Rapport de stage - compagnie architecture

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STAGE DE FORMATION PRATIQUE Septembre 20 Février 21

Magda MEZIANE

CHLOE BODART CONSTRUIRE

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier sincèrement toute l’équipe de Chloé Bodart Construire pour : La confiance qui a été placée en mon travail, valorisé et enrichi tout au long du stage. Leur présence et leurs réponses à mes questionnements. Avoir fait valoir ce que j’aime et sais faire le mieux, sans m’utiliser comme simple main d’œuvre. La convivialité, le confort de travail et la bonne ambiance. Les chocolatines, le café chaud, les goûters, les pizze du vendredi, les bières, les beaux livres...

... Merci

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Préambule

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L’agence : portrait & attitude

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La Conception le dialogue comme processus

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La Communication Faire rêver, faire comprendre

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Le Chantier comme une acte : un lieu, plusieurs temps

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Retour d’expérience

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Annexes

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Photo : Ivan Mathie

Backstage Glossaire

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PREAMBULE

«Laisser parler les petits papiers» 6 mois au sein d’une agence, c’est à la fois enthousiasmant et intimidant. Une fois la 1ère semaine passée, la peur redescend et le temps passe vite. D’autant que cette expérience allait m’immerger au sein de l’atelier Construire, portant l’héritage de Patrick Bouchain dont j’admire depuis ma licence la façon de faire, et la qualité humaine comme spatiale des projets. En découvrant pour la seconde fois la réalité de la vie d’agence, entrevue brièvement pendant le stage de première pratique, allais-je être déçue ? Ce ne fut heureusement pas le cas. La particularité de ce stage chez Chloé Bodart : un véritable retour au manuel. En effet, les logiciels en tous genres sont souvent un passage obligé pour les stagiaires. Ici, les outils principaux auront été la maquette et le dessin à la main, utilisés pour diverses phases des projets en cours de la conception / recherche, à la communication, qu’ils soient esquissés ou en construction. La mission de base était clairement stipulée depuis le départ, elle consistait principalement en la conception d’une maquette échelle 1/50 d’un groupe scolaire innovant à Bruges que nous évoquerons en détails plus loin. Déjà entamée par les stagiaires précédentes, cette grande maquette s’annonçait comme un défi de patience. Or, en parallèle de cela, l’agence m’a permis tout au long du semestre de mettre à profit mes compétences en termes de dessin à la main : j’ai réalisé schémas, croquis, et perspectives avec plaisir. Cela fait un bien fou après des années d’étude derrière un écran d’ordinateur, et au final, mon rôle aura été beaucoup plus pluriel que je ne le pensais.

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Dans un contexte sanitaire singulier et perturbant, l’aspect social, participatif et événementiel de la pratique a certes été restreint. Je suis néanmoins reconnaissante d’avoir eu une expérience vivante et un aperçu de tous les terrains (réunions, travail en agence, visites de chantier, présentations, inaugurations…). Ce rapport n’a pas pour intention de décrire en détail les projets abordés et leur avancée, mais plutôt de relier les outils utilisés et les tâches effectuées à des réflexions plus globales. Il donnera je l’espère, un aperçu fidèle et concis de mon semestre en agence.

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L’AGENCE

Portrait et attitude

D’abord salariée puis associée de P. Bouchain, Chloé Bodart s’installe à Bordeaux et fonde sa propre structure en 2008 dans la continuité de cette collaboration. Elle s’associe 10 ans plus tard avec Jules Eymard, architecte HMONP. Prolongeant la Haute Qualité Humaine (HQH) prônée par Bouchain, CBC défend une attitude plutôt qu’une méthode architecturale. A travers l’écoute s’opère une valorisation de la maîtrise d’usage (futurs usagers/habitants), même si l’agence reste convaincue que la participation ne doit pas écraser tout le reste : «Il faut garder une ambition urbaine, paysagère, esthétique et constructive»*. L’activation du chantier et de son potentiel culturel est une autre des singularités de la démarche. Des « temps forts » sur le terrain (restreints voire empêchés en temps de Covid) rythment le processus. Ils sont complétés par la permanence architecturale et la présence de la maquette, outil central de communication et de dialogue. Bien que peu de maîtrises d’ouvrage et de maîtrises d’œuvre soient prêtes à accompagner ce type de manœuvre, CBC résiste et s’engage pour le perpétuer.

