Dieu Dans Mon Travail (Our1087)

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Keller Timothy

avec Katherine Leary Alsdorf

Dieu dans mon travail

Dieu dans mon travail

Titre original en anglais: Every Good Endeavor

Published by Dutton, a member of Penguin Group (USA) Inc.

375 Hudson Street, New York, New York 10014, USA

Copyright © 2012 by Redeemer City to City, Redeemer Presbytarian Church, and Timothy Keller

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Traduction: Odile Favre

© Schéma p. 304: Redeemer Presbytarian Church

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ISBN édition imprimée 978-2-940335-87-9

ISBN format epub 978-2-88913-581-3

Imprimé en France chez Sepec numérique

Introduction

L’importance de revenir à la notion de vocation

Par son livre emblématique (Habits of the Heart), Robert Bellah, sociologue américain, a aidé de nombreuses personnes à identifier ce qui sape (et qui continue à saper) la cohésion de notre société: l’«individualisme expressif». Dans cet ouvrage, il affirme que les Américains ont créé une culture qui élève le choix personnel et l’expression individuelle à un niveau tel qu’il n’y a plus de vie commune et plus non plus de vérités ou de valeurs qui font autorité, comme celles qui nous unissaient auparavant. Dans un article paru en 1998, il écrivait déjà:

…nous avançons vers une confirmation plus grande encore du caractère sacré de l’individu, [mais] notre capacité à imaginer un tissu social apte à maintenir l’union des individus se perd…

Le caractère sacré de l’individu n’est contrebalancé par aucune vision d’ensemble ou souci du bien commun.1

Vers la fin de son ouvrage Habits of the Heart, Robert Bellah propose une mesure qui contribuerait grandement à ressouder le tissu social qui est en train de s’effilocher:

Pour que les choses changent réellement (…) [il faudrait que nous nous] réappropriions la notion de vocation ou d’appel, que nous

1 Robert N. Bellah, «Is There a Common American Culture?», The Journal for the American Academy of Religion, vol. 66, n° 3, Automne 1998 (cf. www.robertbellah.com/articles_6.htm).

considérions à nouveau le travail comme une contribution au bien de tous et non simplement comme un moyen de progresser personnellement».2

Remarquable affirmation! Si Bellah a raison, un des espoirs, pour notre société en éclatement, est de revenir à l’idée que tout travail humain n’est pas simplement un emploi mais une vocation. Le terme «vocation» vient du latin vocatio qui signifie «action d’appeler». Aujourd’hui, ce mot est parfois associé au travail, mais ce n’était pas son sens premier. Un travail est une vocation uniquement si quelqu’un vous appelle à le faire et si vous le faites pour lui plutôt que pour vous-même. Ainsi, notre travail peut être une vocation, un appel, s’il est repensé comme une mission accomplie pour une cause dépassant notre simple intérêt personnel. Envisager d’abord le travail comme un moyen d’épanouissement personnel ou de réalisation de soi écrase petit à petit l’individu et, selon Bellah et bien d’autres, fragilise la société elle-même. Nous y reviendrons plus tard.

Mais si nous voulons nous «réapproprier» une idée ancienne, nous devons revenir à son origine. Et l’origine de cette conception du travail comme une vocation se trouve dans les Ecritures. Ainsi, à travers notre étude, stimulés par le défi que lance Bellah, nous ferons notre possible pour mettre en avant le lien transformateur et révolutionnaire qui existe entre la foi chrétienne et le travail. Nous appellerons ce lien, ainsi que les notions et les manières de vivre qui s’y rapportent, «la foi vécue au travail».

Les

nombreux mouvements «foi et travail»

Nous ne sommes pas les seuls à tenter de mettre en avant la nécessité de vivre la foi au travail. Jamais, depuis la Réforme, on n’a accordé autant d’attention à la relation entre foi chrétienne et travail

2 Robert Bellah, Richard Madsen, William M. Sullivan, Ann Swidler & Steven M. Tipton, Habits of the Heart: Individualism and Commitment in American Life, University of California Press, 1985.

qu’aujourd’hui. Le nombre de livres, de projets de recherche, de programmes de formation et de forums Internet sur ce sujet a connu une croissance exponentielle durant les deux dernières décennies. Néanmoins, les chrétiens qui cherchent une aide pratique pour leur propre travail sont souvent mal servis par ce mouvement en pleine croissance. Certains, comme Katherine Alsdorf (qui a signé la préface), ont été frustrés par la superficialité des avis et des exemples donnés. D’autres restent perplexes face à la diversité – d’aucuns parleraient de cacophonie – des voix qui prodiguent des conseils sur la manière dont un chrétien devrait se comporter au travail.

On pourrait comparer le mouvement «foi et travail» d’aujourd’hui à une rivière alimentée par des ruisseaux de sources différentes. La plupart des organisations qui désirent aider les gens à vivre leur foi dans leur contexte professionnel sont peut-être celles qui ont une compréhension évangélique de la Bible et de la foi chrétienne, mais d’autres traditions et confessions, au sein de la chrétienté, ont aussi apporté une contribution considérable. Le mouvement œcuménique, notamment, a encouragé les chrétiens à utiliser le travail pour promouvoir la justice sociale dans le monde. Cela nous a aidés à comprendre qu’un travail fidèle exige que nous nous conformions à une éthique clairement chrétienne.

