Avant-propos P.5
Chapitre 0 P.12
L’équipe française
Chapitre 1
P.16
Walcourt (près de Charleroi) Le déficit d’identité
P.30 En promenade à la Grande ville
Interlude
P.40 À la recherche du dispositif
P.48 L’idée : Le patrimoine du futur -
Souvenirs du XXIe siècle
Chapitre 2
P.58 Saint-Jean-de-Boiseau P.78 L’art et le doute P.92 Le trio belge
Avant-propos
P.5
Avant-propos Wallonie-Bruxelles Architectures
& la Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire
LE DISPOSITIF DE RÉSIDENCE D’ARCHITECTES Les résidences d’architectes portent un projet culturel ambitieux qui crée les conditions de rencontres et d’échanges autour des enjeux d’aménagement des territoires. Structurées autour d’un processus de partage de savoirs, de mutualisation des pratiques et de transfert d’expérimentations, cette résidence européenne questionne les réalités des territoires périurbains de Saint-Jean-de-Boiseau en France et Walcourt en Belgique et la structuration des métropoles, Nantes et Charleroi.
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Ces laboratoires innovants des territoires construisent de nouvelles formes d’exercices pour les professionnels de l’aménagement, appelant des processus hybrides questionnant les figures architecturales, urbaines et paysagères répondant aux nouveaux enjeux contemporains. Elles réunissent des architectes, accompagnés d’acteurs issus d’autres champs disciplinaires (dessinateurs, plasticiens, paysagistes, cinéastes, écrivains etc.). Elles ouvrent des temporalités d’actions avec les habitants, les élus, les services de l’aménagement des territoires, les acteurs culturels et économiques. L’APPEL À RÉSIDENCE Wallonie-Bruxelles Architectures et la Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire, pilotent et coproduisent cette première résidence européenne d’architectes et de dessinateurs franco-belge en 2019. Créé en 2010, émanation de Wallonie-Bruxelles International et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Wallonie-Bruxelles Architectures (WBA) soutient la diffusion et la promotion internationales des pratiques du secteur architectural (architectes, urbanistes, paysagistes, photographes, graphistes...) issues de Wallonie-Bruxelles. WBA a pour missions de promouvoir et valoriser à l’étranger le savoir-faire des architectes de la Fédération Wallonie-Bruxelles; de les accompagner et de leur apporter un soutien dans leurs démarches à l’exportation. Créée en 2004, la Maison régionale de l’architecture des Pays de Loire est une association inscrite dans son territoire. Elle constitue une plateforme collaborative de recherches, de créativités et d’actions, adossée aux acteurs et aux dynamiques locales, autour de deux échelles, celle du paysage ur-
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bain/naturel et celle de l’architecture. La Maison régionale de l’architecture des Pays de Loire est membre d’un réseau national regroupant 33 maisons de l’architecture en France. Le Réseau des maisons de l’architecture est une plateforme de mutualisation des compétences, des expériences et des réflexions menées par ces associations réparties en France et départements outre-mer, jusqu’au Québec. La résidence européenne d’architectes et de dessinateurs se structure autour d’une collaboration entre deux pays, deux communes et deux équipes résidentes - une Française et une Belge francophone - partageant une culture et des approches d’aménagement du territoire différenciées. LES TERRITOIRES Walcourt est une ville francophone de Belgique située dans la province de Namur, au confluent de l’Eau d’Heure et de l’Yves. Située à 20 km au sud de la ville de Charleroi, la commune de Walcourt (18.376 habitants) est composée de 16 villages dont celui de Walcourt qui compte 2.021 habitants. Pour la commune, la création d’un nouveau quartier sur un ancien site industriel est l’occasion de réfléchir aux enjeux suivants : l’appropriation par les habitants, l’accueil d’une nouvelle population, les questions liées aux différents modes de mobilité, ... Le nouveau quartier est situé à un endroit charnière entre la ville haute historique et la ville basse plus industrielle proche de la gare, à la confluence des deux rivières. Saint-Jean-de-Boiseau, fait partie des 24 communes de la métropole Nantaise en Loire Atlantique. Le renouvellement urbain a été assuré au fil des années par une extension sur l’espace agricole. Cependant, l’architecture contemporaine initiée ré-