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L’aspect écologique est également au cœur des principes de projet, CBC explore la réversibilité et durabilité des matériaux et des espaces : « On construit peu, mais on construit bien. ».*

Autour des deux associés, une équipe volontairement réduite mais dynamique : Anna L., architecte HMONP qui a repris le poste de Tiphaine en novembre, est affiliée à la Salle des Musiques Actuelles de la Rochesur-Yon. Jade, architecte DE épaulée par Jules suis le projet d’école à Bruges, fraîchement en chantier. Anna S., assistante de direction, rejoint en janvier l’agence. Elle supervise la communication et de la partie administrative. Charlotte, étudiante de l’ENSAPVS aura été ma co -stagiaire jusque fin décembre.

La bibliothèque : culture de projet, références et transmissions Loin de se contenter d’être décorative, elle est une ressource précieuse dans de nombreux domaines (structure, matériaux, petite enfance, paysage, graphisme…), et une base d’échange et d’inspiration pour tous les projets. De fait, une forme doit toujours être l’expression d’une réflexion plus profonde. Ainsi, l’idéologie du projet d’école à Bruges a en partie été développée en prenant appui sur le livre de Marielle Macé, Nos Cabanes. A travers cet ouvrage, l’équipe à été amenée à questionner l’éducation à l’écologie dans l’esprit des enfants. Pour moi, cette jolie bibliothèque rouge reflète allègrement la pluridisciplinarité de l’architecture, qui rend cette pratique si riche et ouverte.

*Propos de Chloé Bodart, extraits de « l’Architecture comme acte politique », article de presse de B. M. Vignoli

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LA CONCEPTION

le dialogue comme processus Les projets d’architecture que nous concevons à l’école sont purement personnels, résultant de nos réflexions et références propres. Ce que j’ai d’abord pu réaliser pendant ce stage, c’est que le processus de conception se tisse par les aller-retours permanents entre les différents acteurs. Le premier projet auquel j’ai été affiliée fut celui du site Godard, au Bouscat. Alors en phase d’esquisse, il consiste en un complexe industriel près de la ligne verte. Cinq entreprises locales y seront réunies : Mascaret (bières), Hasnaa (chocolat), Bouteilles d’Eauteur (gravure sur verre), Baratte Bordelaise (produits laitiers) et Soin de Soi (cosmétiques). Dans une même écriture architecturale, chacune d’elles aura son bâtiment, une coque adaptée à ses besoins. La parcelle de plus de 9000 m2 reste boisée en lisière, permettant une perméabilité avec les jardins d’horticulture privés tout autour. Ce projet représente un vrai défi. Comment, avec un budget ultra réduit, ne pas tomber dans l’effet « boîte à chaussures » des zones d’activités classiques ? CBC répond à cette problématique par une économie de projet frugale et une architecture pragmatique, mais avec la volonté de garantir une certaine qualité. Or, je me rends vite compte que chaque trait de crayon a un coût qu’il faut défendre (structure bois, coursives, espaces plantés…).

Ci-contre : page extraite d’un carnet de notes de stage personnelles

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Pour moi, il fut d’abord difficile de se mettre dans le bain et de prendre un projet en cours : on ne sait pas encore quel degré de liberté on peut prendre, quelles marges de manœuvre on a, et surtout quels enjeux réels ont les travaux qu’on nous confie. J’ai cependant été ravie de prendre aussi tôt activement part à la conception du projet. Le dessin des façades devait être simple et logique : à chaque type d’espace (ERT, ERP, Stockage/production ouvert et fermé) correspondent des matériaux (tôle métal, polycarbonate translucide, menuiseries vitrées). J’ai donc réalisé divers tests en maquette et croquis, jouant sur les orientations de bardages, les trames et les ouvertures. Les élévations à la main furent ensuite reprises sur Autocad par Tifaine. Ce calepinage allait ensuite permettre à Essor, le promoteur, de faire un premier chiffrage du coût de chaque coque à transmettre aux futurs occupants. Un des partis pris intéressants du projet est la mutualisation de certains espaces (cuisine, salle à manger…). Cela permet à chaque entreprise d’économiser sur sa propre coque et créé une convivialité entre les usagers sur leur lieu de travail. Nous avons fait quelques recherches pour cet espace. D’abord pensé comme une petite « folie » auto-construite, nous nous sommes aperçus en maquette qu’en termes d’échelle cela ne raisonnait pas. Le vocabulaire de la serre nous ait apparu plus pertinent.

