Ceci n'est pas un déchet - Réemploi et construction, Mémoire de Master 2 Urbanisme et Aménagement

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CECI N'EST PAS UN DÉCHET Que peut apporter une démarche de réemploi au projet Fives Cail et comment la mettre en place ?

Margaux SALMON - Années 2017-2018 Tuteur universitaire : Richard LEMEITER Tuteur professionnel : Yannick BARBRY Organisme : SORELI



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n premier lieu, je tiens à remercier Fabienne DUWEZ, directrice générale, et Isabelle SLOTS, responsable du pôle Fives Cail, de m’avoir intégrée au sein de SORELI pour ce stage. Je remercie également Yannick BARBRY,

responsable technique du pôle Fives Cail et tuteur professionnel de mon stage, pour m’avoir fait confiance et d’avoir su, malgré la charge de travail, être à l’écoute pour m’orienter et répondre à mes nombreuses interrogations. Je souhaite exprimer un immense merci au pôle Fives Cail et à l’ensemble des équipes de SORELI pour leur accueil chaleureux, pour l’accompagnement, et pour avoir partagé tous les jours avec moi leurs expériences et leur bonne humeur. Par ailleurs, mes remerciements vont à Richard LEMEITER, qui m’a encadrée en tant que tuteur universitaire, pour ses différents conseils et références. Enfin, je souhaite remercier Guillaume, Yannick, Marie, Emmie, Flavia, Julie, François, Nina, Denis, Lauranne, Eva, Madeleine, Nathy, Marie, Camille, Lou, Jeanne, Celia, Hugo, Guillaume, Thomas, Lucas, Elioth et mes parents, qui ont participé, par leur soutien, conseils, informations et relectures, à l’élaboration de ce travail.

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C

e mémoire est issu du stage de six mois que j’ai effectué, dans le cadre du Master 2 Urbanisme et Aménagement parcours Construction et Aménagement Durable à l'Institut d'Aménagement et Urbanisme de Lille,

au sein du pôle Fives Cail de la Société d’Economie Mixte de Rénovation et de Restauration de Lille (SEM SORELI). SORELI a été créée en 1982 par la Ville de Lille et la Communauté Urbaine de Lille. Aujourd’hui l'un des principaux acteurs de la production urbaine de la Métropole Européenne de Lille (MEL), cette société d’aménagement prend en charge des projets d'envergure tels que les Rives de la Haute Deûle, Arras Europe ou Fives Cail. Au sein de l’équipe dédiée au projet Fives Cail, les différentes missions qui m'ont été confiées m’ont permis d’approcher différentes facettes du métier de chargée d’opérations : 1 - Pilotage des travaux d’infrastructures et de leur maîtrise d’œuvre 2 - Aide au suivi technique des études de maîtrise d’œuvre 3 - Montage des dossiers de consultation appels d’offre 4 - Participation à la coordination des partenaires du projet et au suivi des prestataires extérieurs 5 - Participation au suivi administratif et financier J’ai ainsi pu travailler sur des opérations diverses, et notamment sur le lancement d’une démarche de réemploi des matériaux issus des démolitions et réhabilitations sur Fives Cail. Le présent mémoire propose une recherche basée sur cette mission mais matérialise également l’approfondissement de sujets qui me questionnent depuis quelques années.

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ADEME AMO CET CIFFUL

Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie Assistance à Maîtrise d'Ouvrage Centre d'Enfouissement Technique Centre Interdisciplinaire de Formation de Formateurs de l'Université de Liège

DCE

Dossier de Consultation des Entreprises

FCB

Fives Cail Babcock

FDES

Fiches de Déclaration Environnementales et Sanitaires

FREC

Feuille de route pour l’économie circulaire

MEL

Métropole Européenne de Lille

MOA

Maîtrise d'Ouvrage

MOE

Maîtrise d'Oeuvre

PNPD SORELI ZAC

Plan National de Prévention des Déchets Société d'Economie Mixte de Rénovation et de Restauration de Lille Zone d'Aménagement Concerté

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REEMPLOI, REUTILISATION, RECYCLAGE

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INTRODUCTION GENERALE

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ENJEUX ET PERSPECTIVES DU REEMPLOI 1. Petite histoire du réemploi

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1.1 Une pratique longtemps courante dans l’acte de bâtir

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1.2 Révolution industrielle et parenthèse historique

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1.3 Evolution de la ville et métabolisme urbain

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2. Nouveaux enjeux et émergence du réemploi

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2.1 La crise de la matière

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2.2 Mines urbaines

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2.3 Réemploi et contre-culture

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3. Qu'apporte le réemploi dans un projet ?

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3.1 Une nouvelle posture éthique : penser global, agir local

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3.2 Mise en valeur du patrimoine et de l’identité d’un lieu

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3.3 Créativité, inclusion, participation

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METTRE EN OEUVRE UNE DEMARCHE DE REEMPLOI 1. Les grandes étapes du réemploi

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2. Freins et leviers au réemploi

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2.1 Contexte législatif

50

2.2 Changer son regard sur la matière

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2.3 De l'expérimentation à la démocratisation 3. La place de la maîtrise d'ouvrage

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3.1 Accompagner la définition du projet : anticipation et créativité

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3.2 expertise réemploi ET INTELLIGENCE COLLECTIVE

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LE REEMPLOI SUR LE PROJET FIVES CAIL 1. Le réemploi dans une logique de projet

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1.1 L’essentiel du projet Fives Cail

64

1.2 L’existant, matière vivante du projet

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1.3 Un projet qui se veut durable

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2. Le réemploi sur FIVES CAIL aujourd'hui

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2.1 Démolitions et matériaux conservés

75

2.2 En phase 01 : quelques usages du réemploi

80

3. Mettre en place une démarche de réemploi

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3.1 De nouveaux enjeux

82

3.2 L'enclenchement d'une première démarche

84

3.2 Des problématiques diverses à résoudre

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CONCLUSION

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TABLE DES FIGURES

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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h

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Distinction des différents procédés de traitement de la matière

C

e travail se focalise sur l'intégration du réemploi de matériaux et éléments de construction dans les projets urbains. Bien qu'aujourd'hui en plein essor, le réemploi reste une pratique entourée d’un certain flou

conceptuel. Ce dernier entraîne une méconnaissance du sujet, à l'origine de certaines des problématiques décrites dans ce mémoire. Selon les sources, le terme de réemploi peut revêtir une pluralité de sens. En cela, il est souvent confondu avec celui de réutilisation. En effet, si la question du recyclage semble bien distincte des deux autres, les définitions de réemploi et réutilisation diffèrent d’un auteur à l’autre. Dans La Poubelle et l’Architecte, JeanMarc HUYGEN, expose : « Je différencie trois actes de récupération distincts : la réutilisation, qui consiste à se resservir de l'objet dans son usage premier ; le réemploi, qui réintroduit les matières de l'objet ou en partie l'objet pour un autre usage ; le recyclage, qui réintroduit les matières de l'objet dans un nouveau cycle. » [HUYGEN, 2008, p. 11] Ici, la distinction se fait dans l’usage futur du matériau. Le collectif Encore Heureux, auteur d’une exposition et d’un ouvrage nommés Matière grise, matériaux, réemploi, architecture, adopte une conceptualisation similaire. Comme le montre l’illustration ci-contre, Julien CHOPPIN et Nicola DELON, membres du collectif, prennent l’exemple de la vie d’une porte pour illustrer différents procédés de traitement de la matière. Toutefois, cette distinction est différente dans les textes réglementaires français. L’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement définit ces termes de la manière suivante : « Le réemploi désigne toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus » et « la réutilisation désigne toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ». Ici, non seulement le réemploi permet à un élément d’être utilisé pour un usage identique à celui qu’il avait à la base, contrairement aux définitions précédentes, mais la distinction ne se fait aussi sur la temporalité d’intervention. Figure 1 : Distinction des différents procédés de traitement de la matière CHOPPIN, DELON, 2014 / Bonnefrite

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ais sur la temporalitÊ d’intervention. Le rÊemploi serait alors une pie

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Le réemploi serait alors une pratique utilisée en aval lorsque la réutilisation interviendrait au moment où le matériau ou l’objet est d’ores et déjà considéré comme un déchet.

*** Afin d’éviter toute confusion, ces diverses définitions du réemploi imposent de se positionner sur une acception unique. Dans ce travail, nous avons fait le choix d’adopter la définition que propose l’association Bellastock dans le second volet de ses recherches sur le réemploi, REPAR 2. Cette dénomination sera donc ici employée comme un terme élargi, englobant le réemploi et la réutilisation, entendu comme procédé de traitement de la matière consistant à remettre en œuvre un élément de construction en conservant globalement sa forme, pour une destination identique ou différente de son usage premier et qu’il ait été considéré, juridiquement parlant, comme un déchet ou non. Le terme de réemploi regroupe alors une pluralité de pratiques : - le réemploi sur site, c'est-à-dire la remise en œuvre de matériaux et éléments préalablement récupérés sur le site même du projet de construction - le réemploi hors site, c’est-à-dire le prélèvement des matériaux et éléments de construction réutilisables en vue de les mettre en œuvre ailleurs - le dessaisissement de matériaux de constructions déjà démontées - l’acquisition de matériaux issus de déconstructions

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« Il ne faut pas jeter derrière soi, mais plutôt devant soi, pour voir ce que l’on peut faire avec. » Alexandre RÖMER, Matière Grise, p. 84

P

lus de 400 tonnes de moules sont consommées chaque année durant le weekend de la braderie de Lille. Environ 200 tonnes de coquilles vides sont alors envoyées en décharges et considérées comme déchets ultimes,

c'est-à-dire non valorisables. Disparue depuis peu, la coutume des tas de moules est réapparue cette année avec l’appui des politiques publiques. En effet, pour l’édition 2018 de la braderie, la ville de Lille a mis en place un partenariat avec une entreprise pour organiser la récolte des rebus de ce plat traditionnel. Les restaurateurs participants ont donc fait don des coquilles pour leur offrir une seconde vie. Le recyclage des coquilles de moules a donc permis de créer près de 400m² de dalles de carrelage. L’entreprise à l’origine de l’initiative, EtNISI, crée déjà des matériaux durables, les « Wasterials », composés à plus de 75% de déchets recyclés : brique, porphyre vert, marc de café et même les balles de tennis de Roland Garros. Le carrelage à base de coquilles de moules sera présenté à l’occasion du weekend « Faîtes de la récup » qui se tiendra les 23 et 24 novembre sur le site de Fives Cail. Cet évènement se tiendra dans le cadre de candidature de Lille au prix de Capitale Verte de l’Europe. Avec d’autre part la nomination de la ville comme Capitale Mondiale du Design en 2020, les initiatives en lien avec les thématiques du développement durable, du zéro déchet, de l’économie circulaire et de toute la créativité et l’inclusion qui s’y rattachent sont en plein développement sur la Métropole Européenne de Lille. Le recyclage des coquilles de moules de la braderie n’est qu’un exemple parmi ce qui est progressivement mis à l’honneur sur le territoire comme la récupération et la distribution des invendus du marché de Wazemmes ou le développement des repair cafés. Il s’agit donc d’une opportunité pour la ville de Lille de célébrer à nouveau le recyclage, la réutilisation et le réemploi, mis à l’écart de notre manière de produire et de consommer depuis les décennies qui ont suivi la Révolution Industrielle. La thématique du développement durable influe progressivement ou 9


les ménages dans leur consommation et leur gestion des déchets. Dans la vie quotidienne, recyclage, réutilisation et réemploi sont des pratiques en développement et pour certains un véritable mode de vie. La candidature de Lille au label européen de Capitale Verte est un coup de pouce pour que cette dynamique se développe dans toutes les branches de la production et de la consommation. En effet, dans le domaine de la construction et de l’aménagement urbain, c’est une situation bien différente. Si le recyclage est relativement valorisé, le réemploi et la réutilisation commencent juste à se développer. Il y a peu, ces pratiques étaient le domaine de collectifs d’architectes militants et du bricolage individuel pour habitations de fortune. L’objectif serait aujourd’hui d’en faire l’un des principes de conception et de construction de demain. Aujourd’hui, la manière de faire la ville aspire à se réinventer pour faire face aux actuelles contraintes environnementales, économiques et à la prise en compte de nouveaux usages. Or le système linéaire de production et de consommation – extraire, produire, consommer, jeter – est toujours très répandu. Les habitudes issues de la Révolution Industrielle sont difficiles à substituer. Or le domaine du bâtiment est responsable d’une part non négligeable des préjudices infligés à notre planète. A l’heure de la raréfaction des ressources et de l’augmentation de la quantité de déchets produits par notre mode de vie, la manière de construire et d’aménager doit être repensée. Un bâtiment est constitué d’une grande quantité de matériaux divers. Lorsqu’il est détruit, ceux-ci sont souvent voués à remplir nos déchetteries, alors qu’ils pourraient constituer une ressource de matière non négligeable à réemployer. L’ancien site industriel Fives Cail, situé à Lille-Hellemmes, fait aujourd’hui l’objet d’un programme de reconversion porté par la ville de Lille et la Métropole Européenne de Lille (MEL). Le projet, aménagé par SORELI, est mis en œuvre dans le cadre d’une Zone d'Aménagement concerté (ZAC) de 25 ha comprenant 16 ha d’anciennes halles industrielles. Le projet intègre une forte dimension patrimoniale par la conservation d’un certain nombre de halles et anciens bâtiments administratifs. En raison de l’histoire industrielle qui l’a forgé, le site représente aujourd‘hui un remarquable gisement de matériaux. Une partie des bâtiments n’est pas conservée dans le cadre du projet et de premières démolitions ont été réalisées. Certains éléments et matériaux récupérables et remarquables ont ainsi pu être conservés et stockés sur site dans la perspective d’un réemploi éventuel. Ces éléments représentent une richesse patrimoniale et 10


narrative pouvant faire perdurer la singularité constructive et identitaire des lieux. Dans ce cadre, SORELI commence à développer une dynamique de réemploi sur le site de Fives Cail. L’objectif des équipes de SORELI illustre le développement de démarches actives de récupération et de réemploi de matériaux de construction dans une dynamique globale de prise de conscience environnementale et de renouvellement urbain. Ce mémoire se concentre donc sur la question du réemploi des matériaux et éléments construction, ses enjeux et problématiques, avec pour étude de cas le projet Fives Cail. Il s’agira également de comprendre le rôle que la maîtrise d’ouvrage doit assumer pour mettre en place cette démarche. En effet, si les publications sur le réemploi en architecture sont multiples, le rôle de la maîtrise d’ouvrage, au contraire, est peu développé. Nous tenterons donc d’en mettre en lumière les enjeux propres.

