE CHERCHE UNE MAISON QUI VOUS RESSEMBLE À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier Du 11 au 29 septembre Avec l’auteure Marie-Christine Lê-Huu et le metteur en scène Benoît Vermeulen, la comédienne Catherine Allard rattache Pauline à son propre récit de vie, pour mieux ancrer la pièce en 2018. «C’est Marie-Christine qui a trouvé le filon afin que ce ne soit pas juste nostalgique. Mon père m’avait raconté qu’après avoir entendu Pauline chanter, dans les années 1960, au Manitoba, il s’est dit: “Mon Dieu, si c’est ça, le Québec, se tenir debout, ne pas s’excuser d’exister, je m’en vais vivre là-bas!” Il nous faut des exemples de fierté, comme Pauline et Gérald. Ces gens-là m’aident à vivre, alors j’ai envie de parler d’eux.» Et les chansons s’y incorporent naturellement, tel un liant poétique. «Bien sûr, je suis dans l’évocation de Pauline, et non l’imitation, sinon vaut mieux faire jouer le disque! Avec Marie-Claire Séguin, qui m’a coachée, on est allées à l’essence des chansons.»
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Scène LA RENARDE: SUR LES TRACES DE PAULINE JULIEN Sur la route, au Québec Dès le 21 février 2019 Si elle en est l’instigatrice, le projet d’Ines Talbi se voulait d’emblée rassembleur. «J’aimais la force du nombre, et l’idée de ramener cette force collective qu’on retrouvait davantage à l’époque. J’ai donc réuni des personnalités diverses, de la diversité dans tous les sens.» De Fanny Bloom à Queen Ka, d’Erika Angell à France Castel, ces femmes ne quittent jamais la scène pendant la représentation. «Je voulais tout sauf un show-brochette, où l’on vient faire sa toune avant de repartir. Ma trame, c’est que j’écris des lettres à Pauline et l’interroge par rapport à ce qu’elle serait maintenant. J’ai eu une belle carte blanche et j’ai pu ajouter du théâtre dans un spectacle de musique, avec le chœur d’exception que j’avais! Louise Latraverse, elle lit une liste d’épicerie, et c’est touchant!»
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COMBATTRE LE CYNISME AVEC LA DISPARITION DES LUCIOLES, COMÉDIE DRAMATIQUE MENÉE PAR LA JEUNE COMÉDIENNE KARELLE TREMBLAY, SÉBASTIEN PILOTE LIVRE CE QU’IL CONSIDÈRE COMME SON FILM LE PLUS ACCESSIBLE À CE JOUR. MOTS | OLIVIER BOISVERT-MAGNEN
Prenant place dans une ancienne ville industrielle, ce troisième long métrage du cinéaste saguenéen s’articule autour du personnage de Léo, une adolescente fougueuse à l’attitude marginale, interprétée avec beaucoup d’aplomb et de vigueur par Karelle Tremblay. Aux prises avec un beau-père animateur de radio (François Papineau) qu’elle déteste profondément pour avoir provoqué l’exil de son père (Luc Picard), un chef de syndicat déchu, elle tente de fuir son quotidien auprès de Steve (Pierre-Luc Brillant), un professeur de guitare timide et reclus avec qui elle développera une relation ambiguë. «Je voulais placer le personnage de Léo entre deux extrêmes: un beau-père omniprésent et populiste, et un père absent et ancien syndicaliste, forcément de gauche, explique Pilote. Entre les deux, il y a un vide, une solitude, et Léo va se trouver une figure de substitution, une sorte de troisième figure paternelle, avec Steve. D’une certaine façon, elle essaie de se sortir de son cynisme pour s’ouvrir à un homme incarnant la générosité et la naïveté. Steve est une bouffée d’innocence, quelqu’un qui se pose pas trop de questions et qui accepte gentiment son sort.»
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«C’est surtout l’histoire d’une fille qui s’en câlisse un peu, qui est tannée des gens autour d’elle et qui veut changer le cours des choses, poursuit Karelle Tremblay. Elle a besoin de quelque chose qui la thrill, qui la déstabilise, et ce gars-là, Steve, va venir brasser les cartes dans son monde. Elle voit une opportunité de changement à travers lui.» La jeune actrice n’a pas eu à puiser bien loin pour habiter ce personnage, son premier rôle principal au grand écran depuis Les êtres chers (2015). «Ce genre de fille là vraiment cynique, je l’ai pas mal été moimême à l’adolescence. Quand j’ai lu le scénario, je me suis vue il y a cinq ans, et il y a quelque chose qui m’appelait dans cette idée de revivre ça à 22 ans.» Sa relation avec Pierre-Luc Brillant avait aussi quelque chose de naturel: «C’est un peu un bum... et moi aussi. On est tous les deux des acteurs d’instinct, qui ont pas besoin de beaucoup de préparation.» Pour le réalisateur, le choix de Karelle Tremblay s’imposait depuis le moment où sa fille de 14 ans lui a fait découvrir l’émission jeunesse Jérémie, diffusée depuis 2015 à VRAK. «Elle m’avait dit de prêter attention à une actrice qu’elle aimait beaucoup [dans cette émission]. Je me suis mis à regarder ça et j’ai tout de suite constaté sa force d’attraction. Quand on la voit dans une scène, on a tout de suite hâte de la revoir dans la prochaine.
> (CI-CONTRE) SÉBASTIEN PILOTE
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PIERRE-LUC BRILLANT ET KARELLE TREMBLAY, COURTOISIE LES FILMS SÉVILLE
Elle a une photogénie intéressante, une attitude aussi. Elle a beaucoup de traits de caractère qui rejoignaient mon personnage.» Œuvre politique Malgré ses ressemblances avec Léo, Karelle Tremblay a dû relever un défi de taille durant le tournage de ce film, car elle y tient un rôle soutenu et exigeant. «Ma concentration devait être très élevée, car je suis back à back dans toutes les scènes. Je porte un peu le film sur mes épaules, donc c’est sûr que j’avais des insécurités. J’avais peur que ce soit de ma faute si le film était pas bon», confie la comédienne, qui révèle être plus confiante depuis les commentaires positifs qui ont suivi la projection du long métrage en ouverture du Festival international du film de Karlovy Vary. Habitué de réaliser des films avec des premiers rôles prenants, comme c’était le cas avec Gilbert Sicotte dans Le vendeur et Gabriel Arcand dans Le démantèlement, Sébastien Pilote a préconisé une approche différente avec la jeune actrice. «C’est une actrice qui a un don inné. Elle a commencé jeune, sans formation, et je voulais pas briser cette force-là. Même chose pour Pierre-Luc, qui a commencé sa carrière durant l’enfance. Je les ai donc dirigés d’une manière détournée, en intervenant le moins possible et en leur laissant beaucoup de liberté. J’ai souvent tendance à descendre le jeu de mes acteurs pour avoir un feeling naturaliste, mais là, je les ai laissés me guider, quitte à aller vers un jeu plus fabriqué, voire artificiel, à certains moments.» Tourné sur le bord de la baie des Ha! Ha!, qu’il avait déjà mise en scène dans son premier court métrage acclamé Dust Bowl Ha! Ha! en 2007, ce long métrage dépasse le stade du récit typique abordant la fin de l’adolescence et le passage à l’âge adulte «à la Juno ou Lady Bird».
Pour le principal intéressé, La disparition des lucioles est d’abord et avant tout une œuvre politique. «C’est la réalité d’une ville industrielle qui, après une fermeture d’usine, devient une ville touristique. À ce moment-là, la baie représente à la fois un culde-sac et une ouverture sur le monde.» Plus précisément, le titre du film est une référence au penseur politique Pier Paolo Pasolini. Dans un long article publié en 1975, quelques mois avant son assassinat, l’écrivain italien déplorait la pollution atmosphérique ayant causé la disparition des lucioles de son pays, la comparant à «l’installation d’un système empoisonné de dictature consu mériste et capitaliste moderne». Sans verser dans le cinéma pamphlétaire, le film de Pilote aborde ces questions en sous-texte, notamment à travers les forces politiques antagonistes qu’incarnent les deux figures paternelles de Léo. Au fait de cette dimension sociopolitique, Karelle Tremblay s’est contentée de «comprendre le film du mieux qu’[elle peut]», sans trop forcer son analyse. «L’important, c’était que je sache où mon personnage se situe là-dedans. Y a aussi des choses que Sébastien ne m’a pas dites pour éviter que mon cerveau aille ailleurs durant le tournage.» Et le spectateur peut lui aussi se laisser porter doucement par La disparition des lucioles, un film beaucoup moins dur que ses deux prédécesseurs. «Il y a clairement un changement de ton. Mes autres films avaient quelque chose de plus dramatique, tandis que là, on désamorce constamment le drame avec quelque chose de plus léger, observe le réali sateur. C’est une œuvre que je voulais plus jeune, dynamique et accessible. C’est pas conçu pour sonner comme une symphonie, mais bien comme une chanson pop.» y En salle le 21 septembre
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CROIRE EN LA CINÉPHILIE UN NOUVEAU CINÉMA À MONTRÉAL? EH OUI! ATTENDU DEPUIS QUELQUES MOIS, LE CINÉMA MODERNE SE DÉVOILE ENFIN ET COMPTE BIEN DEVENIR UN LIEU DE RICHES RENCONTRES ET DE PERLES DU SEPTIÈME ART. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
«Il faut être persévérant pour en arriver là!», lance Roxanne Sayegh, cofondatrice et directrice générale de ce tout nouveau lieu de diffusion, une salle de 54 places située en plein cœur du Mile-End, sur le boulevard Saint-Laurent, juste au nord de l’avenue Laurier. C’est un pari énorme et risqué, plutôt fou, même, de fonder un cinéma de nos jours, mais voilà que l’ancienne DG des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) et Alexandre Domingue, président et fondateur de l’importante boîte de post-production Post-Moderne, voient les fruits de leur labeur s’ouvrir aux cinéphiles. En entretien, Roxanne Sayegh se remémore avoir eu un déclic en lisant un article des Cahiers du cinéma en 2015 («La ville aux cinémas invisibles»), qui demandait essentiellement: pourquoi Montréal a-t-elle autant de festivals de cinéma, mais si peu de salles alternatives? Cela résonnait alors fortement avec le parcours et les idéaux de la DG. «Lorsque je travaillais en festival, ce que j’adorais, c’était d’accompagner des films, développer des liens avec le public, les rendre plus accessibles, accueillir des cinéastes. Mais dans ces cadres-là, en festival, c’est du court terme. J’avais envie d’avoir un espace permanent et de construire et d’alimenter une cinéphilie à Montréal. Je trouvais que ça manquait.» Le timing fait parfois bien les choses puisqu’au moment où Roxanne relançait des partenaires pour un projet de cinéma sur lequel elle travaillait depuis 2015, Alexandre venait de mettre la main sur les locaux au rez-de-chaussée des bureaux de Post-Moderne. Ils ont donc décidé de joindre leurs expériences complémentaires – Roxanne en diffusion et Alexandre en technique – pour construire le Cinéma Moderne, qui arrive comme un bel ovni dans le paysage culturel montréalais puisque l’établissement propose un café-bar connexe et agira aussi à titre d’espace de