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Ci-contre : Brouillon de façade pour le bâtiment témoin Ci-dessus (en haut) : Axonométrie schématique, répartition

des types d’espaces

Ci-cdessus (en bas) : Axonométrie, organisation de la parcelle et des volumétries, CBC

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La remise de la phase d’esquisse s’est tenue à la Cité municipale le lundi 5 octobre. J’ai pu assister à la présentation, où étaient présents la métropole, la FAB, Essor, la maîtrise d’œuvre (CBC et Volga paysagistes) ainsi que les futurs occupants. Le bilan fut très satisfaisant. Les futurs signataires étaient tous reconnaissants et agréablement surpris du niveau de finition de l’esquisse, de la qualité du rendu et du réalisme économique. Cependant, le budget annoncé reste trop élevé, et la balle est dans le camp d’Essor. Il faut maintenant attendre un chiffrage plus précis de la part du promoteur pour savoir si le projet pourra se lancer concrètement. Si certains sont réellement accrochés au projet comme Hasnaa, d’autres sont plus réticent face aux prix annoncés. Ce fut l’occasion pour moi d’assister en direct aux échanges et négociations nécessaires à la concrétisation du projet.

Ci-dessus : maquette d’un bâtiment témoin au 1/50 Ci-contre : maquette globale au 1/200

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Photos : Ivan Mathie

Dans un second temps, Charlotte et moi avons travaillé sur le groupe scolaire innovant à Bruges. Regroupant classes élémentaires et maternelles, il se compose de cinq grandes « cabanes » en bois. Reliées par des passerelles et des coursives, elles sont réparties autour d’une cour centrale partagée. La figure de la cabane n’est pas employée ici par hasard, elle active l’imaginaire de l’enfant autour d’une morphologie, d’une échelle, et d’une matérialité familière. Par ailleurs, la cour généreusement plantée s’oppose aux écoles traditionnelles corsetées par les normes. Ici, l’objectif est d’expérimenter une autre pratique du groupe scolaire tout en sensibilisant les enfants aux enjeux écologiques (biodiversité, perméabilité des sols…). Le projet est labellisé E4C2, à haute performance énergétique et bas bilan carbone. Il s’appuie d’ailleurs sur le concept d’« écosophie » forgé par le philosophe norvégien Arne Naess, proposant d’abolir un rapport hiérarchique où l’Homme domine le vivant. Il s’agirait donc d’établir de nouvelles relations avec l’écosphère, comme une partie qui s’insére dans un tout. Ci-dessus et ci-contre : maquette finale du groupe scolaire innovant, 1/50

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Comme évoqué plus haut, notre mission principale en tant que stagiaires consistait en la confection de la maquette au 1/50. Terminée fin janvier, elle représente désormais des mois de travail et occupe beaucoup d’espace (194 x 257 x 50 cm exactement). Or, elle n’est pas seulement un moyen de représentation d’un projet fini, c’est un véritable outil de conception. La modélisation de l’école a progressivement évolué au fil des échanges et contraintes, comme les recommandations des pompiers ou encore les évolutions paysagères. Par le biais d’un projet si particulier, je comprends l’aspect pédagogique de ce dispositif. Il est simple à manipuler, ludique et compréhensible par tous. En outre, la miniaturisation semble réveiller l’enfant en nous, le souci du détail pouvant parfois rappeler les maisons de poupées. L’intérieur d’une des maisons a d’ailleurs été détaillé jusqu’aux patères par Emma, stagiaire l’an passé. Principalement en balsa (structure principale) et en carton ondulé (toitures), la maquette s’habille de papiers aux couleurs et textures variées tout en respectant une certaine charte graphique. De plus, j’ai toujours trouvé ingénieux de piocher dans les matériaux de récupération : pour représenter le dallage engazonnable des parkings, le papier kraft perforé qui remplit les colis m’est apparu comme idéal. Le côté « fait main » domine. Il n’y a pas de découpe laser à l’agence, tout est confectionné manuellement des socles aux portiques. En résultent des irrégularités qui donnent selon moi du charme à la maquette, et je découvre avec cette façon de faire la minutie et l’originalité qui me plait tant en dessin.