Pour en savoir plus

Pour bien comprendre l’histoire du mouvement moderne «foi et travail» et, surtout, le rôle qu’ont joué au départ les Eglises traditionnelles œcuméniques, cf. David W. Miller, God at Work: The History and Promise of the Faith at Work Movement, Oxford, 2007. Miller raconte comment, au début du 20 e siècle, plusieurs organisations évangéliques d’étudiants – en particulier le Student Volunteer Movement et la World Student Christian Federation (qui a pris plus tard le nom de Student Christian Movement) – ont changé de préoccupation, passant

de l’évangélisation et des missions étrangères à des questions plus sociales.

Cela a donné naissance à de nouvelles conférences et organisations, dont les mouvements Faith and Order (foi et ordre) et Life and Work (vie et travail), qui ont ensuite fusionné pour devenir le Conseil Œcuménique des Eglises. La conférence mondiale de l’organisation Life and Work, qui s’est tenue à Oxford en 1937, s’intéressait plus particulièrement à l’impact de la foi sur le travail et l’économie. Son président, Joseph H. Oldham, avait écrit qu’avant de se lever, l’Eglise avait «une grande tâche historique: celle de restaurer l’unité perdue entre l’adoration et le travail» (cf. God at Work).

La plupart des livres publiés au milieu du 20 e siècle sur la vision biblique du travail l’ont été par des personnes appartenant aux principaux cercles œcuméniques, qui montraient surtout comment la foi chrétienne rendait le monde du travail plus sensibilisé à l’éthique sociale. Je pense notamment aux ouvrages suivants: Alan Richardson, The Biblical Doctrine of Work, SCM Press, 1952; Work and Vocation, ed., J.O. Nelson, Harper & Brothers, 1954; W.R. Forrester, Christian Vocation, Scribner, 1953; Hendrik Kraemer, A Theology of the Laity, Westminster, 1958; Stephen Neill & Hans­Ruedi Weber, The Layman in Christian History, Westminster, 1963 (peut­être le seul texte de l’histoire de l’Eglise qui souligne le travail, non pas des ministres du culte et des missionnaires, mais des chrétiens «laïques» travaillant hors de l’Eglise). Citons aussi les ouvrages d’Elton Trueblood qui, d’un niveau plus accessible au grand public, ont eu eux aussi un impact. Je pense notamment à Your Other Vocation, Harper & Brothers, 1952.

Ce petit mouvement du 20e siècle a permis aux croyants de comprendre qu’ils avaient besoin de s’encourager et de s’entraider mutuellement pour affronter les luttes et les difficultés inhérentes au travail. Cela nous a montré qu’un travail fidèle exige un renouveau spirituel

intérieur et une transformation du cœur.3 Le mouvement de réveil qui a eu lieu au sein du milieu évangélique soulignait l’importance de considérer le lieu de travail avant tout comme un lieu où l’on peut être témoin de Jésus-Christ.4 Un travail fidèle à Dieu implique en effet une sorte d’identification à Christ devant les collègues, de manière à ce qu’ils puissent désirer en savoir plus à son sujet.

Plusieurs ont aussi cherché à savoir ce que disaient d’autres sources plus anciennes au sujet de la foi vécue au travail. Pour les réformateurs du 16e siècle, en particulier Martin Luther et Jean Calvin, tout travail, même un travail dit «séculier», procédait autant d’un appel de Dieu que le ministère du moine ou du prêtre.

Pour en savoir plus

Luther, Calvin et les autres réformateurs ont établi leur doctrine du travail par opposition à celle de l’Eglise catholique de l’époque. Au Moyen­Age, le travail était considéré comme

3 Au milieu du 20e siècle, on a assisté, au sein de l’Eglise, à une renaissance de petites cellules dirigées par des «laïques». Ce mouvement avait plusieurs branches. Il y avait d’abord les organisations travaillant parmi les étudiants, qui avaient été créées après la Seconde Guerre mondiale et qui avaient cette vision des petits groupes. Je pense notamment à l’Inter-Varsity Christian Fellowship, Campus pour Christ et les Navigateurs. Mais le personnage-clé de tout ce mouvement était peutêtre le révérend Sam Shoemaker, de l’Eglise épiscopale des Etats-Unis, qui a fondé Faith at Work à New York et, plus tard, le Pittsburgh Experiment. Ces deux organisations, basées elles aussi sur le concept des petits groupes dirigés par des «laïques», avaient notamment pour objectif d’atteindre les gens dans le monde des entreprises et d’avoir un impact au travail (cf. God at Work).