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travail de jour pour les projets en mixage sonore et en colorisation de Post-Moderne. Alexandre Domingue, qui se remémore en entrevue des soirées de projections de films en 16mm avec ses amis, explique que c’est la synergie des trois entités qui fait que l’investissement est réaliste. «Si on l’avait juste fait pour la post-prod ou le cinéma, ça n’aurait pas marché. On le sait, les gens nous disaient: “Vous êtes téméraires. Tout le monde regarde Netflix et plus personne va voir des films.” On croit autrement. Moi, je veux gager qu’on peut présenter des films qui sont sur des plateformes en ligne et que les gens voudront venir les voir en salle», dit-il, se remémorant l’impact qu’ont eu des lieux comme le Café Ciné-lumière ou le Cinéma Parallèle. «Je pense que les gens sont nostalgiques de ces petits endroits-là conviviaux où tu peux rencontrer du monde, faire un meeting, prendre un café, une bière et voir un film. Sans trop de prétention.» Si le Cinéma Moderne est un OBNL ayant reçu des subventions pour ses activités de promotion et de diffusion, tout ce qui est bar, infrastructures, aménagement et équipement est le résultat d’un investissement privé. La salle est dotée de projecteurs 35mm et 16mm, mais aussi d’un projecteur laser 4K. Côté son, c’est la crème: du Dolby Atmos. «C’est comme un son en trois dimensions, précise Alexandre. Il y a 38 haut-parleurs dans la salle, donc c’est vraiment immersif. Atmos, c’est le poil qui te lève sur les bras, la touche de plus qui fait que ton expérience de cinéma est juste “wow”.» Le Cinéma Moderne tentera aussi de se démarquer avec son permis d’alcool qui autorise le cinéphile à boire dans la salle de cinéma ainsi que ce qu’on appelle une billetterie dynamique. «Le billet adulte coûte 11,50$ jusqu’à minuit la veille et le jour même de la projection, c’est 13$, indique Roxanne. On veut
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encourager les gens à prévoir leur sortie de cinéma. On sait qu’on a une petite salle donc si ça marche bien, on n’a pas envie que les gens arrivent et soient déçus parce qu’il n’y a plus de place.» Côté programmation, le Cinéma Moderne souhaite ratisser large avec deux projections chaque soir de semaine et six les jours de week-end. Les premiers mois seront évidemment une période-test pour faire connaissance avec le public. «On veut amener une programmation qui est complémentaire à ce qui se joue dans les autres salles, indique Roxanne Sayegh. On souhaite essayer un autre modèle de calendrier, des films qui joueront 5-6 séances par mois sur une plus longue période, par exemple. On s’ajustera. On ne prétend pas détenir la science exacte! J’ai pas envie qu’on s’en tienne à juste un créneau. On va avoir du cinéma du monde, du documentaire, de l’horreur, des films familiaux, des films américains plus légers, des grosses pointures.» La DG souhaite aussi inclure des projections spéciales de toutes sortes: des programmes doubles avec cinéastes invités, des films restaurés, en plus d’accueillir des
programmateurs invités, des festivals de films, etc. Et il y a aussi des liens avec le milieu de l’éducation, comme des séances pour les écoliers du quartier, par exemple. Bref, il faudra rester à l’affût! Maintenant que les portes de Cinéma Moderne sont ouvertes au public, les fondateurs souhaitent que les Montréalais se l’approprient, s’y sentent bien, et que le lieu devienne un passage obligé pour les grands cinéastes de ce monde. Longue vie! y
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PRISE DE TÊTE
PAR NORMAND BAILLARGEON
Une mise en garde d’André Breton Je voudrais vous emmener en France, durant les années 1920 et 1930 du siècle dernier.
Ce que finira par penser Breton peut être résumé comme suit.
Surréalistes et communistes
«Toute licence en art»
Dans ce pays, à compter en gros de 1925, des tentatives de rapprochement sont faites entre deux avant-gardes révolutionnaires, l’une politique, l’autre artistique: les communistes et les surréalistes.
Certes, la revendication surréaliste est en un sens politique, en ce qu’elle a inévitablement des retombées et des ambitions sur le terrain politique. Mais ce que le surréalisme peut apporter d’irréductiblement spécifique au combat politique provient de ce qu’il accomplit en tant que mouvement artistique et littéraire et en se soumettant pour cela aux exigences propres à ce type de travail – et à elles seules quand les surréalistes agissent en tant qu’artistes ou écrivains.
Penser le contraire signifierait non seulement le risque, voire la certitude, de revenir à des formes d’expression artistique et littéraire éculées et sans valeur, mais aussi de renoncer à la contribution propre de l’artiste au problème politique et à l’approfondissement du problème humain, au sens le plus large du terme, et sous toutes ses formes. C’est qu’en art, dit-il, l’émotion subjective n’est pas directement créatrice: elle ne le devient que lorsqu’elle est reliée au problème historiquement situé de l’expression artistique dans un domaine donné tel que l’a reçu et compris l’artiste, qui cherchera ensuite à le renouveler. Certains, rares, y parviennent…
Demander aux surréalistes et aux artistes en général de se soumettre à des exigences autres, externes, fussent-elles dictées par un parti avec lequel ils partagent certes bien des idéaux politiques, cela pourrait même signifier la mort de l’art en signant son entrée dans le monde de la propagande. Ces deux ordres de réalité et d’exigence, soutient Breton, politiques d’une part, esthétiques de l’autre, aujourd’hui du moins et pour un avenir prévisible, sont distincts. «Il est nécessaire que les expériences de la vie intérieure se poursuivent, dira-t-il, et cela, sans contrôle extérieur, même marxiste.»
Quand l’URSS optera pour un art et une littérature réalistes et propagandistes et condamnera les surréalistes, et au fond, avec eux, toutes les avant-gardes, pour idéalisme et attitude contre-révolutionnaire – comme le feront d’ailleurs aussi, et en des termes semblables, les fascistes et les nazis –, Breton écrira: «J’ai vu s’ouvrir à mes yeux ce gouffre qui, depuis lors, a pris des proportions vertigineuses au fur et à mesure qu’a réussi à se propager l’idée impudente que la vérité doit s’effacer devant l’efficacité ou que la conscience, pas plus que la personnalité individuelle, n’a droit à aucun égard ou que la fin justifie les moyens.»
Ces deux avant-gardes sont alors relativement populaires et influentes, du moins dans leurs sphères d’activité respectives. A priori, elles ont bien des choses en commun, dont l’esprit de révolte, l’ambition de libérer les êtres humains des structures oppressives qui les enferment, un certain mépris des conventions, une perspective internationaliste et un profond refus du monde tel qu’il est dans le régime capitaliste. Mais le rapprochement va mal tourner et assez rapidement, de graves conflits vont éclater. Certains surréalistes, dont le poète Louis Aragon, feront dès 1930 le choix de rompre avec le surréalisme et de joindre le parti communiste, tandis que d’autres, comme André Breton, jugeront impossible toute alliance avec lui. La rupture est consommée vers 1935, qui est aussi le moment des premiers procès de Moscou.
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Quelques années plus tard, avec Trotski et le peintre Diego Rivera, il signera un manifeste intitulé Pour un art révolutionnaire indépendant, qui expose le plus clairement ce à quoi il en est venu. «L’art ne peut consentir sans déchéance à se plier à aucune directive étrangère et à venir docilement remplir les cadres que certains croient pouvoir lui assigner, à des fins pragmatiques extrêmement courtes. Mieux vaut se fier au don de préfiguration qui est l’apanage de tout artiste authentique, qui implique un commencement de résolution (virtuelle) des contradictions les plus graves de son époque et oriente la pensée de ses contemporains vers l’urgence de l’établissement d’un ordre nouveau.» Ce texte se termine sur la fameuse formule: «Toute licence en art.» Rien de tout cela n’aura empêché les surréalistes de prendre part à l’action politique. Peu nombreux, ils sont pourtant de tous les combats et bien présents.
Mieux: bien souvent, ils ont raison contre le parti ou leurs alliés de gauche, qu’il s’agisse du pacte franco-soviétique, de la terrifiante réalité qui se dévoile peu à peu en URSS, ou du refus du gouvernement du Front populaire de livrer des armes aux républicains espagnols. Mais en tant qu’artistes engagés, ils refusent aussi bien l’idée d’un art pour lui-même que celles d’un art refuge ou d’un art de propagande en demandant qu’on défende la liberté artistique pour ses valeurs propres: esthétiques, cognitives et révolutionnaires. Breton dira plus tard que c’est du côté des anarchistes que le surréalisme aurait pu, aurait dû, trouver son véritable équivalent politique. Les aléas de l’histoire ne l’auront pas permis. Quoi qu’il en soit, il ne reste rien de valable, ou si peu, tant sur le plan esthétique que sur le plan politique, de l’art de propagande, soviétique ou autre.
Les œuvres surréalistes et celles des autres avant-gardes, elles, restent majoritairement bien vivantes et n’ont en général rien perdu de leur pouvoir de séduction, de leur capacité à nourrir l’imaginaire, de remettre en question le mystère de l’aventure et du drame humain et, bien souvent, de leur capacité à pourvoir le réservoir de la révolte. *** Je vous ai emmené en France, durant les années 1920 et 1930 du siècle dernier. Ce qu’on y apprend n’est peut-être pas sans enseignements pour le Québec des années 2010 de ce siècle-ci… y
LE 30 SEPTEMBRE, CÉLÉBRONS L’ESPOIR, CÉLÉBRONS LA VIE! OÙ QUAND COMBIEN
Parc Maisonneuve 4601 Rue Sherbrooke Est - Montréal. 30 septembre 2018 de 11 h 30 à 15 h 00. GRATUIT pour les personnes inscrites ou ayant fait un don à la Virée Rose. Possibilité de faire un don sur place.