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cemment par l’équipe municipale sur quelques opérations référentes, définit un cadre de vie renouvelé qui cherche à révéler l’identité paysagère communale. Victime depuis des décennies du phénomène de prolifération et de morcellement parcellaire, souvent écartelé entre un espace rural en déprise et celui de la ville repoussant toujours ses limites, le périurbain connaît aujourd’hui des enjeux fondamentaux de requalification et de renouvellement, devant l’obsolescence du modèle du pavillonnaire et du lotissement source d’un étalement urbain sans fin. Le périurbain se caractérise par une densité de bâti relativement faible, une forte dépendance à un pôle urbain d’emploi et de service et une morphologie fortement marquée par le « tout voiture ». Cependant, cet « idéal résidentiel » se trouve contraint d’évoluer et doit s’adapter aux nouveaux usages, nouvelles pratiques des habitants et à leurs attentes en termes de qualité de vie. Des collectivités locales, conscientes de la nécessité de resserrer leur tissu urbain afin de sauvegarder les terres agricoles, d’optimiser leurs réseaux et voiries, de réduire les déplacements de leurs habitants et de favoriser une vie locale, cherchent à reconstruire leur paysage bâti autour de nouvelles valeurs, en phases avec les enjeux de la transition écologique. De même, cette dépendance au pôle urbain se voit remise partiellement en cause par des changements de paradigmes sociaux, économiques et culturels et l’avènement du numérique qui ouvre la possibilité de travailler et d’habiter dans un même lieu, en phase avec son environnement écosystémique. La résidence propose de questionner ce territoire, ses usages, ses figures fantasmées, ou non, l’architecture contemporaine, la relation ville/campagne. Elle questionne les enjeux environnementaux liés aux formes urbaines denses et les modes de
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représentation du bâti. Elle initie un travail de collaboration qui produit un récit illustré capable de dynamiser les habitants dans leur culture architecturale. Il ne s’agit pas de concevoir un projet, mais de produire une pensée, un récit, et de mettre en œuvre les moyens pour les partager avec le plus grand nombre. L’équipe résidente belge a été sélectionnée à l’issu d’un appel diffusé du 11 janvier au 15 février 2019 par Wallonie-Bruxelles Architectures. Cet appel s’adressait aux architectes, architectes du paysage, urbaniste associé à un bédéiste ou artiste dessinateur. En 2019, 10 Maisons de l’architecture membres du Réseau des maisons de l’architecture proposent 10 résidences d’architectes en France. Cette première résidence européenne d’architectes et de dessinateurs Franco Belge intègre ce dispositif national soutenu par le Mécénat de la Caisse des Dépôts, le Conseil national de l’Ordre des architectes et le Ministère de la culture.
Chapitre 0 P.12 L’équipe française
L’équipe française Étienne Duval, architecte & illustrateur, vit et travaille à Luxembourg. Il a grandi à Woippy, en périphérie de Metz, en Lorraine. Moi, Jean Chauvelot, auteur de bande dessinée, je vis et travaille à Paris. J’ai grandi à Donjeux en Haute Marne. Nous nous sommes rencontrés à Metz et notre amitié a vite été une évidence. C’est d’abord notre désir de travailler ensemble qui nous a poussés à répondre à cet appel à résidence. À l’époque, nous ne nourrissions pas encore de passion dévorante pour toutes ces questions de densification périurbaine ni ne nous posions tant de questions sur la façon dont les populations vivent leur territoire au regard du bâti du XXIe siècle.