4 L’Eglise traditionnelle comprenait le lien entre foi et travail avant tout comme un effort d’appliquer au capitalisme (qu’elle considérait avec méfiance) une éthique sociale et juste. En revanche, bien des évangéliques conservateurs étaient beaucoup plus individualistes dans leur compréhension de la foi chrétienne. Plus favorables au capitalisme de marché, ils ne voyaient pas comme une priorité de le réformer. Leur principale préoccupation était plutôt la nécessité, pour chaque être humain, de se décider personnellement pour le salut. Par conséquent, être chrétien au travail revenait avant tout à évangéliser vos collègues. Les groupes comme la Communauté des Hommes d’Affaires du Plein Evangile, organisation pentecôtiste fondée par Demos Shakarian, et la Fellowship of Companies for Christ International (FCCI) se distinguaient des mouvements traditionnels, car ils insistaient d’avantage sur la nécessité d’une éthique personnelle (travailler avec intégrité et honnêteté) que sur la nécessité d’une éthique sociale. Ils avaient aussi à cœur de former les croyants actifs dans le monde des affaires pour qu’ils annoncent l’Evangile à leurs collègues (cf. God at Work).

nécessaire pour acquérir les biens temporels de cette vie, mais pas de grande utilité pour obtenir les biens éternels de l’au­ delà. Le travail était donc une question secondaire. Pour les réformateurs, cependant, le travail se trouvait au cœur même du plan de Dieu pour l’existence humaine. Selon les calvinistes, il était un moyen de poursuivre l’œuvre créatrice de Dieu en bâtissant une société qui l’honorait. Pour les luthériens, il était un moyen par lequel Dieu, dans sa providence, prenait soin de sa création.

Mais la doctrine catholique du travail a évolué. En commençant par l’encyclique du pape Léon XIII de 1891 (Rerum Novarum) et en continuant par celle du pape Jean­ Paul II de 1981 (Laborem Exercens), on peut voir qu’il y a eu un important changement. Voici par exemple ce qu’écrivait le pape

Paul VI au sujet du verset de Genèse 1.28 («Dieu les bénit et leur dit: ‘Reproduisez­vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez­la!’»): «La Bible, dès sa première page, nous enseigne que la création entière est pour l’homme, à charge pour lui d’appliquer son effort intelligent à la mettre en valeur, et, par son travail, la parachever pour ainsi dire à son service» (encyclique Populum Progressio de 1967).

Beaucoup ont souligné qu’il y avait des ressemblances entre la notion catholique de loi naturelle et la notion réformée de grâce commune, à savoir que Dieu donne la sagesse et la connaissance à tous les hommes, y compris aux non­chrétiens, afin qu’ils puissent enrichir le monde par leur travail. Pour résumer, on peut dire qu’il n’y a plus, aujourd’hui, de grande différence entre la doctrine sociale du catholicisme sur l’importance du travail et celle de la pensée réformée (cf. Lee Hardy, The Fabric of This World, Eerdmans Publishing, 1990).

A la base de la doctrine luthérienne sur le travail, il y a la notion de dignité du travail, sur laquelle Luther insistait beaucoup, faisant remarquer que Dieu prenait soin de la race humaine, la nourrissait, l’habillait, lui donnait un toit et la soutenait par le labeur de chacun.

Lorsque nous travaillons, nous sommes, comme le disent souvent les partisans de la tradition luthérienne, les «doigts de Dieu», ses «collaborateurs», les canaux de son amour qui pourvoit, auprès de ceux qui nous entourent. Cette vision des choses confère au travail une valeur qu’il n’avait pas avant: il n’est plus uniquement un gagne-pain mais un moyen d’aimer notre prochain. Et cela nous libère en même temps du fardeau écrasant que représente le fait de travailler avant tout pour faire nos preuves.

Les calvinistes ou les partisans de la tradition «réformée», tels qu’Abraham Kuyper, ont développé un autre aspect de la notion de vocation professionnelle: le travail est non seulement un moyen de prendre soin de la création mais aussi de la gérer et de la structurer. Selon cette conception, le but du travail est donc de créer une société qui honore Dieu et qui permet aux gens de prospérer.

Oui, nous devons aimer notre prochain, mais le christianisme comporte des enseignements très précis sur la nature humaine et sur ce qui permet aux hommes de s’épanouir. Et nous devons nous assurer que notre travail est conforme à ces enseignements. Travailler de manière fidèle consiste donc à agir selon une «vision chrétienne du monde».5

Ces différentes traditions apportent plusieurs réponses à notre question, à savoir: Comment devons-nous nous y prendre pour revenir à la notion de vocation? Le fait qu’il existe différents courants de pensée est souvent déconcertant pour les chrétiens, car ces courants ne sont pas parfaitement complémentaires. La doctrine luthérienne, qui a tendance à s’opposer à la notion réformée de «vision du monde», soutient que la manière dont les croyants accomplissent leur travail ne devrait pas beaucoup différer de celle des non-croyants. Pour une grande partie des Eglises traditionnelles, la nécessité d’annoncer

5 L’apport des réformateurs concernant la doctrine du travail est bien plus significatif que ce que nous venons de voir. Nous en reparlerons plus précisément dans les différents chapitres de notre étude.

