QUÉBEC VO3 #12 | DÉCEMBRE 2O18 LE GRAND RETOUR DE LA PÂTISSERIE LA CÉRAMIQUE DANS L’ART CONTEMPORAIN ROSE-MARIE PERREAULT MALEK MANUEL ROQUE FABIEN CLOUTIER MARIE-PIERRE NORMAND ET JÉRÔME MINIÈRE
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DIANE DUFRESNE
PETITS PLAISIRS GOURMANDS
PREMIEREMOISSON.COM
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QUÉBEC | DÉCEMBRE 2018
RÉDACTION
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DIANE DUFRESNE A CONNU DES HITS, MAIS CE QU’ELLE REPRÉSENTE EST PLUS GRAND QUE N’IMPORTE QUELLE CHANSON. Photographe: Jocelyn Michel (Consulat) Assistant photographe: Julien Grimard Robe costume papier et mousse: Mario Davignon Stylisme: Cary Tauben - The Project Maquillage: Gérald Bélanger Coiffure et couronne: Stéphanie Barrette Assistante Diane Dufresne: Hélène Turp Production: Vincent Boivent (Consulat)
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SCÈNE
Manuel Roque Fabien Cloutier Scène en bref
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MUSIQUE
Tire le coyote
Musique en bref
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CINÉMA
Rose-Marie Perreault Malek Cinéma en bref
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GASTRONOMIE
Le grand retour de la pâtisserie
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LIVRES
Ouvrir son cœur Les Nombrils (tome 8) Salina: les trois exils Tout savoir sur Juliette
40
CRÉATION
Jérôme Minière et Marie-Pierre Normand
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ARTS VISUELS
La céramique dans l’art contemporain
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QUOI FAIRE CHRONIQUES
Simon Jodoin (p6) Emilie Dubreuil (p14) Mickaël Bergeron (p24) Normand Baillargeon (p32) Catherine Genest (p44)
6 CHRONIQUE VOIR QC
VO3 #12
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THÉOLOGIE MÉDIATIQUE
MOTS & PHOTO SIMON JODOIN
Mécanique verte Le jour où on nous a invités à signer ce fameux Pacte pour la transition, je me suis dit que j’étais mieux d’aller prendre une marche pour me parler à moi-même. Ne va surtout pas dire une connerie, que je me répétais. Il y a des moments comme ça où on sent qu’il ne faut surtout pas déconner. Le moindre gag peut vous classer parmi les suspects. Je ne sais pas si je peux vous en parler aujourd’hui, maintenant que tout le monde s’est bien engueulé. Je vais commencer par vous dire que je n’ai pas de VUS, que je composte depuis belle lurette, que le soir du menu tofu à la maison, ça me fait chier, et que, dans mes temps libres, il ne me passe pas par la tête d’aller faire un tour de fusée dans l’espace. Pas par souci d’économiser de l’essence, mais bien parce que je suis peu enclin à m’imposer la discipline des cosmonautes. Je trouve d’ailleurs que ça ouvre bien une conversation, de mettre ça sur la table, d’entrée de jeu: «Bonjour, je ne suis pas cosmonaute, je suis un piéton.» Cela étant avoué, je voudrais vous partager mon agacement. N’allez pas vous fâcher, mais il y a, dans cet appel à l’action, ce ton désespérément funèbre appuyé par toute la lourdeur de l’enflure théâtrale, ces regards assombris par la menace imminente, ces
visages jouant la tragédie, tout ce sérieux solennel qui, chaque fois – et ça ne manque jamais –, fait que je me pince en ayant envie de briser le silence liturgique: coudonc, vous êtes vraiment sérieux, là?
Allez, je vais la dire cette connerie qui me brûle les lèvres depuis le début. Car vous semblez me dire aussi qu’il y a de l’espoir si nous agissons rapidement ensemble. C’est bon, j’embarque.
Mais non, je ne vais pas vous traiter de curés. Reste qu’il y a quelque chose qui relève de l’eschatologie dans cette proposition. Ce discours sur la fin des temps, qui somme les hommes de bonne volonté de faire leur juste part pour le salut du monde, s’accompagne quand même de quelques condamnations et d’un appel au sacrifice. Dans cette soif de rédemption, on nous invite à nous confesser et à nous racheter. Tu as pris ta voiture ce matin? Plante trois arbres et quand nous serons assez nombreux à nous convertir, l’État suivra. Aide-toi, le ciel t’aidera.
Puis-je vous demander, alors: voulezvous nous montrer la lumière qu’on peut s’imaginer au bout du tunnel ou simplement la noirceur qui nous avale dans la fatalité du présent?
D’ailleurs, on a bien vu quelques chasses aux sorcières… Ah! voyez comme cette jeune mal habillée a une grosse voiture 4x4! Quelle pécheresse! Au bûcher! J’exagère? Ben quoi… Un peu, non? Je crois bien vous avoir entendu dire qu’il n’est plus question de rire, que l’heure est grave, trop grave même pour faire des blagues.
Car, voyez-vous, il m’arrive de penser que le rêve nourrit l’espoir. Je suis kétaine de même. Et c’est là que j’ai une autre question un peu plus sérieuse à vous poser. Se pourrait-il que les arts et spectacles, le divertissement, tout ce qu’on appelle platement «l’industrie culturelle», ce soit une immense machine à fabriquer du rêve? Et que lorsque madame Machin et monsieur Untel, justement, rêvent, dans leur salon, le soir venu, confortablement, ils se disent peut-être: «Ah! mon amour, si seulement nous pouvions aller à Walt Disney, Véro adore Disney! Il y avait un article splendide à ce sujet dans son magazine! Ou mieux! À Vegas, mon chéri! Tu sais, ce spectacle
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gigantesque et magnifique sur les Beatles où on chante All You Need Is Love. Tu te souviens, on chantait ça en poncho quand on s’est rencontrés!» Le rêve donc. C’est la question qui tourne dans ma tête depuis la publication de ce pacte. À quoi les gens rêvent-ils? Dans toute cette discussion, on a beaucoup parlé de ces grosses pointures du show-business qui carburent à la visibilité en mentionnant chaque fois qu’elles ont le privilège de rejoindre un vaste public. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on leur a demandé de signer pour partir le bal. Question d’entraîner toute une foule dans la danse. Elles attirent l’attention, elles ont de l’influence et, fortes de cette puissance d’attraction, elles nous proposent aujourd’hui de relayer l’appel des scientifiques. Mettons que, sans sourire, j’accepte cette proposition. Je veux bien, le dimanche,
écouter telle ou telle vedette se risquer à un exercice de vulgarisation sur l’art de planter des épinettes pour se racheter d’avoir pris l’avion pour aller faire du shopping à Paris. Je ne vous promets pas que je ne vais pas rire, mais je veux bien essayer. Mais, pendant ce temps, qui va s’occuper d’imaginer le monde autrement? Car c’est bien de ça qu’il est question, non? Avec toutes ces discussions très sérieuses, où il faut de toute urgence s’engager, la main sur le cœur, j’ai un peu peur qu’on oublie de déconner. À force de ne plus entendre à rire, je redoute qu’on néglige d’inventer des choses qui n’existent pas encore et qui n’existeront peut-être jamais. J’ai peur qu’on n’ose plus dire n’importe quoi par crainte de se faire reprocher de n’avoir rien d’important à dire. À force d’annoncer que le monde s’écroule, je souhaiterais qu’on n’oublie pas de dire qu’il est magnifique. Voyez-vous, je ne suis
pas un scientifique, moi. Il m’arrive de dire des conneries, pour la simple beauté du geste, pour défier la mécanique. Ça manque cruellement de poésie tout ça. Tenez, par exemple, au lieu d’une main rouge sang comme logo, moi j’aurais choisi une poignée de main orange. Car les oranges sont vertes, c’est bien connu, et que lorsqu’on fait un pacte, on se dit: «Tope là mon vieux!» Bon. Ça va. Je vous lâche. Je suis avec vous. Je l’ai toujours été. Je veux bien le signer votre pacte. Mais dites-moi, où puis-je aussi signer, en même temps, si vous le permettez, le pacte des cons? P.-S. Joyeux Noël et bonne année! Et n’oubliez pas. Il y a de la lumière au bout de l’hiver. Paix et amour aux hommes de bonne volonté. Et à tous les autres aussi. y sjodoin@voir.ca
SCÈNE 9 VOIR QC
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SAUTEZ DANS LA DANSE LE PASSAGE DE MANUEL ROQUE AU FESTIVAL TRANSAMÉRIQUES EN 2017 A ÉTÉ APPLAUDI ET LUI A VALU DEUX PRESTIGIEUX PRIX POUR SA CRÉATION BANG BANG, UNE PARTITION SOLO ÉCLATÉE QUI FERA TREMBLER LES PLANCHES DE LA SALLE MULTI EN JANVIER. MOTS | JULIE BOUCHARD
C’est une œuvre qui force l’admiration. Sur une scène dépouillée de tout décor, un seul danseur. Ses jambes montent, descendent. Montent, descendent. Il est constamment en mouvement. Son rythme est saccadé, répétitif, athlétique. Pendant longtemps, il saute, saute, saute, jusqu’à ce qu’il se mette à tournoyer, que la brume se lève et qu’il disparaisse – au sens figuré. Une pause salutaire avant la reprise des sautillements, avant la chute où le performeur se glisse dans une transe lente, hypnotique, tandis que la lumière crue fait place à la noirceur absolue. On comprend que bang bang soit décrite comme un «objet scénique pour soliste kamikaze». On pourrait croire que c’est une épreuve, une forme de torture pour Manuel Roque, seul figurant de cette proposition insolite et cérébrale qui, au départ, devait comporter trois danseurs. «La partition était tellement physiquement difficile qu’il y avait des risques de blessures», dépeint celui qui a également chorégraphié l’œuvre. «Je n’arrivais pas, comme créateur, à enlever la difficulté de la partition pour accéder à autre chose. Et en même temps, comme être humain, j’étais très mal à l’aise éthiquement à l’idée d’imposer cette partition-là sur d’autres corps.»
PHOTO | MARILÈNE BASTIEN
dernière s’inspire de certains concepts qui expliquent le Grand Tout. Einstein y fait bonne figure avec sa théorie de la relativité, particulièrement en ce qui concerne ses découvertes sur la gravité. «Je me suis dit qu’à partir de là, j’allais sauter.» La physique quantique, qui décrit le comportement des atomes et des particules, s’invite également dans la partition. «Il y a beaucoup de matières en mouvement, il y a des hasards, des accidents, alors je me suis dit que ça allait bouger beaucoup.» Enfin, la théorie des cordes a rythmé la pièce: exit le comptage habituel en huit temps. «Il y a 11 dimensions, alors je me suis dit que j’allais sauter en 11.» Cette contrainte mise en place par le chorégraphe requiert des masses de jus de bras pour le performeur. «Créer une partition de sauts pendant 50 minutes comptée en 11, ça crée énormément de problèmes de coordination entre le mental et le physique, ça rentre dans le corps, ça change tout, ça déstabilise énormément.» Un défi que Roque relève avec brio, malgré l’immense degré de complexité. «Ç’a été l’enfer très longtemps! Mais ça faisait aussi partie du projet, de ne pas me faire de cadeau. C’est à propos de ça aussi, de cette combativité-là, et de passer à travers quelque chose de difficile.»
Cosmologie 101 Identité SDF bang bang est née d’un long processus. Après avoir visionné plusieurs documentaires scientifiques, Manuel Roque a décidé de monter une proposition formelle. Cette
L’effort physique est colossal pour le danseur, et c’est seulement après cinq minutes de prestation que la sueur perle
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18-19 UN REGARD NEUF
La Brute qui pleure
DU 22 JANVIER AU 9 FÉVRIER
BEEF
L’Apex
DU 12 AU 23 FÉVRIER
BLACKBIRD
Les Bambines
DU 12 AU 23 MARS
UNTOUCHED LAND Collectif Cognac
DU 2 AU 13 AVRIL
EMBARGO
La Vierge folle
DU 14 AU 30 DÉCEMBRE
La Trâlée
DU 14 AVRIL AU 7 MAI
RASHOMON
LES CONTES À PASSER LE TEMPS premieracte.ca - 418 694-9656 870, avenue De Salaberry, Québec
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PARTY DES FÊTES: KARMA KAMELEONS Formule souper-spectacle disponible
SILVERSTEIN 9 janvier
DADJU 19 janvier
THE SHEEPDOGS 22 janvier
LOUD 24 janvier
VALAIRE 16 février
AUGUST BURNS RED 23 février
DEAD OBIES 1er mars
MONSTER TRUCK 2 mars
CARAVANE 22 décembre
8 et 13 décembre
LES PETITES TOUNES 30 décembre
ENSIFERUM ET SEPTICFLESH 8 janvier
VILAIN PINGOUIN 30 décembre
11 sur son visage, trempe ses vêtements et éclabousse la scène au passage. Ici, Manuel Roque se dévoile, impudique et authentique, et c’est par cette manifestation de son humanité qu’il brille, en toute vulnérabilité. Jusqu’à vouloir disparaître. «C’est comme un idéal, quasiment impossible à atteindre. Au bout d’un moment, il y a tellement de fatigue, et à continuer à travailler dans cet acharnement-là, il y a quelque chose au niveau de l’ego qui se perd. Ultimement, j’aimerais devenir juste une matière en mouvement, sans identité fixe… Pour moi, la disparition, elle vient de là, faire disparaître tout ce qui serait imposé au niveau de l’ego, au niveau de l’identité, pour rentrer dans des couches un peu plus subtiles, énergétiques, poétiques, que tranquillement le concret disparaisse.» Si bang bang se veut sans trame narrative, les notions de performance, de résistance et de dépassement de soi sont au cœur de cette pièce à la fois minimaliste et magistrale, lauréate du Prix du CALQ de la meilleure œuvre chorégraphique 2016-2017 et du Prix de la danse de Montréal, catégorie Interprète en 2017. «Au sens plus large, si je regarde
nos sociétés contemporaines actuelles, je pense qu’on est tous plus ou moins pris avec cette pression de performance et de rentabilité, de productivité. Je pense qu’au sens plus large, ça parle à beaucoup de monde.» Ne pas calfeutrer les failles Avec cette création, Manuel Roque, qui a moulé ses pas à ceux de Marie Chouinard et autres chorégraphes québécois de renom, tente également de s’ancrer dans le réel. Plutôt que de miser sur la représentation, ce prodige de la danse cherche à «être», quitte à exposer ses faiblesses. «C’est un travail sur le fameux moment présent. C’est tellement cliché, mais en même temps, c’est une quête interminable. J’ai beaucoup parlé du physique, mais ç’a été un gros travail mental au niveau de l’écoute, de ce qui se passe sur le moment. Ça me permet de passer à travers la partition. Plutôt que de la montrer, j’essaie juste de l’exécuter, pour laisser apparaître les failles, pour laisser apparaître la réalité du moment de ce performeur qui passe à travers ce truc-là.»