Dans quel contexte la réutilisation et le réemploi des matériaux de construction est-il réapparu et quels sont ses perspectives ? Que peuvent apporter ces pratiques au projet Fives Cail et comment les mettre en place ? Alors, quel est le rôle que doit assumer le maître d’ouvrage pour la définition d’une démarche de réemploi dans un projet ?

Dans la première partie de ce travail, nous présenterons un bref historique des raisons qui sous-tendent au recours ou à l’oubli du réemploi dans la construction selon les périodes et ce que cette démarche peut apporter à un projet aujourd’hui. Dans la seconde partie, nous mettrons en lumière les enjeux pour la mise en œuvre d’une démarche de réemploi dans un projet et le rôle de la maîtrise d’ouvrage dans le système d’intelligence collectif que ces ambitions requièrent. Enfin, nous aborderons la volonté de SORELI de réemployer les matériaux et éléments issus des déconstructions sur le site de Fives Cail, et ce que cette démarche peut apporter au projet.

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PARTIE THÉORIQUE ROTOR Déconstruction 13


ENJEUX ET PERSPECTIVES DU REEMPLOI

« S’intéresser au réemploi en architecture permet de s’apercevoir que les pratiques anciennes ont oscillé entre opportunité et opportunisme ; [...] La période actuelle prend donc l’allure d’une parenthèse historique, où le réemploi est exceptionnel alors qu’il a constitué l’une des règles conditionnant l’architecture au cours des siècles passés. » Julien CHOPPIN et Nicola DELON, Matière grise, p.62 Comme l’expliquent Julien CHOPPIN et Nicola DELON dans leur ouvrage Matière grise, la pratique du réemploi a accompagné l’histoire humaine, et notamment pour des raisons économiques et pragmatiques. Ainsi, les exemples historiques dans le domaine de la fabrique de la ville sont multiples. Toutefois, après la Révolution Industrielle, le réemploi a progressivement été mis de côté et remplacé par l’instauration d’une logique linéaire - extraire, produire, consommer, jeter - de production, de consommation et donc de construction.

Le réemploi et le recyclage dans la vie quotidienne ainsi que dans la construction ne sont pas des pratiques récentes. Cette partie a notamment pour destination d’exposer divers exemples de coutumes constructives pour tenter de comprendre certaines des motivations qui sous-tendent à l’utilisation du réemploi à travers l’histoire occidentale. Autrefois, l’homme faisait couramment recours au réemploi en fonction des circonstances, motivé par des enjeux pragmatiques. Le réemploi était alors une pratique du bon sens à l’échelle locale, afin, notamment, de fabriquer des abris de fortune. On y recourait en raison du prix et de l'indisponibilité des matériaux neufs, mais également lorsqu’une circonstance faisait apparaître l’opportunité d’avoir accès à des sources d’éléments réemployables. Dans le domaine de la construction, il s’agissait donc d’un procédé habituel, traditionnel, en lien avec le 14


coût élevé des matières premières et l’absence de moyens pour acheminer des matériaux non locaux. De plus, le recours au réemploi était basé sur la conscience que les hommes avaient de leur milieu : un environnement fini dont la connaissance des ressources était limitée [MERCIER, 2015].

Les spolia de la Rome antique Durant l'empire romain, le mot latin spolia désignait les matériaux récupérés et remis en œuvre pour la construction de nouveaux bâtiments [CHOPPIN, DELON, 2014]. On recourait à cette méthode de construction pour des raisons idéologiques et politiques mais également esthétiques ou pratiques. A ce propos Julien Gracq écrivait, dans Autour des sept collines : « c’est un work in progress, Rome,

un

bric-à-brac

somptueux de

matériaux

urbains

en

instance

d’assemblage ou de réemploi » [GRACQ, 1988, p.8]. L’Arc de triomphe de Constantin à Rome, construit entre 313 et 315, est l’un des témoins de cette manière de bâtir. Le décor de l’arc est constitué d’une multitude d’éléments statues, bas-relief - récupérés sur des monuments plus anciens, ceci leur donnant une symbolique nouvelle. Le recours au réemploi serait ici expliqué par la rapidité de la construction de l’arc, nécessitant l’utilisation d’éléments existants. Pour d'autres auteurs, il s'agit d'une conséquence d'une pénurie de matériaux et d'une perte des savoir-faire caractéristique de l'époque [CHOPPIN, DELON, 2014].

Le réemploi et la guerre de Cent Ans Au début de la guerre de Cent Ans, qui eut lieu de 1337 à 1453, la priorité devient pour certaines villes, d’améliorer leurs fortifications. De nombreuses démolitions sont alors nécessaires. En effet, les constructions attenantes aux remparts des villes gênent les travaux. Il faut également prendre en main certaines des constructions situées à l’extérieur des villes fortifiées, celles-ci menaçant la défense qui se met en place. Par ailleurs, les villes doivent démolir les bâtiments en ruines, résultats du .dépeuplement causé par les nombreuses crises et épidémies de l’époque. Ces destructions font naître l’opportunité de récupérer des matériaux afin d’organiser la défense. Se crée alors un système d’organisation autour de la gestion des destructions et de l’avenir des matériaux extraits :

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construction, il s'agissait donc d'un procĂŠdĂŠ habituel, traditionnel, en lien avec le con

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- Une expertise est mise en place pour statuer sur la valeur et le droit de propriété des matériaux ; - D entreprises spécialisées dans la revente sont créées ; - La matière issue des démolitions est stockée dans les maisons consulaires des villes qui deviennent des plateformes intermédiaires dans lesquelles les matériaux attendent d’être conditionnés, réemployés ou recyclés. La période de guerre rend ici difficile voire dangereux l’approvisionnement en matériaux neufs, ce qui explique le recours au réemploi. Celui-ci est mis en œuvre grâce à la mise en place d’une réelle politique de l’organisation de la récupération des matériaux [SABATHIER, 2016].

Prise de conscience de la valeur des matériaux Par ailleurs, le réemploi peut également trouver une explication dans une prise de conscience progressive de la valeur des matériaux, laquelle apparaît à la Renaissance, comme l’explique Laura FOULQUIER dans Matière Grise : « Avec la Renaissance, émerge une conscience des ruines. Elles prennent alors une valeur esthétique et historique, en tant que vestiges signifiants qui interrogent le rapport au temps et à l’espace » [CHOPPIN, DELON, 2014, p. 63]. L’homme prend à ce moment conscience de l’histoire architecturale et des richesses qu’il peut trouver dans ses villes. D'en suivra les débuts de la patrimonialisation, à partir du XVIIIème siècle, avec les premières décrets sur la conservation et la démolition des biens bâtis. La préservation du patrimoine restera très difficile à mettre en œuvre jusqu'à la moitié du XIXème siècle et la monarchie de Juillet, qui met en place une véritable politique de conservation.

L’histoire de l’architecture présente ainsi une succession d’exemples de manières construire incluant le recours au réemploi, et ce pour des raisons diverses. La pratique du réemploi restera très courante dans la vie quotidienne et la construction jusqu’au milieu du XXème siècle. Figure 2 : L'Arc de Constantin à Rome

Wikipedia Figure 3 : Origine des réemplois sur l’arc de Constantin

sights.seindal.dk

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Dans les zones littorales et notamment portuaires, l’histoire présente des formes diverses de réemplois de coques de bateaux en fin de vie. Durant le XIX ème siècle, Equihen, commune de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, était un port d’échouage pour bateaux de pêche. Les échouages et remises à l’eau répétitifs provoquaient une usure rapide des coques. Celles-ci, abandonnées, étaient récupérées par les marins et leurs familles pour construire des habitations à peu de frais. Seules les coques des bateaux étaient alors récupérées, retournées, enduites de goudron, et servaient de toit aux habitations. Du bois ou des pierres faisaient office de soubassement et on y perçait une porte, parfois une fenêtre. Cette technique opportuniste permit donc de bâtir lesdites « quilles en l’air », témoignage historique local de l’ingéniosité liée à l’usage du réemploi dans la construction. La Seconde Guerre Mondiale sera toutefois fatale pour ces habitations, très fragiles. Cependant, depuis les années 1990, la ville d’Equihen-Plage, avec pour maîtrise d’œuvre l’agence Arietur, récupère des coques de navires vouées à la destruction pour créer, sur le modèle du XIX ème siècle, des hébergements touristiques.

Figures 4 : Les quilles en l’air, hier et aujourd’hui

1 : site internet de la ville d’Equihen Plage 2 : site internet de La Voix du Nord 18


La Révolution Industrielle du XIXème siècle en Europe est à l'origine d’un double bouleversement. Elle modifie tout d’abord la façon de consommer et le rapport qu’entretiennent les hommes avec le monde matériel. On assiste alors à la naissance du concept d’obsolescence concernant les objets qui, par évolution technique ou par effet de mode, deviennent des déchets. De plus, la production de masse à moindre coût révolutionne le système de consommation entraînant à son tour une augmentation de la quantité des déchets. La standardisation et le culte du neuf, dans la consommation de masse comme dans la construction, rompent définitivement avec la culture du réemploi. Comme évoqué précédemment, le système de production suit la logique linéaire suivante : extraire, produire, consommer, jeter. En outre, la Révolution Industrielle fait naître de nouvelles industries comme celle de la sidérurgie. Comme évoqué précédemment, elle s’accompagne de nouvelles

méthodes

de

production

de

masse.

Dans

ces

conditions,

l’augmentation de la production d’acier et de béton entraîne avec elle l’augmentation de la production architecturale. Devant faire face au besoin urgent de reconstructions d’après-guerre et à l’explosion démographique entraînant une forte crise du logement, l’homme élève quantité de bâtiments. En France, la période de reconstruction durera environ 10 ans. Le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) promeut alors de nouvelles méthodes de construction préfabriquées et industrialisées. Face à la demande de logements et d’équipements, le XXème siècle restera incontestablement celui de la construction de masse et de qualité variable. Seuls certains bâtiments sont construits à partir de matériaux réemployés. Le réemploi disparaît peu à peu et reste très en marge des années 1950 à nos jours. Durant cette progressive parenthèse historique, la notion de réemploi devient véritablement synonyme de grande précarité. Dans la construction, le réemploi est un phénomène apparenté à la grande précarité. Il revêt l’image des bidonvilles

et

de toute forme d’habitat

de fortune.

Les problèmes

environnementaux causés par le système instauré par la Révolution Industrielle sont alors loin des débats publics. Toutefois, ce système économique va progressivement soulever

des questions, notamment face à la forte

consommation d’énergies et la prise de conscience de la pollution qu’il engendre. 19


20


Les bidonvilles se construisent de manière spontanée et prennent diverses formes et densités selon les époques et à travers le monde. Ces lieux sont cités comme des références en matière de récupération et de réemploi de matériaux et objets rejetés par la civilisation dans la construction. En effet, le réemploi et le recyclage ont toujours été l’un des premiers choix de l’autonomie et l’une des manières de construire astucieusement, avec peu de moyens. Anne LACATON et Jean-Philippe VASSAL, architectes, expliquent : « on y constate la plus grande intelligence de l’individu qui fait, peut-être même parce qu’il est poussé par la nécessité. On peut dire que dans un bidonville, il y a 99% d’intelligence et 1% de moyens, alors que généralement, plus il y a de matière moins il y a d’intelligence » [CASCARO, 2006]. Le photographe allemand Peter BIALOBRZESKI a immortalisé dans son ouvrage Case Study Homes les habitations d’un bidonville de Manille, situé entre deux terminaux à conteneurs. Ces logements de fortune sont les premiers touchés par les catastrophes naturelles, fréquentes aux Philippines. Plus que la précarité à laquelle cette forme de réemploi renvoie, Peter BIALOBRZESKI a ici voulu faire transparaître l’ingéniosité constructive dont font preuve les habitants de ces logements. Son travail met en valeur le patchwork de matériaux récupérés pour en créer des habitations et rend hommage au désir de ces habitants de créer par eux-mêmes leur lieu de vie.

Figures 5 : Habitations d’un bidonville de Manille Site Internet de Peter BIALOBRZESKI

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Afin d’étudier l’évolution de la fabrique de la ville, il est essentiel de se pencher sur les flux de matière, énergie, produits et déchets que son mode de fonctionnement engendre. Le métabolisme urbain est un angle de recherche qui étudie le rapport entre un espace urbain et son environnement en étudiant les flux de matière et d’énergie, entrants et sortants, que celui-ci produit. Il s’agit donc d’un rapprochement entre le fonctionnement d’une ville et le métabolisme des organismes vivants [DI NARDO, 2016]. Le métabolisme urbain permet ainsi de déterminer la pression urbaine sur l’environnement. Cette notion prend corps à partir des Trente Glorieuses, en lien avec la prise de conscience l’urbanisation

progressive

par

croissante,

de

l’opinion

publique

l’industrialisation

des et

conséquences de

la

de

croissance

démographique. Aujourd’hui, certaines recherches définissent le métabolisme urbain comme le contrôle des flux entrants et sortants d’une ville. Cette notion, plus qu’une support de recherches, est ainsi devenue un mode de fonctionnement à atteindre. Le métabolisme urbain, avant la parenthèse historique présentée ci-avant, peut être décrit comme partiellement circulaire. Après la Révolution Industrielle, le métabolisme urbain est devenu linéaire : “la ville puise des ressources dans la biosphère qu’elle lui restitue sous une forme dégradée” [CHOPPIN, DELON, 2014, p.63].

