B R UD ER KLAUS FI ELDCHAPEL - PETER ZUMTHOR école supérieure d’architecture de Marseille - studio FAB 4e année 2014
Margaux LEDUC -
Séminaire Atelier M. Maupoint de Vandeul
L’ARCHITECTURE COMME EXPERIENCE SENSIBLE
LIEU, FORME ET INTERIORITÉ
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RAPPORT AU CORPS
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ESPACE SENSORIEL
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CONCLUSION
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RAPPORT AU SITE
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PARCOURS EXTERIEUR
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EVEIL DES SENS
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ANNNEXE
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BIBLIOGRAPHIE
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Perception du visiteur
Espace de passage
Béton / Terre / Toucher
Perceptions aériennes
Espace de contemplation
Bois / Feu / Odorat
Espace de transition
Verre / Air / Ouie
Matérialité locale FORME ET INTERIORITÉ
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PARCOURS INTERIEUR
Fabrication d’un tipi
Espace de passage
Principe de construction
Espace de contemplation
Rapport au ciel
Espace de transition
Sacraliser par la lumière
POESTICHE LANDSCHAFT
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Plomb / Eau / Vue 34
PARCOURS SENSORIEL Corps sonore
LES SCULPTURES DE RICHARD SERRA
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LE PAVILLON SERPENTINE GALLERY
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51
INTRODUCTION
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Zumthor met en place dans son architec-
Le deuxième point mis en avant dans son
ture une série de dispositifs architecturaux et spa-
travail est une expérimentation de l’espace par le
tiaux destinés à provoquer une sensation chez le vi-
corps et l’usage. L’architecture pour Zumthor est un
siteur. Il évoque particulièrement ces dispositifs dans
art de l’espace, mais également un art du temps
son livre Atmosphères, ou il explique en neuf points
c’est à dire du déplacement. Par des dilations ou
sa pensée et son processus de conception.
des retrécissements de l’espace, par la forme, les matériaux, il induit une reaction chez le visiteur mais
Grâce à des dispositifs architecturaux précis et à
aussi une certaine manière de déambuler dans son
la création d’ambiances et d’atmosphères spéci-
architecture, une flanerie libre.
fiques, Zumthor organise la perception du visiteur, de l’atmos-
Enfin une atmosphère se crée dans cet édifice par
phère donné à un espace est un élément clé pour
une recherche sensorielle. Une intéraction est pos-
fabriquer son architecture. Tous les matériaux de
sible entre le visiteur, c’est à dire l’usager, et l’archi-
l’architecture sont destinés à le mettre en scène, à
tecture et plus précisément la matière. En effet pour
le valoriser.
Zumthor l’architecture est quelque chose de tactile
dès la conceptualisation. Ce travail
quelque chose qu’il faut toucher, qu’il faut expériLe premier point est une approche sensible
menter. Il met ainsi en évidence dans la chapelle
du site et de son impact sur la forme et l’espace
des associations entre les éléments fondamentaux
créent. En effet son architecture permet une vision
(l’eau, le feu, la terre, l’air ) l’emploi des matériaux,
nouvelle d’un lieu et d’un espace. Elle participe à
et les sens du visiteur.
un subtil dialogue avec son environnement.
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« Ce qui m’interesse est de voir comment un bâtiment construit dans un site particulier rayonne et modifie le lieu, comment il amène ce qui a toujours existé à une nouvelle apparence.» Peter Zumthor, Atmosphères
LIEU FORME ET INTERIORITÉ
RAPPORT AU SITE
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E WACHENDORF
A Wachendorf, au sud de Bohn, se dresse
une petite chapelle qui se trouve au milieu des champs. Un riche fermier local, Herman-Josef Sheidweiler, voulait remercier le ciel pour sa reussite et construire une chapelle à la gloire de Bruder
RIBDORF
Chapelle Bruder Klaus
N
Klaus sur ces champs.
Il écrit alors à Peter Zumthor en espérant que ce dernier lui réalisera sa chapelle. Cependant rien ne se produisit dans les années qui suivèrent la com-
Plan de situation de la chapelle
mande. Quelques années plus tard, Zumthor repondit au fermier qu’il avait finalisé le projet et que le bâtiment serait construit avec des matériaux locaux par le fermier lui-même et sa famille.
La chapelle se profile dans la campagne vallonnée, c’est un édifice en béton rectangulaire de douze mètres de hauteur qui se dresse au milieu du champs et des fôrets environnantes.
