La voiture partagée,
laboratoire de la ville en libre-service
De l’automobile à l’auto-mobilité, un changement de paradigme
Marguerite WABLE /// 5 janvier 2015 /// Mémoire de Master 2 -R9 école Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais
GÉNÉALOGIE DU PROJET CONTEMPORAIN. Dominique Rouillard, professeur responsable. Séminaire « Futur du véhicule, futurs des villes » Directrice de mémoire : Dominique ROUILLARD Enseignantes : Nathalie CHABILAND et Joanna Wlaszyn
REMERCIEMENTs
Ce mémoire de recherche de master est le fruit d’un an et demi de travail, mené à bien entre octobre 2013 et janvier 2015 à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais. Il a été réalisé dans le cadre du séminaire « Généalogie du projet contemporain » dirigé par Dominique Rouillard, autour de la thématique « Futur du véhicule, futur des villes ». Je tiens à adresser mes sincères et chaleureux remerciements aux personnes qui m’ont accompagné et soutenu tout au long de cette recherche. Tout d’abord, j’adresse toute ma gratitude à Dominique Rouillard, qui m’a guidé dans ce travail, pour son encadrement et sa pédagogie, ses conseils juidicieux et sa confiance, qui ont contribué à alimenter ma réflexion. Je souhaite également remercier Nathalie Chabiland, pour ses précieux conseils méthodologiques et sa curiosité sans borne, ainsi que les différents intervenants du séminaire ayant donner matière à cette réflexion : Joanna Wlasyn, Levente Polyak, François Chéry (fondation Tuck), Thierry Marcou (fing), Eric Hamelin, Jérôme Perrin (VeDeCom), Jean Grebert, Marc Weil. Je remercie aussi les autres étudiants du séminaire, et en particulier Anaïs, avec lesquels le partage des actualités, le dialogue, l’échange d’expérience et de documents a permis de nourrir cette recherche. Enfin, j’exprime toute ma reconnaissance envers les amis qui m’ont apporté le support intellectuel et moral au cours de ce travail, tout particulièrement Lisa et Corentin pour leurs relectures attentives de dernière minute, la pertinence de leurs remarques et leurs encouragements. Enfin, je remercie Catherine, pour ses conseils avisés et sa minutieuse et précieuse relecture.
TABLE DES MATIères INTRODUCTION Un mot, des réalités Etat de l’art Hypothèses Méthodologie
I. L’AUTOPARTAGE, PARADIGME DE LA SOCIETE DU « SHARE »
7
35
1. L’empowerment des citoyens au service de la voiture communautaire
37
2. La voiture en partage ou le renouveau de l’image de la voiture
51
3. La remise en cause du système automobile
63
1.1. Multipropriété, le véhicule en partage 1.2. La voiture communautaire, de l’association à la professionnalisation 1.3. Partager en un clic
2.1. L’automobile, produit de luxe et instrument de liberté 2.2. Entre congestion et pollution, le partage de la voiture au secours des villes 2.3. Un objet propre et connecté 3.1. De la dépendance automobile à la voiture de voisinage 3.2. L’hyperlocalité 3.3. Un paysage à géométrie variable
II. LA VOITURE SERVICIELLE, LABORATOIRE DE LA VILLE EN LIBRE-SERVICE
39 41 47 53 55 59 65 71 77
87
1. La technologie, moteur de l’autopartage
89
2. Segmentation fonctionnelle et métamorphose du véhicule
99
1.1. De l’échange « clef en main » à la dématérialisation des moyens 1.2. Voiture connectée, habitacle approprié 2.1. A chaque usage son véhicule 2.2. Partage du véhicule, hybridation de l’objet
2.2.1 Véhicule banalisé, objet ou jouet ? 2.2.2 Oscillation de la voiture partagée, entre véhicule-outil et véhicule-plaisir
89 95
99 105
3. De l’auto-mobile à la ville, privatisation et marchandisation de l’espace public 119 3.1. Infrastructures de la voiture servicielle : de la borne à la station électro-mobile 3.2. La voiture servicielle ou la « vitrinisation » de l’espace public
III. VERS UN « PARTAGE » DES MECANISMES DE FABRICATION DE NOS TERRITOIRES 1. Du partage au « Share », une asymétrie idéologique manifeste 1.1. Archéologie du partage, du partage au libre-service 1.2. Le partage, idéal ou outil marketing ? 1.3. Industrialisation et professionnalisation, le dévoiement d’un idéal
2. L’autopartage à l’heure du « co »
2.1. Freins et limites politiques de l’autopartage 2.2. Pluralité d’acteurs, velléités multiples 2.3. Bouleverser les modes de vie : l’éducation de l’homo-mobilis
3. Le maillon manquant de l’ « écosystème des mobilités » 3.1. Multiplicité et complémentarité des offres 3.2. Le véhicule du premier/dernier kilomètre 3.3. L’autopartage intelligent, composant de la ville intelligente ?
121 129
137 139
139 145 149
155 155 163 171
175 177 181 189
CONCLUSION
195
BIBLIOGRAPHIE
203
INTRODUCTION
L’autopartage est considéré par Peter Muheim1 comme « l’une des
mesures les plus efficaces que l’on puisse imaginer pour rendre durable la mobilité »2. Toutefois, si la question du partage de voitures est loin d’être une idée neuve, en France comme à l’étranger, l’engouement général n’a jamais été comparable à celui qu’on lui porte aujourd’hui. L’autopartage semble en effet faire l’unanimité. Des consommateurs et citoyens aux constructeurs automobiles en passant par les municipalités et les pouvoirs publics, les entreprises de location de voiture et les gestionnaires de transport ; tous s’intéressent à la question en lui prédisant un avenir radieux. Cependant, si ces multiples acteurs s’entendent sur la promesse qu’il véhicule, chacun perçoit et projette des intérêts, desseins et opportunités ambivalents, divergents ou opposés sur ce nouvel usage de l’automobile. Phénomène de crise, utopie passagère ou véritables prémices de l’avènement d’un nouveau mode de déplacement, d’une approche innovante de l’automobile et d’une manière inédite de consommer et de se déplacer, pourquoi l’autopartage suscite-t-il depuis quelques années un tel engouement ? Touchant à la mobilité, influant sur l’organisation spatiale et concernant des questions économiques, sociales et sociétales, l’auto-partage apparaît surtout comme un enjeu d’urbanisme, produisant des infrastructures et inter-agissant avec les espaces publics, les villes et les territoires.
1 Ancien PDG de MobilityCarSharing, entreprise suisse leader sur le marché européen de l’autopartage, créée en 1997 suite à la fusion de deux coopératives suisses d’autopartage (ATG et Sharecom) 2 Traduction issue de MUHEIM, Peter et associés, CarSharing – the Key to Combined Mobility, Swiss Federal Office of Energy, Energie 2000, 1999, World Transport Policy and Practice, Bershire, UK, p.58-71.
-7-
professeurs particuliers à particuliers
les
fin
an cem
en
aie
n
n mo
a oc sl
EDUCATION
tp ar tic ipa tif
su
FINANCE
el
nn
e ac esp
so per
au tr
td
t
en
rg
d’a
p
ail rav e t age d e ac tur esp ovoi c
n
partage de nourriture
«POUVOIR D’AGIR» de fabricants, créateurs, crowdfunders, usagers, particuliers et consom’acteurs
ESPACE
SERVICES PUBLICS
jet s
sio
ca
oc
ÉCONOMIE COLLABORATIVE
télécommunications énergie
’ob
BIENS
rêt
e
prê
re
su
e rm
ALIMENTATION partage de repas
au to
liv
ion
ra iso
dit
par tag e
é exp
n
personnels
TRANSPORTS
SERVICES
LOGISTIQUE
entreprises
les
icu
TOURISME
Fig.1 L’ampleur de l’économie collaborative en France : services publics, tourisme, transports, alimentation, logistique, immobilier, finance, services, biens, éducation... Ce changement de paradigme concerne l’ensemble des sphères sociales et économiques. Source : Diagramme personnel
e
kag
c sto
td
ê
pr
éh ev
En effet, l’ampleur des répercussions de l’autopartage dépasse celui de
l’objet voiture en lui-même et concerne tant l’organisation de la mobilité, que l’aménagement des villes et du territoire ainsi que nos modes de consommation. En outre, la diffusion de l’autopartage est représentative d’une révolution en cours qui concerne non seulement le système automobile, les moyens de transports mais plus encore la société, son organisation spatiale et son économie. L’autopartage témoigne d’une mutation particulièrement symptomatique de notre société vers le partage auquel on peut supposer des impacts sociétaux, économiques, territoriaux et environnementaux considérables. En effet, l’économie du partage se propage, et plus que les automobiles ou les vélos, elle concerne les autres moyens de transports, les voyages, l’alimentation, le financement de projets et la distribution ; tous les secteurs ou presque voient cette nouvelle économie émerger3 (Fig.1).
Des millions d’individus4 semblent ainsi remettre en cause la question
de la propriété en se demandant pourquoi acheter et posséder alors que l’on peut partager. Si cet essor ressemble de prime abord à une tendance passagère, souvent associée à des initiatives bobo ou hipster bénéficiant d’une médiatisation abondante et concernant essentiellement une population urbaine jeune et branchée ; la prolifération de sites5, de start-up et d’applications mobile mais surtout l’intérêt que lui portent le monde académique, chercheurs, journalistes et scientifiques, tendent à confirmer qu’une nouvelle économie est véritablement naissante. Distributeurs et constructeurs automobiles ont été les premiers à investir cette économie du partage. Intermarché, Castorama, Ikea, proposent déjà aux gens de « covoiturer », d’autres réfléchiraient ardemment à proposer des dispositifs de troc et de partage. Du côté des constructeurs automobiles,
3 Théorisée par des prospectivistes comme Jeremy Rifkin ou des économistes comme Thomas Piketty ou Anne-Sophie Novel, cette économie collaborative, ce changement économique et social, ces transformations re- ou dé-structurantes stimulent, comme nous le verrons, le monde académique. En témoignent le déploiement de documentaires, hors séries, émissions de radio sur le sujet. En particulier, pour plus d’informations, visionner la série documentaire « Partage 2.0 » réalisée par Arte en 2014 consultable en ligne sur : http://future.arte.tv/fr/lesmodes-de-consommation-seraient-ils-en-train-de-changer# 4 Selon le magazine Forbes, la “sharing economy” pèserait ainsi 3,5 milliards de dollars en 2013, en progression de 25 %. Sans doute grâce aux 200 start- up s’intéressant à cette révolution qui tente de bouleverser les modes de consommation. Déjà, la plateforme communautaire Airbnb permettant de trouver un appartement a favorisé la réservation de quelque 10 millions de nuits dans plus de 33 000 villes et 192 pays. La France est d’ailleurs son deuxième marché avec 27 000 logements disponibles. 3 millions de personnes dans 235 pays ont déjà “couchsurfé” et plus d’un million de candidats inscrits au covoiturage l’ont déjà hissé au rang d’alternative crédible au transport en commun. 5 En particulier de plateformes Internet et think thank collaboratif comme Ouishare (http://ouishare.net), le blog de la consommation collaborative (http://consocollaborative.com/) ou l’un de leur cousin anglophone Shareable.net (http://www.shareable.net/blog/).
-9-
BMW a récemment fait une entrée remarquée en proposant une vraie solution d’autopartage6, Peugeot et Citroën ont déjà lancé leurs offres de mobilité7 ; enfin Norauto, qui est devenu Mobivia, s’est complètement réorganisé pour devenir un opérateur de mobilité ; le lancement de Buzzcar (plateforme d’autopartage entre particuliers) par Robin Chase (fondatrice de Zipcar, leader mondial de l’autopartage) est l’illustration la plus notable de cette nouvelle stratégie. Des solutions alternatives à la forme traditionnelle de l’achat de véhicule existent et se diffusent, remettant en cause nos comportements habituels de consommation. « Nous nous dirigeons vers une économie où l’accès aux biens s’impose sur leur possession »
8
affirme Lisa Gansky. Nous nous
mettons progressivement à moins posséder, à privilégier l’usage, et à partager davantage, nous consommons mieux en somme.
Tous semblent ainsi se mettre à l’heure du « co » et participer à la share
révolution, prêchée par des institutions comme la fing9 ou des plateformes comme Ouishare10, qui nous persuadent que ces nouveaux systèmes résoudraient les maux de notre société. En effet, comment ne pas être séduit par le discours attaché au partage et à ces initiatives d’échange, de mise en commun de biens et services permettant à la fois de recréer du lien social, de faire des économies et de réduire notre impact écologique11. Rappelons cependant que, si les médias ont tendance à nous faire croire le contraire, le partage au sens strict du terme, est à l’œuvre dans nos sociétés depuis longtemps. Déjà dans les sociétés primitives, l’entraide entre membres de la même tribu était le creuset de la vie en communauté12. En quoi les formes de partage prônées aujourd’hui
6 Lancé en 2011 à Munich, le service d’autopartage Drivenow est issu de l’association du constructeur automobile BMW et du loueur Sixt. Il est aujourd’hui présent dans sept villes, principalement en Allemagne (Munich, Berlin, Hambourg, Dusselforf, Cologne) mais également à Vienne et San Francisco. Plus d’informations sur : https://de. drive-now.com/en/ 7 Le service de mobilité Mu by Peugeot (http://www.mu.peugeot.fr/) offre un « bouquet de services de mobilité » en France tandis que Citroën Multicity, à l’œuvre à Berlin, propose un service d’autopartage automatisé de véhicules électriques, la C-Zéro. Plus d’informations sur : http://www.psa-peugeot-citroen.com/fr/responsabilite-sociale-environnementale/mobilite-durable/aide-mobilite 8 GANSKY Lisa, The Mesh. Why the future of business is sharing, Portfolio, Penguin group, 2010. p.21 9 Créée en 2000, La Fing (Fondation internet nouvelle génération) est un think thank de références sur les transformations numériques, travaillant notamment sur la question du share au sein du programme ShaREvolution. 10 Créée en 2010, Ouishare, est une plateforme et communauté de mise en réseau, de recherche et de prospective autour de la question de l’économie collaborative. 11 CONRAD Jessica et On the commons, Sharing Revolution, the essential economics of the commons, 81 p. E-book disponible gratuitement sur : http://www.onthecommons.org/magazine/our-new-ebook-sharing-revolution 12 Sacrée Croissance !, documentaire de Marie-Monique Robin diffusé sur Arte le 4 novembre 2014 à 20h50. (93 minutes).
- 11 -
diffèrent-elles de celles à l’œuvre depuis longtemps dans nos sociétés ? Si le share cristallise tant de ferveur, peut-être du au renouveau du phénomène et au manque de recul le concernant, nous tenterons de distinguer les valeurs, objectifs et aménités de ces différents mécanismes afin de questionner et mesurer ce discours idéaliste ainsi que d’évaluer les risques, dérives et limites possibles de ce système tant en termes éthiques, sociaux, économiques, environnementaux que territoriaux. Cette économie et cette nouvelle société du partage correspond-t-elle aux idéaux originels attachés au mot partage, et quel rapport existe-t-il entre le discours propre à ce système renaissant et la réalité ?
Au regard de l’autopartage nous nous attacherons ainsi à étudier les
mutations, mécanismes et dynamiques à l’œuvre dans notre société. Nous tenterons de décrypter et d’analyser la genèse et les composantes de cette nouvelle économie et organisation de la société en développement. Si cette économie du partage bénéficie d’une médiatisation panégyrique depuis ses débuts, plusieurs débordements ont récemment fait leur apparition dans la presse13, nous permettant de commencer à mesurer l’ampleur des mutations en cours ainsi que leurs conséquences, limites et risques éventuels. Nous nous interrogerons donc sur les critères permettant de présager un avenir pérenne à l’autopartage et au partage en général, en veillant à considérer le phénomène sous différentes échelles. Si ce propos pourra dans un premier temps paraître déconcertant, traitant de questions sociales et économiques, il s’agira ensuite de questionner l’avenir que ces transformations présagent à la ville, à l’urbanisme, au territoire et au paysage. En quoi ces changements, cette adaptation de la voiture et des comportements à l’usage partagé transforme-t-il le véhicule ? Comment la ville s’adapte-t-elle ou non à cette utilisation novatrice de l’automobile ? En quoi peut-on considérer l’autopartage comme le paradigme des changements économiques, territoriaux, environnementaux, sociétaux et sociaux en cours et dans quelle mesure la progression de ces écosystèmes du partage sont-ils en train de bouleverser notre manière de penser, de vivre et de se déplacer en ville et sur l’ensemble du territoire ? Dans quelles mesures ces changements nous invitent-ils à repenser le projet urbain, le rôle de l’architecte-
13 Aux Etats-Unis, deux chauffeurs de Lyft, un concurrent d’Uber, ont saisi la justice pour demander leur requalification comme salariés, AirBnB a également été rattrapé par la justice à New-York. Suite aux protestations des taxis, Uber a également été saisi par la justice à Paris. Reconnu comme ne respectant pas la loi, son interdiction reste en suspens.
- 13 -
CROISSANCE DE L’AUTOPARTAGE EN FRANCE (1999-2014)
41
courbe de croissance du nombre d’organismes d’autopartage
11
liselec
(Yelomobile)
caisse commune (Mobizen)
autocomm
(Citiz Bordeaux)
cityroul’ provence autopartage (Citiz Provence)
la voiture autrement
(Autolib Lyon)
alpes autopartage (Citélib)
modulauto
mobilib
(Citiz Toulouse)
lilas autopartage
connectby hertz
(Hertz 24/7)
marguerite otolis
auto’trement
keylib
drivy deways livop monautopartage
autocité
(Citiz Besançon)
buzzcar auto2
(Citiz IDF Ouest)
autocité +
(Citiz Angers)
(Citiz Alsace)
autolib autobleue avignon autopartage (Citiz Provence)
Fig. 2 L’autopartage : un phénomène en pleine croissance Source : Graphique personnel, données issues des sociétés d’autopartage
auto’tao ouicar koolicar mobili volt’ autociti (Citiz Tours)
mobizen
mobigo ! tripndrive travelercar also bluely région lib
2014
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
nombre d’organismes d’autopartage crééés par an
2000
1999
3
zipcar france bluecub citiz lorraine
urbanisme et les organisations socio-spatiales de nos territoires ? Partant du postulat que « ville et mobilité font système, se coproduisent mutuellement »14, nous interrogerons celle-ci à l’aune de ce véhicule partagé en étudiant et projetant les modifications de l’espace urbain en cours et à venir. UN MOT, DES RÉALITÉS
Si le nombre d’organismes d’auto-partage n’a cessé de croître depuis
la dernière décennie (Fig.2), l’auto-partage reste aujourd’hui encore un mode d’utilisation de la voiture individuelle très mal connu en France. La majorité de la population manifeste une connaissance partielle et parfois déformée de ces services, voire des erreurs d’interprétation dont la plus fréquente est la confusion avec le covoiturage. En effet, deux manières de partager un véhicule existent : le covoiturage, comme Blablacar.com15, qui consiste à se regrouper à plusieurs pour effectuer un trajet en commun et l’autopartage, à l’exemple d’Autolib ou Drivy.com16, qui se caractérise par l’utilisation, l’un après l’autre, d’un même véhicule pour des trajets distincts. Cependant, la pluralité des formes d’autopartage complexifie notre capacité à en donner une définition précise.17 Il est donc apparu indispensable dans un premier temps d’expliciter cette notion et les différentes réalités qu’elle suppose, dans un contexte à la fois francophone et international. Ce concept tardant à acquérir une définition française officielle, un foisonnement d’expressions non contrôlées et plus ou moins pertinentes existent. Au terme générique car-sharing largement utilisé par la communauté internationale correspondent dans la littérature francophone, les appellations « auto-partage » ou « autopartage », « voiture partagée », « véhicule en commun » ou « voiture commune », « véhicule en libreservice », «voiture à la demande », « voiture publique », « voiture banalisée »… La profusion de ces termes est révélatrice de la multiplicité des caractéristiques et de la diversité des systèmes d’autopartage existant. 14 WATCHER Serge, THEYS Jacques, CROZET Yves et ORFEUIL Jean-Pierre (sous la dir.), La mobilité urbaine en débat. Cinq scenarios pour le futur ?, Lyon, Débats du Certu, n°46, La Documentation française, octobre 2005 (CPVS), p.36 15 Plateforme communautaire lancée en 2004 mettant en relation conducteurs et voyageurs afin de mutualiser les trajets. Blablacar regroupe aujourd’hui huit sites internet distincts, assurant le covoiturage dans dix pays européens. (http://www.covoiturage.fr/) 16 Autolib est un système d’autopartage de voitures électriques présent en Île-de-France (https://www.autolib. eu/). Drivy est une plateforme d’autopartage entre particuliers lancée en 2010 (http://drivy.com/). 17 APUR, L’autopartage et autres modes alternatifs à la possession de la voiture particulière. Expérience à Paris, en France et à l’étranger, juin 2008. p.7
- 15 -
CITIZ IDF OUEST
€
2,7 à 3,5 €/h 0,4 à 0,47€/km
154
10
ZIPCAR € 6 à 7 €/ h
N.C
100
KEYLIB 1 à 2 €/h € 0,15 à 0,35€/km
AUTOLIB’ 5,5 à 9 €/ € 1/2 heure
50 000
2578
MOBIZEN (VEOLIA) 1,5 à 2 €/h € 0,21 à 0,41€/km 3000
AUTO’TAO (VILLE + KEOLIS) 5 ou 7,5 €/h 4 € 0,35 à 0,4€/km N.C
1200
20
LILAS AUTOPARTAGE (VILLE + KEOLIS) 2,3 à 3,1 €/h 86 € 0,34 à 0,52€/km 2000 MOBIGO ! 2,2 à 3,6 €/h € 0,32 à 0,45€/km
AUTOCITÉ + (CITIZ ANGERS) 2,6 €/h 21 € 0,27 à 0,36 €/km 400 CITYROUL’ 2,5 à 5 €/h € 0,2 à 0,6 €/km
lille 350
metz
paris
L’AUTOPARTAGE EN FRANCE (2014)
CITIZ TOURS 2,2 à 3,3 €/h € 0,32 à 0,45€/km 200 RÉGION LIB 1er 1/4 d’heure € à 3,5€ puis 1,5€
etz
y
120
YELOMOBILE 430 € 3 à 7€/h
strasbourg colmar
OTOLIS belfort € 2,3€/h 0,35€/km
nçon
necy ery
N.C
CITIZ BORDEAUX 2,04 à 3,7 €/h 1500 € 0,3 à 0,5€/km
nantes
niort
besançon
bordeaux
ALSO 1 à 2,5 €/h € 0,2 à 0,35€/km
750
80
toulouse
montpellier
12
2,1 à 3,5 €/h 0,4 à 0,63€/km
830
34
SUNMOOV 4 à 5 € par € 1/2 heure
N.C
6
CITÉLIB 2 €/h € 0,26 à 0,48€/km
4 500
N.C
AUTOBLEUE € 5 à 8,5 €/h
2500
210
N.C
4 500
BLUECUB (BOLLORÉ) 6 à 9€/ par N.C € 1/2 heure 4 500
67
€ BLUELY € 0,2 à 0,3€/min
grenoble
15
51
3400
AUTOLIB
annecy chambery
lyon
angoulême 44
2,2 €/h 0,35 €/km
€
CITIZ BESANÇON 2,2 à 3,6 €/h € 0,32 à 0,45€/km 300
poitiers
la rochelle
30
strasbourg belfort
dijon
tours
16
9
colmar
orléans
angers
16
CITIZ ALSACE
nancy
rennes
30
47
CITIZ LORRAINE 2,2 à 3,6 €/h € 0,32 à 0,45€/km 750
25
pontoise
MARGUERITE 5 €/h 1 000 € 0,50 €/km
150
avignon nice
marseille
MOBILI VOLT’(COFELY INEO) 130 15 € 4 à 5,5€/ h
perpignan CITIZ TOULOUSE
€
2,2 à 3,92 €/h 0,34 à 0,54 €/km
1200
30
MODULAUTO
€
2,7 à 3,5 €/h 0,4 à 0,47 €/km
1200
30
CITIZ PROVENCE 2,2 €/h 1300 € 0,35 €/km
80
villes possédant plusieurs systèmes d’autopartage systèmes d’autopartage coopératifs systèmes d’autopartage publics systèmes d’autopartage privés réseau citiz Fig.3 Carte des 30 sociétés d’autopartage françaises dont les périmètres sont restreints et attachés à des villes (autopartage commercial, privé et public et sociétés coopératives) Source : Carte personnelle réalisée avec l’aide des CGAU des différentes sociétés d’autopartage
À l’occasion d’une loi pour la promotion de l’autopartage, en 2009 (révisée
par décret en 2012), le Sénat a élaboré une définition juridique conditionnant l’attribution d’un label. Selon celle-ci, « L’autopartage consiste à permettre à un consommateur d’avoir accès à une flotte de véhicules, moyennant un paiement prenant en compte la distance parcourue et le temps écoulé. Il diffère de la location classique sur plusieurs plans : - le consommateur est identifié de façon préalable, par un abonnement auprès d’un prestataire de services ou par l’acquisition de parts dans une société coopérative ; - cette identification préalable permet des modalités de réservation de véhicule automatisées, extrêmement simplifiées et performantes, puisque le consommateur peut réserver son véhicule 24 heures sur 24, 365 jours par an, et formuler sa réservation de façon quasiment simultanée avec la prise du véhicule ; - le fonctionnement du système suppose que le territoire couvert par la structure d’autopartage soit maillé par plusieurs points de prise et de dépôt des véhicules, afin de supprimer les déplacements inutiles consistant uniquement à ramener le véhicule à l’exploitant. » 18. Cette définition, bien qu’ayant l’avantage d’essayer de clarifier l’utilisation de ce terme, n’est cependant pas la plus exhaustive dans la mesure où elle vise l’attribution d’un label.