Celui qui a étudié en théâtre et suivi une formation en cirque avant de mettre le cap sur la danse est conscient que ces maladresses peuvent induire un jugement chez le spectateur. «Ça fait partie du deal! On s’expose à un jugement de toute façon, qu’il soit positif ou négatif. J’essaie d’être moins blessé par ça, que ça devienne un enjeu moins primordial; j’essaie de rester concentré sur la tâche, sur l’expérience physique qui est vécue et la façon de la transmettre, qu’elle soit la plus naturelle possible, avec le moins de filtres ou de sparages, de complaisance possible.» À mille lieues des sentiers balisés, l’œuvre de Roque, brutale et abstraite, saura certainement nous provoquer, nous déstabiliser. Sans toutefois assombrir l’émerveillement qu’apporte l’expérience du spectacle vivant. y Les 16, 17 et 18 janvier Salle Multi de Méduse (Une présentation de La Rotonde)
À DÉCOUVRIR en
2019
THE LEMON BUCKET ORKESTRA 1ER FÉVRIER
Information et billetterie 418 641-6040 | 1 877 641-6040
DAVID LINX & BRUSSELS JAZZ ORCHESTRA
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7 FÉVRIER
14 FÉVRIER
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12 SCÈNE VOIR QC
VO3 #12
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MANIFESTE GRINÇANT POUR L’EMPATHIE AVEC BONNE RETRAITE, JOCELYNE, FABIEN CLOUTIER DÉNONCE NOTRE TENDANCE À VOULOIR NOUS EXPRIMER À TOUT PRIX, QUITTE À SACRIFIER DES RELATIONS. MOTS & PHOTO | MARYSE BOYCE
«Ma première idée, c’était de parler de gens qui ont de la misère à s’aimer comme du monde», admet d’emblée le dramaturge. Avec neuf personnages réunis à souper pour souligner le départ à la retraite de Jocelyne, le public assistera à l’effritement du tissu familial des convives sur fond d’opinions émises sans nuance sur des sujets qui ratissent aussi large que notre lien à l’emploi, à la sécurité sociale et à la santé mentale. Œillères et porte-voix pour tous «J’ai l’impression que c’est le mal du siècle, cet hyperindividualisme-là», se désole Fabien Cloutier. Un phénomène qui n’est pas étranger, selon lui, aux réseaux sociaux, «qui devraient créer des liens, mais qui en défont». À force de trop vouloir nous exprimer, nous oublions ce qui nous unit: «C’est pas ça le progrès, de mettre autant de l’avant nos différences. Je refuse cette idée-là.» Il a choisi de camper sa pièce dans le microcosme de la famille, «la place où tu maîtrises le mieux les armes, où tu connais souvent le plus les faiblesses, les failles [des autres]». «Comme famille, comme peuple, on n’a pas les moyens de ne pas nous aimer. On n’est pas assez. Ça donnera jamais quelque chose de bon si on décide que la moitié du monde est imbécile.» Ces réflexions sous-tendent la pièce, même elles ne seront jamais énoncées ainsi par ses protagonistes: «Je tente de faire dire le moins possible à des personnages ce que je pense.» Susciter la réaction Les pièces de Cloutier placent souvent le spectateur dans une zone d’inconfort, et sa nouvelle création ne fait pas exception. «Quand les personnages vont se mettre à discuter de l’emploi de l’un ou de la maladie mentale de l’autre, ça te fait-tu rire, ça te fait-tu mal en dedans? Ça, j’ai pas le contrôle là-dessus et j’essaie pas de l’avoir.»
Rares sont ceux qui maîtrisent à ce point l’oralité à travers les dialogues et capturent l’essence des êtres ordinaires comme Cloutier, qui cherche à travers ses textes «comment magnifier le quotidien, mais en essayant qu’il soit le plus réel possible». Pour Bonne retraite, Jocelyne, le dramaturge a aussi voulu explorer les non-dits. Si certains personnages monopolisent le discours, une attention particulière est aussi mise sur ceux qui tentent d’intercepter l’attention – sans nécessairement y arriver.
recrues, on compte le musicien Jean Lemay, du groupe Gorguts. On compte aussi le duo d’artistes Cooke-Sasseville, qui signe une première incursion dans le théâtre avec sa scénographie. Plusieurs acteurs de la relève complètent le tableau multigénérationnel: «T’as quelqu’un qui sort de l’école, du monde qui ont deuxtrois ans d’expérience avec du monde qui ont énormément de métier. Ça aussi, c’est le fun que ça puisse arriver.» Du 15 janvier au 9 février Le Trident
Élargir la famille Si on assiste sur scène à une rupture familiale, Cloutier a voulu lui aussi «casser sa famille» créative en incorporant de nouveaux talents. Parmi les nouvelles
Bonne retraite Jocelyne (L’Instant scène) Disponible maintenant
_ SCÈNE EN BREF LES ÉTOILES DE 2018
Ariane Bellavance-Fafard
Alan Lake
Édith Patenaude
Le créateur multidisciplinaire Alan Lake est loin d’être une figure ordinaire de la danse contemporaine. Peu importe le projet chorégraphique, il repousse les limites de l’extraordinaire et développe chaque fois des concepts esthétiques provocateurs. Avec Le cri des méduses, présenté entre les murs du Grand Théâtre de Québec au printemps dernier, Alan Lake célébrait à la fois la matière et le corps avec un objet scénique situé à la frontière de la danse et des arts visuels. Fort du succès du spectacle, le chorégraphe-scénographe poursuivra cette année sa démarche symboliste dans la création de Gratter la pénombre, où des collaborateurs de longue date composeront sur scène une série de portraits quasi mythologiques qui promettent de fasciner une nouvelle fois le public. Du 7 au 16 février à la Maison pour la danse de Québec. (É.R.)
Bien qu’on l’ait d’abord connue comme comédienne, elle multiplie maintenant les projets à titre de metteure en scène et de directrice artistique au sein des Écornifleuses, sa compagnie de théâtre. L’année 2018 a d’ailleurs été marquée par les représentations de l’audacieuse pièce Titus. Présentée dans le cadre de la saison du Théâtre Périscope, cette relecture féministe d’un texte des plus sanglants du répertoire shakespearien a ébranlé plusieurs conventions et provoqué bien des discussions. Toujours soucieuse de mettre l’identité féminine de l’avant sur scène, Édith Patenaude signera en janvier la mise en scène et la traduction de Rotterdam, une production de La Bordée qui aborde l’épineuse question de l’identité sexuelle. (É.R.)
Olivier Arteau Son nom circule dans le milieu théâtral depuis la création de l’audacieux Doggy dans Gravel. On attendait donc avec impatience sa nouvelle œuvre Made in Beautiful (Belle Province), présentée au début de l’année, revisitant l’histoire du Québec à travers le quotidien d’une famille pour le moins chaotique. 2019 débute de manière grandiose pour Olivier Arteau, alors qu’il entre dans la cour des grands avec sa toute première mise en scène au Trident. Poussant l’exploration au paroxysme, le créateur ira jusqu’à s’emmurer à l’intérieur du Grand Théâtre de Québec pendant 31 jours pour se plonger dans l’isolement et la marginalité de l’indomptable Antigone. Parions que le résultat de cette démarche peu commune saura marquer l’imaginaire des spectateurs au printemps prochain. (É.R.)
Photos / Ariane Bellavance-Fafard: Andréanne Gauthier; Olivier Artaud: Béatrice Munn; Édith Patenaude: Eva-Maude TC
Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec depuis à peine deux ans, Ariane Bellavance-Fafard se démarque du lot par son omniprésence. Flamboyante au Beu-Bye (la revue de fin d’année du Théâtre de La Bordée), elle a aussi remporté le prestigieux prix Nicky-Roy pour son travail d’interprétation dans la pièce Une bête sur la lune, présentée sur la même scène. Après avoir passé la fin de l’automne sur les planches, au sein de la distribution de La fille qui se promène avec une hache, la jeune comédienne se prépare pour une année 2019 tout aussi effervescente. Toujours sur la scène de la Bordée, elle incarnera la comtesse Ebba Spare dans Christine, la reine-garçon, pièce primée de Michel Marc Bouchard. À surveiller en avril. (Émilie Rioux)
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VO3 #12
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SALE TEMPS POUR SORTIR
PAR EMILIE DUBREUIL
Le plus beau cadeau Je fais depuis quelques années de la randonnée pédestre en groupe. Parmi le groupe, selon les montagnes, il y a des amis proches, des connaissances, mais la majorité est formée de gens que je ne connais pas du tout a priori. C’est autre chose après la randonnée. Le hasard de la marche fait en sorte que l’on avance souvent au même rythme que quelqu’un dont on ignore tout au pied de la montagne, mais qui, au fil des heures ou des jours à avancer, à respirer ensemble le grand air, se révèle. La première fois que j’ai entendu les premiers chapitres de l’histoire de Brigitte, nous étions quelque part dans l’immensité des Chics-Chocs. — Tu fais quoi dans la vie? — Je suis traductrice. Elle était traductrice, elle l’est toujours. Elle aurait pu être comptable ou médecin, cela n’aurait pas changé grand-chose parce qu’elle m’a dit rapidement: «Ça, c’est mon métier, mais je viens de vivre quelque chose d’absolument extraordinaire, un truc que j’ai attendu toute ma vie.»
La marche génère des conversations qui s’éloignent rapidement des banalités.
ceux qui permettraient à l’enfant de les identifier.
Brigitte, 54 ans, a été adoptée par une famille qu’elle décrit comme formidable, aimante, généreuse. Mais, du plus loin qu’elle se souvienne, elle a toujours rêvé de retrouver ses parents biologiques.
Au début des années 1990, elle a su que son père avait 31 ans quand elle est née, qu’il n’avait pas étudié après le primaire. Qu’il venait d’un milieu rural. Elle a appris que sa mère avait 24 ans quand elle est née. C’est très vague.
— Pourquoi? — Parce que c’était comme s’il y avait un fantôme qui vivait en moi. Mon miroir me renvoyait une image lisse, il y manquait le passé, l’origine, l’original. Jeune adulte, les émissions de Claire Lamarche et ses retrouvailles l’inspirent et elle s’inscrit dans un groupe, le Mouvement Retrouvailles, dont le mandat est de «matcher» des parents et des enfants qui désirent se retrouver. Mais ni sa mère ni son père biologique ne se manifestent dans les listes du groupe. Puis, dans les années 1980, la loi change et elle réussit à obtenir des «antécédents biologiques non identificatoires», une expression de jargon qui veut dire qu’un enfant adopté peut obtenir tous les renseignements sur ses parents que les services sociaux détiennent, sauf
Les années passent. Une nouvelle loi est adoptée, encore. Dorénavant, à la demande d’un enfant adopté, les services sociaux peuvent contacter la mère biologique. En 2005, elle reçoit un appel. Une travailleuse sociale insiste pour lui parler… chez elle. Elle apprend à Brigitte Castilloux que sa mère est décédée six ans après sa naissance, par suicide. «J’avais jamais envisagé cette option-là», m’a dit Brigitte. «C’était comme un tremblement de terre. La dame n’a pas voulu me donner son nom, mais elle m’a dit que ma mère avait un prénom vraiment rare. La suite fut palpitante, déchirante aussi, mais je suis devenue celle qui trouve. Pour une raison inconnue, appelons cela un cadeau. Chaque pierre retournée révélait un nouvel indice. Chaque nouvel indice s’emboîtait
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par-fai-te-ment aux autres indices. Mon histoire s’écrivait sous mes yeux, mon arbre biologique prenait racine. On avait tiré mon nom dans le grand chapeau cosmique.» Facebook y est pour beaucoup. Elle trouve des groupes qui aident gratuitement des adoptés à faire des recherches. On les appelle les search angels ou anges de recherche… Tracy, sa search angel basée en Californie, aide comme ça des centaines de personnes par année à faire des recoupements de données. La mère de Brigitte a un prénom rare, elle est morte à 30 ans, etc. Elle trouve une Lys Bolduc, les frères et les sœurs de cette jeune femme qui ont eu des enfants. Brigitte en trouve un sur Facebook, lui écrit. Il accepte de passer un test d’ADN. Bingo. C’est son cousin. Elle est bien la fille de Lys Bolduc. Elle va chercher le rapport du coroner sur la mort de sa mère et y trouve le nom du fiancé de sa mère lorsque celle-ci est
décédée. Elle le cherche sur Google, tombe sur sa rubrique nécrologique et cherche sur Facebook les gens qu’ils laissent dans le deuil. Rebingo, cet homme est bien son père, apprendra-t-elle. À peine deux semaines plus tard, elle rencontre ses tantes, puis son demi-frère. «Je les regardais et je souriais. C’était étrange et familier à la fois. C’était surtout la première fois que j’entendais quelqu’un me dire: “Mon dieu que tu ressembles à ta mère.”» Au sommet où nous mangions un sandwich, Brigitte m’a raconté que la première fois qu’on lui a donné une photo de sa mère, qu’elle a pu voir son visage, ç’a été comme un cataclysme, comme la résolution d’un portrait-robot qu’elle avait construit dans sa tête mais qui restait flou. J’ai revu Brigitte dans une randonnée récemment. En descendant la montagne, elle
« L’ENDROIT PARFAIT POUR SE FAIRE PLAISIR... AVEC LA CARTE-CADEAU C HÔTELS! »
Ève-Marie Lortie, Ambassadrice du Réseau C Hôtels et Noah Spa
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m’a dit que le plus grand regret de sa vie est de ne pas avoir libéré son père de son lourd secret avant qu’il ne meure. «Je crois qu’il ne m’a pas cherchée parce qu’il avait honte. Lys et lui n’étaient pas mariés quand je suis née. Il l’a laissée seule avec moi et elle ne pouvait pas s’occuper seule d’un enfant dans les années 1960. J’étais une enfant bâtarde.» Dieu sait que ça ne veut plus rien dire, bâtarde. Lys en est morte de chagrin. Brigitte m’a envoyé sur Facebook une petite photo prise dans un photomaton de son père et sa mère biologiques, qu’elle a encadrée et qu’elle a déposée sur le manteau de sa cheminée. «Quand je la regarde, je souris. Ce cadeau-là, l’image des deux visages qui ont créé le mien, je l’ai attendu toute ma vie…» Joyeux Noël Brigitte. Quand la neige fondra, tu me raconteras la suite. Joyeux Noël chers lecteurs, à vous et à toutes vos familles. y
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C’EST UN TITRE SIMPLE. ON L’A DÉJÀ LU, GALVAUDÉ, MAIS AUCUNE ARTISTE QUÉBÉCOISE NE S’EN COIFFE AVEC AUTANT D’AISANCE ET DE NATUREL QUE DIANE DUFRESNE. MOTS | CATHERINE GENEST
«Bien sûr que vous pouvez m’appeler Diane, c’est mon prénom!» Elle est chaleureuse, tout le contraire de ce que certains auront dit d’elle au fil des ans. Jointe par téléphone, elle crépite de joie, saupoudre ses réponses d’éclats de rire. C’est en s’ancrant dans le présent qu’on apprivoise Madame Dufresne. Son nouvel album Meilleur après, à cet égard, lance un message vraiment clair. «L’autre jour, j’étais au Centre Rockland, je cherchais des bottines pour notre séance photo. Je croise cette dame qui me dit: “Ah! vous êtes mon enfance!” C’est très drôle. Je sors un disque, ça fait 20 ans que je fais beaucoup de spectacles, je fais des trucs, des expos, tout ça, mais on me parle souvent au passé.» Sur cette nouvelle offrande, l’auteureinterprète signe pas moins de quatre textes, dont Le temps me fait la peau, la piste 3. Elle y évoque «une longue traîne [qui] sans se découdre tisse une dentelle de décennies». Une métaphore, deux strophes qui nous ramènent à Magie rose, à cette entrée en scène tout de magenta vêtue, cette étoffe qui, comme sa discographie, n’a cessé de s’allonger. «La vie, on ne peut pas la couper comme ça. On n’est ni un trophée ni un boulet. On continue. [...] La vieillesse, c’est un sujet que je voulais aborder. Quand j’arrive maintenant sur des plateaux, à des spectacles de la Saint-Jean, devant le public, je le sais
PHOTOS | JOCELYN MICHEL (CONSULAT)
que je n’ai plus le même physique. Je ne peux jouer à aucun jeu, il n’y a plus de jeu à jouer.» Au-delà de ses 74 hivers, de ce thème que l’on n’aurait jamais osé aborder, n’eussent été ces quelques morceaux, Diane Dufresne se penche sur la vaste question des changements climatiques. Elle chante L’arche comme en écho au refrain de Plamondon («ne tuons pas la beauté du monde»), à cette lettre ouverte qu’elle cosignait en septembre dernier avec une pléiade de grandes vedettes dans Le Monde, à ce Pacte pour la transition qu’elle s’engage à respecter. Des mots de son cru emballés dans une partition de Jean-Phi Goncalves. «Moi, j’ai fait une chanson sur la disparition des animaux, mais on est des animaux nous aussi. [...] Les gens ont tellement peur de perdre quelque chose qu’ils sont en train de tout perdre. C’est assez bizarre.» Clairvoyante, elle a repris, par la bouche de ses chansons, le flambeau de la poète montréalaise Huguette Gaulin. Diane Dufresne n’est pas militante, c’est ce qu’elle vous dira, mais l’écologie est un thème cher à son cœur, une préoccupation constante. Son indignation, son affolement et ce trop-plein d’amour qu’elle éprouve à l’endroit de la Terre lui servent d’engrais lorsque vient le temps d’empoigner la plume. Ses craintes les plus vives se changent en hymnes.