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Photos : Ivan Mathie

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LA COMMUNICATION

Faire rêver, faire comprendre

On l’apprend dès la première année en école d’architecture : un bon projet mal représenté et communiqué a moins de chance de convaincre. Transmettre ses idées est essentiel : les faire circuler à grande échelle par le biais des réseaux sociaux ou de l’édition permet de raconter l’identité et la culture architecturale d’une agence. Tandis qu’en interne, il faut convaincre les personnes sans qui le projet ne sera jamais construit, que c’est ce projet qu’il faut construire ensemble. Chloé Bodart Construire affectionne l’idée de donner aux différents acteurs un petit « cadeau » graphique présentant le projet (carte, poster, dépliant etc). En un coup d’œil, on doit comprendre l’essence et les qualités du projet. A titre d’exemple, la superbe axonométrie du groupe scolaire à Bruges regorge de détails. J’avoue qu’en la regardant pour la première fois, l’envie me pris de retourner en CM2. Le collage numérique coloré est souvent utilisé à l’agence. Or dans mon cas, le moyen d’expression le plus efficace et spontané, c’est le dessin au trait. Chloé et Jules l’ont pris en compte et ont alors fait appel à moi pour la création de visuels. Les premiers étaient destinés à un dépliant à distribuer lors la remise de l’esquisse de Godard. Ma proposition était de montrer, sous une forme se rapprochant du story board, le projet du macro au micro. Le premier dessin (ci-contre), réalisé à partir d’une vue aérienne, montre l’implantation urbaine si particulière : les petits jardins et parcelles agricoles contrastent avec tours HLM, à deux pas de la place Ravezies.

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Le second (ci-contre) dépeint l’arrivée depuis l’extérieur de la parcelle, les espaces intermédiaires sont partagés et appropriables. Entre maîtrisé et sauvage, ils sont pensés dans la continuité de l’ambiance agricole alentours. Le coeur d’îlot en arrière-plan permet la desserte logistique et le stationnement pour chaque entreprise. Enfin, le dernier dessin (ci-dessus) est une coupe du bâtiment témoin, donnant un aperçu simplifié du système constructif et des matériaux utilisés. Il raconte aussi comment se départagent les différents espaces (boutique en RDC et bureaux à l’étage), et la manière dont les seuils peuvent être appropriés par travailleurs et visiteurs.

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L’agence déménage bientôt ! Actuellement en travaux, les futurs locaux investissent une ancienne reliure industrielle près du quartier Mériadeck. L’objectif prochain étant de trouver colocataires, il fallait créer un dossier de communication qui donne envie et montre les atouts du projet. La structure, la façade, et l’esprit industriel du bâtiment sont conservés. Des espaces de travail et de convivialité s’articulent autour d’un patio central lumineux et semi couvert. Fin novembre, je me suis à nouveau attelée à des dessins de présentation du projet. Nous avons d’abord discuté ensemble des cadrages et types de représentation qui seraient les plus adaptés. En me basant sur la modélisation 3D, je me suis alors lancée dans la réalisation d’une isométrie format A3 (ci-contre) et d’une grande coupe perspective longitudinale en A2 (double page suivante). L’isométrie servira aussi de base pour le futur logo. Elle met en avant la singularité de la façade et le déploiement des volumes couverts et ouverts dans la parcelle. La coupe quant à elle donne une idée de la répartition future des espaces et, encore une fois, de leur potentiel d’appropriation. Ma co – stagiaire Charlotte s’est attelée à la confection de la maquette à l’échelle 1/50. Si les dessins nourrissent l’imaginaire autour du projet et son identité, la maquette permet quant à elle de comprendre le volume, de s’y projeter plus facilement. Je réalise que cette complémentarité est agréable à travailler.