L’autopartage regroupe différentes réalités qui nécessitent d’être
distinguées (Fig.3). En effet, quatre systèmes d’autopartage peuvent être répertoriés (Fig.4). On distinguera d’une part l’autopartage privé entre particuliers qui se définit par la « mise en commun d’un ou parfois de plusieurs véhicules utilisés par des amis, des voisins ou des proches »19. Le véhicule appartient à l’un des autopartageurs ou est possédé en commun. De cette forme « traditionnelle » d’autopartage a découlé et s’est organisée, grâce à Internet, la location de voitures entre particuliers, consistant à louer pour une courte ou longue durée sa voiture à des personnes qui, dans la plupart des cas, ne se connaissent pas auparavant. Si le premier système découlait d’une initiative communautaire et d’une volonté de partager avec assurément des idéaux environnementaux et sociétaux, le deuxième atteste davantage de motivations
18 Article 19 – Définition de l’autopartage et création d‘un label spécifique in Projet de loi portant engagement national pour l’environnement, rapport n°552 (2008-2009), déposé le 9 juillet 2009. Source : Sénat http://www.senat.fr/rap/l05-333/l05-3331.html 19 CORDIER Bruno (dir.), L’Autopartage entre particuliers, étude réalisée par ADETEC pour le compte de l’ADEME et du MEEDDM dans le cadre du PREDIT, octobre 2009. p.14. Consultable sur : http://www.adetec-deplacements.com/rapport_autopartage_entre_particuliers.pdf
- 17 -
AUTOPARTAGE EN LIBRE-SERVICE De l’entreprise au consommateur (B2C) Une entreprise possède une flotte et facilite son utilisation par les usagers
PARTICULIER à particulier (P2P) Une personne possède une voiture et permet son usage directement d’une personne à l’autre
AUTOPARTAGE COMMERCIAL Une entreprise possède une flotte et optimise l’utilisation de ses véhicules
Fig.4 Trois principaux modèles d’organisation de la consommation collaborative Source : Diagrammes personnels
économiques occasionnant rarement une relation de l’échange s’inscrivant dans la durée. À ces formes d’autopartage privé entre particuliers s’ajoute l’autopartage public urbain20, sans doute la forme d’autopartage la plus connue de part sa médiatisation, notamment à travers Autolib de Bolloré. Ce service public délégué à des entreprises consiste à mettre à disposition des véhicules, la majorité du temps en libre-service, qui permettent la location à la minute et de manière spontanée. Issues d’appels d’offre de communes, de communauté de communes ou de conseils régionaux, ces initiatives s’inscrivent dans les politiques de transports et participent à la promotion d’une nouvelle utilisation de l’automobile comme service intégré dans la palette des transports collectifs. Enfin, on distinguera une dernière catégorie d’autopartage, que l’on qualifiera de « commercial »21 dans la mesure où il concerne une offre issue d’entreprises privées à but lucratif. D’une part, les flottes internes d’entreprises et de collectivités, qui sont en fait un système de gestion optimisée des véhicules permettant de partager un véhicule entre plusieurs employés. D’autre part, l’extension de l’offre développée par les entreprises de location de voitures ou par d’autres entreprises qui propose des locations de (très) courte durée (à l’heure ou la journée) de véhicules à des clients préalablement inscrits comme abonnés au service.
Le terme « autopartage » dissimule donc des réalités très différentes
(Fig.4). Si ces définitions peuvent provisoirement paraître sommaires, on s’attachera, au cours de ce mémoire, à expliciter et comparer les normes, valeurs et idéaux propres à chacune d’elles, les mécanismes et particularismes de ces systèmes, ainsi que leur avenir et leurs conséquences pour la ville de demain. L’objet de ce travail sera également de rendre intelligible les différents modes de constitutions de ces structures dans une perspective tant historique que génétique. Une étude historique et sociologique envisagera les modes de vie que l’autopartage ou les systèmes d’autopartage suggèrent et engendrent afin d’imaginer leur implication sur les modes de fabrication de la ville de demain.
20 CORDIER Bruno, Les trois formes d’autopartage destinées aux particuliers, ADETEC (Bureau d’étude en transports et déplacements), 2009. Consultable sur : http://www.adetec-deplacements.com/les-trois-formes-dautopartage.pdf 21 LAMURE Claude (dir.), Automobiles pour la ville à l’horizon 2010. Nouvelles gestions de l’automobile urbaine. Partenariats avec les transports publics, Lyon, CERTU, Avril 1999. p.21. Consultable et téléchargeable sur http:// www.communauto.com/images/Nouvellesgestion.pdf
- 19 -
État de l’art
Le fort intérêt de la communauté académique pour ce thème et les
multiples champs disciplinaires sollicités sont à l’origine d’une littérature abondante. Si la question de l’autopartage fait couler beaucoup d’encre depuis la dernière décennie, il ne constitue pas une innovation récente mais un processus en marche depuis plusieurs années, de sorte que des informations diverses et variées sont disponibles sur le sujet. La variété des ressources rassemblées ont permis de constituer un regard pluridisciplinaire sur la question tant d’un point de vue historique, technique, économique, environnemental, sociologique qu’urbanistique. Ce travail de recherche prend source en 1951, avec le premier projet théorique de « véhicules banalisés » ou « citadines »22
proposé par
l’urbaniste Jacques d’Welles dans la revue Urbanisme, qui imagine un système permettant de résoudre le désordre urbain qu’était la ville en redonnant son efficacité du « porte-à-porte » à la voiture individuelle. Ce projet préfigura plusieurs autres réflexions menées au cours des années 1950 sur la congestion automobile. Dans leur article « Restructuring the form of car ownership : A proposed solution to the problem of the motor car in the United Kingdom »23 paru en 1969, Fishmann et Wabe proposaient rien de moins que l’implantation à Londres d’une multitude de garages communautaires où auraient été garés des véhicules disponibles à l’ensemble des résidents de la ville se substituant aux véhicules possédés individuellement par les ménages. Plusieurs documents, principalement des articles, ont ainsi constitué une première source théorique sur les prémices de l’autopartage.
Ce travail s’est également appuyé sur la multitude de documents
d’analyse et bilans d’expériences rédigés à partir du début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui, issu d’une part des entreprises et acteurs privés de l’autopartage, et de l’autre des institutions, centres et groupes de recherche concernés par la thématique de la mobilité, de la ville ou de la société comme
22 D’WELLES Jacques, « À propos de circulation urbaine... » in Urbanisme, vol. 20, n°.11-12, Paris, 1951, p. 56. 23 FISHMAN, Leslie and WABE, J. Stuart, « Restructuring the form of car ownership : A proposed solution to the problem of the motor car in the United Kingdom » in Transportation Research, vol. 3, n°4, Pergamon Press, 1969, pp. 429-442.
- 21 -
l’ADEME24, 6t25, la Fing26, le groupe Chronos27, le CERTU28, le TCRP29, tant au niveau national qu’européen et international. Ces travaux ont été rédigés par différents acteurs à commencer par les opérateurs d’autopartage eux-mêmes désireux de partager, de comparer, de communiquer, de convaincre et de poser un regard réflexif sur leurs expériences. Le fondateur et directeur général de Communauto30, Benoît Robert et son entreprise ont eu une production particulièrement prolixe. Ayant effectué un travail de recherche conséquent avant de se lancer dans son entreprise d’autopartage, Benoît Robert a d’abord diffusé ce travail de genèse, d’historique et d’analyse des systèmes d’autopartage à travers son site Internet communauto.com ainsi que dans un mémoire datant de 2005. D’autre part, Communauto a été l’initiateur ou le partenaire de plusieurs autres études, traitant notamment du rapport entre l’autopartage et les transports en commun. Ces différents rapports alimentent l’idée que l’autopartage serait la clef de voûte des mobilités alternatives et donnerait une nouvelle efficacité aux transports en commun, permettant ainsi de concurrencer celle, jusque là inégalée, de l’automobile individuelle.
De nombreux autres travaux engagés par des institutions françaises
(ADEME, CERTU) associées aux transports et à la ville concernent cette même dialectique que l’autopartage entretient avec la mobilité et les transports publics. Tandis que d’autres se concentrent sur la notion d’autopartage dans l’explicitation de ses caractéristiques et visent à communiquer et rendre davantage intelligible ce concept parfois obscur. Le CERTU a commandé plusieurs études dont « Automobiles pour la ville à l’horizon 2010. Nouvelles
24 Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, l’ADEME est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) ayant pour mission de susciter, animer, coordonner, faciliter ou réaliser des opérations ayant pour objet la protection de l’environnement et la maîtrise de l’énergie. 25 6t est un bureau de recherche urbaine spécialisé dans la mobilité. Le collectif a en particulier publié Les usages de la mobilité. Pour une ingénierie des modes de vie, Paris, Loco, 2013, 168p. 26 Fing : Fondation internet nouvelle génération, think thank créé en 2000 par un groupe d’experts et d’entrepreneurs cherchant à anticiper les transformations numériques. 27 Fondé par Bruno Marzloff en 1993, le groupe Chronos est un cabinet d’études et de prospectives dont les travaux s’articulent autour de plusieurs thèmes : les services innovants, le futur des territoires et des mobilités, l’évolution des organisations individuelles et communautaires, etc. 28 Organisme d’étude du Ministère français de l’Urbanisme, le Certu est le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques. 29 Implanté à Washington, le TCRP (Transit Cooperative Research Program) est un programme de recherche américain sous contrat qui développe à court terme, des solutions pratiques aux problèmes auxquels sont confrontés les organismes de transport. 30 Fondé en 1994 à Québec, Communauto fait figure de pionnière en Amérique, en tant que gestionnaire du plus ancien et de l’un des plus importants services d’autopartage à avoir vu le jour de ce côté-ci de l’Atlantique. (http://www.communauto.com/)
- 23 -
gestions de l’automobile urbaine. Partenariats avec le transport public » datant d’avril 1999 mais aussi un « État de l’art de l’autopartage de voisinage en Europe et en Amérique du Nord » en 2011. Il existe de nombreux autres documents recensant et comparant les multiples initiatives d’autopartage en Europe et en Amérique du Nord, ces documents étant issus d’instituts de différentes nationalités. En 2005, le TCRP a publié un document de deux cent soixante-quatre pages intitulé « Car-Sharing : Where and How It Succeeds », recueil d’informations important explorant la diversité et les facteurs de la réussite de l’auto-partage. De nombreux autres brochures et rapports ont été soutenus ou commandés par l’Union européenne, qui s’intéresse de près à l’autopartage. Le rapport « The Emergence of a Nation-wide Carsharing Co-operative in Switzerland » écrit par Sylvia Harms et Bernard Truffer en 1998, suite à une étude de deux ans soutenue par l’Union Européenne, a aussi constitué un apport important en ce qu’il analyse précisément le cas suisse dont on a beaucoup à apprendre. Les publications des programmes européens momo, TOSCA et MOSES31 qui visent tous trois à diffuser l’autopartage en Europe, sont également des ressources intéressantes en ce qu’elles suggèrent la diffusion de l’autopartage à une échelle vaste, jusqu’ici jamais réalisée.
Les ressources sont très nombreuses sur l’autopartage, mais se
concentrent principalement sur l’explicitation, la réalisation d’inventaires et la communication autour de ce concept relativement novateur. Son rapport avec les transports publics et les mobilités alternatives et l’étude de sa validité commerciale sont également deux thématiques connexes majeures. Si ces rapports évoquent hâtivement les conséquences de l’autopartage sur la ville (libération d’espace, diminution de la circulation automobile, etc.), ils ne questionnent pas ou peu l’avenir de la ville à l’aune de ce nouveau mode de transport « révolutionnaire ». D’autre part, de nombreux sites internet, blogs, articles et quelques ouvrages traitant de la consommation collaborative et de la société du share nous invitent à considérer l’autopartage non comme un phénomène isolé mais comme le chaînon d’un renouveau économique et d’une manière de consommer émergente et novatrice. Les sites internet Shareable. net, consommationcollaborative.com constituent des ressources dynamiques et
31 Ces trois programmes européens : momo project (more options for energy efficient mobility throught Car-sharing) ; Tosca (Technological and Operational Support for Car-sharing) ; Moses (mobility services for urban sustainability) ont été menés au cours des années 2000, témoignant de la préoccupation européenne de favoriser l’autopartage à son niveau d’action.
- 25 -
fertiles sur le sujet de la société du partage, permettant de découvrir la diversité du panel des biens partagés qui s’ajoutent à la seule voiture particulière. Plusieurs économistes, sociologues et philosophes ont récemment théorisé cette société du share émergente. L’économiste Anne-Sophie Novel, a publié en 2012 Vive la CoRévolution ! Pour une société collaborative, suivi de La vie share : mode d’emploi un an après. D’autres auteurs, à l’exemple de Jeremy Rifkin32 ont également théorisé cette mutation de la société prédisant selon le titre d’un de ses derniers livres, La Troisième Révolution Industrielle (Les liens qui libèrent, 2011) fondée sur les nouvelles technologies de la communication.
Considérer l’autopartage à la lumière d’une mutation de la société
vers le share, en évaluant les conséquences de ces nouveaux modes de vie, de consommation et fabrication de la ville, du paysage et du territoire constitue ainsi une approche novatrice de l’autopartage que nous nous efforcerons de développer au cours de ce mémoire. Ce sujet, profondément ancré dans l’actualité et dans la prospective, constitue une thématique relativement neuve sur laquelle nous manquons encore certainement de recul. Si nombreux sont les articles et documents encensant ces nouveaux modes d’organisation, rares sont ceux tentant d’en mesurer les limites et les risques ou les répercussions en termes d’organisation spatiale et territoriale, d’aménagement du territoire, d’infrastructures, d’urbanisme et de conséquences sur notre cadre et nos modes de vie.
32 Economiste et essayiste américain spécialiste de prospective, Jeremy Rifkin est la figure de proue de la théorisation de ces mutations. A l’image de son dernier livre, La nouvelle société du coût marginal zéro : L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme [« The Zero Marginal Cost Society: The internet of things, the collaborative commons, and the eclipse of capitalism »], Les liens qui libèrent, 2014, 510 p.
- 27 -
Hypothèses
En vertu des nombreuses ressources déjà existantes, nous nous
efforcerons de proposer un regard singulier sur la problématique de l’autopartage en évaluant ses répercussions sur la fabrique de la ville, du territoire et de nos modes de vie. Partant du postulat que ville et mobilité évoluent de manière symétrique, nous questionnerons le potentiel de l’autopartage comme nouveau système de mobilité et moteur d’un urbanisme renouvelé. S’attachant à mettre en évidence le(s) projet(s) urbain(s) latent(s) des systèmes d’autopartage, nous étudierons leurs implications spatiales et infrastructurelles sur l’espace public autant que leurs conséquences en termes de modes de vie. La réflexion tendra ainsi à mettre en évidence la force de modification urbaine propre à l’autopartage. Entendons ici la puissance de transformation de la ville et du territoire, non seulement en terme spatial et infrastructurel mais également du point de vue théorique et politique, dans les structures et acteurs qu’elle convoque. Nous essayerons de combiner différentes échelles de réflexion, nous intéressant tant à l’échelle de la ville et sa périphérie, qu’aux territoires ruraux et à la dimension territoriale, nationale voire internationale de ce phénomène. Par cette démarche, nous entendons proposer un regard prospectif et questionner les potentiels, limites et risques tant physiques, théoriques que pratiques de l’autopartage et du partage de manière générale. Nous attacherons un intérêt tout particulier à nous extraire du discours commercial et journalistique enthousiasmé par l’autopartage et la société du share pour évaluer les conséquences urbaines à différentes échelles et proposer une vision objectivée de ce phénomène.