Chapitre 1 P.16 Walcourt (près de Charleroi)
Le déficit d’identité C’est sur ce point de départ qu’Étienne et moi avions choisi d’articuler nos réflexions. Puisque le mot «périurbain» lui-même ne se définit que «par rapport à » (- l’urbain), puisqu’il porte en lui cette impossibilité de se définir par lui-même, nous nous sommes mis en tête de partir à la recherche de l’identité de ces lieux qui n’ont même pas un nom à eux. Nous avions déjà l’intuition que la réponse n’existait pas, évidemment, que si aucun meilleur mot n’avait été trouvé pour définir ces lieux jusqu’ici, ce n’est pas nos petits cerveaux qui réussiraient à les baptiser correctement en 6 semaines d’investigation, mais tout de même. Nous nous sommes mis en tête de partir à la recherche de l’identité de ces lieux-là, de rencontrer ces territoires en rencontrant leur population, rencontrer et questionner. Le bâti du XXIe siècle comme toile de fond. Afin de jouer le jeu de la découverte du lieu avec la candeur la plus intacte, Etienne et moi n’avons pas cherché à découvrir Walcourt par le biais de recherches préalables. À ce stade de l’aventure, nous sommes persuadés que nous allons nous retrouver dans un endroit qui ressemble à ce qu’on appelle «la France moche», dans certaines revues françaises, dans Télérama par exemple. Nous ne savons pas encore à quel point Walcourt va nous prendre à revers.
Chapitre 1 P.30 Walcourt (près de Charleroi)
En promenade À la Grande ville Paniqués, et revenus de la joie qu’a été pour nous de découvrir que Walcourt n’était pas un bout de «France Moche» belge, il fallait quand même qu’on réfléchisse à propos du bâti du XXIe siècle dans ce bourg de belles vieilles pierres. « Qu’est-ce
qu’on va bien pouvoir raconter ? »
Nous avions été aveuglés par le patrimoine local et avions perdu notre sujet en route. Nous devions sortir notre tête de notre obsession passéiste.
Catastrophe. « On est là pour quoi déjà ? Convoquer le bâti du XXIe dans ce territoire périurbain ? - Oui et non, disons oui » Qui dit « périurbain » dit bien que quelque part il y a une ville. Une ville qui, par sa proximité et son importance, donne au territoire dit « périurbain », défini en fonction d’elle, donc, une part de son identité. « C’est peut-être à Charleroi qu’on trouvera la réponse à nos questions ? »
Interlude P.40 À la recherche du dispositif
À la recherche du dispositif Au-delà de ce livre qui a pour objectif de consigner quelque part les réflexions que nous avons menées et la petite aventure que nous avons vécue, Etienne et moi tenions à ce que la résidence donne lieu à une restitution physique en volume, à une échelle arpentable. Pas quelque chose qui tienne dans la poche : quelque chose qui se confronte au bâti. Une installation, quelque chose que l’on retrouve dans l’espace public et qui soit le résultat de notre réflexion et pas uniquement la description de celle-ci. Alors que nous découvrions avec candeur un territoire qui ne nous a pas vus grandir, nous nous sommes donc mis à réfléchir intensément à la question suivante : « Comment
proposer aux gens de redécouvrir leur territoire ? »
Forts de la certitude que le bâti du XXIe siècle, bien que timide - voir pratiquement inexistant à Walcourt - va bien finir par transfigurer l’endroit... C’est en s’y promenant que l’on a trouvé Charleroi si vivante et passionnante, promenons-nous à Walcourt. Quant à ce bâti du XXIe siècle, et si c’est nous qui l’inventions? On explique tout ça dans 8 pages.
Interlude P.48 L’idée
L’idée
Le patrimoine du futur Souvenirs du XXIe siècle Je suis tombé par hasard sur la CUNNINGHAM’S LAW STATES, sur le mur Facebook de mon ami Paul Charles. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle se retrouve un jour au cœur d’une réflexion quelconque, mais dans notre cas très précis, c’est exactement la citation qui nous arrange : « (SUR INTERNET) LA MEILLEURE FAÇON D’OBTENIR LA BONNE RÉPONSE À UNE QUESTION N’EST PAS DE POSER LA QUESTION, MAIS DE DONNER UNE MAUVAISE RÉPONSE » Car c’est systématiquement dans ce cas de figure qu’internet tout entier va se soulever pour te prouver que tu as tort, et au fil des débats, des échanges plus ou moins virulents, des contradictions et des approbations, il n’est pas impossible de ressortir du pugilat avec un élément de réponse correct. Dans notre cas il ne s’agit pas d’internet, mais de l’espace public. Et notre question n’attend pas réellement de réponse, nous cherchons surtout à déclencher le questionnement auprès du plus grand nombre. Le plus grand nombre de la population de Walcourt pour commencer. La question ne se formule d’ailleurs pas vraiment clairement dans nos têtes, alors ce jeu de mauvaises réponses nous arrange bien. Nous voulons que les gens s’interrogent sur leur territoire, qu’ils se questionnent sur son identité, nous voulons - en empruntant à la grammaire locale - que tout un chacun se sente la légitimité de ré-inventer son chez lui..