Par-delà les ecchymoses Il est question de violence, aussi, sur ce disque. Celle qu’on fait aux femmes (Aimer ce qui nous tue), celle qui transperce nos écrans, trouble nos nuits, nos joies. Diane Dufresne s’est inspirée pour écrire de l’attentat du Bataclan, cet événement d’une horreur sans nom qui résonne profondément en elle et qui la ramène à ses propres parts d’ombre. «Plus jeune, quand je faisais des forums, je dois vous avouer que j’avais des menaces de mort. Un soir, quand j’ai fait le spectacle Halloween, j’ai reçu une lettre ou tu voyais le plan des tirs, la date. [...] Mais ça, c’est très, très rare par rapport à l’amour que j’ai reçu.» C’est en remuant ses souvenirs personnels les plus glauques et en puisant à même l’actualité qu’elle pondra La peur a la frousse, ce titre en hommage à ce type qui aura protégé sa douce en se plaçant contre son corps sous une pluie de balles, à cette idylle qui aura fleuri dans les flaques de sang. Où qu’elle passe, et en dépit de la colère qui la consume, Diane trouve toujours le moyen de cueillir quelques infimes parcelles de lumière. Il ne fait jamais parfaitement noir. «C’est un sujet d’ailleurs que personne n’ose toucher. Quand il arrive quelque chose dans les nouvelles, on n’est pas censé toucher à ça, mais je me suis dit que c’était tellement une belle histoire d’amour… Je voulais essayer avec la musique de
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Catherine Major, quand même, qui a une façon de faire de la musique qui est tellement intense.» Portée par sa fougue, ne répondant qu’à son courage et à son urgence de dire, Diane Dufresne est passée maître dans l’art de démolir les plus persistants tabous. On l’a traitée à tort de provocatrice, simplement parce qu’elle a clamé ce que d’autres n’évoquent que tout bas, parce qu’elle a osé conjuguer le désir au féminin. Elle a chanté les délices de la masturbation (La main de Dieu) et elle étale aujourd’hui son goût des hommes moins mûrs sur Comme un damné, un cadeau du parolier français Cyril Mokaiesh. «J’ai toujours été outsider, faut savoir ça, même quand j’étais plus jeune. [...] J’ai eu toutes les critiques. Un moment donné, j’ai arrêté de les lire.
Il y en avait des bonnes, c’est évident, mais je pense que les pires venaient des femmes. Je ne dirai pas de nom, ça ne sert à rien. J’ai été traitée de putain, de folle, de n’importe quoi.» Toute sa faste carrière durant, elle donnera une voix à ceux qui n’en ont pas, aux marginaux, aux stripteaseuses, aux féministes de troisième vague d’avant la lettre et membres de la communauté LGBTQ+, qui l’auront propulsée au rang d’icône. Diane Dufresne a connu des hits, elle en créera sans doute encore, mais ce qu’elle représente est plus grand que n’importe quelle chanson. Le temps, les autres, Madonna et Lady Gaga n’auront fait que la rattraper. Elle a toujours eu cette longueur d’avance. Elle est d’une autre galaxie. y
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Meilleur après (GSI Musique) En vente maintenant Diane Dufresne – Aujourd’hui, hier et pour toujours (Libre Expression) En vente maintenant 10, 11 et 12 septembre 2019 avec l’OSM Maison symphonique de Montréal 4 novembre 2019 avec l’Orchestre du Centre national des Arts Centre national des Arts (Ottawa) 26 et 27 novembre 2019 avec l’OSQ Grand Théâtre de Québec
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L’ANNÉE DU COYOTE SALLES COMBLES, DISQUE PRIMÉ, PRÉSENCE MARQUÉE SUR LES ÉCRANS: DÉCIDÉMENT, TIRE LE COYOTE EST SUR UNE BELLE LANCÉE. ET PUISQUE 2018 S’ACHÈVE ET QUE L’HEURE DES BILANS EST À NOS PORTES, VOICI LE RÉCIT D’UNE ANNÉE FÉCONDE, OÙ PETITES ET GRANDES VICTOIRES ONT JALONNÉ LE PARCOURS DU TROUBADOUR. MOTS | JULIE BOUCHARD
Il en a fait du chemin – et de la route – depuis la sortie d’EP en 2010. Doté d’une plume à la fois puissante et sensible, Benoit Pinette, alias Tire le coyote, s’est bâti un bassin d’admirateurs sans cesse grandissant, friand de poésie et avide de métaphores et de vastes espaces. Mais c’est le lancement de Désherbage à l’automne 2017 qui a mis en lumière le talent de l’auteur-compositeurinterprète. Louangé par ses pairs, adulé par la critique et le public, il verra sa dernière offrande être lauréate d’un prestigieux prix au Gala de l’ADISQ 2018: Album de l’année – Folk. «Fred Pellerin n’était pas dans la
PHOTOS | ÉMILIE DUMAIS
catégorie cette année, ça m’a donné une chance», s’exclame en riant et sans aucune malice le doux musicien de Limoilou. Pour lui, ce Félix représente un accomplissement, l’occasion de regarder derrière et de faire un retour sur sa carrière. «Ça prouve que j’ai eu une belle année.» En vedette à la grand-messe En janvier, ses billets de spectacles s’écoulent déjà avec succès. Mais un événement fait exploser les ventes aux guichets, ajoutant plusieurs supplémentaires à la tournée de
Désherbage: son entrevue à Tout le monde en parle. «Ça fait partie des grands stress de ma carrière! Mais ç’a valu la peine», raconte en toute humilité Benoit Pinette, qui précise que cette vitrine exceptionnelle n’a pas changé son quotidien... à part lui donner plus de contrats et d’opportunités. Un «bonus» et un «beau problème», pour reprendre les mots du poète natif de Sherbrooke. «On parle souvent de la précarité du métier, de la difficulté à en vivre; là, j’arrive à un point où je peux me voir dans quelques années et savoir que je vais encore faire ça. C’est rassurant.»
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Printemps florissant Alors que l’hiver n’avait pas dit son dernier mot – la faute à la marmotte, Tire le coyote endosse le rôle de porte-parole de la 22e édition des Francouvertes aux côtés de Klô Pelgag. Sa présence inspire assurément quelques artistes émergents en lice, lui qui s’est fait «tasser» dès la première ronde lors de son passage en 2010. À l’arrivée des beaux jours, les projets se succèdent. Réalisation du nouvel album d’Emilie Clepper, tournée de spectacles à travers tout le Québec de même qu’en France, en Belgique et en Suisse, participation au 36e Marché de la poésie à Paris: en groupe ou en solo, Benoit Pinette bourlingue son génie créatif ici comme ailleurs dans la francophonie. On se l’arrache, comme on dit. Même notre sport national s’invite dans l’horaire survolté de l’artiste: non seulement il vend les droits de quelques-
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unes de ses chansons, mais on lui confie aussi la composition d’extraits musicaux dans Demain des hommes. Enregistrées avec Shampouing, son guitariste et complice, ses partitions s’imbriquent tout naturellement dans cette série made in Québec, qui raconte les hauts et les bas d’une équipe de la Ligue de hockey junior majeur. Le temps des récoltes Alors que les grenouilles s’époumonent en bordure des étangs et que les grillons se donnent en concert dans nos cours arrière, le coyote se pose et reprend des forces. Il le faut: l’automne 2018 s’annonce chargé. Les spectacles se poursuivent un peu partout, les supplémentaires s’additionnent – pour exemple, le Grand Théâtre accueillera Désherbage pour la troisième fois en décembre prochain. En septembre, du côté de la France, Benoit Pinette et sa bande séduisent plusieurs diffuseurs au festival Le Chaînon manquant, qui s’apparente à notre Bourse RIDEAU.
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Les propositions ne sauraient tarder: nos cousins ont adoré. «J’ai un style musical qui est quand même ancré dans l’américanité. Je suis plus influencé par les racines de la musique folk, ce qui fait que pour eux, c’est un peu exotique.» Les feuilles ne tapissent pas encore les sentiers que Tire le coyote récolte enfin ce qu’il a semé. Au Félix qui trône dans sa tanière s’ajoute le prix de Parolier de l’année, attribué par la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ). Une récompense immense pour ce virtuose des mots, dont les textes joliment brodés ne sont jamais accessoires et magnifient son répertoire. «C’est un bel honneur, une belle reconnaissance. Ça fait partie des choses dont je suis fier.» On le serait pour moins, cher coyote. y 14 décembre au Grand Théâtre de Québec
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_ MUSIQUE EN BREF LES ÉTOILES DE 2018
Fria Moeras Nouvelle membre du Pantoum et disciple de Mac DeMarco, l’auteure-compositrice Fria Moeras nous a chavirés avec son rock décousu et sa prose sensible, déployés à merveille dans La peur des animaux, premier EP indépendant qui a vu le jour en avril. Une assurance indéniable, des textes bien ficelés, des mélodies accrocheuses teintées de cuivres et de cordes: tous les ingrédients y sont pour que Moeras se fraie un chemin parmi les artistes locaux les plus influents de sa génération. On garde donc un œil attentif sur la jeune de femme de 20 ans, qui lancera par ailleurs sa propre maison de disques avec sa collègue Mélodie Spear en 2019. (François Gionet)
Photos / Fria Moeras: Catherine Genest; Hubert Lenoir: John Londoño
Hubert Lenoir Personne ne tombera en bas de sa chaise en retrouvant ce nom sur cette liste. Il y a d’abord eu la sortie du sublime Darlène en février, cet opéra rock qui nous a charmés avec sa pop rock jazzée et son éclectisme assumé. Ensuite, il y a eu la rencontre du public de La Voix avec cet artiste foudroyant et épanoui, mais provocant et polarisant pour d’autres. Puis, les nombreux spectacles à guichets fermés au Québec et en Europe, une performance mémorable dans son patelin au Festival d’été de Québec, et les innombrables récompenses (Espoir FEQ, prix Félix-Leclerc, finaliste au prix Polaris; Album de l’année, Révélation de l’année et Chanson de l’année au dernier Gala de l’ADISQ) qui confirment la consécration d’un nouveau venu rafraîchissant et dont l’année 2019 ne passera certainement pas inaperçue. (F.G.)
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FouKi
Les Louanges
Plusieurs parlent de l’année Loud, mais il ne faudrait pas oublier l’ascension fulgurante de ce rappeur montréalais de 21 ans. FouKi est devenu le chouchou du rap québ après la parution de son premier album en avril. Son flow souple et chaleureux, posé sur les productions éclatantes et organiques de QuietMike, résonne encore dans nos oreilles. Celui dont les textes gravitent autour du cannabis et du chilling entre amis a notamment mené les nominations au GAMIQ, en plus de retrouver son nom dans la liste des meilleurs albums hip-hop de l’année au dernier gala de l’ADISQ. Après un premier spectacle à guichets fermés en décembre, le rappeur le plus zay du Québec reviendra à la Salle Multi de Québec pour une supplémentaire le 19 janvier, puis sera de passage à Saint-Hyacinthe et Sherbrooke. (F.G.)
«On ira faire un tour de char dans ma Tercel 96»: cette phrase, tirée du refrain de l’excellente trame pop jazzée Tercel, a donné le ton à l’année de Vincent Roberge, alias Les Louanges. Ce jeune homme originaire de Lévis – maintenant basé à Montréal – transcende les genres avec ses compositions minimalistes qui donnent à la fois dans le rap et le jazz. Une offre musicale complexe et panachée, bonifiée par des textes autobiographiques que l’on retrouve sur son premier album La nuit est une panthère, paru sous l’étiquette Bonsound en septembre dernier. Roberge assurera la première d’Ariane Moffatt à l’Impérial Bell le 22 mars. (F.G.)
