Mémoire de PFE_Manuel Jaecques

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École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille

mémoire de projet de fin d’études année universitaire 2018/2019

manuel jaecques atelier histoire la cité nouméa printemps 2019

- rouvroy

sous la direction de béatrice mariolle

le havre des terrils

un bien commun urbain



REMERCIEMENTS Je tiens à remercier en premier lieu Béatrice Mariolle pour son encadrement et sa motivation en toute circonstance, pour la confiance qu’elle m’a accordé durant ce semestre, et pour les nombreuses intervenants qu’elle a invité pour animer l’atelier. Je remercie ainsi Véronique Skorupinski et le collectif Saprophytes, Raphaël Alessandri et Michel des Compagnons du Devoirs et de Tour de France, pour leur présence régulière dans l’atelier et pour leurs conseils toujours constructifs. Mes remerciements vont à Caroline Lamirand, Julie Hébert-Suffrin et Inès James pour l’extraordinaire motivation dont elles ont fait preuve durant le semestre, et pour leur aide dans la constitution de ce Projet de Fin d’Études. Je remercie les étudiants de l’École territorialiste de Firenze pour leur participation active aux activités du workshop à Rouvroy, ainsi que leur professeure, Daniela Poli, qui n’a pas hésité à me faire partager l’approche territorialiste. Je remercie chaleureusement mes proches, en premier lieu mes parents Thierry et Sylvie et ma sœur Camille pour leur relecture attentive et leur soutien dans les moments d’incertitude et de stress moral et physique. À Ahd Maha pour son aide précieuse durant le semestre.


« Tu crois que la terre est chose morte... C’est tellement plus commode ! Morte, alors on la piétine, on la souille, on la foule d’un pied vainqueur ! Moi je la respecte, car je sais qu’elle vit.» Aimé Césaire, Une tempête, 1969


TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS........................................................................................................................................................p.7 INTRODUCTION.....................................................................................................................................................p.8 I. UN TERRITOIRE FRAGMENTÉ 1. L’analyse des territorialistes italiens.............................................................................................................p.11 2. Une fragmentation urbaine multi-scalaire......................................................................................................p.13 2.1. Une ville à deux vitesses......................................................................................................................p.13 2.2. « Rouvroy-ouest » et « Rouvroy-est ».............................................................................................p.15 2.3. Le fonctionnalisme problématique des équipements en bord de ville...........................................p.19 II. LES LISIÈRES COMME BIEN COMMUN ENTRE ESPACE OUVERT ET ESPACE URBAIN 1. Introduction aux enjeux des lisières : la stratégie du pomerio et ante parc.............................................p.21 2. Les lisières : micro-sites et couture - préambule du projet.........................................................................p.29 3. « Le parcours des lisières ».................................................................................................................................p.35 3.1. Références et attitude mémorielle..................................................................................................p.35 3.2. Parcours : « jeter un regard circulaire ou scrutateur »........................................................................p.39 III. LE PROJET POUR LE BIEN COMMUN 1. Architecture et paysage......................................................................................................................................p.41 1.1. L’approche des Objets Immanents......................................................................................................p.41 1.2. Micro-interventions et charte du peuplier........................................................................................p.49 1.3. Attitude architecturale....................................................................................................................p.51 2. Le havre des terrils, un bien commun urbain...................................................................................................p.53 2.1. Approche urbaine..................................................................................................................................p.53 2.2. La surélévation de la maison minière - L’approche du vernaculaire...............................................................p.62 2.3. L’équipement culturel auto-géré - Ante parc et architecture paysagère............................................................p.67 3. Atelier de cartographie participative................................................................................................................p.71 4. Manifeste pour le bien commun..........................................................................................................................p.74

CONCLUSION.........................................................................................................................................................p.80 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................................p.82 ICONOGRAPHIE....................................................................................................................................................p.84 ANNEXES..................................................................................................................................................................p.87



AVANT-PROPOS à l’intention du lecteur.trice Ce mémoire de Projet de Fin d’Étude expose la méthode et le chemin de pensée conduisant à la genèse du projet. Ayant souhaité mettre en place un processus de projet-recherche pour ce travail finalisant 5 années d’études, le dessein de l’étude est d’expérimenter un projet au service du paysage et du territoire. Il est ici question de comprendre pourquoi il m’a paru justifier de mener ce travail sous le prisme du bien commun, en mobilisant les notions de l’École des territorialistes de Firenze (territoire bien commun), des praticiens et des chaires françaises et européennes (paysage bien commun), mais également des mouvements sociaux et philosophiques en Italie (beni comuni et biens communs urbains). J’ai eu à cœur de me livrer à un essai, celui d’un Manifeste pour le bien commun. Il a pour but de proposer au lecteur.trice un aperçu de ce qui pourrait émerger du rapprochement entre notions françaises et italiennes. L’extraordinaire dynamique populaire en faveur des biens communs en Italie détonne avec le caractère abstrait et utopique qu’ils renvoient en France1. Les illustrations sont référencées dans l’iconographie (p.84).

1 « Mais alors que les intellectuels français oublient trop souvent que le droit peut nourrir une pratique critique, dans la mesure où il se fixe pour objectif de traduire des pratiques sociales et d’accompagner les mouvements d’émancipation (Calafat et al., 2014), il semble que l’espace intellectuel italien soit à l’aise avec cette idée. Cela tient à de nombreuses raisons historiques, parmi lesquelles l’existence d’une solide tradition de philologie et d’histoire du droit dans le monde universitaire. ». Daniela Festa est juriste et géographe. Après une formation interdisciplinaire entre la France et l’Italie, elle devient post-doctorante à l’EHESS puis à Sciences Po Paris. Elle est l’auteure de nombreux articles sur la thématique des communs, en français et en italien. Elle a également collaboré à la rédaction de travaux collectifs comme Le Dictionnaire des biens communs (PUF, 2017).

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INTRODUCTION

Le Projet de Fin d’Études du domaine Histoire encadré par Béatrice Mariolle s’intéresse à la cité Nouméa de Rouvroy, cité minière de type cité-jardin. Nous nous intéresserons au renouveau de la cité dans le cadre du renouveau du Bassin Minier, inscrit en 2012 sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO comme « paysage culturel, évolutif et vivant ». Simultanément aux projets de réhabilitations en cours de plusieurs cités minières à travers le Bassin Minier, notre atelier a travaillé durant ce semestre sur l’emploi des matériaux bio-sourcés dans les projets portés par les étudiants, en apportant une attention sur la mémoire des lieux, le paysage et le territoire. L’atelier Histoire questionne les problématiques mémorielles, sociales et paysagères à Rouvroy, commune péri-urbaine post-industrielle. Le groupe de travail que j’ai souhaité créer un tant qu’étudiant en fin de cursus a développé comme angle d’étude une approche multi-scalaire. Nous avons élaboré une problématique : • Quelles stratégies et attitudes urbaines et architecturales adopter pour limiter l’étalement urbain et tendre vers le territoire bien-commun ? En souhaitant participer à une démarche de projet-recherche, il est question ici de questionner des notions sous le prisme de la pensée du bien commun, notions autant territoriales que philosophiques. Ce mémoire de PFE présentera un processus de projet composé de diverses étapes en effectuant de nombreux aller-retours entre architecture et paysage. En nous basant sur les travaux de chercheurs.res et de concepteurs.trices (Bertrand Folléa, Alberto Magnaghi, Séréna Vanbutsele, Bernard Decleve et Daniela Festa principalement), nous avons questionné ce lien indissociable qui unit architecture et paysage. En nous intéressant aux bords de la ville, ces derniers sont apparus dans nos analyses et dans notre perception sensible comme des lieux aux enjeux majeurs. En mettant en œuvre un riche travail commun mené tout au long du semestre, chacun de ses 4 membres a développé un projet d’architecture. Chaque projet est relié à l’autre, et fait partie d’un «parcours des lisière » qui sera la colonne vertébrale des interventions. Ainsi, nous verrons dans la première partie que la ville de Rouvroy est en proie à une fragmentation urbaine à 3 échelles, la deuxième partie est consacrée aux les lisières comme bien commun entre espace ouvert et espace urbain, et enfin la troisième partie expose les intentions et attitudes en matière de projet.

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« Qu’est-ce que cela signifie ce bouleversement de la nature ? La plaine est soulevée par des monts noirs, fléchés étrangement à leur sommet d’un bras oblique, certains déjà, une verdure y reprend, comme l’abandon des hommes. Partout des bâtisses incompréhensibles, aux formes géométriques, lunaires, et les demeures minuscules des hommes, en briques foncées, pareilles l’une à l’autre [...] Rien ne se ressemble plus. Les rapports entre les hommes, leurs âmes, leurs vies, le paysage. Même ce qui semblait éternel a changé ».

Louis Aragon, La Semaine sainte, 1958

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I. UN TERRITOIRE FRAGMENTÉ 1. L’ANALYSE DES TERRITORIALISTES ITALIENS Ce premier propos rend compte de manière synthétique l’approche des étudiants de l’école territorialiste de Firenze et les conclusions des études issues de notre semaine commune de workshop à Rouvroy du 12 au 18 mai 2019. L’idée centrale dans la pensée territorialiste est de passer du modèle monocentrique au modèle polycentrique. Pour ce faire, il s’agirait de favoriser la mise en place de connexions à travers les différentes entités urbaines que l’on souhaite relier (les espaces naturels entre-eux, les sites industriels entre-eux, les centres urbains entre-eux...) et de (re)créer de nouvelles centralités du tissu urbain autour d’éléments existants (places, vestiges, vie de quartier...). Ces dernières auraient ainsi le rôle de nouveaux noyaux urbains1. Ainsi, lors de la présentation des travaux des territorialistes de Florence sur Rouvroy et le Bassin Minier, j’ai tout de suite exprimé un grand intérêt envers leurs travaux et approche car ils se rapprochaient fortement du travail d’atelier que j’avais initié en début de semestre avec le groupe de travail2. Notre groupe de travail, « le groupe lisières » est marqué par notre approche urbaine et territoriale. Ainsi, durant le workshop territorialiste à Rouvroy, j’ai pu longuement échanger avec l’équipe italienne afin de faire converger nos travaux pour aboutir au dessin d’une carte commune. Côté français, nous avons alors orienté notre approche sur les lisières de la ville, et avons projeté un parcours sur les lisières qui viendraient être le lieu d’implantation de projets paysagers et architecturaux via l’identification de micro-sites lors des phases d’analyse urbaine. Côté italien, nous avons vu que les étudiants ont imaginé trois parcours à l’échelle du territoire (mémoriel, agricole et sportif). Au fil de nos échanges, nous avons pu leur transmettre notre étude approfondie de Rouvroy et eux, leur connaissance plus poussée des problématiques territoriales. Ainsi, les italiens ont été intéressés par notre idée de parcours sur les lisières de la ville, et ont décidé d’intégrer ce dernier à leur carte stratégique finale, présentée le jeudi 16 mai à Rouvroy devant les acteurs du territoire. Ce parcours des lisères a servi de base pour l’application de leurs stratégies territorialistes à l’échelle de Rouvroy et s’est enrichi avec de nouveaux éléments, dont un parcours reliant les deux entités urbaines formant la commune de Rouvroy : « Rouvroy village » et « Rouvroy cité Nouméa ». 1 Que l’on pourrait comparer à toute proportion gardée à la stratégie de « centrifugeuses » de la FabCity, ville productive et innovante. 2 Constitué de Julie Héber-Suffrin, Inès Jammes et Caroline Lamirand. Les cinq autres groupes s’intéressent à d’autres problématiques : le cavalier (groupe de Joséphine), la production du mycélium (Sarah), le miscantus (Noémie), l’énergie (Constance) et les modules (Bruno).

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Evolution de l’agglomération de Rouvroy dans le contexte du Bassin Minier du Nord-Pas-De-Calais (1800 - 1990) 1800 - 1850 Epoque rurale

Evolution de l’agglomération de Rouvroy Evolution de l’agglomération de Rouvroy Evolution de l’agglomération de Rouvroy dans le contexte du Bassin Minierdans du Nord-Pas-De-Calais (1800 - 1990) dans le contexte du Bassin du Nord-Pas-De-Calais (1800 - 1990) le contexte du Bassin Minier du Nord-Pas-De-Calais (1800Minier - 1990)

Evolution de l’agglomération de Rouvroy dans le contexte du Bassin Minier du Nord-Pas-De-Calais (1800 - 1990)

1850 - 1914 Début du Bassin Minier

1800 - 1850 Epoque rurale

Evolution de l’agglomération de Rouvroy dans le contexte du Bassin Minier du Nord-Pas-De-Calais (1800 - 1990)

1914 - 1977 Nationalisation des mines et apogée du Bassin Minier

1800 - 1850 Epoque rurale

Fosse n°2 Drocourt

1977 - 1990 Déclin du Bassin Minier et début d’une politique de reconversion du territoire

Fosse n°2 Drocourt

(Terril 84, 1894)

(Terril 84, 1894)

Carrière

Fosse n°10-20

(fin exploitation terril 1999)

Lavoir de Drocourt

10 Sud de Courrières sud (Terril 104, 1900)

(Terril 101, 1958)

CITÉ NOUMÉA

Fosse n°3 «Congo» de Dorcourt

(1894)

(Terril 205, 1865)

Eglise St Louis (1921)

Cokerie Drocourt

Cokerie Drocourt

(1901)

(1901)

ROUVROY DROCOURT

ROUVROY

ROUVROY

ROUVROY

ROUVROY

DROCOURT

DROCOURT

DROCOURT

ROUVROY

BOIS-BERNARD

BOIS-BERNARD

BOIS-BERNARD

DROCOURT

BOIS-BERNARD

BOIS-BERNARD

DROCOURT 0 km

1 km

2 km

3 km

0 km

1 km

Sources : https://www.geoportail.gouv.fr/ | http://www.bassinminier-patrimoinemondial.org | http://www.missionbassinminier.org | https://www.cairn.info Gilbert Rolos, L’habitat minier en région Nord - Pas-de-Calais : histoire et évolution 1825-1970. Tome I, collection Cahier Technique, Mission Bassin Minier, Juin 2006

Voies principales

Limites habitées

Voies secondaires

Bâti

1 km

3 km

0 km

2 km

1 km

3 km

2 km

3 km

Sources : https://www.geoportail.gouv.fr/ | http://www.bassinminier-patrimoinemondial.org | http://www.missionbassinminier.org | https://www.cairn.info Légende : Cahier Technique, Mission Bassin Minier, Juin 2006 Gilbert Rolos, L’habitat minier en région Nord - Pas-de-Calais : histoire et évolution 1825-1970. Tome I, collection

Légende :

Légende :

2 km

0 km

Voies principales

Limites habitées

Ligne Lens - Corbehem (1910 - 1994)

Voies secondaires

Bâti

Caveliers miniers Légende

Terril conique

: Voies principales

Limites habitées

Voies secondaires

Bâti

Limites habitées

Ligne Lens - Corbehem (1910 - 1994)

Bâti

Caveliers miniers

BOIS-BERNARD

1 km

2 km

3 km

Sources : https://www.geoportail.gouv.fr/ | http://www.bassinminier-patrimoinemondial.org | http://www.missionbassinminier.org | https://www.cairn.info Gilbert Rolos, L’habitat minier en région Nord - Pas-de-Calais : histoire et évolution 1825-1970. Tome I, collection Cahier Technique, Mission Bassin Minier, Juin 2006 Légende : Voies principales

Limites habitées

Voies secondaires

Bâti Julie Héber-Suffrin - Master Domaine Histoire - Béatrice Mariolle - 2018/2019

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Terril conique Grand terril moderne

Julie Héber-Suffrin - Master Domaine Histoire - Béatrice Mariolle - 2018/2019

Julie Héber-Suffrin - Master Domaine Histoire - Béatrice Mariolle - 2018/2019

0 km

1 km

2 km

3 km

Légende :

Voies principales Voies secondaires

Julie Héber-Suffrin - Master Domaine Histoire - Béatrice Mariolle - 2018/2019

Julie Héber-Suffrin - Master Domaine Histoire - Béatrice Mariolle - 2018/2019

0 km

Départementale

Limites habitées

Voies secondaires

Bâti

Terril conique Caveliers miniers

Grand terril moderne Julie Héber-Suffrin - Master Domaine Histoire - Béatrice Mariolle - 2018/2019


La partie suivante est dédiée au constat que nous avons établi, celui d’une ville fragmentée à trois niveaux : • « Rouvroy village » et « Rouvroy cité Nouméa » ; • « Rouvroy-ouest » et « Rouvroy-est » séparés par la départementale D46 ; • Absence de cohésion des quartiers entre-eux (lotissements, habitat minier, équipement espaces publics) ; Ces éléments d’analyses permettront au lecteur de comprendre in fine le processus du projet qui se développe en plusieurs temps : • le relevé des micro-sites de projets ; • le parcours des lisières ; • la stratégie du pomerio et d’ante parc ; • l’élaboration d’un projet bien commun urbain ; 2. UNE FRAGMENTATION URBAINE MULTI-SCALAIRE 2.1. Une ville à deux vitesses Rouvroy s’inscrit dans le Bassin Minier du Nord-Pas-de-Calais, lui-même inscrit dans celui nord européen qui traverse la France, la Belgique, l’Allemagne et une partie des Pays-Bas. La commune est une illustration de la mutation urbaine occasionnée par l’industrie du charbon3, à savoir un ajout soudain d’un carreau de fosse, de cités minières et de bâtiments et équipements financés par les compagnies des Mines. Les villes minières se différencient du modèle historique des zones industrielles qui s’agglomèrent à proximité des villes créant des territoires populaires. Les villes minières sont au contraire des villes archipel, polycentriques. Travaillant sur l’économie extractive, elles se développent là où le charbon est présent et exploitable. Ainsi, au cours du XIXe siècle, les villages du Bassin Minier virent naître des villes nouvelles, rompant avec le faible développement urbain de ces villages ruraux, alors basés sur l’agriculture. Les terres riches et fertiles du Nord accueillirent alors un nouveau type d’industrie, créant des modèle de villes auto-suffisantes. En effet, les compagnies des Mines, se livrant une forte concurrence entre-elles, proposaient aux mineurs un cadre de vie le plus haut possible, en leur allouant des maisons de différentes typologies (à Rouvroy les cités-jardins4, divisés en 4 types de maisons), 3 Les houillères, réparties en 9 groupes dans le nord de la France : Valenciennes, Douai, Henin-Liétard, Oignies, Liévin, Lens, Béthune, Bruay et Auchel. 4 « Dans son livre A peaceful path to real reform (« Demain : une voie pacifiste vers la réforme réelle »), Ebenezer Howard propose de dissoudre la ville dans la campagne, en tirant les avantages principaux de ces deux territoires dans son projet de cités-jardins, qui devrait agir comme un aimant attirant les populations, aux dépens de la ville et de la campagne ». L’avènement des villes vertes, Le Point Références - « Utopies », n°56, mars-avril 2015, p. 62.