Figure 6 : Le métabolisme urbain linéaire Réalisation personnelle - source : DI NARDO, 2016

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Le recyclage, la réutilisation et le réemploi peuvent permettre de rationaliser les flux entrants et sortants d’une ville. De manière générale, il est possible de tendre à nouveau vers un métabolisme urbain circulaire en portant attention à puiser dans les ressources propres d’un territoire, afin de faire circuler les ressources en interne. Il s’agit alors d’utiliser des éléments bios ou géo-sourcés mais aussi des matériaux recyclés, réutilisés ou réemployés in-situ. Il est également question de prendre en compte les ressources dites immatérielles, c’est-à-dire les savoirs et savoir-faire du territoire, disponibles ou à créer, pour mettre en œuvre cette circulation interne [BELLASTOCK, 2018]. Ainsi, le réemploi apparaît comme une pratique nécessaire pour construire la ville à partir de ses propres ressources et revenir vers un métabolisme urbain circulaire.

Figure 7 : Le métabolisme urbain en circuit Réalisation personnelle - source : DI NARDO, 2016

*** Le réemploi n’est donc pas une pratique nouvelle. Toutefois, de nouveaux enjeux, notamment liés au concept de développement durable, le font apparaître sous un jour nouveau. L’homme cherche alors à rompre avec le processus linéaire afin de chercher à réduire les quantités de matière et d’énergie utilisées et la production de déchets.

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ENJEUX ET PERSPECTIVES DU REEMPLOI

Le changement de mode de produire et de consommer a entraîné l’épuisement progressif des ressources et l’augmentation de la quantité de déchets rejetés. Le secteur de la construction est particulièrement concerné par ces problématiques. La prise de conscience environnementale, l’apparition des concepts de développement durable, d’économie circulaire ou de zéro déchet a engagé un nouveau paradigme, et fait émerger à nouveau la pratique du réemploi.

Dans Matière grise, le collectif d’architectes Encore Heureux explique que nous vivons actuellement une “crise de la matière à double visage”, parce que ce cette expression traduit une double réalité : l’épuisement des ressources de matières premières et, par opposition, l’accumulation des déchets. “C’est un déblairemblai planétaire où se creusent d’immenses trous et se fabriquent de gigantesques tas.” [CHOPPIN, DELON, 2014, p. 37]

Figure 8 : Le déblai-remblai planétaire CHOPPIN J. et DELON N., 2014 / Bonnefrite

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Après le premier choc pétrolier de 1971 aux Etats Unis, l’homme prend peu à peu conscience que les ressources de la Terre sont épuisables et que le système linéaire ne peut perdurer sans les épuiser de manière irrémédiable. En 1972, le Club de Rome, association internationale de scientifiques, humanistes, économistes, professeurs, publie Limits to Growth (en Français Halte à la croissance !), autrement connu sous le nom de rapport Meadows. Dans cette étude, les auteurs pointent du doigt les limites de la croissance et expliquent que l’augmentation démographique et l’industrialisation dégraderait l’environnement en épuisant les ressources naturelles. Déjà, cet ouvrage controversé préconisait de changer de modèle de production et de consommation pour tendre vers plus d’équilibre. La crise de la matière fait aujourd’hui relativement consensus quant à la non soutenabilité matérielle du système de production et de consommation actuel. Toutefois, aujourd’hui, l’homme poursuit ce modèle d’économie et aggrave par ailleurs ses conséquences sur l’environnement. Les activités humaines exercent une pression sur les ressources naturelles - pression qui n’est donc pas supportable à long terme. The Earth Overshoot Day, ou Jour du dépassement de la Terre, est une date théorique à laquelle on estime que les ressources renouvelables sur une année ont été totalement consommées par l’homme [CHOPPIN, DELON, 2014]. Passée cette date, l’homme puise dans les ressources non renouvelables et augmente sa dette envers la Terre. Celle-ci est calculée par l’ONG américaine Global Footprint Network depuis l’années 1986. Le Jour du dépassement est de plus en plus récent, comme le montre le schéma ci-après. En 2018, cette date a été estimée au 1er août.

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Figure 9 : Earth Overshoot Days de 1969 à 2018 Source ; Global Footprint Network National Footprint Accounts 2018

La construction d’une ville fait consommer à l'homme une quantité phénoménale de matière et d’énergie, rendue à la nature sous forme de déchets, d’eaux usées, d’émissions atmosphériques… Ainsi, parallèlement à l‘épuisement des ressources, la quantité de déchets que notre système produit est en évolution constante. L’impact du secteur du BTP Les campagnes publiques et publicitaires donnent aux ménages le sentiment d’être les grands coupables de l’épuisement des ressources. Toutefois, les chiffres qui suivent prouvent que le rôle du secteur de la construction est prédominant dans la crise de la matière. En effet, selon l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME), le secteur du BTP est responsable d’environ 70% des déchets produits en France, soit 260 millions de tonnes de déchets par an. Or aujourd’hui, d’après le Ministère de la Transition écologique et solidaire, près de 50% des déchets échappent à toute valorisation par le réemploi, la réutilisation ou le recyclage.

Consommation de

On coule une piscine

métal dans le monde :

olympique de béton toutes les

20 tours Eiffel par heure

15 secondes dans le monde 26


Denis

DELESTRAC,

réalisateur

et

journaliste

français,

a

soulevé

les

problématiques liées à l’exploitation du sable à travers le monde dans un documentaire intitulé Le Sable, enquête sur une disparition. Après l’air et l’eau, le sable est la ressource la plus utilisée au monde, représentant selon cette étude un volume de 15 milliards de tonnes exploitées chaque année. La construction, et notamment la fabrication du béton, implique l’extraction d’une quantité monumentale de sable, ceci ayant de lourdes conséquences sur l’environnement comme la disparition des plages ou la salinisation des nappes phréatiques. Par exemple, Denis DELESTRAC affirme qu’aujourd’hui, entre 75% et 90% des plages dans le monde sont menacées de disparition. Si l’homme ne cesse pas cette extraction du sable, à la fin du XXIème siècle, toutes les plages auront disparu. L’exploitation du sable génère de nombreux conflits à travers le monde, et notamment à cause de l’extraction illégale de cette ressource dans certains pays. Il s’agit donc d’une ressource épuisable. Or, deux tiers de ce qui est construit dans le monde est en béton, lui même composé à deux tiers de sable… Il faut donc repenser notre manière de bâtir pour la préservation de cette ressource et, par extension, de toutes celles qui aujourd'hui sont menacées d'épuisement. Alors, aujourd’hui, les préoccupations environnementales doivent aller au delà du changement de pratiques pour les ménages. Désormais, il est nécessaire de s’interroger sur le cycle de vie des matériaux de construction, leur provenance, leur acheminement, leur fin de vie. L’un des enjeux majeurs du XXIème siècle est de diminuer la consommation des ressources naturelles non renouvelables. C’est là l’une des conditions du développement durable.

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Notamment due à l’exode rural, l’urbanisation mondiale est en croissance constante.

On

assiste,

particulièrement

depuis

les

années

1980,

au

développement des aires urbaines mondiales et à la concentration croissante des habitants dans ces dernières. L’épuisement des ressources en sous-sol pose alors la question de l’utilisation de la source de matière que peut constituer la ville elle-même. En effet, les villes et les quantités de matériaux que l'homme y a accumulé peuvent être considérées comme les mines du futur. “Le réemploi revient à considérer que les matières premières ne sont plus sous nos pieds ou à l'autre bout du monde mais dans nos villes, nos bâtiments, nos infrastructures. Cela revient aussi à considérer la matière présente non plus comme un déchet à évacuer la plus loin possible, mais comme un capital à valoriser et à préserver." Julien CHOPPIN et Nicola DELON, Matière grise, p. 156 Le terme de mine urbaine signifie le gisement hors sol de matériaux présents dans nos bâtiments, nos aménagements, nos objets,... Ce terme est souvent lié à l’épuisement des ressources en métaux et la possibilité pour l’homme d’exploiter ce gisement, notamment pour la fabrication d'équipements électriques et électroniques. Les constructions et l’espace public en eux-mêmes représentent un gisement de matériaux. En effet, au regard de l’épuisement des ressources au niveau du sous-sol, les villes et la matière qu’on y a accumulé peuvent être considérées comme les mines du futur. Les matériaux dont elles sont constituées sont un potentiel énorme pour faire face à la crise de la matière. La ville peut ainsi être considérée comme une réserve de nouvelles ressources afin d’économiser celles qui aujourd’hui s’épuisent. C’est aussi l’opportunité de s’approvisionner en matériaux locaux. Dans ce cadre, il est possible de tendre à se rapprocher d’un modèle de métabolisme urbain circulaire tant les villes abondent de ressources propres à réutiliser, recycler ou réemployer.

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Figure 10 : Mines d'hier et de demain CHOPPIN J. et DELON N., 2014 / Bonnefrite

Du fait de son passé industriel, la région des Hauts-de-France est celle qui comprend le plus de friches industrielles. La MEL est l'agglomération qui en concentre le plus. Ces friches industrielles s'imposent comme un élément incontournable pour refaire la ville sur elle-même, évitant ainsi l'étalement urbain. Alors, que les bâtiments qui les composent soient réhabilités ou rasés, les friches industrielles sont l'un des meilleurs exemples de mines urbaines. Souvent situées en cœur de ville, elles représentent un gisement remarquable de matériaux à recycler, réutiliser ou réemployer dans un but de construction durable mais également de préservation patrimoniale. Les déchets produits par notre système de production et de consommation représentent également pour certains une certaine source de matière à exploiter, parfois avec pour objectif de dénoncer notre modèle de civilisation. La crise de la matière constitue l’un des problèmes majeurs du siècle et sa résorption pose un certain nombre d'interrogations. Comment diminuer la quantité de déchets produite par notre économie ? Ne faudrait-il pas réintroduire l’usage des déchets dans nos mœurs ? Comment retrouver un système cyclique, limitant l’épuisement des ressources et la quantité de déchets ? 29


La prise de conscience des effets néfastes du mode de développement issu de la Révolution Industrielle marque le début du réemploi tel qu’on l’entend aujourd’hui. A partir des années 1960, notamment aux Etats Unis, le réemploi connaît un regain d’intérêt dans les projets architecturaux. En effet, l’anticapitalisme, les problématiques de pollution, de gestion des déchets et de raréfaction des ressources naturelles incitent une nouvelle génération à tester de nouveaux modes de fabrique de la ville. Des mouvements associés à la culture hippie et antisystème se forment et les expérimentations constructives incluant du réemploi vont se multiplier. Drop City en est un exemple emblématique. Il s’agit d’une communauté d’artistes et écrivains fondée dans le Colorado par quatre étudiants, Gene et Joann BERNOFSKY, Richard KALLWEIT et Clark RICHERT. En 1965, ceux-ci souhaitent expérimenter la vie en communauté et autoconstruisent peu à peu une communauté constituée d’une douzaine d'habitations en forme de dômes construits à partir de matériaux de réemploi : tôles récupérées de carrosseries automobiles, tasseaux de bois, grillage de poulaillers,... Drop City, lieu d’expérimentation pour penser la question de l’énergie et du rapport entre architecture et environnement, devient peu à peu une figure emblématique de la contre culture architecturale [CHOPPIN, DELON, 2014]. A partir de son expérimentation dans les années 1960, la pratique du réemploi dans la construction prend de la distance par rapport à son usage historique. Si le réemploi pour des enjeux pragmatiques, économiques et circonstanciels existe toujours, il revêt aujourd’hui une dimension consciente, idéologique et militante, afin de défendre un système de

construction plus respectueux de

l’environnement. Aujourd’hui, le réemploi demeure l’expression d’une contreculture,

d’architectures

manifestes,

mais

tend

à

se

démocratiser.

Progressivement, une véritable politique de réemploi de matériaux dans la construction se développe dans les projets urbains. Le réemploi devient une éthique. Ce nouvel usage est en accord avec le mode de bâtir de demain, entre maîtrise de l’impact énergétique et préservation des ressources naturelles. Figure 11 : Drop City, Etats Unis 1 - www.richardkallweit.com 2 - divisare.com

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31


32


D’autres expériences architecturales utilisent dans la construction des rebus de la société industrielle. Dans les années 1960, en opposition à la société de consommation,

l’architecte

Michael

REYNOLDS

étudie

la

construction

d’habitations à partir de matériaux réemployés liés par du mortier. Dans les années 1970, il bâtit le premier Earthship. S’établit alors une communauté expérimentale sur un terrain de 640 hectares à Taos, dans le désert du Nouveau Mexique, qui construit environ 70 habitations de ce type. Aujourd’hui des Earthships, en français Géonefs, sont construites partout dans le monde, souvent dans le cadre de chantiers participatifs. Habitations écologiques, économiques, énergétiquement indépendantes, autoconstruites… les Earthship sont conçues pour atteindre l’autonomie et l’autosuffisance en énergies fossiles, eau, électricité et nourriture. Pour les construire, de nombreux matériaux sont réemployés comme des pneus, des canettes en aluminium, des bouteilles en verre ou des boîtes de conserve.

Figures 12 : Earthships, Nouveau Mexique earthshipglobal.com

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ENJEUX ET PERSPECTIVES DU REEMPLOI

Le réemploi permet diverses retombées positives pour un projet et ses différents acteurs. Réemployer dans la construction évite de puiser dans les ressources naturelles en donnant une seconde vie à des matériaux, envisagés comme de nouvelles matières premières. Réemployer, c’est également une opportunité pour mettre en valeur l’histoire et l’identité d’un projet. Enfin, cette démarche permet à tous les acteurs du projet concerné d’être proactifs et créatifs. Comme le montre le schéma ci-après, réemployer signifie répondre pleinement aux défis de la construction durable.

Figure 13 : Le réemploi, enjeu de construction durable Réalisation personnelle - source : CIFFUL * CET : Centres d'enfouissement technique

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Aujourd’hui, les acteurs du réemploi prennent part à la définition d’un nouveau modèle de société. En effet, cette démarche permet de répondre aux problématiques environnementales soulevées précédemment en s’intégrant à de nouveaux paradigmes. Cette partie en présente quelques exemples.

Développement durable Le développement durable est une conception de la croissance répondant à la crise écologique et sociale actuelle. Ce concept est cité pour la première fois en 1987 dans le rapport Brundtland comme modèle “qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs”. L’objectif est de promouvoir un mode de développement équilibré entre les piliers social, économique et écologique. La participation de tous les acteurs et la prise en compte du temps longs sont également deux aspects primordiaux du développement durable. Le réemploi dans la construction répond à un objectif de construction durable de la ville. En effet, adopter une démarche de réemploi dans un projet permet d’en réduire l’impact environnemental en supprimant certaines étapes du cycle de vie de la matière, et notamment, comme le montre le schéma ci-après, le traitement des déchets, l’extraction de matières premières et la production, qui ont un fort impact sur l’environnement.