_ À ÉCOUTER HHHHH CLASSIQUE HHHH EXCELLENT HHH BON HH MOYEN H NUL
FOXTROTT MEDITATIONS I-II-III
FOXWARREN FOXWARREN
(One Little Indian Records) HHH 1/2 On l’a connue sous le sobriquet MHMHMH avant qu’elle ne se rebaptise et brille par l’entremise de ses propres compos. Foxtrott nous revient cette fois avec un album relativement down tempo, mais pas moins mordant, un bouquet de pièces à la fois vitaminées et introspectives. On la retrouve là où on l’avait laissée, le cor français en moins, tanguant sous le poids de ses percussions inventives (sa grande force), ensorcelé par sa voix plus grave et gorgée de soul comme jamais. Si la prod de ces morceaux autoproduits manque un tantinet de densité sonore, on se réjouit de la voir explorer de nouveaux territoires esthétiques (l’exotique Melting Woods) et renouer avec les basses fréquences (For As Long As), une instrumentation pesante qu’elle juxtapose à un chant polyphonique. (C. Genest)
(Arts & Crafts) HHH 1/2
LES TROIS ACCORDS BEAUCOUP DE PLAISIR (La Tribu) HHH 1/2 Cumulant désormais plus d’une vingtaine d’années de divertisse ments, Les Trois Accords rappliquent avec un sixième album à l’exercice d’agrément d’usage, mû par la bonifiante contrainte de la cloche à vache – percussion qui devient ici un liant de groove en jubilatoire surenchère. Des hymnes – c’en sont, et soulignons le travail d’écriture et de prosodie de Simon Proulx – concis, toniques, d’une variété rock, au mordant faussement lo-fi évoquant le tournant des années 2000, avec des textes d’apparence plus confessionnelle: serait-ce leur «album le plus personnel depuis l’autre d’avant»? Après l’allégresse de Joie d’être gai, il en ressort une sorte de suite encore euphorique, mais dont les thèmes décèlent de petites tragédies, propulsées subrepticement à travers les accoutumées candeur et plaisanterie décalée. Après deux décennies de plusieurs hauts et quelques bas, le quatuor aboutit avec son album le plus vif et homogène, et tout ça, c’est oui monsieur/madame. (B. Poirier)
On reconnaît Andy Shauf par sa voix délicate, digne de Simon & Garfunkel, et son interprétation d’un calme exemplaire. En solo, le jeune Canadien a connu un grand succès en 2016 avec son troisième album The Party, puis ç’a été la folie des tournées. Cette année, il a pu renouer avec le groupe qu’il forme avec ses amis d’enfance et qui existe apparemment depuis une décennie. Voici donc Foxwarren. Au départ, difficile de démêler ce matériel de celui d’Andy Shauf puisqu’on reste dans le registre pop-rock-folk, un esthétisme résolument seventies (notez les influences à The Band, par exemple), mais plus on creuse, plus émergent les idées nouvelles, du psychédélisme ici et là, et des textes plus personnels que ce que fait habituellement Andy. Très bien fait. On le réécoutera assurément beaucoup cet hiver. (V. Thérien)
TIM BRADY MUSIC FOR LARGE ENSEMBLE (Starkland / Naxos) HHH 1/2 Voici deux pièces qui ont été créées au Festival international de musique actuelle de Victoriaville en mai 2017. Dans la première, Désir, un concerto pour guitare électrique et grand ensemble, Tim Brady est le soliste et sa musique hypernerveuse est rendue avec précision par son excellent ensemble, sous la direction de Cristian Gort. Le mouvement central, plus calme que les deux autres, permet à l’ensemble de construire des atmosphères aux couleurs changeantes, tandis que Brady semble être possédé par le Robert Fripp de Larks’ Tongues in Aspic. La deuxième pièce, Eight Songs About: Symphony #7, cherche à nous émouvoir en nous racontant, à travers un baryton et une soprano, la création de la septième symphonie de Chostakovitch, en 1942. L’œuvre est malheureusement fort didactique, ce qui lui enlève beaucoup de charme. (R. Beaucage)
BAUHAUS THE BELA SESSION
(Leaving / Stones Throw) HHHH
Enregistrée en 1979, six semaines à peine après la formation du groupe, cette session est à la fois la quintessence et la genèse de ce qu’est devenu le goth-rock. Grâce à Leaving et Stones Throw, les deux singles originaux (Bela Lugosi’s Dead et Harry, sortis respectivement en 1979 et 1982) sont accompagnés de trois titres jamais parus – bien que déjà joués sur scène – qui cimentent l’héritage incontestable que Bauhaus a légué à la musique qui l’a suivi. À la fois sombre, punk et naïf par endroits, ce retour en arrière nous fait réaliser combien la formation britannique avait, dès ses tout débuts, une vision décalée et unique des arrangements et des timbres. La voix iconique de Peter Murphy y résonne tout aussi fort aujourd’hui qu’il y a près de 40 ans. Bien qu’elle puisse sembler moins révolutionnaire à l’auditeur moderne qu’aux néophytes de l’époque, la Bela Session doit être revisitée comme un jalon essentiel et marquant de l’évolution de la musique alternative, un document historique qui a toute sa place dans la discographie du mélomane aguerri. (A. Bordeleau)
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ROULETTE RUSSE
PAR MICKAËL BERGERON
La guerre à l’automobile On entend souvent cette expression, que ce soit lorsque le maire Ferrandez réforme les rues du Plateau ou lorsqu’on parle du futur tramway à Québec: il y aurait une «guerre à l’automobile». Si guerre il y a, l’automobile demeure la grande gagnante, et ce, sans faire le moindre effort. Même si le projet de tramway – ou de réseau structurant de transport en commun – se fait à Québec, la place de l’automobile, elle, ne diminuera pas. Aucun plan de réduction du parc automobile ou de la place de celle-ci n’accompagne le projet. On espère que ce réseau encouragera les citoyen.ne.s à opter pour le transport en commun au lieu de leur voiture, mais rien ne les obligera à le faire. Quand une guerre est menée sans menaces, sans réprimandes, sans punitions, sans pertes, mais seulement avec des incitatifs et la mise en place d’une autre option, on peut se demander s’il y a des victimes. Tout le monde en sort gagnant. Non seulement il n’y a pas de menaces, mais on continue à agrandir les autoroutes, à construire des ponts – ou à vouloir en construire de nouveaux –, à refaire des échangeurs, à agrandir les villes avec de mauvais plans d’urbanisme
conçus pour l’automobile. Où est cette fameuse guerre? Jamais le recours à l’auto n’a réellement été remis en question. La majorité des études a beau souligner les effets nocifs de l’automobile (sur l’environnement, sur la santé publique, sur la circulation, sur l’urbanisme), aucune décision politique n’envisage sa diminution. J’adore conduire. Vraiment. Certains roadtrips font partie de mes plus beaux souvenirs. Encore aujourd’hui, l’idée de préparer un roadtrip m’excite plus que préparer un voyage en avion. Plus encore, j’aime tellement conduire que ça m’emmerde d’être passager. Sans aucun doute, mon amour profond de la route confronte mes valeurs environnementales. En même temps, je ne tripe pas sur les voitures en soi. Je ne tripe pas mécanique et on ne me verra jamais dans un Salon de l’automobile. J’aime juste ça, conduire. Pas faire de la vitesse, juste conduire. Faire de la route. C’est méditatif. Apaisant. Beau. Reste que d’un point de vue social, la voiture est sans aucun doute le pire moyen de transport. L’automobile est le mode qui
coûte le plus cher, mais qui transporte le moins de gens à l’heure. Si le transport était une entreprise privée et non du domaine public, aucune direction ne garderait un système de transport aussi peu performant. Pour un dollar payé de nos poches, l’autobus ne coûte que 1,50$ à la société alors que la voiture coûte 9,20$. Sans parler de la congestion. De la pollution. De l’espace perdu pour les stationnements. De plus en plus d’entreprises préfèrent créer des incitatifs pour prendre le transport en commun ou le transport actif plutôt que d’agrandir leur stationnement – une option trop coûteuse ou impossible, en centre-ville. Je sais qu’il y a certaines situations où l’automobile est difficile à enlever de l’équation. C’est pour ça que ce sont les infrastructures et les aménagements qu’il faut changer. Il faut modifier l’équation et non laisser toute la responsabilité aux gens, comme si l’environnement n’était qu’un choix individuel. En banlieue, par exemple, il suffirait de faire les aménagements différemment, de penser les villes autrement, et la nécessité de l’automobile diminuerait.
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La voiture électrique ne changera pas ces problèmes. Ça demeure une façon de se déplacer très improductive en milieu urbain avec de lourdes infrastructures. Tant qu’on va aménager le territoire avec la voiture au cœur des déplacements, on ne pourra pas l’enlever de l’équation. Doit-on réellement continuer à construire de nouvelles infrastructures pour l’automobile? Doit-on continuer à bâtir des quartiers conçus pour l’automobile? Doit-on continuer à s’assurer de faire de la place à l’automobile dans les centresvilles? Y faire de nouveaux stationnements? Doit-on limiter l’utilisation de la voiture en ville? Je vais plus loin encore. Doit-on repenser la possession de l’automobile? Il m’apparaît complètement absurde de payer des milliers de dollars pour un bien qui passe le plus clair de son temps à ne pas être utilisé – et à prendre beaucoup de place à ne rien faire. Combien de temps par jour un automobiliste utilise sa voiture
JAMAIS LE RECOURS À L’AUTO N’A RÉELLEMENT ÉTÉ REMIS EN QUESTION. en moyenne? Deux heures? Trois heures? Combien d’heures dans le trafic là-dedans? Et si la voiture était un bien partagé? Et si au lieu de posséder individuellement une voiture dont la plupart ne font rien dans un stationnement on se partageait l’automobile? Communauto et Car2Go sont des exemples. La location de voitures privées aussi, dans un sens. Et si la voiture intelligente qui se conduisait toute seule facilitait le partage de l’automobile?
Pourquoi pas des voitures sous le modèle des Bixi? J’imagine bien que plusieurs personnes vont me trouver farfelu ou rêveur, pourtant, c’est le modèle actuel que je trouve complètement absurde. Quand je me retrouve dans le trafic et que je vois toutes ces voitures vides – avec une seule personne derrière le volant. Quand je vois des terrains de stationnements de voitures inutilisés ou vides le soir venu. Quand je vois la pollution. Quand je vois des rues bloquées par des gens qui n’arrivent pas à avancer, et à l’inverse de grands boulevards vides en dehors du «9 à 5». Quand je vois les sommes d’argent nécessaires pour soutenir la voiture – autant par les automobilistes que par la société. Je nous trouve profondément archaïques, collectivement et individuellement niaiseux. Une pancarte, durant une manifestation, disait qu’on ne courait pas à notre perte, mais qu’on s’y rendait en char. C’est un peu ça, oui. y
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LA COMÈTE BLONDE APRÈS UNE NOMINATION COMME RÉVÉLATION DE L’ANNÉE AU DERNIER GALA QUÉBEC CINÉMA, CITÉE POUR SON INTERPRÉTATION LUMINEUSE DANS LES FAUX TATOUAGES, ROSE-MARIE PERREAULT S’APPRÊTE À VIVRE SUR NOS ÉCRANS, PETIT ET GRAND, UNE ANNÉE 2019 AUSSI FASTE QUE PROTÉIFORME. MOTS | NICOLAS GENDRON
Jointe à Paris, où elle profitait de quelques jours de répit, la jeune actrice de 23 ans venait tout juste de terminer un tournage en Tunisie pour Le monstre, une série d’ICI Tou.tv tirée du récit éponyme d’Ingrid Falaise et dans laquelle elle interprète Sophie, l’alter ego de l’auteure, qui tente d’émerger d’une relation toxique. «C’est l’un de mes plus beaux projets à ce jour. Et de longue haleine en plus, avec 33 jours de tournage. On a eu la chance de tourner souvent en ordre chronologique, ce qui facilitait les choses, comme il y a beaucoup de flashbacks pour raconter l’histoire qui s’étend sur trois ans.» Et le réalisateur Patrice Sauvé (Grande Ourse, Ça sent la coupe, Victor Lessard) fut un allié des plus précieux. «Le personnage n’est pas près de moi, mais Patrice me guidait continuellement. Je l’ai constaté en tournant avec lui. Plusieurs réalisateurs ont une confiance aveugle envers les acteurs et les dirigent peu, alors que lui avait le souci constant du mot juste, pour m’éclairer. Ce n’est pas seulement une fille naïve qui tombe amoureuse d’un mauvais garçon, non. On voulait que ce soit crédible, qu’elle retourne vers lui, même s’il la bat. C’était quand même lourd à porter, parfois. Avec Mehdi Meskar, qui jouait M, on s’y était préparés, mais on s’est surpris, en jouant les scènes de violence, à être plus secoués qu’on l’aurait cru.» Tout l’opposé des rôles de jeunes femmes fortes et libres qui s’offrent à elle ces derniers mois. Outre une courte apparition marquante dans La chute de l’empire américain, de Denys Arcand, RoseMarie avait surtout ravi les cinéphiles au début de 2018, avec deux personnages
PHOTOS | ANTOINE BORDELEAU
décomplexés, qui s’affirment haut et fort: d’abord cette Mag des Faux tatouages, premier long métrage plein d’hormones de Pascal Plante, sur la fulgurance d’un amour de jeunesse; puis Denise, la fille de La Bolduc, qui rêve d’Hollywood et se bute au conservatisme de ses parents. «Je tends vers cette liberté-là, moi aussi, d’affirmer Rose-Marie, parce qu’elle n’est jamais acquise. Je veux continuer à défendre de tels personnages. J’aimerais peut-être écrire un jour, et c’est certain que j’imaginerais des femmes décomplexées, pas parfaites non plus, mais qui assument leurs failles. C’est d’autant plus beau.» La Cynthia qu’elle compose dans Avant qu’on explose, un autre premier long métrage, signé Rémi St-Michel – à venir le 1er mars 2019 –, comédie dramatique qui capte bien selon elle «l’essence d’une génération», est aussi de la même eau. Dans ce réjouissant «film d’ados», écrit par Eric K. Boulianne (Prank, De père en flic 2), elle incarne avec un naturel solaire le fantasme d’un collégien angoissé par l’idée de mourir vierge à l’aube d’une troisième Guerre mondiale. Originaire de Trois-Rivières, où elle s’adonnait entre autres au ballet classique, la comédienne a toujours beaucoup aimé le cinéma. «Petite, je regardais du Pagnol avec mon père, et j’ai été marquée par La vie est belle ou Cinéma Paradiso. J’adorais raconter ou recevoir une histoire.» À l’adolescence, sa mère l’emmène voir Fragments de mensonges inutiles, pièce de Michel Tremblay présentée par Duceppe en tournée; c’est une révélation. «C’est la première fois que j’allais au théâtre, et ça m’a fascinée. En voyant les acteurs si près de moi, j’ai réalisé
que ça pouvait être un métier en soi. J’étais quand même gênée, au secondaire, mais j’ai saisi les chances qui s’offraient à moi.» Une amie lui parle d’un projet de court métrage (Les poupées ne meurent pas, de Julie Prieur) à la recherche d’une «comédienne blonde qui fait du ballet», un rôle qu’elle décroche! Il n’en fallait pas plus pour lui permettre d’avoir «un pied dans le milieu» et de faire son entrée dans l’Union des artistes. À 16 ans, elle croise la route de Philippe Lesage, qui la voit en audition et la recrute pour Les démons, un film troublant qui connaît un parcours exemplaire en festival. Malgré tout, Rose-Marie n’a toujours pas d’agence pour la représenter à ce moment. «Mes démarches étaient laborieuses, avouet-elle, et le film de Philippe n’était toujours pas sorti. J’avais écrit à tous les agents de Montréal, qui ne me répondaient pas ou me suggéraient plutôt de faire une école de théâtre, ce qui est dans l’ordre normal des choses.» Installée à Montréal, à 18 ans, alors qu’elle travaille au Café Cherrier, elle discute avec le comédien David La Haye, qui convainc son agente Nathalie Duchesne de la rencontrer. La chimie opère, et la voilà qui auditionne quelques semaines plus tard pour 30 vies, réalisé par François Bouvier. La suite relève d’un savant mélange de rencontres et de talent confirmé. Bouvier l’embauche de nouveau sur Ruptures, puis sur La Bolduc. Quant à Lesage, qu’elle définit comme «un travaillant amoureux, passionné, avec qui on peut faire jusqu’à 30 prises d’une même scène, toujours pour le bien du projet», elle le retrouve dans Genèse, déjà primé au FNC, à Namur, en Espagne et au Mexique, que l’on verra sur nos écrans en 2019.