vireerose.ca
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DE RIZ ET D’EAU FRAÎCHE SI LE SAKÉ A ÉTÉ CRÉÉ IL Y A 2500 ANS, IL A COMMENCÉ RÉCEMMENT À FAIRE DE NOMBREUX AMATEURS AU QUÉBEC. ACCORDS METS-SAKÉS, AGENCES D’IMPORTATION SPÉCIALISÉES, BARS À SAKÉ… L’ALCOOL DU SOLEIL-LEVANT DÉFERLE EN OCCIDENT. MOTS | MARIE PÂRIS
Amoureux du Japon, le regretté chef français Joël Robuchon avait inauguré cette année son dernier établissement à Paris, un bar à saké. La demande est là: en 10 ans seulement, les exportations de cet alcool de riz fermenté ont doublé en France. La tendance commence à se faire sentir aussi de ce côté de l’Atlantique, alors que la popularité de la cuisine japonaise a mis la boisson nationale du pays sous les projecteurs. À Québec, les restos Nhà Tôi, Tora-Ya Ramen et Honō Izakaya proposent des choix de sakés, tandis qu’à Montréal, le festival de culture japonaise Yataï initie les curieux à la dégustation. Au pub vietnamien Red Tiger, tout le monde demande du saké, même si le resto n’a rien de japonais et que la carte ne propose que peu de choix; c’est ainsi que le propriétaire a eu l’idée d’ouvrir un bar spécialisé en saké, Le Blossom. «C’est un beau défi, car il n’y avait pas vraiment d’offre à Montréal,
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explique Dérek Vaillancourt-Ondrejchak, sommelier du bar. Il y a plein de restos qui ont de bons sakés, mais ils ne mettent jamais l’accent dessus. Je trouvais intéressant de mettre cet alcool en avant-scène. Des dizaines de sakés au verre, j’ai jamais vu ça ailleurs...» Ouvert il y a près d’un an, Le Blossom offre 40 à 50 références de saké – alcool qui constitue 80% des commandes des clients. «On propose un plateau dégustation avec des styles très différents pour les comparer, indique Dérek. Sinon, je suggère d’en prendre au verre pour faire des accords avec les plats.» Les prix au verre vont de 9 à 18$, et la bouteille la plus chère – un daïginjo Dassaï 23 – se chiffre à 290$. «On a des goûts de plus en plus raffinés en gastronomie au Québec, alors pourquoi on mangerait de la super bouffe japonaise avec le même mauvais saké qui brûle? La tendance du saké s’inscrit dans le mouvement de vouloir de la qualité dans tout le repas», pense le sommelier. La demande est telle au Québec que l’équipe à l’origine du Kampai, un festival de sakés de Toronto, a décidé d’exporter l’événement à Montréal. «On a lancé le festival il y a sept ans avec un groupe d’importateurs, pour faire connaître le saké, se souvient Vivian Hatherell, directrice de l’agence Metropolitan. La culture japonaise commençait à s’installer à Toronto, et on voulait créer une foire annuelle pour professionnels et consommateurs. C’est aussi l’occasion d’amener les producteurs et les ambassadeurs de saké au Canada. Nous sommes maintenant le sixième plus gros importateur au monde!» Cette première édition québécoise devrait rassembler une dizaine d’agences et proposer environ 60 produits à la dégustation – à peine le nombre de sakés qu’a la SAQ, contre les 20 000 recensés au Japon. Philosophie nature Les consommateurs sont de plus en plus amateurs, mais le saké reste encore mystérieux pour la plupart d’entre eux. Parmi les préjugés encore souvent véhiculés, beaucoup de
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> clients s’étonnent de se faire servir leur saké froid. «Ce sont les sakés d’entrée de gamme qu’on sert chauds, pour en cacher les défauts», explique Dérek. Nombreux sont aussi les clients à penser qu’il s’agit d’un alcool fort; le saké, issu de la fermentation et non de la distillation, se chiffre de 12 à 18 degrés, la majorité étant plutôt à 15 degrés. «Mais souvent, on ne le sent pas, car il y a plus de sucres résiduels, de rondeur. On sentira plus l’alcool dans un vin blanc.» Mais si les consommateurs ne sont pas toujours au point, les professionnels manquent aussi de formation, regrette le sommelier du Blossom, qui a suivi le programme de sommellerie de l’Institut d’hôtellerie et de tourisme du Québec (ITHQ). La seule formation au Canada est dispensée à Toronto. «À l’ITHQ, on a parlé pendant une journée seulement des sakés. Je sais qu’il y a beaucoup de choses à savoir sur le vin, mais un sommelier devrait avoir une connaissance de base de tous les alcools. Aussi, il y a énormément de gens compétents dans le vin à Montréal, mais pas assez dans le saké. Ça manque. Je trouve dommage qu’on ne soit pas assez formé pour expliquer le saké dans les restos…» Autodidacte, Dérek s’est formé par des lectures, des dégustations et des séminaires. Il projette aussi d’aller faire un stage dans une kura – une brasserie japonaise. Le plus
difficile est d’apprendre à s’y retrouver dans l’onomastique japonaise. Si on compte environ 1500 brasseurs au Japon – relativement peu par rapport au monde du vin –, on peut quand même s’y perdre rapidement. «Ce sont de nouveaux termes, une langue qu’on ne connaît pas, explique Dérek. Au début, apprendre tout ça me donnait des maux de tête. Les types de presse, de riz, de levures, de fermentation… Aujourd’hui, je garde ces noms sur le menu, car je trouve important de préciser le nom de la cuvée ou du brasseur.» Si le saké s’apparente à la bière (du grain avec de l’eau), il a aussi beaucoup en commun avec le vin. «La récente tendance des vins nature a attiré l’attention sur le saké, car il y a plusieurs similarités entre eux, notamment au niveau des profils aromatiques, indique Vivian, de Kampai Festival. Le processus de fabrication du saké est non interventionniste et compte seulement quatre ingrédients: du riz, de l’eau, des levures et du koji.» Le salon des vins nature de New York Raw Wine a d’ailleurs invité pour la première fois des brasseurs de saké, considérant l’alcool de riz fermenté comme cohérent avec la philosophie des vins nature. Le saké ne contient en effet aucun sulfite ni ajout, à part les levures. Accords sakés-fromages Les agences d’importation spécialisées en saké sont plus présentes dans l’ouest du pays, du fait de la plus grande proximité avec le Japon et de la présence de la communauté japonaise. Mais depuis deux ans, on voit aussi apparaître
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de nouvelles agences au Québec – comme L’eau et le riz (2016) ou Keiko (2018) –, tandis que des agences d’ailleurs cherchent à s’implanter dans la province. C’est que la demande est bien là du côté des bars et des restaurants, car trouver une belle sélection de sakés n’est pas toujours évident. «Faut essayer d’avoir des réservations, ou écouler ses bouteilles intelligemment, confie Dérek. Mais je pense qu’il va y avoir de plus en plus d’agences…» La première fois que les clients viennent au Blossom, ils tapent dans les sakés les moins chers, car ils ne sont pas habitués à voir des bouteilles à plus de 100$, mais finalement, ils reviennent pour essayer les plus fins. «Et ils les adoptent», affirme le sommelier. C’est que les consommateurs ne veulent pas boire n’importe quel saké. C’est d’ailleurs aussi le cas au Japon: si la consommation totale de saké dans le pays est en baisse, celle de sakés haut de gamme augmente. «Les nouveaux consommateurs sont attirés par la subtilité, le raffinement, l’élégance et la pureté de la boisson», explique Vivian.
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D’autant que l’alcool de riz s’accorde avec de nombreux plats. Le restaurant montréalais H4C associe volontiers les sakés avec sa cuisine française, et n’hésite pas à glisser des accords mets-sakés dans son menu dégustation. Le restaurant Toqué! a aussi ajouté quelques bouteilles à sa carte, qu’il accorde notamment avec des fromages. «Les sakés vont très bien avec tout ce qui est umami ou très salin – ce qui peut être parfois difficile à accorder avec le vin. Ça crée un accord d’harmonie entre deux choses très
riches, résume Dérek. Il faut sortir de sa zone de confort, arrêter de penser qu’on boit du saké seulement avec des sushis! D’ailleurs, il y a plein de sakés qui ne vont pas avec les sushis.» Pour lui, le Québec est «en retard sur presque tout le monde» dans le domaine, alors que les bars à saké fleuris sent en France et que de nombreuses brasseries se sont installées aux États-Unis, en Corée, en Chine, en Australie… Il est en effet possible de faire du saké partout, tant qu’on dispose d’une eau propice, pas trop dure et avec peu de fer. Il faut également un riz avec un pourcentage de sucre plus élevé, plus cher à produire car plus fragile. Une brasserie au Québec? «Ça serait une super bonne idée. Les Québécois sont tellement fiers de ce qui est fait ici…» Pour le moment, la seule brasserie de saké au Canada, Izumi, se situe en Ontario. «Quand je vends du saké Izumi, je ne dis qu’après au client que c’est canadien, pour éviter les préjugés. Même s’il est fait par des Japonais avec du riz japonais. La typicité ou le terroir, on l’a vraiment plus par les techniques que par le riz ou les levures.» Un nombre croissant de brasseries utilisent en effet des riz locaux pour faire des alcools régionaux. «Le saké va prendre de plus en plus d’importance au Canada, conclut Vivian. Le secteur a connu une très grande croissance, et son expansion n’est pas encore finie alors que le nombre de bars et de restaurants augmente et que l’intérêt grandit toujours plus de la part des établissements non japonais.» Bref, on n’a pas fini de trinquer au riz. y
PORTES OUVERTES 8, 9, 15 et 16 septembre 10h à 18h aussi, plusieurs participants ouverts à l’année
62 participants routeartssaveursrichelieu.com
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PORTRAIT DE CHEF SABRINA LEMAY
Méconnue du grand public il y a quelques mois à peine, la cheffe Sabrina Lemay fait courir les épicuriens avec l’ouverture du Bistro L’Orygine, l’un des nouveaux concepts proposés par le Groupe La Tanière à Québec. Sa cuisine végétalisée est à l’image de sa personnalité: pimpante comme une poignée de camerises bien mûres! MOTS | HÉLOÏSE LECLERC
Voir: Comment en es-tu venue à la cuisine? Sabrina Lemay: C’est une histoire d’amour! Dès que j’ai été capable de me servir de mes mains, ma maman m’a amenée aux fourneaux et on a cuisiné ensemble. Quand on me demandait ce que j’allais faire dans la vie, je disais que j’allais être chef cuisinière. J’ai quand même voulu essayer autre chose, alors je me suis inscrite au cégep en design d’intérieur, mais ce n’était pas ma place… À 18 ans, j’ai décidé de faire mon cours de cuisine et me voilà!
avec plusieurs poissons, mais le flétan est un excellent choix, car l’escabèche permet de garder le côté soyeux de sa chair. Un resto coup de cœur au Québec… ou ailleurs? À Québec, j’aime beaucoup aller manger au Cendrillon. C’est dans mon quartier. On mange super bien, les gens sont l’fun, c’est sans prétention et surtout, je ne suis jamais déçue. Un chef que tu admires?
Ton style de cuisine en quelques mots? Simple et franc! Je fais une cuisine honnête, colorée, toujours remplie d’amour. Je ne mets pas beaucoup de parfums différents dans une même assiette, car j’aime travailler un produit et le décliner, afin qu’on ne se perde pas dans les saveurs. Quel est ton souvenir culinaire le plus marquant? L’année dernière, je suis allée au Pérou avec un ami. On était à Cuzco, assis dans un marché, et on a mangé la meilleure soupe au poulet au monde! À la première bouchée, le monde s’est arrêté de tourner. Ça m’a même donné des frissons, comme quoi les choses les plus simples peuvent être les plus fantastiques. Aux antipodes, l’Hôtel Herman, à Montréal, a été ma plus belle expérience culinaire à vie. Du grand gastro, mais dans un endroit simple, avec des gens simples et tellement passionnés par ce qu’ils faisaient. J’étais anéantie quand j’ai appris que ça avait fermé.