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un système éducatif pour les enfants, ou encore des équipements culturels et associatifs. Le but étant d’attirer la main d’œuvre et la fidéliser. L’entreprise devient alors le régisseur de la vie de ses salariés/habitants, et en ce sens devient une alternative au pouvoir municipal traditionnel : nous parlons alors du paternalisme industriels des compagnies minières. Ainsi en 1894 se construisit la cité Nouméa au nord du village de Rouvroy. En 20 ans, des entités industrielles et urbaines plus grandes encore que les villages historiques se construisent. Le territoire alors rural change d’échelle et accueille des installations qui dominent voire effacent en surface et en activité le monde rural : une cokerie, la cité Nouméa, des carreaux de fosse et des terrils. Au sujet des échelles nous parlerons plutôt d’une cohabitation inédite de plusieurs nouvelles échelles. Tandis que « Rouvroy village » ne se modifia réellement qu’à partir de 1970, « Rouvroy cité Nouméa » devint une ville archipel en développant un système autonome et monocentrique, formant par la suite un second centre-ville pour la commune. Durant les recherches de « ressources humaines », nos études ont démontré, par le biais de statistiques et d’entretiens auprès des habitants, que la distinction entre ces deux entités urbaines était ancrée dans l’imaginaire collectif des rouvroysiens, se qualifiant comme habitant de Rouvroy Village ou cité Nouméa. 2.2. « Rouvroy-ouest » et « Rouvroy-est » Le tracé de la départementale D46 vient créer un trouble dans la trame orthogonale sur laquelle est basée la cité Nouméa (ci-contre). Ainsi à sa construction, plusieurs maisons minières ont été détruites et le long de l’axe, nous retrouvons une multitude de parcelles résiduelles, souvent de forme triangulaire. De plus, le passage de la D46 en plein de cœur de la ville a provoqué la coupure du réseau viaire secondaire, formant plusieurs impasses. Cela a ainsi réduit à trois le nombre des axes praticables pour relier l’ouest et l’est de la commune (deux carrossables et un piéton -le cavalier-). Ces espaces résiduels, bien que formant potentiellement une réserve (foncière, naturelle, publique,...) intéressante, ne qualifient pas cet axe central, et apparaît aux yeux des habitants comme uniquement fonctionnel et très peu qualifié. Ici a commencé notre intérêt pour l’identification de micro-sites potentiels de projet, et la méthode de l’acupuncture urbaine. 2.3. Un manque de cohésion entre les quartiers de Rouvroy Le projet aura pour objectif de recréer un dialogue entre le patrimoine minier et une architecture nouvelle (l’équipement socio-culturel). Il sera question ici de présenter un exemple de situation de cette absence de dialogue. Le troisième facteur de fragmentation dans la ville est insufflé par le manque de relation entre les maisons minières et les nouvelles constructions qui se sont ajoutées à l’espace urbain : les lotissements et les équipement publics. Nous l’avions vu, la cité

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ANALYSE DE L’IMPLANTATION DU BÂTI

Atelier Histoire

La cité Nouméa - Rouvroy Ressources paysagères Manuel Jaecques Printemps 2019

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Nouméa est composée de logements miniers entrant dans la catégorie des cités-jardins, qui, à la différence des corons (bande de maisons mitoyennes), se distinguent par leur porosité à la rue et aux jardins. Souvent jumelées en miroir, elles forment un ensemble de deux maisons identiques et possèdent un jardin avant et arrière. Dans le cas des îlots, nous retrouvons souvent une venelle en fond de jardin, afin de relier ces derniers. À l’époque où les maisons minières, le carreau de fosse et les équipements publics de la compagnie des Mines constituaient l’ensemble de l’entité urbaine « Rouvroy cité Nouméa », cette dernière était ouverte sur les cultures limitrophes grâce notamment à des accès directs depuis le jardin vers les champs. À partir des années 1970, de nombreux lotissements ont vu le jour autour de la cité Nouméa, et ont par conséquent étendu la superficie de la ville. Les lotissements et les équipements publics, à l’inverse des maisons minières, se caractérisent par l’opacité de leur limite. La suivante analyse clôturera notre partie consacrée au territoire fragmenté et amènera à la seconde, consacrée aux lisères. Nous illustrerons ce propos en prenant l’exemple, pour les lotissements, de la rue du Maréchal Joffre (ci-contre). Il s’agit d’une ancienne voie carrossable aujourd’hui venelle en impasse reliant la D46 et la rue Henri Barbusse. Plusieurs éléments peuvent être relevés : la disposition des maisons et les limites de fond de jardin. Les maisons minières sont implantées en perpendiculaire à la venelle et leur jardin se développe en longueur. À l’inverse, les nouvelles maisons sont implantées parallèlement à la venelle et possèdent des jardins plus courts et plus larges. La venelle se dévoile alors être une distinction entre deux modèles d’habiter. Tandis qu’en observant les maisons minières nous découvrons un arrière-frontage intrinsèques à la cité Nouméa : des portillons de jardins donnant accès sur la venelle et des clôtures basses. Le jardin en longueur permet de mettre à distance les maisons et ainsi de pouvoir porter le regard plus loin et entre chaque maison : nous voyons l’horizon. De l’autre côté, la proximité des nouvelles maisons en bande forme une limite opaque, renforcée par les hautes haies de jardin. L’autre composante du dialogue difficile entre constructions des mines et constructions modernes5 est la nature des équipements publics, situés comme les lotissements, en bords de ville. Leur morphologie architecturale, leur programme et la nature de leur limite en sont les principaux paramètres.

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Après 1970.

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2.3. Le fonctionnalisme problématique des équipements en bord de ville Afin de motiver le choix de travailler sur un équipement pour le PFE, nous verrons dans cette partie la manière dont les pouvoirs publics mettent en chantier leurs équipements. Nous en prendrons quatre pour exemples : la médiathèque Jean Ferrat6 (1), le cimetière (2), le collège Paul Langevin (3), et l’EHPA-H7 Patrick Gozet (4). Bien que ces quatre lieux soient des équipements de nature différente, nous voyons que leur implantation répond à la même logique urbaine. Ces quatre lieux se développent à l’extérieur de la ville. Ils provoquent une agglomération d’entités indépendantes qui tranche avec le tissu urbain. Il s’agit d’une opportunité foncière et d’une réponse fonctionnaliste à un besoin. Le problème est que l’implantation de ces nouveaux équipements n’a probablement pas fait l’objet d’une étude urbaine au préalable. Les fronts bâtis et la mitoyenneté des maisons, alors fondamentales dans les cités minières, sont renversés pour donner lieu à des architectures entourées d’espaces verts clôturés. Le parcellaire devient dès lors un contenant monocentrique. Du point de vue programmatique, nous noterons une nouvelle fois une rupture avec l’échelle des équipements miniers (document A ci-contre concernant le rapport entre les maisons (orange) et les équipements (beige)). En effet, les compagnies minières proposaient des modèles de cités composées de tous les éléments nécessaires à la vie des mineurs (socio-éducatif, loisir, et sanitaire-médical). Ce type d’urbanisme s’illustrait alors par une forte intégration des équipements par rapport aux maisons. Pouvant être qualifié de modèle « fini », il pose le problème de la difficile évolution dans le temps des cités, du fait de la difficile convertibilité des espaces proposés (architectures et espaces publics) et de la mutation économique des territoires post-industriels. Ainsi, les pouvoirs politiques successifs à Rouvroy semblent avoir fait le choix d’intégrer en bords de ville les nouveaux équipements nécessaires à son évolution urbaine et démographique. Les équipements des Compagnies (presbytères, salles de classe, infirmeries, salles communautaires, salle des fêtes, école de musique, ou encore maternités) étaient globalement dissociés et formaient des petites architectures disséminées dans la cité. À partir de 1970 au contraire, la pensée pour les nouveaux équipements privilégie le regroupement des services, ceux-ci se retrouvant de taille plus importante, et forment une série de rares points d’impulsion excentrés du centre de la ville. Le centre reste ainsi inchangé, figé, tandis que les bords fluctuent.

6 Construite en 2014, elle « est inscrite dans le Réseau Communautaire des Médiathèques de la Communauté d’Agglomération d’Hénin-Carvin. Elle est une des 14 bibliothèques/médiathèques que compose le RCM » . Source : http://www.ville-rouvroy62.fr/services/joomlannuaire/fiche/6-la-mediatheque-jean-ferrat. 7 Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Handicapées.

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Charte commune Attitude par rapport à l’existant Lisière Lisière terrilterril Lisière terril

Mettre en avant le paysage propre à chaque lisière Charte commune Attitude rapport à l’existant Charte par commune

Mettre en avant le paysage propre à chaque lisière

Attitude par rapport à l’existant

Lisière Lisière ParcsParcs Lisière Parcs

Lisière Lisière agricole agricole Lisière agricole

Mettre en avant le paysage propre à chaque lisière

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Cette décentralisation entraîne un étalement de l’espace urbain peu maîtrisé et mal coordonné, qui génère à son tour des espaces agricoles enclavés et amoncelés, un allongement du réseau viaire, et plus globalement une perte du rapport ville-nature. En conclusion, le territoire de Rouvroy s’illustre par sa fragmentation à différentes échelles. Le travail de groupe s’intéresse donc aux lisières comme levier de développement humain et urbain, pour favoriser la protection des espaces ouverts et la qualités de vie des habitants. Le projet consistera à apporter des solutions : • concernant l’aménagement de la D46 pour relier l’ouest et l’est ; • à la politique vis-à-vis de l’étalement urbain ; • à la pensée des équipements et espaces publics ; • au rapport à la mémoire, le patrimoine minier « paysage culturel, évolutif et vivant »8.

II. LES LISIÈRES COMME BIEN COMMUN ENTRE ESPACE OUVERT ET ESPACE URBAIN 1. Introduction aux enjeux des lisières : la stratégie du pomerio et ante parc À la suite de nos analyses nous avons perçu les enjeux qui se situent au niveau des bords de la ville. Il fut alors question du bon terme à employer pour qualifier l’espace dans lequel nous concevrons notre projet. Afin de nous inscrire pleinement dans un processus de projet-recherche, nous nous sommes basés sur une publication de Séréna Vanbutsele et Bernard Decleve parue dans VertigO et intitulée «La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles». « Les bords des espaces ouverts ont été reconnus dans plusieurs territoires comme des espaces stratégiques. Ils se trouvent à l’intersection entre les problématiques de développements urbains, de gestion de l’augmentation démographique et les impératifs de valorisation et de protection des espaces de nature. Le concept de lisière urbaine traite les bords en tant qu’éléments complexes, d’épaisseurs variables et porteurs de projets. Si ces espaces sont associés à l’idée d’articulation entre la ville et la nature, ils sont aussi conjointement présentés comme des supports de densification. Or, la mise 8 Le bassin minier du Nord - Pas-de-Calais est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012. « Trésor de l’humanité, le Bassin minier a été distingué au titre de « paysage culturel », « oeuvre conjuguée de l’homme et de la nature » selon les termes de la Convention du patrimoine mondial. ». Source : http://www.bassinminier-patrimoinemondial.org/

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La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles

Gautier, 2009), paysage de pomerio (Colarossi, 2011), ante parc (Studio 09 et al., 2009), limites déterminées ou à constituer (Schéma de Cohérence Territoriale de Montpellier) (Follea et Gautier, 2009 ; IAU idF et al., 2010 ; ADEUS, 2013), de fronts urbains (IAU idF, 2010). Certains concepts mettent davantage en avant le caractère non bâti, planté et aménagé de la lisière (Follea et Gautier, 2008 ; Colarossi, 2011). Dans d’autres cas, le projet sur les bords a davantage trait à la réorganisation des marges urbanisées (Studio 09 et al., 2009). Généralement, les lisières sont associés à des possibilités de densification mettant en valeur l’espace ouvert qu’elles bordent (Nouvel et al., 2008 ; Studio 09 et al., 2009 ; 51N4E et al., 2011). Figure 1. Trois stratégies liées aux bords.

Légende : (1) Le bord en tant que limite entre un milieu A et B; (2) Le bord en tant que zone tampon; (3) Le bord en tant que lisière.

Les défis liés à l’implantation des lisières urbaines 8

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La mise en avant des bords comme zones stratégiques soulève des questions quant à la pression induite sur les espaces ouverts et à leur transformation, à la requalification de zones jusque-là sous valorisées et enfin quant au lieu d’implantation même de la lisière. L’augmentation d’habitants autour d’un espace ouvert augmente sa fréquentation supposée et le met sous pression remettant en question l’aspect quelque peu délaissé des espaces en bordure de ville. Pourtant ce caractère peu aménagé offre un refuge important pour la faune et la flore. Il permet également une série d’usages et de pratiques informelles et spontanées propre à des espaces en attente (De Smet, 2013). Une densification autour de ces espaces appelle à reconsidérer la gestion à minima qui était généralement suffisante pour administrer ces sites. Comment cadrer l’usage d’espaces dont la singularité réside justement dans un caractère peu aménagé ? Transformer des espaces périphériques en parcs à vocations récréative et écologique répondrait probablement à une demande grandissante en espaces publics verts à proximité de la ville. Mais comme le suggère plusieurs auteurs, ne faut-il pas se méfier d’une tendance au propre et nette où22un environnement bien rangé et assaini

25/02/2019


en avant des bords soulève plusieurs questions. Premièrement, sur la transformation des espaces ouverts induite par une nouvelle pression urbaine. Deuxièmement, sur la requalification de zones jusque-là sous valorisées. Et troisièmement, sur le lieu même d’implantation de la lisière. L’impératif est de traiter avec attention égale tant les éléments bâtis que non bâtis pour qu’ils forment une lisière urbaine, celle-ci marquant d’une part la limite à l’urbanisation et articulant et favorisant, d’autre part, les échanges entre ville et nature. » 9

Il nous a paru primordial, une fois les enjeux définis, de mettre l’importance sur les réponses à apporter en tant que concepteurs, quel projet et stratégie de projet mettre en place. Les chercheurs distinguent 3 stratégies liées aux bords (schéma ci-contre) : • la première est la limite qui stoppe l’extension urbaine, séparant l’espace bâti (la ville) et nonbâti (nature et agriculture)10 ; • la seconde est la zone tampon, large de plusieurs dizaines ou centaines de mètres, qui est fixée selon la présence de milieux boisés et forestier11 ; • la troisième, la lisière, émerge en réaction à ces deux précédentes. « Une troisième optique considère les bords comme des espaces d’articulation souvent qualifiés de lisière en référence aux lisières agro-forestiers (Sainsaulieu et Charré, 2008 ; Crémer et al., 2010). Cet espace de lisière est d’épaisseur variable et est porteur de projet. Son aménagement vise deux objectifs majeurs : • Donner forme à la ligne qui sépare les espaces bâtis des espaces ouverts pour que la limite entre ville et nature arrête d’avancer sans cesse et de grignoter le non bâti. • Articuler, concilier et mutualiser deux milieux distincts pour qu’ils profitent l’un de l’autre. Autrement dit, il s’agit, d’ajuster voire de retourner le tissu urbain afin qu’il reconnaisse l’existence et la valeur de l’espace ouvert qui le borde. » 12

9 Vanbutsele (Séréna) et Decleve (Bernard), « La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Débats et Perspectives, mis en ligne le 28 mars 2015, consulté le 25 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/15700 ; DOI : 10.4000/vertigo.15700 10 Urban Growth Boundaries (Ding et al., 1999 ; Abbott et Margheim, 2008) ; tracé des contours du Green Heart dans la Randstad (Pays-Bas) (Tjallingii, 2000). 11 Schéma Directeur de la Région Ile-de-France (SDRIF) (Sainsaulieu et Charré, 2008) ; Urban Fringe (Angleterre) (Gallent, 2006). 12 Vanbutsele (Séréna) et Decleve (Bernard), « La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles », op. cit.