Figure 14 : Réemploi et cycle de la matière Réalisation personnelle - source : ROTOR, 2015

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Economie circulaire L’économie circulaire est une notion issue du concept de développement durable. Ce système économique fonctionne en boucle, comme le montre le schéma ci-après. Son objectif est de produire des biens et services en limitant la consommation des ressources naturelles, la production d’énergies et la prolifération des déchets. En cela, ce nouveau paradigme s’oppose à l’économie linéaire. L’économie circulaire modifie donc notre usage des rebuts, en changeant notre regard sur les déchets, dans l’idée que tout doit être réutilisable. Ainsi, le réemploi correspond également une démarche d’économie circulaire, le but étant de limiter le gaspillage des ressources et de réduire l’impact environnemental.

Figure 15 : L'économie circulaire Trois domaines d'action, cinq piliers ADEME, Réemploi, réparation, réutilisation

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Cradle to cradle Le Cradle to cradle, en français du berceau au berceau, est un concept de philosophie de la production et d’écoconception qui impose le zéro pollution et le 100% réutilisé ou réemployé. En cela, il fait partie de l’économie circulaire. Depuis

2002,

le

concept

correspond

à

une

certification

environ-

nementale nommée « Cradle to Cradle – C2C ». Le premier bâtiment à avoir été labellisé en France est la maison de projet de la Lainière à Roubaix-Wattrelos. Dominique GIVOIS, Directeur de la SEM Ville Renouvelée, aménageur du site de la Lainière, explique sur le site internet du projet : « Depuis ses fondations extrayables jusqu’à sa toiture en membrane végétale non bitumeuse et sa salle de réunion gonflable, la Maison du projet de la Lainière s’inscrit dans un bâti raisonné en cycles. Chaque élément est non seulement biosourcé mais démontable pour être, demain, réutilisé ailleurs et autrement ». Livrée au début de l'année 2016, cette réalisation met en valeur plusieurs principes : -

une construction pouvant être désassemblée et réassemblée avec possibilité de changer de forme

-

la totalité des éléments de construction sont recyclables

-

mobilier mobile

-

panneaux solaires, toilettes sèches, récupération des eaux pluviales

Si le réemploi permet à un projet urbain permet de répondre à des enjeux de construction durable, il peut également mettre en valeur le patrimoine et l'identité d'un territoire. A ce propos, certains experts préconisent aujourd'hui d'ajouter un quatrième pilier au développement durable : la diversité culturelle. Le réemploi peut alors permettre de mettre en lumière des matériaux, dynamiques constructives et savoir-faire locaux.

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L’utilisation de l’énergie éolienne est en pleine expansion. Les pales d’éoliennes sont faites de matériaux de valeur qui, arrivés en fin de vie, sont difficiles voire impossible à recycler. Alors, beaucoup de pales sont jetées, incinérées, ou envoyées dans des décharges, dans les pas où cette pratique est autorisée. Avec le développement actuel de l'énergie éolienne, d'ici 2034, il devrait y avoir près de 225 000 tonnes de pales d'éoliennes produites par an dans le monde. L’agence hollandaise Superuse Studios est l’une des pionnières du réemploi de matériaux en fin de vie. Ses membres ont réemployé des pales d’éolienne en imaginant un design unique pour aménager des espaces publics comme des aires de jeu, du mobilier urbain ou des abris bus. Ils créent alors des aménagement durables, résistants, économiques et à l'esthétique unique, en faisant gagner aux pales d'éoliennes près de 100 ans de seconde vie. Si toutes les pales d'éoliennes, à la fin de leur production d'énergie, étaient réutilisées dans l'aménagement et l'architecture, cela permettrait de réduire les déchets de l'énergie éolienne, tout en créant des espaces durables et esthétiques.

Figures 16 : Aire de jeu Wikado à Rotterdam par Superuse Studio Superuse studios, Blade Made, 2014 /

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« La notion de réemploi induit des notions de civilisation : l’objet réemployé sert à créer le cadre de la société de maintenant, tout en gardant la mémoire du passé. » Jean-Marc HUYGEN, La poubelle et l’architecte, p.12 La conservation patrimoniale est une idée qui caractérise les sociétés occidentales [VERSCHAMBRE, 2008]. Aujourd'hui, le concept de renouvellement de la ville sur elle-même confronte de plus en plus les collectivités à la question de la reconversion du patrimoine bâti. Celui-ci peut être mis en valeur par le réemploi de ses composantes dans la conception de nouveaux bâtiments et espaces. Le matériau est en effet porteur d'histoire. Le réemploi permet donc de mettre en valeur deux types de patrimoine : le patrimoine matériel, correspondant à l'histoire du bâtiment, aux techniques de construction, à l'histoire des matériaux et le patrimoine immatériel, affilié à l'histoire sociale, à l'histoire des savoir-faire. Le territoire peut lui être considéré comme composé de deux aspects : physique (topographie, géologie, climat et ressources), social (cultures constructives locales) [DE GUILLEBON, 2015]. Le réemploi permet d’établir une conversation entre ces aspects étant donné que la matière réutilisée peut à la fois mettre à l'honneur des techniques constructives locales mais aussi les ressources géologiques propres au territoire. Le réemploi permet donc une transmission de la mémoire, une mise en perspective historique d'un projet auquel on ajoute du sens [HUYGEN, 2008]. Le matériau réemployé, en plus d’être un lien temporel entre passé et avenir d'un site, peut contribuer à faire perdurer ou à construire des identités locales. Dans L'Allégorie du patrimoine, Françoise CHOAY alloue au patrimoine une fonction identificatoire de l'architecture et son appartenance à une culture, à une société. Comme l’explique la doctorante Marie DE GUILLEBON, le réemploi peut être le vecteur de “re-territorialisation” d’un espace, d’un projet, en lui redonnant une singularité constructive locale et identitaire. Le matériau prendrait donc une valeur de transition, à la fois temporelle et narrative. Toutefois, tout bâtiment, et par extension tout matériau, n'est pas considéré comme remarquable des points de vue architectural et patrimonial. « La 40


patrimonialisation s’arrête aux portes des quartiers d’habitat social » [CARBALLO, EMELIANOFF, 2002]. En effet, si le champ du patrimoine s'est élargi ces dernières années, les formes les moins prestigieuses et élitistes ne sont toujours pas considérées comme porteuse d'un intérêt, à l'image des cités ouvrières [VERSCHAMBRE, 2008]. Or, dans Matière grise, Nicola DELON et Julien CHOPPIN affirment que "Chaque bâtiment possède sa propre pertinence de narration : derrière, il y a toujours un récit formidable". De plus, les patrimoines contemporains du XIXème et XXème siècles (friches industrielles, militaires et ferroviaires, grands ensembles) sont actuellement au cœur des enjeux de renouvellement des territoires. Le réemploi permet ainsi aux acteurs d'un projet urbain de requestionner la place des héritages urbains et architecturaux dans la fabrique de la ville, en y intégrant à la fois des enjeux de construction durable, mais aussi la problématique de la mise en valeur de l'identité d'un territoire.

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Consommer plus de matière grise pour engendrer moins de matières grises Bien plus que la simple intégration d'une nouvelle manière de construire dans un projet, la pratique du réemploi est une démarche de co-création, inclusive et itérative. Elle peut être matière à créativité pour concevoir ou reconsidérer un projet, mais également à insuffler de nouvelles dynamiques de travail, collectives et inclusives. La préservation des ressources est source de créativité pour tous les acteurs d'un projet. En effet, au delà de l'engagement éthique, le réemploi exige d'ouvrir les yeux, de saisir l'opportunité et d'expérimenter dans la fabrique de nouveaux espaces. Comme évoqué précédemment, les matériaux de construction n'ont pas la même capacité de séduction initiale. Il y a donc un enjeu incontournable de créativité dans la conception à partir de matériaux de réemploi. Cette démarche pose bel et bien des questions d'opportunité, par la nature hasardeuse du réemploi des matériaux et éléments de construction. Mettre en place une politique de réemploi sur un chantier de plus permettre de soutenir la filière professionnelle des matériaux de réemploi, un secteur aujourd'hui créateur d’emplois locaux. Les perspectives de développement du réemploi permettent également d'imaginer, dans le futur, la création de nouveaux métiers tels que les valoristes [CHOPPIN, DELON, 2014]. Le chantier en lui-même peut également se voir attribuer une nouvelle fonction, comme marché éphémère de matériaux. Ces enjeux sont notamment ceux qui motivent la démarche de "construire autrement" menée par l'architecte Patrick BOUCHAIN. Ce dernier d'appuie sur l'identité, la spécificité du contexte de ses projets pour réaliser des projets où les ressources locales, humaines et matérielles, sont mises en lumière.

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Nicola DELON et Julien CHOPPIN expliquent dans Matière grise que l’évolution de la réglementation thermique des bâtiments a augmenté le remplacement de fenêtres. Les anciennes fenêtres peuvent alors être récupérées en attente d’une seconde vie. Beaucoup de projets utilisent donc ces matériaux de seconde main, notamment afin de réaliser des murs rideau. A Kamikatsu, au Japon, a été construit un bar entièrement composé de matériaux réutilisés, recyclés et réemployés. La structure du bâtiment est composée de bois et de fenêtres récupérées sur des constructions à l’abandon. La commune, ambitieuse, a atteint un taux de recyclage de 80% et se bat pour atteindre 100% d’ici à 2020. Travailler avec des châssis de réemploi oblige les concepteurs à modifier quelque peu leur processus de travail : il s’agit de dimensionner les ouvrages à la mesure des châssis. Cela illustre la créativité dont doivent faire preuve les concepteurs d'un projet intégrant des matériaux réemployés pour s'adapter à la ressource dont ils disposent.

Figures 17 : Le bar de Kamikatsu, Japon detours.canal.fr / japanization.org

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PARTIE PRATIQUE E

Le Pavillon Circulaire - Encore Heureux 45


METTRE EN OEUVRE LE RÉEMPLOI

Cette partie prend appui sur le travail de l'association Bellastock dans REPAR 2, sur le Vade mecum pour le réemploi hors site de ROTOR et sur le guide pratique Réemploi, réutilisation des matériaux de construction établi par le Centre Interdisciplinaire de Formation de Formateurs de l'Université de Liège (CIFFUL). Il s'agit ici de présenter les différentes étapes de la mise en place et de la mise en œuvre d'une démarche de réemploi des matériaux de construction dans un projet de construction, réhabilitation ou démolition. A chaque étape, différents acteurs interviennent. Ces étapes suivent le déroulé de tout projet d'architecture ou d'urbanisme. Au préalable, il semble important de préciser deux aspects du réemploi dans un projet. Tout d'abord, l'ordre de ces étapes peut changer et la volonté de l'un ou l'autre des acteurs de travailler avec le réemploi de matériaux de construction peut intervenir dans plusieurs phases du projet. De plus, si le rôle de chacun est distinct dans ce qui suit, il s'agit d'un travail collectif qui par ailleurs nécessite souvent, durant toute la durée du projet, une mission de suivi et de pilotage.

Ces études sont souvent réalisées en amont de la définition d'un programme. Il s'agit là de rendre compte du potentiel de matériaux à réemployer et de relever la présence éventuelle d'amiante, de plomb ou de tout autre polluant qui nécessitent de mettre en place une gestion spécifique. Le diagnostic ressources // Maîtrise d'ouvrage Avec un audit préalable, le but du diagnostic ressource est de vérifier l'intérêt des matériaux et éléments de construction présents sur le site ou le bâtiment concernés pour envisager un réemploi hors et sur site. Pour cela, il est possible de faire expertiser les éléments en interne si la maîtrise d'ouvrage en détient les 46


compétences, par des repreneurs éventuels ou en faisant appel à un expert réemploi. La maîtrise d'ouvrage (MOA) peut ensuite élaborer ou faire élaborer, par un expert en matériaux voire en réemploi, un inventaire qualitatif et quantitatif des matériaux à conserver pour un réemploi éventuel. A cette étape là du projet, la maîtrise d'ouvrage doit avoir connaissance de l'historique du site ou du bâtiment concerné et ses techniques constructives.

La définition du programme // Maîtrise d'ouvrage Durant cette période, le maître d'ouvrage définit ses critères de sélection de l'auteur du projet. C'est à ce moment là qu'il doit assumer son ambition en inscrivant le réemploi comme un invariant du programme pour faire intégrer la question du réemploi dès la définition du projet. Plus tôt le réemploi est défini comme l'un des fondements du programme, mieux il sera pris en compte dans le projet de l'architecte ou de l'urbaniste. En résumé, l'objectif de la maîtrise d'ouvrage dans la définition du programme est d'y intégrer le réemploi au plus tôt et de choisir un auteur de projet qui met en valeur cette ambition.

Conception du projet // Auteur du projet L'auteur du projet, architecte ou urbaniste, doit concevoir le projet en y intégrant le réemploi de matériaux de construction et des éléments issus de la déconstruction mais aussi en mettant en place des principes de gestion des matériaux. Il peut mettre en place un "inventaire directeur", quantitatif et qualitatif, qui identifie les différents matériaux et leurs destinations possibles. Cet inventaire définit le potentiel à maintenir, à réemployer ou à recycler sur et hors site. Il est à noter que par ailleurs, l'établissement d'un diagnostic déchets est obligatoire pour toute démolition supérieurs à 1000m².

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Le projet d'exécution // Maître d'œuvre Dans son projet d'exécution et la rédaction des pièces marché, le maître d'œuvre (MOE) doit mettre en place des travaux qui maximisent le réemploi et privilégier le recours à des entreprises détentrices d'une compétence réemploi, en réfléchissant à ses critères d'attribution. Si le projet le nécessite, le maître d'œuvre peut prévoir dans son marché un lot déconstruction, afin d'en assurer la bonne mise en œuvre. Dans tous les cas, il est important d'intégrer la notion de réemploi dans tous les lots et postes qui pourraient être concernés. Dans le Dossier de Consultation des Entreprises (DCE), le maître d'œuvre d'appuie sur l'inventaire directeur réalisé par l'auteur de projet pour identifier les éléments à maintenir ou à préserver, démonter et stocker dans l'optique d'un réemploi éventuel. Il est enfin important d'établir des variantes avec des matériaux neufs car le réemploi a toujours une part d'incertitude.