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Son CV ne cesse de se garnir de projets féconds. Autrefois mannequin pendant ses études, elle en joue une ces jours-ci qui doit «s’émanciper du regard des autres» après un grave accident, dans Clash, une quotidienne de Vrak «qui ne prend pas les ados pour des cons». En 2019, elle apparaîtra dans plusieurs génériques, dont celui de Gut Instinct, aux côtés de Josh Hartnett et Antoine Olivier Pilon; d’Une manière de vivre, le 11e long métrage de Micheline Lanctôt, «une femme de tête» qui lui «insuffle la volonté d’être révoltée quand il faut l’être»; et de Gold, d’Éric Morin, avec une Monia Chokri qui l’inspire grandement par sa carrière sur deux continents. Elle travaille d’ailleurs déjà à élargir son terrain de jeu. Retenez son nom, car cette comète blonde ne filera pas de sitôt. y LES FAUX TATOUAGES, DE PASCAL PLANTE
CINÉMA (À VENIR EN 2019)
OFFERTS EN VSD ET/OU DVD
TÉLÉ
Une manière de vivre, de Micheline Lanctôt Avant qu’on explose, de Rémi St-Michel Gold, d’Éric Morin Gut Instinct, de Daniel Roby Genèse, de Philippe Lesage
La chute de l’empire américain, de Denys Arcand La Bolduc, de François Bouvier Les faux tatouages, de Pascal Plante Les démons, de Philippe Lesage
Clash, actuellement en ondes sur Vrak Le Monstre, à venir sur ICI Tou.tv
_ CINÉMA EN BREF LES ÉTOILES DE 2018
Sophie Dupuis Rarement un film québécois a eu une aussi belle histoire de bouche-à-oreille que Chien de garde. Sorti en mars, le film a captivé les publics avec son portrait saisissant d’un noyau familial violent. Le long métrage récoltait huit nominations au Gala Québec Cinéma en mai. Les performances magnifiques de Théodore Pellerin et de Maude Guérin ont été soulignées. Et cerise sur le sundae: Chien de garde a été sélectionné pour représenter le Canada aux Oscars dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère. Avec le court métrage Faillir en 2012, qui traitait avec délicatesse d’un désir impossible entre un frère et une sœur, on avait repéré chez Sophie Dupuis un talent rare. La voilà maintenant sur une belle lancée. Pour son deuxième long métrage, Souterrain, elle s’invitera chez les mineurs dans sa patrie natale de l’Abitibi. (Valérie Thérien)
En 2018, le cinéaste originaire de Québec Pascal Plante nous proposait l’un des meilleurs films québécois de l’année, Les faux tatouages. «Fuck les films romantiques!» lisait-on sur l’affiche du film à sa sortie en salle l’hiver dernier. Son histoire de jeunesse et d’amour est rugueuse mais tendre, sur fond de musique punk-métal et de Sèche tes pleurs de Daniel Bélanger (oui, oui!). Ce premier long métrage de Plante a fait bien du chemin, se rendant jusqu’aux publics de Slamdance (États-Unis) et de la Berlinale (Allemagne). En entrevue avec nous cette année, le comédien Anthony Therrien – qui incarne Théo – soulignait avec raison l’excellence des dialogues réalistes du scénario de Plante, et mentionnait par le fait même que le réalisateur avait laissé aux acteurs beaucoup de liberté. On suivra son prochain projet de près. (V.T.)
Marguerite Bouchard On l’a remarquée dans des séries télé d’envergure ces dernières années (19-2, District 31),mais la jeune comédienne de 18 ans a fait un saut au grand écran cette année en donnant vie avec aplomb au rôle principal dans Charlotte a du fun. Pour mieux relever ce défi, elle retrouvait une mentore, la comédienne et réalisatrice Sophie Lorain, qui l’avait dirigée il y a quelques années dans Nouvelle adresse. Si le film était celui de l’émancipation d’une jeune femme, l’actrice, elle, semble aussi s’être affranchie dans ce rôle frais et réaliste. Elle porte Charlotte sur ses épaules dignement. On peut suivre Marguerite Bouchard dans la troisième saison des aventures de Marc-en-peluche à TéléQuébec. Et on lui souhaite d’autres beaux défis cinématographiques en 2019. (V.T.)
Lévi Doré Révélé à la télévision dans Au secours de Béatrice et au théâtre dans La divine illusion, Lévi Doré vient de connaître son année charnière grâce à son premier rôle dans La chute de Sparte, film adapté d’un roman de Biz dont l’histoire est centrée autour d’un adolescent renfermé qui doit apprendre à s’affirmer. «J’ai vécu mon secondaire 5 en même temps que je tournais le film! C’est un rôle qui m’a vraiment beaucoup apporté sur le plan émotif», révèle l’acteur de 17 ans, encore enthousiaste par rapport à cette expérience de tournage dont il avoue ne pas avoir assez profité. En vedette dans la série Plan B cet automne, Doré admet avoir «hâte de décrocher un nouveau rôle au grand écran» et, d’ici là, il s’apprête à relever deux beaux défis en 2019: un rôle dans la pièce Mauvais goût de Stéphane Crête à L’Espace libre et un autre dans l’émission jeunesse Clovis (une nouvelle mouture de Conseil de famille) à Télé-Québec. (Olivier Boisvert-Magnen)
Photos / Sophie Dupuis: Patrick-Joseph Dufort; Lévi Doré: Kelly Jacob; Margerite Bouchard: Fred Gervais Dupuis
Pascal Plante
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TOUTES LES NUANCES ENTRE SON PRÉSENT DANS LA NEIGE DE MONTRÉAL ET SON PASSÉ DANS LA CHALEUR DU LIBAN, UN HOMME A DES COMPTES À RENDRE AVEC LUI-MÊME. VOICI MALEK. MOTS | VALÉRIE THÉRIEN
Lorsqu’on le rencontre en début de film, Malek est en face à face forcé avec une psychologue. Peu bavard ni enclin à se faire faire la morale, il reste assez froid et mystérieux. Mais au fil du film, on découvrira ce personnage complexe, brisé, isolé, un Libanais d’origine qui tente de se reconstruire une vie dans un Montréal enneigé. «C’est un personnage à fleur de peau, nous dit le réalisateur Guy Édoin (Marécages, Ville-Marie). Il est un peu paumé, mais en même temps, il essaie toujours de s’en sortir. Il y a quelque chose
PHOTO | LES FILMS SÉVILLE
de très juvénile chez lui. Ce qui me plaisait dans ce personnage, c’est sa dualité: il peut parfois paraître détestable, mais il vient toujours nous chercher avec l’humour ou la séduction. On a travaillé le personnage dans ce rapport amour-haine.» C’est le scénariste Claude Lalonde qui a imaginé ce Malek pour le grand écran, lui qui a été mandaté pour adapter le roman Cockroach (Le cafard) de l’auteur montréalais d’origine libanaise Rawi Hage, sorti il y a 10 ans. Le personnage est un homme qui manque de sous, mais pas de confiance en lui. Lorsque Malek veut
quelqu’un ou quelque chose, il est capable de l’avoir. Il séduit la femme de ses rêves et il obtient un emploi dans un restaurant assez facilement, par exemple. Sa psychologue veut toutefois creuser plus loin afin de comprendre ses blessures et Malek se voit alors forcé de se remémorer des souvenirs douloureux de son passé avec sa sœur. Cette histoire représentait un beau défi créatif pour Guy Édoin puisqu’elle lui permettait de se sortir de sa zone de confort. «Ce qui m’a beaucoup plu, c’est le parcours du personnage principal, tout
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> ce qu’il traverse. J’avais toujours travaillé davantage avec des personnages féminins en avant-plan et c’était la première fois que je côtoyais un personnage masculin qui avait à peu près mon âge, qui pouvait en quelque sorte me confronter à moi-même.»
qui n’a pas d’argent et qui ne mange pas nécessairement à sa faim. Ensuite, on a beaucoup discuté ensemble pendant le tournage pour s’assurer que Malek n’a jamais l’air désagréable ou crade parce qu’il souhaite toujours plaire.»
Pour ce film, le réalisateur a trouvé un solide allié en la personne de Tewfik Jallab, un acteur français vu dans Né quelque part aux côtés de Jamel Debbouze en 2013 et qui était de Ce qui nous lie de Cédric Klapisch en 2017. Tewfik Jallab porte le film sur ses épaules et s’avère être une grande révélation. Le comédien a bien su travailler toutes les nuances du personnage, indique Guy Édoin.
Malek trouve refuge chez les femmes dans sa vie. Il a un rapport de séduction avec la copine, la sœur, en passant par la fille du patron et la psychologue. Cette dernière, interprétée avec aplomb par Karine Vanasse, joue un rôle important dans l’évolution de Malek. Au-delà de la thérapie, la psychologue le suit dans sa tête (et dans son appartement). «Son rapport avec elle est toujours très clair et franc. Il y a la vraie personne assise devant lui avec son cahier de notes, puis la version érotisée de Malek, qui apparaît chez lui. C’est comme si elle jouait dans sa tête pendant la thérapie et puis elle lui apparaît dans une version érotisée.»
«Ç’a été une grande rencontre pour moi. C’est une révélation humaine, d’abord, et puis une révélation d’acteur également. J’ai rarement vu un acteur aussi engagé envers un rôle. Il en est très fier. L’apport est total. Tewfik s’est vraiment investi en perdant du poids pour se mettre dans l’esprit du personnage. En début de film, il pique dans les assiettes des autres, lui
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se regardent même pas dans la rue, remarque Malek à un moment dans le film –, la psychologue incarne cette «occidentalité-là qu’il ne comprend pas toujours, précise le réalisateur. Malek n’a pas les mêmes référents. Il cherche à les comprendre, mais il n’est pas capable. C’est intéressant d’avoir ce regard qui n’est pas occidental». Les quelques flashbacks dans un Liban chaud, lumineux et ensoleillé accentuent d’ailleurs ce contraste avec notre nordicité. «On aimait beaucoup l’idée de juxtaposer le froid hivernal et la chaleur du Liban, ajoute Guy Édoin. Le défi ici, lors du tournage, c’est qu’avec les hivers québécois, on ne sait jamais si on aura de la neige ou pas. À la première journée de tournage, je pense qu’il est tombé un mètre de neige et trois semaines plus tard, il fallait en acheter et en saupoudrer partout pour que les raccords de scènes soient crédibles!» Bienvenue au Québec. y
Et dans cette histoire de recherche de soi d’un immigrant au Québec – où les gens ne
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PRISE DE TÊTE
PAR NORMAND BAILLARGEON
Le jeu de l’inexpliqué Je vous propose un petit jeu. Voici ses règles. Vous êtes placé devant un phénomène singulier, plus ou moins étrange, un phénomène qui rompt avec l’ordre usuel des choses. Il est en ce sens inexpliqué, du moins par le cadre habituel qui vous permet d’ordinaire de comprendre le monde. Ce phénomène attire pour cela votre attention. Vous voulez comprendre. Vous tentez donc des explications que vous testerez le plus soigneusement possible. Il se peut que vous parveniez à expliquer le phénomène intrigant. Tant mieux, tout rentre alors dans l’ordre. Mais il se peut aussi que vous ne le puissiez pas. Peut-être même que personne ne le pourrait. Voici alors vos options. Une première possibilité est de conclure que cette incapacité est provisoire et que nous parviendrons un jour, on peut l’espérer, à expliquer le phénomène intrigant. Une autre possibilité est que la solution soit connue de certaines personnes savantes qui pourraient vous l’expliquer.
Mais il se peut aussi que vous ne vouliez pas connaître cette explication et que vous vous prêtiez, émerveillé, à ce phénomène – ce qui peut d’ailleurs être très agréable. C’est un peu cela qui se produit durant le spectacle d’un magicien. Une autre possibilité est d’interpréter le phénomène en disant que c’est un miracle. Il n’est pas interdit de penser qu’on explique alors l’inexplicable par plus inexplicable encore.
expliquer. Prenez en compte le nombre de maisons visitées, la durée de chaque visite, le temps alloué, calculez la vitesse requise en tenant compte de la montagne de biscuits avalés. D’ailleurs, si la science amusante derrière tout cela vous intéresse, vous sourirez pas mal en lisant ceci: [http://www.daclarke.org/Humour/santa.html]
Une dernière possibilité est que finalement, le phénomène allégué n’ait pas eu lieu: l’explication est alors qu’il n’y avait en fait rien du tout à expliquer.
J’ajouterai que la créature que l’on connaît aujourd’hui est bien récente: elle est née sous le pinceau d’un artiste travaillant pour Coca-Cola dans les années 1930 du siècle dernier. Elle est un des facteurs qui nourrit cette singulière frénésie consumériste du moment. Au fait: mérite-t-elle une explication? Laquelle?
À présent, jouons.
Mais passons à un autre phénomène.
Les cadeaux d’un barbu
Une étrange étoile
On vous parle d’un barbu de rouge vêtu qui distribue des cadeaux à tous les enfants sages de la Terre entière, cela en une seule nuit et en voyageant sur un traîneau tiré par des rennes volants.
Mathieu, et il est le seul des quatre évangélistes à parler de cela, raconte que des mages ont suivi depuis l’Orient une étoile qui les a conduits à l’étable où Jésus est né. Si ces crèches de la saison qu’on voit un peu partout sont souvent surmontées d’une étoile, c’est justement en souvenir de celle-là, la fameuse étoile de Bethléem.
Enfant, vous y avez peut-être cru. Était-ce pour le mieux? Quoi qu’il en soit, devenu adulte, vous savez bien qu’il n’y a pas de phénomène à
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Des astronomes (typiquement des croyants) ont, depuis Kepler, proposé des explications à ce singulier phénomène. Kepler, justement, a cru à un alignement des planètes Saturne et Jupiter, survenu dans la constellation des Poissons, qui est, comme par un heureux hasard, le symbole des chrétiens. Hélas, pour lui, cette conjonction ne pouvait être confondue avec une étoile, moins encore avec une étoile qui resterait si longtemps visible que les mages l’auraient suivie durant les semaines qu’a duré leur périple. Une autre hypothèse est qu’il s’est agi de l’implosion d’une étoile, laquelle dégage une formidable lumière. Une autre encore est qu’il s’agissait d’une comète. Mais pour diverses raisons, aucune des hypothèses envisagées ne correspond aux faits rapportés. D’autant que les mages ont vu l’étoile à l’est, allant vers l’est, et l’ont
suivie pour aller à l’ouest! Là où personne ne semble d’ailleurs l’avoir vue… Par contre, il faut le savoir, ce genre de récit dans lequel un phénomène céleste accompagne la naissance d’un être destiné à devenir exceptionnel est courant à cette époque.
Vous le savez: on a résolu une part de leurs mystères. Mais il nous reste encore bien du travail. En attendant, vous songez que ce que vous voyez est l’état des étoiles il y a bien longtemps, le temps que leur lumière vous parvienne.
Alors? Mystère résolu? Mystère persistant? Miracle? Magie? À vous de décider.
Vous pensez alors aux gens que vous aimez et qui vous attendent à l’intérieur, vous pensez à tout ce qui vous lie à eux et elles. Vous avez une pensée pour ce brave Emmanuel Kant (1724-1804). Sur sa tombe, il a fait inscrire: «Deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s’y attache et s’y applique: le ciel étoilé audessus de moi et la loi morale en moi.»
Mais voici un dernier jeu. Une nuit La nuit commence alors que les enfants déballent leurs cadeaux. Grand moment. Qu’est-il pour eux? Pour vous? Comment l’avez-vous préparé? Qu’auriez-vous aimé qu’on vous dise, ou qu’on vous cache, enfant? Vous passez ensuite à table avec la famille et les amis. Ce soir-là, précisément, vous ressentez une bien vive émotion et vous repensez aux mêmes fêtes des années passées. Vous sortez dehors et contemplez les étoiles.