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poulettes 88 rue Lecocq 33000 Bordeaux poulettes@cbconstruire.fr 05.35.54.72.19

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Avant tout cela, une première visite collective avait été faite pour s’imprégner du lieu et capter ses proportions. La démolition était alors en cours : la toiture d’origine avait été déposée entièrement pour que les ouvriers y voient plus clair, la cuve à fuel devait être enlevée ou condamnée. Fin février, peu avant mon départ, le chantier avait bien avancé. Bien que les dessins réalisés ici n’aient pas participé à la conception et relèvent de la pure illustration, il fut très grisant de voir réalisé à échelle 1 ce qu’on a d’abord dessiné de sa main.

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LE CHANTIER

comme un acte : un lieu, plusieurs temps L’acte de construire est brutal. Il semble donc nécessaire d’ancrer le projet dans son territoire progressivement si l’on veut éviter l’effet « objet architectural atterri ». Faire événement provoque la rencontre, lie les habitants et usagers au futur bâtiment. C’est sur cela que repose le principe du chantier comme « acte culturel », caractéristique du travail de l’atelier Construire.

« Pour faire un beau projet, il faut faire un beau chantier, et pour faire un beau chantier il faut pouvoir le comprendre »*. Pour ce faire, Construire propose d’ « habiter » le chantier dans le sens large du terme. Par la permanence, les « temps forts », les concertations, on construit un imaginaire partagé autour du projet architectural, au-delà des images de concours publiées dans les journaux municipaux. Au-delà de l’acte d’habiter, celui de raconter le projet (ici par l’édition) est essentiel. J’ai pu observer cette démarche à travers la Salle des Musiques Actuelles (SMAC) de La-RocheSur-Yon. Il s’agit du chantier le plus avancé et le plus imposant que j’ai pu visiter pendant ce stage. Ma première visite se fit le mercredi 30 septembre avec Tiphaine, alors en charge du projet. La journée s’est déroulée selon l’organisation classique : le matin est réservé aux réunions spécifiques (ce jour avec le bureau de contrôle et la maîtrise d’ouvrage), tandis que l’après-midi est consacré à la réunion générale et au tour collectif du chantier. Il est toujours intéressant d’observer l’interdépendance et l’utilité de chacun dans un projet. Même dans un projet de cette envergure, chaque détail compte jusqu’à la couleur des carreaux ou les poignées de portes. *Propos de Chloé Bodart, extraits de « l’Architecture comme acte politique », article de presse de B. M. Vignoli

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2 Références et recherches préliminaires : Le chantier dessiné, le fond et la forme

1. Elévations, coupe et plan des machines utilisées pour poser le piédestal de la colonne d’Alexandre, Antonio Adamini, Diario de Lavori, 1835, planche 11. dessin au crayon, à l’encre de chine et à l’aquerelle 2. Axonométrie, OMA, l’Invention du parc. Graphite 1984 3. Cartes mentales personnelles autour du rapport entre dessin et chantier

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En parallèle de cette vie quotidienne terre à terre et technique du chantier, d’autres projets gravitent. Le premier est une revue locale initié et financé par CBC, l’association Fuzz’Yon (la maîtrise d’usage) et l’atelier Java. Benoît de Fuzz’Yon y implique notamment des lycéens de la ville. Java transcrira en podcasts des entretiens et les sons du chantier selon ses différentes phases. Le second est projet de livre sur le chantier de la SMAC, en partenariat avec la maison d’édition B42, pour lequel j’ai pu apporter une contribution graphique. Les dessins permettront d’apporter une autre vision du chantier, personnelle et nourrissant l’aspect multi facette du projet. L’enjeu était de montrer toute la force du chantier comme lieu social et comme paysage spatial et sonore. La première illustration, un format A3 (voir p.29), avait pour concept de représenter précisément le bâtiment sous sa forme temporaire. Là où les images d’architecture montrent généralement le bâtiment fini, le dessin le figerai ici dans un état fugace. Après concertation de toute l’équipe, c’est l’isométrie qui est apparue parfaite pour montrer au mieux la forme, la volumétrie et le contexte de la SMAC en cours. Cette représentation hybride, mêlant plan et élévation, est à la fois laborieuse et plus simple qu’une perspective classique selon moi. J’ai réuni alors tous les documents qui allaient permettre de « construire » ce dessin : plans des étages, vues aériennes, plan d’installation et photos des travaux en cours. Le chantier, c’est l’accumulation : de gestes, de matériaux, d’individus, d’énergie, de bruit… Il fallait donc représenter un maximum de détails, même les plus insignifiants : de la grue à la mallette à outils, l’image prend vie. Il fallait aussi laisser deviner les différents espaces (scènes, gradins, entrées, trémies, studios etc) et matériaux de la future SMAC. Ici c’est le gros œuvre qui domine, la pose de la charpente bois était juste amorcée au moment du dessin.