Plan de masse
IntĂŠgration de la chapelle avec le paysage
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La perception du visiteur E Sur le chemin d’accès, on apercoit la porte d’entrée triangulaire orientée vers l’Est, orientation symbolique d’un monument religieux. Le chemin étroit et sinueux nous amène vers l’édifice.
En se promenant hors du sentier, on remarque que la couleur de la chapelle se fond parfaitement avec la couleur des champs. La matérialité de l’édifice possède un lien direct avec la matérialité du site.
En arrivant devant Bruder Klaus, on ne se retrouve jamais parfaitement en face de l’entrée. En effet l’orientation de l’édifice permet de voir deux façades différentes en même temps. On ne peut pas appréhendé la chapelle d’une seule manière lors de notre parcours.
A l’arrière de l’édifice, on peut remarquer une limite entre la chapelle et la parcelle du fermier avec la matérilisation d’une clôture qui vient delimiter l’espace privé et public du champs.
La promenade peut ainsi continuer à l’arrière de la chapelle sur la parcelle du fermier et ainsi donner une vue différente du bâtiment. A l’arrière le chemin d’accès à la chapelle est moins marqué que celui de l’Est. Zumthor donne ainsi une valeur différente entre la façade Est et l’Ouest.
Enfin la promenade peut se continuer jusqu’au bout du champs du fermier et toujours avoir une vue dégagée sur la chapelle. Cet édifice par sa hauteur et sa géométrie modifie le lieu qui l’entoure.
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La perception du visiteur E Après avoir emprunté le chemin jusqu’à l’édifice, on se rend compte que chaque façade de la chapelle Bruder Klaus donne à voir un paysage différent. En se retournant on peut apercevoir la campagne vallonnée les champs voisins ainsi que les forêts environnantes.
En s’asseyant tout d’abord sur le banc donnant vers l’Est, on peut voir le chemin par lequelle on accède à la chapelle. Puis plus loin, on aperçoit la forêt voisine de Eschweiler.
Le banc situé au Sud, permet de contempler la forêt situé sur les parcelles voisines, il ne donne pas une vue très lointaine sur le paysage environnant. Cette assise est très proche de la clotûre de séparation entre la parcelle de le l’édifice et le champs du fermier.
Si l’on s’asseoit à l’arrière de l’édifice, à L’Ouest, on peut voir la fin de la parcelle de la chapelle, ainsi que les forêts qui entourent les champs avoisinants.
Sur le banc situé au Nord de la chapelle, on peut apercevoir le village de Wachendorf on ne voit plus d’arbres, juste des collines ainsi que quelques habitations.
Enfin la promenade peut se terminer au Nord Est, et toujours avoir une vue dégagée sur le village.
Les visiteurs possèdent une vue très lointaine sur site de la chapelle Bruder Klaus.
Chaque façade de la chapelle et surtout les trois bancs conçus et imaginés par Zumthor donne à voir un point de vue différent sur le paysage.
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Perceptions aériennes Lorsque l’on prend un peu de hauteur, on
se rend compte que la chapelle n’a pas un positionnement anectodique sur son site. Tout d’abord, elle se situe à la limite Est du champs du fermier, laissant une plus grande partie libre pour l’agriculture. Pour créer une limite entre ces deux parties, on peut apercevoir une petite clotûre qui définie un espace d’accès à la chapelle plus public et la partie Ouest du champs, plus privée.
On peut aussi remarquer qu’une trame
constituée par le travail de la terre fragmente le champs d’un bord à l’autre et que l’édifice s’installe dans cette trame.
L’entrée de la chapelle se situe à l’Est, orien-
tée vers l’Orient. C’est une direction importante du point de vue religieux. L’édifice est alors dirigé vers le Levant, ou le soleil se lève. Chaque façade de Bruder Klaus nous donne à voir un paysage différent, le bâtiment ne peux jamais être appréhendé dans sa globalité.
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Matérialité locale E Peter Zumthor déclare « En architecture,
les matériaux sont comme les notes pour les
MUR EXTERIEUR Béton
compositeurs. Je travaille avec les matériaux, je les apprécie tous. Ce qui est intéressant, c’est de faire sans cesse de nouvelles associations de notes et de parvenir à une sonorité spécifique ».