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Ce que vous ressentez, je vous le souhaite, est vraiment étrange et n’arrive pas si souvent. Une sorte de phénomène singulier, qui rompt avec l’ordre usuel des choses. Je vous laisse l’expliquer. Ou pas. Pendant que vous rentrez retrouver les enfants et vos proches. y
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LE GRAND RETOUR DE LA PÂTISSERIE AUTREFOIS ZAPPÉ OU RELÉGUÉ AUX GRANDES OCCASIONS, LE DESSERT REVIENT DANS LE QUOTIDIEN. EXIT LE BEURRE ET LE SUCRE: LE GOÛT EST DORÉNAVANT AUX FRUITS ET À LA LÉGÈRETÉ. MOTS | MARIE PÂRIS
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Dans le sillon de la cuisine, la pâtisserie se transforme. Son évolution est plus lente, d’abord parce que les pâtissiers travaillent moins par instinct et ont plus tendance à suivre les recettes de référence – qui contiennent souvent beaucoup de sucre et de beurre. Certes, le sucre avait un rôle à jouer à l’époque, quand la réfrigération était rare dans les boutiques et qu’il servait d’agent de conservation. Mais plus d’excuse aujourd’hui pour alléger la mesure! «En France, on parle du “désucrage” de la pâtisserie, ce qu’on commence à entendre ici, indique Patrice Demers. Mais il ne suffit pas d’enlever le sucre, il faut garder un équilibre, repenser les desserts. On peut refaire les classiques, mais en s’adaptant.»
PATRICE DEMERS, PHOTO MICKAEL A. BANDASSAK
À sa boutique montréalaise de SaintHenri, Patrice Pâtissier, on trouvait par exemple cet été un Forêt-Noire où la cerise était plus présente que dans la version traditionnelle. «C’est une façon de rendre la pâtisserie plus équilibrée: laisser plus de place aux fruits, explique Patrice. Le sucre est mauvais pour la santé et les gens y font plus attention. Les pâtissiers n’ont pas le choix de s’adapter; si on veut que notre métier continue d’exister, on va chercher des desserts moins sucrés, plus frais, de meilleure qualité. Si le client peut se gâter en se faisant un peu moins mal et en se sentant moins coupable… tant mieux!» Patrice utilise une bonne partie de fruits du Québec à l’année en surgelant ses produits ou en les transformant pour les garder.
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Si sa pâtisserie change les traditions, la clientèle est au rendez-vous. «Je me fais souvent dire par ceux qui ont moins l’habitude d’aimer le dessert que les miens leur plaisent vraiment. Habituellement, c’est trop sucré ou gras, et là, ils se retrouvent», raconte le pâtissier. Il juge le consommateur très ouvert d’esprit, comparé aux États-Unis par exemple – où l’on voit beaucoup moins de fines pâtisseries dans les grandes villes. «Là-bas, les clients sont plus friands de tendances, comme les macarons ou les cupcakes...» Dessert de chefs Les cuisiniers commencent à comprendre que la pâtisserie est importante, et les
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«C’EST RARE QU’EN PÂTISSERIE, ON PARLE D’ASSAISONNEMENT. ON ESSAIE DE BÂTIR DES SAVEURS UN PEU COMME LE FERAIT UN CUISINIER…» clients deviennent plus exigeants envers le dessert. Patrice Pâtissier a d’ailleurs reçu en stage quelques chefs désireux d’apprendre certaines bases. C’est que pâtisserie et cuisine sont intrinsèquement liées: si Patrice Demers s’est inspiré de Pierre Hermé ou Philippe Conticini, il a également été influencé par des chefs et par sa formation de cuisinier. «Ça différencie mon approche. Ce travail du goût, je le retrouve plus chez les cuisiniers. C’est rare qu’en pâtisserie on parle d’assaisonnement, mais c’est quelque chose que j’essaie de montrer à mon équipe. On essaie de bâtir des saveurs un peu comme le ferait un cuisinier…» Chez Patrice Pâtissier, les lunchs sont préparés par des pâtissiers les fins de semaine. Ce que Patrice trouve très important: «Goûter et assaisonner leur amène quelque chose de plus. En pâtisserie, parce que c’est réussi techniquement, on s’imagine que c’est toujours bon. C’est pas forcément vrai: y a une différence entre un bon et un très bon dessert.» Par exemple, les textures ont leur importance et sont plus faciles à travailler dans un plat; en pâtisserie, il faut penser à leur évolution dans le temps – surtout pour un dessert de boutique avec une durée de vie plus longue qu’au resto, où il est monté à la dernière minute et servi tout de suite.
ingrédients, car «il y a une éducation à faire». Certains clients viennent encore seulement pour un anniversaire, mais le passage au quotidien se fait tranquillement. Si la pâtisserie était auparavant réservée aux fins de semaine ou aux occasions, Patrice a vu une évolution ces cinq dernières années: «On est maintenant beaucoup plus occupés en semaine!» L’engouement pour la nouvelle pâtisserie se voit notamment dans la multiplication des magazines sur le sujet, professionnels comme grand public, et des boutiques haut de gamme comme Rhubarbe et Crémy à Montréal, ou Olivier Poitier à Laval. «En région, y a encore du chemin à faire. Y a de très bonnes boulangeries, mais pas vraiment de pâtisseries, note Patrice. Mais ça prend un gros bassin de population pour pouvoir faire de l’extrême fraîcheur…» Il regrette cependant que le mouvement aille aux extrêmes: dans du haut de gamme hyper
Pâtisserie pour tous les jours Une qualité qui se retrouve dans le prix, que certains rechignent à dépenser, mais qui n’effraie pas une clientèle de plus en plus régulière. C’est le cas chez Gaël Vidricaire, qui a ouvert sa pâtisserie en 2016 à Québec, dans Montcalm: «On est plus cher qu’ailleurs, mais les gens sont plus intéressés par les petits artisans qu’ils connaissent. Le geste de consommer est plus personnel. Et une bonne pâtisserie, c’est comme un bon vin ou un bon chocolat. Tout le monde a besoin de se faire plaisir de temps en temps.» Gaël prend le temps d’expliquer et de parler des PÂTISSERIES GAËL VIDRICAIRE
qualité ou du très industriel. «En France, c’est à ça qu’on assiste, avec le développement de la pâtisserie presque haute couture. J’espère qu’au Québec, le milieu va rester, car il en faut pour tout le monde.» Trop de haut de gamme? Pas pour autant, nuance Patrice, qui pense que chaque pâtissier a sa signature et qu’il y a donc de la place pour chacun. «Plus on sera nombreux, plus l’univers de la pâtisserie sera riche», ajoute Gaël Vidricaire. À Québec, les pâtissiers ont commencé à organiser des rencontres informelles pour échanger sur ce qu’ils font ou parler des concours, «pour rester dynamiques». Parfois, des clients entrent dans la boutique de Gaël et lui disent: «Des pâtisseries comme ça, j’en avais juste mangé en Europe. Je savais pas que ça existait ici!» L’artisane voit ainsi la pâtisserie au Québec comme le vin ou le fromage il y a 20 ans: avec un bel avenir devant elle. y
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OUVRIR SON CŒUR ALEXIE MORIN
LES NOMBRILS (TOME 8) EX, DRAGUE ET ROCK’N’ROLL DELAF ET DUBUC
Le Quartanier, 376 pages Les anecdotes aux apparences banales sont parfois les pièces les plus difficiles à placer. À l’image d’un cassetête dont les morceaux sont étalés devant nous, Ouvrir son cœur d’Alexie Morin, qui brille parmi la liste préliminaire du Prix des libraires dans la catégorie roman québécois, est un récit fragmenté dont la construction – ou la reconstruction – se fait de manière organique, sans points de rupture. «Moi aussi! Moi aussi, je me suis fait opérer, je me suis fait opérer deux fois.» Avec l’enthousiasme d’une enfant qui «parle comme un dictionnaire», la jeune Alexie se rend intéressante auprès de Fannie, une petite voisine – qui deviendra une amie importante – souffrant d’une malformation cardiaque. Alors qu’avec recul, la narratrice adulte évoque la maladresse de comparer son opération à l’œil à celui d’une chirurgie où la vie est en jeu, il s’agit du seul moment du récit où cette dernière s’offre le droit de ressembler à l’autre. Amitié, humiliations, solitude, distractions de fond de classes – ou de bord de fenêtres. C’est dans les Cantonsde-l’Est que grandit Alexie; ceux à l’antipode des condos hygge de Bromont. À Windsor, tout est frette et rien n’est grandiose, on naît de pères travailleurs d’usines et de mères couturières chichement payées. Avec ses 255 fragments dont la prose est remarquable, Morin revendique le presque ordinaire et la non-beauté en dépeignant un portrait juste et plutôt rare: une anxiété qui ne repose pas sur le regard des autres, mais uniquement sur la certitude d’être inapte à interagir, à se mouvoir dans l’espace. «Je regardais mon reflet dans le miroir et je me disais qu’il était injuste, profondément, qu’on ait pu me traiter de laide, qu’il fallait être soi-même de mauvaise foi, soi-même méchant pour me dire laide, parce que je n’avais rien de laid, et que je ne voulais de mal à personne.» Personnifié comme «L’œil croche», le strabisme de la narratrice est un pivot, la toute première marque d’une différence qui s’ancrera autrement. Ouvrir son cœur: d’abord comme une manière de se dévoiler sans détour malgré la honte, d’offrir aux autres les souvenirs qui ont été implantés et les traces qu’ils auront laissées; puis, comme une véritable dissection de soi, celle qui découpe avec minutie chaque partie de l’existence pour continuer à l’habiter. (Mélanie Jannard) y
Dupuis, 48 pages Prêtes pour du changement? Car si l’affirmation de soi et l’émancipation sont le moteur des derniers épisodes des Nombrils, Delaf et Dubuc passent en cinquième vitesse avec Ex, drague et rock’n’roll que nous attendions depuis Un bonheur presque parfait paru il y a déjà trois ans. Les couteaux – ou les ciseaux – volent bas dans la chambre de nos bombasses nationales, qui la partagent depuis le match de leurs parents. De son côté, Karine n’a rien à cirer des enfantillages de ses vieilles copines: ex-bouc émissaire, celle qui est devenue la star de l’école est en tournée avec son band Albin et les albinos, dont la popularité avait été propulsée par une tentative de meurtre du chanteur. Et elle sera prête à tout pour éviter qu’un autre groupe populaire ne leur vole le spotlight pour une «raison» tout aussi saugrenue. Mensonge, jalousie, manipulation: Les Nombrils n’ont jamais donné dans la dentelle ni le politiquement correct, et c’est là une des grandes forces – encore trop peu courantes en littérature jeunesse – de la série. Qui a envie d’être prise par la main? Bon; peut-être Jenny qui, en peine entre son image «impeccable» et l’amour pour quelqu’un «hors de ses standards», subit l’amertume d’une pauvre Vicky incapable de supporter ni le succès ni le bonheur d’autrui. Karma is a b*tch, disait-on? Je m’en ennuyais, des éclats de rire francs que provoque l’humour unique de Delaf et Dubuc, tantôt franchement grinçant, tantôt complètement absurde, mais toujours savamment calibré. Malgré ses mises en scène cruelles et ses vacheries impardonnables, ce n’est pas sans émotion que le duo, que j’ai rencontré au Salon du livre de Montréal, parle de ses personnages et des chemins parfois rocailleux qu’il leur est donné d’emprunter. L’illustrateur mentionnait d’ailleurs avoir été touché en dessinant pour la dernière fois – jusqu’à nouvel ordre – l’iconique chapeau vert de Jenny. Prélude d’une finale importante, surprenante, qui tirera certainement une larme aux plus grandes fans d’entre nous – tousse, tousse. On m’a rassurée: un prochain tome est bel et bien prévu, avant quoi on pourra lire un Vacheries, série satellite de planches à gags. Marc Delafontaine et Maryse Dubuc, merci de faire confiance à votre lectorat; merci pour ce huitième tome qui, au-delà des apparences, est empreint d’une grande sensibilité. Comme Jenny, je vous lève mon chapeau. (Mélanie Jannard) y
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SALINA: LES TROIS EXILS LAURENT GAUDÉ
TOUT SAVOIR SUR JULIETTE ÉRIK VIGNEAULT
Actes Sud, 160 pages
Le Cheval d’août, 192 pages
Certains écrivains nous accompagnent longtemps. Je me souviens encore très bien, alors jeune lecteur et nouveau libraire, découvrir Laurent Gaudé avec Le soleil des Scorta (prix Goncourt 2004), un roman que je ne cesse de conseiller. C’est que Gaudé a le temps pour raconter des histoires, il a la main pour le récit épique, incantatoire, étant capable de retenue et de grandiloquence au tournant d’une même phrase. Depuis, pour moi, chaque nouvelle parution de cet auteur est une sorte de rendez-vous, une assurance d’émerveillement. Avec Salina: les trois exils, Gaudé reprend une de ses pièces de théâtre publiée il y a plus de 15 ans pour y insuffler ce souffle romanesque qu’il maîtrise si bien. Halte littéraire en hommage à la mémoire et à ces pays de sable où les pierres sont les témoins d’histoires qui se doivent d’être racontées.
Il y a des auteurs qu’on fréquente comme de vieux amis. De bonnes connaissances que l’on est toujours heureux de recroiser çà et là dans notre parcours de lecteur. Et il arrive qu’on partage, bien que sans le savoir, ce groupe d’amis avec d’autres, qui prennent, comme nous, autant de plaisir à les lire. C’est cette impression forte qui m’a accompagné tout au long de ma lecture du premier roman d’Érik Vigneault, Tout savoir sur Juliette. Rapidement et dans une même page, j’y ai croisé l’écrivain barcelonais Enrique Vila-Matas, le Portugais Antonio Lobo Antunes, l’Autrichien Thomas Bernhard. Tous étaient là, réunis dans cet amour du jeu et celui de la langue. Mes craintes initiales de trouver en ces pages un mauvais pastiche des auteurs qui m’ont formé comme lecteur se sont vite estompées: au sortir du livre et sourire aux lèvres, Tout savoir sur Juliette est l’une de mes lectures les plus brillantes des dernières années.