l’Evangile ne présente pas le même caractère d’urgence que pour les évangéliques. Et s’il en est ainsi, c’est parce que ces Eglises ne considèrent pas la foi chrétienne classique comme le seul chemin menant au salut. Beaucoup trouvent que les auteurs et les organisations axés sur cette notion de «vision du monde» restent trop abstraits et insistent trop peu sur le changement intérieur du cœur. Cependant, même ces personnes ne peuvent se mettre d’accord sur ce qu’est réellement et concrètement la transformation intérieure et la croissance spirituelle. Ainsi, si vous êtes chrétien(ne) et que vous cherchez à être fidèle à votre foi au travail, vous vous trouvez peut-être balloté(e) entre des points de vue très différents, comme ceux-ci:

• C’est en promouvant la justice sociale dans le monde que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en étant personnellement honnête et intègre et en annonçant l’Evangile à mes collègues que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en accomplissant tout simplement les tâches qui m’incombent avec habileté et excellence que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en créant de belles choses que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en étant motivé par le désir de glorifier Dieu et en cherchant à influencer la société de manière à ce qu’elle aussi le glorifie que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en travaillant avec un cœur reconnaissant, joyeux et transformé par l’Evangile, à travers les hauts et les bas, que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en faisant ce qui me procure le plus de joie et qui me passionne le plus que je sers Dieu dans mon travail.

• C’est en gagnant le plus d’argent possible pour pouvoir être le plus généreux possible que je sers Dieu dans mon travail.

mon travail

Dans quelle mesure ces points de vue sont-ils complémentaires ou opposés les uns aux autres? C’est une question difficile, car chacun d’eux peut, selon moi, être corroboré par l’Ecriture, en tout cas sur un aspect. Et la difficulté réside non seulement dans tout ce qu’ils impliquent sur les plans théologique et culturel, mais aussi dans le fait que, suivant le secteur professionnel ou le type de travail, ils ne s’appliquent pas de la même manière. L’éthique chrétienne, les motivations chrétiennes, l’identité chrétienne, le témoignage chrétien et une vision chrétienne du monde, tout cela a un impact très différent sur notre manière de travailler selon que notre travail revêt telle ou telle forme.

Supposons par exemple qu’une artiste chrétienne manifeste régulièrement son souci pour la justice, accomplisse son travail avec honnêteté à tous les niveaux, ait des gens autour d’elle qui la soutiennent et l’aident à traverser les hauts et les bas de la vie, fasse connaître sa foi à ceux qui travaillent dans le même domaine qu’elle et considère son art comme un service pour Dieu et son prochain, plutôt que comme un moyen d’obtenir la reconnaissance des autres et un statut. Vivre la foi au travail se résumerait-il à cela? Par ailleurs, l’enseignement chrétien sur la nature du réel s’applique-t-il à ce que l’artiste représente par son art et à la manière dont elle le fait? Cela aura-t-il un impact sur ce qu’elle exprime à travers son art? Son art sera-t-il influencé par ce qu’elle croit au sujet du péché, de la rédemption et de l’espérance concernant l’avenir? Il semble que oui. Et ainsi, nous découvrons qu’un travail fidèle implique la volonté, les émotions, l’âme et l’esprit (dans la mesure où nous appliquons nos convictions à notre ouvrage quotidien).

D’un autre côté, qu’en est-il si vous êtes chrétien et pianiste ou chrétien et cordonnier? Dans quelle mesure une vision chrétienne du monde a-t-elle un impact sur le genre de souliers que vous fabriquez ou sur votre manière de jouer la Sonate au clair de lune? La réponse n’est pas si claire.

Qui nous délivrera de cette complexité? Généralement, ceux qui ont commencé à lire des ouvrages sur la foi vécue au travail ou à s’engager dans des groupes ayant à cœur cette question se répartissent en deux catégories: (a) ils n’ont adopté qu’un seul courant théologique, ou (b) ils ont déjà été troublés par les lectures ou les enseignements contradictoires prônés par les différents courants existants. L’enseignement des Eglises et organisations qui insistent sur la nécessité de vivre la foi au travail a tendance à être quelque peu déséquilibré, car souvent, il met en avant un ou deux points et exclut tous les autres. En revanche, se contenter de combiner les préférences des uns et des autres en espérant que cela donnera un ensemble cohérent n’est pas non plus une bonne solution.

Nous ne prétendons pas résoudre tous les points de divergence dans le présent ouvrage, mais nous espérons clarifier les choses. Et nous pouvons commencer par faire deux remarques sur les affirmations listées ci-dessus.

Premièrement, si dans chacune de ces affirmations, nous ajoutons l’expression «avant tout» («C’est avant tout en… que je sers Dieu dans mon travail»), en réalité, elles se contredisent. Il nous faut en choisir une ou deux et laisser les autres de côté. D’ailleurs, c’est exactement ce que font, tacitement ou explicitement, la plupart des personnes qui dissertent sur des questions relatives à la foi vécue au travail. En revanche, si nous laissons ces phrases telles qu’elles, en affirmant que chacune d’elles est vraie, elles sont finalement complémentaires.

Deuxièmement, comme nous l’avons déjà mentionné, ces points de vue peuvent s’appliquer de manière très différente et revêtir une plus ou moins grande importance selon la profession que vous exercez, ainsi que la culture et la période historique dans laquelle vous vous trouvez.