En ce moment, il y a Christina Tosi, la chef des Milk Bar. Je l’ai connue grâce à Chefs’ Table – un gros classique – et j’ai capoté! J’ai été touchée par sa persévérance, mais aussi sa partie loufoque, sa passion contagieuse, et surtout sa façon de cuisiner des choses simples mais de manière si mémorable que ça chamboule les gens. Je pense aussi à Alex Atala et Virgilio Martínez, deux cuisiniers d’Amérique du Sud et centrale. J’adore leur façon d’exploiter un maximum de produits de leurs pays, de la mer aux montagnes. Ils démontrent qu’on n’est pas obligés d’aller voir ailleurs pour faire des trucs complètement fous. Tes trucs pour garder la forme dans ce métier stressant et physiquement demandant? Ceux qui ont visité nos locaux le savent, on a trois beaux étages à franchir tous les jours… Ça nous garde en forme! Sinon, je vais travailler à vélo et je marche beaucoup. Quand mon horaire me le permet, j’aime faire du crossfit.
Un producteur dont tu aimerais souligner le travail? Quel est ton aliment préféré? Les Jardins du futur simple, un projet de Maggie Tremblay et Mathieu Fontaine, un couple qui a fait un changement de vie. Elle était travailleuse sociale, lui, mécanicien d’avion! Ils ont acheté une ferme à Saint-Vallier et ils font du bio-intensif sur planches, tout à la main, sans aucune machinerie lourde, en autodidactes. Ils sont incroyables et inspirants!
Je suis une fan finie d’avocat. Je peux en manger trois fois par jour et je ne me tanne pas: en salade, en sandwich, même le pur avocat avec juste un peu de sel, c’est du gros bonheur. En plus, on en trouve pas mal partout quand on voyage, c’est parfait! Un autre que tu détestes?
Une recette/technique de cuisine à partager avec les lecteurs? J’aime beaucoup faire des escabèches, qui consiste à mi-cuire des poissons dans une marinade à chaud infusée de divers ingrédients. Ça fait changement du gravlax! Ça fonctionne
Il n’y en a pas tant ça, car je me force de goûter à tout, même au foie de veau. À force d’en manger, on finit par apprécier. Cependant, j’ai une histoire d’amour-haine avec les pétoncles: je ne peux pas en manger puisque je suis allergique, mais j’adore les travailler.
ART DE VIVRE 47 VOIR MTL
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Un plaisir coupable côté bouffe?
La gastronomie québécoise, c’est quoi pour toi?
Des chips, dans la vie, ça le fait. Y a le côté craquant-salé que j’adore… Ça, ou les jujubes, le plus acidulé possible, ceux qui viennent coincer derrière la mâchoire. Ils ne sont jamais assez surets à mon goût!
Pour moi, la gastronomie québécoise, c’est mettre en valeur les beaux produits de chez nous et nos artisans passionnés avant d’aller voir ailleurs. y
Le plus bel aspect du métier de chef? Avoir la chance de s’entourer de gens que l’on choisit. On peut évoluer ensemble, se soutenir et se créer une famille. C’est super agréable d’accompagner des gens qui veulent apprendre, et de transmettre son savoir. Le pire inconvénient? Étant un peu workaholic, le risque c’est d’oublier qu’il y a une vie au-delà du restaurant et de la cuisine, de trop être dans le métier. Les gens avec lesquels je travaille doivent me rappeler que lorsque je suis en congé, je suis en congé. Heureusement, je suis bien entourée.
LA CHEFFE EN QUELQUES DATES Sabrina Lemay a fait son cours de cuisine au Centre de formation professionnelle Bel-Avenir en 2008. Cuisinière de ligne, elle a exploré pendant 10 ans toutes les facettes du métier au St-Amour, au Baluchon, aux Sales Gosses, et même auprès du chef Marcon en France. Repêchée par Frédéric Laplante et Karen Therrien du Groupe La Tanière, elle a piloté l’ouverture du Bistro L’Orygine, où elle officie comme cheffe depuis le 15 juillet dernier.
«JE VOULAIS QU’ON PUISSE SENTIR AUSSI QU’AU-DELÀ DE L’ANECDOTIQUE, IL Y A DES OCÉANS, DES GOUFFRES QUI NOUS SÉPARENT, SOIT DES AUTRES, SOIT DE NOUS-MÊMES.»
LIVRES 49 VOIR MTL
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LE PORTEUR DE MOTS LE COMÉDIEN JAMES HYNDMAN PASSE DE LA PAROLE À L’ÉCRITURE. IL LANCERA SON PREMIER LIVRE À L’OCCASION D’UNE LECTURE-SPECTACLE EN OUVERTURE DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA LITTÉRATURE (FIL), AUX CÔTÉS DE SA COMPLICE, EVELYNE DE LA CHENELIÈRE. MOTS | ROSE CARINE HENRIQUEZ
PHOTO | JULIE ARTACHO
Douze soliloques composent le récit qui paraîtra en septembre prochain dans la collection Quai no 5 des éditions XYZ. Des fragments d’histoires qui se sont imposés à James Hyndman au fil des années, au compte-gouttes, jusqu’à ce que se révèle un lien entre eux. Ces monologues intérieurs – les trois premiers en particulier – et ce qu’ils possèdent en commun ont donné l’idée du recueil Océans. «Il y a quelque chose qui les relie à la fois dans la forme, l’idée d’un fragment, d’une phrase interrompue, et dans le fond, c’est-à-dire que ce sont des situations dans lesquelles on peut tous se retrouver à différents moments. On est à deux, on parle à quelqu’un, mais en fait, on se sent terriblement seul.» Ensemble et pourtant… La relation à deux, c’est ce qui intéresse l’auteur et ce qui est exploré dans Océans. Le couple amoureux, surtout, car il y en a plusieurs. Au dixième soliloque, l’écrivain évoque Ingmar Bergman et ses célèbres Scènes de la vie conjugale. Il n’est pas anodin qu’on retrouve James Hyndman à la mise en scène et à l’interprétation de l’adaptation scénique de l’œuvre cinématographique en 2019 au Quat’Sous avec une fois de plus Evelyne de la Chenelière. On retrouve aussi au fil des textes le couple d’amis ou le duo parent-enfant dans des situations «simples et concrètes». «Je voulais qu’on puisse sentir aussi qu’au-delà de l’anecdotique, il y a des océans, des gouffres qui nous séparent, soit des autres, soit de nous-mêmes. C’est ça qui m’intéressait finalement: la coexistence du léger et du profond.»
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LIVRES 51 VOIR MTL
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Cette solitude et l’incapacité à atteindre l’autre viennent bien de quelque part, et dans les brefs portraits brossés par Hyndman, on y perçoit une tentative de réponse. «Parfois, cette distance énorme entre soi et l’autre, elle est due à l’autre qui n’a pas envie d’être là, qui n’est pas présent, qui ne donne rien en retour. Parfois, elle est due à soi, parce qu’on demande et on attend quelque chose qu’on ne peut pas nous donner.» Lecture vivante Depuis une dizaine d’années, James Hyndman se consacre à une série de lectures publiques par amour de la littérature, qui l’accompagne depuis l’enfance. Avec sa voix dans laquelle on se perd volontiers, il entamera sa cinquième saison au Quat’Sous dès l’automne avec une nouvelle série qui nous invite à «Perdre le Nord». Un automne qui sera marquant, car cette voix qui a tant porté les mots des autres portera désormais les siens. Et Océans fait partie des récits qui se prêtent bien à l’interprétation orale. «Je me suis posé la question, évidemment. J’avais l’intuition que c’était davantage pour la lecture que pour la scène, parce que lorsqu’on écrit pour la scène, il faut qu’il se passe un événement dramatique, il doit se produire quelque chose dans les corps. Ce que j’écrivais était de l’ordre du rien ou du trois fois rien.» Un objet littéraire plus que théâtral selon Hyndman. L’exercice de lire à voix haute est un art et s’apparente à un chemin de solitude pour James Hyndman, qui prend en exemple le comédien français Jean-Louis Trintignant qui nous avait lu les mots de Jacques Prévert, de Boris Vian et de Robert Desnos au FIL en 2012. «Je pense qu’il y a un art de lire, mais qui n’appartient qu’à soi. C’est quelque chose qui se travaille jusqu’à ce qu’on trouve une façon à soi de lire. Il faut développer une intimité avec l’œuvre.»
Vibrer sur la même note Si l’on s’imagine devant une femme ou un homme qui lit, on s’imagine partager avec elle ou lui un instant qui ne peut exister ailleurs et qui échappe au temps. James Hyndman parle d’expérience, celle qu’il tente de créer à chacune de ces lectures. «Quand je suis sur scène et que je lis, il y a toujours ce souci chez moi de provoquer et de faire résonner quelque chose chez le spectateur pour que tout à coup, il soit submergé, qu’il reçoive, qu’il soit étonné, que ça vibre en lui d’une manière qu’il n’aurait pas imaginé en s’assoyant dans la salle ce soir-là.» Le fait que ce soit un texte écrit par le comédien ne change rien au but ultime, qui est que ça vibre en chacun de nous, qu’on entende la même musique. y Océans 21 septembre À la Cinquième Salle de la Place des Arts Festival international de la littérature, du 21 au 30 septembre à Montréal
LA CATALOGNE LITTÉRAIRE Écrivains et artistes catalans seront à l’honneur dans cette 24e édition du Festival international de la littérature à travers concerts, rencontres et spectacles. Parmi ces créations, retenons quelques mariages interdisciplinaires qui auront lieu à l’Usine C, comme le concert de poésie et de musique électronique Barba Corsini (23 septembre), un projet du poète Eduard Escoffet et du musicien Pope. Il s’agit d’un dialogue qui voyage entre les mots et le son et où chacun explore les possibilités de leurs disciplines. Sol Picó danse les mots d’Imma Monsó (29 septembre) marie pour sa part littérature et danse. Imma Monsó lira ses textes alors que Sol Picó dansera et que Mireia Tejero jouera du saxophone. Il s’agit aussi d’une célébration d’artistes féminines.
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Sur les rayons
Sur les rayons
QUELQU’UN NICHOLAS GIGUÈRE
ZVIANE AU JAPON ZVIANE
Hamac, 2018, 68 pages
Pow Pow, 2018, 96 pages
Un an après la parution de Queues, un premier récit intime qui avait brassé la cage dans le paysage littéraire québécois, Nicholas Giguère nous revient avec un titre – et une page couverture – d’apparence beaucoup plus soft: Quelqu’un.