Chapitre 1 P.49 Walcourt (près de Charleroi)
Alors en récupérant la mythologie walcourienne, devenu notre centre du monde depuis presque 3 semaines, nous décidons de questionner le bâti à venir, sous la forme d’une promenade marchée dans le bourg, une promenade que l’on arpente en allant d’un panneau «patrimonial» à l’autre (de ces mêmes panneaux que Walcourt utilise pour raconter son patrimoine aujourd’hui même), des panneaux qui racontent, depuis le XXIIe siècle, les aléas sociétaux que le monde a traversés - traversera - tout au long du XXIe siècle, et les conséquences supposées sur l’architecture de ce siècle. Du patrimoine du futur en somme, les souvenirs du XXIe siècle, depuis le XXIIe. Nous proposons donc des versions «fausses», disons fantasmées d’un Walcourt à venir, racontées dans des panneaux disposés dans le bourg afin d’y proposer une nouvelle promenade, une nouvelle marche patrimoniale du futur, puisque nous avons pris la liberté d’augmenter le patrimoine walcourien déjà si dodu de mythes, légendes et historiettes de notre cru. Une série de panneaux parfois ubuesques, parfois distopiques, parfois plein d’espoir, parfois poétiques parfois non, mais toujours fantasques, à vocation de réappropriation, et toujours nourris du désir que tout un chacun puisse se dire en sortant de la promenade : « Moi aussi je peux réinventer mon chez-moi », car rêver un peu n’est pas l’apanage des résidents outsiders.
Chapitre 2 P.58 Saint-Jean-de-Boiseau
Saint -Jeande-Boiseau Lorsque nous prenons la route pour Saint-Jean-de-Boiseau, bourgade de la métropole Nantaise, nous tâchons de l’aborder avec la même candeur que lorsque nous nous dirigions vers Walcourt, avec ce même souci d’une part de ne pas nous encombrer d’a priori sur la « France moche » que le mot « périurbain » fait spontanément raisonner dans nos cerveaux si plein d’a priori, mais d’autre part avec l’effort de ne pas entrer dans une comparaison incessante avec Walcourt, qui déjà avait réussi à balayer tout ce que nous pensions savoir du périurbain. Nous essayons de tout oublier afin de construire notre réflexion sur une base fraîche, oublier notamment qu’à Walcourt, c’est le patrimoine qui a fait l’identité du lieu à nos yeux. Mais c’était impossible de faire cette table rase car en vrai on avait bien trop envie que le dispositif imaginé pour Walcourt fonctionne ici. Pourquoi ne fonctionnerait-il pas d’ailleurs ? Nous débarquons à Saint-Jean-de-Boiseau avec aucune autre certitude que, quoi que nous y trouvions, nous proposerons une promenade aux gens, d’un panneau à l’autre, qu’il nous reste à inventer en empruntant à la grammaire locale.
La découverte de SAINT-JEAN DE BOISEAU dans une voiture conduite par M. le Maire, a été un moment d’une assez grande intensité. Un moment que je m’étais promis de résumer, posément, en une ou deux doubles pages de bande dessinée, où je nous aurais mis en scène sur fond de carte de la ville, allant de ce point-là à ce point-là, en nous questionnant sur ceci ou cela... Mais je n’ai jamais réussi à trouver ni le temps ni l’énergie pour me lancer dans ce chantier. Mais je note tout ceci ici à la place. Dans la Clio pourrie de M. le Maire, puis dans une voiture de la commune conduite par M le directeur du cabinet, nous nous sommes vus montrer tant de choses en si peu de temps, avons entendu tant d’histoires, de dates, de noms, de mots compliqués. Tout ceci était passionnant à n’en point douter, je n’ai malheureusement, en voiture, aucune espèce de possibilité de prendre des notes sans avoir mal au cœur, et comme un idiot, je n’ai pas pensé à configurer à régler mon téléphone en dictaphone... Cela dit, la retranscription seule de cette demi-journée en voiture aurait pu faire un livre complet, et ce n’est pas de ceci qu’il s’agit exactement. Pas de regret, donc, d’autant plus que je crois même que je préfère raconter tout ceci avec les omissions et les erreurs que j’ai pu faire en écoutant et regardant, et les oublis et raccourcis que j’ai pu faire depuis. Quoi qu’il en soit, SAINT-JEAN m’est apparu comme une espèce de cité s’étendant sur mille milliards de kilomètres, dont l’arpentage n’est possible que depuis une automobile. À tort évidemment, car l’avenir m’aura fait prendre conscience de la faisabilité de la promenade à pied, et que même, à Saint-Jean, on est jamais à plus de 3 minutes à pieds d’un petit chemin dans les bois. Je suis encore, comme toujours, contaminé par la nostalgie des marches de WALCOURT et ses vieilles pierres et le fantasme que je garde de son échelle humaine, alors que le SAINT-JEAN que je découvre m’apparait comme un territoire distendu et exclusivement automobile.