Un cri strident déchire le silence des montagnes. Un chevalier inconnu entre au village avec un nouveau-né, collé sur lui. Ainsi, en l’espace d’un instant, en déposant au sol et au cœur du monde cet enfant aux pleurs sauvages avant de faire demi-tour et partir vers l’horizon, cet homme donnera naissance au mythe. Ce n’est que des années plus tard que cette histoire sera pleinement racontée. C’est au moment où Malaka, «fils élevé dans le désert par une mère qui parlait aux pierres», désire la porter à son dernier repos qu’il décide de relater l’existence de celle qui lui donna la vie. Car c’est ainsi que fonctionne l’île cimetière, trouvée par-delà la montagne que l’on croyait infranchissable: le sanctuaire écoute le récit de tous les morts venant à lui, et ce n’est qu’à la fin qu’il décide s’il ouvre ses portes ou non au défunt. Si le procédé narratif rappelle un peu La mort du roi Tsongor (prix Goncourt des lycéens, 2002), le livre s’en détache pour proposer une histoire tout autre, celle de cette femme au cœur d’une tribu qui la reniera; d’une vie entière, mariée contre son gré, d’accouchement dans la haine et la colère, et de progéniture assoiffée de vengeance et d’honneur. Salina est un roman à la fois court et précieux, une autre réussite signée Laurent Gaudé. (Jérémy Laniel) y
Un homme revient à Barcelone après avoir habité pendant 25 ans à Montréal. Au rythme de la ville, il erre à la recherche de Juliette. C’est à peu près tout ce que vous devez savoir sur ce livre, car ce genre de proposition littéraire repose sur un pacte: vous devez accepter de vous y perdre, de suivre le rythme d’un narrateur erratique, de poursuivre une ligne narrative aux nombreuses digressions. Le chemin peut sembler ardu, et pourtant! Faites confiance à l’écrivain qui est, je vous l’assure, en plein contrôle de son livre, un livre riche en circonvolutions anecdotiques, en apartés historiques et en questionnements culturels. Tout savoir sur Juliette est un projet dense, assurément. Avec un grain de cynisme et d’ironie, oui, bien sûr. Mais c’est un livre jouissif, drôle, qui jamais n’abandonne son lecteur dans les méandres de la littérature obscure, bien au contraire. C’est une épopée sur des chemins réflexifs qui s’entrecroisent au hasard des pages, où le talent digressif de Vigneault ne sonne jamais plaqué ou creux. Car il est là le tour de force de l’écrivain, jamais on n’a l’impression qu’il s’écoute écrire, qu’il se joue de ses codes avec condescendance. Oh, et en passant, ne vous leurrez pas: vous ne saurez rien sur Juliette. (Jérémy Laniel) y
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LA LOTERIE DES DISPARITIONS D’ESPÈCES MOTS | JÉRÔME MINIÈRE
«Mammifères, oiseaux, poissons, reptiles, amphibiens: les populations de vertébrés ont été réduites de 60% depuis 1970...» Ce sont les premières lignes d’un article publié il y a peu par le journal Le Monde. Dans toutes les langues, on vous le dira, nous faisons face à la plus grande extinction d’espèces, et surtout la plus rapide, depuis les dinosaures. Et, comme pour les changements climatiques, l’humain a une responsabilité certaine. Je suis né en 1972, presque en même temps que le mouvement écologiste. À l’école primaire, je me souviens de livres et de dessins animés qui évoquaient des dystopies environnementales futuristes dans lesquelles tout le monde portait un masque à gaz, où la dernière fleur se fanait, où les humains devaient quitter la planète à bord d’une fusée. Bien qu’encore lointaine, la menace écologique était présente dans l’imaginaire de ma génération. J’ai voté pour la première fois en 1990: pour le Parti vert. Chaque année depuis, j’ai espéré que les choses changent et que la conscience écologique prenne la place qui lui revient dans les priorités humaines. Aujourd’hui, mes tempes commencent à grisonner, mes enfants sont grands et ce jour n’est jamais vraiment arrivé, il a été sans cesse repoussé, parce qu’il ne rentrait pas dans des agendas aux cases trop petites. J’ai plutôt été témoin de la fuite en avant d’une société capitaliste, toujours plus lisse et performante, inégalitaire et sans pitié. Tout doit y rouler plus vite, plus fort et plus loin. Mais pour aller où? Quand on n’est pas capable de suivre, on nous propose des pilules pour redevenir un cheval qui danse sur le grand carrousel néolibéral, un moi que l’on peut tartiner partout sur les autres, comme du Nutella, aveuglant et sucré. Si nous allions au bout de cette logique absurde, nous devrions créer une loterie
ILLUSTRATION | MARIE-PIERRE NORMAND
consacrée aux disparitions d’espèces, afin de tirer pleinement profit de cette extinction de masse. Elle remplacerait le loto traditionnel, le bingo, les courses de chevaux, de lévriers et autres combats de coqs. Ainsi chacun pourrait, chaque semaine, espérer faire fortune en pariant sur l’éradication complète d’une espèce particulière. Et le mouvement s’accélérant, on assisterait à une pluie de gros lots. De récents millionnaires, fiers d’avoir vu juste, témoigneraient avec émotion: «Vous savez, pour l’émyde mutique, cette petite tortue cambodgienne, j’ai toujours su que cela se passerait cette semaine.» Ces activités de loterie auraient en plus le mérite d’éduquer le peuple, qui connaîtrait sur le bout des doigts le nom de chaque espèce, même en latin. Avec le temps, la morale des plus gros joueurs (à eux seuls capables de foutre une espèce en l’air en une semaine) deviendrait de plus en plus élastique, avec pour conséquence une accélération des disparitions. Ultimement, un président milliardaire ou un oligarque gagnerait cette absurde compétition exercée contre nous-mêmes. Il savourerait dans son bunker souterrain la disparition de ses congénères, après avoir un peu précipité le mouvement en balançant quelques bombes ou un virus létal. Être seul sous terre, même gagnant de l’ultime gros lot, aurait quelque chose de problématique, mais il aurait prévu le coup, sauvant de l’apocalypse plusieurs femmes de son choix à des fins reproductrices. L’espèce humaine ne serait pas complètement éteinte, mais elle ne mériterait plus son nom. Malgré les déceptions, malgré mon sentiment d’impuissance, ma honte et ma tristesse, je ne peux m’empêcher d’aimer la vie sur cette planète et les humains que je côtoie. Je ne peux croire que nous soyons complètement mauvais, c’est juste que nous trichons depuis trop longtemps à la même vieille partie de Monopoly, et que pour l’instant personne n’est venu d’en
haut, d’en bas ou d’à côté pour nous dire d’arrêter. Nous attendons une intervention extérieure, un genre de Zeus avec des éclairs ou une autre entité céleste qui nous rappellerait à l’ordre. Il ne tient qu’à nous de quitter ce jeu destructeur. Personne n’ose abandonner le premier, afin de gratter encore quelques dollars, et de ne pas perdre la face. Il faut avouer que le défi qui nous attend a quelque chose de paralysant. Si nous voulons maintenir un écosystème propice à la vie sur Terre; changer comme individus, comme systèmes politiques ou comme sociétés ne sera pas suffisant. Nous sommes dans l’obligation de modifier la trajectoire de notre espèce, ni plus ni moins! Celle empruntée depuis des millions d’années nous a menés à un cul-de-sac. Nous avons de la difficulté à nous entendre sous notre propre petit crâne, entre frères et sœurs, entre amis, dans un couple, sur des sujets triviaux, sur un terrain de foot, au travail, en vacances, dans une ville, à l’école, dans les débats publics, sur les réseaux sociaux, dans les domaines politiques, spirituels ou économiques, à l’échelle d’une province, d’un pays ou d’un continent. Alors, imaginez le travail qui nous attend! Je ne crois pas aux grandes utopies ni aux lendemains meilleurs. Notre espèce est capable du meilleur comme du pire, point. L’écologie n’est pas une religion. Il n’est pas nécessaire que nous soyons d’accord sur tout, cela s’appellerait un régime totalitaire. Par contre, nous pouvons exercer notre jugement, et reconnaître qu’il est temps d’agir ensemble sur ce sujet précis, au-delà de nos différences. Ne baissons pas les bras! Nous n’avons pas le luxe de nous passer de l’espoir, de la joie et de la beauté. Dans les situations de grand péril, les humains ont jusqu’ici su dépasser leurs différences et leurs inimitiés pour mettre au monde la meilleure partie d’eux-mêmes. C’est encore possible aujourd’hui. «L’impossible, nous ne l’atteignons pas, il nous sert de lanterne.» – René Char y
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LA CÉRAMIQUE DANS L’ART CONTEMPORAIN APRÈS UN RETOUR EN FORCE CHEZ LES ARTISANS CES DERNIÈRES ANNÉES, L’ENGOUEMENT POUR LA CÉRAMIQUE SE FAIT À SON TOUR SENTIR DANS L’ART CONTEMPORAIN. ON DRESSE UN ÉTAT DES LIEUX AVEC DES ARTISTES QUI LUI ONT FAIT UNE PLACE DE CHOIX DANS LEUR PRATIQUE. MOTS | MARYSE BOYCE
«C’est intéressant de constater que depuis quatre ou cinq ans, il y a une telle résurgence du désir pour la matière et l’artisanat au sein de l’art contemporain», observe l’artiste Lindsay Montgomery, qui présentait cet automne Neo Istoriato au Centre Materia de Québec. Cette réflexion sur la place des métiers d’art dans l’art contemporain a d’ailleurs donné lieu cet été à l’exposition Fait main au Musée national des beaux-arts de Québec, où le médium de la céramique était à l’honneur. En 2013, la galerie Art Mûr consacrait une exposition entière à la question avec De la porcelaine à l’œuvre. Derrière cette démonstration foisonnante, l’idée était de voir comment les artistes contemporains «se réapproprient les techniques artisanales pour faire des œuvres actuelles», spécifie le cocommissaire et codirecteur de la galerie Rhéal Olivier Lanthier. «Ce qui fait une œuvre contemporaine, c’est le fait que ce soit non utilitaire, que ce soit une œuvre avec un contenu conceptuel et non un contenu à des fins usuelles.» Le travail de l’artiste montréalais Laurent Craste se trouve précisément à la rencontre entre les métiers d’arts et l’art contemporain. «Je suis vraiment à cheval entre les deux, puisque j’ai une pratique de sculpture, donc d’arts visuels, mais qui repose sur une pratique liée aux métiers d’art parce que je suis vraiment l’artisan de mes œuvres. J’interviens sur mes objets de façon à ce qu’ils passent d’un statut d’objet à un statut de sculpture.» Très conceptuelles, ses créations constituent néanmoins de véritables tours de force techniques et s’inspirent de la grande
Amélie Proulx, Métaphores mortes, 2016. Porcelaine, terre sigillée, 30 x 51 x 46 cm Photo: Étienne Dionne. (Permission Galerie 3)
porcelaine européenne des 18e et 19e siècles, dont il détourne les codes pour poser une critique sur l’objet de collection comme moyen de démontrer son statut. Cette maîtrise sans faille de techniques anciennes pour subvertir les codes s’applique aussi à la démarche de Lindsay Montgomery, dont le travail pourra être vu à Montréal à La Guilde à compter du 21 février prochain. Céramiste partageant sa vie entre Toronto et Montréal, où elle enseigne à Concordia, elle s’inspire notamment de procédés classiques remontant au 16e siècle pour créer des œuvres grandioses dont le message est infusé de réflexions féministes. Pour l’artiste québécoise Fanny Mesnard, issue de la peinture et du dessin, la découverte de la céramique comme médium a agi comme catalyseur dans son univers peuplé d’animaux texturés et colorés. Les possibilités amenées par le volume lui permettent de faire dialoguer ses créations dans l’espace par le truchement d’installations. Sa pratique se nourrit de cet aller-retour entre les disciplines: «Le dessin vient s’incruster dans la sculpture, et inversement, la sculpture peut inspirer des motifs qui vont entrer après dans le dessin.» Cybèle Beaudoin Pilon se consacre entièrement à la céramique depuis sa sortie du Centre de céramique Bonsecours il y a un an et demi. Celle qui se considère comme artiste avec un bagage technique d’artisane croit que la création d’objets utilitaires n’est pas incompatible avec l’art: «Un objet n’a pas besoin d’être dans un contexte muséal ou de galerie pour être une sculpture. Une
Fanny Mesnard, Secrets de bestiaire, 2017. Exposition à la galerie de la bibliothèque Gabrielle Roy. Photo Charles-Frédérick Ouellet.
sculpture peut très bien partager notre quotidien et avoir une fonction utilitaire également.» La recherche des motifs et des couleurs caractérise ses créations, souvent utilitaires mais également sculpturales. La Montréalaise d’origine américaine Linda Swanson s’attelle dans sa pratique à révéler des procédés inhérents à la céramique: «Ce sont des matériaux qui ont cette capacité de changer d’état dans le four. Ils passent de l’impermanence à la permanence, de liquide à solide, et ces changements me fascinent.» Ce contraste entre la souplesse de l’argile et l’immuabilité de la céramique une fois cuite anime également l’artiste Amélie Proulx. Sa pratique consiste à insuffler du mouvement à son médium de prédilection à travers des installations très poétiques qui incorporent des représentations de la nature à des composantes électroniques et cinétiques, ainsi que de la numérisation et de l’impression 3D. «Je me suis toujours considérée comme quelqu’un de mon temps, même si j’utilise un matériau qui est sur la terre depuis des millions d’années.» Comment expliquer le regain de popularité actuel pour la céramique? Pour Linda Swanson, qui partage son temps entre sa pratique artistique et l’Université Concordia, où elle enseigne et coordonne le programme de céramique, palper la matière reprend son importance dans un contexte où nos vies se passent de plus en plus virtuellement. Comme le disait l’artiste textile Anni Albers du mouvement Bauhaus, qu’elle nous cite pour conclure: «Nous touchons les choses pour nous assurer de la réalité.» y
Laurent Craste, Style colonial, 2012. 31 x 86,5 x 31,5 cm Photo: David Bishop-Noriega, Collection Claridge
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PETITS VELOURS
PAR CATHERINE GENEST
Sans fard aucun Je suis de celles qui reviennent à Sex and the City comme au latté à la citrouille épicée lorsque le taux d’ensoleillement vient à baisser. Un soupçon de réconfort sucré dans l’hiver qui s’installe tranquillement, le goût de vivre à travers d’autres tandis que le froid et la fatigue me menottent à la mollesse de mon divan. Écrire que j’attendais une série comme M’entends-tu? depuis longtemps serait, à ce stade, un gros euphémisme.
Florence Longpré, improvisatrice notoire, scénariste en plus du reste, signe ici une vibrante fable sur l’amitié. Nicolas Michon et Pascale Renaud-Hébert l’ont épaulée dans l’écriture, cosignant avec elle une tragi-comédie féministe qui laisse enfin une place de choix à des acteurs racisés, habituellement bornés aux clichés. C’est une œuvre dégoulinante d’humanité et fraîche, en osmose avec notre temps.
Elles sont trois: Ada, Fabiola, Caro. On fait vite de s’attacher à ces filles qui préfèrent clairement la Labatt 50 aux cosmopolitains, à ces belles imparfaites qui parlent la bouche pleine, calfeutrent leurs failles avec du papier collant. Elles sont vraies, décoiffées. Elles ont un peu de sauce au coin de la bouche en mangeant leurs burritos. Elles nous ressemblent.
Et puis, au final, qu’on boive de la bière tablette ou de la vodka chère, nos romances finissent toujours par nous saouler. On ne naît pas égales, c’est vrai, mais l’amour et ses peines nous rattrapent toutes, autant que nous sommes. Sur les ondes de TéléQuébec et en ligne dès le 15 décembre.
Florence Longpré (Gaby Gravel dans Like-moi!), Mélissa Bédard (Star Académie) et Ève Landry (Jeanne dans Unité 9) cassent le moule auquel elles auraient pu rester confinées, bousculant allègrement les si stricts codes du casting. Elles interprètent des rôles infiniment plus complexes et riches que ce qu’il nous est habituellement donné de voir à la télévision. M’entends-tu?, c’est l’histoire de celles qu’on ne raconte jamais, de ces vies fauchées d’avance. Accablées sous le poids de leurs noms de famille et des erreurs des autres, elles sont devenues, l’une pour l’autre, la sœur et la mère qu’elles n’auront jamais pu avoir. Elles se sont choisies.
La voix de Kirouac résonne déjà allègrement sur les pistes de danse de la Belle Province, captant au passage l’attention des foreurs du rap québ. La dernière pépite en date? C’est lui. Paul Provencher, dit Poulet (un sobriquet hérité de ses années comme mascotte à Brébeuf), s’associe au faiseur de rythmes KodakLudo pour créer des pièces nappées de références aviaires et autres cocoricos retentissants.
Coq au vin
Tandis que d’autres façonnent leur street cred d’anecdotes de pacotille, le MC des beaux quartiers joue la carte de l’humour animalier, de la gourmandise (il adore les bagels) et de l’écoresponsabilité – genre.