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Le chantier,

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Astandit inum tem popos iam orem, Patius rebaterei pere omnem nos pliis An hus con terit, ne pere facis, cam alabeffre autum fortum tanum cotiam endeatuus, cultus inatero mus aperior benatuam crente iaella ad Catudam in patqui im nos criam deperet faccienatus, nonsulem intilibus am id clus, num, patio, nihin dicem tam se fue orumunt ernihil hus bonsu cri iam hi, contere oc, qui in teri facto es consupi mmoris et; nons ad conum opublie recupie ricidel iciente, caedions ad iaelius no. Bus viributu mo nos num in tem defacidemuro meis ad nonum entre rêve et réalité, ta, coentem at, ur quam furbis ocula nos, que inpris opubliam, ti prari sultus, ta, num aur hae, notanultus es hortesce di firidef enihi, noratquastia vivehentil vivatia L. Graresc idepse poerrivena, condi int. Arbem supplis vigilnerem qua dessi imissultum hilinari stam fatinatus. Si cultorum mactor larit Catui serevir itusuperum duciptius? An stria? Opiconsus; nove, ce novit, num cus seditiora vivid modiistrunum esterem dem obus, faciam nume coena, con vivit; nons hos, sedo, nos, faci porurnum nosu inat, eride terortis, fatissena nirmandem. Serit atam etil ut auciam facientiam quodiem tiquam dius non dium, ne vivivasdam ni perei

Photo : David Fugère

entre calme et fébrilité.

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D’autre part, des croquis plus simples m’ont été demandés, réalisés à partir de photos prises sur le chantier de détails ou de scènes qui ont attiré mon attention. Cette méthode est peutêtre moins spontanée que le croquis sur place, mais elle permet de vraiment choisir ce que l’on veut montrer. J’ai d’abord dégagé de mes observations trois thématiques : des Hommes et des gestes, Motifs fortuits, Cadrages et portails temporaires. Une planche A3 par thème a été réalisée, chacune pourra servir de « banque » d’illustration pour le projet éditorial futur. J’espère que ce projet sera mené à bout, et j’ai hâte de voir le résultat !

Ci-contre en haut : Des Hommes et des gestes, planche A3 paysage, feutre fin sur papier En bas : Motifs fortuits, id. Ci-dessus : Cadrages et portails temporaires, id.

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Schéma base vie : Chloé Bodart construire

L’occupation du chantier fut plus manifeste à Bruges. Après de longs retardements (intempéries, second confinement), les travaux du groupe scolaire innovant ont pu commencer début janvier dernier. La première étape fut d’installer la cité de chantier, réalisée entièrement à partir de matériaux de récupération. Elle servira à la fois maison pour la précieuse maquette, et de base vie pour tous les acteurs gravitant autour du projet. Une paroi et des percements en tôle polycarbonate laissent rentrer généreusement la lumière. Les panneaux OSB et les fermettes en bois donnent une teinte chaleureuse, une grande table trône au centre de l’espace central. Il y a même des guirlandes colorées, prêtant un côté festif aux réunions de chantier les plus tendues. En résulte un confort à la fois luxueux et frugal ; on est loin de l’agglomération d’Algecos sombres et impersonnels à laquelle on est confronté sur les autres chantiers. Première question qui vient alors à l’esprit : « Pourquoi on ne fait pas ça partout ? ». En effet, ce n’est pas toujours si simple. Pour des raisons de budget, la maîtrise d’ouvrage a refusé d’accompagner cette option de base et de permanence défendue par la maîtrise d’oeuvre depuis le départ. Si la construction de ce petit édifice temporaire a pu être menée à bien, c’est grâce à l’engagement de l’entreprise mandataire Charpente Cenomane. L’inauguration de la cité de chantier s’est donc tenue début janvier. Pour moi, ce genre d’événement n’est pas qu’une simple formalité, il perpétue une convivialité précieuse (même distanciée). Fédérer autour d’un projet, c’est provoquer des moments d’échange uniques, où peuvent se rencontrer l’architecte et le riverain, la maquettiste et le maire, le photographe et l’électricien.