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Nous remarquons ainsi depuis les années 2000 une recrudescence de projets13 s’inscrivant dans la prise en compte des lisières, avec différentes attitudes suivant le contexte et les enjeux inhérents aux territoires étudiés. Alors que nos premières intentions et intuitions de projets se portèrent sur une densification des bords afin de limiter la prolifération des zones de lotissements et des équipements élargissant l’étendue de la ville14 , nous avons préféré lier nos choix d’interventions architecturales avec les travaux de Bertrand Folléa et Claire Gautier. S’intéressant aux lisières urbaines et agro-urbaines, et au caractère non-bâti, planté et aménagé de la lisière, la mise en place du « parcours des lisières » de Rouvroy s’inscrit dans cette logique. Nous voyons la lisière comme un lieu de mise relation, et non plus de fragmentation. L’enjeu est d’instaurer une juste perméabilité révélant ainsi les espaces ouverts. Le paysage ne serait ainsi «plus une conséquence» des interventions mais bien l’objet principal, la cause. Les micro-sites seraient alors autant de lieux pour promouvoir le paysage et la qualité de vie des habitants. Une autre approche nous a également intéressés pour son attitude vis-à-vis de la lisière. Bertrand Secchi et Paola Vigano (Studio 09) mettent l’accent sur la valorisation de la ville par le paysage. Les rives de la ville ont le rôle d’enrichir le système écologique : créer des micro-conditions locales (eau, forêts, wetlands15, relief...). La diversité des paysages entraînerait ainsi une diversité des usages. La biodiversité insufflant une socio-diversité. Ainsi, la stratégie de projet aux lisières de la ville serait d’exercer une couture des deux espaces en instaurant une coopération entre les deux. L’espace urbain et l’espace ouvert devraient chacun être concerné par une intervention. Cette stratégie est celle du pomerio et de l’ante parc. Le pomerio fait référence aux travaux de Paolo Colarossi16, et est pensé comme une certaine marge non pas pour y construire un nouveau bord bâti, mais plutôt pour y implanter des espaces non bâtis mais néanmoins aménagés (Cf. Folléa Gautier et le caractère non-bâti, planté et aménagé de la lisière). « Le pomerio est qualifié comme : ‘‘ l’espace de terrain consacré et libre de constructions qui courait le long des murs de Rome et des colonies romaines, (…)’’ (Colarossi, 2011) »17. Conjointement, les aménagements du pomerio seraient en lien avec la lisière urbaine réorganisée, mêlant densification et forte perméabilité. Cette zone bâtie de la lisière serait 13 « Ces concepts se retrouvent sous de nombreux vocables : lisières épaissies (Desvigne, 2009), interface ville/nature (a’urba et LACUB, 2013 ; LACUB, 2013), lisières urbaines ou lisières agro-urbaines (Follea et Gautier, 2008 ; Follea et Gautier, 2009 ; Follea et Gautier, 2009), paysage de pomerio (Colarossi, 2011), ante parc (Studio 09 et al., 2009), limites déterminées ou à constituer (Schéma de Cohérence Territoriale de Montpellier) (Follea et Gautier, 2009 ; IAU idF et al., 2010 ; ADEUS, 2013), de fronts urbains (IAU idF, 2010). Certains concepts mettent davantage en avant le caractère non bâti, planté et aménagé de la lisière (Follea et Gautier, 2008 ; Colarossi, 2011). Dans d’autres cas, le projet sur les bords a davantage trait à la réorganisation des marges urbanisées (Studio 09 et al., 2009). Généralement, les lisières sont associés à des possibilités de densification mettant en valeur l’espace ouvert qu’elles bordent (Nouvel et al., 2008 ; Studio 09 et al., 2009 ; 51N4E et al., 2011) » Ibidem 14 Voir partie III.1. consacrée aux premières pistes de projet nourries par l’ouvrage de Cédric Libert. 15 Zones humides. 16 Ingénieur italien, membre du Bureau de la International Federation for Housing and Planning (IFHP), il travaille tant sur le projet que la recherche sur les thématiques et outils urbains. 17 Ibidem

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Attitude par rapport aux nouveaux programmes et aux espaces publics Traverser chaque intervention par un parcours (boucle de 10km)

Galerie d’exposition Surrélévation Place

Faire de chaque lisière une interface avec son contexte

Extensions Atelier motoctross

Restaurant communautaire Cuisine commune

Faire vivre l’interface par le bâti, le végétal et l’espace public

La Fabrique Fablab Peupleraie Ressourcerie

- Inscrire des nouvelles opérations dans un parcours liant des bâtiments emblématiques existants

Adopter un principe de porosité pour les opérations situées directement sur les lisières traitées

- Adaptation à la topographie et microtopographie existante - Créer une continuité végétale par des poches vertes entre les interventions en continuité avec la trame verte existante - Mise en avant du patrimoine existant (souligner la maison...) - Apporter des usages en accord avec les lisières traitées - Cadrer / valoriser les accès et vues vers chaque lisière

Adopter un principe de verticalité pour les opérations situées à proximité des lisières traitées (moins de 230m)

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qualifiée d’ante parc en référence à la proposition de Bernardo Secchi qui suggère ‘‘d’utiliser les nouveaux développements pour définir la marge de certains espaces ouverts. L’ante parc est un périmètre habité conçu comme un espace équipé qui, non seulement laisse libre accès au parc, mais l’organise’’ (Studio 09 et al., 2009) »18. Ainsi, nous comprenons l’importance d’avoir une attitude concernant les deux espaces, urbain et ouvert. À partir de là, il sera fondamental de veiller à instaurer une méthodologie d’implantation architecturale afin de parvenir à cette couture. Se posent alors les questions qui portent sur le bâti, sa densification, sa volumétrie, sa transparence, son implantation sur les parcelles, son orientation en rapport avec le paysage, la largeur des rues, les espaces entre bâtiments, les percées visuelles,... La mise en place conjointe de ces deux espaces, le pomerio et l’ante parc, contribue tant aux objectifs de consolidation des espaces ouverts que de développement et densification de la métropole. Le travail sur la lisibilité de la limite et sur la densification est couplé aux stratégies d’articulation et de connexions qui renforcent les continuités écologiques, visuelles, et fonctionnelles (continuité des chemins, alignement d’arbres, percées visuelles, …). Ce n’est qu’à ces conditions que l’intégration de l’espace ouvert dans le tissu urbain est effective. Le défi est de trouver les conditions auxquelles la limite peut être lisible tout en jouant un rôle de couture plutôt que de séparation (Lynch, 1960). »19

Nous avons donc constitué dans ce but une charte concernant l’implantation au niveau des lisières, en mettant l’accent sur l’importance donnée aux deux espaces, qui deviennent ainsi coopérants et indissociables. « A une échelle plus fine, développer les lisières demande d’organiser la perméabilité entre les milieux urbains et les milieux naturels et agricoles, dans l’objectif à la fois d’enrichir la ville par la nature et de faire rentrer la nature en ville. Plusieurs pistes sont possibles : favoriser l’accessibilité de l’un à l’autre, développer la mise en place d’un indice de biodiversité qui incite à intégrer la nature dans l’espace urbain, structurer l’urbain sur les limites, donner de l’épaisseur à la limite en y développant des usages (jardin partagé, agriculture de proximité, équipement public...). »20

18 Ibidem 19 Ibidem 20 ADEUS (Agence de Développement de l’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise), « Lisières urbaines -Exploration pour construire le dialogue ville-nature », n°111, novembre 2013.

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Légende :

Élement majeur

Élement mineur

Carte mentale selon Kevin Lynch Dans L’image de la cité Rouvroy

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Voie

Limite

Noeud

Quartier

Point de Repère


2. Les lisières : micro-sites et couture - préambule du projet Dans un premier temps, nous avons pris comme outil la carte de Kevin Lynch (ci-contre en haut). Elle nous a permis de développer une nouvelle lecture de Rouvroy, et en particulier la cité Nouméa, en fonction des caractéristiques suivantes : des voies majeures et mineures qui structurent ou fragmentent l’agglomération, des limites que nous avons représentées prioritairement sur les bords de la ville et qui marquent la séparation entre deux entités différentes, et des nœuds formés par une jonction de voies importantes ou des noyaux dans lesquels se regroupent des habitants pour partager des « activités » communes21. Les quartiers sont différenciés selon des typologies et des styles architecturaux, des caractéristiques sociales des habitants, ou des spécialisations fonctionnelles. Les points de repères majeurs et mineurs sont les lieux évoqués le plus par des habitants interrogés, ils s’agit d’éléments ponctuels de nature variée (bâtiments publics, religieux, écoles, supermarchés, etc). Nous avons dans un second temps défini plus précisément les différentes lisières étudiées à partir de la carte de Lynch et en fonction de plusieurs caractéristiques : les épaisseurs variées des limites physiques (haie, clôture, mur, végétation), la configuration du relief (terrils, talus, noues, buttes) et enfin les délaissés / lieux informels non aménagés marquant une limite entre l’urbain et le rural. Le début du processus de projet a consisté à localiser, identifier et qualifier les différentes lisières en présence. Nous en avons ainsi retenu 3 : • la lisière agricole-urbaine ; Composantes : enclaves agricoles, monoculture, proximité directe avec des maisons minières, des lotissements, et des équipements publics. • la lisière terril-urbaine ; Composantes : principal landmark, espaces naturels (plaines, forêts, sous-bois, sentiers, clairière), faune et flore inhérentes aux terrils, zones inondables, l’EHPAH, les maisons minières. • la lisière ZAC-urbaine ; Composantes : parc des Îles (ancienne cokerie), la rue Henri Barbusse et ses habitations vernaculaires, des terrains en friche ou en attente, le paysagement22.

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Un des nœuds majeurs sera le parc des Îles, et les nœuds mineurs seront les lieux fédérateurs dans la ville de plus petit

gabarit : squares, place, équipements sportifs, maison de quartier, etc. 22 « On confond le paysage avec le paysagement, qui est l’action d’accompagner les décisions d’aménagement par une décoration plus ou moins végétale », Bertrand Folléa. Diaz (Isabel), Fleury-Jägerschmidt (Émilie), L’horizon des lieux -Réparer par le paysage-, Collection : Territoires en projets, 2017, 144p.

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Après une série d’analyses approfondies sur chacune des lisières, nous avons opéré un travail de repérage de micro-sites où la formalisation d’interfaces entre deux entités propres aux lisières serait possible, (en rouge sur la photographie de maquette). Ces derniers, potentiels tiers-lieux23, lieux de projets à destination de la pratique et de l’appropriation des habitants, ont comme dessein de qualifier et valoriser les lisières, le tout afin d’engager un processus de « retournement du regard »24. Mêlés au tissu urbain et aux espaces ouverts qu’ils côtoient, les micro-sites cherchent à recréer des liens avec leurs contextes. Nous les avons répertoriés dans un carnet (joint avec le mémoire) en étudiant leur nature, superficie, problématique soulevée et pistes d’intervention afin de les classer et de les intégrer à notre stratégie globale. Un travail de couture s’opère donc, une acupuncture qui aura pour but de générer des points d’impulsions précisément localisés, et ainsi favoriser la mise en place d’un système polycentrique. Ce dernier est basé sur une analyse attentive du tissu associatif et identitaire de la ville (ci-contre). Il est alors question dans le projet de suivre la logique des territorialistes italiens en venant générer des centralités urbaines basées sur le tissu local. En liant cette analyse et les micro-sites localisés, nous avons ensuite élaboré une grande coupe paysagère (page suivante), dans le but de faire apparaître ambiances, topographie et succession d’espaces. Son trait de coupe survole les espaces en et hors et les révèle. L’idée d’un parcours naît alors. 3. « Le parcours des lisières » Nous avons ainsi lié l’étude des micro-sites et celle des trois lisières de la ville en les regroupant dans un parcours : le « parcours des lisières ». D’une dizaine de kilomètres, il a pour objectif de proposer une mise en valeur de la lisière en reliant les espaces ouverts. Pour cela, nous nous sommes inspirés de notre voyage d’étude en Belgique et en Allemagne, suivant le filon du charbon.

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The Third Place. Environnements sociaux hors maison et travail. Attitude vis-à-vis de la lisière développée en partie II.

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Légende :

Types de micro-sites : Linéaire/ voirie

Parcelle en attente d’urbanisation

Carte de la classification des micro-sites repérés

Ligne séparatrice des lisières

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Friche/ bâti desaffecté

Résidu végétal


Découvrir Charleroi, c’est aussi s’imprégner de son passé industriel et noir. La Boucle noire relie le centre-ville de Charleroi à sa périphérie ouest, où se concentrent les traces de ce passé. Loin d’un pèlerinage, ce parcours, à expérimenter sur ses deux godasses et ponctué d’interventions artistiques, révèle des singularités insoupçonnées à la fois post-industrielles, environnementales et sociales. Une sorte de trajectoire poétique et anachronique au cœur du passé toujours présent de Charleroi.

If you plan to discover Charleroi, you first need to soak up in its coal-black industrial past. The Black loop connects Charleroi’s city centre to its western suburbs, which are where the traces of its past peak. This loop is not intended as a pilgrimage : it is a collection of unexpected post-industrial, environmental and social singularities. You will discover and experience them through a jaunt interspersed with art installations, in a kind of anachronistic and lyrical journey to the heart of the ever-present past of Charleroi.

les bons plans

Tips

TOPO complet téléchargeable sur www.cheminsdesterrils.be

You can download the complete TOPO on www.cheminsdesterrils.be

Pour écourter : quelques arrêts de bus et métros proches de la Boucle sont repris sur la carte. Infos : www.infotec.be

If you want to take a shortcut : some bus and underground stops nearby the Black loop are shown on the map. Info : www.infotec.be

ChaRleRoi

Boucle Noire

h Creepy Tunnel Terrils et site

du Martinet

G

fragments

Terril

Naye à Bois f

hanged Room

Terril TLC4

DéCoUvRez Le faNTaSTIqUe SeNTIeR De GRaNDe RaNDoNNée GR412

Service Stairs I Terril

CheMiNSDeSTeRRilS.Be

Bayemont St-Charles

leS 4 TYPeS De BaliSeS The 4 KiNDS oF MaRKeRS Ces balises rouges et blanches peintes se trouvent généralement à hauteur des yeux. elles peuvent se retrouver sur un arbre, un poteau ou un autre support. elles se présentent également sous la forme d’autocollants.

Dirty Corner

Continuité de sentier Connection footpath

Terril

J

Is this still far doctor? K

St-Théodore Ouest

Changement de direction Change of direction

Terril

des Piges

Terril

St-Théodore Est

Mauvaise direction Wrong direction

Variante de sentier

help me to go down

Cercle St Joseph

Variant of footpath

Rockerill

Tracé Route

L

Terril Spoil tip

cafés / restos D. Château de Monceau

Bâtiments Buildings Métro Metro

Porte d'adrien

Terril

C

Point remarquable Spot to see

Urban Dream

B

de la Blanchisserie

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Cool Cooler

Scrap Metal Grapple a

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Bus Bus Café Cafe Terril

du Hameau

Parc Park

Château de Cartier

Le vieux Marchienne

N

0

GaRe De ChaRLeRoI-SUD

500 m

cheminsdesterrils.be grsentiers.org

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DISCoveR The faNTaSTIC GR fooTPaTh GR412


3.1. Références et attitude mémorielle La première référence concerne la ville minière de Charleroi. Nous avons parcouru les 20 km de l’étonnant parcours La boucle noire, traversant les terrils de Charleroi et les sites industriels ; parcours réalisé par un groupe d’artistes et musiciens de style punk-industriel. « A travers des paysages industriels, post-industriels, des zones urbaines et semicampagnardes, le tracé longe la Sambre et le Canal, côtoie des châteaux et des cathédrales industrielles, des ruelles anciennes, se faufile dans un parc à l’anglaise, parcourt d’anciennes lignes ferroviaires, passe à travers les murs, explore les vestiges d’un site minier, serpente dans une forêt réinventée, emporte les gens dans un tunnel sombre, escalade des terrils balcons sur la ville, franchit des terrils-territoires. »25

Il s’agit d’une initiative originale, locale, et hautement intéressante dans la mesure où elle se positionne clairement sur la mémoire industrielle de la Wallonie. Elle donne à voir ce patrimoine. La même approche a été adoptée dans la région de la Ruhr en Allemagne. À une échelle plus grande, l’exposition internationale Emscher Park (1988) consistait à relier sur une trentaine de kilomètres plusieurs territoires anciennement miniers et/ou industriels. Un parcours territorial, au fil de l’eau, met ainsi en valeur les activités productives du territoire. Usines métallurgiques, carreaux de fosses, stations d’épuration, vestiges des compagnies minières... tout ce patrimoine est désormais répertorié et inscrit dans une trame verte et bleue. Dans une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine, des projets paysagers, architecturaux et urbains viennent requalifier ces territoires fortement anthropisés afin de les régénérer. La notion du « parc » qui y est défendue remet en cause la perception classique. Ici, les espaces de loisirs et industriels sont mis sur le même plan et constituent l’un et l’autre une composante du « parc ».