Nous étions quelques centaines à suivre Zviane, chaque jour, dans son périple au Japon l’hiver dernier. Tout ça grâce à Instastory, une fonction d’Instagram qui permet d’exposer son quotidien sous forme d’une succession de courtes vidéos éphémères. De là, la BD Zviane au Japon voit le jour chez Pow Pow, au grand bonheur de celles et ceux qui auraient tout manqué ou qui voudraient se replonger dans un récit de voyage familier – cette fois-ci en différé.
Il existe plusieurs raisons de se retrouver au bar malgré soi. Parce qu’on a suivi les autres, ou parce que c’est une habitude. L’esprit décalé, on passe la soirée à contempler la faune qui s’excite et on se demande: «Mais qu’est-ce que je fous ici?» C’est à ce principal questionnement qu’on se confronte au bar l’Envol, à Saint-Georges, où Nicholas – comme toute la Beauce gaie – se rend systématiquement chaque semaine. Comme une roue rouillée qui tourne un peu croche, «un trou où j’ai commencé/ma vie publique de pédale/ou de pédale publique/ je confonds toujours les deux». On aura notre réponse bien assez vite: entre deux shirley temples, le narrateur, qu’on devine au début de la vingtaine, espère l’amour lorsqu’il part dans ses rêveries. Mais c’est le cul qu’il envisage une fois revenu sur terre. Les passages évoquant la sexualité ont quelque chose de pornographique, nous ramenant rapidement à la perspective d’une fuite vers l’imaginaire. En courts vers, Quelqu’un nous donne accès à un dialogue intérieur cru, sévère, dépréciatif. Certains passages plus bruts, qui vont parfois dans tous les sens, prennent leur place dans un récit composé de pensées quasi automatiques, auxquelles on s’attarde pour se donner une contenance dans un lieu anxiogène. Dans un monde où on se sent invisible. Si les idées suicidaires ne sont pas exactement au centre du texte, l’envie de se lancer dans la Chaudière n’est jamais loin. est-ce que mon corps va être retrouvé est-ce qu’on va vouloir me retrouver c’est pas tout d’être porté disparu il faut manquer à quelqu’un Frappant moins fort que dans Queues, Giguère aborde ici un sous-thème important de la critique campée dans son premier livre: la pression qui accable lorsqu’on n’entre pas dans le moule, cette fois-ci à l’amorce d’une vie affective et sexuelle; quand l’identité se forge tant bien que mal. Le souvenir âpre d’une époque où on pensait chercher quelqu’un, dans l’espoir premier de ne plus être personne. (Mélanie Jannard) y
«Dans la forêt de ma tête, à force de prendre le même chemin, il se crée un sentier. Mais dans un pays différent, je me trouve un peu hors piste.» On emprunte donc avec Zviane un tout nouveau parcours en piquant à travers Kyoto. On découvre, notamment, la gastronomie intrigante, les caractères de l’écriture japonaise, les postes de télévision saugrenus, les pièces de monnaie, le rapport au silence et chaque réglage des fameuses toilettes high-tech. On en apprend beaucoup, et cette foulée de nouvelles connaissances nous est offerte avec la candeur et l’humour frais qu’on reconnaît à Zviane. D’ailleurs, ses fans ne pourront difficilement s’empêcher d’entendre sa voix en la lisant. Une encre mauve foncé pour le dessin, du washi tape qui orne les pages: le contenu est livré avec un souci esthétique propre à l’autrice comme aux éditions Pow Pow. N’attendez pas d’enchaînements fignolés ou de grande conclusion récapitulative. Le récit se termine sur des portraits réalistes de gens rencontrés là-bas, à l’image de la dernière entrée d’un carnet de voyage griffonnée juste avant de monter dans l’avion ou, bien sûr, d’une Instastory dont on verrait apparaître la suite dans quelques heures. Bien que le livre puisse tout à fait plaire aux personnes à qui Instagram ne dit pas grand-chose, les stories sont partie prenante de Zviane au Japon: une mise en abyme actuelle plus que pertinente dans notre littérature, mais aussi audacieuse lorsqu’il est question de plateformes dont l’évolution est incroyablement rapide. Alors que certaines personnes jugent superficielles ces démonstrations du quotidien sur le web, les personnalités les plus intéressantes à suivre, comme Zviane, font preuve d’une habile maîtrise du storytelling. Bien au-delà de l’autopromotion, elles parviennent à faire des réseaux sociaux un moteur artistique et, qui sait, à esquiver l’isolement de la création solitaire. (Mélanie Jannard) y
Sur les rayons
Sur les rayons
MOI, CE QUE J’AIME, C’EST LES MONSTRES EMIL FERRIS
À SON IMAGE JÉRÔME FERRARI
Éditions Alto, 416 pages
Actes Sud, 224 pages
Certains livres, publiés par des auteurs qu’on estime, sont parfois montés en chefs-d’œuvre avant même leur sortie et nous arrivent donc avec une rumeur si forte qu’on craint presque leur lecture. On redoute le moment de s’y plonger, ayant peur de passer à côté de quelque chose. Au jeu des attentes, la déception est mère. C’est exactement comme cela que je me sentais lorsque j’ai ouvert Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris, bande dessinée de plus de 400 pages (le projet en fera 800) coéditée par Alto et Monsieur Toussaint Louverture. Après avoir fait sensation au sud de la frontière, la bédéiste de Chicago a même été nommée l’«une des plus grandes artistes de bande dessinée de notre temps» par Art Spiegelman, l’auteur même de Maus, un classique contemporain. Au sortir de cette épopée livresque, je me dois tout de même d’être honnête: maintenant, moi aussi j’aime les monstres.
Depuis bientôt six ans, je me casse les dents chaque fois que je tente de faire découvrir l’écrivain corse Jérôme Ferrari, car mon principal problème, c’est que j’y échoue lamentablement. Soyez averti, lorsque je me confonds en dithyrambes pour cet auteur, le lecteur que j’essaie de créer ne trouve rien en ces pages qui sauraient approcher mon propre plaisir de lecture. Mais comme les écrivains qui nous accompagnent sur la durée sont aussi précieux que de vieux amis, je persiste et signe par loyauté et abnégation et tenterai une fois de plus de souligner l’immense talent dont fait preuve Ferrari de livre en livre. Croyez-moi sur parole, À son image, son plus récent roman, est simplement excellent.
Basé à Chicago à la fin des années 1960, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres raconte l’histoire de Karen, une jeune fille qui vit dans un demi-sous-sol avec sa mère et son frère et qui, pour passer le temps, tente de se convaincre qu’elle est un loup-garou. Lorsque la voisine d’en haut est retrouvée morte dans des circonstances nébuleuses, Karen décide de mener l’enquête. Dans un immeuble d’appartements aussi glauque que ceux que l’on retrouverait dans un film d’horreur de série B de l’époque, les histoires vont commencer à se délier tant pour Karen que pour le lecteur. Mais il serait triste de ne s’en tenir qu’aux aspects narratifs du projet, car la bande dessinée est plus totale que cela. L’immersion dans l’univers de Ferris se fait quasi instantanément, le livre se présente comme un journal intime, une succession de feuilles lignées complètement couvertes de dessins et de réflexions dans lesquelles le talent de l’illustratrice est souverain. Lorsqu’on aperçoit le paysan de la toile American Gothic du peintre Grant Wood dès les premières pages, on sait que chaque trait ici n’est pas fortuit; les réflexions, les références et les clins d’œil à l’histoire de l’art sont nombreux et jouissifs tout au long de la lecture. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est une œuvre touffue et brillante, où Emil Ferris parvient à marier culture populaire et histoire de l’art avec une esthétique singulière, voire unique. S’y perdre est un grand bonheur de lecture. (Jérémy Laniel) y
Lauréat du Goncourt en 2012 pour Le sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari brosse dans son nouveau livre le portrait d’Antonia, une jeune photographe corse qui perd la vie sur la route dès les premières pages du roman. Chassé-croisé entre son existence et ses funérailles, À son image raconte autant la passion d’Antonia pour la photo que son désir de couvrir de grands conflits ainsi que son amour pour Pascal B., ami d’enfance et membre de la milice nationaliste corse. Au détour d’à peine 200 pages, Ferrari signe autant un cours exhaustif sur le photoreportage – conviant d’un chapitre à l’autre de grands photographes ayant couvert les multiples conflits qui ont mis le continent à feu et à sang – qu’un précis politique sur les démarches indépendantistes corses ayant troublé l’île à l’heure de cette vague d’autodétermination des peuples européens. C’est lorsque le lecteur se retrouve au cœur des obsèques d’Antonia, célébrées par son oncle, qu’il peut remarquer l’ampleur de la langue de Ferrari: la phrase peut courir sur plusieurs pages, les époques peuvent se succéder d’une virgule à l’autre, alors que les dialogues parviennent à s’immiscer à même la description. Tout chez lui relève de la maestria, sans oublier une certaine notion d’atavisme corse qu’il semble déployer une nouvelle fois ici, comme il l’avait fait avec Le sermon sur la chute de Rome; cette idée d’une île comme une malédiction, un lieu qu’on se doit de fuir, mais qui, pourtant, nous ramène toujours à lui. Écoutez-moi quand je vous dis que Jérôme Ferrari est un écrivain incontournable. (Jérémy Laniel) y
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PAR STÉPHANIE BOULAY ILLUSTRATION JULIE DELPORTE PHOTO BIANCA CLOUTIER LAMOUREUX
Cheveux Nous avions depuis longtemps envie de provoquer des rencontres d’artistes et de leur offrir nos pages comme espace de création. Voici les fruits du riche mariage des univers de l’auteure et musicienne Stéphanie Boulay et de la bédéiste Julie Delporte.