Le suivi de chantier garantira la mise en œuvre de la démarche de réemploi. Cela passe notamment par la mise en place d'un plan de gestion des déchets, par la désignation, dans les entreprises, d'une personne chargée de la coordination des tâches en vue du réemploi et enfin par la formation des ouvriers concernés. Pour cette étape comme pour les précédentes, le maître d'ouvrage pourra faire appel à une Assistance à Maîtrise d'Ouvrage (AMO) réemploi. Dépose des éléments existants // MOE et entreprises Quand le projet intègre la démolition, la déconstruction ou la réhabilitation de tout ou partie de bâtiments, cela doit passer par cinq étapes : - la purge : le retrait des éléments issus de l'occupation préalable mais non constitutifs du bâtiment - le désamiantage et l'évacuation des produits dangereux - le curage : le retrait des éléments qui ne font pas partie de la structure porteuse ou la dépose des éléments non nécessaires à la réhabilitation en vue de leur réemploi ou recyclage

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- l'abattage si le bâtiment doit être démoli : il s'agit là d'une démolition sélective et/ou d'une dépose mécanisée - le tri des éléments à réemployer, recycler ou jeter

Préparation de la ressource au réemploi // MOE et entreprises La maîtrise d'oeuvre ou l'AMO réemploi doit organiser l'évacuation des matériaux à recycler ou réemployer hors site, ou si le stockage se situe à l'extérieur de l'enceinte du projet. Il s'agit ensuite de mettre en œuvre le traitement des matériaux réemployables en faisant valider leurs performances techniques et en les préparant en vue de leur réutilisation, par exemple par la standardisation.

Il s'agit là, à réception des travaux, de faire la bilan en ce qui concerne le réemploi. Ce retour d'expérience permet de valoriser les résultats obtenus et peut être un support de promotion pour le projet et ses différents acteurs, mais aussi pour les riverains et utilisateurs. Le plan de gestion des déchets évoqué plus tôt, ainsi complété, constitue l'un des documents de référence qui illustre officiellement la mise en place de réutilisation, réemploi ou recyclage sur le projet.

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METTRE EN OEUVRE LE RÉEMPLOI

Le réemploi questionne nos présupposés actuels sur la pratique de la construction. En France, le recyclage est très valorisé, à l’instar du réemploi. Dans la construction, on peine à légitimer les matériaux ayant déjà servi. Cela reste donc une pratique expérimentale et relativement isolée. En revanche, dans d’autres pays occidentaux comme la Belgique, le réemploi constitue un secteur en réel développement.

La publication de l’ADEME intitulée Réemploi, réparation et réutilisation présente des information sur le cadre réglementaire en lien avec le réemploi.

Dans la législation européenne, un matériau ou un produit peut être réemployé avant de passer par le statut de déchet. On parle alors de prévention des déchets. Il peut être également extrait du flux de déchets, impliquant alors, pour son réemploi, une préparation considérée au titre de traitement des déchets. La réglementation européenne, dans la Directive cadre 2008/98/CE relative aux déchets du 19 novembre 2008, décline les différents modes de prévention et de gestion des déchets. Le réemploi est alors privilégié, car il en prévient l'apparition. Suite à cette directive, chaque Etat membre de l’Union Européenne a dû mettre en œuvre une réglementation nationale relative à la prévention et à la gestion des déchets. La France est l’un des premiers pays à avoir organisé la prévention des déchets, en réalisant en 2004 un premier Plan national de 50


prévention des déchets (PNPD). Actuellement, le Programme national de prévention des déchets agit sur la période 2014-2020. Cette directive européenne a donc été transposée dans le droit français par l’Ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010 et l’Article L541-1-1 du Code de l’environnement. La priorité y est là aussi donnée à la prévention des déchets par la réduction de leur production et de leur nocivité. En plus de proposer une définition des termes de recyclage, réutilisation et réemploi tels qu'expliqués dans l'introduction de ce mémoire, la réglementation française clarifie quelques termes : -

Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire

-

Prévention : toutes mesures prises avant qu’une substance, une matière ou un produit ne devienne un déchet, lorsque ces mesures concourent à la réduction d’au moins un des items suivants : la quantité de déchets générés ; les effets nocifs des déchets produits sur l’environnement et la santé humaine ; la teneur en substances nocives pour l’environnement et la santé humaine dans les substances, matières ou produits

-

Préparation en vue de la réutilisation : toute opération de contrôle, de nettoyage ou de réparation en vue de la valorisation par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement. 1 À noter que, pour cette même définition, la directive européenne emploie le terme de “préparation en vue du réemploi”

La prévention des déchets du BTP est l’objectif n°1 du PNPD français. Pour cela, 4 grandes mesures ont été décidées : - Action 1 : Mettre en place une action de sensibilisation spécifique, à destination des maîtres d’ouvrages -

Action 2 : Création d’une charte d’engagement volontaire des secteurs d’activité pour encourager à la prévention des déchets

- Action 3 : Identifier et utiliser les leviers d’actions pour développer le réemploi des matériaux du secteur du BTP - Action 4 : Faire le bilan de la réglementation relative aux diagnostics de démolition, et la faire évoluer le cas échéant 1

Ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010 et l’Article L541-1-1 du Code de l’environnement

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Cette directive introduit un objectif ambitieux « d'ici 2020, la préparation en vue du réemploi, le recyclage et les autres formules de valorisation matière - y compris les opérations de remblayage qui utilisent des déchets au lieu d'autres matériaux - des déchets non dangereux de construction et de démolition, à l'exclusion des matériaux géologiques naturels […], passent à un minimum de 70% en poids ». Cet objectif est repris dans le projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte. Enfin, le gouvernement français a mis en place une Feuille de route pour l’économie circulaire (FREC). Celle-ci présente 50 mesure afin de passer du modèle linéaire extraire - produire - consommer - jeter à un modèle circulaire. Les objectifs sont les suivants [FREC, 2018] : -

Réduire la consommation de ressources liée à la consommation française : réduire de 30 % la consommation de ressources par rapport au PIB d’ici à 2030 par rapport à 2010

-

Réduire de 50 % les quantités de déchets non dangereux mis en décharge en 2025 par rapport à 2010

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Tendre vers 100 % de plastiques recyclés en 2025

-

Réduire les émissions de gaz à effet de serre : économiser l’émission de 8 millions de tonnes de CO2 supplémentaires chaque année grâce au recyclage du plastique

-

Créer jusqu’à 300 000 emplois supplémentaires, y compris dans des métiers nouveaux

Si dans tous ces textes réglementaires le réemploi est placé comme un des objectifs principaux du développement durable et de l'économie circulaire, aucune contrainte n'en impose le recours. Dans une conférence au Pavillon de l'Arsenal, le collectif Encore Heureux s'interroge : faudrait-il, par exemple, mettre en place une incitation financière en faveur du réemploi des matériaux de construction ?

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« Il va falloir faire bouger les normes et le droit. Les architectes, les urbanistes et les maîtres d'œuvre doivent davantage s'atteler à cette question. Nous avons besoin de bases de données sur les matériaux recyclables et nous appuyer sur les avancées du numérique pour le faire. Pour qu'on puisse recycler, il faut que cela soit socialement accepté. C'est bien plus important que d'embêter les gens avec la gestion de leur compteur électrique. Il est enfin nécessaire de voir comment articuler ensemble le recyclage de la ville, celui des bâtiments et la réutilisation des matériaux ». Alain BOURDIN, Geneviève HERMANN, 2016 Dans son Vade mecum pour le réemploi hors site, le collectif ROTOR explique que les matériaux de construction peuvent être considérés comme réutilisables en fonction de plusieurs facteurs : -

Technique : la technique de mise en œuvre d’un matériaux influence sa technique de démontage. Par exemple, certaines briques sont plus simples à récupérer que d’autres, selon qu’elles aient été maçonnées au mortier à la chaux (simples à démonter et nettoyer) ou au ciment (plus difficile).

-

Temporel : il s'agit là de savoir si le matériau récupérable est demandé, ou non, par un repreneur à l’instant de son démontage.

-

Economique : les matériaux récupérés dont le prix de revente est très proche du prix des éléments neufs ne sont pas des candidats intéressants pour le réemploi. Si l'on souhaite intégrer des matériaux réemployés dans un projet de construction ou d'aménagement, il est nécessaire que le prix de cette démarche soit équivalent ou inférieur que de travailler avec des matériaux neufs.

-

Organisationnel : la déconstruction demande plus de temps que la démolition, aussi la "récupérabilité" d’un matériau varie en fonction du temps accordé à cette phase dans le planning d’un chantier.

Les freins au réemploi des matériaux de construction sont nombreux. Ils ont étés identifiés par l'association Bellastock dans REPAR 2 comme étant de quatre types : esthétiques, économiques, juridiques et techniques. Par exemple, la règlementation du bâtiment et ses normes précises font obstacles à l'utilisation de matériaux réemployés. Aujourd'hui, les matériaux neufs se sont complexifiés 53


et sont soumis à de nombreuses normalisations et réglementations et l'industrie ne pousse pas dans le sens de la récupération. Le code des assurances et l'assurance construction, instituée en janvier 1978 par la loi dite "loi Spinetta", ont instauré l'assurance dommage ouvrage et l'assurance décennale. Bellastock propose de faire évoluer des assurances pour permettre plus facilement la mise en place d'une démarche de réemploi dans les projets en s'appuyant sur une nouvelle répartition des risques et de nouveau référentiels techniques pour les matériaux. Le collectif belge ROTOR aide par exemple à réécrire les codes techniques d'utilisation des matériaux pour les adapter aux éléments réemployés. Il y a également un manque de traçabilité des performances des matériaux employés dans une construction. De nombreuses données logistiques, assurancielles et réglementaires sont absentes lorsque l'on décide de construire avec des matériaux de réemploi. Ainsi, il est difficile d'évaluer les qualités techniques et performancielles des éléments démontés. Il semble donc nécessaire de mettre en place des mesures pour facilité la traçabilité des matériaux employés dans la construction. Toutefois, REPAR 2 montre que ce qui empêche tout d'abord la démocratisation du réemploi dans la construction est d'abord d'ordre culturel. Si le réemploi peine à se développer, cela peut être certainement expliqué par l'image dégradée que l'homme a des rebus, des déchets. Il faut changer notre regard sur la matière. Le réemploi permet de redonner de la valeur aux matériaux qui, autrement, seraient devenus des déchets. En changeant sa considération sur les produits de "seconde main", l'homme reconsidère la matière. Ainsi, il se place au centre du processus de changement de regard sur ces matériaux car c'est le regard qu'il porte sur les choses qui les qualifie en les rendant dignes d'intérêt ou non. Afin de dépasser ces freins et de faire progressivement changer le regard sur la matière réutilisées, les différents acteurs du réemploi doivent expérimenter, contourner et réinterpréter les lois, les codes techniques. De cette expérimentation devrait suivre un changement dans les modes de conception et de construction.

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Aujourd’hui en France, le réemploi est une pratique encore expérimentale qui tend à se développer et se démocratiser. Un nombre croissant d'acteurs divers font bouger les lignes en testant, apprenant et développant de nouveaux savoirs et savoir-faire permettant d'élaborer de nouvelles manières de construire. En 2014, le collectif d'architectes Encore Heureux a réalisé une exposition, Matière grise : matériaux / réemploi / architecture, au Pavillon de l'Arsenal. Ses auteurs y ont exposé 75 projets à travers le monde démontrant le potentiel du réemploi.

Figure 18 : L'exposition Matière Grise au Pavillon de l'Arsenal Site internet du Pavillon de l'Arsenal

Il perdure encore de nombreux obstacles à surmonter mais les solutions sont nombreuses. Dans REPAR 2, l'association Bellastock émet plusieurs propositions pour démocratiser et encadrer la pratique du réemploi dans la construction. En voici quelques exemples. 55


Il est tout d'abord nécessaire de définir un cadre commun pour tous les acteurs du réemploi dans la construction, notamment grâce à la publication de référentiels méthodologiques et techniques. Ces documents présenteraient les bonnes pratiques, les différentes possibilités de réemploi en fonction de la ressource. Bellastock a par exemple produit deux guides de réemploi du béton, en lien avec des centres techniques français. En cas d'accord de tous les acteurs, ces référentiels pourront devenir un ensemble de règles professionnels et, à terme, faire évoluer la garantie décennale. Par ailleurs, des guides destinés aux différents acteurs de la constructions sont publiés, afin de préciser les rôles du maître d'ouvrage, du maître d'œuvre et des entreprises. Afin que le réemploi se développe, il serait intéressant de centraliser les informations et de cadrer et conseiller tous les acteurs de la construction en formalisant des guides communs. Il faudrait également centraliser les informations sur les matériaux de seconde vie et leurs domaines de réemploi possibles par la création de banques de données communes. Bellastock propose également de rassembler sous la même fonction les termes de réemploi et de réutilisation pour une meilleure appréhension de la prévention à la création de déchets. REPAR 2 évoque également la nécessité de rendre obligatoire la réalisation d'un diagnostic ressource avant toute démolition ou réhabilitation sur un projet. Enfin, l'association propose de faire reconnaître le rôle de l'AMO ou le bureau d'études réemploi pour que les acteurs d'un projet bénéficient d'une expertise réelle dans la mise en œuvre de leurs démarches. D'autres publications revendiquent encore de multiples solutions pour permettre la démocratisation du réemploi. On pourra évoquer par exemple le soutien fiscal à celui qui met en place une démarche de réemploi sur son projet ou la libéralisation d'un marché de réemploi et réparation d'éléments de seconde main. Ces initiatives montrent que le réemploi expérimental et les initiatives isolées doivent tendre vers une démocratisation. Pour dépasser les freins cités ci-avant, il faudra que l'Etat et les collectivités mettent en place des mesures pour en favoriser l'usage, afin que le réemploi quitte le champ expérimental.

