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MÉTIER D'ANTAN
Texte : Corinne Daunar Photos CD et M.NUBUL
Le capitonneur, en voilà un artisanat rare, insaisissable, qui refuse souvent de se cantonner à sa définition : le capitonneur, tel qu’il exerce en Martinique ou en Guadeloupe a pourtant marqué de nombreuses générations et de salons d’intérieur. Aujourd’hui, et malgré les soubresauts du métier, il se veut éminemment moderne, au service de nouveaux passionnés.
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Un métier d’art
Le métier part d’un objet simple : rembourrer un fauteuil ou un siège en piquant une garniture en plusieurs endroits. Pourtant, la multiplicité des méthodes, des ouvrages et des demandes en fait un savoir-faire étonnement mouvant, où chaque artisan en dessine une nouvelle facette. Les appellations sont aussi nombreuses peut être, que les projets : tapissier, bourrelier-matelassier, couturier, sellier garnisseur… Sous nos latitudes, c’est le capiton, cette fameuse petite surpiqûre sur le trône matelassé, qui consacre l’usage : le capitonneur, sera le maître de vos intérieurs. Il est, dans notre imaginaire antillais, celui qui, d’un coup de ciseau sûr, redonne vie aux objets : sans doute présent aux premiers temps des colonisations, c’est bien le XXe qui lui donne sa patine actuelle, là où s’affinent les techniques et la modernité. La tradition antillaise porte l’amour du beau meuble, durable et qui se transmet de génération en génération. De ces pièces d’héritage, les tissus et rembourrages sont les parties les plus exposées à la morsure du quotidien. Banquettes, sièges, coussins : tout ce qui se garnit est ici retraité ou remplacé par des capitonneurs, aux carnets de commandes débordants. Pourtant, dans ces ateliers, l’on répare et l’on conçoit pour le temps long.
Des techniques nombreuses
L'habilité souvent s'acquière sur le tard, précieusement et longuement transmise par les artisans déjà en place. Nombre de maîtres ne comptent pas les années passées aux côtés de leur mentor avant de prendre leur envol ou de récupérer le pas de porte. S’il est un métier où l’expérience prend toute son ampleur, c’est bien celui-ci. Les compétences à affuter sont illimitées : métrer le revêtement, tailler, coudre, démonter, assembler, chaque projet mobilise un monde de précisions. Il faut dire que l’on parle bien d’art, à la confluence de nombreux savoir-faire : couture, tapisserie, parfois même connaissance du bois : la polyvalence est reine pour devenir capitonneur. Dans les années 1970’, le métier lui est encore vivace, chaises et fauteuils s’empilent pour retrouver vie et accompagner fidèlement des générations de séants. L’atelier explose les sens : l’odeur de colle, partout, imprègne l’âme du visiteur : chutes de cuirs, de tissus, de vinyle en tout genre jonche les étagères et les établis. Étaux, pinceaux, ciseaux, couteaux, lames s’accumulent dans les tiroirs. Et puis, surtout, trône la pièce maîtresse, celle qui cadence la journée et impose son fracas : la machine à coudre, souvent industrielle, régulièrement modifiée et adaptée tant au métier qu’à l’artisan. Elle avale tous les types de revêtements et surpique en fanfare les prochains salons de famille. 12
Capitonneur d’aujourd’hui
Aujourd’hui, la succession pourtant est difficile à mettre en œuvre, là où les apprentis se font rares : importance du savoir-faire, exigence de la formation, temps long de l’engagement et rigueur impérative, commandes incertaines… l’horizon de ces artisans tapissiers n'est pas simple. Le métier tient peut-être son salut dans le haut de gamme : montage à la main, créations originales, finitions délicates… De nombreux domaines sont désormais investis et explorés, de la sellerie automobile au monde de la mer : possible que, sous la férule d’amateurs d’ouvrages fins, de nouvelles générations d'artistes capitonneurs émergent !