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n vient de lui raconter une histoire, celle de cette fille de 30 ans qui a eu un cancer. Qui a perdu tous ses cheveux et toute son énergie, comme ça, du jour au lendemain. Une bosse dans le cou, et puis la fin du monde. Elle a survécu, son amoureux s’est occupé d’elle pendant la petite apocalypse. Elle ne peut plus parler, maintenant, et ne le pourra plus jamais. On lui a lacéré les cordes vocales, en lui enlevant du cancer dessus. Son amoureux, lui, l’aime toujours, même si elle n’a plus de voix, et même s’il l’a vue sans ses cheveux. Elle, a écouté cette histoire. Et à la fin, quelque chose est tombé comme ça, comme une fatalité, sur son cœur: «Si c’était moi, on devrait me placer quelque part.» Elle, n’a pas d’amoureux pour la nourrir, pour la laver, la porter, en attendant qu’elle guérisse du cancer. Elle devrait payer des gens pour le faire. Comme elle paie maintenant des gens pour lui faire des massages, quand elle a mal au dos, quand elle n’en peut plus du poids de l’anxiété. Personne dans le lit, le soir,
pour ça. Et si elle mourait, là, subitement, pendant la nuit, combien de temps, avant que quelqu’un ne se demande où elle est? Avant que quelqu’un ne la trouve? Une semaine? Deux? «Pas grave», qu’elle se dit, le soir, en serrant ses jambes de bord en bord de la couverture. Sa mère, ses grands-mères n’ont jamais su ce qu’elles aimaient, dans la vie. Pas de temps pour savoir ce qui nous fait plaisir, quand on doit prévoir ce que notre époux voudra manger, porter, faire, dire. Quand on doit ramasser, laver, recoudre. Quand on doit veiller les bébés. Pas de temps pour être douée en quelque chose d’autre qu’en douceur, en empathie, en organisation, en obéissance. Alors elle a, à cause ou grâce aux femmes de son sang avant elle, l’envie dans la peau de faire plaisir aux hommes autant que celle de s’en affranchir complètement. Les deux, toujours en chicane l’une contre l’autre. Elle, sait ce qu’elle aime. Elle a le luxe du temps. Elle écrit et aime écrire plus qu’elle n’aime la vie, ou l’amour. Elle se bat avec les mots pour faire tourner le sort du monde à l’envers. Les hommes
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> aiment-ils les femmes qui écrivent, qui écrivent vraiment, des choses qu’il est difficile d’écrire et de lire? Ont-ils peur de ce que les femmes qui écrivent pourraient dire, et de ce qu’eux pourraient en penser, et en subir à marcher là, à leur côté? Elle, ses jambes sont drues. Ses aisselles sont noires. Elle est belle, grande et sauvage. Elle ne le sait pas toujours, parce que les yeux des hommes ne lui disent pas beaucoup. Les yeux des hommes voudraient souvent la peau lisse. Les yeux des hommes voudraient souvent les traits soulignés juste comme il faut par le maquillage, la chevelure domptée, la voix déposée. Elle est échevelée, elle est pressée, elle est en colère. Si les yeux des hommes lui disaient qu’ils aiment sa fourrure, sa colère ou son visage nu, elle serait d’accord avec eux, peut-être. Mais ils ne disent rien.
question à un ami. Il lui répond: «On ne peut pas changer les mœurs en une seule vie. C’est plus simple d’abandonner, si on veut être heureux.» Mais s’il y a un choix à faire, elle sait lequel ce sera. Jusqu’au bout, pour essayer de faire tourner le sort du monde à l’envers. Pour essayer de pardonner aux hommes qui ont empêché ses ancêtres de savoir ce qu’elles aimaient, et ce dans quoi elles pouvaient exceller. Ou pour essayer de pardonner aux femmes de ne pas avoir su mieux préparer le nid qui allait l’accueillir. Elle, ne sait pas si elle sera heureuse un jour. Elle, n’a pas perdu l’espoir d’être heureuse dans le nid de ses batailles. Elle, ne veut pas mourir toute seule sans personne pour la pleurer. Elle, n’a pas abandonné l’idée des deux dans la même vie: l’amour et les batailles. Et s’il y a les hommes pour aimer les
«ELLE, NE VEUT PAS MOURIR TOUTE SEULE SANS PERSONNE POUR LA PLEURER. ELLE, N’A PAS ABANDONNÉ L’IDÉE DES DEUX DANS LA MÊME VIE: L’AMOUR ET LES BATAILLES.» Elle, ne veut plus glisser le rasoir sur son corps. Sa politique le lui refuse. Mais il n’y a pas que ça. S’il lui arrive de rencontrer une femme qui a des poils et du front, quelque part, dans la rue, elle la trouve toujours très belle. Elle a l’impression d’arriver à voir l’animal en même temps que la femme, de voir celle dont le corps et le cœur se rejoignent. «S’affranchir», elle veut. Alors, elle l’a décidé: elle aimera sa fourrure et le corps qu’elle recouvre, la plupart du temps, même si elle ne se voit briller nulle part dans les yeux des hommes. Ce sera son goût à elle. Et là, quelque part entre les os de la cage thoracique, l’espoir. L’espoir qu’une fois, quelqu’un la verra et l’aimera. Sans la contraindre, sans la freiner, sans lui diminuer le courage des écrits, des cris, du duvet. Y a-t-il quelqu’un, un homme, qui est capable de faire ça? Elle pose la
femmes sans leurs cheveux qui ont le cancer, il y a aussi les hommes pour aimer les femmes qui ont des cheveux partout sur leur corps. De ça, elle en est certaine. Oksana Chatchko, une célèbre Femen, vient tout juste de s’enlever la vie. Elle, ne la connaissait pas beaucoup, mais elle a lu quelque part qu’on lui avait demandé si elle était prête à donner son existence pour ses idées, et qu’elle avait répondu: «Mais je l’ai déjà donnée!» Elle, a compris ce que la femme avait dit là, même si elle ne ressent jamais l’envie de mourir. Et son cœur est infiniment brisé de la mort d’une autre femme combattante, et elle se recueille en silence. Elle, fera tout pour lutter, mais aussi pour être heureuse, ou alors, peut-être, pour comprendre qu’elle l’est déjà. Dans le nid de ses batailles. y
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© 2018 Calder Foundation, New York / SODRAC, Montréal.
> Alexander Calder, The Brass Family (détail), 1929. Fil de laiton et bois peint. Photo Whitney Museum, New York. < Alexander Calder, Trois disques et le monorail d’Expo 67. Photo Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa.
ARTS VISUELS 59 VOIR MTL
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SCULPTEUR DES POSSIBLES SI PLUSIEURS MONTRÉALAIS SONT FAMILIERS AVEC ALEXANDER CALDER GRÂCE À SON EMBLÉMATIQUE SCULPTURE TROIS DISQUES (MIEUX CONNUE SOUS L’APPELLATION L’HOMME) TRÔNANT SUR L’ÎLE SAINTE-HÉLÈNE, LES VISITEURS DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL S’APPRÊTENT À CONSTATER L’AMPLEUR DE L’HÉRITAGE ARTISTIQUE QU’A LAISSÉ SON CRÉATEUR AVEC LA PREMIÈRE RÉTROSPECTIVE CANADIENNE LUI ÉTANT ENTIÈREMENT CONSACRÉ. MOTS | MARYSE BOYCE
«On a l’impression qu’on connaît Calder, mais on se rend compte que les gens sont familiers avec des aspects différents de l’artiste», estime Anne Grace, conservatrice aux expositions du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). C’est elle qui a assuré le commissariat de cette ambitieuse exposition, conjointement avec l’Américaine Elizabeth Hutton Turner, sous la direction de la directrice générale du MBAM, Nathalie Bondil. «Nous sommes très heureux de pouvoir montrer toute la variété de sa production, sa capacité à inventer et à changer complètement notre concep tion de la sculpture.» Il s’agit d’un mandat ambitieux, certes. Mais la centaine d’œuvres présentées ratissent large et font découvrir les délicates compositions au fil de fer du début de la carrière du sculpteur jusqu’aux maquettes de ses imposantes sculptures d’art public de la fin de sa vie (nommées stabiles), en passant par ses bijoux et ses mobiles (soit des sculptures qui intègrent une composante cinétique). La thématique choisie pour l’exposition, «inventeur radical», sied particulièrement bien à Alexander Calder, né en 1898 et décédé en 1976. Avec ses mobiles, il a introduit le mouvement dans la sculp ture (et donc la notion de temps), afin de rendre compte du dynamisme de son époque, marquée par de grands bouleversements. On lui doit également une révolution dans le monde de l’art public, qui était jusqu’alors caractérisé par des statues sur des socles. Avec ses immenses stabiles abstraits s’élevant du sol grâce à des piliers et dont la majeure partie se tient en équilibre dans les airs,
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> Alexander Calder, Flamingo (maquette), 1972.
Aluminium, rivets et peinture. Photo The Smithsonian American Art Museum.
< Alexander Calder, Little Spider, vers 1940.
Feuille de métal, tige, fil de fer et peinture. Photo Courtesy the National Gallery of Art, Washington. © 2018 Calder Foundation, New York / SODRAC, Montréal.
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> les gens ont pu interagir avec son art, lui donnant une dimension rassembleuse. Sur l’île Sainte-Hélène, les danseurs du Piknic Électronik en ont fait la démonstration fes tive en se réunissant sous L’Homme jusqu’à l’automne 2016 (en raison de travaux au sud de l’île, l’œuvre demeure inaccessible jusqu’en 2019). Alors que son père et son grand-père étaient eux aussi sculpteurs, Alexander Calder a choisi d’étudier l’ingénierie plutôt que les beauxarts. Sa formation, couplée à sa pratique artistique, lui a donné «une vision très vaste de ce que l’art pouvait et devait englober», soutient Elizabeth Hutton Turner, jointe par téléphone depuis Charlottesville en Virginie. «Calder n’a jamais adopté un courant, puis il a été en rupture: quel que soit le problème artistique rencontré, il a toujours proposé une perspective très alternative.» Son amitié avec la crème de l’avant-garde pari sienne dès le début de sa carrière – dont le peintre Piet Mondrian et le père du ready-made Marcel Duchamp – n’est pas
étrangère à cet état d’esprit. Ce contact avec l’idée d’abstraction lui permet «d’inventer son propre langage tout de suite, ajoute Anne Grace. Tous les éléments étaient là pour qu’il puisse contribuer à l’art de façon assez radicale.» Comme fil conducteur de la rétrospective, les commissaires ont opté pour un parcours chronologique. L’exposition se divise en quatre sections, chacune mettant en valeur une invention ou un aspect de sa carrière. Fidèle à son habitude, le MBAM a soigneusement réfléchi la scénographie de chacun des espaces. Dans l’un d’eux, les visiteurs devront lever les yeux pour saisir la beauté des mobiles de l’artiste, disposés en une canopée impressionnante. La dernière partie met en scène ses œuvres les plus monumentales, les emblématiques stabiles. Pour rendre compte de la diversité des formes et de l’immensité des œuvres réelles, hautes de plusieurs dizaines de mètres, ce sont les maquettes qui seront présentées, magnifiées sur les murs grâce à des jeux d’ombre dramatiques.
Parmi les œuvres marquantes de l’exposition, on pourra voir Red Lily Pads (Nénuphars rouges), un prêt du Musée Guggenheim, qui bénéficiera d’une plateforme conçue par le Cirque du Soleil et d’une salle à elle seule afin d’en vivre pleinement l’expérience de contemplation. «La beauté de ses œuvres a quelque chose de presque physique et de très touchant», souligne Anne Grace. Pour sa part, Elizabeth Hutton Turner espère que l’exposition contribuera à ce que Montréal se considère comme une ville Calder, soit «une ville qui épouse la vie, qui accueille l’énergie du changement de manière positive et qui regarde vers l’avenir et ses multiples possibilités.» y Alexander Calder: un inventeur radical Au Musée des beaux-arts de Montréal Du 21 septembre 2018 au 24 février 2019
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PETITS VELOURS
PAR CATHERINE GENEST
De Lisbonne à Magog et met magnifiquement en valeur le jeu d’une vocaliste aux talents de comédienne. Décidément, Pongo a tout pour elle. Brûlots exaltants en prime, des morceaux aux rythmes irrésistibles comme Tambulaya, offerte en ligne depuis avril, une pièce où elle use habilement de sa voix comme d’une percussion. Habile et ingénieux!