En gardant ces deux principes à l’esprit, nous pouvons aller de l’avant et considérer la diversité des tendances, des affirmations et des opinions comme une sorte de boîte à outils nous permettant de

construire un modèle de foi au travail, et ce dans le secteur et le poste où nous sommes actifs, à l’époque qui est la nôtre.

Nous désirons non seulement clarifier les différentes manières de voir les choses dans ce domaine, mais aussi – et cela importe tout autant – les rendre plus vivantes, plus réelles et plus pratiques. Notre but est de nourrir votre imagination et de vous pousser à l’action par ce qu’enseigne la foi chrétienne (de manière directe ou indirecte) concernant ce sujet inépuisable. La Bible abonde en paroles de sagesse et d’espérance et en conseils utiles à quiconque apprend à travailler, cherche du travail, essaye de travailler ou s’apprête à travailler. Quand nous disons qu’elle «nous donne de l’espoir» pour notre travail, nous reconnaissons par là que le travail peut être extrêmement frustrant et difficile et que, si nous voulons pouvoir vivre notre vocation dans ce monde, notre espérance spirituelle doit être réellement profonde. Et je ne connais pas de meilleure illustration de cette espérance que la nouvelle de J.R.R. Tolkien (souvent ignorée) intitulée Feuille, de Niggle. 6

L’arbre existe vraiment

Après avoir travaillé un certain temps à la rédaction de son roman en trois volumes, Le seigneur des anneaux, J.R.R. Tolkien s’est retrouvé dans une impasse, bloqué dans son travail d’écriture. Il avait eu la vision d’un conte d’un nouveau genre, un genre qui n’avait pas encore été développé comme il désirait le faire. Etant un spécialiste du vieil

6 La nouvelle Feuille, de Niggle a été publiée pour la première fois en 1945 dans le périodique The Dublin Review. Les avis divergent sur sa date de rédaction. Selon Humphrey Carpenter, biographe de Tolkien, elle a été écrite en septembre 1944, soit à peu près au moment où le périodique lui a demandé un nouveau texte à publier (cf. Humphrey Carpenter, J.R.R. Tolkien, une biographie, Pocket, 2004). Pour Tom Shippey, en revanche, la rédaction date du début de la Seconde Guerre mondiale (cf. T.A. Shippey, JRR Tolkien: Author of the Century, Houghton Mifflin, 2000). La version française a tout d’abord été publiée dans le recueil Faërie et autres textes en 1974 (Christian Bourgeois éditeur), puis seule en 1984, aux éditions Chardon bleu. Les citations que nous ferons sont tirées du recueil Faërie et autres textes, Christian Bourgeois éditeur, 2003.

anglais et d’autres langues anciennes d’Europe du Nord, il savait que la plupart des légendes britanniques d’autrefois qui mettaient en scène des êtres «fabuleux» – elfes, nains, géants et sorcières – avaient disparu (contrairement aux mythologies grecque et romaine, ou même à la mythologie scandinave). Il avait toujours rêvé de recréer ou de réinventer quelque chose qui ressemblerait à une mythologie anglaise ancienne. Le Seigneur des anneaux trouve son origine dans ce monde perdu. Un tel projet avait nécessité d’inventer, au moins dans les rudiments, plusieurs langues et cultures fictives, ainsi qu’une histoire nationale vieille de plusieurs milliers d’années, tout cela pour donner au récit la profondeur et le réalisme que Tolkien jugeait indispensables à la rédaction d’un conte véritablement captivant.

Alors qu’il travaillait sur le manuscrit, il est arrivé au point où le récit comportait de nombreuses intrigues secondaires. Les personnages principaux voyageaient dans diverses parties de son monde fictif, ils affrontaient différents dangers et étaient pris dans des enchaînements compliqués d’événements. A ce stade, c’était un énorme défi que de développer toutes les intrigues et d’apporter une issue satisfaisante à chacune d’elles. En outre, la Seconde Guerre mondiale avait éclaté, et même si Tolkien, alors âgé de 55 ans, n’avait pas été appelé à servir dans l’armée, le spectre de la guerre l’oppressait lourdement. Il avait en effet connu personnellement les horreurs de celle de 14-18 et ne les avait jamais oubliées. La Grande-Bretagne se trouvait désormais dans une situation bien incertaine, sous la menace d’une invasion imminente. Qui savait s’il survivrait à ce conflit, même en tant que civil?

Il commençait à désespérer d’achever un jour l’œuvre de sa vie. Car il ne s’agissait pas d’un travail de quelques années seulement. Avant d’en commencer la rédaction à proprement parler, il avait passé des décennies à inventer des langues, des histoires, puis des histoires derrière l’histoire. La pensée de ne pas pouvoir terminer l’ensemble était

pour lui «épouvantable et paralysante» 7. A cette époque, il y avait un arbre au bord de la route, près de sa maison. Un jour, il a découvert que l’arbre avait été élagué et mutilé à la demande d’une voisine. Tolkien a alors pensé à son récit mythologique, son «arbre intérieur», qui risquait de subir le même sort. Car à ce moment-là, il avait épuisé son «énergie mentale et son inventivité»8. Puis, un matin, il s’est réveillé avec une courte histoire en tête et l’a couchée sur le papier. Lorsque le Dublin Review lui a demandé un texte à publier, il leur a envoyé sa nouvelle qu’il a intitulée Feuille, de Niggle et qui parle d’un peintre.