- 29 -
55 s
Localisation Opérateur
Paris Mobizen
Zipcar
Superficie (km2) Population Statut juridique
Date de création
Service Slogan
Système
Autolib
Nantes
Lille
La Rochelle
Marguerite
Lilas Autopartage
Yélomobile
65 287 845
40 227 533
28 80 014
SAS NANTES AUTO PARTAGE
SCIC
Société TRANSDEV (délégation de la Communauté d'Agglomération de La Rochelle)
2008
2007
1999 (ex-Liselec)
privé
public
public
Keylib
105 2 211 000 Société Mobizen SASU
Zipcar France SAS
SAS Autolib'
Key’Lib SA
2011 2009 2014 Autolib', filiale du groupe Bolloré D’abord destiné au monde 1999 Fondé en 2000 aux Etats-Unis par créée suite à l'appel d'offre universitaire depuis 2009, Keylib a Fusion de Caisse Commune (1999) Robin Chase, racheté en 2013 par la remporté, chargé du développement ouvert en 2011 son service au grand et Mobizen (2007) en 2011, racheté société de location Avis, Zipcar et de l'exploitation par Autolib' public francilien et a vu son savoirpar l'entreprise québécoise remplace désormais le programme Métropole (syndicat mixte ouvert faire reconnu par l’attribution du Communauto en 2012 Avis on Demand en France chargé du développement du service label « Paris Autopartage » de la ville de Paris public) privé privé public privé "La simplicité de la voiture à la carte"
"Plus besoin de voiture, je les ai toutes"
"Simple, pratique, électrique, économique"
"Des voitures en libre-service "Louez une voiture en libre-service à "Ma voiture en libre-service 24h/24 à disponibles 24h/24 et 7j/7, "Tous vos déplacements à la carte" partir de 1 /heure" Nantes" accessibles dans différentes stations de la métropole lilloise"
Usage en ligne d'une station à l'autre ou en boucle en revenant à la station de départ
Retour de la voiture à l'endroit initial
Coût d'utilisation
2 formules : inscription (50 à 100 ), 5 formules : abonnement annuel à 3 formules : Liberté sans abonnement mensuel (12 /mois, 120 , abonnement mensuel à 25 , engagement, forfait heure ou 6 /mois pour les étudiants) ou prix à journée; Standard à 7,9 par mois, abonnement à la semaine à 10 , l'usage (à l'heure et au km) forfait partagé (100 pour 2 mois), Fréquence à 19,9 par mois, Carte Libertan (carte de mobilité tarif à la minute, sans caution + Tarif engagement minimal de 3 mois, tarif permettant accès à bicloo et au entreprises + Abonnement Recharge à l'heure et au km + Tarif entreprises réseau de transport de AUTO et associations l'agglomération nantaise) ; Offre Pro
2 formules : Offre d'essai de 3 mois à 6 (5 pour les étudiants, demandeurs d'emploi ou + de 60 ans), Abonnement 1 an à 72 , dépôt de garantie (70 ) et caution (500 ); Offre Pro; forfait journée, calcul fixé à l'heure et au km, gratuit la nuit (23h5h), frais de réservation
Prix temps
1,50 /h – 15 /j à 4,60 /h - 46 /j en semaine 2 /h – 20 /j à 5,1 /h - 51 /j le weekend
5,5 à 9 par 1/2 heure d'utilisation (0,18 à 0,3 /min)
1 /h – 19 /j ; 2 /h – 29 /j ; 4h/20 ; 24h/39 ; +0,90 /h le samedi, dimanche et en semaine de 18h à minuit
2,30 /h à 3,10 /h en fonction des véhicules, à partir de 20,70 /j
Prix km
Mode d'emploi Réseau Citiz
Avantages /Partenariat
réservation sur internet ou par téléphone, utilisation de la Zencarte pour accéder au véhicule non
non
Trois types de véhicules : voiture de tourisme Diesel (Classe A, Clio), voiture de tourisme hybrides (Yaris), voitures utilitaires Diesel (Kangoo)
Localisation des stations
Dans un parking (Q-Park, BoulogneBillancourt) et sur voirie. 4 stations en banlieue (Neuilly-sur-seine, Boulogne-Billancourt, Ivry-sur-seine, Saint-Mandé)
Appartient au groupe canadien Communauto. Obtention du label Autopartage de la Mairie de Paris et emplacements de stationnement réservés sur la voirie
Livop
Nombre de stations Nombre de véhicules Nombre Société d'utilisateurs Livop Ltd
0,50
l’heure
le kilomètre
réservation possible des places de réservation obligatoire sur internet, réservation sur internet ou par réservation obligatoire sur internet ou parking/voiture sur internet, par téléphone (coût) ou smarthphone, téléphone, utilisation de la Zipcarte par téléphone, utilisation de la Keylib téléphone ou dans les bornes. Accès utilisation du pass LIBERTAN ou pour accéder au véhicule pour accéder au véhicule marguerite pour accéder au véhicule au véhicule via le badge Autolib non
non
Possibilité d'utiliser le système d'autopartage dans les villes de : Offres de réductions avec les Atlanta, Austin, Baltimore, Barcelone, musées de la Ville de Paris (1 place 10 à 20% de réduction pour location Boston, Chicago, Londres, Los achetée, une place offerte avec chez ADA Angeles, New York, Paris, l'abonnement Autolib) Combinaison Offre spéciale pour les clients du golf Philadelphie, Pittsburgh, Portland, du pass avec le pass Navigo Providence, San Francisco, Seattle, du bois de Boulogne Réduction pour le parrainage de Toronto, Vancouver, Vienne et nouveaux adhérents Washington DC (870,000 membres, 10 000 véhicules)
Type de véhicule
Aides publiques / Contributions / Réseau
De 0 à 150 km : 0,35 /km ; 150 km + : 0,15 /km
Prix jusqu'à 80 km inclus puis 0,24 à 0,29 / km supplémentaire
0,21 à 0,41
5
9 types de véhicules : Peugeot 208, Opel Vivaro, Opel Zafira, Peugeot 3008 hybride
1 seul type de véhicule : voiture électrique Bluecar
Essentiellement dans des parkings souterrains et sur voirie 1 station en banlieue (La Défense)
Dans des parkings et sur voirie Stations réparties sur 66 communes de l'agglomération parisienne (environ 500 véhicules à Paris, 300 en banlieue)
Appartient au groupe Avis Budget Group
Koolicar
Appartient au groupe Bolloré
TripnDrive
N.C
1 seul type de véhicule : Clio de la Gamme Renault Eco
non Stationnement gratuit dans la rue et les parkings NGE à Nantes et à Rezé, places de parking réservées, Accès autorisé Cours des 50 Otages et Zones piétonnes Tarif préférentiel chez Europcar ou Loc Eco (location voiture d'un jour ou+), Tarif réduit sur la location de vélos bicloo et NGE, Ticket TAN 7 jours offert; tarif réduit aux porteurs d'une carte LIBERTAN, abonné annuel bicloo ou NGE ou abonné location de voiture Zenius ou Véhicule Idéal
4 types de véhicules : Renault Twingo, Ford Fiesta, Peugeot 308 et Renault Mégane
2
p
"Ma voiture él se
Choix de formules d'abonnement avec un tarif minimal d'abonnement par mois (10, 50, 100, 150, 250 ) et un tarif d'usage dégréssif à la minute (prise en charge : 1 à 2 par utilisation), Offre Escale pour une semaine : 5 d'inscription + 14 de l'heure (30 premières minutes indivisibles)
3 à 7 /h (facturé à la minute)
Plusieurs form sans engagemen de 26 ans, étudia fréquence (tout Différentes form l'offre des véh FLEX ou Autoble de départ à 26 , pour les p
8,5 /h ou 9 /3 5 /h ou 6 /30 m
0,34 /km à 0,52 /km réservation obligatoire sur internet, téléphone ou smarthphone, utilisation de la carte Lilas ou PASS PASS pour accéder au véhicule oui
25 % de réduction sur tous les km au-delà de 100 km, gratuité des heures supplémentaires à partir de 9h de location consécutives, -50% sur l'adhésion pour les abonnés Transpole et SNCF Partenariat avec DML pour la location longue durée
9 types de véhicules et 5 gammes (micro, citadine, modulo, monospace, handi)
réservation fac inscripton, réservation facultative, d'un badge (bad utilisation d'un badge pour accéder carte Azur, téléph au véhicule carte Lignes d’Az vé non
Une carte unique de transport, la Abonnement com Yélo donnant accès à l’utilisateur à Stationnement d un réseau composite de mobilité : voirie" gratuit s bus, vélos, bateaux, tram-train, des communes d voitures électriques, parcs-relais, mer et Beaulieu navettes, covoiturage, taxis… dans la Princip
2 types de véhicules : C-Zéro et Mia, voitures électriques
5 types de véh Renault ZOE, Berlingo Citroën mia
Stations proches des transports en Dans des parkings principalement et commun (équipées d'arceaux sur voirie à Paris, en Ile-de-France automatiques) et implantées sur des Stations sur la voirie à la Rochelle et Stations sur la v (Palaiseau, Gif-sur-Yvette, Jouy-en- Sur la voirie dans la ville de Nantes à Aytré, situées à proximité des les villes proche places de stationnement extérieur Josas, Chatenay-Malabry, Cachan) et à Rézé (système d'arceaux pour la équipements (piscine, préfecture, Beaulieu-sur-m dans 11 communes de la métropole réservation des emplacements de et à Lille. Présence sur les campus gare, médiathèque, centre mer, La trinité, lilloise (Ronchin, Hellemmes, Mons parkings) d’HEC, Polytechnique, Supélec, commercial…) Vence, St L en Baroeul, La Madeleine, Ecole Centrale, ENS Cachan, Lambersart, Croix, Roubaix, AgroParisTech et EDHEC Lille Tourcoing)
Fig.5 Extrait du tableau comparant 50 systèmes d’autopartage recensés sur le territoire français. Etude réalisée entre janvier 2014 et décembre 2014. Ci-dessous : critères de comparaison utilisés
Obtention du label Autopartage de la Projet privé non subventionné porté par la filiale du groupe SEPAMAT et Mairie de Paris. Partenariat et TRANSDEV VEOLIA soutien de l'ADEME et de PUR projet
TravelerCar
90
60
900 (4700 bornes de recharge)
19
150
100
2 900
20
Crééé par la ville de Lille et Keolis. Partenariat avec Lille Métropole, la région Nord-Pas-de-Calais, l'ADEME, les Scop, Transpole, les cigales, autonomie et solidarité, Garrigue et la Macif
Service public délégataire ayan Métropole Nic service est exp VENAP, filiale de Service public, projet géré par et TRANSDEV VEOLIA, équipé par Partenariat av Proxiway et soutenu par la transport de N Communauté d'Agglomération de La Auchan la Trinité Rochelle. de Nice, le centr monde marin, l'O Côte d'Azur, Un t Le Nice Jazz F court mét
NOMENCLATURE DES 5O SYSTÈMES D’AUTOPARTAGE 27
33
13
recensés en France en 2014 selon les critères 30 86 44 suivants : 3000 N.C 70 000 1200 1000 430 - localisation 2000 (700 professionnels) SAS Koolicar SAS TND Société TRAVELER CAR - statut juridique Utilisation uniquement en Ile-deUtilisation minimale d'unede heurecréation -date France, dans la « Zone Autolib' ». La Circulation autorisée dans les pays Utilisation limitée aux pays de - type de service Trajet moyen de 5-6 h pour 40 à 50 sortie de la Zone Autolib' fera l'objet suivants : Allemagne, Autriche, l'Union européenne, nécessité de d'un appel dans le Véhicule Autolib' km Belgique, Danemark, Espagne, prévenir Lilas lorsque l'on va à Location à l'heure ou à la journée Conditions slogan Circulation permise uniquement dans jusqu'à 7 jours d'un coup, jusqu'à 80 par le Centre de Relations Clients à N.C Finlande, France, Grèce, Irlande, l'étranger. Possibilité de louer à partir Autonomie proche de 130 km d'utilisation l'Abonné/ l'Utilisateur. 250 km Italie, Luxembourg, Norvège, Pays- de 1h, puis au delà d’1h, à la demie les pays membres de l'Union km de conduite inclus par jour 2010 2012 2013 2013 - fonctionnement système d'autonomie en usage urbain Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, heure, une du Européenne journée complète jusqu’à 150 km d'autonomie sur autoroute Suisse à l'exclusion de tout autre 3 jours maximum. - coût d’utilisation Durée minimale de 20 minutes pays - mode d’emploi - réseau Citiz privé privé privé privé (réseau coopératif d’autopartage français) Forfait partagé 8H permettant que plusieurs personnes d'utiliser le "Autopartage entre voyageurs Proposition de voitures "Famille" "L'autopartage intelligent" "Location de voitures entre - avantages et partenariats avec mise à disposition de siège transporter des de chaque voiture par un Appelation de chaque voiture par un véhicule Possibilité de disposerdu services pour les voyageurs" ParkingInterdiction gratuit etdelocation de voitures "Avec Livop, la voiture change deAppelation particuliers sans échange de clés, denom"Autopartage Bouton Remarques, nom SOS à l'intérieur du véhicule animaux, des matériaux lourds ou bébé ou réhausseur d'accessoires: GPS, réhausseur, - type de véhicules disponibles 1 heure plusieursPossibilité jours" d'ajouter des membres de permettant l'accès au Centre de aux aéroports" main" inflammables. Possibilité d'inscrire N.C Possibilité d'utiliser un à abonnement Disponibilité d'un pass multisiège bébé, crochet d'attelage et spécificités, relations clients. un deuxième conducteur à son à plusieurs grâce à un système de conducteurs. Interdiction d'utiliser le offre d'une voiture pour personnes à sa famille ou des amis sur son options - localisation des mobilité stations abonnement réduite "co-abonné" véhicule pour l’enseignement de la compte afin qu'ils puissent conduire. Animaux, chargement de colis lourds et déménagements interdits à bord conduite - aides publiques / contributions / réseau du véhicule Autolib’ Retour de la voiture à proximité de Retour de la voiture à proximité de Retour de la voiture à l'endroit Retour de la voiture à l'endroit - nombres de stations, véhicules et utilisateurs l'endroit de départ l'endroit de départ convenu avec TripnDrive convenu avec TravelerCar - conditions d’utilisation - remarques, spécificités, options Age minimum de 20 ans. Etre titulaire Age minimum de 21 ans. Etre titulaire Tout détenteur d'un permis de Age minimum de 18 ans et permis de Conditions d’un permis de conduire depuis au d’un permis de conduire depuis au l'Union Européenne et Suisse, de N.C - conditions préalables d’inscription et d’accès au conduire valide depuis plus d'un an d'inscription moins un an et valide en France moins deux an et valide en France plus de 18 ans service
Pas d'abonnement, à partir de 3 Pas de frais d'inscription, prix de la euros/heure et 15 euros/jour (50 km location automatiquement calculé en Le prix de la location inclus un forfait kilométrique journalier de 150 inclus par jour), possibilité de fin de Location sur la base de l’usage réel du Véhicule calculé par la kilomètres. Le Locataire peut opter proposer son propre prix au KoolBox et par application du pour l'option payant "Kilométrage de propriétaire. barème kilométrique et horaire fixé illimité", 500 de caution de Offre entreprises et collectivités, par Koolicar. caution (800 )
34
Sociét
Usage en ligne d'une station à l'autre Usage en ligne d ou en boucle en revenant à la station ou en boucle en de départ, d'une seule traite ou avec de départ sel un arrêt en cours d'utilisation
Retour de la voiture à l'endroit initial
4 formules (3 membres et 1 nonmembre) : engagement minimal de 6 mois, avec ou sans dépôt de 2 formules : Abonnement annuel à garantie (150 ), cotisation mensuelle 59 ou abonnement mensuel à 5 , tarif à l'heure, pas de frais (3 à 25 ), tarif à l'heure, à la journée d'inscription + Tarif entreprises et au km, tarif longue distance (jusqu'à 80 km par jour) (29,95 /j ou 149,75 /semaine), heures de nuit gratuites, et tarif entreprises
6 à 7 /heure et 60 à 70 /jour
N
Aut
Forfait de 150 kilomètres par jour de location, cumulables pendant la durée de la location, dans la limite de 3 500 km par location. Tout kilomètre supplémentaire au-delà de 3 500 km sera facturé au triple du coup du kilomètre supplémentaire affiché sur le contrat, dépôt de garantie (800
Sources : CGAU et sites internet des sociétés par ordre d’apparition
http://www.mobizen.fr/article/conditions-generales-d-utilisation http://abonnes.zipcar.fr/site/usage-agreement
2
Durée maxim limitée à
Bouton SOS à l'i permettant l'ac relatio Interdiction de animaux sauf e des équipeme véhicules (barres Possibilité d'in bébés uniquem véhicules de typ place. Utilisati véhicule
Tout détenteu l'Union Europée
Méthodologie
L’objet de cette recherche est d’apporter un regard et un discours de
genèse sur l’autopartage, en étudiant les conditions historique, théorique et sociologique de son apparition en vue de questionner l’avenir de la ville au regard de son développement. Ce mémoire prendra donc source dans :
- l’analyse de documents théoriques et historiques sur l’autopartage et
la société du share afin de retracer une histoire de l’autopartage qui permettra d’étudier les réussites et échecs de chacun des projets dans leurs contextes respectifs mais surtout de les comparer aux systèmes et à la conjoncture actuelle ;
- l’analyse méthodique des sites internet ainsi que des documents
officiels publiés par les diverses organisations d’autopartage, en France (Mobizen, Okigo, Caisse commune, Autolib’, Yelomobile…)(Fig 6), en Suisse (ATG, Sharecom, Mobility Car-sharing, Proshare), en Belgique (Cambio), en Allemagne et aux Pays-Bas, au Canada (Communauto) et aux Etats-Unis, afin d’analyser les discours commerciaux, d’établir un inventaire le plus exhaustif possible de la pluralité de ces organisations et de les comparer ; ce travail s’est en particulier traduit par la mise en place d’une grille comparative regroupant 50 systèmes d’autopartage recensés sur le territoire français (Fig.5 et voir en annexe), s’appuyant sur les chiffres les plus récents donnés par les organisations et les documents des conditions générales d’utilisation ;
- la consultation régulière de nombreux sites Internet plus ou moins
spécialisés, et en particulier le site de prospectives de l’AVEM33 et celui de la plateforme Chronos.
- l’analyse du discours analytique et scientifique écrit sur l’autopartage
et la société du share par les institutions françaises comme le CERTU, l’APUR, le PREDIT, l’ADEME et le Ministère des transports, ou européennes comme les programmes TOSCA et MOSES ;
- la participation à des rencontres tenues autour de la question du
share, du partage et de l’autopartage : le Ouishare Village à la foire de Paris du
33 Après le vote de la loi sur l’air encourageant le développement des véhicules propres (1996), un cycle de trois rencontres sur les véhicules propres a été organisé dans les Alpes Maritimes en 1997 par EDF GDF et l’Association nationale « Espaces pour demain «. Devant l’intérêt suscité par cette initiative et pour aller plus loin dans cette voie, EDF, Espaces pour demain et le Centre International d’Evaluation du Véhicule Electrique (CIEVE) se sont rapproché en 1998 pour fonder l’Association pour l’Avenir du Véhicule Electro-Mobile (AVEM), animant aujourd’hui un site internet prolixe.
- 31 -
Fig.6 De Nantes à Lille, en passant par Paris, Besançon et Bordeaux, une offre d’autopartage multiple : logos des sociétés d’autopartage françaises étudiées lors d’un travail comparatif (voir tableau en annexe) Source : Graphique personnel, données issues des sociétés d’autopartage
1er au 4 mai 2014 et la rencontre d’acteurs de l’économie collaborative comme sharevoisins.com, les incroyables comestibles, Deways.com et Travelercar. com34 ; la participation à l’événement Global Partage35 organisé le 3 mai 2014 à l’Hôtel de ville avec la participation d’Antonin Léonard, co-fondateur de la plateforme Ouishare ; le Forum Smart City Grand Paris organisé par le journal La Tribune le 21 novembre 2014 à l’Hôtel de Ville en vue de comprendre les enjeux politiques et commerciaux et la place de l’autopartage dans le projet de la Smart City ; la rencontre avec les leaders de l’économie collaborative organisée par le groupe Inventons Demain à l’Assemblée Nationale le 29 novembre 2014 à laquelle ont participé Diana Filippova (Connector OuiShare), Guilhem Cheron (fondateur de La Ruche Qui Dit Oui) et Nicolas Ferrary (Directeur France d’Airbnb).
- la rencontre de professionnels de l’automobile et de l’autopartage,
comme Monsieur Sandu, responsable de développement à Keymoov (Opérateur en Autopartage et en géolocalisation) dans le cadre de la Foire de Paris tenue du 30 avril au 11 juin 2014 à Paris. Ce travail s’est enfin nourri de ma propre expérience, en particulier à Paris, mais également lors de voyages personnels, à Nantes, Berlin et Rome, et au cours de notre virée pédagogique thématisée sur la ville intelligente, à Hambourg, Hanovre et Wolfsburg, la ville de Volkswagen.
Etudiant l’autopartage à l’aune de la question du share et dans une
perspective historique, nous examinerons d’abord les facteurs et processus d’apparition de l’autopartage, le phénomène d’industrialisation et de professionnalisation ainsi que les répercussions sociales et territoriales de cet usage partagé du véhicule. Nous nous intéresserons ensuite davantage à l’objet voiture, à la segmentation de ses usages et aux transformations intrinsèques de l’automobile partagée, oscillant entre véhicule-outil et véhicule-plaisir. Après avoir analysé les conséquences infrastructurelles et urbaines de cette voiture servicielle, nous montrerons en quoi cette ville en libre-service en devenir bouleverse les mécanismes de fabrication de la ville. Partant de la pluralité d’acteurs autant que des nouvelles dynamiques à l’œuvre, nous nous efforcerons de décrypter le(s) projet(s) de ville sous-jacent(s) à ces différentes organisations d’autopartage.
34 Apparu sur la toile en 2013, Travelercar.com est une plateforme d’autopartage entre voyageurs permettant de mettre son véhicule en location pendant un voyage. 35 Global Partage, documentaire sur l’économie collaborative, réalisé en partenariat avec Antonin Leonard de Ouishare, et diffusé sur Canal+ le 13 mai 2014. La sortie de ce documentaire a fait l’objet d’une manifestation grand public le 3 mai à l’Hôtel de Ville de Paris.
- 33 -
Innovation technologique
Changement de valeurs
Crise économique
Autopartage
Fig.7 Prémices de l’autopartage Source : Graphique personnel, inspiré de ceux de Rachel Botsman, Collaborative Consumption
Pressions environnementales
I. L’AUTOPARTAGE, PARADIGME DE LA SOCIETE DU SHARE
Né
de
la rencontre entre une réaction à un phénomène de crise,
des progrès techniques et technologiques ainsi qu’une prise de conscience environnementale, l’autopartage est aujourd’hui une des composantes de la société collaborative (Fig 7). Dans la pluralité de ses configurations et modes d’organisation, l’autopartage semble représentatif de la multitude des systèmes caractérisant l’économie collaborative. Nous nous proposons d’analyser les dynamiques à l’œuvre dans l’organisation et la structuration de l’autopartage. Revenant sur la genèse de ce système, nous étudierons ses modes de constitution, leur processus de professionnalisation voire d’industrialisation, avant de questionner le changement que ces systèmes représentent, tant du point de vue des modes de consommation que de l’évolution de l’imaginaire attaché à la voiture ou de ses applications et implications en termes social, économique, politique et territorial.
- 35 -
1. L’empowerment36 des citoyens au service de la voiture communautaire
Si en France, l’autopartage bénéficie d’un excès de médiatisation depuis
l’apparition d’Autolib à Paris en 201137, ce système reste méconnu ou mal connu du grand public et loin de simplement se résumer à la Bluecar de Bolloré. Rappelons que les prémices de l’autopartage datent de la fin des années 1940 et que l’autopartage ou car-sharing s’est développé il y a maintenant plus d’une vingtaine d’années en Suisse et en Allemagne principalement. Ces systèmes ont connu et connaissent toujours un rythme de croissance très élevé, prouvant que la multipropriété de voitures peut rencontrer un engouement certain et même constituer un marché (ou du moins une niche de marché) à fort potentiel. L’idée de partager sa voiture, ainsi que de nombreux autres biens et services, est en effet issue de citoyens et groupes de consommateurs eux-mêmes avant qu’elle ne devienne un sujet commercial. Les premières initiatives d’autopartage ont été élaborées spontanément, en fonction de volontés et de moyens locaux. Si aujourd’hui nous les connaissons sous des formes sophistiquées, les initiatives d’autopartage ont commencé à taille humaine, le plus souvent restreintes à des amitiés et des relations de voisinage où prestataires et usagers ne faisaient qu’un. Ces systèmes d’autopartage, principalement suisses ou allemands, se sont développés sur un fondement associatif ou coopératif puis se sont progressivement professionnalisés ou institutionnalisés. Ainsi, une des caractéristiques majeures de l’auto-partage tel qu’il s’est développé à travers l’Europe, est d’être un produit « qui part de la base», autrement dit qui suit une approche qualifiée d’ascendante, de bottom-up.
36 Empowerment : pouvoir d’agir des citoyens in HAENTJENS Jean, “De la gestion municipale au pilotage des mutations”, dossier “Participation ou empowerment ?”, in Urbanisme, printemps 2014, n°392. pp. 64-66 37 Livop, Autolib’ médiatise l’autopartage, article paru sur le site de la société d’autopartage entre particuliers Livop, consultable sur : http://www.livop.fr/autopartage/autolib-mediatise-l-autopartage
- 37 -
1.1. Multipropriété, le véhicule en partage
La première expérience de partage de voiture est apparue à Zurich en
1948. Une douzaine de membres d’une coopérative d’habitants fondèrent le SEFAGE- Selbstfahrgemeinschaft -38 communauté de conducteurs autonomes, et acquirent une voiture en se cotisant afin de se partager son utilisation. Cette fondation pionnière de l’autopartage de voisinage fut essentiellement motivée par des raisons économiques. L’automobile était alors un bien de luxe et SEFAGE visait à lever l’obstacle que constituait pour des revenus modestes l’acquisition d’un véhicule. « Il s’agissait, essentiellement, d’un club où les membres s’étaient cotisés pour acquérir une automobile (un bien de luxe, à l’époque). Comme l’objectif des usagers de l’organisation se limitait à « s’offrir un service à eux-mêmes » plutôt que de se lancer dans une aventure commerciale »39. Cependant, ce club n’a jamais cherché à commercialiser ou diffuser cette idée d’une quelconque manière et cette expérience de solidarité fut sans lendemain. On peut d’ailleurs supposer que d’autres initiatives du même type naquirent au même moment mais ne se firent pas nécessairement connaître. Cette expérience mettait néanmoins en place les ferments d’une idée qui allait avoir un immense succès quelques années plus tard. De plus, signalons que ce projet s’inscrivait dans le cadre d’un habitat coopératif, posant la question de la relation entre l’habitat, la forme d’aménagement et la mobilité. Il faudra ensuite attendre vingt ans avant que l’auto-partage ne fasse l’objet de nouvelles expériences.
