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Le mariage à la Martinique
Se marier en Martinique, c’est embrasser une d’institution toute particulière, aussi profondément ancrée qu’étonnement défiée. Et si son histoire longue n’est pas celle, lisse, du fondement de société inamovible que l’on pourrait lui prêter, son héritage reconstitue, lui, un joyeux bréviaire d’incontournables traditions, aujourd’hui célébrées avec malice.
Le mariage, pivot de classe et de société
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Source gallica.bnf.fr/Bibliothèque nathionale de France
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Sacrement religieux, acte citoyen, le mariage aux Antilles s’est construit, dès les premières pierres posées dans la toute récente colonie, dans le cocon culturel de la France catholique. Le culte, thèse majeure de la construction de la thèse civilisatrice des missions européennes, n’aura pas manqué d’ériger ce sacrement d’union en pierre angulaire de la construction de la société antillaise. Le mariage, dès les premières alliances, se célèbre sous le patronage de l’église. Il fonde les familles, où les engagés rencontrent de jeunes femmes à marier envoyées là, où des familles s’unissent, où le large contingent d’esclaves d’habitation est bien volontiers converti aux vertus supérieures et régulatrices de l’institution. C’est bien tout un projet de société qui s’esquisse à travers cette volonté renouvelée des différentes autorités, civiles comme religieuses. Des frictions, il en existe de nombreuses, au long des siècles, où le mariage est autant carcan que gardien des mœurs et, in fine, d’une certaine hiérarchie de société. Il est aussi élévation sociale, libérateur et fondateur. En somme, l’institution forge en profondeur le corps social, et se fait le creuset de son évolution longue. Mais surtout, c’est dans cet héritage complexe que se construit le patchwork de coutumes et d’usages qui donne aux mariages antillais toute leur saveur.
Une myriade de tradition et de croyances
Aussi, la Martinique de début de XXe siècle offre un chatoyant condensé de traditions ou superstitions liées au mariage... et tout un cérémonial, suivant les temps, se construit, pour devenir en filigrane le tracé social et accepté des mœurs et de la séduction. Lorsqu’au long d’un long périple de badinage, de présentation courtoise aux parents et d’officialisation des fiançailles, le jeune couple s’engage dans l’allée centrale de l’église, rien n’aura été laissé au hasard. Entre autres critères d’importance, le paraitre d’abord, n’est jamais ignoré : les deux (futurs) amants se vêtissent de blanc, la mariée sublimée de broderie anglaise et de gants d’élégants, le monsieur en joli costume clair. Une couronne de fleur peut parfois la coiffer, tandis qu’un long voile célébrera la jeune célibataire encore vierge. Des variantes viennent là marquer les différents statuts sociaux des promis, qui parfois, au gré de l’existence, ont déjà entamé leur vie conjugale ou connu le bonheur de la maternité.
Autour des acteurs principaux, un aéropage bigarré s’engage dans la danse. Le cortège devait rassembler cavaliers et demoiselles, en robes douillettes et coupes anglaises, tandis que les différents parents assumaient, suivant leur filiation, une part de la dot. Le sacrement, comme déjà convenu, se célèbre à l’église, où la publication préalable des bans annonce la noce et sa qualité, suivant que la famille aura su ou non débourser suffisamment pour la publication. Au moment de s’engager, aucun des conjoints n’aura oublié d’emprunter aux aïeux un objet intime. Les poches du marié seront-conservées consciencieusement béantes, pour la bonne fortune.
Et aujourd’hui, que reste-t-il de cet héritage ?
De ce folklore puissamment ancré pulsent encore bruyamment de nombreuses et rieuses pratiques. Particulièrement, c’est dans la fête et la liesse que les jeunes mariés et leur entourage célèbrent un chapelet de traditions bien ancrées. Traditionnellement au domicile des parents, désormais au détour de jolis espaces dédiés, l’on reçoit une troupe nombreuse et joyeuse. Côté gastronomie, les codes répondent encore avec ferveur à l’antan. Hors de question d’oublier de satisfaire les convives, en puisant dans les livres de recettes des anciens : le mouton est incontournable, pour lequel l’appétit aura été ouvert par un pétillant pâté en pot.
Le gâteau des mariés, dont la génoise reprend souvent la légèreté du pain doux, est servi pour être consommé durant la semaine suivante, en se remémorant la jolie fête. Et bien sûr, au départ, c’est l’inimitable pain au beurre chocolat, qui semblera souhaiter au couple la plus belle des osmoses !