Les premières lignes de l’histoire nous apprennent deux choses au sujet de ce peintre. Premièrement, son nom: il s’appelle Niggle. Ce nom vient d’un verbe anglais que l’Oxford English Dictionary (auquel a contribué Tolkien) définit comme suit: «Travailler (…) d’une manière futile ou inefficace, (…) passer du temps, sans raison, sur des détails insignifiants.»9 Bien entendu, Niggle représente Tolkien lui-même, qui était tout à fait conscient d’avoir ce défaut. Il était en effet perfectionniste et toujours insatisfait de ses œuvres. Il se laissait en outre souvent détourner des questions importantes par des détails qui l’étaient moins, était facilement inquiet et avait tendance à remettre les choses au lendemain. Le personnage de Niggle a les mêmes traits de caractère.

Deuxièmement, nous apprenons que Niggle a bientôt un voyage à entreprendre: il «devait faire un long voyage. Il ne désirait pas partir; en vérité, l’idée même lui en répugnait; mais il ne pouvait faire autrement».10 Il remet continuellement ce voyage à plus tard, mais il sait qu’il ne pourra y échapper. Tom Shippey, qui était lui aussi professeur de

7 Pour cette citation et ce qui est dit juste après concernant Tolkien, cf. Carpenter, J.R.R. Tolkien, une biographie.

8 Ibid.

9 Cité dans Shippey, JRR Tolkien: Author of the Century.

10 Faërie et autres textes, p. 157.

vieil anglais à Oxford, explique que, dans la littérature anglo-saxonne, ce «long voyage inévitable» est la mort».11

Niggle est obsédé par un tableau qu’il essaye de peindre: il a dans l’esprit l’image d’une feuille, puis de tout un arbre. Voici ce que dit le récit:

Il avait commencé par une feuille prise dans le vent, mais il devint un arbre; et l’arbre crût (…). Puis, tout autour de l’Arbre, et derrière, à travers les trouées des feuilles et des branches, commença de se développer un paysage; il y eut des aperçus d’une forêt gagnant du terrain et de montagnes couronnées de neige.12

Niggle perd alors tout intérêt pour ses autres tableaux. Pour concrétiser sa vision, il utilise une toile si grande qu’il lui faut une échelle pour y travailler. Niggle sait qu’il va mourir, mais il se dit: «En tout cas, je terminerai cette peinture-ci, mon œuvre véritable, avant de partir pour ce sacré voyage.» 13

Il continue à travailler à sa toile, à «ajouter une touche par-ci ou effacer une tache par-là» 14, mais il n’avance guère. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, il est dit: «Il était de ces peintres qui peignent mieux les feuilles que les arbres. Il consacrait un long temps à une seule feuille…» 15 Il s’efforce de représenter parfaitement les ombres, les lumières et les gouttes de rosée. Ainsi, même s’il travaille dur, sa toile ne progresse que très peu. La seconde raison, c’est son «bon cœur». Il se laisse constamment distraire en faisant pour ses voisins des choses qu’ils lui demandent. L’un d’eux, surtout, nommé Parish, n’aime absolument pas voir Niggle peindre, et il le sollicite énormément.

11 Shippey cite un poème de la littérature dite vieil-anglaise (Bede’s death-song) qui évoque un «inévitable voyage», un long voyage que tous doivent faire et qui commence le jour de la mort.

12 Faërie et autres textes, p. 158.

13 Ibid., p. 159.

14 Ibid.

15 Ibid., p. 158.

Un soir, alors que Niggle a le sentiment, à juste titre, que son temps ici-bas arrive à son terme, Parish insiste pour qu’il aille, sous la pluie et dans le froid, chercher un médecin pour sa femme alitée. Suite à cela, Niggle attrape un refroidissement. Alors qu’il travaille désespérément à son tableau toujours inachevé, le Conducteur vient le chercher pour le voyage qu’il a toujours repoussé. Lorsqu’il se rend compte qu’il doit partir, il se met à sangloter, disant: «Ah, mon Dieu! (…) Et le tableau n’est même pas fini!» 16 Peu après sa mort, un villageois trouve dans un champ un coin arraché de la toile de Niggle. Il conserve le curieux morceau. Avec le temps, la plus grande partie s’émiette, mais une «merveilleuse feuille» reste intacte. L’homme la fait encadrer. Par la suite, il la lègue au Musée Municipal. Le récit dit ensuite: «Et, durant longtemps, ‘Feuille, de Niggle’ resta accrochée dans un recoin…» 17