Cette première initiative est représentative de la naissance de
l’autopartage, fruit de dynamiques de coopération entre particuliers, d’une croissance de bas en haut qui, au gré d’expérimentations, d’échecs et de réussites auront permis une structuration et un perfectionnement progressif du système. Il atteste de la volonté de particuliers de s’organiser pour parvenir par eux-mêmes à un bien auquel ils n’avaient auparavant pas accès. Ces conducteurs ne s’en rendaient assurément pas compte, mais, en créant cette initiative, ils devançaient l’efficacité du système économique en détournant la norme qui consistait à consommer des biens et services de manière individuelle. En achetant conjointement une voiture et se partageant son usage, on peut considérer que ce cercle de conducteurs anticipait la mutation d’une société de 38 Expression pouvant être traduite par « club de conducteurs ». 39 http://www.communauto.com/historique01.html#Stadtteil1992
- 39 -
la possession vers une société de services. En outre, pour partager l’achat et la possession d’une même voiture à plusieurs, ce groupe a du chercher une forme juridique justifiant et protégeant les intérêts de chacun et de la communauté, celle de la coopérative. La voiture est en effet un bien si spécifique qu’on ne peut pas simplement décider de le prêter à un autre de la même manière que l’on prêterait son sèche-cheveux ou son appareil à raclette. Il s’agit d’établir des règles et de se prémunir contre un certain nombre de risques. Aussi la création d’une coopérative constitue un événement important dans l’histoire du partage de la voiture, préfigurant la réflexion sur les systèmes d’exploitation qui intéressèrent les acteurs de l’autopartage dans les décennies suivantes. Si dans cet exemple, les motivations étaient essentiellement économiques et ne donnèrent lieu à aucun développement ni diffusion, d’autres initiatives émergèrent quelques années plus tard motivées par des préoccupations également environnementales et sociétales et empreintes d’ambitions plus grandes, dépassant l’échelle de la communauté pour investir celle du quartier voire de la ville.
1.2. La voiture communautaire : de l’association à la professionnalisation
En 1987, une prise de conscience de l’impact environnemental de
la voiture ainsi qu’une motivation économique relancèrent la question de l’autopartage en Suisse, pays que l’on peut considérer comme la mère patrie du partage de voiture40. À quelques mois d’écart, deux amis à Luzerne et deux familles à Zurich, réunissaient respectivement autour d’eux des groupes de personnes intéressées et fondèrent des sociétés coopératives d’autopartage (ATG et Sharecom), dont est directement issue MobilityCarSharing, le plus grand opérateur d’autopartage d’Europe41. Ces deux sociétés proposent au public la formule de la copropriété et de l’usage partagé de véhicules, moyennant une participation financière au capital de la coopérative. Force est de constater qu’à cette époque, dans le monde germanophone, l’idée de l’autopartage est dans
40 HARM Sylvia, TRUFFER Bernard, The Emergence of a Nation-wide Carsharing Co-operative in Switzerland, Université de Twente, Pays-Bas, 1998. p. 11 http://www.communauto.com/images/Nation%20wide%20CS%20 org%20Suisse.pdf 41 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.2.
- 41 -
l’air du temps, puisque ShareCom et ATG se créent de manière totalement indépendante, et qu’une troisième société (StattAuto42) se lance sur ce marché à Berlin quelques mois plus tard, là encore sans connaissance de l’existence des autres initiatives. Tandis que ATG (Auto Teilet Genossenschaft) entendait « promouvoir un usage judicieux et économique des moyens de locomotions individuels dans un souci de l’environnement »43, Sharecom poussa l’idée de l’utilisation partagée d’une voiture encore plus loin en élargissant l’usage commun à plusieurs autres biens. Son slogan Using instead of owning44 résume sa volonté d’instaurer une utilisation de l’énergie et des ressources des biens de consommation respectueuse de l’environnement ainsi que la propriété, l’utilisation et l’entretien partagé de ces biens.
Durant les deux premières années, les deux organisations s’appuient
exclusivement sur le volontariat des sociétaires et sont donc fortement décentralisées. Comme le décrit Michael Flamm, « les groupes d’utilisateurs s’organisent localement pour définir qui s’occupe du nettoyage et de la maintenance du véhicule du quartier, et qui prend en charge la vérification et le regroupement des données inscrites dans les carnets de bord et de réservation ; la facturation proprement dite est elle, dès le départ, effectuée par le trésorier de chacune des coopératives avec l’aide d’ordinateurs personnels »45. Ces premiers systèmes d’autopartage sont intrinsèquement caractérisés par l’entraide citoyenne et le volontariat, des idéaux écologistes ainsi qu’un système artisanal. Si Sharecom et ATG se rejoignent par leur manière de mettre en place l’autopartage, ils se différencient cependant par leurs philosophies respectives. ATG applique une stratégie de croissance volontaire et mise sur une professionnalisation progressive des tâches de gestion de son service. La coopérative s’appuie sur le volontariat de sociétaires pour des tâches locales, mais ce volontariat est envisagé comme un mal nécessaire en attendant d’avoir atteint la masse critique propice à une professionnalisation.De l’autre côté, attachés à une 42 ROBERT Benoît, LEBLANC Nathalie, MORISETTE Claire, La « voiture communautaire » : un nouvel outil pour s’attaquer au problème des transports en milieu urbain. Communication présentée dans le cadre du 31e congrès de l’Association québécoise du transport et des routes (AQTR), tenu en mars 1996 à Québec. Recueil des communications. Tome 1, Québec, 1996, p.9 http://www.communauto.com/images/AQTRpourdistr960317.pdf 43 Traduction personnelle du texte original : « It aimed at a well-considered and economical use of individual means of locomotion in order to protect the environment », tiré de HARM Sylvia, TRUFFER Bernard, The Emergence of a Nation-wide Carsharing Co-operative in Switzerland, Université de Twente, Pays-Bas, 1998. p.18 44 Traduction : « Utiliser plutôt que posséder », op.cit. p.18 45 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.3
- 43 -
philosophie « communautariste », les dirigeants de Sharecom conçoivent sa croissance comme un « phénomène organique »46, soutenu par la publicité des sociétaires dans leur entourage. Réticent à la professionnalisation du système jusqu’à ce que celle-ci devienne un impératif de sa croissance, Sharecom érige le bénévolat en principe. Contrairement à ATG, aucune indemnité n’est versée aux volontaires qui s’engagent dans la coopérative, les groupes d’utilisateurs s’auto-organisant pour se répartir les tâches collectives. Sharecom investit toutefois dans le développement de solutions automatisées pour faciliter l’utilisation communautaire des biens partagés et limiter les besoins de professionnalisation des tâches de gestion.
Ces deux initiatives nous intéressent particulièrement dans la mesure
où c’est la première fois que des personnes, ne se connaissant pas auparavant s’organisèrent pour partager un bien. Si l’autopartage de voisinage existait depuis longtemps, cette pratique privée était improvisée et non encadrée donc difficile à comptabiliser. En se structurant sous une forme juridique, celle de la coopérative, l’autopartage donne un cadre à la mutualisation des biens. Si ce phénomène peut nous paraître parfaitement ordinaire aujourd’hui, il constituait néanmoins une innovation majeure. Comme l’énonce Rachel Botsman « la confiance sera la nouvelle monnaie du XXIème siècle »47. En effet, partager la possession et l’utilisation d’un bien nécessite d’accorder sa confiance à quelqu’un et de renoncer à la possession individuelle de cet objet, il engage notre propre rapport aux biens, notre propre mode de consommation. Cependant, cette utilisation partagée des biens était restreinte à une petite communauté. Par ailleurs en se développant et changeant d’échelle, Sharecom a fini par mettre de côté l’idée de partager d’autres biens et services afin de se recentrer uniquement sur la voiture. Les deux coopératives ATG et Sharecom gagnant chacune en ampleur et fortes de développements complémentaires finirent par fusionner, faisant fi de la pure philosophie communautariste de Sharecom. Si l’issue de ces initiatives citoyennes fût leur professionnalisation et la constitution progressive d’une structure commerciale, elle témoigne du pouvoir d’agir de citoyens sur la remise en cause de leur propre mobilité. Les prémices opérationnelles de l’autopartage sont bien l’œuvre et le résultat de 46 Ibid. 47 BASTIN Côme, « Rachel Botsman : La confiance sera la nouvelle monnaie du XXIème siècle » in Wedemain, 7 mai 2014. Consultable sur : http://www.wedemain.fr/Rachel-Botsman-La-confiance-sera-la-nouvelle-monnaie-duXXIe-siecle_a510.html
- 45 -
l’organisation de citoyens entre eux, fondements dont les systèmes d’autopartage contemporains semblent s’être éloignés.
1.3. Partager en un clic
Si partager avec une communauté illimitée d’individus n’était pas une
chose envisageable dans les années 1990, Internet a aujourd’hui modifié la donne, faisant naître un nouvel élan autour de l’autopartage et du partage en règle générale. Grâce à la plateforme numérique, les conducteurs se sont organisés en vu de mutualiser leurs voitures ou emprunter celles d’inconnus, rentabilisant alors l’utilisation des véhicules. On peut ainsi, par l’intermédiaire de plateformes comme drivy.com, deways.fr, buzzcar.com48, ouicar.fr, livop. fr ou unevoiturealouer.com49, louer une voiture de particulier à particulier. En quelques clics, il est possible de mettre en location sa propre voiture ou de choisir parmi un large choix de véhicules disponibles “près de chez soi et pas cher”50, comme le valorisent plusieurs de ces sites. Les formules varient, certaines proposent un échange de clefs (unevoiturealouer.com, ouicar.fr, drivy. com), tandis que d’autres fonctionnent via des systèmes automatisés comme des applications iPhone ou Android (Buzzcar.com) ou proposent l’installation d’un système sécurisé (Livop, Koolicar), la Livop-box ou la Koolbox. Si les arguments de vente sont avant tout le côté pratique, sécurisé et économique du système, d’autres mettent en avant sa « convivialité » et l’esprit communautaire, comme le site deways.com, qui parle même de « location de voitures entre particuliers par affinités »
51
et incite à « rejoindre la communauté Deways ». L’utilisation
du mot « communauté » manifeste une volonté de recréer une association de membres, de donner l’impression au client de rejoindre et d’appartenir à un groupe dans lequel se créent des relations de proximité. Cependant, il est évident que ces démarches s’inscrivent dans des logiques différentes, et si pour certains autopartage rime avec partage, ce leitmotiv se retrouve quelque fois
48 BU Ludovic, Buzzcar, Drivy, la location de voitures entre particuliers confirme les espoirs placés en elle ! ,9 janvier 2014. Consultable sur le blog Mobilités, Ecologie, Musique, etc. : http://ludovicbu.typepad.com/ludovicbu/2014/01/la-location-de-voitures-entre-particulier-confirme-les-espoirs-places-en-elle-buzzcar-drivy.html 49 Plateformes Internet de partage de véhicules entre particuliers 50 Slogan issu du site ouicar.fr, plateforme numérique née dans le giron de zilok.fr (location d’objets entre particuliers) en 2012 et dédié à la location de voitures entre particuliers partout en France. 51 Extrait du site http://www.deways.com, se définissant comme « le 1er réseau social de location de voitures entre particuliers par affinités »
- 47 -
biaisé par la vocation avant tout commerciale de ces systèmes.
Mais plus que les voitures, cet échange de service, ce partage de biens
entre particuliers s’est progressivement étendu à une variété de biens et services de sorte que l’on peut maintenant partager tout et n’importe quoi. Dépassant le cadre traditionnel de la coopérative ou de l’entreprise, plusieurs plateformes autorisent grâce à la toile, à emprunter l’appareil à raclette ou le caméscope d’un voisin via zilok.com, eloue.com ou tipkin.fr, à utiliser la perceuse ou le tournevis de son voisin viabricolib.net, à profiter de la machine à laver d’un voisin via lamachineduvoisin.com, à troquer ou échanger des objets, des vêtements ou des livres ou encore à envoyer ses lettres et colis entre particuliers via expediezentrevous.com. Si ces systèmes d’échange concernent la vie quotidienne, ils envahissent également l’économie du tourisme, permettant de dormir sur le canapé d’un inconnu lors d’un séjour touristique grâce à couchsurfing.com, ou encore de loger chez l’habitant via airbnb.com, bedycasa. com ou sejourning.com et d’échanger sa maison sur trocmaison.com52. Tout semble pouvoir se partager, et, au sein de la grande communauté numérique, se recréent des communautés d’individus non plus selon une logique de voisinage mais en fonction de nos modes de consommation.
Ainsi, l’économie collaborative qui se met progressivement en
place s’inscrit en marge des circuits habituels, répondant aux besoins de la société d’aujourd’hui tout en préfigurant la transformation de son économie. Cette nouvelle économie transforme nos modes de vie de sorte que Jeremy Rifkin parle de « troisième révolution industrielle ».53. Selon le spécialiste de propspective, « l’Internet des objets, les énergies renouvelables, les logiciels libres, l’économie sociale et solidaire, l’intelligence artificielle et les imprimantes 3D sont des phénomènes qui convergent pour transformer en profondeur l’économie mondiale. 54» Ils préfigurent même une société où le capitalisme sera éclipsé par 52 SERVET Jean-Michel, De nouvelles formes de partage : la solidarité au delà de l’économie collaborative, 10 juin 2014, Institut Veblen pour les réformes économiques. Disponible en ligne sur : http://www.veblen-institute.org/ De-nouvelles-formes-de-partage-la 53 RIFKIN Jeremy, La troisième Révolution industrielle, Les Liens qui libèrent, Paris, 2011. Jeremy Rifkin est un essayiste et prospectiviste économique et scientifique américain. Son travail porte essentiellement sur l’exploration des potentialités scientifiques et techniques nouvelles, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Il prédit une « révolution industrielle et économique, rendue possible par le développement des Nouvelles technologies de l’information et de la communication. » 54 RIFKIN Jeremy, L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme, Paris, La Découverte, Poche/Essais, 2005. p. 56
- 49 -
les mouvements collaboratifs et la production à petite échelle. Pour Rifkin, en réduisant quasiment à néant le coût marginal (c’est-à-dire le coût de production d’une unité supplémentaire), Internet change complètement la donne.
2. La voiture partagée : le renouveau de l’image de la voiture
Parallèlement à cette gradation et ce développement du partage
de la voiture se joue bien plus encore un changement de l’image attachée à l’automobile, révélateur d’un nouveau paradigme. Si la société du partage révolutionne notre rapport aux biens et à la possession, cette évolution est particulièrement intéressante concernant la voiture qui incarne un imaginaire social fort et ambivalent. En tant que symbole social, la voiture cristallise effectivement des opinions divergentes. Emblème d’une société fondée sur la consommation et le gaspillage des ressources naturelles et spatiales, elle a longtemps guidé l’organisation de la ville et est aujourd’hui symbole d’un modèle de société insoutenable d’abord pour des questions environnementales mais aussi pour des raisons industrielles, territoriales, culturelles, sociales et sociétales. L’autopartage atteste et découle de cette prise de conscience des inconvénients de l’automobile conjuguée à la reconnaissance de son efficacité jusqu’ici inégalée. Il tente ainsi de proposer une alternative à la voiture permettant de bénéficier de ses avantages sans s’embarrasser de ses inconvénients. Par le nouvel usage qu’il permet, l’autopartage nous invite à reconsidérer nos représentations de la voiture. Faisons d’abord le point sur l’évolution des considérations attachées à la voiture depuis ces dernières décennies afin de comprendre le bouleversement des mentalités engendré par l’autopartage et le partage, le share de manière générale.
- 51 -
FIg.8 La voiture, un objet gage de réussite sociale dans les années 70 Source : FAURE Guillemette, AirBnB, Blablacar, Drivy : partager, c’est gagner in M le magazine, 25 juillet 2014
2.1. L’automobile, produit de luxe et instrument de liberté
« Dans la voiture, tout est rêve et symbolisme : de confort, de puissance, de prestige, de vitesse. A l’usage pratique se superpose la consommation des signes. »55
Aujourd’hui l’automobile est accusée de nombreux maux mais elle
conserve néanmoins une image très positive, celle d’un moyen de transport efficace et révolutionnaire. Si au début des années 1950 certains ont eu l’idée de s’associer pour acheter une voiture, c’est parce qu’à cette époque, l’automobile était un produit de luxe. Quand Roland Barthes écrit dans ses Mythologies, en parlant de la DS (« la Déesse ») : « Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique»56 ; il traduit parfaitement l’émerveillement que l’on peut ressentir face à une voiture et les raisons pour lesquelles elle garde encore aujourd’hui une place privilégiée dans nos sociétés. Il s’agit d’un objet prodigieux, qui permet de se déplacer sans effort, directement d’un point à un autre, et dont la valeur d’usage disparait derrière une recherche esthétique et une affirmation sociale. La voiture est, depuis ses débuts, cet instrument de liberté, de griserie. L’imaginaire autour de la voiture s’appuie encore sur la possibilité qu’elle offre d’aller n’importe où, n’importe quand et surtout à une vitesse élevée (pas illimitée mais presque).
Avec la démocratisation de la voiture depuis les années 1950, la
simple possession d’une voiture a progressivement perdu son statut de critère supérieur de réussite sociale. Cette évaluation s’est aujourd’hui reportée sur les différentes marques de voitures : « Dis-moi dans quel voiture tu roules, je te dirais combien tu gagnes »57 (Fig. 8). La voiture permet maintenant d’affiner l’analyse sociale : ce n’est plus, ou plus beaucoup, ceux qui ont une voiture et
55 ORFEUIL Jean-Pierre, Je suis l’automobile, éditions de l’aube, Monde en cours, 1994, Saint-Amand-Montrond, p.13 56 BARTHES Roland, Mythologies, éd. Seuil, 1970, chap. « La nouvelle Citroën », p. 150 57 BESNARD Julien, Pour une nouvelle utilisation de la voiture : l’autopartage, Mémoire de Master 1 sous la direction de P.Maingault, 2006-2007, Université Paris VII. Consultable en ligne sur : http://berthoalainmaster.files. wordpress.com/2007/10/besnard-autopartage.pdf
- 53 -
Place de Chaillot, années 1960
Place de Chaillot, 2009 Fig.9 Années 1970, une progressive prise de conscience des nuisances occasionnées par la voiture Source : http://www.photogriffon.com/photos-du-monde/Vieilles-voitures-en-cartes-postales/Vieillesvoitures-en-cartes-postales-3.html
ceux qui n’en ont pas mais ceux qui ont une belle voiture neuve et ceux qui ont une vieille voiture d’occasion. Ainsi si la voiture a progressivement perdu sa qualité de produit de luxe, elle est longtemps restée un objet considéré comme personnel, appropriable et personnalisable mais c’est surtout un objet gage de réussite sociale. La partager est donc une innovation révolutionnaire qui bouleverse tout un ensemble de représentations sociales attachées à la voiture. En devenant communautaire, la voiture se transforme en un objet partagé comme un autre et sa valeur d’objet incarnation des critères sociaux s’estompe. Toutefois, si la voiture comme critère de différenciation sociale s’amoindrit, ce n’est pas pour autant que l’on cesse d’y projeter des valeurs d’attachement et de se préoccuper de son esthétisme.
2.2. Entre congestion et pollution, le partage de la voiture au secours des villes
« Beaucoup des quatre milliards d’hommes et de femmes du tiers-monde rêvent encore de moi, mais beaucoup, dans le petit milliard de ceux qui habitent les pays développés, m’accablent aujourd’hui de reproches : je serais la figure emblématique de l’encombrement, de la déstructuration des espaces et des rapports de convivialité, des agressions nuisantes et polluantes contre l’homme qui en souffrirait, les forêts et les lacs qui en dépériraient, l’atmosphère que je réchaufferais. »58
Si la voiture possède une image sociale positive et qu’elle reste un
objet particulièrement pratique et indispensable du quotidien, on se rend également compte de ses nombreux inconvénients. Avec la prise de conscience des dégradations de l’environnement dans les années 1970, la voiture est de plus en plus critiquée, incarnant aujourd’hui avant tout des nuisances (Fig. 9). La première de ses problématiques concerne sa consommation d’espace, tant en matière de circulation que de stationnement. Cette consommation est étroitement liée au fait que l’utilisation des voitures n’est pas rentabilisée et reste profondément individualisée. Cette préoccupation quant à l’espace monopolisé par l’automobile est à l’origine de la « proposition pour les « capitales
58 ORFEUIL Jean-Pierre, Je suis l’automobile, éditions de l’aube, Monde en cours, 1994, Saint-Amand-Montrond, p.6
- 55 -
CONGESTION DU TRAFIC Dans la première photo, on est en situation de congestion du trafic pour transporter seulement 35 personnes. L’automobile peut transporter 4 ou 5 personnes en théorie, mais en fait le taux d’occupation moyen des voitures en agglomération ne dépasse pas 1,2 personne par voiture. Chaque voiture occupe environ 10 m² à l’arrêt, mais en fait beaucoup plus en mouvement.
CONDUCTEURS SANS VOITURE Cette photo montre l’espace consommé par les 35 voitures de la photo précédente.
LE BUS INVISIBLE Cette photo illustre la consommation d’espace par les personnes de la précédente image utilisant un bus plutôt que des voitures.
TRAFIC FLUIDE Cette dernière photo montre les personnes des photos précédentes toujours en bus, mais d’autres usagers apparaissent (piétons, vélos, cyclos, voitures). Le nombre total de personnes transportées dépasse la cinquantaine, alors que le trafic reste fluide, à la différence de la première photo, montrant une congestion du trafic pour un transport de 35 personnes seulement. Fig 10. La consommation spatiale des différents modes de transport Source : http://carfree.fr/index.php/index.php/2008/04/19/automobile-et-consommation-d%27espace/
anciennes évoluées » », premier projet théorique de véhicules partagés édité par l’urbaniste Jacques d’Welles en 1951 dans la revue Urbanisme59. Partant du constat que « le nombre de voitures automobiles augmente selon une progression irrésistible et qu’à chaque augmentation du parc de mille voitures visiteuses correspond la nécessité de trouver des kilomètres de trottoir d’accostage nouveaux »60, Jacques D’Welles complète son examen des vices de la voiture sur l’espace urbain comme suit :
« Elles encombrent la chaussée chacune cent fois ou deux cent fois plus
qu’un piéton. C’est un abus au profit de privilégiés et c’est un gaspillage d’essence inouï. Cette voiture encombrante en marche s’oppose davantage encore à l’aisance de la circulation quand elle est en stationnement. Elle est alors le bouchon dans la conduite du flux circulatoire. Le stationnement est l’obstacle majeur à ce flux. Aujourd’hui, il interdit à la plupart des usagers de l’auto l’avantage primordial attendu de ce moyen de transport : le trajet de porte à porte. On ne sait plus jamais si l’on pourra s’amarrer devant une porte d’entrée déterminée. En conséquence, il faut prendre des mesures draconiennes si l’on veut maintenir tous les avantages qui étaient, il y a vingt ans, ceux de l’usage de l’auto et qui sont grignotés chaque jour. »61
Préoccupé de redonner à la voiture son efficacité du porte à porte
tout en évacuant ses nuisances, cet urbaniste précurseur théorise ainsi le premier système d’autopartage. La série de photos de la page ci-contre, réalisée à Denver en 200162 révèle explicitement que le problème réside dans le coefficient d’occupation des véhicules (Fig. 10). S’il n’y a qu’une personne par voiture, cela signifie, en moyenne, quatre places inutilisées, places qui occupent un certain espace en terme de voirie et d’espace public. On voit à l’aide des photos que les transports en commun ont cet avantage de réduire l’espace que chacun utilise pour se déplacer63. C’est ce même problème de stationnement, envisagé non plus seulement en terme spatial mais enrichi de sa composante temporelle, qui est à la source, plus d’un demi-siècle plus tard, du projet parisien d’Autolib. Comme le rappelle Thomas Paucelle, directeur
59 D’WELLES Jacques, « À propos de circulation urbaine... » in Urbanisme, vol. 20, n°.11-12, Paris, 1951, p. 56. 60 Ibid. p.57 61 Ibid. 62 Op. cit. note 51 63 http://carfree.fr/index.php/index.php/2008/04/19/automobile-et-consommation-d%27espace/
- 57 -
général délégué de Cofely Ineo à l’occasion du Forum Smart City, « Autolib est en effet né du besoin identifié des usagers de se garer dans Paris ». Plus généralement, la réflexion sur le gaspillage spatial qu’implique l’utilisation que nous faisons de la voiture, s’inclut dans une plus large remise en cause de l’automobile, symbole d’un modèle de développement qui ne se soucie guère de l’environnement. La voiture est aussi responsable de nombreuses pollutions en milieu urbain : environnementales, visuelles, auditives et même olfactives. L’automobile est donc aujourd’hui contestée en tant que symbole d’un système dont les limites en termes d’atteintes à l’environnement sont de plus en plus évidentes. Si ces accusations sont largement répandues aujourd’hui et au centre des préoccupations internationales, ce sont ces mêmes problématiques qui incitèrent, au début des années 1990, à la création de l’autopartage en Suisse et en Allemagne, deux pays doués d’une plus grande conscience écologique qu’en France.