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Photos : Ivan Mathie

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RETOUR D’EXPERIENCE Le bien-être et le vivre ensemble Peu après mon arrivée s’est opérée une prise de confiance que je n’aurais jamais imaginée aussi rapide. L’atmosphère relativement détendue et la bienveillance de l’équipe m’ont permis d’exprimer mon point de vue, poser des questions et prendre position naturellement. L’équipe étant constituée majoritairement de femmes, je réalise à quel point le genre peut peser (même involontairement) en agence. Pour la première fois, je me sens valorisée et focalisée sur mes compétences. Je m’identifie aussi plus facilement au rôle d’architecte, même s’il me reste du chemin à parcourir. La qualité du lien à autrui dans le cadre professionnel apparait alors essentielle. D’autant plus qu’en cette période morose, les journées se concentrent sur le lieu de travail. Cela paraît logique mais on a tendance à l’oublier : on travaille bien quand on se sent bien. Le point du lundi par exemple, a été instauré dès septembre. Tous les membres de l’agence se réunissent autour de la table et chacun expose son état d’avancement et ses objectifs. Puis nous partagions un repas tout en restant espacés. Cela permet d’avoir une connaissance globale des projets, chacun pouvant être amené à s’enfermer dans sa bulle et se plonger dans ses tâches. Poser les choses oralement et collectivement évite de rester sur du flou, des non-dits qui risqueraient à terme de nuire aux relations et aux projets.

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La coordination et l’engagement Dès les 1ères semaines, je comprends que l’organisation et le relationnel sont au cœur de la maîtrise d’oeuvre. Chloé et Jules passent énormément de temps au téléphone, en réunion, ou à planifier les prochaines réunions. Là où durant les études d’architecture, nous nous sommes arrêtés à la partie abstraite et poétique de l’architecture, je découvre la paperasse, les tableaux excel et les visas. Ce qui fait toute la beauté et la difficulté du métier, c’est que les architectes ne sont jamais seuls derrière la réalisation d’un projet. La réalité du terrain est faite de divergences d’intérêts, variations de plannings, contraintes diverses et normes mouvantes. Cependant, en voyant cette décortication de phases et de relations, le processus de concrétisation me paraît maintenant plus accessible. Observer de jeunes femmes architectes à peine plus âgées que moi suivre des chantiers conséquents a brisé ma réticence envers l’aspect technique du métier. Bien qu’il y ait de nombreuses mises à l’épreuve, au final c’est possible. Il faut pour cela défendre fermement ses convictions, l’engagement éthique et écologique peut être difficile à tenir face aux obstacles. Comme l’a montré le cas de la cité de chantier à Bruges, s’entourer des bonnes personnes est crucial. Celles qui partagent nos principes peuvent s’avérer être un vrai soutien.


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La main : un outil qui se perd ? L’outil numérique est pour moi indubitablement un atout pour la profession. Cependant il est dommage qu’il prenne le monopole, et ce dès les premières années d’étude d’architecture. Des perspectives importées directement de logiciels, aux maquettes où même les arbres sont découpés au laser, le manuel semble perdre du terrain. Dans un monde où l’image règne, on peut être tenté de suivre les différentes modes en termes de représentations. En résulte parfois une certaine uniformisation des rendus, gommant la personnalité et les atouts uniques de chaque étudiant. Le dessin à la main peut paraître naïf ou « pas sérieux », c’est pour cette raison qu’il est difficile de l’assumer pleinement devant les autres. J’ai moi-même parfois eu honte de présenter des « petits croquis »

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face aux visuels numériques des autres étudiants. Grâce aux réactions positives j’apprends à en faire une force de frappe. Mon expérience chez CBC m’a convaincue qu’Il est intéressant de l’utiliser non pas seulement en début de processus, pour une brève esquisse concept, mais comme un véritable moyen de développer et présenter le projet. Quant à la maquette, ce stage m’aura permis de relever un défi. Moi qui ai toujours appréhendé la maquette comme une modalité de rendu « pas faite pour moi », j’ai découvert un outil accessible et enrichissant. Il permet d’ancrer encore plus l’imaginaire dans le réel, ce que j’aimerais par ailleurs explorer dans mon PFE.