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https://cheminsdesterrils.be/2016/08/02/la-boucle-noire-du-gr-412/

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Les friches et anciennes infrastructures ne sont pas cachées ou systématiquement rasées mais mises en valeur. Le rapport à la mémoire est un élément fondamental dans la constitution du territoire. « Comme la mémoire collective a été raturée, les paysages ont été ravagés. Apprendre dans son existence à lire le paysage ou à le fréquenter, c’est à mon sens apprendre à en raconter la suite, ou la poursuite : c’est se donner les moyens de recomposer cet autre continuum, celui de la biographie collective »26.

Le parc des Îles de Rouvroy (à l’est de la cité Nouméa) a été aménagé à la suite de la destruction de la Cokerie qui s’y tenait auparavant. Cette cokerie, aux pieds des terrils, était utilisée pour transformer le charbon en coke et fournir les hauts-fourneaux d’Europe en combustible. Il ne reste aujourd’hui aucun vestige de ce patrimoine industriel. Ce positionnement vis-à-vis de la mémoire est toujours d’actualité. En 1999, le débat fut ouvert concernant la destruction de l’usine Renault sur l’île Seguin près de Paris. Jean Nouvel monta ainsi au créneau en militant pour la conservation du « paquebot » en évoquant le rôle mémoriel dans la pensée collective du lieu. Le fait de ne plus laisser trace d’un outil industriel - ayant rassemblé une multitude d’individus et à terme ayant forgé une culture commune (c’est le cas des Mines du Nord) - afin de requalifier et moderniser les territoires est en discussion. « [...] Ce «plan programme», calqué sur l’esquisse de Bruno Fortier (Libération du 17 septembre 1998), prévoit de casser l’usine et de la remplacer par de petits immeubles bordés d’un cordon de verdure sur tout le périmètre de l’île. «C’est de la vaseline verte», tempête Jean Nouvel, destinée «à faire passer une folie»: la destruction de l’île usine Billancourt. 200 000 ouvriers. «Il faut classer l’île Seguin comme un site. Pas pour tout conserver en l’état, mais pour garder son aspect de paquebot extraordinaire. Et à l’intérieur, mettre en valeur certains éléments de sa structure, comme la «salle des presses, aussi colossale que les alignements de Carnac. L’île Seguin est l’un des principaux symboles du mouvement ouvrier du XXe siècle. Certains jours, plus de 200 000 ouvriers se sont retrouvés sous la grande halle, harangués des passerelles par les leaders communistes», rappelle l’architecte de l’Institut du monde arabe. » 27

Dans son ouvrage Entre-ville, Thomas Sieverts apporte une vision les territoires post-industriels. « L’opposition fondamentale ville/campagne qui caractérisait les anciennes villes 26 Glissant (Édouard), Les entretiens de Bâton Rouge, Paris, Gallimard, 2008, 39p. 27 Écoiffier (Matthieu), « Jean Nouvel veut sauver le paquebot ouvrier. L’architecte milite pour que l’île Séguin ne soit pas rasée. », article en Une du Journal Libération, Paris, 06 mars 1999

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européennes se dissout par l’effet d’une sorte de nivellement technique et par une multiplication à travers le monde de ces « non-lieux » dépourvus de toute histoire28. Les diagnostics de l’époque contemporaine qui affirment l’existence d’une seconde modernité ne sont pas les seuls à considérer cette évolution comme irréversible, même si personne ne semble aujourd’hui en mesure de prédire la forme concrète de son organisation sociale ou de son espace. [...] Projeter avec les dimensions de la nature et du temps. Les expériences mises en jeu dans cette projection, ne relèvent de l’évidence que pour les toutes dernières générations d’étudiants : elles s’attachent notamment à ces paysages de friches industrielles et militaires, bouleversées par la technique, mais qui se trouvent très rapidement reconquises par la nature. On ne sait plus trop s’ils appartiennent au monde de la technique ou à celui de la nature, cette indétermination incitant elle-même à concevoir les nouvelles structures bâties aussi bien comme des constructions destinées à remplir des fonctions humaines que comme des biotopes très diversifiés. »29

3.2. Parcours : « jeter un regard circulaire ou scrutateur »30 Le projet collectif suivant pose comme question initiale : Quelle réponse donner à l’expansion urbaine de Rouvroy dans un contexte de préservation du patrimoine minier ? Nous avons choisi de traiter cette question en intervenant sur les lisières de la ville en identifiant des micro-sites potentiels tiers-lieux et lieux de projet (construits, plantés, et traitement des sols). Ces microsites, souvent espaces délaissés, vides, n’ont pas vocation à être « remplis ». Nous apportons une importance au rôle du vide dans la ville. Les vides, les arrières, peuvent devenir des avants. La lisière est ainsi cet espace de retournement. Un côté n’est pas à privilégier. Il s’agit dans notre projet de constituer un réseau de vides, et de les qualifier, de manière paysagère, et de les favoriser dans une intervention de micro-architectures. C’est à cet endroit que nous estimons que différentes interfaces entre le tissu urbain et ses enclaves environnantes permettraient d’instaurer un dialogue entre deux mondes qui se tournent le dos. L’action de mettre en réseau les micro-sites a été effectuée avec une attention primordiale portée sur la nature des espaces ouverts traversés ou longés. En les catégorisant et en les valorisant auprès des habitants par le biais d’un parcours, nous allons dans le sens de la redécouverte du territoire. En conclusion, nous avons vu que Rouvroy est sujette à trois problématiques principales : la fragmentation multi-scalaire, l’étalement urbain et la politique vis-à-vis des équipements et des 28 29 30

Augé (Marc), Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992 Sieverts (Thomas), Entre-ville, Une lecture de la Zwischenstadt, Marseille, Parenthèses, 1999 Définition issue du CNRTL (https://www.cnrtl.fr/definition/parcours)

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espaces publics. Nous avons localisé les bords de ville comme espace à haut intérêt, et avons mené des analyses dans le but de faire des hypothèses d’action. Le répertoire des espaces ouverts, des micro-sites, et des interfaces de la ville nous ont permis de proposer la mise en place d’un parcours des lisières, filon de découverte du territoire à travers sa diversité et mettre en valeur les points de vue, l’horizon inhérent au Bassin Minier, et son potentiel d’espace en commun. Espace fragile, à protéger, au cœur des enjeux de territoire. La partie III de ce mémoire se concentrera sur les stratégies adoptées, l’articulation avec les projets du parcours (les micro-interventions et les quatre projets/programme plus importants dévelo ppés par les membres du groupe d’étude). III. LE PROJET POUR LE BIEN COMMUN 1. Architecture et paysage 1.1. L’approche des Objets Immanents Afin de lancer un travail préliminaire de projet et de présenter les structures en bois le long du «parcours des lisières», je suis parti de l’ouvrage de recherche Objets Immanents de Cédric Libert31. Les étudiants ont ainsi travaillé à partir de 3 grandes infrastructures (un viaduc, un aéroport et un barrage) et imaginé des séries d’architectures de façon à provoquer des situations inédites. « Au départ de trois objets trouvés – héritage des aléas de l’histoire –, la recherche explore la question du paysage, au sens architecturé du terme. Pour mener cette réflexion, deux échelles ont été convoquées : celle du territoire d’une part, constitué de villes, de hameaux et de bourgades, de champs, de forêts et de lacs ; celle de l’architecture d’autre part, engagée dans un rapport direct avec la forme habitée et les contours de l’espace ». Les projets présentés dans cet ouvrage interrogent, par l’infrastructure à grande échelle, trois formes de conditions habitables : d’abord, un paysage intermédiaire, ni ville ni campagne, ersatz d’une modernité qui produit le grand territoire plat et non hiérarchique typique de ce début de XXIe siècle ; ensuite, un paysage urbain, empilement de strates historiques qui ont composé les villes européennes à travers le 31 Cédric Libert est architecte, entre Bruxelles et Paris. Diplômé de l’Architectural Association de Londres, il a dirigé l’agence Anorak (2005-2010) avant de mener aujourd’hui une pratique expérimentale et indépendante de l’architecture, par l’enseignement, l’écriture et le commissariat d’exposition principalement. Il a travaillé sur un projet de relecture critique de l’œuvre et de l’héritage conceptuel d’Auguste Perret. Cédric Libert a enseigné à l’ISA St-Luc à Liège, l’ISACF La Cambre à Bruxelles, l’Ecole d’Architecture de l’Université Laval à Québec comme professeur invité et à l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris comme professeur associé. Il enseigne actuellement à l’ENSA-Versailles. Il est aussi co-fondateur du Thought Council de la Fondazione Prada à Milan, avec Shumon Basar et Nicholas Cullinan.

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URBANISATION ET PATRIMOINE

DENSIFIER LES FRANGES DE LA VILLE

CONSTAT : Le développement de la ville est limité tantôt par les espaces cultivés, les axes routiers et les vestiges post-industriels Atelier Histoire

La cité Nouméa - Rouvroy Ressources paysagères Manuel Jaecques Printemps 2019

PROBLÉMATIQUE : Comment procéder pour urbaniser et densifier tout en sauvegardant le patrimoine et l’histoire des cités minières de Rouvroy ? PISTES : Concentrer la densification sur les franges, les continuités vertes des îlots et autour du terril avec de le protéger et le qualifier.

CONSTAT : Seules quelques architectures de l’époque minière sont encore visibles. Leurs zonestampons sont souvent non-qualifiées et ne participent pas à la valorisation de ce patrimoine. Atelier Histoire

La cité Nouméa - Rouvroy Ressources paysagères Manuel Jaecques Printemps 2019

PROBLÉMATIQUE : Comment intégrer ces vestiges dans le développement de la ville de façon durable, mémoriel et qualitatif ? PISTE : Ne pas privilégier la création de zones muséifiées, mais apporter un horizon mettant en valeur ce vestige, tout en mettant l’accent sur son accessibilité.

INONDATIONS, DENSIFICATION ET QUALIFICATION

LES ZONES INONDABLES ET LES VUES

CONSTAT : Le développement de la ville est limité tantôt par les espaces cultivés, les axes routiers et les vestiges post-industriels Atelier Histoire

La cité Nouméa - Rouvroy Ressources paysagères Manuel Jaecques Printemps 2019

PROBLÉMATIQUE : Comment procéder pour urbaniser et densifier tout en sauvegardant le patrimoine et l’histoire des cités minières de Rouvroy ? PISTES : Concentrer la densification sur les franges, les continuités vertes des îlots et autour du terril avec de le protéger et le qualifier.

Atelier Histoire

La cité Nouméa - Rouvroy Ressources paysagères Manuel Jaecques Printemps 2019

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CONSTAT : La zone tampon entre la cité Nouméa et le terril est une zone « d’accumulation potentielle» des eaux de pluie, et donc potentiellement inondable. Les fonds de jardins ne sont pas qualifiés et ne participent pas à la relation architecture-paysage. PROBLÉMATIQUE : Comment requalifier les limites de la cité Nouméa se trouvant vers le terril? Comment allier densification, enjeux territoriaux et préservation de la qualité de vie ? PISTE : Développer un front bâti «nature-bâti» participant à la qualification des franges du terril


temps ; enfin, un paysage bucolique dont la construction récente se pose (presque) en écho au travail pictural des peintres du XVIIe siècle. Le viaduc de l’aérotrain au nord d’Orléans, l’aéroport de Tempelhof à Berlin et le barrage de Vassivière dans le Limousin : ces trois infrastructures, dans leur allure de faux monuments à la mémoire d’une épopée (in)aboutie, constituent un instrumentétalon qui permet d’articuler une démarche englobant des notions de macro-territoire et de micro-édifices, envisagés dans leurs relations réciproques. En arrière-plan, les projets engagent surtout une démarche critique vis-à-vis d’une question globale, qui concerne la modification par l’homme de son propre environnement : Man on Earth»32.

L’intérêt du livre était l’approche du processus de conception en réaction à un déjà-là. Les trois grandes infrastructures étudiées par les étudiants de C. Libert dans son livre sont comparables à la temporalité de la cité minière Nouméa. Il est intéressant de partir d’un élément générant un nouveau territoire pour chercher à l’accompagner, le faire évoluer. La mise en place d’éléments formels importants permet de dégager des problématiques inhérentes au lieu, et ainsi des postures et attitudes de concepteurs à l’écoute de contexte. Semblable au land-art, ce type d’intervention s’inscrit dans le paysage de manière à le questionner, le sublimer, ou encore le côtoyer. Il est tantôt question d’objets disproportionnés, tantôt d’éléments à petite échelle venant interpréter et donner un nouveau regard sur un lieu. Implanter des projets afin de soulever des problématiques a été une méthodologie inédite. En ayant soulever les enjeux du territoire explicités précédemment, nous avons repéré plusieurs composantes territoriales et paysagères qui nous ont parut centrales : l’importance de la microtopographie, les zones inondables, et l’horizon. Ces premiers dessins ont pour objectif de déceler certaines potentialités des terrains étudiés. Dans la première étude il est question de rendre visible le paysage de la lisière, d’assoir l’horizon et le patrimoine, et de le rendre accessible. Dans la seconde, de proposer une façade à l’espace ouvert afin de ne plus le condamner aux arrières de jardins abandonnés et aux dépôts sauvages d’ordures tout en répondant aux problématiques de l’eau dans le Bassin Minier avec la mise en place de noues. Les objets immanents33 sont ainsi des structures qui signifient elles-mêmes ce qu’elles sont et leur rôle. Dans le parcours des lisières, nous avons vu que les micro-sites et la diversité des espaces publics et espaces ouverts sont reliés pour donner corps et sens à la lisière comme nouvelle 32 Libert (Cédric), Objets Immanents, Paris, BlackWhiteRainbowProductions, 2017, 184p. 33 Immanence : présence par mode d’intériorité ; Immanent : Opération de l’esprit dont la caractéristique est de s’achever au sein du principe d’où elle émane. Définitions CNRTL

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Hangar

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Classification d’essences locales Classe 1

Menuiseries intérieures Bois toujours sec, humidité en service inférieure à 18 %. Meubles Parquets Lambris Menuiseries Aménagements intérieurs...

Classe 2

Ossature, charpente Bois sec dont la surface est temporairement soumise à humidité. Charpente Ossature Plancher...

Aulne Chataigner Chêne Douglas Frêne Hêtre Mélèze Peuplier Robinier

Exemples de produits issus du peuplier en construction Parquet Moyenne : L = 125 à 200cm l = 10 à 18cm e = 2,3cm

Peuplier Bardage horizontal L = jusque 400cm l = 9 ; 14 cm e = 2,1cm

(démonstration de l’usage du peuplier en intérieur, abrité)

Aulne Chataigner Chêne Douglas Frêne Hêtre Mélèze Peuplier Robinier

Peuplier (démonstration de l’usage du peuplier structure, bien abrité des intempéries/humidité venant du sol et de l’extérieur)

Poteaux carrés L = variable l =15 - 20 cm e = 15 - 20cm

Bardage vertical Moyenne : L = jusque 400cm l = 9 ; 14 cm e = 2,1cm

Lambris Moyenne : L = 100 à 200cm l = 8 à 15cm e = 1 cm

Poutres brutes/usinées peuplier massif L = max 350cm l = 22,5 cm en moyenne e = 5 - 7,5 cm

Volige L = 200cm en moyenne l = 6 - 7,2cm e = 1,5 - 1,8 cm Planche L = 200cm en moyenne l =10 - 30 cm e = 2.7 cm

Poutres bois aboutés L = max 600cm l = 22,5 cm en moyenne e = 5 - 7,5 cm

Chevrons L = jusque 300cm l = 8 ; 10 cm e = 6 ; 8 cm

Poutres lamellé-collé L = 600 à 1800cm l = 6 - 28 cm h = jusque 128cm

Liteaux L = jusque 400cm l = 4cm en moyenne e = 15 ; 27cm

Poutres CLT Matériau en cours de recherches

Classe 3a 3b

Menuiseries extérieures Bois soumis à des alternances d’humidité et de sécheresse… 3a : périodes courtes d’humidité 3b : périodes significatives

3a: Aulne Chataigner Chêne Douglas Frêne Mélèze Peuplier Robinier

3b: Chataigner Chêne Douglas Mélèze Robinier

Choix de l’essence en fonction ambiance, aspects, et structures souhaités dans chaque projet

Le peuplier : une essence très productive

Bardage Ossature

Classe 4

Chataigner Chêne Robinier

Couverture

Bois dont l’humidité est toujours supérieure a 20% sur totalité ou partie du volume.

