Repères
ARCHITECTURE / ART / DÉCOR ATION / DESIGN
Photo : DR / Sami Rintala (1)
Concevoir l’habitat autrement pour vivre plus en accord avec l’environnement, c’est ce qu’ont fait huit architectes avec des maisons inédites, inventives… et affichant un réel parti pris esthétique. La preuve avec ce refuge-étape pour marins et pêcheurs réalisé par Sami Rintala sur les bords de la mer de Barents, en Norvège. NOVEMBRE 2009 / 1
AD ARCHITECTURE
Le nouvel esprit écolo
Maisons de papier recyclé, de bois récupéré ou de terre… voici huit propositions d’architectes pour répondre à un souci commun : vivre davantage en symbiose avec l’environnement. Par Christian Simenc Il y a eu les pionniers de l’architecture dite organique, tels l’Américain Frank Lloyd Wright ou le Finlandais Alvar Aalto, puis les figures d’une architecture qu’on ne qualifiait pas encore d’écologique, comme le Norvégien Sverre Fehn ou l’Australien Glenn Murcutt. Aujourd’hui, une multitude de maîtres d’œuvre ont pour objectif affiché cette quête d’une architecture « durable ». Entre l’« éco-développement » de l’après-crise pétrolière des années 1970 et l’« éco-responsabilité » actuellement en vigueur, ils tentent de se frayer leur chemin, y compris dans un secteur ô combien sensible : l’habitat. À preuve : ces huit projets choisis pour leur qualité et la pertinence de la réponse qu’ils peuvent apporter à cette problématique capitale.
Être en symbiose avec le paysage ne suffit plus. Les enjeux du développement durable appellent un renouvellement des pratiques. Puiser localement dans les ressources pour construire, emprunter aux techniques traditionnelles, économiser les moyens et les matériaux, voire les recycler… les pistes sont évidemment légion. Pour l’architecte finlandais Sami Rintala, acteur singulier de la scène nordique : « La prise de conscience de ses responsabilités écologiques doit permettre à l’architecture de retrouver sa vocation première : être l’abri protecteur de l’homme. » Sans doute est-il également temps aujourd’hui de retrouver une sobriété originelle. Sans pour autant aller s’installer dans une cabane en bois…
Jouer la simplicité extrême que l’architecte a notamment mise en pratique dans ce refuge bâti, en 2005, à Kirkenes, petite ville au nord-ouest de la Norvège. Ses dimensions : L 6 m x l 2,5 m x H 5 m. Matériaux : bois, briques et filins d’acier. Durée du chantier : 10 jours. La structure, entièrement en bois, repose sur un soubassement de briques.
L’intérieur est peint en blanc pour un maximum de luminosité, surtout pendant l’hiver. A contrario, l’extérieur, lui, est revêtu d’un noir profond afin d’attirer la chaleur solaire. Chauffé au poêle, cet habitat « a minima » offre néanmoins deux chambres.
Recréer la nature
www.rintalaeggertsson.com
Photos : DR / Sami Rintala (2) ; R&Sie (n) (3)
Le Finlandais Sami Rintala n’a décidément pas la langue dans sa poche : « Lorsque l’on sait que l’industrie du bâtiment consomme le tiers de l’énergie globale, construire a minima serait donc une contribution écologique et économique majeure. » Une observation
2 � NOVEMBRE 2009
Baptisée I’m Lost in Paris, autrement dit « Je suis perdu dans Paris »… et pour cause : cette maison – 130 m2 pour quatre personnes – disparaît littéralement sous la végétation. Une esthétique de la dissimulation signée François Roche et son agence R&Sie(n). C’est comme si, en ce cœur d’îlot typiquement parisien, la construction tentait de s’extirper d’une microforêt vierge, sans toutefois y parvenir. Cette maison est constituée d’une sorte de robe végétale qui habille à distance les murs grâce à une structure métallique entièrement articulée, laquelle est plantée de… 1 200 fougères. L’eau de pluie est évidemment récupérée et le tout est alimenté par un système de goutte-à-goutte qui dispense une solution d’éléments nutritifs. En outre, quelque 300 « éprouvettes » en verre soufflé – dont le but est de générer une bactérie qui augmentera le taux d’azote – diffractent la lumière naturelle à l’intérieur de la maison, sur les murs de béton brut, augmentant encore l’illusion d’une matière vivante. www.new-territories.com NOVEMBRE 2009 / 3
AD ARCHITECTURE
Photos : Nils Petter Dale (2) ; Rasmus Norlander (2) ; Albrecht Schnabel (1)
S’intégrer à l’environnement
Utiliser au maximum la qualité de la topographie du lieu, créer un plan fonctionnel sur une petite surface et réduire les coûts des travaux in situ, tels sont les trois objectifs que s’est fixés Johannes Norlander pour dessiner la Villa Älta, construite, en 2008, dans la ville éponyme, à quelques kilomètres au sud de Stockholm. La parcelle était triangulaire, sa forme sera angulaire, d’où ce plan ouvert. Le béton a été coulé sur place. Largeur : 4,60 mètres. Hauteur : 6 mètres. Surface totale : 160 m2, répartis sur deux niveaux. Le polycarbonate choisi pour l’isolation garantit une température intérieure idéale, tandis que le système de chauffage au sol, relié à une pompe à chaleur, recycle aussi l’air chaud. Résultat : une faible consommation d’énergie qui minimise le coût de fonctionnement. www.norlander.se