Elle s’appelle Pongo. Native de Luanda, capitale tropicale mutilée par la guerre civile, la musicienne aura été bercée à l’ombre des mines antipersonnel, de l’hécatombe qui fera fuir sa famille. Exilée au pays de ceux qui ont jadis colonisé le sien, l’Angolaise grandira à Lisbonne et y fera ses premières armes, prêtant même sa voix à la populaire formation Buraka Som Sistema.
Pressentie comme la diva du néo-kuduro, Pongo lèvera bientôt le voile sur un EP en cinq actes, un maxi fort prometteur qui paraîtra sous le label français Jardin rouge le 21 septembre. Puisse qu’il lui serve de passeport pour l’Amérique, le Festival d’été de Québec ou les Nuits d’Afrique montréalaises de l’an prochain.
La lusophone étend à présent son offensive de séduction et se propulse sous les lumières de Paris. Tranquillement, le bouche-àoreille fait son œuvre. On a déjà parlé d’elle à RFI, on fait tourner ses titres à Radio Nova et on l’a même reçue dans les studios de France Inter. Mais l’auteure-compositriceinterprète reste néanmoins inconnue de ce côté-ci de la mare où je me tarde de la voir accoster. Acoquinée au maître mixeur Florent Livet, un proche collaborateur de Phoenix et de Cassius, et à l’arrangeur Raphaël d’Hervez, elle livre un alliage d’afrobeat et d’électropop avec un soupçon d’influences dancehall. Ses chansons, interprétation sentie aidant, transcendent les barrières des langues. Elle y communique des émotions brutes comme dans Kuzola, une complainte relativement up tempo et modelée sous le poids de l’adultère. Une carte postale
Premier contact
PONGO, PHOTO FABIEN BROCHET
acheminée dans la première moitié du présent millésime, accompagnée d’un vidéoclip ultra-léché qui nous transperce
Il y a de ces premières parties que les musiciens portent comme un grade à leur cœur. Milk & Bone qui met la table pour Lorde au FEQ, La Chicane (on tend à l’oublier) précédant les Rolling Stones dans le fatras d’une Ville reine affolée par le SRAS. Toujours est-il que pareil mandat fait office de sceau d’approbation, de petite consécration. Et ce mois-ci, c’est Le Couleur qui vit le rêve. Son nom c’est Giovanni Giorgio Mais tout le monde l’appelle Giorgio
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Moroder n’est peut-être pas l’inventeur de l’EDM, en fait, ça reste à prouver, mais il en est certainement l’un des pionniers les plus notoires. L’électro et le disco des années 1970 à aujourd’hui ne seraient absolument pas les mêmes sans son apport. Le son de Donna Summer? C’est lui. Call Me de Blondie? Oui, encore lui. Et c’est sans parler de Daft Punk qui lui rend hommage sur Random Access Memories. Il lui aura fallu traverser le désert avant de se heurter à l’admiration de ses pairs plus jeunes, de se surprendre à ce regain qu’il n’espérait probablement même plus. De retour en 2015, il lançait son premier disque en deux décennies. Les tournées se sont succédé, les articles dans la presse aussi. Dès lors, c’était officiel: Giorgio serait de l’original et du nu disco. De passage à Montréal pour une seconde fois depuis son retour à l’avant-scène, le compositeur et producteur italien tend la main à Le Couleur, trio mené par une chanteuse et parolière (Laurence Giroux-Do), sise quelque part entre les joues rougies d’une jeune France Gall et le charme frondeur, résolument charnel, d’une Kylie Minogue. Un groupe sousestimé en ses terres, mais tellement influent dans l’Hexagone francophile, qui s’inscrit dans cette nouvelle vague de French touch décomplexée, ludique et déployée en 120 BPM. L’Impératrice et Corine leur doivent beaucoup, ça crève les tympans, et c’est sans doute pourquoi le gérant du géant les a choisis. Ils se produiront peu avant leur parrain spirituel le 21 septembre à la Société des arts technologiques de Montréal. Je t’aime beaucoup cependant À l’instar de Mike Ward ou de Sir Pathétik, Simon Boulerice trempe sa plume dans le souvenir de Cédrika Provencher. Un fait divers marquant auquel il insuffle une humanité, une poésie nouvelle, posant un regard sensible sur cette si triste affaire que d’autres auront portée en dérision. Un running gag, de l’humour noir, semblet-il. Or la disparition d’un être cher laisse une plaie béante. C’est une douleur qui s’étale indéfiniment dans le temps parce que le deuil ne peut se faire sous cette fine lueur d’espoir qui persiste. Ça, Boulerice l’a bien compris. Il s’est inspiré de l’authentique BFF de la petite Trifluvienne, Mégane McKenzie, et a pris soin de relocaliser l’histoire dans les Cantons-de-l’Est, à Magog. Rosalie,
Venez
savourer l’Italie! le personnage principal, incarne la culpabilité qui taraude ceux qui restent et donne corps à ces vies en suspens, comme rattachées à ce proche introuvable par un fil invisible. C’est elle qui narre ce récit émotif, mais jamais lourd, un monologue intimiste ponctué de métaphores et d’états d’âme incarnés, saupoudré d’un soupçon de remarques candides et allègrement impertinentes. Kim Kardashian et *NSYNC côtoient, par exemple, Dany Laferrière sans rougir. C’est tout sauf prétentieux, c’est tendre, ça fait sourire. On y suit cette héroïne à la confiance ébranlable, presque une constante dans l’univers de l’auteur, une toute jeune femme transplantée loin du drame, dans un appartement de Montréal. Neuf années se sont écoulées et elle fait son entrée au cégep. Hantée par son amie et les tâches ménagères qu’elle découvre, lovée dans une relation toxique et inscrite au programme de lettres, l’attachante protagoniste se déploie et se révèle à elle-même sur ces 256 pages minutieusement brodées, dans le plus pur style de Boulerice. Un roman inscrit au catalogue jeunesse de Leméac, sans toutefois se heurter aux limites du genre, qui plaira assurément à un plus vaste public. En librairie dès le 12 septembre. y
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Accumulant les centaines de milliers de vues et d’écoutes en ligne, le rappeur Tizzo est assurément l’une des sensations de l’heure sur la scène rap montréalaise. Armé de son flow fougueux et incisif, le Montréalais évoque des épisodes troubles de sa vie dans ses chansons. Il sera accompagné par Corops durant le spectacle. >
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ORELSAN MTELUS – 21 ET 22 SEPTEMBRE
Natif d’Alençon en France, Orelsan revient à Montréal et à Québec pour donner vie aux chansons de son troisième album La fête est finie, opus paru en octobre 2017 et vendu à plus de 500 000 exemplaires chez nos cousins. Sensation rap indéniable, il roule sa bosse depuis une quinzaine d’années avec, dans ses bagages, ses paroles crues et sincères, à la fois brutales et intelligentes.
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Présenté dans le cadre du festival Pop Montréal, ce spectacle du projet pop expérimental U.S. Girls s’annonce mémorable, ne serait-ce que par la salle dans laquelle il sera présenté: le mythique cinéma érotique L’Amour, installé sur la rue Saint-Laurent depuis des décennies. Le projet solo de la chanteuse Meghan Remy lançait en février dernier In a Poem Unlimited, un album récemment nommé dans la prestigieuse courte liste du prix Polaris.
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G R A N D E C É L É B R AT I O N DE LA VIRÉE ROSE 30 sep tembr e - P a r c Ma i sonne u v e
Les chansons d’Émile Proulx-Cloutier se vivent comme des contes, des petits films consacrés à des personnages plus grands que nature. À travers eux, l’acteurchanteur-raconteur se révèle comme jamais auparavant. Porté par ses mots et le groove de musiciens multi-instrumentistes, on passe de la tragédie à la franche rigolade, du slam à la berceuse, du chaos des villes au souffle de la mer.
Venez célébrer l’espoir et la vie avec nous lors de cet après-midi festive haute en couleur! Une brochette d’artistes vous offrira des performances uniques afin de souligner l’accomplissement des derniers mois de plus de 1000 participants de la Virée Rose! Gratuit pour les participants inscrits à la Virée Rose: vireerose.ca
LES VISAGES DE RACHMANINOFF 4 e t 6 oct obr e - Ma i son sy m ph o n iq ue de Mont r é a l
Sous les doigts virtuoses du pianiste Nicholas Angelich, toute la force des deux derniers concertos pour piano du compositeur russe est exposée. En alternance au programme, le quatrième comporte des touches de jazz et d’impressionnisme qui se marient bien au style percussif du compositeur russe en exil, tandis que le troisième est absolument captivant. photo Hans Vanderwoerd
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du 25 a u 27 se pt e m br e - Th é â t re O utr e m o n t
Spontané, énergique, pince-sans rire, Michel Robichaud est accompagné de deux musiciens sur scène dont Jessica-Charlie, sa complice de toujours, pour partager sa folie musicale et lui donner la réplique entre deux chansons. TOUT REFAIRE, tiré de son dernier album du même nom et inspiré par tout ce qui s’offre à son regard.
1re partie, Jean-François Groulx au piano, accompagné de Paul Brochu, batteur renommé (UZEB) et du contrebassiste émérite Adrian Vedady. 2e partie, en compagnie de l’Orchestre National de Jazz de Montréal dirigé par Benoit Groulx. SPIRALE, des mélodies à la fois accrocheuses et actuelles soutenues de rythmes à couper le souffle.
Edgar Bori raconte et chante avec ses mots et ceux du poète québécois Michel Garneau des petits voyages d’humains au cœur battants parfois battus. Un voyage duquel personne ne revient inchangé. Garneau Bori: Mise en scène de Michel Bruzat, créé en France au Théâtre de la Passerelle.
68 QUOI FAIRE
SCÈNE
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MAUDE LANDRY
THÉÂTRE PROSPERO – 10 AU 22 SEPTEMBRE
MEDLEY SIMPLE MALT – 14 SEPTEMBRE
Il y a deux ans paraissait Écoutez nos défaites aux éditions Actes Sud. L’auteur et dramaturge français Laurent Gaudé, qui a remporté deux fois le prestigieux prix Goncourt, a adapté son roman d’espionnage de guerre et de destruction pour la scène avec Agathe Bioulès. Conception, musique et mise en scène par Roland Auzet.
Grâce à sa prestance désinvolte et son regard décalé sur le monde, Maude Landry est l’une de nos plus talentueuses humoristes de la relève. Celle qui multiplie les apparitions dans les nombreuses soirées d’humour de la province depuis trois ans offrira un spectacle de rodage dans l’intime salle du bar de la Plaza Saint-Hubert.