Dénomination

Choix de l’essence en fonction ambiance, aspects, et structures souhaités dans chaque projet

Taille à maturité

Nom(s) commun(s)

35 - 40m (20 - 25 ans)

Nom(s) latin(s)

Largeur jusque 5m

Peuplier, Piboule

Populus

Famille

Mobilier extérieur Piquets Terrasses

Salicacées

Type

Arbre feuillu

Le peuplier dans la construction Classe 4 Couverture

Classe 2

Ossature, charpente

Classe 3a

8

Menuiseries extérieures

Classe 3b

Menuiseries extérieures

12

Classe 1

Menuiseries intérieures

Classe 4

Platelage, clôture

Source: Axonométrie redessinée par Julie Héber-Suffrin, à partir du document : Le bois de nos régions, Annuaire des essences locales et des scieurs en Nord-Pas de Calais / Picardie, Nord Picardie Bois, Bondues, 2016

Exemple du cultivar Rasplaje en station acide fraiche et zone potentiellement inondable, Julie Héber-Suffrin, collage, 2019

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Sources: https://www.gedimat.fr https://www.scieriemichelard.fr http://delhezbois.be


centralité. Le bord devient lieu d’attention et non plus de renvoi. La pérégrination est centrale dans l’idée du parcours. Les 27 micro-sites sélectionnés l’ont été pour leur qualité paysagère et leur intérêt en terme d’usage pré-existant. Dans la double page qui suit, des photomontages ont été réalisés dans le but d’instaurer cet imaginaire de parcours des structures en bois, qui sera le point de départ de notre stratégie de promotion de l’autoconstruction dans la logique du bien-commun, du faire-commun. Nous allons ensuite exposer notre charte du peuplier, matériau régional et moteur d’une architecture territorialiste (interventions en lien avec les ressources locales). 1.2. Micro-interventions et charte du peuplier Les micro-interventions le long du « parcours des lisières » correspondent à ces structures publiques pouvant être réalisées en collaboration avec les habitants selon les principes de l’autoconstruction. Ainsi, le parcours et les lisières de la ville peuvent être rythmés par des arrêts de bus, mobilier urbain, abris non chauffés de stockages partagés etc. qui sont chacun traités à partir d’un matériau bio-sourcé et local. Nous avons choisi le peuplier comme essence majeure à utiliser dans chaque intervention, étant donné qu’il représente une ressource locale typique du Nord de la France. En parallèle, nous avons analysé des assemblages en bois de peuplier déjà réalisés il y a quelques mois dans l’atelier Echelle 1 par les étudiants en L3 dans le but de comprendre où pouvaient se trouver les points de déformation de chaque test effectué. Nous avons par la suite commencé la fabrication d’un premier module, une assise. Nous avons repris le principe de l’assemblage par mortaises afin de limiter les effets de rotation entre les poteaux et les poutres, et avons fini de solidariser l’ensemble par un tourillon, évitant ainsi l’usage de colle ou de vis. Joint avec le présent mémoire, nous avons donc élaboré une charte concernant l’usage du peuplier dans notre projet paysager et architectural. Je rappellerai ici les principaux éléments. Ce matériau de construction bio-sourcé a été choisi pour plusieurs raisons : bois local, il est encore peu utilisé dans la construction. François Lacoste34 est l’un des pionniers dans sa mise en œuvre en architecture. Souvent réservé aux emballages, aux cagettes et aux second œuvre dans la bâtiment, il s’agit d’un bois feuillu et facilement déroulable. Son bois peut-être opérant comme structure porteuse à condition que les pièces utilisées soient de dimensions restreintes (3,5m pour le bois massif, 6m pour le bois thermo-chauffé, et toutes longueurs pour le lamellécollé). Nous avons décidé d’éviter l’usage du lamellé-collé pour des question environnementales (usage excessif de produits polluants) et de favoriser le bois massif ou thermo-chauffé. Les 34

Architecte et enseignant à l’ENSAPL.

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Engins agricoles Stockage Logistique

Lin Graine (huile)

Fibre (textile)

Blé / Paille

Pomme de terre

Parcours Land-art Révélation des traces mémorielles Jardins privés et collectifs Partenariat salle Marie Curie et logements d’artistes

Grain

Intégration du centre pour handicapés dans le tissus résidentiel Densification

Paille

Etoupe (isolation) Chaume

Liant

PRODUCTION

Déchets issus de la ZAC

Insertion de nouvelles typologies de logements dans les résidus parcellaires

Maraîchage alimentaire et non alimentaire Couveuse d’entreprise Echanges de services entre agriculteurs et habitants Machines / Outils Echange de savoir-faire Stockage, gestion Logistique Couveuse agricole

Déchets séléctionnés issus des habitants

Unité de recyclage

Unité de transformation Atelier participatif

Autoconstruction Autoréhabilitation

CONSOMMATION Services de restauration / Cuisines collectives Agro-tourisme Renforcer la dynamique de vente de produits locaux

Créer du mobilier interieur et extérieur

TRANSFORMATION - STOCKAGE DE MATIÈRE PREMIÈRE Investir les entreprises existantes Développer une éco-industrie locale Former de nouveaux producteurs de matières premières Echanges de services entre artisans et habitants Former à l’auto-construction / construction bio-sourcée

Habiter l’entre deux Réhabiliter / Construire la cité Nouméa

CARTE DES INTENTIONS PROGRAMMATIQUES

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structures doivent privilégier au maximum l’usage du peuplier et se servir d’autres essences locales en cas de besoins ponctuels. D’une croissance rapide (maturité atteinte en 20 ans), il est particulièrement adapté aux sols très humides et/ou inondables. Les peupleraies sont des exemples d’espaces agro-forestiers multifonctionnels35 et sont adaptés à la proximité avec les milieux urbanisés. Les peupleraies font ainsi partie de notre plan de parcours, et sont des interventions au même titre que les architectures et micro-architectures. Elles sont donc intégrées dans notre projet des lisières comme espace de pomerio, espace ouvert accessible, aménagé et protégé en lien avec l’ante parc. 1.3. Attitude architecturale À la suite des analyses des territoires, nous avons élaboré une carte des intentions programmatiques le long du « parcours des lisières ». Celle-ci se base sur les 3 lisières travaillées (agro-urbaine, terril-urbaine et ZAC-urbaine). Les projets se développent ainsi sur les espaces ouverts et urbains que le parcours traverse. En s’attachant à effectuer une couture avec l’existant, nous avons localisé en rouge, sur la carte, les équipements structurants de la ville (Aquaterra, l’EHPA-H, la ferme Lebecque et des jardins familiaux à l’extrémité ouest de la cité Nouméa). Le projet de groupe du « parcours des lisières » s’accompagne ainsi de 4 projets travaillés individuellement : • Julie : Construction d’un Fab-Lab, peupleraie et atelier bois (en lisière ZAC-urbaine) ; • Inès : Parcours paysager et architecturé en lien avec les maisons (en lisière terril-urbaine) ; • Caroline : Réhabilitation d’une ruine avec auberge et cuisines (en lisière agro-urbaine) ; • Manuel : Le bien commun urbain36 à travers la requalification d’un micro-îlot : surélévation de maisons minières en lien avec un équipement de quartier (en lisière terril-urbaine) ; La partie suivante a pour but de présenter le projet architectural du PFE. Les interventions paysagères et architecturales y seront exposées. Par la suite sera présenter le Manifeste pour le bien commun que je défends. Basé sur de nombreux articles et publications, nous y verrons pourquoi il est justifié de proposer un projetrecherche sur la question du commun et comment la pensée italienne des beni comuni vient 35 L’un des 8 points pour la constitution de la bio-région urbaine selon Alberto Magnaghi. 36 Terme de Daniela Festa, dans « Les communs urbains. L’invention du commun », Tracés. Revue de Sciences humaines [en ligne], n°16, mis en ligne le 01/01/2017, consulté le 02/11/17. URL : https://traces.revues.org/6636,

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HAVRE Refuge sûr et tranquille Endroit où l’on se sent en sécurité Ce qui constitue un refuge, un réconfort

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grandement enrichir les notions de « territoire bien commun » et « paysage bien commun », dans la mesure où elle considère le bien commun comme composante à part entière de la vie urbaine, de l’architecture et des appropriations. 2. Le havre des terrils, un bien commun urbain Nous avions relevé précédemment les problématiques et constats urbains auxquels le projet allait répondre : l’aménagement de la D46 pour relier l’ouest et l’est ; l’étalement urbain ; les équipements et les espaces publics ; le rapport à la mémoire. Nous considérons les lisières comme des espaces propices au bien commun (Cf. les territorialistes toscans). Alberto Magnaghi dans son ouvrage La bio-région urbaine : petit traité sur le territoire bien-commun37, l’auteur plaide pour « la re-territorialisation des peuples et l’équilibre entre les communautés établies, les milieux ambiants et les patrimoines locaux [en opposition à la déterritorialisation]»38. Il se réfère aux Souvenirs des lieux (Hillman 2004), et appelle à la reconstruction de moments communautaires et à la reconnaissance des biens communs. Il est donc important à nos yeux de proposer un projet prenant en compte le passé des cités minières, leur fort sentiment d’appartenance et l’histoire commune (immigration, conditions précaires) qui liaient les habitants. 2.1. Approche urbaine Le choix de la parcelle s’est porté sur une parcelle résiduelle créée par la traversée de la cité Nouméa par la D46. Idéalement situé au bord d’un équipement sur la lisière (l’EHPA-H), il s’agit d’un lieu aux multiples potentiels urbains et sociaux. Le terrain se situe à la pointe de la partie est de la cité minière, et est situé à l’une des portes d’entrée de la ville. Il pourrait ainsi bénéficier de sa visibilité pour exposer le renouveau de la cité, par le projet paysager et architectural. Le projet prend racine dans 2 constats : • démographique : le vieillissement de la population de la cité Nouméa (plus d’un tiers de retraités). L’hypothèse est de prévoir la future inadaptation des logements auprès des locataires âgés afin de proposer un travail de réaménagement de la maison. En imaginant que ces derniers ne puissent plus utiliser l’étage de la maison minière, il serait alors question de dissocier le rez-dechaussée de l’étage. 37 38

Magnaghi (Alberto), La bio-région urbaine : petit traité sur le territoire bien-commun, Paris, Éditions Eterotopia - rhizome, 2014 Ibidem

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• typologique : Rouvroy est composée à 46% de T5, et presqu’autant de T4. Afin de proposer une alternative à la monotypologie, nous proposons l’intégration de petites typologies intégrées à la maison minière (studio, T1 ou T2). En combinant les 2 constats joints aux hypothèses, la maison minière pourrait connaître une réhabilitation en modifiant sa destination originelle : une maison unifamiliale. Fragmenter la maison et constituer plusieurs typologies d’habitats. Pour ce faire, le projet s’intéressera aux possibilités qu’offre la surélévation. La maison pourrait être alors un endroit de mixité sociale et inter-générationnelle intéressante dans la mesure où elle permettrait de proposer des plus petits logements à des loyers plus modérés et ainsi plus accessibles aux jeunes ou foyers mono-familiaux. Les nouveaux logements pourraient également être un lieu de réinsertion pour les personnes résidentes de l’EHPA-H situé à côté. Accueillant 72 personnes âgées handicapées (troubles proche de l’autisme surtout), la plupart sont dans une situation d’autonomie relativement élevée. L’application de la stratégie de pomerio et d’ante parc est appliquée grâce à : • la liaison des espaces publics (existants et nouveaux) suivant le « parcours des lisières » ; • la remise en cause de découpage parcellaire (grande parcelle et la maison au centre). La place de l’église, auparavant totalement déconnectée de la partie est de la cité Nouméa par la D46 et un haut talus arboré est reliée à un nouvel espace public, une place à la croisée des 2 parties de la ville, et vient marquer l’entrée de la cité. Elle sert de rotule entre les différentes entités urbaines (l’EHPA-H, la cité minière, le bois des terrils, les quartiers de la compagnie des mines où l’on retrouve l’église, une salle communale, et le centre culturel Marie Curie, ancienne école des filles). Le projet propose la constitution d’un petit ensemble urbain à la pointe de la cité minière. Il défend sa position d’interface entre l’espace ouvert et l’espace urbain. La reconstitution d’un îlot en lieu et place des parcelles fragmentées permet la mise en place des nouvelles typologies de micro-logements. « L’unité administrative correspond rarement avec l’unité géographique [...]. Le découpage territorial administratif des villes a pu être arbitraire dès le début, où l’est devenu ultérieurement [...]. Ce découpage artificiel s’oppose à la bonne gestion du nouvel ensemble »39

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Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Paris, Minuit, 1957 (publié pour la première fois en 1941).

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« Trouvons des limites intégratrices. L’urbain médiéval dans la tête d’un Européen reste un espace à enceinte qui permet d’intégrer. La seule chose qui a changé, c’est que cet espace se définissait contre la forêt, et qu’aujourd’hui c’est la forêt qu’il faut protéger contre l’urbain...»40 Olivier Mongin

Pour une lecture plus fluide de l’espace et un meilleur rapport à la mémoire des maisons minières, il convient de libérer ces dernières des ajouts et extensions supplémentaires qui se sont accumulés avec le temps (dans notre cas : garages en brique claire et carins délabrés) et de réintégrer ces espaces dans les nouveaux éléments architecturaux. Nous retrouvons ainsi un espace libre composé d’éléments structurant cette île urbaine. Les deux architectures neuves viennent accueillir, la galerie d’art (bâtiment de long de la D46) en lien avec les programmes culturels alentours, et un lieu d’ateliers et rencontres pour le quartier (face à la peupleraie). La peupleraie, voulue comme un espace agro-forestier en pomerio, fonctionne dans le circuit du matériau bio-sourcé que nous mettons en place. C’est l’une des 3 peupleraies prévues sur le plan du « parcours des lisières ». Gourmant en eau, le peuplier s’adapte non seulement très bien aux zones inondables et humides (comme c’est le cas ici aux pieds des terrils) mais il aide également à la stabilisation des eaux et des sols instables. Le chemin de l’eau est central dans la conception du nouvel espace public -la place-. En s’adaptant à la topographie existante, elle est en pente douce d’ouest en est, et conduit l’eau du ruissellement de la D46 et du talus qui sépare l’église vers la peupleraie. Une noue vient également longer la D46 pour venir s’ouvrir vers la place et la peupleraie. La place sera ainsi dessinée avec des rigoles, et des aménagements publics toujours en lien avec l’eau. À la rencontre entre la place et la peupleraie (le niveau le plus bas), la zone est prévue pour être potentiellement inondable. Il est essentiel de penser aux espaces publics en tant que potentiels support des usages. Rouvroy se caractérise par une diversité d’usages informels, d’appropriations du bois bordant le terril par exemple. Il conviendra dans le projet d’être attentif à garantir la possible appropriation par les habitants et chercher à créer des espaces évolutifs, en mettant au centre la promotion de la biodiversité et la création de micro-espaces et ambiances inhérentes au lieu. « L’augmentation d’habitants autour d’un espace ouvert augmente sa fréquentation supposée et le met sous pression remettant en question l’aspect quelque peu délaissé des espaces en bordure de ville. Pourtant ce caractère peu aménagé offre un refuge 40

Cité dans Diaz (Isabel), Fleury-Jägerschmidt (Émilie), L’horizon des lieux -Réparer par le paysage-, op. cit.