L’idée de Zumthor était de pouvoir construire la chapelle avec des matériaux facilement disponible sur le site mais aussi de travailler avec des éléments primaires, en phase avec l’austérité et la simplicité de la vie de Nicolas de Flue a qui la chapelle est dédiée.
Comme il arrive souvent dans les travaux de Zumthor, l’espace est conçu dès le départ dans une relation indissociable du matériau déstiné à le contenir.
Les matériaux qui composent
son espace par leur harmonie et leur mise en oeuvre possède une température spécifique, créant une sensation déterminée par Zumthor pour le visiteur .
Le béton a été fabriqué à la main, sur place, par le fermier et ses proches, avec le gravier, le sable et le ciment local. Sa couleur et sa texture sont en lien direct avec ses composants locaux.
PORTE D’ENTRÉE Acier inoxydable
STRUCTURE BOIS Troncs d’épicéas
SOL Plomb
MUR Billes de verres
La porte d’entrée est une porte pivot en acier inoxydable. Elle comporte une serrure originale actionnant un verrou coulissant verticalement.
Le bois utilisé est un bois local. En effet il a été récupéré dans la fôret du maître d’ouvrage. Le fermier coupa et prépara ces 112 troncs d’épicéas lui-même pour pouvoir réduire les coûts de sa chapelle.
Le sol en béton brut a été recouvert de plomb, chauffé à même le sol par un artisan pour créer un effet de plomb fondu.
Trois cents demi billes de verre de 4 ou 5 cm de diamètre, soufflés par un artisan, ont été utilisés pour fermer les trous laissés par les étançons lors de la construction.
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Fabrication d’un tipi Avec l’aide d’amis et sous la direction
d’un charpentier, le fermier dressa les 112 troncs d’épicéas en forme de tipi . Les arbres ont été coupés de manière à créer de longues perches dont le diamètre est réduit légèrement vers la pointe. Les troncs convergent à une douzaine de mètres de haut tout en ménageant une ouverture au sommet d’environ 70 cm. Pour la fabrication de ce tipi, des troncs de quatres diamètres différents ont été utilisés, ainsi ceux avec un diamètre imposant se situaient sur la partie la plus large de la chapelle tandis que les autres de moindre envergures étaient plutôt situés vers l’entrée.
Deux dispositifs différents ont été utlisés
pour relier les troncs entre eux. Vers l’entrée les troncs sont rabotés puis reliés deux à deux pour fermer le sommet du tipi. Tandis que dans l’espace aéré les troncs sont affinés et forment une ouverture au sommet.
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Principe de construction
Après avoir formé le tipi en bois, le fer-
mier l’utilisa comme coffrage intérieur pour couler le béton extérieur. Il fabriqua un coffrage extérieur et coula ensuite chaque jour une couche de béton de cinquante centimètres chacune autour de ce tipi.
Lorsque après vingt-quatre jours le mur en béton atteignit douze mètres de hauteur, il entretint pendant près de trois semaines durant un feu couvant sous la tente en bois qui avait servi de coffrage intérieur à l’enveloppe en béton.
Brûlant lentement le feu fit se rapetisser les troncs et noircit de suies les surfaces de la paroi. Une fois le feu éteint , les troncs d’arbres partiellement consumés furent enlevés.
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FORME ET INTERIORITÉ
Vu de l’extérieur, le bâtiment semble
fermé par rapport à son contexte, à la nature. Une fois la porte franchie on se rend compte comment l’oeuvre a fait « entrer » la nature. En effet, elle l’intègre dans sa forme et est accentuée par un contraste entre son extérieur et son intérieur.
Tandis que l’extérieur est très géométrique, par sa forme pentagonale. A l’intérieur, la chapelle semble organique, avec un espace sinueux, ondulé.
L’idée que la forme intérieure, donc l’espace vide à l’intérieur, n’est jamais semblable à la forme extérieure est un thème récurrent chez Zumthor. Ce contraste entre ces deux espaces, lui permet de créer des surprises, des choses cachées, des choses imperceptibles depuis l’extérieur et provoque ainsi une réaction chez le visiteur.
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Rapport au ciel
A l’intérieur, un jeu d’ouverture se pro-
Les rainures du béton attirent d’autant plus
duit non pas pour contredire la sobriété de l’ex-
le regard vers le ciel, et joue sur la notion de verti-
térieur, mais pour créer un lieu de reflexion sur
calité et de rapport entre l’homme et dieu.
les éléments naturels du monde. La chapelle nous permet de prendre conscience de l’im-
On peut comparer ce rapport à l’environnement
portance du rapport au ciel.
par la verticalité et le rapport au ciel de Bruder
Klaus à l’oeuvre Torque de Richard Serra.