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METTRE EN OEUVRE LE RÉEMPLOI

Le maître d’ouvrage doit anticiper sa volonté de mettre en place une démarche de réemploi le plus en amont possible en assumant cette volonté dès le début de la prise en main d'un site, en établissant un diagnostic préalable des matériaux, en définissant les critères de sélection de la maîtrise d’œuvre,... Pour cela, le maître d’ouvrage peut être assisté par une expertise réemploi, qui nécessite par ailleurs une collaboration de tous les auteurs d’un projet.

Le maître d’ouvrage se doit tout d’abord d’adopter un regard curieux : comme expliqué précédemment, tout matériau peut receler une histoire ou une caractéristique technique intéressante. Il s'agit donc de savoir saisir l'opportunité en réemploi que peut représenter tout bâtiment ou espace public.

Comme indiqué dans les étapes précédemment décrites, afin de mettre en place un processus de réemploi dans un projet d’aménagement, de rénovation ou de construction, la maîtrise d’ouvrage doit l’encourager le plus en amont possible. Souvent, il agit avant ou pendant le marché public de travaux. Cela nécessite d’afficher clairement une volonté de conservation de la matière dans la rédaction des pièces marché. La maîtrise d’ouvrage doit donc anticiper en : -

repérant les gisements de matière au potentiel de réemploi avant les démolitions et réhabilitations prévues pour la réalisation du projet

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repérant les constructions et aménagements futurs pouvant intégrer des éléments réemployés

-

déterminant les types de projet intégrant du réemploi et les prescriptions techniques à mettre en œuvre [REPAR, 2015]

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Figure 19 : Avant projet et réemploi Réalisation personnelle - source : ROTOR, 2015

Anticiper avant la définition du projet permet de profiter d’une période relativement calme durant laquelle la temporalité des démolitions et réhabilitations est plus facile à appréhender. Cela permet également au maître d’ouvrage d’accompagner le démontage en mettant en place un cadre clair. Enfin, l’anticipation permet de garantir la qualité des matériaux à réemployer en organisant et en suivant leur extraction, leur stockage et leur éventuel export par des acteurs spécialisés. Il s’agit notamment, après déconstruction, de limiter au maximum l’immobilisation des stocks de matière. Il n’est toutefois pas toujours possible d’anticiper le réemploi avant la rédaction des marchés publics de travaux. Ainsi, durant un marché, la maîtrise d’ouvrage peut encourager la maîtrise d’œuvre à intégrer progressivement le réemploi dans sa façon de travailler.

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Les guides pratiques se multiplient pour venir en aide aux maîtres d’ouvrage voulant mettre en place des politiques de réemploi dans leurs projets, comme le Vade-mecum pour le réemploi hors site de ROTOR ou Réemploi, réutilisation des matériaux de construction, Guide pratique du CIFFUL. Le nombre de publications traitant de ces enjeux se développe. Toutefois, comme expliqué précédemment, il manque à la maîtrise d'ouvrage un guide officiel et général pouvant lui permettre d'obtenir les clés de la réussite de la mise en place d'une démarche de réemploi sur son projet. Dans la mise en place d'une démarche de réemploi dans un projet, la maîtrise d'ouvrage peut choisir de se faire accompagner par un expert en réemploi. Qu'elle prenne la forme d'une AMO, d'un consultant ou d'un bureau d'études, cette expertise externe pourra aider la maîtrise d'ouvrage à : - identifier les matériaux réutilisables - organiser leur démontage et leurs potentiels réemploi sur site ou acquisition par des repreneurs intéressés [ROTOR, 2015] - piloter les étapes de réalisation - réaliser les synthèses des études de réemploi - organiser d'éventuels partenariats avec les collectivités ou des financeurs pour les surcoûts liés [BELLASTOCK, 2015] A ce titre, de plus en plus de maîtres d'œuvre se spécialisent sur les questions de réemploi et d'économie circulaire dans les projets d'urbanisme ou d'architecture. Le maître d’ouvrage peut également faire appel à un opérateur en charge de la préparation des matériaux récupérés pour en faire des éléments adaptés à leur nouvel usage. D'autre part, certaines entreprises sont spécialisées en déconstruction ou démantèlement et interviennent avant la réhabilitation ou la démolition, souvent en sous-traitance d’une entreprise de démolition. C'est le cas de ROTOR Déconstruction, en Belgique, qui s'est par exemple spécialisés dans le démontage de mobiliers encastrés, de toiture, d'enlèvement de parquet, de cloisons...

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Figure 20 : ROTOR Déconstruction AMC architecture

En somme, chacune des parties prenantes d’un projet intégrant une démarche de réemploi doit faire sa part de l’engagement. Il s'agit d'une démarche d'intelligence collective qui pousse par ailleurs à la co-conception et à la créativité commune. L'un des grands défis de la maîtrise d'ouvrage dans sa gestion du projet est donc de parvenir à faire coopérer tous les acteurs. 60


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ÉTUDE DE CAS Halle Saint Louis, Fives Cail - Laura MERCIER 63


LE RÉEMPLOI SUR LE PROJET FIVES CAIL

“Sur les friches, il doit y avoir une transition vivante. Le bâtiment est mort et nous devons y remettre la vie.” Michel PACAUX, 2016 Le projet de Fives Cail s’inscrit dans la continuité de l’histoire de cet ancien site industriel et entend en préserver les traces. A la conservation des halles s'ajoute aujourd'hui une volonté de sauvegarder et de réutiliser des matériaux issus des démolitions et réhabilitations nécessaires au projet. Quels enjeux sous-tendent à cet engagement ? Comment le réemploi peut-il contribuer au projet ? Comment la maîtrise d'ouvrage a-t-elle engagé cette démarche ?

Le concept de renouvellement urbain désigne les démolitions, reconstructions, restaurations et réutilisations, en langage courant « reconstruire la ville sur la ville ». Cette expression s’est imposée à la fin du XX ème siècle pour désigner les formes de recyclage des espaces urbains désaffectés dans les villes des pays anciennement industrialisés [BONNEVILLE, 2004]. Le renouvellement urbain constitue l’un des enjeux majeurs de la politique urbaine des deux dernières décennies. Sur la Métropole Européenne de Lille, les friches industrielles sont au cœur de cette politique. Les emprises anciennement industrielles se trouvent au centre des espaces urbains, la ville s'étant autrefois construite autour d’elles. Aujourd’hui, ces espaces en friche sont une source de foncier pour faire une ville dense et renouveler le tissu urbain.

Localisation et contexte du projet L’usine Fives Cail Babcock fait partie des sites industriels majeurs de la métropole lilloise faisant aujourd'hui l’objet d’un programme de renouvellement urbain. Situé sur le versant Est de la ville de Lille, le site s’étend en partie sur la 64


commune d’Hellemmes. Au cœur d'un quartier en pleine mutation, Fives, cette friche industrielle est une opportunité pour accueillir un projet de restructuration et de renouvellement urbain d’excellence. Par sa taille et sa monumentalité, il permettra de fédérer les transformations en cours à différentes échelles : l’ouverture à la dynamique métropolitaine, la modernisation d’Hellemmes et du quartier de Fives et la restauration du lien urbain entre le site industriel et le quartier environnant.

Figure 21 : Plan de localisation du projet Fives Cail SORELI, 2018

Le groupe d'ingénierie à l'origine de l'usine est créé au XIX ème siècle. Ses ateliers de construction sont exploités à partir de 1861. A l'apogée de son activité, l'usine s'étend sur près de 70 hectares et compte jusqu'à 6 000 ouvriers. On y réalise divers ouvrages, principalement en mécanique lourde. De nombreuses productions sont donc réalisées sur Fives Cail Babcock, telles que les ascenseurs de la Tour Eiffel, le pont Alexandre III ou les charpentes des gares de Lille, Roubaix et Orléans [GRAFTEAUX et KLEIN, 2003]. L'usine est alors un fleuron de l'industrie métallurgique, fait la fierté de la région et se développe à l'international, notamment en relation avec les pays d'Amérique du Sud. 65


Figure 22 : Photographies du site industriel en activitĂŠ Bourse du travail Boulevard de l'Usine et pignon des halles E1, E2 et E3 IntĂŠrieur d'une halle Fives, Archives Nationales du Monde du Travail

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En dehors de ses capacités industrielles, l'usine de Fives-Cail Babcock est reconnue pour sa symbolique ouvrière forte. En effet, c'est ici qu'ont lieu certains des premiers mouvements de lutte ouvrière et qu'apparaissent une partie des premiers syndicats. A titre d'anecdote, Pierre DE GEYTER, compositeur de l'Internationale, était ouvrier à Fives-Cail Babcock. De plus, l'usine garde la mémoire des deux guerres mondiales, ayant marqué ses travailleurs et bâtiments. Elle est démantelée et vidée sous l'occupation allemande en 1914 puis reconstruite et retrouve ses capacités de production. La Seconde Guerre mondiale implique un deuxième coup d'arrêt pour le site qui est bombardé et réquisitionné par les Allemands. On peut notamment apercevoir les traces de ces guerres par la présence de bunkers édifiés pour protéger les ouvriers lors des bombardements. L'usine de Fives-Cail Babcock vit donc en lien avec les grands évènements de l'histoire. Les fluctuations économiques, la grandeur industrielle, les luttes ouvrières et les guerres la marquent et en font un site historiquement très riche. Les ateliers de l'usine FCB ont cessé leur activité en 1997 avant de fermer définitivement en 2001 et d’être cédés à la Métropole Européenne de Lille en 2006. Par délibération en date du 8 décembre 2011, la Métropole Européenne de Lille a décidé de confier à SORELI la concession d’aménagement Fives Cail Babcock (FCB) à Lille pour une durée de 12 ans.

Enjeux du site et parti d’aménagement Le projet Fives Cail s'appuie sur trois enjeux principaux : - Préserver l’échelle du site, sa monumentalité, sa spatialité ; - Réactiver la relation entre les faubourgs est et le site de l’usine ; - Régénérer le site dans sa capacité à accueillir des activités humaines. Les principes qui guident donc le projet sont les suivants : - Un site majoritairement construit où « la déconstruction n’est pas un préalable » ; - Des espaces publics et un parc urbain comme armature du projet ; - Une matière vivante : le cœur de l’usine devient le cœur du quartier ; 67


- Une offre résidentielle diversifiée et adaptée ; - Un projet d’aménagement et de développement durable (par la volonté de respecter la Charte Eco quartiers de la Métropole Européenne de Lille) ; - Un lieu de destination métropolitaine : « 100% métropolitain, 100% délicat »

Calendrier prévisionnel de l’opération L’opération d’aménagement fait l’objet d’une décomposition en 3 phases : - Phase 00, de 2014 à 2016 : Cette phase comprend la réalisation des mesures conservatoires amiante, l’aménagement des abords du lycée hôtelier international, la réhabilitation de la halle F8, la construction d’une cuve monumentale de rétention des eaux pluviales en F8 et l’aménagement de la voie nouvelle (rue André BALLET), mais aussi la réhabilitation de la Bourse du Travail, la construction du nouveau lycée hôtelier international et du passage de l’international (halle F7 réhabilitée), réalisés par la Ville de Lille. - Phase 01, de 2015-2020 : Cette phase est prévue sur un périmètre suffisant de nature à provoquer un renversement d’image en reposant sur une masse critique de nouveaux logements, d’espaces publics, et de lieux d’animation d’ici 2020. Le périmètre est celui du master plan de phase 01 mis à jour en juin 2015. - Phase 02, au-delà de 2020 : Dans cette phase 02, sont prévus les travaux et la commercialisation du reste du projet, ainsi que la réalisation par l’aménageur des parcs de stationnement. Dans ce projet de renouvellement urbain, tout bâtiment conservé, même en partie, correspond déjà à une forme de réemploi. Toute partie démontée ou démolie représente un potentiel de matières réemployables. Toute partie à construire peut intégrer des matériaux réemployés.

Figure 23 : Plan directeur 2014 complété par le Master plan de la phase 1 AUC, juin 2015

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“Les formes urbaines héritées de la révolution industrielle sur Lille Métropole sont très différentes des situations rencontrées ailleurs en France.” DECOCQ Christian et PACAUX Michel, 2010, p. 22 Avec la Révolution Industrielle, le territoire dans toutes ses composantes s’est structuré autour de l’industrie, entraînant un bouleversement de son paysage. Les infrastructures de transport et les quartiers sont nés en lien direct avec les industries. L’architecture de certains bâtiments symboliques de ces usines révèle à l’époque la richesse et la puissance des industriels. Il s'agit aujourd’hui d'un élément de patrimoine typique, un ensemble de références urbaines et historiques importantes qu’il est jugé de conserver. Agir sur une friche industrielle implique également d’aborder son histoire et celle de ceux qui y ont vécu, travaillé et constitué une mémoire. La fermeture d'une industrie signifie souvent la perte de ce qui faisait le dynamisme économique et social du quartier, voire de la commune. “Ces quartiers populaires sont fragilisés, paupérisés par la disparition de l'activité de l'ancienne usine qui, au-delà de son rôle économique signait une appartenance identitaire, mettait en œuvre des processus de socialisation.” [LOUBON et VANHAMME, 2001, p. 10]. Le potentiel que représente une friche industrielle est donc de faire la transition, en cœur de ville, entre une activité passée et de nouvelles attentes - penser un aller retour, sans rester figé dans le passé et sans pour autant en effacer les traces. Le projet de Fives Cail revêt donc un enjeu narratif, afin de raconter l'histoire et le futur du site. La matière existante raconte l'histoire de laquelle le projet découle. Le réemploi de matériaux de construction peut donc participer à cette dynamique. L'architecture de Fives Cail est faite de bâtiments divers. La forme la plus marquante est celle des halles à pont roulant, aux dimensions remarquables, typiques de l'industrie métallurgique. Ces halles ont été conçues avec rigueur et simplicité et ne présentent ni exploit constructif ni fantaisie particulière. Leur attrait réside dans le fait qu'elles représentent la matière restante de l'usine,

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quand les ouvriers et les machines ont eux quitté les lieux [GRAFTEAUX et KLEIN, 2003]. Le projet Fives Cail prévoit de conserver la mémoire du passé par : - la réutilisation et la mise en valeur des halles - le réemploi des rails et pavés existants dans la conception des espaces publics - la configuration des espaces bâtis et non bâtis : conservation du "quadrilatère des halles", conservation de la structure en trois cours (Saint Louis, Ouest et Est) - la conservation et statues et mémoriaux existants Les halles présentées ci-après se trouvent dans le périmètre de la phase 2. Leur conservation et leur destination n'est aujourd'hui pas définie mais elles représentent un potentiel qui pourrait être exploité dans la suite du projet. En cas de déconstruction ou de réhabilitation, il pourra être possible de déposer certains des éléments qui les composent en vue d'un réemploi éventuel (voir plan en Annexe III).