2.3. Un objet propre et connecté
Grâce à internet, les citoyens ont donc le pouvoir de devenir les co-
auteurs des réponses à leurs propres besoins. Si ces initiatives citoyennes permettent de révolutionner l’usage de la voiture, elles ne remettent cependant pas en cause l’automobile en tant qu’objet, mais simplement son utilisation. Intensifiant l’usage d’un même véhicule, l’autopartage privé ou la location de voitures entre particuliers permettent ainsi de rentabiliser et d’amortir l’utilisation des véhicules. Mais, en révolutionnant notre rapport à l’automobile, l’autopartage a également vocation à redessiner et réinventer les véhicules à l’aune des préoccupations environnementales actuelles et de son nouvel usage. A l’instar de l’ensemble des maux dont l’on blâme l’automobile, les industriels et constructeurs automobiles s’attachent progressivement à la rendre plus compacte, plus propre et moins bruyante. Tantôt hybride ou électrique et équipée de plus en plus de technologies, si la voiture est de plus en plus propre et intelligente, cela a souvent un coût qui ne la rend pour autant plus accessible. Et si l’industrie automobile se préoccupe de l’amélioration de l’objet voiture en général, l’autopartage, en ce qu’il permet de rendre la voiture accessible à tous, donne une toute autre dimension à ces innovations.
La voiture partagée est donc au centre des préoccupations des
- 59 -
constructeurs automobile ainsi que de nombreuses autres entreprises, pressentant unanimement son avenir prometteur. La voiture partagée a le potentiel de rendre plus propre et plus efficace en énergie le parc automobile. Par sa capacité de diffusion au plus grand nombre de cette voiture partagée du futur, l’autopartage transforme nos représentations et notre imaginaire attachés à l’objet voiture. La voiture n’est plus nécessairement synonyme de pollution et d’atteinte à l’environnement mais devient propre et écologique. Elle peut également apparaître comme un symbole montrant la volonté de trouver de nouvelles ressources qui seraient renouvelables et occasionneraient moins de dommages environnementaux. La barrière de la pollution dépassée, la voiture redevient ce moyen de transport innovant qui offre une flexibilité inégalé en termes d’utilisation et de capacité. On peut y transporter des personnes mais aussi des objets, on peut l’utiliser quand on veut et elle permet d’aller là où les transports en commun ne peuvent pas aller.
La voiture se trouve donc dans une position très ambivalente : elle est
« symbole des limites d’un modèle de développement mais aussi des espoirs de limitation des méfaits de ce modèle »64, elle garde toujours une image sociale prégnante et positive tout en étant critiquée parce qu’elle peut aussi être un facteur de discrimination et de pollution. Longtemps symbole de liberté et de réussite sociale, l’automobile semble en quelques années avoir déserté l’imaginaire des jeunes générations, au point que sa possession ne constitue plus une priorité. Beaucoup de français considèrent la voiture comme un moyen de transport, une « commodité » et non plus un plaisir. Elle devient un outil au service des déplacements. Ainsi il semblerait que la critique de la voiture ne concerne pas tant l’objet voiture mais l’utilisation que l’on en fait. En proposant une utilisation raisonnée de l’automobile, l’autopartage permet de conserver son caractère novateur et libérateur tout en la mettant à disposition du plus grand nombre. La voiture reste toujours un moyen de transport personnel révolutionnaire. La voiture propre et connectée ne se cantonne pas à être un objet de luxe qui ne serait réservé qu’à une petite élite. Elle devient au contraire disponible partout et pour tous. Si la voiture partagée apparaît, au travers de ce discours comme un outil révolutionnaire de la mobilité de demain
64 BESNARD Julien, Pour une nouvelle utilisation de la voiture : l’autopartage, Mémoire de Master 1 sous la direction de P.Maingault, 2006-2007, Université Paris VII, p.17. Consultable en ligne sur : http://berthoalainmaster. files.wordpress.com/2007/10/besnard-autopartage.pdf
- 61 -
et la solution idéale à tous les maux urbains, nécessité est de mesurer ce laïus en le confrontant aux réalités urbaines et territoriales afin de comprendre dans quelles mesures l’autopartage constitue un avenir possible ou un simple mirage pour la ville et le territoire de demain.
3. La remise en cause d’un système de mobilité
L’enthousiasme actuel est tel que rares sont ceux qui se risquent
à discuter
l’autopartage, qui apparaît comme un moyen de solutionner
la congestion et la pollution engendrées par le tout-voiture. Cependant, l’autopartage ne remet pas nécessairement en cause l’objet voiture en tant qu’outil de déplacement, considéré comme de toute façon nécessaire et indispensable à la mobilité. Il conteste davantage son utilisation. En outre, certains partisans de la « ville sans voiture » ou carfree city, s’attèlent à dénigrer l’autopartage, refusant d’envisager cette alternative comme une solution miraculeuse, la regardant plutôt comme un moyen qui « confirme et justifie »65 la place de la voiture dans la ville. Ses contradicteurs dénoncent en effet la primauté des intérêts individuels des automobilistes sur ceux de la communauté et de la ville. Ils dénigrent en particulier le système des one way, à l’image d’Autolib, dans lequel une flotte de véhicules partagés est introduite dans le circuit alors qu’elle n’y était pas66. De ce point de vue, le parc automobile serait augmenté plutôt que réduit. Selon eux, grâce à l’autopartage, les automobilistes mutualisent plusieurs coûts et économisent une place de garage ou de stationnement. Pour autant l’autopartage ne permet pas d’influer sur le parc automobile en soi. Si ces opposants à la voiture s’attachent à généraliser la critique sur une partie des systèmes d’autopartage, ils posent néanmoins une question intéressante, celle de l’impact qu’aurait l’autopartage ou non sur l’espace urbain.
Plus que son influence sur l’image de la voiture, l’autopartage démontre
surtout la nécessité d’inventer un nouveau système d’organisation de l’automobile. En effet, la voiture possède un rôle historique dans l’organisation
65 http://www.carfree.com/ 66 Pour en savoir plus sur la critique d’Autolib : ROBERT Marcel, Pour en finir avec Autolib, 18 avril 2009, carfree.fr. http://carfree.fr/index.php/2009/04/18/pour-en-finir-avec-autolib/
- 63 -
des transports et plus largement sur sa place dans notre économie, notre société et nos modes de vie. Analysée comme une réponse aux besoins de déplacements, l’automobile est à la fois un objet possédé par un ménage, et un système de transport complexe associant une infrastructure publique de routes et d’espaces de stationnement, un réseau de stations-service (carburant, entretien, réparation) généralement privé ou d’infrastructures de charge dans le cas où elle est électrique, et un corpus d’encadrement réglementaire très étendu (règles techniques de sécurité et d’environnement, code de la route, assurances, etc.). Remettre en cause l’automobile tant dans son utilisation que dans l’objet même qu’elle représente, engendre ainsi non seulement de repenser ses caractéristiques intrinsèques mais plus encore de questionner la mobilité qu’elle permet ainsi que les modes d’aménagement urbain qu’elle génère et engendre.
3.1. De la dépendance automobile67 à la voiture de voisinage
Le système automobile se caractérise par l’excellente accessibilité et
la liberté qu’elle permet, c’est un service « porte-à-porte » toujours disponible pour accéder au lieu de travail, aux relations professionnelles et sociales, aux commerces, aux loisirs et autres commodités de la vie quotidienne. L’automobile a ainsi bouleversé en l’espace de cinquante ans le développement de nos territoires et les modes de vie qui en résultent. En contrepartie de cette efficacité, nous sommes entrés dans une « spirale de la dépendance automobile »68. Il en résulte des conséquences lourdes pour les personnes qui ne peuvent accéder à l’automobile (handicapés, personnes âgées, enfants, ménages les plus défavorisés…) et les territoires à faible densité (périurbains et ruraux) qui accueillent environ 40% de la population française métropolitaine, où il n’y a pratiquement pas d’alternative pour se déplacer. En effet, le desserrement de l’activité en périphérie des grandes agglomérations et l’étalement de l’habitat en milieu périurbain, favorisés par la motorisation et l’extension des réseaux routiers rapides, ont créé ou renforcé la dépendance automobile. Avec ou sans l’instauration d’une taxe carbone, ces modes de vie « éclatés » sont aujourd’hui 67 DUPUY Gabriel, La dépendance automobile. Symptômes, analyses, diagnostic et traitements, Paris, Anthropos, collection Villes, 1999, 160 p. 68 Selon la définition donnée par Gabriel Dupuy dans son ouvrage La Dépendance à l’égard de l’automobile, Paris, La Documentation française, septembre 2006.
- 65 -
critiqués69. L’interrogation concerne également les villes petites ou moyennes dont le réseau de transports publics est moins performant et qui sont très fortement dépendantes du transport individuel. Selon Ludovic Bu, spécialiste des mobilités dans le journal Le Monde « la voiture partagée en zone rurale doit l’être doublement »70, et il appartient aux collectivités de prendre cette question en main, peut-être davantage que les transports en commun locaux (bus) souvent peu utilisés. Toutefois, l’autopartage semble augurer un rôle prégnant dans la mutation de ces mobilités rurales et périurbaines, le président exécutif de Buzzcar (Nicolas Le Douarec) assurant que « 50% de nos (leurs) locations se font en zone périurbaine. C’est là que nous sommes véritablement légitimes. ». Un urbaniste, Stéphane Schultz renchérit avec optimisme « les périurbains possèdent des voitures, c’est un fait, aidons les à mieux les utiliser », prédisant que la location de véhicules entre particuliers serait donc particulièrement intéressante dans ces territoires. Elle permettrait de faire lentement diminuer le taux de possession et de responsabiliser l’utilisation de la voiture dans les espaces où elle est la plus problématique.71
En effet, sauf dans le cœur de quelques grandes métropoles très denses
(Paris, Londres, New York, Tokyo, Hong-Kong), l’accessibilité aux services quotidiens dans les pays développés (Europe, Amérique du Nord, Japon, Australie) est aujourd’hui structurée selon un « modèle de société automobile » (véhicules + infrastructures + modes de gestion et services), avec des variantes où la voiture individuelle reste omniprésente : – les grandes agglomérations denses (40 % de la population en France), où la marche à pied, les transports collectifs et éventuellement le vélo occupent une place importante dans les mobilités (de l’ordre de 40 % des déplacements dans les grandes métropoles régionales, mais 80 % dans Paris) ; – les villes petites et moyennes (20 % de la population en France), où l’offre de transports collectifs est plus faible mais où la marche à pied reste importante ;
69 Au centre de l’actualité, la question de l’étalement urbain et du périurbain préoccupe unanimement. Enjeu du développement de ces territoires, la question de la mobilité y est particulièrement prégnante. C’est l’une des conclusions du livre La tentation du bitume. Où s’arrêtera l’étalement urbain ?, que l’un de ses auteurs, Eric Hamelin, est venu nous présenter lors d’une conférence le 18 décembre 2014 à l’ENSA Paris-Malaquais. 70 Ludovic Bu, Mobilités en zones rurales et péri-urbaines : il faut inventer de nouveaux modèles !, 25 octobre 2011, publié dans le blog Mobilités, Ecologie, Musique, Etc. Consultable sur : http://ludovicbu.typepad.com/ludovicbu/2011/10/mobilite-en-zones-rurales-et-peri-urbaines-il-faut-inventer-de-nouveaux-modeles-transports-deplacements-ecologie.html 71 http://www.juliendelabaca.fr/periurbain-nouvelle-mobilite/
- 67 -
– le reste du territoire, et en particulier les territoires périurbains et ruraux (40 % de la population en France), où la mobilité s’effectue quasi exclusivement en voiture (près de 90 % des déplacements en France, mais seulement 60 % dans certains pays où l’habitat est moins dispersé et mieux organisé autour de pôles de proximité).72
Rapportée à l’ensemble des déplacements quotidiens en France,
l’automobile est ainsi le mode de transport utilisé dans 15 % des cas à Paris, 50 % à 70 % dans les grandes agglomérations denses, 75 % à 85 % dans les villes petites et moyennes et plus de 90 % dans les territoires périurbains et ruraux. Compte tenu de l’ensemble de ces chiffres, on comprend qu’envisager une mobilité sans voiture dans les trente prochaines années est bien vain, mieux vaut donc tenter d’en améliorer et optimiser autant que possible son utilisation. Le territoire français est donc structuré aujourd’hui selon deux modèles d’organisation de l’espace : le modèle aggloméré dense autour des centres anciens (marche à pied et transports collectifs) et le modèle d’habitat périurbain étalé en marge des petites villes et autres pôles de services de proximité, qui s’est développé au cours des cinquante dernières années. Ces deux modèles opposés posent chacun des problématiques différentes qui engendrent des réponses variées, auxquelles les formes d’autopartage seraient susceptibles de répondre de manière complémentaire plutôt qu’opposée. « Penser la mobilité autrement », comme le prône le CAS (Centre d’Analyse Stratégique) est devenu essentiel pour organiser des territoires et modes de vie « soutenables ».
La question de l’encombrement et de la masse des véhicules individuels
est notamment posée : il y a là un double enjeu d’économie d’énergie et de gestion de l’espace collectif, dont les priorités d’usage pourraient être repensées, y compris dans les territoires à moyenne ou faible densité73. En effet, si l’autopartage en milieu urbain a vraisemblablement fait ses preuves, la (les) alternative(s) à la voiture individuelle et individualisée dans les périphéries
72 Chiffres issus du rapport Les Nouvelles mobilités. Adapter l’automobile aux modes de vie de demain publié par le Centre d’Analyse Stratégique (CAS) en 2010, sous la direction de Olivier Paul-Dubois-Taine, Christine Raynard, Pierre-Henry Suet et Dominique Auverlot. 73 Ce postulat est également l’une des conclusions du Forum Vies Mobiles dont les acteurs s’accordent sur l’idée que l’autopartage constitue une des solutions aux maux du périurbain et à la « folie du bitume ». Les vidéos de ces rencontres sont disponibles sur : http://fr.forumviesmobiles.org/meeting/2013/07/04/sous-stereotypes-et-representations-quelle-realite-parle-t-1001. Le Forum Vies Mobiles est un « trans-institut » de recherche fondé en 2011 par la SNCF, visant à étudier et « préparer la transition mobilitaire ».
- 69 -
urbaines restent encore à trouver. La mobilité en milieu périurbain tient son importance dans le fait qu’elle ne permettra pas simplement de révolutionner un déplacement mais des manières de se déplacer, des modes de vie. Comme l’explique Xavier Desjardins du Forum Vies Mobiles, « Penser les modes alternatifs à l’automobile permet de penser autrement les agencements, les formes et la qualité de vie des espaces périurbains.»74 Il ajoute qu’un tel changement des parts modales ne peut s’opérer rapidement, insistant sur la corrélation entre mobilité, architecture et urbanisme, entre la nécessité de penser conjointement ces nouveaux modes de transports et des aménagements différents.
3.2. « L’hyperlocalité »
L’une des premières caractéristiques de l’autopartage entre particuliers
est de permettre « une utilisation des ressources locales là où elles sont, un retour à une hyperlocalité » comme l’énonçait Thierry Marcou (philosophe et chercheur à la Fing) lors d’une conférence donnée à l’ENSA-Paris Malaquais le 15 mai 2014. Il est important de préciser que cette hyperlocalité concerne d’abord l’autopartage ou même la location entre particuliers, et plus particulièrement celles qui passent par un échange de clef en main propre en ce qu’elle génère une rencontre physique. La voiture communautaire partagée entre particuliers provoque ainsi des relations de voisinage, bien que la notion de voisinage soit élargie au quartier voire quelque fois à la ville et ne se limite plus simplement à la porte d’à côté. S’il engendre cette hyperlocalité, l’autopartage entre particuliers, en ce qu’il permet une forme de mobilité, a également la fonction ambivalente de mettre en réseau des lieux préalablement déconnectés. Il autorise l’accès à des espaces où certains n’avaient auparavant pas accès et lie parfois des lieux, qui malgré leur proximité géographique, n’étaient pas reliés, où l’accessibilité était limitée ou partielle. Mais cette mise en réseau bénéficie d’une double résonance, elle est à la fois physique et virtuelle, via la plateforme internet, le réseau invisible qui produit les liens qui se traduisent ensuite par des relations physiques.
Le partage de voitures entre particuliers apparaît alors comme une
74 DESJARDINS Xavier, Agir dans le Rurbain, p.88 in ROUGé Lionel, GAY Christophe, LANDRIEVE Sylvie, LEFRANC-MORIN Anais, NICOLAS Claire (dir.), Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires ?, éditions Loco, 2013, Italie, 144 p.
- 71 -
Fig. 11 La plateforme d’autopartage entre particuliers Drivy permet de louer au sein d’une communauté élargie des véhicules, à l’échelle nationale. On note toutefois un véritable déséquilibre de l’offre entre les villes : si Paris propose près de 1824 véhicules, Pau n’en a que 9. Source : Drivy.com
opportunité de rendre la voiture accessible au plus grand nombre, comme un moyen de transport hybride à la fois collectif et individuel, capable de se substituer au manque ou à l’absence de transports en commun en élargissant ses potentiels de déplacement. L’une des premières vertus de l’autopartage est ainsi d’être accessible à tous puisque sous la seule condition d’avoir accès à internet, tout internaute peut mettre en ligne ou réserver l’usage d’un véhicule. Dépassant le simple cadre de la ville, l’autopartage entre particuliers a alors le potentiel de donner égalitairement accès à la mobilité aux citadins, aux périurbains ainsi qu’aux ruraux. En effet, reposant sur l’inscription et la proposition spontanée de véhicules de la part de particuliers, il n’y a pas de critères de choix en fonction de la localisation. Si l’autopartage entre particuliers a une vraie efficacité dans cette mise en connexion locale de lieux préalablement imperméables les uns aux autres, d’autres systèmes d’autopartage, impliquant une échelle suffisante, atteignent cette efficacité. C’est par exemple le cas d’Autolib, dont la dissémination dans les communes de première et seconde couronne parisienne envisage de pallier les manques des transports en commun dans les déplacements inter-banlieues75.
D’autre part, le système s’appuyant sur la participation des particuliers
et n’ayant pas directement un but lucratif ou en tout cas pas dans les mêmes conditions qu’une société commerciale, la localisation des voitures disponibles ne dépend pas d’une étude de marché mais de la simple offre des particuliers. Ce système autorise ainsi un nombre de localisation de véhicules illimité et démultiplié, beaucoup plus riche que dans un système commercial d’autopartage. Cet atout majeur constitue d’ailleurs le principal argument publicitaire de la majorité des plateformes d’autopartage entre particuliers comme l’évoque le slogan de Buzzcar « Il y a toujours une voiture près de chez vous »76. Il est évident que 60% de la population habitant en ville, la majorité des véhicules à louer se trouveront probablement en ville mais cela correspondra à la proportion d’utilisateurs (Fig. 11). Ainsi si le discours sur l’autopartage est souvent strictement urbain, l’efficacité que pourrait avoir ce système sur les
75 Si l’un des objectifs du syndicat mixte d’Autolib’ était effectivement de combler les manques des transports en commun inter-banlieues parisiennes, la solution s’avère pour l’instant peu efficace puisque, selon un article du Monde, seulement 9 % des déplacements en Autolib’ s’effectuent de banlieue à banlieue, preuve que les habitants de la petite couronne continuent d’utiliser leur véhicule personnel. Tiré de RAZEMON Olivier, Autolib’, la rançon du succès, in M le magazine le Monde, 28 juin 2013. En savoir plus sur : http://www.lemonde.fr/mobilite/ article/2013/06/28/autolib-la-rancon-du-succes_3437529_1653095.html#WUMKPtkTH84BIEbg.99 76 http://www.buzzcar.com/fr/
- 73 -
zones périurbaines et rurales tend à être négligé, alors que l’on peut penser qu’elle a de vraies raisons d’être explorée dans ces territoires dont elle aurait la capacité de révolutionner la mobilité. Ce slogan évoque également le fait que l’autopartage et le share incitent à vivre de manière plus locale, plus besoin de faire des kilomètres pour trouver une voiture ou tout autre objet du quotidien, grâce à mon ordinateur, je peux trouver près de chez moi tout ce dont j’ai besoin. On peut considérer qu’il pousse à vivre de manière plus locale en prenant conscience du coût des déplacements, en retissant des solidarités de voisinage et améliorant la mobilité individuelle. Cependant, il s’agit toujours d’agir par l’intermédiaire d’interfaces numériques. Aussi on peut se questionner sur la validité de ces modes d’action : ne sont-ils pas symptomatiques des grandes villes dont la caractéristique principale est l’anonymat77 ? Et ne mettent-ils pas justement à mal l’anonymat ?