Je suis à peu près sûr d’avoir compris l’histoire de travers, mais j’ai le sentiment que pour bien comprendre Saint-Jean il est nécessaire de faire un peu d’histoire. Je la maitrise peu mais je peux vous raconter ce que j’en ai compris dans les grandes lignes. Que mes approximations vous donnent en-
qui va avec : Un village de pêcheur, donc, armateurs, marins ou assimilés et autres métiers qui riment avec la proximité du fleuve, de l’estuaire, et de l’océan. Mais il y a eu la deuxième guerre mondiale, et les allemands ont coulé des navires dans la Loire pour la rendre impraticable aux américains qui débarquaient en
vie d’aller interroger les gens de Saint-Jean, la société d’histoire, ou même carrément le maire! SaintJean-de-Boiseau s’est construite en bord de Loire (un bras de Loire pour être plus précis). Comme toute bourgade au bord de l’eau, elle s’est construite dans une tradition
Normandie, et qui auraient pu la remonter pour pénétrer les terres... Et ce pile au niveau de Saint-Jean. Puis la guerre s’est terminée. Et quand la guerre s’est terminée, plutôt que d’ôter toutes ces épaves rendant impraticable ce bout de Loire, certainement parce que ça
coutait moins cher au contribuable, hé bien on a DÉTOURNÉ LA LOIRE. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, donc, Saint-Jean s’est vue privée de Loire. Étienne et moi, qui réfléchissons à l’identité des endroits en déficit d’identité que nous arpentons, nous sommes dit qu’en terme de psychanalyse du
pose que Saint-Jean a survécu, la preuve, Saint-Jean est encore là et son constructivisme est tonitruant ! Vu de ma fenêtre de non architecte, non urbaniste, moi qui n’y comprends rien en psychanalyse mais qui pourtant me passionne, je me mets à la place de la bourgade et me dit que j’ai plutôt intérêt à
lieu, on était sur un très beau cas d’école de déracinement. Ou d’arrachement. Ou quelque chose qui dit que soudain, plus rien n’a de sens. Comment une bourgade dont la première raison d’existence était la proximité du fleuve peut continuer à exister sans le fleuve ? Je sup-
tout faire pour exister très fort, afin de palier à ce traumatisme. Une politique super constructiviste de la trempe de celle que nous découvrions dans la voiture de M. le Maire me semble donc une réponse tout à fait cohérente à l’histoire du bourg. Comme quand on a frôlé la
mort et qu’on se dit maintenant il faut vivre à fond. Cela dit tout n’est certainement pas si simple, on ne résume pas une politique urbanistique à coup d’évocation d’une histoire erronée (et l’air de rien, plutôt récente), mais c’est tout de même l’arrière-goût que m’aura laissé tout ceci. Avec M. le Maire, nous évoquions la possible plainte des gens qui disent « olala mais rien ne ressemble plus à comme avant, où est l’identité de notre bourg si on continue d’y empiler pavillons et blocs et trucs et machins ? », et l’amoureux de la vieille pierre que je suis pourrait être de ces détracteurs, mais M. le Maire ne se démonte pas : M. le Maire, il n’y a pas plus attaché à Saint-Jean, il pourrait très bien partager la nostalgie des vieilles pierres, mais non. Il y a plus urgent que sauvegarder la vieille pierre, il faut loger les gens de dans de bonnes conditions, et faire avec le PLUM, et rester conscient de la transition écologique, et prioriser sur la culture et l’éducation, anticiper sur les besoin agricoles, combler les dents creuses, économiser l’énergie, dynamiser le centre-bourg, rassembler les hameaux pour que Saint-Jean fasse ville et.. et... et est-ce que c’est vraiment le bâti qui fait l’identité d’un bourg ? Estce que ça pourrait pas être finalement la fluctuation de ce bâti ? Le mouvement ? Le dynamisme, les propositions de développement ? L’inventivité et la qualité de vie ? Sortis de cette promenade automobile, les jambes molles, le cerveau près à éclater... Tout ce que Walcourt avait balayé de ce qu’on pensait trouver derrière les mots « périurbain » ou « bâti du XXIe siècle » ou encore « densité de population » m’est revenu en pleine face.