En rentrant dans la chapelle, on s’aven-
ture dans un espace très sombre fait d’un béton brut éclairé par une lumière zénithale. Cet effet
En effet dans cette sculpture, Serra travaille l’im-
permet de perdre tout repère lié au monde ex-
pact du poids de ces plaques en acier sur l’envi-
terieur.
ronnement, mais aussi la perspective et la ligne de
L’intention de Zumthor, est de travailler
fuite qu’elle donne à voir aux spectateurs.
la matérialité du lieu, de créer une mise scène totale, dédiée à la découverte d’une lumière
Comme dans la chapelle, on retrouve un enca-
et d’une ouverture sur le ciel. En commencant
drement du ciel valoriser par la verticalité des pa-
par une première atmosphère oppressante, il
rois en acier qui se chevauchent.
parvient à mettre la seconde en exergue. On ne sait pas forcement ou l’on se trouve par rapport à l’extérieur et l’on n’est d’autant plus touché d’avoir ce lien avec l’extérieur.
Photo intérieur de la sculpture Torque de Richard Serra Richard Serra, Torque, 1992, 6 plaques trapézoidales.
Photo intérieur de la chapelle Bruder Klaus de Zumthor.
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Sacraliser l’espace par la lumière
Représentation de la lumière zénithale lorsque la porte est ouverte.
La lumière joue un rôle important dans la
mise en valeur de cette intériorité. Zumthor utilise différents types de lumières permettant de mettre en valeur ces espaces et de faire vibrer la matérialité de le chapelle. En plus de sa capacité à intérargir avec les matériaux, la lumière peut valoriser leur beauté et la façon doit ils ont été mis en place : selon son angle d’incidence, elle met en valeur le savoir faire constructif. Dans la chapelle Bruder Klaus, la lumière, provenant de l’ouverture zénithale, fait apparaître le relief du béton dans lequel on retrouve imprimé les bois de coffrage. La lumière naturelle changeant crée un atmosphère en changement constant selon les heures, les saisons et la météo.
La lumière passant à travers les trous laissés par le coffrage lorsque la porte est fermée.
Les failles de lumière qui se faufilent à travers la porte triangulaire.
La lumière zénithale donne un effet de ruissellement de la lumière sur les parois de la chapelle.
Photos intérieures de la maquette.
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POESTICHE LANDSCHAFT
La source du projet selon Zumthor doit
être recherchée dans les « maisons pour un poème» sur lesquelles il a travaillé deux ans plus tôt dans le cadre du projet « Poestiche Landschaft ».
Des poètes écrivent un poème pour un lieu et un paysage déterminé. Zumthor propose une
Photo aérienne de la chapelle Bruder Klaus
maison pour chacun des poèmes. Des maisons liées au lieu, des poèmes liées au lieu à l’intérieur de ces maisons, réagissant les unes avec les autres.
Les corps de bâtiments sont conçus comme des grands réceptacles, formes architecturales creuses crées pour capter l’intensité changeante de la lumière du jour et permettre d’en faire une expérience renouvelée d’un lieu à un autre.
Photo de la maquette d’un des projets de la Poestiche Landschaft
Elévation et plan du projet Bruder Klaus.
Elévation et plan d’un des projets de Poestiche Landschaft.
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RAPPORT AU CORPS
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PARCOURS EXTERIEUR
L’architecture pour Zumthor est un art du
déplacement, son travail d’architecte repose ainsi sur l’organisation de ces déplacements. Par des tensions, des dilatations de l’espace, des espaces accueillants ou repoussants, Zumthor induit ainsi une réaction chez le visiteur.
Cependant il insiste sur le fait que cette organisation de la perception doit rester inconsciente chez le visiteur : la notion de flanerie libre demeure au coeur de sa conception.
Par la conception de ses espaces, l’architecte Peter Zumthor induit un parcours et une certaine manière d’arpenter son architecture. Il crée des lieux ou l’on se déplace, des lieux de transition ainsi que des lieux ou l’on s’asseoit et l’on contemple ce qui nous entoure.
Photos de la chapelle Bruder Klaus lors du parcours extérieur.
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L’espace de l’ouverture de la porte est un seuil, un espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur.