En outre, si ces propos tendent à nous faire croire et rêver que l’usage
partagé de la voiture serait la solution à l’étalement de nos banlieues et zones péri-urbaines, la situation apparaît comme plus complexe. Tout d’abord la remise en cause de l’usage d’un véhicule et le développement du partage de la voiture, dans la mesure où les collectivités et aménageurs en aient conscience, ont la capacité à partir de la transformation du milieu de vie, d’accompagner une mutation des modes de vie. En effet, là est certainement le point le plus important attenant au partage de voiture, l’essentiel n’est pas d’avoir l’idée mais bien de se donner les moyens de rendre accessible et potentiellement bénéfique cette idée. Les utilisateurs réguliers ou occasionnels de la voiture ne décideront pas du jour au lendemain de vendre leur voiture pour bénéficier des véhicules de l’autopartage, il faut que l’offre d’autopartage soit en adéquation avec un contexte78. D’autre part, la question principale à traiter et solutionner est celle de l’activité du tourisme et des loisirs, qui s’est développée en grande partie avec un accès exclusif par l’automobile.
77 PETONNET Colette, “L’anonymat ou la pellicule protectrice”, Le temps de la réflexion, VIII (La ville inquiète), 1987, p.247-261. 78 FOUILLE Laurent, L’attachement automobile mis à l’épreuve. Etude des dispositifs de détachement et de recomposition des mobilités, Thèse préparée au Laboratoire d’Anthropologie et de Sociologie de Rennes, Université Rennes 2, sous la direction de Dominique BOUILLIER, 2010. Mise en ligne et consultable sur : http://fr.slideshare. net/LaurentFouill/lattachement-automobile-mis-lpreuve-etude-des-dispositifs-de-dtachement-et-de-recomposition-des-mobilits
- 75 -
L’AUTOPARTAGE E lille
pontoise
metz
paris nancy
rennes
colmar
orléans
angers
strasbourg
L’AUTOPARTAGE EN FRANCE (2014) nantes
belfort
dijon
tours
besançon niort
poitiers
la rochelle metz
lyon
angoulême
nancy
strasbourg bordeaux colmar
grenoble
belfort
jon
annecy chambery
villes possédant plusieur
besançon
montpellier
avignon
toulouse annecy chambery
perpignan
renoble villes possédant plusieurs systèmes d’autopartage
avignon
eille
nice
systèmes d’autopartage coopératifs systèmes d’autopartage publics systèmes d’autopartage privés réseau citiz Fig. 12 Un territoire en réseaux Source : carte personnelle
nice marseille
systèmes d’autopartage systèmes d’autopartage systèmes d’autopartage réseau citiz
3.3. Un paysage à géométrie variable
L’autopartage incarne également une véritable dichotomie, propre au
phénomène du partage de manière générale. En effet, un double mouvement d’hyperlocalité est contrebalancé par celui de globalité permis par la plateforme internet. En cela, on pourrait considérer qu’on assiste à un phénomène « d’hyperlocalité globale » dans le sens où l’individu est invité à se recréer un réseau local, à tisser des liens de voisinage alors que dans le même temps, grâce à la plateforme virtuelle, il est en lien avec toute la planète, et grâce à ce réseau, peut se recréer un réseau local avant même de connaître physiquement une localité. De la sorte, lorsque j’arrive dans une nouvelle ville, je peux dormir chez des « amis », chez l’habitant plutôt que de réserver une chambre d’hôtel, ou emprunter une voiture à « un voisin » plutôt que de la louer à un opérateur de locations de voitures79. Le citoyen s’organise lui-même pour accéder à des biens et services, habité par une conscience environnementale et des valeurs de partage, de communauté mais surtout motivé par la volonté de faire des économies.
A l’échelle d’un territoire, des réseaux et des liens se créent donc.
Concernant l’autopartage, l’exemple le plus probant est l’association de différentes coopératives d’autopartage au sein du réseau coopératif France Autopartage renommé Citiz en 2013 (Fig. 12). L’association et la mise en réseau des structures d’autopartage permettent d’avoir des repères au sein d’un périmètre plus large qu’auparavant, qui dépasse la simple zone géographique de notre quartier, de notre ville, de notre région voire même de notre pays. Ainsi, grâce au regroupement d’une quinzaine d’opérateurs locaux d’autopartage indépendants au sein de Citiz, a été permis l’accès à des services d’autopartage dans une cinquantaine de villes françaises, autorisant à se partager l’usage de 700 voitures réparties sur plus de 300 stations. A Bordeaux, Strasbourg, Paris, Lille, Bordeaux, Toulouse, Tours, Poitiers, Marseille, Lyon, Grenoble ou Angers, une même carte et un même système d’exploitation garantissent l’accès à des véhicules.80 Remarquons cependant que si ce réseau national donne la possibilité
79 FAURE Guillemette, AirBnB, Blablacar, Drivy : partager, c’est gagner in M le magazine, 25 juillet 2014. Consulté le 1 août sur : http://www.lemonde.fr/le-magazine/article/2014/07/25/tout-c 80 Citiz est le 1er réseau coopératif d’autopartage en France. Fondé en 2002 sous le nom de France-Autopartage, il regroupe aujourd’hui 15 opérateurs locaux d’autopartage indépendants.
- 77 -
Fig. 13 Un système d’autopartage à l’échelle nationale : Mobility CarSharing, Suisse Source : carte personnelle extraite des données de la firme
de partager des voitures entre plusieurs villes, il fonctionne cependant en boucle et les flottes de chaque système ne sont pas perméables les unes aux autres. Aussi, si j’emprunte un véhicule à Marseille, je ne serai pas autorisée à le rendre à Angers ou à Strasbourg. Si ces systèmes étaient en trace directe, la gestion des flottes serait sans doute plus complexe mais créerait véritablement un réseau de mobilité à l’échelle territoriale. A ce titre, la société d’autopartage suisse MobilityCarSharing est exemplaire en ce qu’elle s’inscrit sur un territoire national (Fig.13). Mettant à disposition 2000 véhicules auprès de 80000 clients, dans les 400 communes les plus peuplées de Suisse81, ce système incarne un véritable système de mobilité alternatif et complémentaire, opérationnel à différentes échelles, tant celle du quartier et de la ville, que celle régionale ou étatique. D’une autre manière, l’inscription à Autostadt développé en Allemagne depuis les années 1990, permet non seulement l’accès à des véhicules dans plusieurs villes d’Allemagne mais également en Suisse et aux Pays-Bas. De la sorte, se constitue un réseau dépassant les territoires transnationaux et investissant le champ européen82. La primauté des villes, entendues en tant que métropoles, sur le millefeuille administratif est également manifeste. Ces organisations d’autopartage permettant de mettre en relation les villes entre elles, au risque de déséquilibrer le territoire et de renforcer les inégalités entre aires urbaines et zones moins ou non-urbanisées (Fig.13). Nous reviendrons dans la troisième partie sur cette suprématie montante des villes sur les états, étendant les relations supranationales en termes de ville à ville plutôt qu’interétats.
L’utilisation de certains véhicules fait fi de toute frontière et s’inscrit dans
un cadre international dans des systèmes comme Zipcar83 ou Hertz 24/784, firmes multinationales où l’abonnement donne accès à une flotte de véhicules là où la société est implantée, à savoir Atlanta, Austin, Baltimore, Barcelone, Boston, Chicago, Londres, Los Angeles, New York, Paris, Philadelphie, Pittsburgh, Portland, Providence, San Francisco, Seattle, Toronto, Vancouver, Vienne et Washington DC concernant Zipcar. L’auto-partageur a alors la possibilité
81 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.1 82 DUGENY François (dir.), Autopartage et covoiturage à Londres, Berlin et Madrid. Quel offre et quel rôle des pouvoirs publics ?, Paris, IAU, juillet 2010, 50 p. 83 http://www.zipcar.fr/ 84 https://www.hertz247.com/France/fr-FR/Home
- 79 -
Fig. 14 Une circulation limitée : le périmètre opérationnel d’Autolib en Ile-de-France et les communes participantes en 2010 Source : http://www.autolibmetropole.fr/wp-content/uploads/2014/11/Carte-adh%C3%A9rentes-1030x728.png
d’utiliser et partager une voiture de manière supranationale, facilitant sa prise de repères et lui donnant la possibilité de vivre de manière « locale » avant même la découverte d’un nouveau contexte urbain. Ce phénomène correspond au « phénomène Airbnb » de supra-localité. Grâce à la plateforme internet je peux me sentir chez moi « n’importe où dans le monde », à condition souvent que ce « n’importe où dans le monde » corresponde à une ville d’une certaine importance bien sûr. Si ces systèmes permettent finalement de louer de manière simplifiée et de courte durée des véhicules à l’international, nombreuses sont les organisations d’autopartage qui autorisent la circulation à l’étranger, concernant la France, souvent en la limitant au continent européen ou aux pays membres de l’Union Européenne85.
La multiplicité des systèmes d’autopartage ainsi que leur mise en
réseau éventuelle remettent en cause l’utilisation de la voiture dans son cadre territorial. En effet, à chaque organisation d’autopartage correspond des aires de circulation, d’utilisation ainsi que des réseaux qui déterminent l’usage des véhicules au sein d’un cadre spatio-temporel. Si les systèmes comme Hertz 24/7, Zipcar ou le réseau coopératif Citiz autorisent l’accès à des véhicules au sein d’un éventail de villes à une échelle tant nationale qu’internationale, leur circulation reste cependant circonscrite à une utilisation locale ou nationale. On ne peut ainsi emprunter un véhicule dans une ville et le rendre dans une autre. Dès lors, cette organisation ne permet pas une mise en réseau effective du territoire. La coopération s’effectue au sein de systèmes souvent fermés et relativement imperméables les uns aux autres, en termes de flotte de véhicule, chaque véhicule étant assigné à un système. L’idée d’une mobilité automobile en libre-service à l’échelle territoriale où chaque véhicule pourrait être utilisé en trace directe d’un point à un autre apparaît illusoire. Toujours est-il que, si la majorité des systèmes permettent de se déplacer sans limite géographique définie avec son véhicule, on a souvent l’obligation de le retourner à l’endroit où il a été emprunté. Aussi, dans les systèmes dits en one way ou en trace directe86, c’est-à-
85 Observation générale tirée de l’étude comparative des systèmes d’autopartage français, voir tableau récapitulatif à la fin du mémoire. 86 Système «en trace directe» : Le véhicule peut être rendu dans une autre station que la station de départ. Il n’est pas possible de le réserver plusieurs heures à l’avance et il ne faut pas préciser le temps de la location. Sa location moyenne concerne des déplacements qui s’effectuent sur un périmètre restreint : principalement celui de la ville centre. (6-t), L’autopartage en trace directe : quelle alternative à la voiture particulière ?, ADEME, http://www.presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2014/05/AD_6pages_140512.pdf
- 81 -
dire ceux où l’emprunt d’un véhicule ne fait pas l’objet d’une obligation de retour à l’endroit d’origine mais peut s’effectuer n’importe où sur la voirie (Car2Go87) ou dans toute station d’autopartage (Autolib), une limitation géographique de circulation est systématiquement instaurée et le dépôt est réglementé. La circonscription d’une zone de circulation est par ailleurs une composante évoquée dans le rapport de Véronique Biau sur Procotip88 comme gage de réussite de l’autopartage. Ces organisations coïncident majoritairement avec l’utilisation de véhicules électriques, limités par leur autonomie et nécessitant un dispositif de recharge. Dans le cas d’Autolib, la circulation est circonscrite à l’Île-de-France (Fig.14), tandis que dans les systèmes jumeaux installés par Bolloré à Lyon (Bluely) et à Bordeaux (Bluecub), les zones de circulation correspondent respectivement aux périmètres administratifs du Grand Lyon et de la Communauté Urbaine Bordelaise, et toute sortie en dehors de ce tracé fait l’objet d’un appel au sein même du véhicule par le Centre de relations Clients. De la même manière, à Angoulême, le service public d’autopartage de voitures électriques MobiliVolt’ autorise la circulation de ses véhicules au sein d’un périmètre administratif d’un rayon de quarante kilomètres autour de la mairie89. A ces systèmes correspondent ainsi une utilisation strictement urbaine, de courte durée, locale et localisée, la notion de local étant dans ce cas entendue à l’échelle d’une agglomération, d’une métropole ou communauté urbaine90.
Cette mise en réseau des villes et métropoles participe à la création d’un
maillage territorial s’appuyant finalement sur les infrastructures routières, support de circulation de tout ces véhicules. Si à ses origines, l’autopartage est avant tout le partage de la voiture communautaire, des initiatives issues de coopérations d’habitants, de voisins, et riverains, nous le connaissons aujourd’hui d’abord sous des formes plus compliquées. En effet, le concept même de mise en commun d’un véhicule a rapidement été exploré par les 87 Car2Go est une filiale du constructeur automobile Daimler AG fournissant des services d’autopartage dans des villes européennes et nord-américaines. La société propose des véhicules SmartFortwo et propose une location de « point à point ». Les voitures directement garées sur la voirie sur situables grâce à une application mobile. 88 BIAU Véronique, Montpellier 1971-1974 : une expérience de « transport individuel public », in Transports Urbains, n°72, juillet-septembre 1991. 89 Informations issues des Conditions Générales d’utilisation propres à chacun des systèmes et consultables sur leurs sites internet respectifs et en copie dans les annexes : https://www.autolib.fr, https://www.bluecub.fr, https:// www.bluely.fr, https://www.mobilivolt.fr. 90 (6-t), L’autopartage en trace directe : quelle alternative à la voiture particulière ?, ADEME, 2012, p.4 http:// www.presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2014/05/AD_6pages_140512.pdf
- 83 -
constructeurs automobiles et autres entreprises liées à cette industrie, ayant perçu en ce nouveau système un potentiel commercial. S’emparant de cette question, les moyens financiers et velléités de ces entreprises ont créé des systèmes d’autopartage d’une toute autre forme, en particulier le libre-service, et ont été jusqu’à remettre en cause le véhicule en lui-même, devenu objet de communication, de connexion et de mobilité.
- 85 -
Witkar, Amsterdam, 1971
Tulip, PSA, 1991
Car2Go, Daimler, 2008
COMS, Toyota, 2000
Moebius, Rueil-Malmaison, Vulog, 2010
CitéVu, Vulog, Antibes, 2007-2011
C-zéro, Citroën, 2010
Bluecar d’Autolib, Paris, Groupe Bolloré, Pininfarina, 2013
Mia de Mobilivolt, Angoulême, 2011
i-Road, Toyota, 2014
Fig. 15 Evolution du design des véhicules électriques autopartagés, de 1971 à nos jours
Twizy, Renault, 2012
Utilib, Groupe Bolloré, Paris, 2014
II. LA VOITURE SERVICIELLE, LABORATOIRE DE LA VILLE EN LIBRE-SERVICE
« C’est l’affaire des hommes d’imaginer mon avenir. Ce faisant ils dessineront celui de leurs industries et de leurs modes de vie. »91
Si l’autopartage obtient aujourd’hui la majorité des suffrages et semble
avoir fait ses preuves dans le domaine de la mobilité, c’est sans doute parce qu’il a longtemps fait l’objet d’expérimentations multiples prenant la ville comme terrain de recherche, d’étude et d’expérimentation. A travers la remise en cause de notre mobilité automobile c’est le véhicule lui-même, l’avenir du produit automobile, l’objet même de cette mobilité qui est directement questionné par des préoccupations tant esthétiques, environnementales qu’urbaines. En effet, comme le souligne Georges Amar, par ce nouvel usage partagé, c’est « l’avenir du produit automobile, ses performances en termes de vitesse et de confort, mais aussi en termes de consommation, de bruit, d’émissions polluantes, d’insécurité »92 qui est en cause. Si d’un côté certains systèmes permettent de rentabiliser l’utilisation du parc automobile existant, posant la question de la longévité et de la résistance des véhicules, d’autres inventent de nouveaux véhicules prenant en compte les récents usages développés93 (Fig.15). Alors que ces 91 ORFEUIL Jean-Pierre, Je suis l’automobile, éditions de l’aube, Monde en cours, 1994, Saint-Amand-Montrond, p.7 92 AMAR Georges, De l’automobile à l’auto-mobilité, in Le Monde Economie, 24 septembre 2012. Consultable sur : http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/24/de-l-automobile-a-l-auto mobilite_1764537_3234.html. Georges AMAR est un consultant en mobilité et prospectiviste, chercheur associé de la chaire d’innovation de l’Ecole des Mines ParisTech. Il fut directeur de l’unité « prospective et conception innovante » de la RATP. 93 Cette double stratégie est celle évoquée par Brigitte Courtehoux, directrice de la business unit Services connectés et Mobilité de PSA lors du débat « Partager la voiture, une nécessité ? » au cours du Forum Smart City organisé par le journal La Tribune à la Mairie de Paris.
- 87 -
Fig.16 La dématérialisation des moyens, les nouvelles technologies, point de départ de l’autopartage. Exemple avec la plateforme Livop permettant d’accèder à son véhicule et de le dévérouiller grâce à son smartphone, un logiciel performant et des technologies embarqués. Source : https://christophegazeau.wordpress.com/tag/assurance/
recherches formelles, esthétiques et technologiques autour du véhicule partagé pourraient paraître récentes et novatrices, nous verrons que ces innovations qui fantasment sur la ville de manière théorique ou expérimentale, s’inscrivent dans une perspective historique reculée. Depuis les considérations théoriques de Jacques D’Welles et Fishman & Wabe94 jusqu’aux expérimentations citadines des années 1970 (Witkar, Minicar Transit System, Protocip, Tulip), à la Bluecar de Bolloré ou la Twizy de Renault, l’histoire du véhicule partagé est un réservoir riche de sens. Nous nous attacherons à étudier de manière plus factuelle les évolutions et conséquences induites par l’usage partagé de la voiture en tentant d’expliciter les qualités de cette ville devenue laboratoire de l’élaboration, de l’épreuve, de la vérification, du perfectionnement et de l’utilisation de systèmes et de véhicules en partage. En définitive, il s’agira d’analyser plus en amont les conséquences de ce nouveau paradigme de la voiture partagée, tant sur le véhicule en lui-même que sur l’espace dans lequel il évolue et circule.
1. La technologie, moteur de l’autopartage 1.1. De l’échange clef en main à la dématérialisation des moyens
De manière plus ou moins perfectionnée, certaines sociétés d’autopartage
entre particuliers privilégient la rencontre entre locataire et propriétaire pour l’échange des clefs et le prêt du véhicule, comme il avait lieu aux débuts de l’autopartage. Tandis que d’autres convoquent des logiciels et technologies élaborées afin de simplifier le partage et dématérialiser l’échange des véhicules. L’incorporation de logiciels et de systèmes intégrés permet d’accéder via un code PIN, un badge ou même son smartphone à sa voiture (Fig.16). Cette simplification de l’échange, ce progrès technologique constitue alors un argument de vente comme le revendique le slogan de Koolicar « aucun échange de clef, aucune rencontre physique, tout est plus simple »95. Rappelons cependant que la mise au point de ces technologies servicielles connectées est un phénomène récent, 94 FISHMAN, Leslie and WABE, J. Stuart, « Restructuring the form of car ownership : A proposed solution to the problem of the motor car in the United Kingdom » in Transportation Research, vol. 3, n°4, Pergamon Press, 1969, pp. 429-442. 95 https://www.koolicar.com/
- 89 -
Fig. 17 Argument publicitaire ou restriction économique ? Drivy revendique un système d’autopartage «Moins cher, plus proche, plus convivial » Source : https://christophegazeau.wordpress.com/tag/assurance/
Fig.18 Concurrencer la voiture individuelle en facilitant l’accès aux véhicules partagés, 24h sur 24 : les premiers systèmes, une armoire à clef du système Stadtmobil, Allemagne Source : Stadtmobil
fruit d’un perfectionnement progressif. Aujourd’hui l’échange physique des clés constitue un choix délibéré de certaines organisations, comme Deways96 ou Drivy97 (Fig.17) dont les sites internet revendiquent la « convivialité », occasion de rencontre et de constitution d’un esprit communautaire ; ou une simple contrainte économique de ces startups montantes n’ayant pas un budget suffisant pour investir dans des technologies coûteuses. Dans les premières organisations d’autopartage, l’échange de clefs entre amis, voisins ou connaissances avait un côté sympathique, pratique et facile, d’autant qu’il s’inscrivait souvent dans un contexte local de voisinage, celui d’un immeuble ou d’un quartier. Mais, aujourd’hui, la rencontre « forcée » d’inconnus peut aussi être vécue comme un frein à l’autopartage, ou se transformer en bal de mondanités infernal et factice dans le cas d’une utilisation régulière de la voiture partagée. L’enjeu étant de concurrencer l’efficacité de la voiture individuelle, dématérialiser l’échange, simplifier et sécuriser la démarche d’accès au véhicule s’est rapidement avéré être une question et une contrainte essentielle dans le développement de l’autopartage.
Les premiers systèmes d’autopartage suisses, ATG et Sharecom,
utilisaient une armoire à clef (Fig. 18), système pour le moins spartiate mais efficace, permettant à chaque utilisateur de venir récupérer et ranger les clefs de son véhicule avant et après utilisation. Cependant, ce dispositif, facilement cassable, avait l’inconvénient de manquer de sécurité. Ce qui fut l’un des premiers problèmes auquel se confronta MobilityCarSharing lors de sa création (fusion de ATG et Sharecom) : « avec plus de 15’000 clés en circulation, le contrôle social entre utilisateurs n’opère plus comme durant les premières années et Mobility enregistre un nombre croissant de vols de véhicules, sans parler des erreurs d’utilisation de clients qui causent des désagréments importants. »98 En outre, plus que l’échange de clef et l’accès au véhicule, à travers le partage de véhicules et la mise en place de logiciels s’ajoutaient encore davantage de problèmes techniques. Comme l’énonce un article du magazine Transports urbains datant
96 En 2010, Gary Cohen et Alexandre Grandremy, tous deux diplômés de l’Essec, ont créé Deways.fr, un site de location de voitures entre particuliers qui compte déjà 32 000 adeptes et cible les étudiants. Pour en savoir plus : http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/idees-business/deways-la-location-de-voitures-communautaire-pour-etudiants_1537426.html#xU0fcqVqcl2bfu1k.99 97 Lancée en 2010 et anciennement nommée Voiturelib.com, Drivy est une plateforme de location de voitures entre particuliers. Informations complémentaires sur : https://www.drivy.com/ 98 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.6
- 91 -
Fig.19 Procotip : en route vers la dématérialisation de l’accès à l’automobile Source : BIAU Véronique, Montpellier 1971-1974 : une expérience de « transport individuel public », in Transports Urbains, n°72, juillet-septembre 1991.
de 1991, « Donner un usage collectif à l’objet éminemment individuel qu’est la voiture suppose la résolution technique de différents problèmes parmi lesquels : la comptabilisation du trajet parcouru pour le paiement du service, la contrôle de l’utilisateur et de l’état dans lequel il laisse le véhicule, l’inviolabilité du véhicule, sa sécurité d’utilisation »99. Dès 1970, le projet Procotip à Montpellier expérimenta ainsi une invention brevetée, le Tipmètre (Fig.19), qui réunissait à la fois : - un boîtier connecté au moteur, qui recevait un jeton en plastique, acheté dans un bureau de tabac, dont l’érosion mesurait son trajet parcouru ; - une caméra enregistrant à chaque prise en charge le numéro de la clef de l’utilisateur, l’heure ainsi que le kilométrage au compteur - un système électrique permettant de bloquer le frein à main au parc de stationnement, fermer les vitres, portes et coffre en fin de parcours. On mesure, grâce à la description de ce système, développé pour l’époque, mais légèrement suranné aujourd’hui, les enjeux et progrès accomplis dans ce domaine.
