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L’HYPOXIE

QUELQUE CHOSE NE VA PAS – MAIS QUOI ?

Un ciel bleu, une mort silencieuse

« Je vais super bien ! » dit Ken, alors même qu’il était sur le point de perdre la vie.

Il était pilote de l’armée de l’air, formé pour piloter un F-16 Falcon de combat. Quand il était aux commandes de son jet, il se sentait comme un aigle s’élevant haut dans les nuages. Pourtant, ce jour-là, il y avait un problème, un problème terrible : il était en train de mourir et n’en était même pas conscient.

Ce qui le tuait à petit feu n’était pas douloureux.

En fait, c’était même quelque chose de tout à fait indolore.

Mais ça n’en était pas moins mortel.

Ken souffrait d’hypoxie.

En termes simples, l’hypoxie, c’est quand le cerveau ne reçoit pas assez d’oxygène. Ça se produit tellement lentement, que tu ne te rends même pas compte que tu es en train de mourir ! C’est un phénomène que les pilotes de chasse doivent constamment combattre quand ils s’élancent dans le ciel, fendant les airs à des kilomètres au-dessus du sol.

Quand tu es en hypoxie, ton esprit se vide, tes sens s’émoussent, tes réflexes faiblissent et tu finis par perdre connaissance. Mais les signes et les symptômes peuvent se développer si progressivement, qu’ils sont déjà bien présents avant même que tu prennes conscience de ce qui est en train de se passer.

Encore quelques secondes et Ken s’évanouirait. Le F-16 de plusieurs millions de dollars tomberait alors du ciel et s’écraserait violemment à terre. Une vie s’éteindrait. Une famille serait privée d’un père.

L’homme dans la tour de contrôle, sachant qu’il devait agir au plus vite pour empêcher le drame, appuya sur le micro relié à l’oreillette du pilote.

« Tu es en hypoxie, Ken ! cria-t-il. Tu n’as plus le contrôle de tes sens ! » On pouvait presque percevoir un sourire dans la voix de Ken, lorsque, tel un ivrogne heureux, à quelques secondes de s’évanouir, il bredouilla encore ces quelques mots : « Oui, ouiii, je vais trèèèèès bien… »

C’est le problème de l’hypoxie. Tu te sens bien. En pleine forme. Tu ne te rends pas compte du danger imminent auquel tu fais face.

Une dernière fois, dans son micro, l’homme hurla : « KEN ! KEN ! »

Mais c’était trop tard. Les moniteurs surveillant les paramètres vitaux du pilote émettaient déjà toutes sortes de signaux d’alarme.

A ce moment-là, les vannes d’oxygène s’ouvrirent avec un BOOM retentissant !

La pièce venait de se remplir d’air pur et respirable lorsque la porte du simulateur de vol fut ouverte. Ce qui venait de se produire n’avait été qu’une mise en situation. Ken était sauvé ! Il n’allait pas mourir. La douloureuse épreuve qu’il venait de traverser était juste une expérience, un entraînement.

Une fois sorti du cockpit, il regarda la vidéo avec beaucoup d’attention, la bouche ouverte d’étonnement et un carnet à la main, documentant tout ce qui avait mal tourné.

Il n’aurait pas besoin de faire cette dangereuse expérience une seconde fois. Il ferait son autocritique, et la leçon le marquerait pour le reste de sa vie. Désormais, il écouterait la tour de contrôle même si, subjectivement, tout lui semblait différent et même si… tout semblait génial.

Tout est génial

« Tout va bien ! » disait un ancien d’une église dans laquelle je me rendais souvent.

« Nous n’avons pas de problèmes ! Regarde ces gens… EUX, ils ont des problèmes. Mais pas nous. »

Quoi ? Tout va bien ? Est-ce que je vis dans un monde différent ? J’essayais de faire le lien entre la réalité que je percevais et cette affirmation. Grâce à mon travail parmi les jeunes, je savais que des tonnes de choses n’étaient pas comme elles auraient dû l’être : addictions, abandon de la foi, divisions dans les églises, divorces, manque d’évangélisation… Mais le pire était ma propre réalité spirituelle !

« Je vais très bien », disais-je avec un sourire forcé, jour après jour.

Mais à l’intérieur, j’étais en train de mourir. Comprends-moi bien : je n’étais pas un incrédule, bien au contraire. Je dirigeais chaque semaine la rencontre du groupe de jeunes. J’étais sur le devant de la scène, je travaillais dans les rues, j’annonçais l’Evangile. Le problème, ce n’était pas un manque de connaissance intellectuelle. Je connaissais la Bible quasiment sur le bout des doigts. Extérieurement, tout semblait aller bien.

Mais à l’intérieur, j’étais en train de mourir.