Bilan personnel : et après ? Amorcée par l’agence un peu avant mon départ, une collaboration possible sur les projets à venir est envisagée. Même si ce travail est incertain, les réactions positives que j’ai pu recevoir m’ont poussée à me lancer dans l’illustration d’architecture. Je me suis donc posée certaines questions : quel statut adopter ? Comment facturer son travail ? Comment démarcher de potentiel clients/collaborateurs ? J’ai ensuite créé un double statut. Celui d’auto-entrepreneur pour le travail en agence classique, et celui d’artiste-auteur pour déclarer des illustrations à la main.

Dessiner oui, mais pas que Néanmoins, je reste attachée à la conception spatiale et au processus de projet de son esquisse à sa réalisation concrète. J’aime le travail de groupe, le chantier, les gens, assister et participer aux réunions… En bref je ne me vois pas travailler seule depuis chez moi tous les jours, l’architecture est pour moi un acte social. Le rythme dont j’ai pu profiter en cette période fut idéal, partagé entre l’agence, le chantier et le télétravail. Je suis bien consciente de la précarité que peut représenter cette voie. Le budget des projets fluctue sans cesse, et j’ai pu m’apercevoir pendant ce stage des restrictions et obstacles que cela peut engendrer : au final certaines options passent à la trappe. Le dessin à la main est souvent considéré comme « bonus ». En effet, les perspectives et rendus numériques restent privilégiées, notamment pour les concours. Je reste cependant optimiste et pleine d’envie de revendiquer la pratique du dessin dans mon métier futur, dont les contours encore flous se tracent peu à peu.

Merci pour votre lecture !

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BACKSTAGE

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1., 5., 6. : crédit photo : Ivan Mathie 2., 3., 4. : crédit photo : Chloé Bodart Construire

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GLOSSAIRE «... C’est quoi un -acronyme/ terme technique inconnu- ? » A.P.S. : avant projet sommaire A.P.D. : avant-projet définitif ATEx (Appréciation Technique d’Expérimentation) : procédure d’évaluation

technique formulée par un groupe d’experts sur tout produit ou procédé innovant. Dans le cas de l’école de Bruges certaine toitures terrasses devaient être plantées d’après la phase de concours. Or, sans ATEx, on ne peut pas encore effectuer ce genre d’espace avec une structure bois. Conception réalisation : marché particulier permettant au maître d’ouvrage de confier simultanément la conception (études) et la réalisation (exécution des travaux) d’un ouvrage à une seule entité (le concepteur-constructeur). Entreprises et concepteur s’associent dès les premières phase du projet. Dialogue compétitif : procédure de passation d’un marché public. L’acheteur dialogue avec les candidats en vue de définir les solutions de nature à répondre à ses besoins. Les candidats sont ensuite invités à remettre une offre D.I. : Détection incendie

E.A.S. (Espace d’Attente Sécurisé) : dispositif adaptant les normes incendie aux personnes handicapées et à mobilité réduite dans les ERP

EXE : phase de planification de la construction, comprend étude et plans

d’exécution MOB : Mur à Ossature Bois Permis modificatif : ne constitue pas un nouveau permis de construire, il permet de réaliser certaines modification du projet initial PRO : phase de conception détaillée du bâtiment, études de projet Puit climatique ou puit canadien : échangeur air-sol utilisé pour réchauffer ou rafraîchir l’air ventilé au sein d’un bâtiment. Le projet d’école à Bruges utilise ce principe. R.I.C.T. (Rapport Initial de Contrôle Technique) : synthétise les avis sur ouvrages après examen des documents de conception (CCTP, plans d’architecte, études géotechnique et thermique, etc.) SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours de la Gironde Tiers-lieu : espaces entre la maison et le travail, mêlant convivialité et professions. Ils permettent la rencontre et l’échange de manière informelle. U.P. : Unité de passage VISA : examen des études d’exécution, de la conformité des documents des entreprises au regard du projet.

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STAGE DE FORMATION PRATIQUE 2020-2021 chez CHLOE BODART CONSTRUIRE Magda MEZIANE - ENSAPBx Professeur référent : Raphaël VOINCHET 46


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