La halle Saint-Louis ou halle B1 est un des signaux urbains de Fives Cail. En effet, elle possède des proportions remarquables, mesurant notamment 34m de hauteur. Une imposante double porte fait communiquer l'intérieur avec la ville, faisant de cette halle la seule qui donne directement sur l'espace public. Cette halle fut le lieu d'assemblage de très grandes pièces ou engins.

Figure 24 : La Halle Saint Louis Laura MERCIER

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La halle B6 est remarquable par son volume et l'abondance de lumière qui y pénètre. Il s'agit de la seule des halles de Fives Cail disposant d'un éclairage naturel sur trois de ses côtés. L'une de ses façades s'ouvre de plus directement sur le futur parc, prévu en phase 2 du projet.

Figure 25 : La Halle B6 SORELI

Les halles E1-E2-E3 représentent l'un des éléments déterminants de l'identité du site de Fives Cail. En effet, leur pignon Ouest se situe dans l'axe du boulevard de l'Usine et comporte encore aujourd'hui le logo de l'usine. Il s'agit donc de l'un des éléments déterminants de l'identité de Fives Cail dans le paysage urbain.

Figure 26 : Les Halles E1-E2-E3 SORELI

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La réhabilitation d'une friche industrielle peut être perçue comme une volonté de lutte contre le gaspillage [ORTIS, 1983] et de recyclage urbain, deux thématiques fortes issues de la notion de développement durable. A partir de cette notion semble de plus s'imposer un quatrième pilier pour compléter les enjeux social, économique et écologique d'un mode de développement : le patrimoine culturel. Le site de Fives Cail Babcock représente aujourd'hui un remarquable gisement de matériaux divers : pavés, briques, rails, structures métalliques, escaliers, luminaires,... qu'il s'agirait de réemployer ou recycler pour répondre à la raréfaction des ressources et à l'augmentation des déchets produits par le secteur du bâtiment. SORELI souhaite que le projet Fives Cail obtienne les différents degrés du label écoquartier. Pendant 4 ans, une AMO développement durable, 2EI, a accompagné SORELI dans le respect des principes de la charte écoquartier. Elle a notamment produit un référentiel développement durable pour le projet et des cahiers de prescriptions thématiques pour le bâtiment, l'aménagement et le chantier Si ces documents ne citent pas clairement les termes de réemploi ou réutilisation, ils évoquent tout de même des prescriptions qui s'y rattachent. EN voici quelques exemples :

Extraits du Cahier de prescriptions thématiques aménagement durable : "Qualité urbaine du projet : 

En matière

de matériaux

de construction et

à

performances

fonctionnelles équivalentes, les opérateurs devront : o choisir les matériaux nécessitant le moins d'énergie grise, les matériaux d'origine locale, les matériaux biosourcés et ceux dont la fabrication est économe en eau ; o privilégier les matériaux renouvelables, recyclés ou recyclables, et éviter ainsi les matériaux dont les ressources sont faibles (exemple : zinc, étain) ;

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o choisir des matériaux pérennes en intégrant à la réflexion les critères de cycle de vie, de fréquence de renouvellement, de facilité d'approvisionnement et de modalités d'entretien ; 

Des Fiches de Déclaration Environnementales et Sanitaires (FDES) devront être présentées afin de justifier du choix des matériaux employés"

Le document demande ensuite, dans la phase esquisse, une note d'intention sur les matériaux retenus (structure, revêtements, mobilier urbain, éclairage). En période de rendu phase Avant Projet Définitif (APD), une note justificative sur les choix des matériaux employés sur l'espace public en termes d'énergie grise, d'impact sanitaire et environnemental doit être également fournie.

Cahier de prescriptions chantier durable : Il y est demandé à ce que le bois des arbres coupés sur le site dans le cadre du projet soit valorisé, que le taux de valorisation des déchets de chantier soit supérieur à 60%, la réalisation systématique d'un plan de gestion des déchets et la désignation d'un référent chantier durable et tri des déchets

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LE RÉEMPLOI SUR LE PROJET FIVES CAIL

Les acteurs du projet Fives Cail ont pris le parti urbain d'une politique générale de réutilisation du bâti existant, notamment pour optimiser le "volume capable" que les halles représentent. Aujourd'hui, Soreli a fait le choix d'étendre cette réflexion au patrimoine d’ornement et aux matériaux de construction issus du site. Le projet intègre donc une forte dimension durable et patrimoniale par la conservation d’un certain nombre de halles et anciens bâtiments administratifs, mais également aujourd'hui le réemploi de matériaux issus du site, tels que des pavés ou des rails.

Depuis l’engagement de la phase opérationnelle du projet, la libération foncière et ses démolitions associées sont à l’œuvre (voir plan de nomenclature des halles en annexe I). Une partie des bâtiments n’a donc pas été conservée : - Halles F16-F15 // démolies en 2016 - Halles F14-F13-F12-F11-F10-F9 // démolies en 2016 - Bâtiment industriel sur l’emprise du lot 4B // démoli en 2016 - Halles F5-F3-F2 // démolies en 2017 - Halles G2 et G1 Nord // démolies en 2018 Les plan ci-contre montre le patrimoine bâti existant avant 2016 et les bâtiments conservés à l'échelle de la phase 1. Pour la phase 2, aucune décision définitive n'a été prise sur la conservation des halles. Dans l'attente, celles-ci font l'objet d'un travail de maintien en état.

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La démolition de la halle F16 a laissé apparaître qu’une partie des matériaux, notamment d’ornement, était récupérée par les entreprises pour être revendue par la suite à des brocanteurs. Depuis cette période, l’ensemble des éléments récupérables et remarquables sont stockés dans les halles E1-E2-E3, B6 et SaintLouis. Aujourd’hui y sont donc disposés divers matériaux et éléments : pavés, pavés bois, briques, escaliers, luminaires d’atelier, étagères, meubles divers, moules, plans,... D’autres objets, issus des manifestations de Lille 3000, y sont également entreposés (voir Reportage photographique du potentiel sur site en Annexe II). La conservation de ces éléments pose la question de la politique de réemploi à mettre en place sur le projet Fives Cail. Le collectif ZERM écrivait à ce propos dans une note d'intention : “Le quartier de Fives-Cail est en pleine transformation et la quantité de matière existante est phénoménale. La politique de conservation systématique des éléments déconstruits, engagée sur le site par Soreli, est un point de départ pour ce qui pourrait être une micro-économie liée au réemploi de matériaux de construction à Fives-Cail. En effet conserver au lieu de jeter cette matière, sinon vouée à devenir déchet, est une occasion rêvée pour expérimenter et mettre en œuvre le réemploi de matériaux à une échelle réduite.”

Figure 27 : Plan du patrimoine bâti existant conservé Réalisation personnelle

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Figure 28 : Photographies d'éléments récupérés Photographies personnelles - SORELI

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Dans le cadre du projet de préfiguration de la halle gourmande de Fives Cail, l'Avant Goût de la Cuisine Commune, l'entreprise EtNISI, évoquée en introduction de ce mémoire, en a réalisé le carrelage mural. Les carreaux du Pavillon Gourmand ont été conçus à partir de matériaux de déconstruction issus du site. Il ne s'agit donc pas de réemploi, mais bien de recyclage. Toutefois, cette initiative met en lumière la double volonté des acteurs du projet Fives Cail : s'inscrire dans une démarche de construction durable en limitant la production de déchets du bâtiment, mais également mettre en valeur et donner une seconde vie au patrimoine que représentent les matériaux issus des démolitions et réhabilitations.

Figure 29 : Réalisation du carrelage de l'Avant Goût par EtNISI Site de l'Avant-goût / site de EtNISI / AMC architecture

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“Le plan s’organise à partir des emprises existantes de l’usine, dont les bâtiments sont entendus comme des espaces capables de muter plutôt que comme un patrimoine immuable” AUC, 2017 La première phase du projet et les futurs espaces publics répondent en partie à la volonté de conservation des matériaux du site. Une partie du bâti existant conservé sert déjà ou servira à la mise en place de nouvelles activités. Celui-ci sera mis en valeur grâce aux végétaux, à l'éclairage public ou aux formes de mobilier urbain. Cette mise en œuvre de la conservation des halles dans le projet correspond déjà à une forme de réemploi.

“Le réutilisation de matériaux existants sur le site, déjà pour leur qualité propre mais aussi pour projeter la nouvelle vie de Fives Cail dans une histoire déjà riche dont les traces d’hier méritent d’exister demain.” AUC, 2017 La conception des espaces publics expérimente également la récupération de matériaux et leur réemploi sur site. En effet, le revêtement de sol de la cour Ouest sera réalisé à partir de matériaux réutilisés. Cet espace est l'un des éléments emblématiques du site, de par sa position centrale et "distributive". Les rails, traces de l'activité initiale, ont étés déposés et seront repositionnés à leur emplacement d'origine. Les pavés existants, grés et porphyre vert, ont également été récupérés. Ils ont étés sciés pour un meilleur confort d'usage (notamment pour les cycles et les personnes à mobilité réduite) et seront également reposés dans le futur espace public [AUC, 2017]. "Il nous semble pertinent de construire le projet d'aménagement sur le déjà-là très particulier de cet espace, plutôt que d'y apposer un nouveau projet ex-nihilo qui n'aurait comme opportunité que de se positionner "pour" ou "contre" ce patrimoine. [AUC, 2015, page 15]

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Fives Cail est un cas particulier dans la mise en place d'une démarche de réemploi et la gestion des matériaux déposés lors de construction et réhabilitations. Tout d'abord, la volonté de réemployer les matériaux issus des démolitions et réhabilitations du site de Fives Cail n'a pas été mise en avant dès l'amont du projet. C'est lorsque des entreprises, utilisaient les ressources potentielles pour la revente que SORELI a fait le choix de conserver les éléments remarquables et récupérables et de les stocker en vue d'un réemploi éventuel. Ainsi, le stockage et le conditionnement des éléments récupérés n'a pu être organisé de manière optimale. Cela a malheureusement causé quelques dégradations sur la matière. SORELI a donc aujourd'hui pour volonté à la fois de faire le tri dans ce qui est dores et déjà stocké dans certains des bâtiments du site, mais également d'anticiper la gestion des matériaux de Fives Cail et leur réemploi pour la phase 02.

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LE RÉEMPLOI SUR LE PROJET FIVES CAIL

La conservation systématique des éléments issus des démolitions pose aujourd'hui la question de leur réemploi. Une grande partie de cette matière n’a aujourd’hui pas de perspective d’utilisation. La démarche de réemploi enclanchée pour le projet Fives Cail doit donc tout d’abord passer par un tri, une organisation et un référencement des matériaux stockés dans E1-E2-E3, B6 et D1. Il s’agit également de faire état du potentiel existant dans les bâtiments présents et potentiellement réhabilités ou déconstruits en phase 2 (voir plan en Annexe III).

“Lille a démontré depuis longtemps sa capacité de construire la ville sur la ville et à transformer ses friches industrielles, comme celle de Fives Cail. Elle est aussi, de pas la tradition multiséculaire des braderies, LA capitale du réemploi.” Ville de Lille, 2018 La ville de Lille fait face à de nouveaux défis pour développer son attractivité. La revalorisation de Fives Cail est impacté par ces ambitions, très liées à la question du réemploi des matériaux de construction. Tout d’abord, Lille a été désignée comme Capitale Mondiale du Design en 2020. De plus, la ville de Lille prépare la candidature à Capitale Verte Européenne. Ces deux nouveaux enjeux lillois et métropolitains donne une nouvelle légitimité au réemploi. Comme évoqué dans l'introduction de ce travail, depuis, les initiatives écocitoyennes sont valorisées. Par exemple, la Ville de Lille organise des weekends thématiques autour d’enjeux divers, liés au développement durable et à l'économie circulaire et solidaire. Dans le cadre de la Semaine Européenne de Réduction des Déchets, la ville de Lille organise du 17 novembre au 21 décembre une “saison” sur les thèmes de la réduction des déchets et de la consommation 82


responsable. Les objectifs affichés par la ville de Lille pour cette “saison” sont les suivants : - structurer et soutenir le réseau de professionnels et bénévoles existant pour lutter contre la fragilité économique des initiatives actuelles - informer, interpeller, permettre la mise en pratique, accompagner au changement de pratiques les publics - faire connaître, valoriser, accompagner les initiatives lilloises - faire émerger des projets citoyens au sein des quartiers A Fives Cail se tiendront donc, les 23 et 24 novembre 2018, des évènements et ateliers participatifs sur le réemploi et l’économie circulaire. Ce weekend s’intègre également à la Semaine des Solidarités Internationales et du Mois de l’Economie Sociale et Solidaire. Au programme : un temps de rencontre entre professionnels, une conférence grand public, un gratiferia ou “magasin gratuit”, des ateliers pratiques et animations, de la construction collective,...

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SORELI cherche aujourd’hui à s’accompagner d’une expertise réemploi pour l’accompagner dans cette démarche. L’objectif est d’offrir à SORELI une vision claire de la ressource en matériaux disponibles sur le site, afin de les intégrer, le cas échéant, à la réalisation de projets divers sur le site de Fives Cail. SORELI a donc engagé une consultation pour une mission de conseil en réemploi afin d’identifier le potentiel des éléments conservés et les voies possibles de leur réemploi sur site avant mise en œuvre éventuelle.