Je connaissais les paroles de Jésus : Si donc le Fils vous libère, vous serez réellement libres (Jean 8.36). Pourtant, malgré tout ce que je savais dans ma tête, je n’étais pas libre. J’étais esclave de la pornographie. Et à cause de cette dépendance, j’avais l’impression d’avoir de lourdes chaînes en fer autour des poignets et des chevilles. Le pire, c’est qu’elles étaient invisibles pour tout le monde, sauf pour moi. Je ressentais le terrible poids de ces liens, mais je ne parvenais pas à les briser. Un jour, cherchant de l’aide, je m’étais confié à quelqu’un de plus âgé, mais j’avais été trahi. Avant, j’avais toujours cru que les mentors et les conseillers pouvaient m’aider à grandir. Mais peut-être que l’ancienne génération allait simplement continuer à me décevoir.

Ça te rappelle quelque chose ? Peut-être que toi aussi, tu connais bien la Bible. Peut-être que, comme pour moi, elle a fait « partie de toi » pendant presque toute ta vie. Et pourtant… tu as soif de quelque chose de plus. Cette liberté que Jésus a promise te semble insaisissable et hors de portée. Tu es enchaîné(e) par des liens que toi seul(e) peux voir et qui gagnent tous les autres domaines de ton existence. Tu te retrouves à douter de la véracité des paroles de Jésus et tu te demandes : A quoi ça sert ?

C’est ce qui est arrivé à mon ami Claude.

« Je vais bien », m’a-t-il dit.

Tu commences à voir le schéma qui se répète ?

Nous traversions le lac Léman sur le bateau que nous prenions tous les jours pour aller travailler. C’est à ce moment-là qu’il a lâché la bombe : « Je ne crois plus en Dieu. » Ça m’a brisé le cœur. J’étais stupéfait. Quelques jours auparavant, nous avions encore prié ensemble. Et maintenant, il n’était plus chrétien.

Ce n’était malheureusement pas une première pour moi. Deux de mes amis les plus proches avaient déjà tourné le dos à la foi. Et chaque fois, c’était comme si on m’arrachait le cœur.

Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à s’éloigner de la foi ?

Cette question tourmentait mes pensées continuellement.

Si le Saint-Esprit est en nous, pourquoi est-ce que les gens partent ? Qu’est-ce que la génération précédente a raté ?

Peut-être que l’histoire qui suit t’aidera à comprendre un peu mieux.

Après un autre événement désastreux, j’ai cherché un responsable de groupe de jeunes qui avait beaucoup d’expérience, qui avait lu beaucoup de livres et en qui j’avais confiance. J’avais besoin de réponses… ou au moins de comprendre mes problèmes. Je me suis donc assis sur son « canapé de coaching » et j’ai déversé la douleur qui était dans mon cœur : ▪

« Pourquoi y a-t-il si peu de personnes de ma génération qui viennent à l’église ? »

« Pourquoi y a-t-il tant de jeunes de mon âge qui quittent l’église ? »

« Pourquoi presque tous les jeunes hommes ont-ils des problèmes avec la pornographie ? »

« Pourquoi tant de chrétiens sont-ils esclaves de leur péché ? »

« Où est cette vie abondante que Jésus a promise ? »

Ces questions pesaient vraiment sur mon cœur, mais je me suis vite rendu compte qu’elles étaient perçues comme une attaque. Soudain, le gentil pasteur est devenu dur et critique :

« Natha, tu es orgueilleux. Tu dois t’humilier ! »

Sur le coup, j’étais vraiment troublé. Blessé. Je m’étais ouvert à quelqu’un, et cette personne avait finalement utilisé mes paroles contre moi. On m’avait dit à l’école que toutes les questions étaient permises, mais je venais d’apprendre, dans la douleur, que tel n’était pas le cas. J’avais l’impression d’être devenu un hérétique aux yeux de ce responsable, comme si je voulais détruire l’Eglise. C’était pourtant tout le contraire : je souffrais parce que j’aimais l’Eglise. J’étais venu parler avec lui parce que j’aimais l’Eglise. Mais j’avais l’impression d’avoir mis le doigt sur un sujet tabou…

« Arrête de poser tes questions critiques. Fais le travail toi-même ! Prêche, conseille, et tu verras comme c’est difficile. »

Et c’est exactement ce que je vais faire, me suis-je dit alors.

Je ne voulais pas passer le restant de mes jours à trouver des excuses. Ma génération s’éloignait de la vie et dérivait dangereusement vers la mort, et je ne pouvais pas rester là à regarder sans rien faire. Je voulais donner tout ce que j’avais pour contribuer, au moins un peu, à ce que les choses changent.

Nous avons prié ensemble, et j’ai quitté la pièce.

Il y avait du travail à faire.

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