Kirouac, autrement dit, c’est pas mal l’antithèse du gangsta rap. Plutôt que de frimer en voiture, Paul pédale fièrement sur son Bixi dans le vidéoclip de l’hymne homonyme. J’roule sur Parc mais j’ai pas mes cartes Mais j’ai pas mon permis J’vais être le dernier à passer mes cours de conduite Mais j’ai mon Bixi faque don’t give On est à Montréal À l’aube de 2019, Kirouac et Kodakludo mettent le cap sur d’autres horizons et s’apprêtent à lever le voile sur leur second EP réalisé en tandem. Ledit maxi sortira en janvier et s’intitule Amos, en hommage à la saga de Bryan Perro, au dénommé Daragon. Une offrande musicale divisée en quatre pistes pour autant d’éléments, une contrainte qui sied bien au champ lexical ludique de ce pincesans-rire aux ambitions festives. Des effusions de joie et un goût de la bringue qui atteignent leur paroxysme sur Eau, une nouvelle chanson des plus funky qui porte l’empreinte du guitariste Will Murphy, un héritier de Nile Rodgers. Paul Poulet y ose un assemblage de mots séduisants et même lubriques, dans la plus pure tradition disco. Une plongée en eaux douces sur des rythmes dignes de Chic ou d’Earth, Wind & Fire.
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45 Beaucoup sont appelés, l’étau se resserre sur les recrues du hip hop local qui se bousculent au portillon, mais Kirouac impose son style à la bonne franquette et fait tranquillement sa marque. Nul doute qu’une maison de disques saura mettre le grappin sur lui dans un futur proche. Hiver scandinave On la connaît d’abord pour ses Moomins (francisé: Moumines), créatures fantasques aux allures d’oursons et d’hippopotames, d’étranges hybrides, de mignons personnages qui verront grandir moult générations d’enfants depuis leur venue au monde dans les années 1940. Tove Jansson est une illustratrice légendaire, une icône de la littérature jeunesse. Or, son œuvre ne s’y limite vraiment pas. Son univers, si morose et mystique à la fois, aura été forgé d’expériences diverses, de ses études aux Beaux-Arts, mais aussi de la Seconde Guerre mondiale. La comète qui filait au-dessus de Moominland n’était, en fait, pas moins qu’une métaphore pour évoquer les désastres d’Hiroshima et de
Nagasaki. Il y avait ce côté grave et sombre chez elle, dans tout ce qu’elle touchait. Au cours de sa prodigieuse carrière, la Finlandaise donnera dans la caricature politisée et antifasciste, les fresques d’inspiration Art déco et les romans pour grandes personnes. Des pans de sa vie qui resteront tristement relégués au second plan. La Peuplade réédite ces jours-ci l’un de ses derniers ouvrages, un livre originellement paru en suédois en 1989. À travers les pages de Fair-Play, Madame Jansson dépeint le quotidien de deux artistes, glorifiant les petites manies qui les lient, le confort de la routine. C’est un récit tendre qui donne à rêver d’amour et de lenteur. On y suit deux femmes imprégnées de leurs projets, de minutieuses artisanes, deux recluses qui partagent leur vie tout en veillant à préserver leur si fertile solitude, leur jardin secret. Une histoire toute simple, d’une douceur exquise, à lire au coin d’un feu dès le 29 janvier. y
QUOI FAIRE
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MUSIQUE
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PHOTO MAXYME G. DELISLE
CARAVANE IMPÉRIAL BELL – 22 DÉCEMBRE
Changement de registre. Après deux albums férocement accrocheurs et inspirés par les aléas de la vie nocturne, voilà que le quatuor pop rock s’aventure sur des terrains plus planants. Les gars se risquent même à des textes engagés, inspirés par la crise environnementale et la montée de l’extrême droite.
47 PL ACE PUBLIQUE
ELISAPIE
LOUD
GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC – 15 DÉCEMBRE
IMPÉRIAL BELL – 24, 25 ET 26 JANVIER
Elle est de celles, vibrantes, qui changent la douleur en pure beauté. Paru sous Bonsound à la mi-septembre, le nouvel album d’Elisapie nous entraîne dans les méandres de son être, guidés par sa voix si douce et consolante. Un bouquet de chansons introspectives qu’elle livrera aux côtés de quatre musiciens.
Difficile d’écrire sur Simon Cliche Trudeau sans évoquer sa désormais proverbiale année record. Passé de MC discret (Loud Lary Ajust) à figure majeure de la culture populaire québécoise, le musicien soulève les foules partout où il passe avec une poignée de hits. À l’aube de la nouvelle année, il se produira à Québec trois soirs de suite.
MONONC’ SERGE
GREGORY PORTER ET L’OSQ
L’ANTI – 26 ET 29 DÉCEMBRE
PALAIS MONTCALM – 7 DÉCEMBRE
C’est maintenant rendu un classique: pour souligner le temps des Fêtes, Mononc’ Serge prépare un spectacle spécial, probablement l’antithèse la plus marquée au défilé du père Noël. Cette fois, le chanteur, bassiste et bête de scène propose Les fêtes révolutionnaires conservatrices, un spectacle visant à soutenir son 12e album en carrière paru à la fin 2017.
Sa voix chaude et grave résonne bien au-delà des frontières du jazz! Connu des danseurs grâce à sa collaboration avec Disclosure et le remix de Claptone pour sa chanson Liquid Spirit, l’Américain Gregory Porter brille au firmament des vocalistes. Il s’arrête chez nous pour un concert peu banal, un programme consacré à Nat King Cole et interprété aux côtés de l’Orchestre symphonique de Québec.
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Cont a ct e z - nou s pour a ffi ch e r v o tr e c o m m e r c e 514 8 48 0 8 0 5
BLOOMI 507, ru e S aint- Josep h E st 41 8 529 - 7470 b loomi. ca
Bloomi: le rendez-vous beauté au naturel Installé depuis 2006 sur la rue Saint-Joseph, au cœur du nouveau Saint-Roch, Bloomi cosmétique se spécialise dans les produits naturels. On y trouve un espace boutique offrant des cosmétiques holistiques, bio, véganes et non testés sur les animaux. Grâce à des conseils beauté personnalisés, le client est orienté dans la vaste gamme de produits offerts, déclinés dans de nombreuses marques comme Eminence, Dr. Hauschka ou encore Inspirata Nature. L’équipe de Bloomi cosmétiques est toujours disponible pour guider le client et lui en apprendre plus sur les marques, choisies pour rester en harmonie avec la nature. On trouve également sur place un institut de beauté où sont prodigués différents soins du visage, épilation, manucure et pédicure, toujours avec des produits naturels. Chez Bloomi cosmétiques, tous les soins et produits respectent la même philosophie: utiliser les ressources naturelles en respectant la nature. PHOTO MATT SMILENOT
48 QUOI FAIRE
SCÈNE
VO3 #12
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KARKWATSON
POINT D’ÉQUILIBRE
CENTRE VIDÉOTRON – 18 DÉCEMBRE
EN SALLE LE 14 DÉCEMBRE
Dix ans après un passage mémorable, voire historique, au National, la réunion entre Karkwa et Patrick Watson reprend du service pour deux spectacles à Montréal et un autre à Québec qui promettent d’être à la hauteur de la réputation des deux artistes, deux des plus influents de la décennie 2000 au Québec. Sur scène, la chimie du supergroupe de neuf musiciens est palpable.
Premier long métrage documentaire de la réalisatrice Christine Chevarie-Lessard, Point d’équilibre explore le monde de l’enseignement du ballet. À travers un an de tournage, Chevarie-Lessard s’intéresse aux jeunes de 10 à 14 ans inscrits au programme professionnel de l’École supérieure de ballet du Québec, exposant un milieu clos où la quête identitaire et le désir de plaire sont rois.
FESTIVAL DU JAMAIS LU – 8E ÉDITION
ALITA: BATTLE ANGEL
THÉÂTRE PÉRISCOPE – 6 AU 8 DÉCEMBRE
EN SALLE LE 21 DÉCEMBRE
Articulée autour du vaste thème de «l’indéfini», cette 8e édition du Festival du Jamais lu regroupe une pléiade de dramaturges dans le vent. Mentionnons, au passage, la vibrante Pascale Renaud-Hébert qui y présentera un texte adressé aux ados et intitulé Princesse de personne. Jean-Denis Beaudoin, Marianne Marceau (directrice artistique), Olivier Arteau et Samuel Corbeil seront aussi de la partie, pour ne nommer qu’eux.
Basé sur un très populaire manga japonais de science-fiction, ce film de Robert Rodriguez se déroule au 26e siècle et suit les aventures d’un cyborg possédant le corps d’une adolescente qui devra lutter pour sa survie dans un monde postapocalyptique ravagé par une guerre dévastatrice.
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COURTOISIE THÉÂTRE 1ER ACTE
LES CONTES À PASSER LE TEMPS
BEU-BYE 2018
MAISON CHEVALIER – 14 AU 30 DÉCEMBRE
THÉÂTRE DE LA BORDÉE – 14 AU 29 DÉCEMBRE
Chaque hiver, cette création collective nous fait l’effet d’un bouillon pour l’âme. Le truculent Maxime Robin s’entoure une fois de plus d’une coquette brochette d’acteurs qui s’inspireront des quartiers de Québec pour écrire des histoires franchement comiques et touchantes à la fois. Des contes contemporains qui magnifient le temps des Fêtes.
Lucien Ratio et sa bande de joyeux drilles remettent ça! Pour la cinquième fois en autant de millésimes, les comédiens aux talents d’auteurs dissèquent les événements les plus marquants de l’année en cours. Un spectacle tordant, rassembleur à souhait, qui nous invite accessoirement à réfléchir.
ON THE BASIS OF SEX EN SALLE LE 25 DÉCEMBRE
Biopic basé sur la vie de jeune adulte de la juge de la Cour suprême américaine Ruth Bader Ginsburg. Lorsqu’elle décide de travailler sur un cas important de fraude de taxes avec son mari Martin Ginsburg, elle réalise qu’il pourrait changer la direction que prend sa carrière et la façon dont la Cour juge la discrimination sexuelle. On y suit également l’histoire d’amour romanesque de Ruth et Marty.
VICE EN SALLE LE 25 DÉCEMBRE
Dans ce film très attendu, Christian Bale interprète l’ancien vice-président des États-Unis Dick Cheney. On y suit la discrète évolution de Cheney à la MaisonBlanche. De son embauche jusqu’à sa position d’«homme le plus puissant du monde», où il a changé le pays et la planète de façon encore ressentie à ce jour, Vice montre comment l’homme d’affaires a su naviguer dans les eaux troubles de la politique américaine aux côtés de George W. Bush.
WELCOME TO MARWEN EN SALLE LE 21 DÉCEMBRE
Après s’être fait tabasser dans un bar, le photographe Mark Hogancamp reste plusieurs jours dans le coma. À son réveil, il est frappé d’amnésie. Il va alors se créer un monde imaginaire, nommé Marwencol. Il est rapidement obsédé par la création en miniature d’une ville au temps de la Seconde Guerre mondiale. Ce film est inspiré de faits réels. >
CINÉMA
VOIR QC
ROTTERDAM D u 15 jan vier au 9 févr ier T héâ t r e La Bor dée
Quand on aime quelqu’un, aime-t-on son genre ou sa personne? Notre identité profonde se confond-elle avec notre sexe? Ce sont les questions importantes et actuelles que pose Rotterdam, cette comédie douce-amère, intelligente et sensible, qui a fait mouche partout où elle a été jouée. Un texte de Jon Brittain, dans une mise en scène d’Édith Patenaude.
BANG BANG / CIE MANUEL ROQUE 1 6, 1 7, 1 8 ja nv i e r - S a lle Mu lt i de Mé du se
Cinquante minutes durant lesquelles un danseur, un athlète, devient plus grand qu’humain; durant lesquelles il se fait masse, matière, espace. Un rituel contemporain qui laisse la parole au corps dans ce qu’il a de plus combatif et désespéré, de plus libre. bang bang, sacrée meilleure œuvre chorégraphique de la saison 2016-2017 aux Prix de la danse de Montréal.
BEEF D u 22 ja nv i e r a u 9 fé v r i e r - Th é â tr e 1 er A cte
Nouvellement arrivé dans un petit village reculé à la population homogène, Michel, au profil qui ne correspond pas tout à fait aux stéréotypes masculins, finira par tout faire pour devenir l’homme qu’on veut qu’il soit. Dans une mise en scène de Anne-Marie Olivier, BEEF est une comédie vitriolique où les personnages colorés vont jusqu’à des extrémités ridicules et accablantes pour défendre leurs préconceptions genrées.
photo Marilène Bastien
THE SHEEPDOGS
THE LEMON BUCKET ORKESTRA
2 2 j an vier - Im pér ial Bell
1 er février - P a la i s Mont ca lm
Proposant un rock classique qui vous fera voyager dans le temps, le groupe canadien The Sheepdogs débarque à Québec pour vous faire vivre une soirée mémorable.
Accrochez-vous, le Lemon Bucket Orkestra débarque à Québec avec son cocktail vitaminé de musiques des Balkans, d’airs gitans, de klezmer et même de punk ! La troupe viendra défendre les titres de son récent album If I Had The Strength avec la frénésie qui a fait sa renommée autour du globe.
Pourquoi ne pas offrir l’Impérial Bell en cadeau cette année ?
TA P … E T C . L E B O N H E U R – PA R T I E 1 12 ja nv i e r - P la z a La v a l
Pour que la réalité dépasse vos rêves, venez à notre SPECTAP de la saison à notre studio de Plaza Laval – 2750 chemin Sainte-Foy Participez ensuite à notre semaine porte ouverte pour découvrir notre studio, nos styles d’ateliers, notre philosophie, nos chorégraphes; osez, à tous âges!
SHOPLIFTERS EN SALLE LE 28 DÉCEMBRE
ARTS VISUELS
Quelque part à Tokyo, Osamu Shibata et sa femme Nobuyo vivent dans la pauvreté, survivant en grande partie grâce à la pension de la grand-mère de la famille. Alors qu’Osamu et son fils sont en train de voler à l’étalage dans une épicerie, ils tombent sur la jeune Yuri, 4 ans, esseulée et sans-abri. Ils la ramènent chez eux, où ils découvrent des signes apparents de sévices sur la petite. Ils décident alors, malgré leur situation précaire, de l’adopter officieusement.
SALON NOUVEAU GENRE ÉGLISE SAINT-FIDÈLE – 8 ET 9 DÉCEMBRE
Il n’y a rien de plus chic, de plus précieux, qu’un cadeau conçu à la main et avec amour par un artisan dignement payé. Le Salon Nouveau Genre met de l’avant une pléiade de créateurs-entrepreneurs locaux, des céramistes comme des peintres en passant par des maîtres de la joaillerie et de la microédition.
JILLIAN MCDONALD + CHARLOTTE BECKETT REGART – JUSQU’AU 16 DÉCEMBRE
Le centre d’artistes lévisien tend la main à deux New-Yorkaises, la vidéaste expérimentale Jillian MacDonald et la sculptrice Charlotte Becket, qui se spécialise dans les installations mouvantes. Ensemble, les deux femmes créeront une œuvre commune puisée à même le thème de la ruée vers l’or. PHOTO JÉRÔME BOURQUE, COURTOISIE REGART
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Atelier de danse Adultes et enfants JOUR / SOIR / FIN DE SEMAINE TAP (claquettes) • TONUS ET « STRETCHING »
NOUVELLE ÉPOQUE ETC – Rattrapage • JAZZ
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17 JANVIER AU 2 FÉVRIER 2019 J E U D I
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