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après sa mort, Niggle est emmené en train en direction des Montagnes célestes. A une certaine étape du voyage, il entend deux Voix. L’une semble être la Justice. Sur un ton sévère, elle lui reproche d’avoir perdu tant de temps et accompli si peu durant sa vie. L’autre, au ton plus agréable («bien qu’elle ne fût pas douce», est-il dit), semble être la Miséricorde. Elle réplique que Niggle a choisi de se sacrifier pour les autres en sachant ce qu’il faisait. En récompense, lorsque Niggle arrive non loin de la contrée céleste, quelque chose attire son regard. Il lève tête et tombe de sa bicyclette. Le récit continue ainsi:

Devant lui se dressait l’Arbre, son Arbre, achevé. Si l’on pouvait dire cela d’un Arbre vivant, dont les feuilles s’ouvraient, dont les branches croissantes se courbaient dans le vent que Niggle avait si souvent senti ou deviné et qu’il avait si souvent échoué à rendre. Contemplant l’Arbre, il leva les bras et les ouvrit tout grand. «C’est un don!» dit-il.18

16 Ibid., p. 167.

17 Ibid., p. 185.

18 Ibid., p. 176.

Le monde d’où il est parti, son ancien pays, a presque complètement oublié Niggle, et son œuvre inachevée n’a été remarquée que par peu de personnes. Mais dans son nouveau monde, le monde réel qui demeure, il découvre que son arbre, achevé dans les moindres détails, n’était pas juste un fruit de son imagination mort avec lui. Non, il fait vraiment partie de la Réalité Vraie, celle qui durera et sera appréciée pour toujours.19

J’ai raconté cette histoire de nombreuses fois à des personnes exerçant des professions diverses, et surtout à des artistes. Et peu importe ce qu’ils croient au sujet de Dieu et de la vie après la mort, ils sont souvent profondément touchés. Tolkien avait une compréhension très chrétienne de l’art et, en réalité, de tout travail.20 Il croyait que Dieu nous donne des dons et des capacités afin que nous puissions faire les uns pour les autres ce qu’il veut accomplir pour nous et à travers nous. Par exemple, en tant qu’écrivain, il pouvait aider les lecteurs à trouver un sens à leur vie en racontant des histoires qui décrivent la nature du réel.21 Niggle est certain que l’arbre qu’il a «senti ou deviné» fait «véritablement partie de la création» 22 et que même la petite partie qu’il en a dévoilée aux gens sur la terre était une vision du Vrai. Cette histoire, écrite par lui-même, a profondément réconforté Tolkien. Elle

19 Tom Shippey et Humphrey Carpenter donnent deux interprétations quelque peu différentes de la fin de l’histoire. Pour Carpenter, l’arbre de Niggle «fait véritablement partie de la création», c’est-à-dire qu’il a toujours été là, dans le royaume véritable et glorieux de Dieu. En tant qu’artiste, Niggle a donné au monde un aperçu très partiel de ce royaume à venir, de cette vérité sousjacente. Shippey est même plus ambitieux encore. Il écrit: «La récompense de Niggle est de voir que son tableau devient réalité [italiques ajoutés par moi-même] à la fin de son voyage, que sa ‘sous-création’ est reconnue par le Créateur.» En d’autres termes, pour le récompenser, Dieu a fait devenir réalité dans le monde céleste ce que Niggle avait imaginé dans son esprit d’artiste.

20 Shippey souligne qu’à l’origine, le Dublin Review avait demandé à Tolkien une œuvre littéraire empreinte d’«humanité catholique». En d’autres termes, pour Tolkien, cette histoire exprimait précisément une vision chrétienne et catholique de la créativité et de l’art. Shippey souligne encore que, dans le royaume céleste tel qu’il est décrit dans la nouvelle, il y a un «berger», ce qui, de toute évidence, fait référence à Christ.

21 Cf. Des contes de fées, essai bien connu de Tolkien, contenu dans le recueil Faëries et autres textes.

22 Carpenter dans sa biographie de Tolkien.

l’a aidé à «exorciser certaines peurs et à se remettre au travail», même si l’amitié et le coup de pouce affectueux de C.S. Lewis y ont aussi contribué.23

Les artistes et les entrepreneurs peuvent facilement s’identifier à Niggle. Ils travaillent à partir de visions – souvent très grandes – d’un monde qu’ils ne peuvent qu’imaginer. Peu d’entre eux la concrétisent de manière significative, et moins encore affirment s’en être vraiment rapprochés. Ceux d’entre nous qui ont tendance à être excessivement perfectionnistes et méthodiques, comme Tolkien, peuvent aussi très bien se retrouver dans le personnage de Niggle.

Mais à vrai dire, tout le monde ressemble à Niggle. Tout le monde s’imagine accomplir des choses, mais pour se découvrir généralement incapable de les réaliser. Tout le monde veut réussir plutôt que d’être oublié, et tout le monde veut avoir un impact dans le monde. Mais cela ne dépend pas de notre volonté. Si cette vie est tout ce qui existe, alors tout finira par se consumer sous le soleil et il ne restera plus personne pour témoigner de ce qui a été. Tout le monde sera oublié, rien de ce que nous faisons ne changera quoi que ce soit, et tous nos efforts, mêmes les meilleurs, auront été vains.