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important pour la faune et la flore. Il permet également une série d’usages et de pratiques informelles et spontanées propre à des espaces en attente (De Smet, 2013) »41

À propos d’Avignon Sud, Bertrand Folléa insistait sur le fait de « s’interroger sur la restructuration du tissu urbain et sur la place de l’espace public comme vecteur de cohésion. Parce que les mots préfigurent la façon dont on va réaliser les projets, notre première proposition a été de renommer la «rocade», la «route», ou la «liaison» en «place», «avenue» ou «boulevard» et de parler d’usages de proximité »42. Nous nous baserons sur sa méthodologie pour faire ressortir les lignes fortes du projet urbain : • Le travail du « parcours des lisières » et des micro-sites nous a permis d’identifier des zones d’études comme potentiels leviers pour servir la qualité de vie ; • La recomposition de la D46 permettra d’en faire, non plus seulement un axe rapide reliant les villes du bassin minier, mais également un axe de développement urbain (en s’appuyant sur les nombreuses parcelles résiduelles qui la longue et sur ses intersections avec les lisières). Une diversité des usages sera encouragée par le biais des espaces publics notamment ; • Les projets auront pour vocation la réhabilitation et la modernisation des habitats, la coopération avec les habitants sera largement encouragée avec l’auto-construction, l’autoréhabilitation accompagnée, ou encore la participation citoyennes aux projets (restitution du travail de cartographie participative à Rouvroy en partie III.3.) ; • Les projets promouvront des gestions alternatives se basant sur la communauté afin de recréer une cohésion sociale mais également de pallier aux difficultés de dialogue entre les différents acteurs. Le dessin des espaces suit des lignes de porosité espace ouvert-espace urbain. Les deux ailes de bâtiments protègent et forment le nouvel îlot et se tournent vers le grand paysage en le soulignant. La galerie d’art, le long de la D46 accompagne le piéton, depuis la petite échelle des maisons minières et s’élance vers la grande échelle des terrils. De même, le long de la peupleraie, nous profitons de l’impasse axée avec l’église pour offrir un cadrage de la vue. La page suivante présente le plan général du projet. L’étude précise des interventions architecturales la succédera.

41 Vanbutsele (Séréna) et Decleve (Bernard), « La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles », op. cit. 42 Folléa (Bertrand), dans Diaz (Isabel), Fleury-Jägerschmidt (Émilie), L’horizon des lieux -Réparer par le paysage-, op. cit.

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Manuel Jaecques - ENSAPL

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En cœur d’îlot, le projet vise à développer un jardin d’agrément et productif. Une trame issue architectures latérales pourrait régir l’espace central. En lien avec les différents programmes, une diversité des espaces naturels est souhaitée (jardin de sculptures de la galerie, lopins de terres pour les habitants de l’îlot, jardins partagés, allées, zones de recueil des eaux,...) : un lieu du (et en) commun. Le principe de fonctionnement est le suivant : en tant que bien commun urbain, le projet questionne la dualité entre privé/public (voir le Manifeste en partie III.4.). Ainsi, l’îlot comprend aussi bien de l’habitat que de l’activité. L’idée centrale est de créer un «ensemble urbain», une pièce urbaine dynamique et exponentielle dans la mesure où le dessein des biens communs urbains est de proliférer, s’étendre et en créer de nouveaux. Nous pourrions dire qu’ici, le projet présente un temps 1 : celui du lieu-bien constitué des 2 ailes et des 2 maisons minières situées sur l’îlot. Ces 2 maisons, nous l’avons dit retravaillées pour proposer une mixité de logements, accueillent les habitants-gestionnaires du lieu. Ce dernier développe la pratique de l’auto-gestion par une communauté sur le modèle des centres sociaux italiens (présentés dans le Manifeste). Comme le dit Pierre Donadieu, les modes de gestion alternatifs participent à prendre soin du lieu habité (paysage et architecture). La cohabitation du logement et de l’espace collectif est travaillé en terme architectural par un renouveau morphologique. Les 2 ailes viennent assoir et mettre en valeur la maison ouvrière surélevée, et dessinent une nouvelle ligne urbaine. À présent, nous allons voir en détail les deux interventions architecturales présentées chacune avec leurs références : la surélévation de la maison minière et les deux ailes culturelles.

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2.

2.

1.

3. Rudolph Olgiati 1. Casa las Caglias, Flims (Suisse), 1959-1960 ; 2. G. Schäfer House, Flims-Dorf (Suisse), 1974-1975 ; 3. Van der Ploeg House, Lavanuz (Suisse), 1966-1967 ;

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2.2. La surélévation de la maison minière L’approche du vernaculaire

Altana : terrasse supérieure du bâtiment largement diffusée dans les habitations vénitiennes depuis la fin du XVIIe siècle Il est un balcon couvert saillant du bâtiment se référant au terme d’origine allemande altane, tour-belvédère audessus des toits. Cette typologie d’artefact architectural a origine typiquement vénitienne, où elles sont très répandues aussi bien dans les palais de l’époque que dans les habitations de moindre valeur artistique. Souvent on la trouve sous forme de terrasse ou de plate-forme en bois élevée audessus du toit de l’habitation, à laquelle on accède par une mansarde.

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Le Bassin Minier reconnu par l’UNESCO comme paysage « culturel, évolutif et vivant » revient à ne pas muséifier le patrimoine et l’horizon minier. Symbole d’une époque industrielle lourde, il peut être considéré comme territoire symbole d’une nouvelle époque, celle de la reconnaissance des biens communs et des nouveaux modes d’habiter. « Assumer l’existant pour le transformer, c’est, à notre sens, ce qui fonde la pensée paysagère » Michel Corajoud

Nous l’avons vu, le choix de la surélévation d’une habitation existante s’inscrit dans la logique de proposer de nouvelles typologies d’habitat et favoriser une mixité trop peu présente à Rouvroy. Le projet se voulant être une prospective de renouveau pour la cité minière, deux typologies de maisons sont travaillées sur l’îlot (les types K et P) afin de proposer une méthode adaptable aux autres maisons de la cité et ainsi s’inscrire dans une logique exponentielle de renouvellement urbain. La cohabitation des maisons avec le cœur collectif est basée sur un travail de sol. La parcelle s’appuie sur une micro-topographie, en pente vers la peupleraie (pente sud-nord). Les maisons sont situées côté sud (ville) et sont plus hautes d’environ 1m par rapport au côté nord (chemin longeant la peupleraie). Un terrassement est alors créée pour asseoir la maison minière, la mettre en valeur et l’intimiser par rapport au jardin. En fractionnant les volumes du rez-de-chaussée, le projet créé plusieurs possibilités d’aménagement. En reprenant la trame de la maison, des studios ou T1 individuels s’insèrent entre les murs de refend et de façade. Ils disposent chacun d’une entrée indépendante. Les logements peuvent également disposer d’espaces partagés entre plusieurs chambres (type colocation). La logique de diversité de logement se retrouve aux étages. Les R+1 et R+2 peuvent tantôt constitués un duplex disposant d’une altana exposée au sud, tantôt être séparés et former 2 logements distincts. L’accès aux logements se fait par des escaliers collectifs ou individuels qui s’intègrent dans la différence de largeur des parties de la maison minière. Une expression architecturale de la maison surélevée est alors créée en développant un développement vernaculaire tout en alliant épaisseurs de maçonneries et de toitures (Cf. R. Olgiati et coupe ci-contre). Une structure porteuse en peuplier est accolée au mur en brique de 33 cm. Placée à l’intérieur, elle crée une émergence dans l’enveloppe de brique existante et souligne les embrasures et l’épaisseur du mur. Aux niveaux supérieurs, l’isolation pourrait passer à l’extérieur afin que la structure de montants en peuplier participe aux ambiances intérieures des logements.

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2.3. L’équipement culturel auto-géré Ante parc et architecture paysagère

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Pour rappel, l’équipement est composé de 2 ailes : la galerie d’art et l’espace d’ateliers et de rassemblement pour les habitants et les promeneurs du « parcours des lisières ». Elles sont implantées en limite du nouvel îlot et mettent en valeur les vues, aussi bien depuis l’extérieur (cônes dirigés vers les éléments du paysage terrils et église) que depuis l’intérieur (où la variation de la hauteur du faîtage et la succession des poteaux dessinent un cadre pour le visiteur). Toujours en lien avec l’architecture vernaculaire, je me suis inspiré des architectures agricoles pour dessiner des bâtiments usant de systèmes constructibles simples et adaptés pour l’autoconstruction. Lors de nos recherches sur le bois de peuplier, nous avions relevé que sa mise en œuvre pour la structure nécessite des portées réduites. La préférence est donnée aux assemblages simples. Le dessin structurel des édifices suit ainsi cette logique. Les alignements non parallèles des poteaux en façades participent à l’habitation de l’épaisseur des bords. On n’entre pas de la même manière que l’on sort : on entre par la ville, on sort par le paysage. Le fait de traiter chaque extrémité selon les intentions souhaitées encourage la mise en place d’un cheminement du visiteur, dont les perceptions et les sens sont dès lors mis en éveil. Plutôt qu’une architecture de charpente à fermes triangulaires ou de poteaux-poutres, la structure de l’édifice se compose d’une succession de chevrons aboutés dans le poteau (Cf. Localarchitecture). La morphologie des bâtiments est rendue possible grâce au calcul préalable (paramétrique) de la longueur des chevrons et de la hauteur des poutres. Ainsi, les chevrons sont tous sur le même plan, ils sont simplement plus courts ou plus longs. La jonction avec le poteau est également identique pour toutes les travées. Le désaxement induit de la ligne de faîtage n’entraîne pas non plus un changement de l’assemblage. La porosité de ces deux ailes est un enjeu majeur. À la façon de la Schoolgarden “De Buitenkans” des architectes hollandais RO&AD43, l’idée est de jouer avec l’alternance de trames fermées et ouvertes, pleines et vides, opaques et lumineuses. Concernant l’aménagement intérieur, les éléments sont positionnés suivant la trame structurelle. Le parcours dans la galerie est ainsi ponctué des supports d’expositions, et les espaces de services (stockage et WC) sont traîtés de la même manière, devenant ainsi de possibles supports pour la scénographie. Enfin, la galerie s’adapte à la micro-topographie que nous avons déjà évoquée. Contrairement au terrassement sur lequel vient se poser la maison minière, la galerie, elle, épouse la pente naturelle et crée un sol descendant vers la place publique. Les grandes lignes du projet étant explicitées, nous arrivons à la dernière partie de ce mémoire consacrée à notre Manifeste du bien commun. 43

https://www.ro-ad.org/projecten

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1. Qu’est-ce que vous aimez ou n’aimez pas sur le cadrage n°1 ? Voyez-vous des opportunités ou des dangers/choses qui ne vont pas ? Ajoutez des feux sur la carte...

2. Qu’est-ce que vous aimez ou n’aimez pas sur le cadrage n°2 ? Voyez-vous des opportunités ou des dangers/choses qui ne vont pas ? Ajoutez des feux sur la carte...

3. Qu’est-ce que vous aimez ou n’aimez pas sur le cadrage n°3 ? Voyez-vous des opportunités ou des dangers/ choses qui ne vont pas ? Ajoutez des feux sur la carte...

4. Voyez-vous des moyens d’établir des connexions entre la zone rouge et le reste du quartier ? Ajoutez des feux sur la carte...

5. Adoptez un regard critique à la carte réalisée. Quelles devraient être les orientations pour dialoguer avec les alentours? Chaque personne doit ajouter 3 mots-clés autour de la carte.

6. En groupe, choisir 4 mots-clés pour synthétiser ces orientations et les placer dans la carte.

7. Quel projet pourrait-être imaginé dans cette vision ? Chacun doit imaginer un projet qui puisse être utile pour la communauté (dans et hors la zone rouge)

8. Concentrez-vous sur un projet et imaginer son espace / sa limite/ son périmètre.

9. Comment créer ce projet ? De quelles ressources - personnes - savoirs avez-vous besoin ?

10. Regardez la carte. Que voulez-vous absolument conserver ? 11. Choisir un messager et lui demander qu’il présente la carte à l’autre groupe. 12. Le messager explique la carte. Explosez ce qu’il ne vous plaît pas. Expliquer pourquoi. Ajouter « j’aime » ou «attention/opportunités». (Vous ne pouvez pas exploser ce qui a été conservé.)

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3. Atelier de cartographie participative La participation citoyenne au processus de projet est un courant qui va dans le sens du commun, du faire commun. La connaissance du lieu vécu permet de faire émerger de nouvelles questions et problématiques et aide les citoyens à se repositionner en tant que décideurs, en tant qu’habitants du milieu. Afin de discuter des intentions programmatiques et des analyses de site, j’ai souhaité profiter du workshop à Rouvroy pour me livrer à un atelier de cartographie participative, repris du collectif belge Map-it44 (protocole ci-contre). « [...] Non plus pour chaque participant, de se positionner en « sachant », mais en personne sensible. [...] Non plus être objectif mais subjectif : sujet pensant et ressentant. Qu’est-ce que j’aime, qu’est-ce que je n’aime pas ? Qu’est-ce que je redoute, qu’estce que je désire ? Ce passage de l’impression à l’expression sensible vise moins une connaissance nouvelle du territoire qu’une reconnaissance partagée de ses qualités et de ses faiblesses. Se frotter à la réalité telle que vécue et perçue, l’éprouver de façon collective, c’est revenir à la source d’une vérité première : celle des sens. Celle qui fait sens. Le regard, peu à peu, s’aiguise ; il va au-delà des évidences premières qui s’imposent : celle des objets. En s’attardant, il fouaille les relations entre les objets, non plus les objets eux-mêmes ».45

Un total de 6 cartes (cartes en annexe) a ainsi été produit auprès de publics variés. Basés sur des questions simples, le protocole demande aux personnes interrogées leur point de vue sur le lieu d’étude, et les invite à proposer des moyens d’actions et des idées de projets (localisées) pour résoudre les éléments négatifs qu’ils ont identifiés. Les cartes suivantes sont la restitution informatique des cartes élaborées par le panel46.

44 « Map-it est un outil pour la cartographie participative et la conversation. C’est un outil de cartographie à faible composante technologique qui vous permet de faire un compte-rendu des projets passés, gérer des actuels et planifier des activités futures. C’est un outil sur le terrain, un ensemble ouvert et renouvelable d’icônes qui permet aux participants d’exprimer leurs pensées explicitement, d’une façon visuelle, sous forme d’une carte. Le caractère visuel de cartographie permet aux participants de formations et contextes différents de discuter des projets à parts égales. De plus, la structure de la cartographie encourage à non seulement partager des expériences positives, mais mène aussi à la critique et le débat. La communication est ouverte et les détails remontent à la surface en utilisant les éléments de Map-it ». http://www.map-it.be/ 45 Bertrand Folléa dans Diaz (Isabel), Fleury-Jägerschmidt (Émilie), L’horizon des lieux -Réparer par le paysage-, op. cit. Concernant la participation à des « ateliers participatifs d’urbanisme et d’aménagement pour la reconquête des paysages de Fort-de-France-Le Lamentin (Martinique) pour le renouvellement urbain, requalification des espaces publics et des entrées de villes, recomposition de la trame verte et bleue, de la trame paysagère, réorganisation de la gouvernance ». 46 Le panel est constitué de : • 5 résidents de l’EHPA-H ; • 2 étudiantes de l’ENSAPL ; • 2 lycéens du lycée Louis Pasteur à Hénin-Beaumont ; • 17 lycéens du lycée professionnel Henri Senez à Hénin-Beaumont.

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Les conclusions des cartes par groupe : • Groupe de 5 résidents de l’EHPA-H : En ayant fait de nombreuses fois référence aux passages piétons et aux voitures, le caractère enclavé et routier de «leur maison» est avéré. Ils se plaignent de leur manque d’autonomie et regrettent de ne pas avoir de contact avec les habitants des maisons avoisinantes. Ils aimeraient disposer de lopins de terre pour jardiner et, en leur évoquant l’idée de réaliser des petits appartements, ils s’imaginent y faire la vaisselle et être comme chez-eux. • Groupe de 2 lycéens du lycée Pasteur (Hénin-Beaumont) : Les lycéens signalent que le bois est parfois dangereux en raison du paint-ball qui s’y déroule. La vitesse sur le D46 est la cause de nombreux accidents. Ils aimeraient voir sur le site un centre pour les jeunes (de préférence en bois et verre). Des liaisons seraient souhaitables entre l’impasse et le bois, et de part et d’autre de la D46. • Amandine, étudiante à l’ENSAPL : Les liaisons sont majeures dans l’étude de l’étudiante, elles dessinent un ensemble entre les entités urbaines. De nombreux feux rouges marquent des ruptures et les limites franches du centre. Le bois en est l’élément à mettre en valeur. • Clara, étudiante à l’ENSAPL : Le centre a pour vocation à s’ouvrir sur le reste de la ville. L’impasse est à nouveau ouverte sur l’ouest de la cité. Le manque de commerce est remarqué. Deux projets rectangulaires d’extentions s’installeraient entre le centre et les maisons minières. • Groupe de 9 lycéens du lycée Senez (Hénin-Beaumont) : L’emplacement du centre est perçu comme malheureux (au milieu des bois) et est considéré trop grand par rapport aux maisons. Un centre pour les jeunes est également imaginé (même si la présence d’une médiathèque est relevée), avec des aménagements dans le bois. La route est encore synonyme de vitesse. • Groupe de 8 lycéens du lycée Senez (Hénin-Beaumont) : Le groupe s’est concentré sur des idées d’aménagement du bois. Il y propose un terrain de cross et une piscine. Une annexe d’Aquaterra pourrait s’implanter près du centre ainsi que des arbres et des champs. Cet exercice a été fructueux dans le sens où nous constatons que, concernant les personnes originaires de Rouvroy (résidents et lycéens), les attentions sont davantage portées sur les spécificités du territoire et sur ses usages inhérents. Ce sont ces derniers qui forment l’aperçu de leur cadre de vie. C’est sur cette base que nous accédons à la dernière partie de ce mémoire, celle consacrée à l’élaboration d’un Manifeste en faveur du bien commun.