A ce système correspond aujourd’hui une variété de logiciels rivalisant
de perfectionnement qui sont au cœur du développement de l’autopartage. La société de location de voitures entre particuliers Livop, au leitmotiv évocateur « l’autopartage intelligent »100, s’est ainsi structurée à partir de son expérience des outils technologiques et informatiques. Livop propose l’installation d’un boitier, la Livop-Box, petit ordinateur embarqué qui contrôle l’ouverture et la fermeture des portes ainsi que le démarrage de la voiture, détermine le nombre de kilomètres parcourus et le temps de location. Egalement système d’alarme, cette technologie s’installe, selon la société, sans détériorer le véhicule et n’est active qu’à partir du moment où un conducteur inscrit chez Livop conduit la voiture. L’accès aux voitures se fait via un smartphone (Iphone, Android, Blackberry). Le téléchargement d’une application sur son téléphone portable permet l’ouverture et le démarrage de la voiture préalablement réservée. En cela, la voiture devient le prolongement de notre mobile, un objet connecté de plus de notre quotidien. Ce système apparaît comme extrêmement perfectionné, allant jusqu’à permettre le démarrage du véhicule grâce à son smartphone. Tandis
99 BIAU Véronique, Montpellier 1971-1974 : une expérience de « transport individuel public », in Transports Urbains, n°72, juillet-septembre 1991. 100 http://www.livop.fr/
- 93 -
Fig. 20 1991, Tulip, un systèmes de voitures partagées ambitueux et précurseur : véhicule compacte électrique, rechargement électromagnétique, accès au véhicule automatisé via une télécommande Source : http://philippe.boursin.perso.sfr.fr/velec/1996.htm
que dans la majorité des organisations, comme Citiz, les technologies servent la sécurité, l’accès, la comptabilisation et la quantification de la consommation des véhicules partagés mais le démarrage du véhicule demeure traditionnel, les clefs étant souvent rangées dans la boîte à gant de l’automobile. Si ces technologies sont déterminantes pour l’usager, afin de faciliter sa démarche d’accès au véhicule et faire concurrence au mieux à l’automobile traditionnelle, c’est également un enjeu logistique pour les entreprises et la gestion de leur flotte de véhicules. Simplifier les démarches et rendre intuitif le processus de partage des véhicules permet également de connecter les véhicules entre eux, à la ville et de rendre cette information disponible. Véritable réseau, maillage proliférant dans l’espace urbain, cette constellation de voitures partagées constitue une flotte nécessaire à gérer pour le propriétaire, tant en termes de nettoyage, d’entretien que de répartition, travail que les technologies permettent d’anticiper, d’organiser et de rationaliser.
1.2. Voiture connectée, habitacle approprié
Si ces technologies se mettent au service du partage de véhicule dans sa
simplification, sa sécurisation et sa validation commerciale, elles sont également un outil pour rendre appropriable et confortable les habitacles des voitures partagées. La voiture est un objet d’attachement, de projection individuelle conçu comme extrêmement personnel et ayant été perçu comme un prolongement de l’habitat101. Dans un monde mobile, la voiture devient une extension de nos smartphones. Voulant attirer, copier et imiter les caractéristiques du véhicule personnel, la connectique et la connectivité permettent, avec un minimum de moyens physiques, de personnaliser ou rendre appropriable les habitacles automobiles de ces voitures « banalisées ».
Le projet Tulip (Fig.20), expérimenté par PSA en 1994, imagine un
« mobile » auquel on accède grâce à une télécommande. La prise en main du véhicule est décrite dans le magazine « communication »102, édité spécialement
101 « On se souvient du slogan d’un constructeur automobile (Renault) dans les années 1990 : la « voiture vivable ». » tiré de AMAR Georges, Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance, juin 2010, Paris, Collection Présence, éditions fyp, p.53 102 PSA, « Tulip. La fleur de la ville », in Communication magazine, 1995. Publication téléchargeable sur : http:// vehiculeselectriques.free.fr/tulip.html. L’enquête sur Tulip s’est enrichie d’une conférence donnée par François Chéry, le père de Tulip à l’ENSA Paris-Malaquais, le 31 octobre 2013.
- 95 -
Fig 21. Autolib, les technologies au service de l’appropriation des vÊhicules Source : https://www.bluely.eu/fr/decouvrir-bluely/la-technologie-bluecar/
par son constructeur : « La pose de votre télécommande sur la console établit le contact et transforme votre télécommande en téléphone main libre. La planche de bord s’allume, votre mobile vous souhaite la bienvenue et une bonne route. La température est agréable, votre mobile est déjà préchauffé ou climatisé selon le thermomètre extérieur. ». Ne disposant pas de GPS, ce véhicule offre également la possibilité d’entrer en contact avec un poste central afin d’être guidé ou conseillé.103 Tout participe ainsi, malgré le caractère extrêmement spartiate de l’habitacle, à transformer le véhicule non plus en un objet mais en un véritable service. Une réelle attention est alors portée aux besoins de la clientèle, à la volonté de faciliter la prise en main du véhicule et de permettre au client de s’y sentir comme dans sa propre voiture. En cela, les technologies jouent un rôle primordial, ce sont elles qui (re-)créent un univers personnalisé et personnalisable dans cet habitacle originellement neutre. Dans la Bluecar de Bolloré, les technologies permettent d’associer à la carte de chaque client des destinations, itinéraires et stations de radios préférées, participant à « familiariser » les véhicules ave leur clientèle104 (Fig.21). Grâce à un bouton intégré au véhicule, les Bluecars de Bolloré donnent aussi la possibilité de contacter et d’être contacté à tout moment par le centre de relations clients et de bénéficier d’assistance. Le pendant de ces technologies et de cette conception en réseau ou maillage est sans doute un certain sentiment de surveillance omnisciente. L’installation de ces boitiers, véritables concentrés de technologies greffés à des véhicules ou la mise en place de systèmes intégrés, automatisent progressivement la voiture et la questionne en tant qu’objet. Cette voiture connectée, prolongement mobile de nos téléphones, remet progressivement en cause sa forme et son design à l’aune de son nouvel usage partagé.
L’autopartage, en étant un système connecté, ne se limite pas seulement
à la pensée d’un nouveau véhicule, de son accès et de sa sécurité, il a également la capacité de remettre en cause la voiture dans ses modes d’alimentation, dans les infrastructures qu’elle suppose et l’énergie qu’elle consomme. Les logiciels dépassent le véhicule et son nouvel usage pour mettre celui-ci en relation directe
103 ESPOSITO Odile, Véhicule électrique. Tulip réinvente la voiture des villes, in L’Usine nouvelle, n°2497, 6 avril 1995. Consultable sur : http://www.usinenouvelle.com/article/vehicule-electriquetulip-reinvente-la-voituredes-villesle-transport-urbain-du-futur-selon-psa-sera-constitue-d-une-flotte-de-petits-vehicules-electriques-de-220metres-de-long-geree-avec-les-outils-l.N75180 104 Informations disponibles sur le site : https://www.autolib.eu/fr/notre-engagement/la-bluecar-menu/la-bluecar/
- 97 -
avec la ville, formant une nappe « fondue » dans la ville, un système dépendant et indissociable de celui de la ville, comme système intelligent. Le projet Sunmoov à l’œuvre dans le quartier de la Confluence à Lyon se fonde sur une voiture électrique utilisant uniquement l’énergie électrique produite localement et 100% renouvelable (Compagnie Nationale du Rhône + production des panneaux photovoltaïques installés sur les bâtiments du quartier de la Confluence)105. Le service fait partie d’un programme de recherche développement porté par Toshiba106, qui vise à optimiser la production et la consommation d’énergie à l’échelle du quartier de la Confluence : un système informatique complexe surveille en permanence la charge des voitures et les réservations prévues ; ainsi on ne recharge que les voitures nécessaires pour répondre aux demandes de réservations déjà effectuées et on ne gaspille pas d’énergie pour recharger des voitures qui vont rester en station. Cet exemple révèle ainsi dans quelles mesures l’autopartage et sa connectivité s’inscrit dans un réseau et un maillage numérique ayant des conséquences sur la gestion des ressources citadines.
2. Segmentation fonctionnelle et métamorphose du véhicule 2.1. À chaque usage son véhicule
« L’automobile a déjà commencé sa mue, beaucoup des ingrédients nouveaux sont là ou arrivent. »107
Dans les premières organisations d’autopartage à l’œuvre en Suisse
et en Allemagne, la mutation du véhicule de la possession au service n’avait jusqu’alors pas eu d’incidence sur l’objet voiture en lui-même108. La greffe de logiciels permet simplement d’implémenter un usage partagé à la voiture sans en modifier sa forme. Dans Procotip, le Tipmètre avait été installé sur des Simca 1000 automatiques choisies pour leur maniabilité en ville et leur faible 105 https://www.sunmoov.fr/ 106 http://www.toshiba.fr/Contents/Toshiba_fr/FR/Others/smartcommunity/pdf/lyon-smart-community-fr.pdf 107 AMAR Georges, De l’automobile à l’auto-mobilité, in Le Monde Economie, 24 septembre 2012. Consultable sur : http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/24/de-l-automobile-a-l-auto mobilite_1764537_3234.html. 108 Ces systèmes (Stadtt Auto, ATG, Sharecom) utilisaient des voitures « traditionnelles » thermiques.
- 99 -
Fig 22. Extrait du site du réseau coopératif d’autopartage Citiz présentant les différents modèles disponibles, le slogan «une voiture selon vos besoins» résume la révolution que constitue l’auto-partage Source : http://.citiz.coop/voitures
consommation109. Plusieurs systèmes d’autopartage ne contestent aujourd’hui pas l’automobile en tant que produit, objet de mobilité. Reposant sur la mise en place d’une plateforme virtuelle efficace qui permet de mettre en relation, réserver, localiser voire accéder aux véhicules, ces systèmes utilisent des véhicules existants tout en intensifiant et rentabilisant leur usage grâce au partage. Ces automobiles sont cependant sélectionnées en fonction de plusieurs critères, notamment le respect de normes environnementales, une ancienneté de moins de 10 ans et un coût à l’argus moyen110.
La différence avec les systèmes d’aujourd’hui est sans doute le choix du
véhicule. En effet, les différents systèmes décrits ci-dessus ne remettent pas en cause le véhicule en soi, et ne proposent en général qu’un seul type de véhicule. Tandis que les organisations actuelles donnent la possibilité de choisir parmi un panel de véhicules et de marques, souvent répartis en catégories correspondant à leur taille et leur usage : citadine, berline, utilitaire (S,M,L voire XL dans le cadre de Citiz) (Fig. 22). Si les véhicules n’évoluent intrinsèquement pas, l’autopartage permet d’adapter le choix de son véhicule en fonction de l’usage que l’on prévoit d’en faire. La devise de Zipcar « plus besoin de voiture, je les ai toutes »111 traduit ainsi ce changement de paradigme. Ce choix, limité dans les systèmes s’appuyant sur une flotte de véhicules banalisés, est totalement débridé dans le cadre de la location entre particuliers où tout type de véhicule peut être loué ou mis en location. L’autopartage, en permettant de choisir son véhicule, devrait également permettre d’adapter la voiture à la ville en ce sens que le choix de nos moyens de mobilité est désormais fonction d’une utilisation particulière et ne cherche plus à anticiper toutes les utilisations possibles, du déménagement à la simple course112. En effet, on constate aujourd’hui que, malgré une utilisation principalement citadine, la majorité du parc automobile européen est dominé par des voitures imposantes, les berlines familiales et autres monospaces qui, de par leur taille, ne sont pas vraiment les plus adaptées à la circulation en milieu urbain. On remarque que bien souvent lors de l’achat
109 BIAU Véronique, Montpellier 1971-1974 : une expérience de « transport individuel public », in Transports Urbains, n°72, juillet-septembre 1991. 110 Information issue des CGU des sociétés étudiées. 111 http://www.zipcar.fr/ 112 Cette rationalisation de l’utilisation des véhicules constitue un argument phare de l’auto-partage ; comme le souligne ce rapport de l’APUR, L’autopartage et autres modes alternatifs à la possession de la voiture particulière. Expérience à Paris, en France et à l’étranger, juin 2008.
- 101 -
d’une voiture, on prend plus en considération les usages exceptionnels de la voiture que son usage habituel. On achète une voiture avec un grand volume de coffre en se disant qu’il est possible qu’une fois on ait besoin d’aller chercher des meubles chez une vieille tante ou dans un magasin ou pour prévoir le départ en vacances. Pour cela, il est bon d’avoir une voiture avec un grand coffre, cela évite de louer une autre voiture ou d’emprunter celle du voisin ou d’un ami. Cette démarche montre que dans l’achat d’une voiture entre en ligne de compte une très grande part de subjectivité. Il peut sembler absurde d’acheter une voiture en ne pensant qu’à une seule utilisation de cette voiture, utilisation de plus ponctuelle. Pourtant, on ne peut pas expliquer le faible développement du segment des voitures citadines en ville ainsi que l’inadaptation de la majorité des voitures à la circulation urbaine sans faire appel à cette part d’irrationnel.
Dans les systèmes entre particuliers, où les véhicules sont les mêmes
que dans le commerce, à la différence qu’ils sont équipés ou non d’un système d’accès, le prétexte est également la possibilité de choisir son véhicule en fonction de son usage, et ainsi de pouvoir essayer de nouvelles voitures, les modèles présents ayant souvent moins de dix ans, pour des raisons de normes environnementales à respecter. L’idée de plaisir associée à la conduite ainsi que celle de luxe refait alors surface et s’impose parfois comme critère de sélection dominant. Si je conduis moins et fais des économies, alors je peux me faire plaisir de temps en temps en conduisant un cabriolet, une décapotable, essayer une voiture hybride ou une électrique. Sur le site Koolicar, un client revendique ainsi pouvoir « se faire plaisir au volant d’une belle voiture »113. Oscillant ainsi entre voiture outil et voiture plaisir, la voiture partagée redevient un objet de design, d’attraction et de séduction. Que son utilisation soit intensifiée ou qu’elle soit choisie pour ses qualités esthétiques et de confort, face à ce changement de paradigme, les constructeurs automobiles ont commencé à remettre en cause l’objet même de ce partage ; à savoir l’automobile, cet engin à quatre roues, d’un minima de quatre places doué d’un volant et d’un moteur lui permettant de se déplacer. S’ils font dernièrement preuve d’une imagination débridée, la remise en cause du véhicule, objet de design et de préoccupations esthétiques autant qu’écologiques, n’est pas un phénomène novateur. En effet, il ressort que l’apparition du véhicule électrique partagé fût corrélée à une réflexion sur sa forme, davantage que pour le véhicule thermique, moins souvent remis en 113 http://www.koolicar.fr/
- 103 -
cause dans son design au gré de la mutation de son usage (vers le partage).
2.2. Partage du véhicule, hybridation de l’objet
Semblant lutter contre la banalisation et tentant de maintenir
l’automobile comme « l’un des référents du « process de personnalisation » », selon les termes de Georges Amar, les constructeurs automobiles s’efforcent de maintenir la « part du rêve » liée au produit, quand l’image de l’automobile est de plus souvent associée à l’encombrement et à l’asphyxie des villes. Les constructeurs automobiles usent ainsi de deux stratégies pour répondre et contrer ce désamour de l’automobile tout en s’efforçant de faire évoluer son image. Comme nous l’avons vu précédemment, un premier travail développe un ensemble de technologies embarquées et options permettant de recréer l’idée d’un habitacle appropriable, approprié et personnalisé en même temps que l’on s’assure de sa longévité et de sa résistance matérielle. D’autre part, une attention est portée sur le produit en lui-même, son attractivité et son potentiel de séduction, dans ses performances comme dans ses caractéristiques esthétiques, de son design à son confort. La voiture partagée semble osciller et hésiter entre deux statuts tant complémentaires que contradictoires de voiture-plaisir à voiture-outil. Dans un système d’autopartage, le choix du type de véhicule correspond à l’usage que l’on veut en faire. C’est cette décomposition et segmentation du véhicule selon ses usages qui fait l’objet d’une réflexion des constructeurs. Le véhicule se modifie alors en fonction de ses différentes temporalités et aires de circulation d’utilisation. Par le design et l’hybridation de nouveaux véhicules, les firmes manifestent une volonté de créer l’événement, besoin également corrélé à celui de communiquer sur ce nouvel usage de la voiture qui met fondamentalement en cause nos modes de vie et nos modes de déplacement. Si on croyait évanoui avec le véhicule partagé l’intérêt porté au véhicule en tant que tel, en tant qu’objet, l’engouement autour de l’autopartage semble démentir ce présupposé. En effet, dans les services entre particuliers comme dans ceux commerciaux ou publics, un intérêt spécifique est porté au véhicule en lui-même, à son design et ses fonctionnalités, donnant l’impression qu’à travers le véhicule partagé, la ville se transformerait en une véritable piste d’essai de l’hybridation et du panachage des auto-mobilités.
- 105 -
Fig. 23 Véhicule-outil ou voiture-jouet ? La Witkar, une voiture électrique au design déconcertant Source : Amsterdam traffic with the ‘witkar’. 20 Juin 1974. ANP Foundation.
Fig. 24 Tulip, «la fleur des villes», Source :http://philippe.boursin.perso.sfr.fr/velec/1995.htm
2. 2.1. Véhicule banalisé, objet ou jouet ?
En 1951 déjà, Jacques D’Welles imaginait des véhicules aux noms et
initiales difficiles à prononcer, les V.I.B.E.M.M.P : « voitures individuelles banales électro-mono-minima-place ». Distinguant ces voitures des véhicules de tourisme habituels, il dépeint cette « voiture spéciale de ville », créée spécifiquement pour un usage partagé et citadin, comme suit : « monoplace, vitesse limitée, sans klaxon, sans gaz brûlé, silencieuse. (…) Elle est du type autoshooter de manège de foire, électrique, tournant sur elle-même, couverte, de forme circulaire en plan. Son poids et sa forme lui permettent d’accéder à des monte-charge verticaux de faible encombrement desservant des garages en hauteur et en profondeur, publics et privés. »114. Malgré l’absence de représentation de ces voitures au nom à rallonge (pas de dessins retrouvés), on imagine avec amusement le caractère épuré voire simpliste de ces petits véhicules individuels que l’auteur compare lui-même à des auto-tamponneuses de fête foraine. Véhicule-jouet ou véhicule-objet, cette voiture partagée fera l’objet de plusieurs expérimentations stylistiques souvent peu concluantes durant la moitié de siècle écoulée.
Le style de la voiture Witkar (Fig. 23), dessinée au début des années
1970 par le designer industriel Luud Schimmelpennink à l’occasion du lancement du premier système d’autopartage électrique, laisse perplexe. Cette voiturette biplace perméable à l’air, au pare-brise élancé et à l’allure dépouillée voire spartiate ressemble davantage à une papamobile qu’à une automobile. De plus, d’une vitesse maximale de 30 km/h et d’un périmètre d’action de 6 km115, soit environ une demi-heure de conduite, les performances de ce véhicule apparaissent aujourd’hui anecdotiques. Une vingtaine d’années plus tard, en 1994, PSA lance sa « fleur de la ville », le véhicule Tulip116 (transport urbain libre individuel et public), dont le design est issu du prolongement d’expériences menées à La Rochelle. Qualifié de « mobile biplace », ce véhicule de 2,2 mètres de longueur pour 1,4 mètres de largeur et 1,6 mètres de haut
114 D’WELLES Jacques, « À propos de circulation urbaine... » in Urbanisme, vol. 20, n°.11-12, Paris, 1951, p. 56. 115 http://en.wikipedia.org/wiki/Witkar. Consulter à ce titre la précieuse vidéo garante de la mémoire de ce système fantasmagorique, dont les modalités d’usage apparaissent si contemporaines : https://www.youtube.com/ watch?v=EItrvudZy4w 116 PSA, « Tulip. La fleur de la ville », in Communication magazine, 1995. Publication téléchargeable sur : http:// vehiculeselectriques.free.fr/tulip.html.
- 107 -
Fig. 25 Autolib, « une voiture électrique au style affirmé, aux lignes tranchées, pleine de dynamisme et d’assurance. Sa silhouette est séduisante et compacte » selon son constructeur Source : http://voituredufutur.blogspot.fr/2012/07/autolib-et-car2go-vont-ils-devoir.html
répond à différentes attentes de sécurité, d’usage et de confort. Conçu à partir d’une coque composite innovante d’une capacité d’absorption de 87% supérieure à celle de l’acier, le design de ce « mobile » est entièrement dédié à le rendre résistant aux agressions extérieures, chocs et à l’usure du temps. Le résultat est alors un véhicule souple, très arrondi et réduit, voiture-jouet que l’on aurait compressée. Plus récemment, Autolib a fait une apparition remarquée sur la scène du design de l’automobile partagée en présentant sa Bluecar dessinée par Pininfarina (Fig. 25). Le design de la Bluecar est défini comme suit par le site internet du constructeur : « une voiture électrique au style affirmé, aux lignes tranchées, pleine de dynamisme et d’assurance. Sa silhouette est séduisante et compacte »117. Cette description vendeuse semble exagérée par rapport à la réalité, le dessin de la Bluecar ne tranchant finalement pas radicalement avec celui des voitures contemporaines. De plus, son aspect brut en aluminium gris brossé lui donne un côté simpliste voire rudimentaire.