Figure 30 : Bâtiments de Fives Cail concernés par le réemploi Source : Cahier des charges de la consultation / réalisation personnelle

Pour agir efficacement sur la matière présente et organiser leur gestion de projet, les équipes de SORELI ont imaginé une démarche sur deux temps distincts, faisant chacun l'objet d'une consultation : TEMPS 1 : Paire état de l’existant et du potentiel et organiser le stockage sur le site, préalable indispensable à la mise en œuvre TEMPS 2 : Mettre en scène, expérimenter, construire 84


Une mise en concurrence a donc été lancée pour avons donc lancé une mise en concurrence pour la mise en œuvre du TEMPS 1. Celui-ci prendra la forme de plusieurs étapes lui permettant d'obtenir plusieurs livrables.

Tout d'abord, le titulaire effectuera un repérage du potentiel sur le site des matériaux et éléments stockés et du potentiel à extraire du bâti existant entrant en compte dans la phase 2 du projet. Cette première étape devra permettre à l'aménageur et aux autres acteurs du projet Fives Cail de disposer d'une connaissance précise des éléments présents sur site et présentant un potentiel de réemploi. Ensuite, un tri sur site des matériaux et éléments disponibles sera effectué afin d’extraire les éléments à réemployer, de les ordonner sur site et d’évacuer la matière à recycler ou jeter. Il s'agit également d'organiser le stockage de la matière déposée. L'expert réemploi aura pour mission d'accompagner cette prestation par la formalisation d'une méthodologie d’action et l’encadrement de la mission de tri par le prestataire extérieur. Les matériaux récupérés sont actuellement stockés dans les halles E1-E2-E3, B6 et le bâtiment D1. Le potentiel à repérer sur l’existant concerne les halles E1 E2 E3, l’ensemble des halles Sud et le bâtiment D1 (voir plan des bâtiments concernés en annexe III). Livrable final : un répertoire du potentiel. Ce répertoire devrait permettre à SORELI d’identifier les éléments et matériaux récupérables, leur quantité, leur localisation, leurs caractéristiques techniques et l'intérêt d'un réemploi éventuel.

Livrable n°1 : le titulaire du marché sera amené à fournir un document présentant 10 à 20 exemples d’ouvrages ou d’installations réalisés en lien avec les typologies d’éléments et matériaux présents sur le site. Livrable n°2 : sera proposé à SORELI un document présentant des préconisations d’usage (installations, constructions, aménagement intérieur, recyclage,…) à partir des éléments et matériaux décrits dans le répertoire de la 85


MISSION 1. Ce document fera appel à la créativité du titulaire et sera accompagné de schémas et croquis. SORELI est donc à la recherche d'un accompagnement dans sa démarche de réemploi. Il s'agira à la fois d'une assistance technique, mais le titulaire devra également pouvoir être force de propositions et de créativité pour que les matériaux récupérés puissent trouver une seconde vie sur le site et mettre en valeur son histoire et son identité.

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Certaines problématiques ont été identifiées et devront être levées avec l'appui de l'expertise réemploi. Tout d'abord, les halles stockent des matériaux issus du site mais aussi des éléments appartenant aux manifestations diverses de Lille 3000. Afin de permettre au titulaire du marché de mener à bien sa mission, il sera important de cadrer la propriété de toute la matière stockée. Le réemploi des matérieux de Fives Cail fait également l'objet d'une grosse problématique de pollution. En effet, certains matériaux et éléments stockés sont pollués et ne pourront pas, dans une certaine mesure, être pris en compte lors de l'inventaire et le tri. Il s'agit par exemple des luminaires d'atelier dont l'un des joints peut être amianté, des pavés bois dans lesquels ont été repérés des hydrocarbures mais également du mobilier, comme les étagères, peintes à la peinture au plomb. SORELI et son expertise réemploi vont également devoir faire face à la question du stockage. Le titulaire de la mission de conseil en réemploi devra pouvoir proposer des solutions qui permettent de regrouper les matériaux, de les protéger des intempéries et autres dégradations, sans pour autant perturber les chantiers en cours et l'avancement du master plan de la phase 02.

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En dehors de la grande précarité, le réemploi avait disparu de la fabrique de la ville après la Révolution Industrielle, au profit d'une logique de métabolisme urbain linéaire de type extraire - produire - consommer - jeter. Or, de nouveaux enjeux et les nouveaux paradigmes qui leur répondent ont fait réapparaître la pratique du réemploi dans la construction. En effet, la crise de la matière et les problématiques de pollution ont rendu nécessaire la recherche de ressources là où elle abonde : dans les villes elles-mêmes. Avec le réemploi, les projets peuvent alors adopter une nouvelle posture durable, éthique, la mise en valeur du patrimoine et des dynamiques de construction locales d'un territoire, mais aussi créativité et démarche collective de projet. La pratique du réemploi dans la construction s'est donc développée avec une posture expérimentale et militante. Toutefois, pour que le réemploi ne soit plus seulement d'ordre expérimental et que son recours se démocratise, de nombreux freins à son développement sont à aborder. Il s'agit surtout de changer le regard qu'a l'Homme sur la matière de seconde main, ce à quoi doivent participer tous les acteurs d'un projet, mais également l'Etat et les collectivités. Tous les acteurs d'un projet sont concernés par la mise en place de cette démarche. La maîtrise d'ouvrage, elle, se doit alors de l'anticiper en amont du programme et dans les différentes phases d'un projet, mais également de permettre des synergies entre tous les acteurs concernés. En effet, le réemploi est surtout une histoire d'intelligence collective. Dans le cadre du projet Fives Cail, la mise en place d'une démarche active de réemploi n'a pas été anticipée par la MEL, la Ville de Lille et SORELI au début de la définition du programme. Or, la dimension patrimoniale y est forte et la maîtrise d'ouvrage et l'urbaniste ont montré dès le début du projet une volonté de conservation/ Le réemploi s'inscrit donc dans une logique de projet. Fives Cail est de plus un projet qui se veut durable. Le réemploi a été abordé dans la conception des espaces publics secteurs Ouest avec la réutilisation des pavés et des rails existants. A la suite de déconstructions, les équipes de SORELI se sont rendues compte que des éléments déposés étaient revendus à des brocanteurs. Depuis sont conservés tous les matériaux récupérables et remarquables dans certaines halles du site. Ces éléments représentent une richesse patrimoniale et 89


narrative pouvant faire perdurer la singularité constructive et identitaire des lieux. L'exemple de Fives Cail met notamment en lumière la mise en place d'une démarche de réemploi dans une dynamique globale de prise de conscience environnementale et de renouvellement urbain. Aujourd'hui, la pratique du réemploi est en plein développement et ses perspectives sont nombreuses. L'objectif serait alors d'en faire l'un des principes de conception et de construction de demain. A ce titre, de nombreuses publications évoquent la possibilité d'intégrer une réflexion sur la déconstruction d'un ouvrage dès sa conception. En rendant le bâtiment adaptable, en anticipant son démantèlement et en utilisant des matériaux simples à récupérer, il sera plus simple de les utiliser dans de nouveaux projets. Si la question du réemploi se développe, tout matériau mis en œuvre aujourd'hui sera potentiellement appelé à être démonté demain. Tout matériau mis en oeurvre aujourd’hui est appelé à être démonté demain, aussi il faut réfléchir à choisir des méthodes de construction qui facilitent ce démontage.

Figure 31 : L'étape 0, prévenir le réemploi BELLASTOCK, 2015

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Figure 1 : Distinction des différents procédés de traitement de la matière ................................6 Figure 2 : L'Arc de Constantin à Rome ................................................................................................ 17 Figure 3 : Origine des réemplois sur l’arc de Constantin ............................................................... 17 Figures 4 : Les quilles en l’air, hier et aujourd’hui ............................................................................. 18 Figures 5 : Habitations d’un bidonville de Manille ........................................................................... 21 Figure 6 : Le métabolisme urbain linéaire .......................................................................................... 22 Figure 7 : Le métabolisme urbain en circuit ...................................................................................... 23 Figure 8 : Le déblai-remblai planétaire ............................................................................................... 24 Figure 9 : Earth Overshoot Days de 1969 à 2018 ............................................................................. 26 Figure 10 : Mines d'hier et de demain ................................................................................................. 29 Figure 11 : Drop City, Etats Unis............................................................................................................. 30 Figures 12 : Earthships, Nouveau Mexique ........................................................................................ 33 Figure 13 : Le réemploi, enjeu de construction durable ................................................................ 34 Figure 14 : Réemploi et cycle de la matière ....................................................................................... 35 Figure 15 : L'économie circulaire .......................................................................................................... 36 Figures 16 : Aire de jeu Wikado à Rotterdam par Superuse Studio ........................................... 39 Figures 17 : Le bar de Kamikatsu, Japon ............................................................................................. 43 Figure 18 : L'exposition Matière Grise au Pavillon de l'Arsenal .................................................... 55 Figure 19 : Avant projet et réemploi .................................................................................................... 58 Figure 20 : ROTOR Déconstruction ..................................................................................................... 60 Figure 21 : Plan de localisation du projet Fives Cail ........................................................................ 65 Figure 22 : Photographies du site industriel en activité ................................................................. 66 Figure 23 : Plan directeur 2014 complété par le Master plan de la phase 1 ............................ 68 Figure 24 : La Halle Saint Louis .............................................................................................................. 71 Figure 25 : La Halle B6 ............................................................................................................................. 72 Figure 26 : Les Halles E1-E2-E3 ............................................................................................................. 72 Figure 27 : Plan du patrimoine bâti existant conservé ................................................................... 77 Figure 28 : Photographies d'éléments récupérés ............................................................................ 78 Figure 29 : Réalisation du carrelage de l'Avant Goût par EtNISI ................................................. 79 Figure 30 : Bâtiments de Fives Cail concernés par le réemploi ................................................... 84 Figure 31 : L'étape 0, prévenir le réemploi ........................................................................................ 90

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OUVRAGES ADEME, 2017, Déchets chiffres-clés, Faits et chiffres, ADEME, 96 p. CHOAY F., 1996, L'Allégorie du patrimoine, Seuil, 270 p. CHOPPIN J., DELON N., 2014, Matière grise : matériaux, réemploi, architecture, Pavillon de l’Arsenal, 365 p. GRACQ J., 1988, Autour des sept collines, Corti, 112 p. HARPET C., 1999, Du déchet : philosophie des immondices : corps, ville, industrie, Editions L’Harmattant, 608 p. HUYGEN J-M., 2008, La Poubelle et l'architecte : vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, 183 p. LOUBON P., et VANHAMME M., 2001, Arts en friches : usines désaffectées : fabriques d’imaginaires, Alternatives, 123 p. GOEURY D., "Les ZAD : conflits sur l'usage marginal de l'espace", In : WOESSNER R. (dir), 2016, La France des marges, Atlande, 268 p.

THESES ET RAPPORTS ADEME, 2015, Réemploi, réparation et réutilisation, ADEME, 28 p. BENOIT J., SAUREL G., BILLET M., BOUGRAIN F., LAURENCEAU S., REPAR #2 : Le réemploi passerelle entre architecture et industrie, ADEME, BELLASTOCK, CSTB, Expertises, 545 p. DECOCQ C., PACAUX M., 2010, Friches industrielles et pollutions historiques, mission d’information de d’évaluation, Lille Métropole. 182 p. GUILLEMEAU J-M., WAGELMANS P., WAGELMANS J., CIFFUL, 2013, Réemploi, réutilisation des matériaux de construction, guide pratique, Éditions de l'Université de Liège, 48 p. 92


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SITES INTERNET MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, Feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) [en ligne] - Disponible à l'adresse : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/feuille-route-economie-circulaire-frec VILLE D'EQUIHEN-PLAGE, Les quilles en l'air [en ligne] - Disponible à l'adresse : http://equihenplage.opalenet.fr/2014/02/les-quilles-en-lair.html ENTREPRISE ETNISI - Disponible à l'adresse suivante : http://www.etnisi.com/ LEGIFRANCE, Le service public de la diffusion du droit, Code de l'environnement [en ligne], 2018 - Disponible à l'adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220

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ANNEXE I - Plan de nomenclature des halles Source : SORELI ANNEXE II - Reportage photo de la matière à Fives Cail Source : SORELI - participation personnelle ANNEXE III - Plan des bâtiments concernés par la mission Source : Cahier des charges pour la mission de conseil en réemploi pour les matériaux issus des démolitions sur le projet Fives Cail - réalisation personnelle

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ANNEXE I - Plan de nomenclature des halles


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ANNEXE III - Plan des bâtiments concernés par la mission


SALMON Margaux - Années 2017-2018 Université Lille 1, Institut d'aménagement et d'urbanisme de Lille Master 2 Urbanisme et Aménagement Parcours Construction et Aménagement Durable Mémoire de fin d'études, 123 pages

Mots clefs : réemploi - patrimoine - construction durable - Fives Cail - SORELI Key-words : reuse - built heritage - sustainable construction - Fives Cail - SORELI

Résumé : Si le recyclage des déchets du BTP est très valorisé, le réemploi commence juste à se développer. Il y a peu, cette pratique était le domaine de collectifs d’architectes militants et du bricolage individuel pour habitations de fortune. Ce mémoire se concentre donc sur la question du réemploi des matériaux et éléments construction, ses enjeux et problématiques actuels, avec pour étude de cas le projet Fives Cail, aménagé par SORELI. Il s’agira également de comprendre le rôle que la maîtrise d’ouvrage doit assumer pour mettre en place cette démarche. Dans quel contexte la réutilisation et le réemploi des matériaux de construction est-il réapparu et quels sont ses perspectives ? Que peuvent apporter ces pratiques au projet Fives Cail et comment les mettre en place ? Alors, quel est le rôle que doit assumer le maître d’ouvrage pour la définition d’une démarche de réemploi dans un projet ?

Abstract : While construction waste recycling is highly valued, reuse is just starting to develop. Recently, this practice was the area of groups of militants architects and individual DIY for informal dwellings. Therefore, this dissertation focuses on the issue of reusing building materials and elements, its current matters and problems, with the Fives Cail project, designed by SORELI, as a case study. It will also be important to understand the role that the project owner must take in order to set up this action. In which context has reusing construction materials re-emerged and what are its prospects ? What can this practice bring to the Fives Cail project and how can we set it up ? Then, what is the role that the project owner must assume in order to define a reusing approach in a project ? 21


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