Espace de transition
L’espace de transition est un lieu impor-
tant pour Zumthor. C’est un seuil entre l’intérieur et l’extérieur. Il évoque ainsi les paliers d’intimité qui induisent un rapport entre le corps et diverses notions comme la taille, la masse, l’échelle. Ainsi pour la porte de la Chapelle Saint Nicolas de Flue, de forme triangulaire et inscrite dans un rapport de monumentalité avec le mur en béton aveugle ou elle est inscrite, évoque immédiatement une perception corporelle très maitrisée, sacralisant l’accès au lieu de culte et induisant une verticalité du regard une fois le passage à l’intérieur accompli.
L’ouverture de la porte est un moment d’arrêt, après avoir emprunté le chemin d’accès amenant à la chapelle.
Espace de contemplation
Les bancs à l’extérieur ont étés
pensés dans la continuité de la chapelle. En effet il donne l’impression d’être «offert» par la chappelle pour s’asseoir et contemLes bancs sont des espaces de contemplation du paysage environnant, avec des orienations différentes selon les façades.
Les assises sont conçus comme une couche de béton de la chapelle qui s’etend pour pouvoir s’asseoir librement le long des façades.
pler le paysage qui l’entoure.
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PARCOURS INTERIEUR
Zumthor travaille sur un lieu de reflexion, de
spiritualité. Dans son travail on peut voir des lieux ou l’on n’est pas déconcentré, pas perturbé par ce qui nous entoure, mais ou l’on peut se retrouver, se recueillir, être soi-même. Pour lui, l’architecture est non seulement un art spatial mais aussi un art temporel. Il induit donc une certaine flanerie dans son architecture, une promenade ou le temps est pris en compte, et le visiteur possède la liberté de créer son propre parcours.
Par sa forme intérieure organique, ondulée et sineuse, Zumthor a voulu jouer sur les échelles de distances, de tailles, de dimensions, de masses, de gravités car ces mesures influent sur les impressions que donnent un bâtiment par rapport à l’échelle du corps. Son idée était aussi de construire des espaces que l’on peut arpenter individuellement et d’autres ou l’on peut se retrouver à plusieurs.
Photos de la chapelle Bruder Klaus lors du parcours intérieur.
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Dès l’entrée de la chapelle, le passage est étroit, une seule personne peut passer à la fois. C’est une période d’accomodation entre l’intérieur et l’extérieur.
Espace de passage
Le couloir d’entrée de la chapelle, est un es-
pace d’accomodation et de passage entre l’extérieur et l’intérieur de l’édifice. Très sombre, très étroit et très bas, cet espace fait perdre au visiteur tous ses repères par rapport à l’extérieur lumineux et aéré.
Cet espace ne permet le passage que d’une seule personne à la fois, rendant l’entrée dans le lieu de culte plus solitaire et recentré sur soi-même. Par le rétrécissement de l’espace, le visiteur est confronté à la rugosité austère des parois en béton brulé.
Après quelques pas, l’espace commence à s’ouvrir, il devient de plus en plus aéré.
Espace de contemplation
L’espace de contemplation est un
lieu beaucoup plus aéré, plus large par sa forme que l’espace de passage. Il permet d’accueillir plusieurs personnes pour se reDans l’espace central, plusieurs personnes peuvent venir se recueillir dans cet espace plus ouvert. Zumthor induit une certaine fluidité en permettant de circuler autour du point d’eau retenu par le sol.
L’espace central permet d’accueillir plusieurs personnes pour se recueillir autour d’une vue sur le ciel, une lumière zénithale et d’un petit banc pour s’asseoir.
cueillir autour de l’ouverture zénithale et d’un petit banc pour s’asseoir.
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Les sculptures de Richard Serra
Richard Serra priviligie l’acier dans son tra-
vail avec un objectif très précis : organiser l’espace. Il va developper des sculptures de très grande dimensions qui ont une double caractéristique : la première est d’intégrer le spectateur au coeur de l’oeuvre, la seconde est d’éviter que l’on puisse la tenir tout entière dans son regard. Le visiteur est ainsi invité à déambuler dans l’oeuvre elle-même autant qu’il doit considérer l’espace environnant qui s’en trouve radicalement modifié.