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4. Manifeste pour le bien commun Pour bien comprendre les enjeux du présent PFE, il convient d’expliciter synthétiquement les notions mobilisées pour l’ébauche d’un Manifeste pour le bien commun dans le Bassin Minier47. Nous nous baserons ainsi sur la littérature des beni comuni italiens et les réalités sociales du pays qui ont permis de faire émerger des formes de lieux inédits du point de vue français. En 2007, la commission Rodotà voit le jour en Italie, mandatée par le gouvernement Prodi (2006-2008). Elle travaillera sur la création d’une catégorie juridique de bien commun à coté de celle de propriété publique. Président de la commission pour les biens communs, Stefano Rodotà s’est intéressé aux questions de (ré)appropriation, et des réalités de pratiques, d’usage et d’accès. La commission insiste sur le fait que « une distinction importante s’opère de cette façon entre l’appropriation du bien et l’accès à sa jouissance, ce dernier se voyant attribuer la primauté (Rodotà, 2013) »48. Elle ne sera cependant pas suivie d’actes concrets au niveau national, les textes de lois proposés issus de cette commission n’ayant pas été votés. Les avancées de la commission apparaissent cependant comme base pour de nombreuses initiatives locales, à l’image de l’engagement de la ville de Naples dans la reconnaissance officielle des biens communs49. La commission donnera de plus une définition des biens communs comme étant «des biens contribuant aux droits fondamentaux et au libre développement de la personnalité humaine, d’appartenance collective, placés en dehors du marché, du profit et de la concurrence». La notion italienne des beni comuni n’est ni une doctrine ni un élément abstrait. Chez les italiens, le bien commun n’est pas «réductible à un droit, mais à la possibilité effective de satisfaire un droit fondamental »50. Bien que souvent rapproché du terme anglais common51, le bien commun 47 Pour écrire le Manifeste, je me suis basé sur les recherches que j’ai effectuées pour le mémoire de Master concernant les beni comuni italiens et le CSOA Forte Prenestino de Rome . 48 Festa (Daniela), « Les communs urbains. L’invention du commun », op. cit., paragraphe 31 49 La ville de Naples, par décret du maire De Magistris, reconnaît le caractère de bien commun de certaines réappropriations d’espaces urbains et d’occupations . Voir la note La politique de la mairie de Naples en matière de Communs rédigée par Benedetta Celati, doctorante à l’Université Paris-Est. Elle s’inscrit dans le cadre du « Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire ». http://rtes.fr/IMG/pdf/Fiche_Napoli.pdf 50 Mattei (Ugo), Beni comuni, un manifesto, Roma, Latterza, 2011 51 « L’histoire de l’Angleterre et du mouvement des enclosures, qui opposa très violemment les pauvres des campagnes aux propriétaires terriens entre le XIIIe et XVIIe siècle a été la première incarnation des analyses et des mouvements sur les communs. Les propriétaires voyaient dans la privatisation et la clôture des espaces la garantie d’une meilleure productivité [...]. Les pauvres, qui dans les coutumes et les premiers textes législatifs avaient des droits élémentaires sur les communs, y voyaient une expropriation de leur moyens de subsistance » Le Crosnier (Hervé), « Elinor Ostrom ou la réinvention des biens communs », dans Inventivité sociale et logique du partage, pour Le Monde Diplomatique, Rio, le 14 juin 2012. Article diffusé sous licence Creative commons BY. Article en ligne : https://blog.mondediplo.net/2012-06-15-Elinor-Ostrom-ou-la-reinvention-des-biens-communs

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renvoie originellement à la romanité et aux beni comuni d’Italie52. « Le commun, ou les biens communs, forment d’abord une catégorie de l’entendement et de la pratique juridique que l’on peut faire remonter aussi loin que le droit lui-même, et en réalité aussi loin que les pratiques sociales qui attendent d’être formalisées, normées, par un code. »53. À l’origine du système occidental de propriété, « il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous »54. Le terme beni comuni est en Italie utilisé de façon bien plus répandue qu’ailleurs55 car il fait référence à une conception de lutte, d’émancipation, et d’engagement auprès de causes parfois très concrètes, comme la protection des espaces verts ou le maintien des CSOA56 dans la ville. Similaire à des squats dans l’entendement occidental, ce sont des biens communs aux yeux des italiens. Les centri sociali sont des lieux auto-gérés par une communauté en s’émancipant du droit de propriété. Ils fournissent aux quartiers des services socio-culturels que les autorités publiques délaissent. Souvent en occupation illégale d’un lieu abandonné, ils font partie intégrante du paysage italien, faisant régulièrement la Une des journaux (également en France récemment à la suite de la protestation d’un cardinal au sujet de la fermeture d’un CSOA accueillant des centaines de personnes57). Ils sont considérés par Daniela Festa comme des biens communs urbains58. L’adaptation au contexte français (et ici à Rouvroy) serait de dire que le problème n’est pas le 52 Rome Antique avec les res communis et les res publicae 53 Charbonnier (Pierre) et Festa (Daniela), «Biens communs, beni comuni», Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], #16 | 2016, mis en ligne le 01 janvier 2017, consulté le 10 novembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/ traces/6622, paragraphe 4 54 Drobenko (Bernard), Introduction au droit de l’eau, Paris, Éditions Johanet, 2014, 472 p. 55 « Mais alors que les intellectuels français oublient trop souvent que le droit peut nourrir une pratique critique, dans la mesure où il se fixe pour objectif de traduire des pratiques sociales et d’accompagner les mouvements d’émancipation (Calafat et al., 2014), il semble que l’espace intellectuel italien soit à l’aise avec cette idée. Cela tient à de nombreuses raisons historiques, parmi lesquelles l’existence d’une solide tradition de philologie et d’histoire du droit dans le monde universitaire. La conscience historique italienne est semble-t-il marquée par Rome, par les généalogies longues qui décentrent la pensée des seuls repères modernes. » Charbonnier (Pierre) et Festa (Daniela), « Biens communs, beni comuni », op. cit. 56 Centro Sociale Occupato Autogestito. Christophe Traïni les définit comme « des bâtiments désaffectés — usines, écoles, garages, entrepôts,etc. — occupés illégalement par des collectifs qui se proposent d’y développer des activités relevant aussi bien du domaine social, que politique et culturel. [Le volet social] développe des pratiques présentées comme une réponse aux carences des services publics de l’État : garderie, soutien scolaire, aides juridiques aux personnes démunies ou aux immigrés en situation illégale, accueil des toxicomanes, etc…» Christophe Traïni dans «Les Centres Sociaux Occupés et les forces de l’ordre. Un répertoire d’action italien dans la polyphonie altermondialiste» publié sur le site internet «Artfactories» 57 h t t p : / / w w w. l e p a r i s i e n . f r / s o c i e t e / r o m e - l - a u m o n i e r - d u - p a p e - f r a n c o i s - v i e n t - e n - a i d e - a - d e s squatteurs-14-05-2019-8071473.php 58 Dans l’article 8 de son article Les communs urbains. L’invention du commun, elle dit : « Il convient toutefois de s’interroger sur les spécificités des communs urbains pour comprendre ce qu’ils partagent avec la catégorie plus générale des communs, et ce qui au contraire leur est propre. Contrairement à la théorie économique de l’accès aux ressources dites rivales, appliquée aux communs aussi bien par Garrett Hardin (1968) que par Elinor Ostrom (1990), les communs urbains se caractérisent par une absence de rivalité, et un accroissement de la valeur (en termes tant économiques que sociaux) produite par l’intensité de l’utilisation du bien (Borch et Kornberger éd., 2015) »

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manque d’investissements publics et d’équipements, mais plutôt la façon dont cela est réalisé et conçu dans la tradition des pouvoirs confiés aux élus en France59. L’idée de constituer un bien commun urbain revient à proposer la mise en place d’expérimentations au niveau local sur les actions d’auto-gestion. La reconnaissance d’un lieu en lieu-bien (ressource commune dans le vocabulaire de la recherche sur les biens communs) reviendrait à remettre en cause l’hendiadys60 public/privé pour promouvoir un lieu-bien. Il se défend d’être qualifié de communautaire ou communautariste car il prend appui sur le tissu local des groupes sociaux. Ainsi, l’accès à la participation dans la gestion du lieu-bien est ouverte à tous. La conséquence naturelle est de fait d’avoir un bien commun urbain ou espace public qui n’est pas voulu comme «neutre», qui serait donc fortement approprié par la communauté actrice. « Agis dans ton lieu, pense avec le monde. Il n’est pas de lieu-dit qui ne signifie ». Édouard Glissant

Dans l’étude critique des territorialistes italiens, ces derniers ont relevé l’importance de l’individualisme (ou immunitas chez Roberto Esposito61) comme obstacle au territoire bien commun. Esposito affirme que « l’immunité a cru de façon considérable, pour devenir un principe d’organisation générale de la société avec la période de la mondialisation contemporaine62. Nous choisissons la primauté du légitime. Les projets du parcours, potentiellement polyvalents et auto-gérés sortent alors du prisme de la pensée du tout public, du tous publics, et de la gestion inéluctable des administrations. Les biens communs urbains ne répondent pas aux conditions du tout public et tous publics. Ils sont destinés (mais pas réservés car non appropriables) à la communauté, aux individus qui font le choix de s’investir dans la gestion du lieu.

59 L’une des notions centrales des beni comuni est l’émancipation et la pratique du conflit. L’État italien est relativement jeune (environ 150). L’unité de la Nation italienne n’est que peu reconnue. 60 Didactique. Figure de rhétorique qui consiste à dissocier une expression unique (nom et adjectif ou nom et complément) en deux noms coordonnés. 61 Né en 1950, Roberto Esposito est un philosophe italien, spécialiste de philosophie morale et politique. Il écrit Communitas. Origine et destin de la communauté en 2000. 62 Jacques Derrida se livrera à la même critique. « Les repliements locaux et les dérives fondamentalistes pouvaient s’expliquer comme des rejets immunitaires d’une contamination globale que représente la mondialisation. Chers collègues, chers amis, l’idée que la mondialisation nous contamine et qu’il faut s’en protéger me parait une idée dont la pertinence est à reconnaitre, en particulier dans le champs culturel et politique ». Jacques Derrida (1930-2004) est un philosophe français, auteur d’une œuvre monumentale, au centre de laquelle se trouve le concept de «déconstruction». Il écrira notamment De la grammatologie, L’Ecriture et la différence, La Voix ou le Phénomène.

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La notion de communauté est centrale. Je propose la mobilisation de 2 approches, celle de Roberto Esposito (en lien avec celle Michel Lussault63) et celle de Pierre Donadieu64. • Le philosophe italien cherche à redonner à la communauté -la communitas- son sens politique premier65 : le munus « un groupe humain qui accepte de considérer que, au cœur même de la possibilité de faire groupe, il y a la reconnaissance de la dette interdépendante et mutuelle qui lie chaque individu avec tout autre individu de cette communauté. La communauté serait alors l’assemblée des endettés, même si cette dette n’est pas réelle ou effective, mais juste possible. [...] Être avec quelqu’un c’est être endetté, interdépendant ». • Michel Lussault apporte sa vision de géographe pour nous éclairer sur l’application locale (localisée) de l’idée de commun, de la communauté. Il s’interroge alors sur une possible communauté spatiale, un commun spatial, qui serait fondé sur le fait que des individus s’assemblent, en reconnaissant qu’ils sont toujours en situation d’échange et de dette par rapport à ceux qui se rassemblent avec eux. Cette assemblée d’individus se ferait dans le cadre d’une interaction spatiale, d’une interaction de cohabitation. En citant son terrain d’étude, la Puerta del Sol de Madrid66, il réaffirme que «créer du commun spatial [se fait] autour de l’idée que, lorsqu’on s’assemble dans un lieu, on est toujours en dette de cohabitation par rapport à autrui»67. • Pierre Donadieu explicite la relation fondamentale entre le commun et le paysage. Ainsi, dans Paysages en commun : pour une étude des mondes vécus, il complète le raisonnement sur les habitants (au sens d’acteurs et usagers) du commun : la communauté. Il introduit la notion du choix et de la contribution desdits habitants sans reprendre les auteurs précités. « Disposer des mêmes paysages et lieux n’engendre pas en principe des communautés humaines spécifiques. Mais ces milieux peuvent y contribuer, car les habitants les choisissent ou les engendrent »68. Selon lui, la communauté est un groupe de personnes (habitant du paysage considéré) libres de choisir, donc décidant de porter une attention à un paysage, mais aussi les ‘‘engendrer’’. L’idée est donc que 63 Géographe, écrivain, alors président du Conseil supérieur des programmes à l Éducation nationale. Il introduit notamment quatre termes : « l’hyper-lieu, l’alter-lieu, le contre-lieu, le néo-lieu » dans son ouvrage : Lussault (Michel), Hyper-lieux. Les nouvelles géographies politiques de la mondialisation, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2017, 307 p. 64 Pierre Donadieu est professeur émérite de sciences du paysage à l’École nationale supérieure de paysage de VersaillesMarseille. Ses recherches s’articulent autour de plusieurs thèmes : les théories et les démarches du projet de paysage, les politiques publiques de paysage, la ‘‘géomédiation’’ paysagère ou encore la diversification des métiers du paysage. 65 Lussault qualifie selon moi de radicale l’épistémologie d’Esposito car elle bouscule les études des biens communs qui ne requestionnent pas la base de ces derniers, à savoir comune et munus. 66 Dans son livre (Lussault) Michel, Hyper-Lieux : Les nouvelles géographies de la mondialisation, Paris, Seuils, 2017 67 Lussault (Michel), Villes, sociétés et biens communs, conférence dans le cadre du séminaire ‘‘Biens communs et territoire’’, à l’École Normale Supérieure de Lyon, 21/03/2017. 68 Donadieu (Pierre), Paysages en commun : pour une étude des mondes vécus, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 2014, 240 p.

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la communauté ne serait pas juste actrice, mais également productrice de biens, de lieux, de paysages, de milieux. Ce lien entre bien commun, paysage et agriculture est rappelé par Nicole Alix69 et Daniela Ciaffi70 dans Biens communs: en France comme en Italie, l’important c’est de contribuer! où celles-ci, en qualifiant l’attention aux biens communs de ‘‘culture du commun’’, remettent en perspective le mot ‘‘culture’’ avec son origine latine cultum : prendre soin de la terre (est apparu dans les années 1980 en Italie le mouvement slow qui promeut la proximité dans le domaine alimentaire). Daniela Festa reconnaît la fonction productrice des individus (comme P. Donadieu dans la création des biens) et s’interroge sur la place de l’occupation dans le processus global de la mise en commun. Elle insère les termes de ‘‘réappropriation71’’ et de ‘‘restitution72’’. Elle parle d’un rythme, qui semble être comparable à un cycle naturel, ou en tout cas à suivre afin de ne pas tomber dans une action stérile. Ainsi, «les communs urbains ne reflètent pas un ensemble de pratiques spatiales défensives [‘‘immunes’’ dans le langage de Roberto Esposito], mais des dynamiques ouvertes, menées au nom de la restitution plutôt que de la simple réappropriation»73. Le Manifeste souhaite de faire reconnaitre un droit comme évolutif et s’enrichissant avec les usages et les pratiques des citoyens (en prenant exemple sur la pratique italienne de la critique interne du droit à la « théorie critique » française et allemande74). Une expérimentation dans une petite commune du Bassin Minier pourrait se faire avec une coopération avec une ville italienne et apporterait des solutions innovantes en terme d’intégration, de chômage, de réintégration des habitants dans la prise en compte du paysage. « Ces expériences [l’engagement dans le mouvement du commun] s’organisent en fonction du rythme de l’occupation, de la réappropriation et de la restitution (Giardini, 2012 ; Festa, 2015) du lieu-bien à une large collectivité impliquant de nombreuses personnes tant pour la jouissance que pour la production des pratiques, en sortant d’une logique identitaire »75.

69 Présidente de «La coop des communs». 70 Chercheuse en science politique. 71 Action d’adapter quelque chose à un usage déterminé. Action de rendre propre. (définition CNTRL) 72 Action de restituer, de rétablir dans son état premier, original, ce qui a subi des altérations. Action de restituer quelque chose à quelqu’un, de lui rendre ce qui a été pris ou possédé injustement ou illégalement; résultat de cette action. (définition CNTRL) 73 Festa (Daniela), « Les communs urbains. L’invention du commun » op. cit.. 74 Expliquée par les auteurs comme une « opération intellectuelle et politique visant à dégager les structures de domination historico-sociales du présent et leurs mécanismes ». Ibidem, paragraphe 7. 75 Festa (Daniela), « Les communs urbains. L’invention du commun », op. cit., paragraphe 16.