LE RESTE VOUS LE CONNAISSEZ PAR LE CINÉMA
CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI –
ESPACE GO – 11 SEPTEMBRE AU 6 OCTOBRE
25 SEPTEMBRE AU 20 OCTOBRE
Christian Lapointe adapte et met en scène cette pièce du Britannique Martin Crimp, une réécriture de la pièce Les Phéniciennes d’Euripide. «Alors que les deux fils d’Œdipe s’apprêtent à s’affronter sur le champ de bataille, leur mère Jocaste tente une ultime tentative de conciliation pour empêcher une guerre qui pourrait mettre en péril la cité de Thèbes et la vie de son peuple.»
L’auteur et metteur en scène Mani Soleymanlou propose la grande finale de son cycle de chiffres. «À l’enterrement d’un de leurs amis, un groupe d’acteurs et d’actrices se souvient, se confie, s’interroge, se tait, s’engueule, s’échappe, dérape.» Avec une belle distribution composée de Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani.
NEUF (TITRE PROVISOIRE)
CHRONIQUE D’UN CŒUR VINTAGE PHOTO MARIE-ANDRÉE LEMIRE
EN SPECTACLE
avec Paul Brochu, Adrian Vedady et Chef d’orchestre : Benoit Groulx
13 SEPTEMBRE, 19H30
Théâtre rouge du Conservatoire de musique de Montréal 4750, avenue Henri-Julien Billetterie : 514 873-4031 poste 313
CHRONIQUES D’UN CŒUR VINTAGE THÉÂTRE LA LICORNE – JUSQU’AU 21 SEPTEMBRE
Premier spectacle solo d’Émilie Bibeau, mis en scène par Sophie Cadieux. La comédienne s’est mise à l’écriture il y a quelques années, dans le cadre de ses chroniques à Plus on est de fous, plus on lit!, émission littéraire radiophonique de RadioCanada. Voilà maintenant que ses récits sont adaptés pour la scène.
LES BARBELÉS THÉÂTRE DE QUAT’SOUS – JUSQU’AU 26 SEPTEMBRE
Après le succès bien mérité de la pièce Les Hardings l’an dernier, la metteure en scène Alexia Bürger dirige cette pièce d’Annick Lefebvre, présentée à Paris en premier lieu. Elle nous en parlait récemment: «Une femme blanche privilégiée qui a le droit à la parole se questionne sur ce qu’elle deviendrait si elle ne l’avait plus.» Avec une performance de Marie-Ève Milot.
DADA MASILO / THE DANCE FA C T O R Y – G I S E L L E Du 25 au 29 septembre - Théâtre Maisonneuve
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S’inspirant du plus célèbre conte de Voltaire, l’auteur Pierre Yves Lemieux — à qui l’on doit entre autres les adaptations des Trois Mousquetaires et de La Belle et la Bête — a créé pour la scène un texte qui met en lumière l’auteur et son personnage, dans un chassé-croisé pétillant. Pour porter au théâtre cette œuvre iconoclaste, Alice Ronfard a réuni autour d’elle : Emmanuel Schwartz, Benoît Drouin-Germain, Valérie Blais, Larissa Corriveau et Patrice Coquereau.
La musique de Chances est un alliage unique d’influences diverses, mariant pop-indie, électro et chants du monde, et s’appuyant sur les bagages culturels canadiens français, anglophones et Métis, présents au sein du trio. À voir dans le cadre de la série Mile-Out du Théâtre Outremont. Info: theatreoutremont.ca
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A N T H O N Y R O T H C O S TA N Z O CHANTE HANDEL ET GLASS
8 -9 et 1 5 - 16 se pt e m br e
Elle est jeune, danse prodigieusement et subjugue l’Occident avec ses relectures décapantes de grands classiques du ballet. Après un Swan Lake acclamé à Danse Danse en 2016, la danseuse et chorégraphe sud-africaine Dada Masilo débarque avec 14 danseurs électrisants et un Giselle énergique, irrévérencieux et remarquablement actuel. photo John Hogg
Découvrez la magnifique Vallée du Richelieu à travers ce circuit touristique qui rassemble plus de 60 créateurs talentueux en arts visuels, métiers d’art et en agroalimentaire. Tournée libre aussi possible, plusieurs adresses ouvertes à l’année. Ateliers de création et activités participatives également disponibles, consultez routeartssaveursrichelieu.com.
photo Étienne Dufresne
29 se pt e m br e - Ma i son sy m ph o n iq ue de Mont r é a l
En ouverture de sa toute première saison comme directeur musical des Violons du Roy, Jonathan Cohen est heureux de s’associer au charismatique contre-ténor Anthony Roth Costanzo dans un électrisant programme d’œuvres de G.F. Handel et de Philip Glass.
70 QUOI FAIRE VOIR MTL
VO3 #O9
O9 / 2O18
CINÉMA
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THE NUN EN SALLE LE 7 SEPTEMBRE
Dans cette préquelle à Conjuring 2, un prêtre au passé entaché et une novice sont missionnés par le Vatican pour enquêter sur le suicide d’une jeune nonne dans une abbaye roumaine. Il s’avère rapidement que des forces démoniaques sont à l’œuvre et que les deux ecclésiastiques devront risquer leur vie pour résoudre cette enquête.
THE PREDATOR EN SALLE LE 14 SEPTEMBRE
Des confins de l’espace en passant par les petites rues de banlieues, la chasse est de nouveau à l’honneur dans cette réinvention de la série Prédateur de Shane Black. Dans ce nouvel opus, les créatures les plus dangereuses de l’univers sont plus fortes, plus intelligentes et plus meurtrières que jamais, en raison d’une mutation génétique de leur ADN avec celles d’autres espèces.
THE PREDATOR
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72 QUOI FAIRE VOIR MTL
VO3 #O9
O9 / 2O18
LA RÉVOLUTION SILENCIEUSE
WHITE BOY RICK
EN SALLE LE 14 SEPTEMBRE
EN SALLE LE 21 SEPTEMBRE
Allemagne de l’Est, 1956. Kurt, Theo et Lena ont 18 ans et s’apprêtent à passer le bac. Avec leurs camarades, ils décident de faire une minute de silence en classe, en hommage aux révolutionnaires hongrois durement réprimés par l’armée soviétique. Mais cette minute de silence devient une affaire d’État et fera basculer leur vie. Face à un gouvernement est-allemand déterminé à identifier et punir les responsables, les 19 élèves de Stalinstadt devront affronter toutes les menaces et rester solidaires.
Biopic basé sur la vie tumultueuse de Richard Wershe Jr, qui est devenu un véritable baron de la drogue à Détroit dans les années 1980, tout ça avant même d’avoir 16 ans. Il a été enrôlé par le FBI comme informateur, puis a été mis en prison par ceux-là mêmes qui avaient utilisé et encouragé le jeune homme à étendre son empire de stupéfiants.
ASSASSINATION NATION EN SALLE LE 21 SEPTEMBRE
EYM_3118_Voir_Septembre_OUT.pdf
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18-08-27
Dans une banlieue sans histoire et calquée sur l’image même du rêve américain, quatre adolescentes font l’objet du jour au lendemain d’une attention médiatique vorace quand leurs données personnelles font l’objet d’un piratage. Le film se targue d’une esthétique colorée et qui n’est pas sans rappeler ce qui se fait de mieux dans le paysage du vidéoclip contemporain. 16:03
FESTIVAL YUL EAT DIFFÉRENTS LIEUX – MONTRÉAL – 10 AU 16 SEPTEMBRE
Le festival de gastronomie a déjà cinq ans. Cette année, l’événement plante ses ateliers directement dans les cuisines des chefs et dans quelques bars participants. Stéphanie Audet et Sarah Karook, du restaurant LOV, accueilleront les invités pour l’atelier Vins et fromages végan et Colin Gravel de l’agence de vins Boires proposera une séance de dégustation au bar Nestor, notamment.
GASTRONOMIE
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WHITE BOY RICK
Voyagez loin des lieux communs.
40$ de rabais Pour toute nouvelle inscription sur les forfaits Économique et Liberté avec le code : TOURDUQUEBEC
ARTS VISUELS
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SURFACES PROMENADE DES ARTISTES, QUARTIER DES SPECTACLES – JUSQU’AU 28 OCTOBRE
Amorcée le 23 août dernier, cette exposition permet au public de «prendre le pouls de la création montréalaise en art urbain». Rassemblement de 14 œuvres originales signées par 16 artistes et collectifs de la métropole à qui on a donné carte blanche, Surfaces a été réalisé en étroite collaboration avec des organisations artistiques de premier plan de l’espace urbain, notamment LNDMRK, MASSIVart, Under Pressure et Ashop.
ELLES GALERIE CARTE BLANCHE – 26 AU 30 SEPTEMBRE
La tatoueuse et artiste visuelle Julya présente sa première exposition, Elles, une vingtaine de toiles créées sous le thème de la femme. Un vernissage aura lieu le 28 septembre à 18h. OEUVRE DE MISS ME (EN PRODUCTION), PHOTO ASHOP
14 SPECTACLES — DE RABELAIS À TREMBLAY PROUESSES ET ÉPOUVANTABLES DIGESTIONS DU REDOUTÉ PANTAGRUEL D’après l’oeuvre de François Rabelais incarné par la voix de Dany Laferrière Texte et adaptation Gabriel Plante Mise en scène Philippe Cyr
BONJOUR, LÀ, BONJOUR De Michel Tremblay Mise en scène Claude Poissant
FANNY ET ALEXANDRE De Ingmar Bergman Traduction Lucie Albertini et Carl Gustaf Bjurström Mise en scène et adaptation Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux
LA SOCIÉTÉ DES POÈTES DISPARUS De Tom Schulman* Traduction Maryse Warda Mise en scène Sébastien David À LA SALLE FRED-BARRY
JE CHERCHE UNE MAISON QUI VOUS RESSEMBLE — À LA MÉMOIRE DE PAULINE JULIEN ET GÉRALD GODIN LA PLACE ROUGE LA CONVIVIALITÉ TEMPS ZÉRO AVANT L’ARCHIPEL LES COLEMAN-MILLAIREFORTIN-CAMPBELL LASCAUX UNE MAISON DE POUPÉE HARMATTAN — POUR QU’IL Y AIT UN DÉBUT À VOTRE LANGUE LE SCRIPTARIUM 2019 BILLETS, ABONNEMENTS ET FORFAITS
DENISE-PELLETIER.QC.CA BILLETTERIE 514 253-8974 Partenaire de saison
* DEAD POETS SOCIETY (LA SOCIÉTÉ DES POÈTES DISPARUS) BY TOM SCHULMAN / BASED ON THE TOUCHSTONE PICTURES MOTION PICTURE / WRITTEN BY TOM SCHULMAN / ORIGINALLY PRODUCED AT CLASSIC STAGE COMPANY / BY SPECIAL ARRANGEMENT WITH ADAM ZOTOVICH / ARTISTIC DIRECTOR : JOHN DOYLE / MANAGING DIRECTOR : JEFF GRIFFIN
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PP 40010891