Les sculptures permettent une vision nouvelle d’un lieu et d’un espace. Elles participent à un subtil dialogue avec leur environnement. Les jeux d’équilibre, le poids de l’acier et la hauteur des plaques créent pour le spectateur un sentiment d’insécurité et de petitesse, nuancé par la beauté de la couleur de la rouille.Chaque oeuvre de l’artiste crée des espaces qui invitent le visiteur à se deplacer autrement. Le visiteur devient le sujet même de l’oeuvre, il n’en n’est pas l’acteur.
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LE PAVILLON SERPENTINE GALLERY
Peter Zumthor est un architecte qui ac-
corde beaucoup d’importance aux rapports de sensations entre l’homme et l’architecture. La plupart de ses oeuvres se caractérisent par une approche sensible qui met l’intéraction du corps avec son environnement au centre de toutes ses préoccupations.
Le pavillon de la Serpentine Gallery se distingue premièrement par sa forme de monolithe noir qui semble donné un visage silencieux à l’extérieur. Des ouvertures carrés ponctuent l’espace et invitent le spectateur curieux à entrer dans l’obscurité que présentent les deux entrées en chicane, très étroites que l’on ne peut arpenter qu’individuellement.
Comme dans la chapelle on retrouve des espaces d’accomodations étroits et sombres entre l’intérieur et l’extérieur de l’édifice permettant de marquer un seuil, une limite entre les deux.
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Il existe un contraste fort entre la façade noir du pavillon et le parc exterieur très verdoyant.
Le pavillon est un monolithe noir avec peu d’ouverture sur l’exterieur.
Les ouvertures entre l’extérieur et l’accès à l’espace centrale sont décalés. Ainsi en se promenant à l’extérieur on ne voit jamais l’intérieur.
Le couloir sombre et étroit permet la transition entre l’intérieur et l’extérieur du pavillon par son obscurité et ses points de vue sur l’intérieur de l’édifice.
L’espace centrale est un endroit pour se déplacer mais aussi pour s’asseoir. Des bancs on été prévus le long de la parois pour observer le jardin tranquillement.
L’espace centrale est un espace aéré permettant de circuler autour du jardin sans déranger les personnes assises sur les bancs.
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ESPACE SENSORIEL
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Eveil des sens
Visiter la chapelle Bruder Klaus, c’est avoir
tous ses sens en éveil. Une intéraction se crée entre le visiteur, l’environnement et la matérialité.
Cet édifice fait preuve d’une grande recherche de le parcours sensorielle. Si l’on analyse de plus près l’emploi de chaque matériaux on s’aperçoit qu’une trilogie s’opère. En effet chacun d’entre eux est associé à un élément fondamental ( l’eau, la terre, le feu et l’air ) et à un sens ( vue, toucher, odorat, ouie ).
L’idée de Zumthor était donc de travailler sur les éléments fondamentaux au coeur de cette chapelle.
Ces trilogies de matériaux, d’éléments et de sens, ont été analysés sous forme d’un diagramme pour donner une vision d’ensemble à cette atmosphère sensible.
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Parcours sensoriel Corps Sonore Suisse, Sound Box Exposition 2000
Dans l’architecture de Zumthor, cette évo-
cation des sens et des éléments se rattache à l’idée de parcours sensoriel. C’est le cas dans le pavillon de Hanovre qui est perméable, l’eau de pluie, le vent et la lumière sont libres d’y pénétrer dans une intéraction avec le matériau prédominant : le bois. Il semble ainsi «respirer» avec les éléments naturels en suivant leur rythme et leur capacité de changement. Dans le pavillon le parcours du visiteur est orchestré par l’éveil de ses sens. Comme dans la chapelle le vent siffle à l’intérieur et convoque l’oreille du visiteur mais il est aussi question de musique le bâtiment a été conçu comme une boite de musique. Les personnes peuvent venir jouer de leurs instruments librement à l’intérieur. L’odorat est aussi mis en éveil par l’odeur prédominante du bois, seul matériau utilisé dans ce pavillon, qui par sa texture particulière induit un toucher particulier.
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CONCLUSION
Dans
son
architecture,
Zumthor
se
Dans l’ensemble l’expérience sensorielle des bâ-
concentre sur le sentiment d’expérience, de dé-
timents de Zumthor est unique dans chaque cas.
couverte à travers un lieu, un espace, un objet.
Sa reponse de conception est toujours basé sur les
Par exemple : quelles sont les effets d’une poignée
conditions du site, des recherches approfondies
de porte spécifique pour entrer dans un espace ?
d’une forme simple mais forte.