Sauf si Dieu existe. Si le Dieu de la Bible existe, et s’il y a une Réalité Vraie au-delà de la nôtre, et si cette vie n’est pas la fin de tout, alors tout effort pour le bien, même le plus modeste, accompli en réponse à l’appel de Dieu, peut avoir une valeur éternelle. C’est ce que l’Ecriture promet: «Travaillez de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas sans résultat dans le Seigneur» (1 Corinthiens 15.58). Paul parlait du service chrétien, mais la nouvelle de Tolkien montre qu’en fin de compte, cela peut être vrai de tout travail. Par ses convictions chrétiennes, Tolkien pensait accomplir un travail très modeste aux yeux de ce monde. (Le comble, c’est qu’il a publié une des œuvres littéraires les plus vendues au monde, que beaucoup considèrent comme une œuvre de génie.)

23 Ibid.

Qu’en est-il de vous? Imaginons que vous êtes jeune et que vous vous décidiez de vous engager dans l’aménagement urbain. Pourquoi choisir cette voie? Parce que vous vous passionnez pour les villes et que vous avez en tête la vision de ce que devrait être une vraie ville. Cependant, le découragement vous guette, parce que, au cours de votre vie, vous n’arriverez probablement pas à faire beaucoup plus qu’une «feuille» ou une «branche». En revanche, il existe réellement une nouvelle Jérusalem, une cité céleste, qui descendra «du ciel (…), préparée comme une mariée qui s’est faite belle pour son époux» (Apocalypse 21.2).

Ou imaginons que vous soyez avocat. Vous avez choisi le droit, parce que vous avez une vision de la justice, une vision d’une société épanouie où règnent l’équité et la paix. Mais dans dix ans, vous serez profondément désabusé(e), parce que vous vous rendrez compte que, malgré tous vos efforts pour travailler sur des choses importantes, vous êtes finalement occupé(e) à beaucoup de choses insignifiantes. Une ou deux fois dans votre vie, peut-être, vous aurez l’impression d’avoir enfin réussi à «terminer une feuille».

Mais quel que soit votre travail, sachez une chose: l’arbre existe vraiment! Quoi que vous recherchiez par l’activité que vous exercez (une cité où règnent justice et paix, un monde d’éclat et de beauté, l’histoire parfaite, l’ordre, la guérison) cela existe. Il y a un Dieu, qui établira un monde restauré, monde dont votre travail témoigne (partiellement) auprès des autres. Par votre travail, vous ne réussirez que partiellement – et ce seulement durant vos meilleurs jours – à vous rapprocher de ce monde. Mais l’«arbre parfait» que vous recherchez –la beauté, l’harmonie, la justice, le bien-être, la joie et l’unité – deviendra forcément réalité un jour. Si vous savez tout cela, vous ne serez pas découragé(e) de ne parvenir à produire «qu’une feuille ou deux» durant cette vie. Vous travaillerez dans le contentement et la joie. Vous ne tomberez pas dans la suffisance en cas de succès et ne serez pas dévasté(e) en cas d’échec.

J’ai juste dit: «Si vous savez tout cela.» Car pour pouvoir travailler ainsi, c’est-à-dire pour pouvoir recevoir la consolation et la liberté que Tolkien a reçues, grâce à sa foi chrétienne, par rapport à son travail, vous devez connaître les réponses de la Bible à trois questions:

1. Pourquoi voulons-nous travailler? C’est-à-dire, pourquoi avonsnous besoin de travailler pour mener une vie épanouie?

2. Pourquoi est-il si dur de travailler? C’est-à-dire, pourquoi cela s’avère-t-il si souvent vain, inutile et difficile?

3. Comment pouvons-nous surmonter ces difficultés et trouver de la satisfaction dans notre travail par l’Evangile?

C’est à ces trois questions que nous tenterons de répondre à travers ce livre qui, par conséquent, est divisé en trois parties.

Keller avec Katherine Leary Alsdorf

Dans un monde de plus en plus axé sur le rendement et la compétitivité, et à une époque marquée par la précarité professionnelle, bien des questions se posent: Quel est le sens de mon travail? Pourquoi est-il souvent si difficile? Puisje y changer quelque chose?

Ce sont ces questions et bien d’autres que Timothy Keller aborde ici. Les réponses qu’il apporte ne sont pas superficielles. Solidement étayées et bibliquement fondées, elles nous encouragent à puiser dans l’Ecriture la sagesse qui nous permet de faire face aux défis de la vie professionnelle d’aujourd’hui.

Un ouvrage complet, une référence!

Après des études universitaires et théologiques, Timothy Keller a servi comme pasteur à Hopewell, en Virginie. C’est en 1989 qu’il a fondé l’Eglise Redeemer à New York. Aujourd’hui, elle compte plusieurs milliers de participants réguliers au culte du dimanche, et elle a pu contribuer à l’implantation de plus de 200 nouvelles Eglises à travers le monde. Timothy Keller a signé de nombreux ouvrages, dont Le Dieu prodigue, Rencontres avec Jésus, Les psaumes de Jésus et Sagesse de Dieu pour la vie, parus chez le même éditeur. Timothy Keller s’est éteint en mai 2023, après un long combat contre la maladie.

Timothy

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