Réinventer la maison en terre
RÉCUPÉRer des matériaux existants Que faire d’une grange devenue encombrante, sinon inutile, mais dont les matériaux se révèlent une matière première non négligeable ? Imaginer une nouvelle maison à partir de ladite matière première, en l’occurrence de longues planches de bois dont la beauté sourd de cette patine engendrée par le temps et les éléments. C’est le défi qu’a relevé le trio norvégien Einar Jarmund, Hakon Vigsnæs et Alessandra Kosberg. Construite à Toten, en Norvège, en 2008, Farm House (maison-ferme),
occupant 165 m2, fait assurément écho à cette vieille grange démantelée, tant du point de vue de la réutilisation des matériaux qu’en termes d’organisation spatiale. Autre originalité : une bande continue mêlant fenêtres et parois vitrées fixes se déroule à l’envi sur les façades, multipliant, de fait, les vues sur le paysage alentour et déployant, au fil de la journée, une lumière naturelle à l’intensité sans cesse changeante. www.jva.no
En esthète de la terre crue, le céramiste Martin Rauch a construit, en 2008, à Schlins, dans le Vorarlberg (Autriche), une maison qui ne pouvait que lui ressembler : la sienne. Son originalité : les matériaux qui la composent ont, à 85 %, été extraits sur place. Si bien que l’édifice de 125 m2, réalisé en collaboration avec l’architecte Roger Boltshauser, paraît littéralement surgi de la roche dont il est issu. Carreaux cuits au sol, plaques d’argile en guise de marches, terre tassée à l’extérieur et plâtre argileux à l’intérieur… Bref, la terre dans tous ses états et, en particulier, pour ses qualités d’isolation, donc de confort thermique et hygrométrique. Familier en Afrique, le pisé s’adapte ici aux standards européens et est réutilisé pour sa simplicité et sa beauté brute. En clair : la terre se passe d’ornement. www.lehmtonerde.at
4 � NOVEMBRE 2009
Oser tous les recyclages Culture pop + charpentiers américains + système D = « Folk Architecture ». Loin de tout rigorisme ou de néorégionalisme, Rural Studio use de déchets industriels, de matériaux recyclés ou achetables en petite quantité. Seul mot d’ordre : « L’inventivité défie la pauvreté. » En témoigne cette maison en fiches cartonnées recyclées, édifiée, en 2001, à Newburn, Alabama, aux États-Unis. Le matériau « neuf » consiste ici en un ballot de fiches informatiques imprégnées de cire, donc non recyclables en papier. Les brûler coûte cher car leur masse compactée et cireuse se consume mal. Or ces défauts n’en sont plus si l’on recycle ledit ballot en briques. Voilà alors un composant industriel sûr, isolant, économique, dimensionné, abondant… Empilés et croisés telles des bottes de paille, les ballots deviennent les murs d’une maison, leur poids assurant stabilité et étanchéité. Un voisin : « You can make something beautiful out of trash ! » Traduction : « Vous faites quelque chose de beau avec des déchets ! » Eh oui. www.cadc.auburn.edu/soa/rural-studio/
Puiser dans leS RESSOURCES LOCALES
Tout le monde, ou presque, connaît les « ganivelles », ces petites palissades en lattes de châtaignier que l’on dispose le long du littoral pour piéger le sable et reconstituer les dunes. Édouard François, lui, n’a pas hésité à les utiliser pour habiller ces 18 logements sociaux édifiés en 2006 à Louviers, dans l’Eure. Avant d’être fixées à l’avant des façades, celles-ci ont au préalable été raidies par des barres métalliques et solidarisées par un fil torsadé en Inox. Outre son aspect esthétique, cette double peau fait à la fois office de pare-pluie, de pare-vent et de pare-soleil. L’architecte, qui souhaitait ainsi mettre en valeur des matériaux de la région et néanmoins recyclables, a aussi imaginé une façade porteuse en briques de terre cuite à isolation intégrée. Deux avantages : point n’est besoin de doublage thermique ni d’enduit intérieur où les briques, soigneusement ajustées, sont laissées telles quelles. Une façon indubitablement séduisante d’user de matériaux bruts. www.edouardfrancois.com 6 � NOVEMBRE 2009
Photos : Tim Hursley (1) ; Paul Raftery/View (1) ; Jussi Tiainen (2)
AD ARCHITECTURE
S’inspirer du sAVOIR-FAIRE TRADITIONNEL
À Espoo, en Finlande, en 2006, Olavi Koponen a conçu la « Kotilo House », en clair : la « maison-bigorneau ». Surface : 237 m2. Le bâtiment, en spirale, se déploie autour d’un axe central, un pilier de béton. Second élément fort de la construction : la structure entièrement en bois. Ainsi, les planchers et le toit sont constitués de 180 éléments préfabriqués qui tournent autour du pilier central et sont en partie soutenus par des armatures métalliques. Adepte d’une autoconstruction faisant appel à des matériaux modestes et aux compétences techniques locales, Olavi Koponen a opté pour un procédé traditionnel et ancestral : le bardeau, cette planchette en forme de tuile qui est utilisée pour couvrir une toiture ou une façade. Les surfaces extérieures sont recouvertes par des bardeaux de mélèze de Krasnoïarsk (Russie), les surfaces intérieures par des bardeaux d’aspen finlandais. L’effet est des plus élégants. C.S. olavi.koponen@kolumbus.fi