Comment les pas sur un matériau spécifique fait intéragir le visiteur avec l’espace ? Cest de cette
On pourrait rapprocher le projet de Bruder Klaus de
focalisation sur l’expérience physique et émotion-
Zumthor avec le courant appelé «swissbox» des ar-
nelle de l’architecture que naît son admiration
chitectures étrangements simples et à fort impact
pour les matériaux avec lesquels il construit ses bâti-
visuel et physique. En Suisse, la simplicité n’est pas
ments. Pour lui, un matériau doit jouer avec les sens,
objectif prioritaire, mais c’est l’aboutissement lo-
et induire une réaction émotionnelle.
gique d’autres intentions conceptuelles. Ce n’est pas un objectif prioritaire, mais le résultat d’un pro-
L’architecture de Zumthor est semblable à un
cessus qui de réduction en réduction, fait vibrer les
corps « qui peut me toucher » par sa matérialité, sa
matériaux et les formes.
masse, son échelle. C’est bloc de plein et de vide
Martin Steinman, à propos de ces architectures
qui possède un espace qui augmente ou diminue,
parle de « forme forte». Dans l’architecture contem-
s’ouvre ou se ferme par rapport à l’extérieur. C’est
poraine, on peut constater une tendance à conce-
un jeu d’harmonie comme dans le travail de Serra
voir les bâtiments en tant que corps géométriques
sur la matière, les volumes qui permettent une vision
simples, clairs, des corps dont la simplicité confère
nouvelle d’un lieu et d’un espace.
une grande importance à la forme, au matériau, à la couleur .
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ANNEXES
Fils d’ébéniste, Peter Zumthor ( né le 26
ils travaillent sur une logique de recherche plutôt
avril 1943) s’engage d’abord dans un appren-
que de production. Il construit principalement en
tissage de charpentier qu’il poursuit à l’Ecole
Suisse mais egalement dans d’autres pays en Eu-
d’arts appliqués de Bâle, sa ville natale, c’est
rope, souvent dans des zones rurales ou monta-
là qu’il acquiert, estime-t-il les fondements de
gneuses, eloignées des grandes villes.
son métier. C’est ensuite seulement qu’il vient à l’architecture, lors d’un séjour à New York au Pratt Institute ou il étudie le design industriel. Il rentre en Suisse sans décrocher de diplôme et travaille comme conservateur du patrimoine aurpès des Monuments historiques du canton des Grisons. Les chantiers de restauration qu’il conduit lui permettent d’approfondir sa sensibilité et son savoir des matériaux. Devenu architecte indépendant en 1979, il conserve aujourd’hui son atelier dans le petit village de Haldenstein. Son atelier, d’importance plutôt moyenne, occupe vingt-cinq jeunes collaborateurs de nationalités diverses
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BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES : - DURISH Thomas, Peter Zumthor, Réalisations et projets 1985-2013, Scheidegger & Spiess, 2014 , 5 volumes - ZUMTHOR Peter, Atmosphères, Birkaüser, 2008 - ZUMTHOR Peter, Penser l’Architecture, Birkaüser, 2010, 92 pages
REVUE : - BAGLIONE, Chiara, « Costruire col fuoco » in Casabella, n°747, 2006, septembre - DAL CO, Francesco, « Peter Zumthor, cappella di Bruder Klaus, Mechernich, Eiffel, Germania » in Casabella n° 758, 2007 septembre - CASCIANI, Stefano, « Il santo e l’architectto » in Domus n° 906, 2007 septembre - TCHANZ, Martin, « Architektur der Architektur : Bruder Klaus Kapelle, in Wachendorf von Peter Zumthor Werk in bauen = wohnen n°3, 2008 mars - « Peter Zumthor, Bruder Klaus Field Chapel, Wachendorf, Eifel, Germany » in A + U n° 456, 2007 septembre
INTERNET : - LANGARICA Victor « Re-pensar la arquitectura, Peter Zumthor », Issuu, Disponible sur : < http://issuu.com/victorlangarica/docs/repensar la arquitectura peter zu > - CHARMETTE Vianney, « Composer des espaces de l’égarement » Issuu, Disponible sur : < http://issuu.com/vcharmette/docs/composer des espaces de l’egarement >
SERIE DOCUMENTAIRE : - WERMER Köhne. Diffusé sur ARTE « Edifices sacrés : Silence et recueillement »