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« Le paysage, bien commun pour assembler, concerter, relier. Le paysage est un bien commun. il est, de ce fait, l’affaire de tous. [...] Les interventions trop souvent sectorielles ont dégradé des paysages entiers - ceux-ci n’étant pas considérés comme au coeur des projets choisis pour le développement des territoires. Déprise économique, manque d’attractivité, coupures urbaines, banalisation des constructions, artificialisation des sols... tout ce langage révèle un manque de considération à l’égard d’une vision d’ensemble propice à donner du sens au cadre de vie de proximité. Le paysage n’est pas seulement ce qui est autour des lieux de vie, le lointain sommet, l’horizon marin ou ce qui «habille» nos opérations d’aménagement pour qu’elles paraissent moins techniques. Il est constitutif des lieux jusqu’au plus proche. Le paysage est à reconquérir pour la vie de ses habitants et pour le monde du vivant dans son ensemble. »76

Il convient ainsi de remettre au centre l’approche du paysage dans processus de réappropriation par les habitants des territoires. Former le regard sur le paysage revient selon le Manifeste à réintroduire le paysage dans l’espace urbain, dans la ville, au plus près des habitants. Le paysage bien commun servirait alors de moyen d’expression aux habitations pour se réapproprier leur territoire et les aménagements. Dans les projets qui choisiront de souscrire au Manifeste, il sera alors de la responsabilité des concepteurs de prendre parti et d’œuvrer, non pas en tant que «sachant» mais d’insuffler des mouvements de débats et de prise de conscience. Les citadins n’ont souvent vu que sur les espaces faits par l’humain. Le caractère collectif du paysage est indiscutable77. Les architectes, en tant que professionnels de l’art de bâtir, devront favoriser la mutabilité des espaces afin de s’adapter aux évolutions de la société inhérentes aux territoires : la reterritorialisation d’Alberto Magnaghi. Ils devront favoriser au maximum le caractère vernaculaire des constructions en mettant en pratique l’auto-construction, l’emploi de matériaux locaux et durables, et défendre de nouvelles pratiques de gestion des espaces afin de recréer une cohésion des groupes sociaux et ainsi favoriser l’entraide et l’échange au niveau de la communauté.

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Bertrand Folléa dans, Diaz (Isabel), Fleury-Jägerschmidt (Émilie), L’horizon des lieux -Réparer par le paysage-, op. cit. Voir Brinckerhoff Jackson (John), À la découverte du paysage vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2003, p. 55

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CONCLUSION Ce mémoire de Projet de Fin d’Études a eu pour dessein d’exposer un processus de conception long, celui d’un projet ayant chercher à interagir entre urbain, paysager et architectural. La méthode du projet-recherche est une démarche à laquelle je tiens. L’approche multi-scalaire du projet a cherché à répondre à la problématique suivante : • Quelles stratégies et attitudes urbaines et architecturales adopter pour limiter l’étalement urbain et tendre vers le territoire bien-commun ? Sources de déséquilibres pour le territoire et les modes de vie des habitants, elles regardent l’étalement urbain, la fragmentation de la ville, et l’attitude vis-à-vis des espaces publics et des équipements. Le projet s’intéresse aux bords de la ville comme terrains d’analyses et d’études prioritaires. Qualifiés de lisières, ils sont considérés comme des terreaux fertiles aux actions d’aménagement et de master plan en faveur du bien commun. Avec le prisme de ce dernier, nous avons mobilisé des notions variées afin de mettre au point des stratégies et des moyens d’actions concrets. L’identification des lisières et de leurs caractéristiques inhérentes a permis de relever une série de micro-sites potentiels tiers-lieux où développer une nouvelle sociabilité et redécouvrir le territoire, son territoire. Le « parcours des lisières » qui les relie forme une chaîne d’espaces naturels et publics qui participe à la re-territorialisation. Le choix d’un matériau local et innovant dans la construction -le peuplier- s’inscrit lui aussi dans ce chemin : promouvoir des espaces agro-forestiers multi-fonctionnels pour favoriser la filière locale et développer une mise en œuvre accessible par les habitants et vernaculaire par ses modes d’expression. La stratégie de pomerio et d’ante parc donne un cadre aux interventions. L’élaboration de la charte commune des lisières en dessine les contours. Agir en tenant compte à part égale de l’espace ouvert et l’espace urbain est l’épine dorsale du projet. L’immanence des projets contribue au renouveau du territoire et à la création du bien commun. Le choix de travailler sur la mise en place d’un bien commun urbain à Rouvroy revient à requestionner le statut de gestion et de cohésion dans la ville. L’intervention sur la maison minière par le biais de la surélévation dialogue avec la nouvelle architecture au champ lexical rural de l’équipement culturel auto-géré. L’îlot constitue un havre, refuge de la communauté. Il est le lieu en lisière comprise comme épaisseur accueillant et favorisant des pratiques et usages locaux. Le projet porte une attention particulière à la question de l’eau et de la mise en valeur des cônes de vue vers le paysage. Ainsi un nouvel espace public est créée pour relier 2 parties de la ville auparavant dissociées, et apporte une solution à l’imperméabilisation des sols par des aménagements de rigoles, de noues, d’espaces de réserve potentiellement inondables et de mise en place d’une peupleraie pour stabiliser les sols et capter les eaux pluviales. Les espaces

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architecturaux développés ici sont en étroite relation avec le paysage par le biais des vues qu’elles offrent, leur porosité et leur position dans la ville, à la pointe de la cité Nouméa. En faisant le choix d’élaborer un Manifeste pour le bien commun en mobilisant les savoirs de la culture italienne, je crois en la possibilité de trouver dans la pensée des beni comuni une méthodologie de projet et une vision à long terme heureuse qui nourrira le métier que j’ai eu la chance d’étudier ces 5 dernières années. J’aspire à m’inscrire dans une démarche de recherche liée au projet car la pluridisciplinarité des enjeux auxquels nous sommes confrontés est pour moi évidente. Cette alliance représente la voie enrichissante dans laquelle j’aurais la chance de m’inscrire dans les années à venir, horizon optimiste, créatif, au service de la connaissance commune.

Image de quatrième de couverture : Allegoria del Buon Governo, Ambrogio Lorenzetti, 1338-1339, Sala della Pace, Palazzo Pubblico, Sienne (Première peinture d’une série de cinq : Allegoria ed effetti del Buono e del Cattivo Governo (Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement)

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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages Arena (Gregorio) et Iaione (Christian), L’Italia dei beni comuni, Rome, Carocci editore, 2012 Augé (Marc), Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992, 160 p Brinckerhoff Jackson (John), À la découverte du paysage vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2003 Diaz (Isabel), Fleury-Jägerschmidt (Émilie), L’horizon des lieux -Réparer par le paysage-, Collection : Territoires en projets, 2017, 144p. Donadieu (Pierre), Paysages en commun : pour une étude des mondes vécus, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 2014, 240 p. Drobenko (Bernard), Introduction au droit de l’eau, Paris, Éditions Johanet, 2014, 472 p. Glissant (Édouard), Les entretiens de Bâton Rouge, Paris, Gallimard, 2008, 39p. Hardin (Garrett), The Tragedy of the Commons), US, Science, 1968 Libert (Cédric), Objets Immanents, Paris, BlackWhiteRainbowProductions, 2017, 184p. Lussault (Michel), Hyper-lieux. Les nouvelles géographies politiques de la mondialisation, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2017, 307 p. Mattei (Ugo), Beni comuni, un manifesto, Roma, Latterza, 2011 Magnaghi (Alberto), La bio-région urbaine : petit traité sur le territoire bien-commun, Paris, Éditions Eterotopia - rhizome, 2014 Sieverts (Thomas), Entre-ville, Une lecture de la Zwischenstadt, Marseille, Parenthèses, 1999

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Revues et articles ADEUS (Agence de Développement de l’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise), «Lisières urbaines -Exploration pour construire le dialogue ville-nature», n°111, novembre 2013. Charbonnier (Pierre) et Festa (Daniela), «Biens communs, beni comuni», Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], #16 | 2016, mis en ligne le 01 janvier 2017 Le Crosnier (Hervé), « Elinor Ostrom ou la réinvention des biens communs », dans Inventivité sociale et logique du partage, pour Le Monde Diplomatique, Rio, le 14 juin 2012 Daniela Festa, « Les communs urbains. L’invention du commun », Tracés. Revue de Sciences humaines [en ligne], n°16, mis en ligne le 01/01/2017 Écoiffier (Matthieu), « Jean Nouvel veut sauver le paquebot ouvrier. L’architecte milite pour que l’île Séguin ne soit pas rasée. », article en Une du Journal Libération, Paris, 06 mars 1999 Krikorian (Gaëlle), et al. « L’anti-recette des biens communs », Vacarme, vol. 63, no. 2, 2013, pp. 1-29 Lassus (Bernard), « L’obligation de l’invention : du paysage aux ambiances successives », dans La Théorie du paysage en France (1974-1994) Seyssel, Champ Vallon, 1995 Vanbutsele (Séréna) et Decleve (Bernard), « La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Débats et Perspectives, mis en ligne le 28 mars 2015 Auteurs multiples sous la direction de Alberto Magnaghi, Manifesto della Società dei Territorialisti/e, traduction par Agnès Berland-Berthon Auteur inconnu, « L’avènement des villes vertes », Le Point Références - « Utopies », n°56, mars-avril 2015, p. 62.

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ICONOGRAPHIE

Page 30 : • Document commun : Carte réalisée à la main • Document personnel : Photographie de maquette

de haut en bas et de gauche à droite

Page 12 : • La documentation française • Document personnel, vue aérienne retravaillée à l’informatique • Document de groupe : vue cadastrale retravaillée à l’informatique Page 14 : • Document personnel : vue aérienne retravaillée à l’informatique • Document personnel : plan cadastral retravaillé à l’informatique • Document personnel : vue aérienne GoogleMaps Page 16 : • Document personnel : plan cadastral retravaillé à l’informatique • Document personnel : vue aérienne retravaillée à l’informatique • Document personnel, photographie Page 18 : • Extrait du dossier de candidature du Bassin Minier au patrimoine mondiale de l’UNESCO, 2012 • (et suivants) Document personnel : vue aérienne retravaillée à l’informatique Page 20 : • Dessins à la main levé (Stylo à ancre) par Julie Hébert-Suffrin Page 22 : • Extrait de « La lisière des espaces ouverts : support de densification qualitative des métropoles ». Page 24 : • Extrait de « Le diagnostic prospectif de l’agglomération parisienne - Consultation internationale de recherche et développement sur le Grand Paris de l’agglomération parisienne la ville “poreuse”: chantier 2 » - réalisé par Studio09 (Bernardo Secchi et Paola Vigano) Page 26 : • Document commun : dessin à la main Page 28 : • Document commun : carte réalisée à l’informatique • Document commun : photographie de maquette retravaillée à l’informatique

Pages 32-33 : • Document commun : vue aérienne retravaillée à l’informatique • Document commun : carte réalisée à l’informatique • Document commun : coupe réalisée à la main et retravaillée à l’informatique Page 34 : • Extrait de www.chemindesterrils.be • Extrait du site www.KulturKanal.de Page 36 : • Extrait de la collection Jean Marie MINOT, www. mineur62.free.fr • Extrait de www.iles-paysage.com • Extrait de www.ileseguin-rivesdeseine.fr/ Page 38 : • Document commun : plan cadastral réalisé à l’informatique • Document commun : vue aérienne retravaillée à l’informatique Page 40 : • Extraits d’Objets immanents, Cédric Libert Pages 42-43 : • Extraits d’Objets immanents, Cédric Libert Page 44 : • Documents personnels : plans et photomontages réalisés à l’informatique Pages 46-47 : • Document commun : photographies personnelles, carte satellite et vue cadastrale réalisés à l’informatique Page 48 : • Document commun : extraits de la Charte du peuplier Page 50 : • Document commun : dessin à la main Page 52 : • Document personnel : cadastre et retouche informatique Page 54 : • Documents personnels : schémas informatiques Page 56 : • Documents personnels : coupe et plans

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informatiques Page 58 : • Documents personnels : plans et schémas informatiques Page 60 : • Documents personnels : plans et coupes informatiques Pages 62-63 : • Images extraites de GoogleImages Page 64 : • Documents personnels : photomontages, plans et coupes informatiques Pages 66 et 67 : • Images extraites de GoogleImages Page 68 : • Documents personnels : photomontage, coupe et plan informatiques Page 70 : • Document personnel : protocole d’étude à l’informatique Page 72 : • Documents personnels : photographies Pages 88-93 : • Documents personnels : cartes participatives

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ANNEXES

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le 15/05/19 PANEL : 5 résidents de l’EHPA-H (Rouvroy)

Pas de conversation avec les habitants

Passage trottoir

Appartement

Lopin de terre (potager )

Dames

Autonomie

CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE - MAP-IT

Moutons Fleurs, nettoyer Jeux, donner à manger au poules

• Groupe de 5 résidents de l’EHPA-H En ayant fait de nombreuses fois référence aux passages piétons et aux voitures, le caractère enclavé et routier de «leur maison» est avéré. Ils se plaignent de leur manque d’autonomie et regrettent de ne pas avoir de contact avec les habitants des maisons avoisinantes. Ils aimeraient disposer de lopins de terre pour jardiner et, en leur évoquant l’idée de réaliser des petits appartements, ils s’imaginent y faire la vaisselle et être comme chez-eux. 88


le 15/05/19 CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE - MAP-IT PANEL : 2 lycéens du lycée Pasteur (Hénin-Beaumont)

Vitesse (accident)

Centre pour jeunes

Bois et verre

Paint ball non-signalé

• Groupe de 2 lycéens du lycée Pasteur (Hénin-Beaumont) Les lycéens signalent que le bois est parfois dangereux en raison du paint-ball qui s’y déroule. La vitesse sur le D46 est la cause de nombreux accidents. Ils aimeraient voir sur le site un centre pour les jeunes (de préférence en bois et verre). Des liaisons seraient souhaitables entre l’impasse et le bois, et de part et d’autre de la D46. 89


• Amandine, étudiante à l’ENSAPL Les liaisons sont majeures dans l’étude de l’étudiante, elles dessinent un ensemble entre les entités urbaines. De nombreux feux rouges marquent des ruptures et les limites franches du centre. Le bois en est l’élément à mettre en valeur.

90 Rupture

Rupture

PANEL : 1 étudiante de l’ENSAPL (Liévin)

Contact, ouverture des habitants interactions sociales

Aides soignant encadrants

Horticulteurs, habitants

Rupture, impasse,..

agréable , vert, bois, sensation....

CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE - MAP-IT

Appartement

Grillage, limite franche

Relation balade Biodiversité/ handicapés

le 15/05/19

Parcours Diversité


• Clara, étudiante à l’ENSAPL Le centre a pour vocation à s’ouvrir sur le reste de la ville. L’impasse est à nouveau ouverte sur l’ouest de la cité. Le manque de commerce est remarqué. Deux projets rectangulaires d’extentions s’installeraient entre le centre et les maisons minières.

91 La circulation horizontale (entre la grande route)

Parc pour adultes et enfants

Appropriation par les habitants

CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE - MAP-IT

En liaison avec le gouvernement

Petits commerces

Relation entre le centre et le reste de la ville

Les habitants en face

Extension du centre avec des commerces

Entrée piétonne

PANEL : 1 étudiante de l’ENSAPL (Liévin)

Transport public

Diversité des outils publics Usage mixte Grande partie verte

le 15/05/19

commerce

circulation

intégration


le 15/05/19

Vitesse

Centre pour jeunes Trop de feux

CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE - MAP-IT

Mais déjà présence d’une médiathèque

Emploi emplacement

Dans les bois, mal placé

trop grand par rapport aux maisons

Mettre des fleurs

PANEL : 9 lycéens du lycée Senez (Hénin-Beaumont)

Naturel personne ou des blessés

aménagement bancs, aires de jeux

• Groupe de 9 lycéens du lycée Senez (Hénin-Beaumont) L’emplacement du centre est perçu comme malheureux (au milieu des bois) et est considéré trop grand par rapport aux maisons. Un centre pour les jeunes est également imaginé (même si la présence d’une médiathèque est relevée), avec des aménagements dans le bois. La route est encore synonyme de vitesse. 92


le 15/05/19

Parc Aquaterra

PANEL : 8 lycéens du lycée Senez (Hénin-Beaumont)

Nature Religion

Annexe d’Aquaterra

Arbres MJC gratuit que pour les habitants

CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE - MAP-IT

Piscine Champs

Cross

Parc Vert

• Groupe de 8 lycéens du lycée Senez (Hénin-Beaumont) Le groupe s’est concentré sur des idées d’aménagement du bois. Il y propose un terrain de cross et une piscine. Une annexe d’Aquaterra pourrait s’implanter près du centre ainsi que des arbres et des champs.

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