Chapitre 2 P.92 Saint-Jean-de-Boiseau
Le trio belge J’y ai très brièvement fait allusion lors de l’introduction du binôme français qu’Étienne Duval et moi-même formons : La résidence, en plus d’être en 2 temps nous concernant, est aussi divisée en DEUX ÉQUIPES. Il y avait donc nous, Étienne et Jean, à Walcourt puis à Saint-Jean-de-Boiseau, mais il y avait aussi eux, le « trio belge » : Virginie Pigeon, Anne Ledroit & Éric Valette. Eux auront utilisé la totalité du temps de la résidence pour travailler sur Saint-Jean-de-Boiseau. Je vous explique pourquoi : En réalité le Site Brichart, à Walcourt, l’élément de bâti du XXIe siècle qui n’est pas encore sorti de terre, ce Site Brichart même qui a justifié notre présence là-bas alors qu’il n’existe pas, nous conduisant donc à fantasmer le bâti du XXIe depuis le futur, et bien ce «projet Site Brichart », c’est Anne et Virginie et Éric (à son échelle de 1% culturel si j’ai bien compris) qui l’ont conçu - un très beau projet par ailleurs. Si vous avez du mal à comprendre c’est normal, mais ce n’est pas grave. C’est aussi pour que vous compreniez le caractère tâtonneux et plein de doutes de notre réflexion, et la difficulté que nous avons rencontrés et rencontrons encore à bien définir les tenants et aboutissants de tout ceci. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’à ce stade de doute et de panique, et à ce moment où Étienne et moi-même ne trouvions plus ni l’énergie ni l’angle d’attaque ni la foi de nous lancer à corps perdu, comme nous l’avions fait à Walcourt, dans la fabrication d’une promenade poétique et pertinente qui rentrerait en résonance avec le patrimoine auquel les gens sont attachés tout en leur faisant redécouvrir le bâti qui les entoure, et bien à ce moment-là ou - je peux le confesser à présent - où je pensais jeter l’éponge, nous avons rencontré ce TRIO BELGE. Ce TRIO BELGE avait de l’avance sur nous, il avait certainement même déjà pensé à tout. Et il saurait nous tirer de notre marasme.
Cette première résidence européenne d’architectes et de dessinateurs franco-belge 2019 a reçu le soutien de Le Réseau des Maisons de l’architecture, Le Mécénat de la Caisse des Dépôts, Nantes Métropole, La Ville de Saint-Jean-de-Boiseau, La Direction Régionale des Affaires Culturelles des Pays de la Loire, Le Pôle métropolitain Nantes / Saint-Nazaire, La Médiathèque Edmond Bertreux de Saint-Jean-de-Boiseau, L’école élémentaire publique Robert Badinter de Saint-Jean-de-Boiseau, Les associations de la commune de Saint-Jean-de-Boiseau, La Maison Fumetti, Le Centre culturel de Walcourt, La Faculté d’architecture et d’urbanisme de Université Libre de Bruxelles, Le Service général des Lettres et du Livre - Fédération Wallonie Bruxelles.
Les dessins et les textes sont de Jean Chauvelot jean.chauvelot@gmail.com mis en page par Matthieu Becker www.matthieubecker.com pour le compte des éditions LeMégot Novembre 2019 www.lemegot.com