Les véhicules décrits précédemment, conçus spécifiquement pour
l’autopartage, ne bousculent finalement pas radicalement les caractéristiques intrinsèques de l’automobile, il s’agit toujours d’un habitacle à quatre roues, de quatre places équipé d’un moteur ou d’une batterie ainsi que d’un volant. En ne renversant pas l’objet automobile en lui-même ces véhicules n’ébranlent pas non plus l’infrastructure routière qu’elle suppose. Si la « citadine » de Jacques D’Welles remettait en cause ce véhicule en proposant une voiture monoplace, plusieurs constructeurs ont récemment exploré cette idée. Toyota, réfléchissant à un usage strictement urbain de l’automobile a imaginé de nouveaux véhicules, des mini-citadines électriques à la frontière entre deux roues, quads et automobiles. L’i-Road (Fig.26), ce « véhicule de mobilité individuelle », « cet ovni de 300 kg à l’allure ultra-futuriste »118 de la largeur d’un deux-roues classique est équipé d’un habitacle pouvant accueillir deux occupants. Très compacte, fermé et entièrement électrique, cet habitacle hybride offre les sensations d’un deux-roues tout en dispensant le conducteur de stabiliser lui-même le véhicule en posant les pieds au sol. D’une vitesse maximale de 60 km/h, l’iRoad a une autonomie d’environ cinquante kilomètres, l’astreignant à un usage strictement urbain. Qualifiée de « pratique, agréable et fun » ou encore de 117 http://www.bluecar.fr/ 118 IZAMBARD Antoine, I-Road : le tricycle révolutionnaire de Toyota débarque en France, in Challenges.fr, 13 septembre 2014. http://www.challenges.fr/automobile/20140912.CHA7688/i-road-le-tricycle-revolutionnaire-detoyota-debarque-en-france.html
- 109 -
Fig. 26 L’hydridation des véhicules : La Coms et l’i-road de Toyota, entre deux-roues et automobile Source : http://storage.autonet.ca/v1/dynamic_resize/sws_path/autonet-prod-content/1288377531065_ WIDESCREEN.jpg?quality=80&size=638x&stmp=1410669510389&clip=0
Fig. 27 La TwizyWay et la TwizyCargo de Renault, des voitures compactes et urbaines Source : http://static.technologicvehicles.com/news/1856/Twizy_Way_Car-sharing_EV.jpg
« glamour et de chic »119, l’i-Road n’est pas le premier des véhicules individuels imaginé par Toyota. Elle est le prolongement de la COMS120 (Fig.26), dessinée en 2000 par le constructeur japonais. Ce véhicule monoplace électrique, plus large et entièrement ouvert est strictement monoplace, ne disposant que d’une place assise mais d’un grand coffre à l’arrière (ayant été transformé en une deuxième place passager dans l’i-Road), son aspect est étrangement semblable à la Witkar.
Ces véhicules sont l’équivalent du biplace lancé par Renault en 2009
et décliné en deux modèles ainsi qu’en deux versions, la Twizy Urban et la Twizy Cargo (Fig.27). Le premier modèle Twizy45, est un quadricycle léger accessible dès 16 ans, bridé à 45 km/h qui reste cantonné à un usage urbain tandis que le deuxième (Twizy80), est un quadricycle lourd disponible avec le permis B qui peut accéder au périphérique parisien et au réseau secondaire grâce à une vitesse maximale de 80 km/h. Sur le même principe que le COMS, la Twizy est biplace tandis que sur la version Cargo du Twizy121, le siège arrière est remplacé par un coffre d’une capacité de 180 litres et qu’une porte, qui s’ouvre à 90°, fait son apparition à l’arrière du véhicule pour un accès plus facile aux marchandises transportées. Ces concepts-cars, véhicules du dernier kilomètre correspondent donc à des usages extrêmement circonscrits dans le temps comme dans l’espace. Cette hybridation pose cependant une question jusqu’ici non soulevée. En imaginant que ces véhicules se démocratisent, leur format serait susceptible de questionner les infrastructures routières. On est cependant sceptique sur le potentiel réel de diminution du trafic urbain dans la mesure où réduire la taille du véhicule contribuerait à généraliser l’autosolisme.
Bien qu’une attention évidente soit apportée au design du véhicule, la
création d’un véhicule unique banalisé laisse dubitatif, focalisé sur un nombre réduit d’usages, ces véhicules ne parviennent pas à concurrencer de manière efficace la voiture individuelle sur bien des critères. En outre, le dessin de ces véhicules semble partagé entre la volonté de rendre le véhicule robuste et solide et celle de le rendre séduisant. Cette dernière préoccupation semblant primordiale pour M. Beretta (AVERE), qui estime que « l’une des caractéristiques
119 Ibid. «Moi je dirais que c’est un mélange de futurisme, de glamour et de chic» a pour sa part estimé, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso. 120 http://www.avem.fr/actualite-toyota-coms-la-twizy-japonaise-bientot-commercialisee-3239.html 121 http://www.avem.fr/actualite-twizy-cargo-renault-lance-une-version-utilitaire-du-twizy-pour-les-professionnels-4221.html
- 111 -
du véhicule serviciel est qu’il doit rester «beau» ou «joli», attrayant en fait ».122 On est également hésitant face à leur design associant davantage ces véhicules hybrides à des jouets qu’à des automobiles, conçus comme des véhiculesgadgets ou accessoires. De Witkar à Autolib en passant par Tulip, Twizy ou i-Road, ces véhicules lestes font preuve d’une même légèreté accordée au design, totalement orienté par l’idée de compacité, dont les lignes rappellent davantage des voiturettes de golf que les lignes sveltes et féminines de certaines berlines. Souvent simplifiées et dépouillées à l’extrême par rapport aux véhicules vendus aux particuliers, les voitures de l’autopartage apparaissent comme des châssis sécurisés, véhicules-outils davantage que véhicules-plaisirs. A travers ces nouveaux véhicules et l’hybridation de l’objet voiture relative à son nouvel usage se joue la volonté des constructeurs automobiles de créer de nouveaux produits, fruit d’un processus marketing et commercial, mais également de donner une nouvelle image à la voiture, de la rendre attractive et certainement de médiatiser, rendre visible ce nouvel usage. Mais une question demeure : ces nouveaux véhicules sont-ils véritablement issus de nouveaux besoins ou créent-ils de nouveaux besoins ?
2.2.2 Oscillation de la voiture partagée, entre véhicule-outil ou véhicule-plaisir
Jacques D’Welles imaginait un système où les voitures individuelles de
tourisme seraient reléguées à la périphérie, leur usage étant alors restreint dans le temps comme dans l’espace. Si l’on pousse l’autopartage à son paroxysme imaginant alors l’abolition de la propriété de la voiture, ces voitures banalisées, partagées, en libre-service permettraient-elles de remplacer de manière exhaustive la voiture individuelle de tourisme ? En dehors de l’objet voiture, l’utilisation que l’on en fait constitue un facteur prégnant. Cherchant à reproduire l’efficacité jusqu’ici inégalée de la voiture individuelle, les différents systèmes d’autopartage mettent en place des conditions d’utilisation particulières comme la possibilité de rattacher plusieurs personnes à un même abonnement, pour une utilisation familiale, mais également la possibilité de
122 DELABIE Ghislain, Les constructeurs concevront-ils le véhicule du futur ?, 21 novembre 2011, blog Innovation et mobilité. Article suite à la participation à une table ronde « En route pour le véhicule de demain » lors des Moveo’Days. Consultable sur : http://innovation-mobilite.fr/2012/11/21/les-constructeurs-concevront-ils-le-vehicule-du-futur/
- 113 -
Fig.28 Utilib, la voiture utilitaire d’Autolib, née des dérives d’usage d’Autolib (L’utilisation d’autolib pour le transport d’objets volumineux, la pratique de déménagements est en principe interdite) Source : http://www.lecentdeux.com/utilib-nouveau-bebe-dautolib
retrouver sa playlist, ses itinéraires ou destinations favorites à la prise en main de son véhicule. Au-delà des caractéristiques esthétiques de la voiture, l’enjeu est de favoriser son individualisation et son appropriation, tout en imposant son respect par les différents usagers qu’elle suppose, toujours dans la perspective de tenter, tant bien que mal, de concurrencer l’indétrônable voiture individuelle. On distingue ainsi un certain nombre de démarches, interdits et permissions mis en place par les firmes pour contrôler et imiter les usages de la voiture. Certaines voitures du service public d’autopartage de la ville de Belfort sont autorisées à être utilisées pour la conduite accompagnée, besoin auquel on ne pense pas nécessairement de prime abord mais qui pose question si nous n’avons plus de voiture individuelle. La nécessité de réserver son véhicule ou de rouler dans un périmètre prédéfini peut également nuire à son efficacité, avec le libre-service cette limite est abolie.
L’ambition de couvrir les différents usages du véhicule a cependant
ses limites. Un certain nombre d’interdits, plus ou moins respectés, régissent l’utilisation des véhicules partagés. Les Bluecar de Bolloré ne sont ainsi pas sensées
être utilisées pour transporter des animaux, effectuer des
déménagements ou transporter des objets lourds123. Mais la réalité d’usage des véhicules étant tout autre, l’équipe de Bolloré a reconsidéré ces interdits en tentant de déjouer les utilisations frauduleuses non encadrées et non anticipées des véhicules. Le lancement récent (décembre 2014) d’Utilib (Fig. 28), la petite sœur d’Autolib, version utilitaire biplace équipée d’un grand coffre de 900 litres propose de répondre à ces manques124. D’autre part, une version cabriolet, la Bluesummer (Fig. 29) est, semble-t-il, à venir125. Ces innovations révèlent bien un phénomène paradigmatique attenant au véhicule partagé : plus que jamais, les fonctions se segmentent, à chaque fonction doit correspondre une automobile, se voulant flexible et neutre, mais ne remportant pas tous les suffrages. En effet, il semblerait que si d’un côté l’idée de véhicule-outil ou véhicule utilitaire ait son importance, de l’autre, la volonté de prendre du plaisir et les critères esthétique et de confort sont également primordiaux. Les multiples tentatives récentes d’Autolib pour rendre attractifs leurs véhicules,
123 CGAU Autolib : https://www.autolib.eu/terms-and-conditions/june2013/ 124 La nouvelle offre Utilib : https://www.autolib.eu/fr/offres-et-tarifs/utilib/ 125 Pour plus de renseignements : http://www.avem.fr/actualite-bollore-bluesummer-le-cabriolet-electrique-devoile-a-saint-tropez-5182.html
- 115 -
Fig. 29 Déclinaisons de la Bluecar : la Bluesummer, le 1er cabriolet 100% électrique Source : http://www.bluesummer.fr/
Fig. 30 Trois des neuf voitures dessinées par des artistes à l’occasion du Concours Customoi organisé par Autolib’ Métropole pour célébrer ses trois ans (dans l’ordre la Dazzle Car de Yannis Pérez, Cavalcade de Catherine Demorand et Auto Bonheur de Clément Chaveau et Elena Bormida) en circulation du 8 octobre au mois de décembre 2014 dans la capitale. Source : http://www.paris.fr/accueil/deplacements/decouvrez-les-nouvelles-autolibs-customisees/rub_9648_ actu_149119_port_23738
notamment l’opération Customoi126 (Fig. 30) qui visait à décorer une vingtaine de voitures par des artistes atteste donc d’une double volonté : celle de créer « le buzz », d’attirer l’attention ainsi que d’améliorer l’image de ces véhicules au design épuré, davantage dicté par la nécessité d’en faire des véhicules aptes à supporter une utilisation intensive et pas toujours soigneuse des véhicules plutôt que d’une attention esthétique. D’autre part, l’état des Autolib, qualifiées de véritables « poubelles mobiles »127 par certains utilisateurs pose question : est-ce le fait de ces véhicules pas assez confortables pour qu’on ait envie d’en prendre soin, ou simplement le fait d’utilisateurs irrespectueux ? Ainsi, plusieurs sociétés d’autopartage permettent de louer des véhicules de gabarits et d’usage différents, comme tente de le lancer Autolib. La formule d’autopartage consistant à mettre en service une seule et unique voiture banalisée, bien qu’économique, ne semble pas convenir à tous les usages et montre ses limites.
Alors que certains prédisaient au vu de son partage, la fin de l’automobile,
les constructeurs automobiles se trouvent les premiers concernés par cet usage renouvelé de la voiture. Et ce lobby n’a effectivement pas l’air prêt à céder sa place hégémonique dans le domaine de la mobilité. Selon Brigitte Courtehoux de Peugeot, entendue lors du Forum Smart City, il apparaît évident que l’autopartage, le covoiturage ou les nouvelles formes de mobilités partagées ne sonnent pas le glas de la voiture. Si la voiture individuelle n’a peut être plus lieu d’être, alors peut-être est-ce un ou plusieurs autres véhicules mais sans nul doute sa disparition. D’autre part, si Autolib et plusieurs sociétés restreignent l’implémentation d’accessoires aux véhicules, d’autres les provoquent, les autorisent ou les mettent simplement à disposition. Les divers systèmes d’autopartage commerciaux convoquent des moyens beaucoup plus importants, permettant de développer des technologies perfectionnées mais également de remettre en cause le véhicule et de déployer un mobilier et un vocabulaire urbain autour de stations, bornes de recharge et signalétique permettant de mettre en valeur leur offre.
126 http://www.autolibmetropole.fr/customoi/ 127 http://transports.blog.lemonde.fr/2013/02/02/autolib-est-elle-une-voiture-sale/
- 117 -
3. De l’automobile à la ville : privatisation et marchandisation de l’espace public
Comme nous l’avons vu, l’autopartage, en adaptant la voiture à l’usage
partagé, permet de remettre en cause le véhicule dans ses caractéristiques physiques. Mais cette adaptation du véhicule à ses usages engendre également d’adapter le véhicule à son milieu, qu’il soit urbain, périurbain ou rural. Si le véhicule s’ajuste ainsi à la ville, réciproquement, comment la ville s’adapte-telle ou non à cette utilisation novatrice de l’automobile ? Partant du postulat que « ville et mobilité font système, se coproduisent mutuellement »128, nous interrogerons celle-ci à l’aune de ce véhicule partagé en étudiant et projetant les modifications de l’espace urbain en cours et à venir.
Prémices théoriques
Revenons d’abord sur le premier projet théorique d’autopartage, celui
de l’urbaniste et ingénieur Jacques D’Welles. Ce projet pour les métropoles évoluées, développait l’idée d’un système de mobilité partagée inhérent à la ville, totalement greffé et fondu dans l’espace, s’y déployant voire le parasitant. Fondé sur la distinction entre usage urbain et extra-urbain de l’automobile, le système se composait de deux types de garages, d’un côté de vastes garages situés à la périphérie des villes, de l’autre, des garages de ville pour la « citadine ». De surface réduite, installés de distance en distance comme des stations d’autobus, de métros ou de taxis afin de compléter le réseau de transports en commun, ces garages de ville seraient disposés en hauteur et profondeur. « Ils contiendraient le nombre de citadines estimé nécessaire à la clientèle du quartier sous forme de chaîne horizontale ou verticale, prêtes à rouler, chargées au maximum, taximètre et horloge réglés au compteur. »129 Chaque abonné pourrait donc se présenter dans une station, monter dans la première citadine disponible, remplir les formalités nécessaires puis l’utiliser pour faire des courses successives en ville. L’urbaniste visionnaire 128 WATCHER Serge, THEYS Jacques, CROZET Yves et ORFEUIL Jean-Pierre (sous la dir.), La mobilité urbaine en débat. Cinq scenarios pour le futur ?, Lyon, Débats du Certu, n°46, La Documentation française, octobre 2005 (CPVS), p.36 129 D’WELLES Jacques, « À propos de circulation urbaine... » in Urbanisme, vol. 20, n°.11-12, Paris, 1951, p.56.
- 119 -
envisageait que la municipalité auraient renoncer aux parkings souterrains publics et développer le « garage rue souterraine, le garage linéaire tunnel avec émergences routières rares, mais émergences piétons — escaliers nombreux, servant le jour à la circulation et au stationnement, la nuit au garage surveillé et loué ». Première organisation d’autopartage théorique, ce système révèle l’indéniable lien de causalité existant entre la modification formelle et d’usage de l’automobile et la forme des villes et de l’espace urbain en particulier.
Les conséquences sur la ville sont multiples. Tout d’abord, la nécessité
d’installer une sorte de maillage de l’espace urbain dont les points d’intersection seraient les stations d’autopartage. En outre, se pose la question de ces stations mettant à disposition les véhicules tout en permettant simplement de les stocker lorsqu’elles ne sont pas utilisées. D’Welles, dont le premier objectif est de faire disparaître cette voiture-parasite de la ville, propose de l’enterrer, débarrassant le trottoir en surface de la voiture, et ce bitume devenant un parking-galerie technique. Cette proposition étonne et pose question. En effet, dans un système si radical où l’on imagine que la voiture individuelle aurait disparue de la ville, remplacée par la citadine individuelle, qu’adviendrait-il de ce surplus de voirie et d’espace public retrouvé ? Compte tenu du contexte actuel, on s’interroge sur la nécessité d’enterrer les véhicules partagés plutôt que de leur donner une visibilité, ce qui semble davantage être la tendance d’aujourd’hui.
3.1. Infrastructures de la voiture servicielle : de la borne à la station électro-mobile
La visibilité et la disponibilité des véhicules sont effectivement des
enjeux phares de la réussite de l’autopartage. Les systèmes actuellement en place semblent davantage coloniser l’espace public et rivaliser dans la volonté d’y faire signe130. En France, un label correspondant à un panneau de signalisation a ainsi été voté par le Sénat en 2009 (Fig. 31), permettant de rendre visible l’autopartage en même temps que de lui réserver des emplacements sur la voirie. La place des flottes de véhicules sur l’espace public est un enjeu majeur
130 DUGENY François (dir.), Autopartage et covoiturage à Londres, Berlin et Madrid. Quel offre et quel rôle des pouvoirs publics ?, Paris, IAU, juillet 2010, e) Quels aménagements ? Quelle signalétique ?, p.23-26
- 121 -
Fig. 31 Le panneau de signalétique autopartage, créé en 2009 Source : http://www.inov360.com/blog/wp-content/uploads/2013/12/Autopartage.jpg
de l’autopartage, l’un des premiers atouts revendiqué par plusieurs sociétés étant souvent la facilité de stationnement. Certains systèmes ne donnent pas directement d’avantages de stationnement. Prenant un périmètre déterminé de la ville comme terrain de jeu, ils autorisent le stationnement n’importe où sur la voirie, à la seule condition de respecter les règles en vigueur. C’est par exemple le cas de Car2Go, système présent dans quatorze villes européennes mais absent sur l’hexagone, qui, pour ses véhicules thermiques, fonctionne en trace directe et sans stations. Il est ainsi permis de se garer sur n’importe quelle place de stationnement, aucun emplacement particulier n’étant pour autant réservé à mon véhicule. Contrairement à un système de stations, cette organisation offre la possibilité de retrouver l’efficacité du porte-à-porte de la voiture individuelle, autant que de tomber dans la spirale infernale du stationnement, source de stress et désagrément. Cela n’est sans doute pas un hasard si ce système n’existe pas à Paris où les difficultés de parking réduisent souvent à néant l’efficacité supposée du porte-à-porte de la voiture individuelle, ce manque constituant un des facteurs de développement de l’autopartage.
Aussi, dans la majorité des cas (réseau Citiz, Mobizen, Zipcar…), les
systèmes fonctionnent « en boucle », c’est-à-dire qu’il faut, après usage, retourner le véhicule à l’endroit de son emprunt. Pour cela, plusieurs systèmes ont mis en place des dispositifs de réservation des emplacements sur la voirie, souvent via un système d’arceaux, qui permettent d’ôter tout stress de stationnement au retour de son trajet. Des places sont réservées et monopolisées au nom de l’autopartage, alors qu’inoccupées pendant plusieurs heures, elles pourraient bénéficier à d’autres véhicules. Autour de ces emplacements et de ces véhicules se développe également une signalétique faite de panneaux, logos et marquages au sol permettant de rendre voyants ces systèmes et transformant la rue en une véritable vitrine publicitaire. Ces formes de privatisation et de marchandisation de la voirie ont cependant des conséquences moindres sur le stationnement, décidant simplement de favoriser ou non l’usage de la voiture partagée, elles ne remettent pas en cause l’infrastructure routière, la voirie et le stationnement.
- 123 -
Fig. 32 Station d’abonnement Autolib, Maisons Alfort Source : Photographie personnelle, prise le 27 décembre 2014
Fig. 33 L’appropriation de ces stations par les SDF Source : http://transports.blog.lemonde.fr/2014/05/14/quand-les-bornes-autolib-servent-dabri-aux-sdf/
Le branchement de l’autopartage électrique
Si ces cas de figure sont valables pour les véhicules thermiques et
hybrides, les voitures électriques sont un cas à part en ce qu’elles posent la question de la recharge. L’automobile électrique étant encore peu répandue, son usage partagé est l’occasion du déploiement de stations et de bornes de recharge, dispositif infrastructurel ayant des conséquences sur l’espace public. L’exemple d’Autolib est à ce titre probant. En effet, comme la photo ci-contre (Fig. 34) le montre, Autolib a été l’occasion de mettre en place des stations, délimitées par des plots bétonnés et un marquage au sol, complété par l’installation de bornes de recharge sur la voirie. Le plus flagrant est sans doute l’implantation et l’aménagement d’une trentaine de « bulles » d’information Autolib sur les trottoirs parisiens (Fig. 32). Ces coques transparentes, espaces d’abonnement aux Autolib permettant d’entrer en contact avec le service client, de transmettre les documents nécessaires à l’inscription, étaient à l’origine sensés être des espaces d’accueil pour les abonnés. Mais ces espaces, sans toilettes ni chauffage, ont finalement été décrété inappropriés et indécemment capables d’abriter le personnel qui devait initialement y conseiller les clients. Prenant le pas des cabines téléphoniques en voie de disparition, ce nouveau type de mobilier urbain a rapidement été investi par des SDF. Un article du Parisien datant du 13 novembre 2013131 relate ainsi comment deux « hommes sans âge » s’étaient installés dans une « bulle » de l’avenue Parmentier (Fig. 33). Le journaliste décrit cet événement comme « un spectacle curieux », mettant en avant le fait que, bien que ce soit un gain de place (par rapport aux cabines téléphoniques), « ces deux SDF sont « exposés » comme dans une vitrine de grand magasin : dans la pénombre de l’avenue, les plafonniers les éclairent d’une lumière crue, les livrant dans leur sommeil au regard des passants. ». Depuis, nombre de ces bulles se sont vues amputées de leurs portes, certainement en vue de limiter leurs occupations.
Les installations de Car2Go (Fig. 34) du constructeur Daimler à Berlin
constituent également un exemple démonstratif du processus de privatisation et de marchandisation à l’œuvre dans l’espace public, amplifié par le déploiement
131 « Les SDF se replient dans les bulles d’Autolib » in Le Parisien, le 13 novembre 2013. http://www.leparisien. fr/ /paris-75/les-sdf-se-replient-dans-les-bulles-d-autolib-13-11-2013-3309277.php. Consulté le 10 décembre 2014.
- 125 -
Fig. 34 Emprunte d’Autolib sur l’espace public parisien Source : Station Autolib à Suresnes, 5 décembre 2011
Fig. 35 La privatisation et «vitrinisation» de l’espace public : une station d’autopartage électrique Car2Go à Berlin Source : Photographie personnelle, prise le 4 février 2014 à Berlin
de la voiture électrique partagée. Le dispositif signalétique reprenant le logo bleu vif de la marque peint dans des dimensions disproportionnées ressort comme un signe tapageur sur le bitume de Berlin. Si la couleur grise du mobilier et des voitures de la firme Autolib fait preuve d’une certaine discrétion, celui de Car2Go, reprenant le même code azuré pour ses véhicules comme ses bornes de recharge dénote et laisse une empreinte marquante dans l’espace public. Mais si Autolib et Car2Go utilisent le même vocabulaire de signalisation urbaine (marquage au sol, bornes de recharge, véhicules banalisés), d’autres firmes interviennent de manière plus radicale, développant plus qu’un nouveau type de mobilier, de véritables infrastructures. Certaines stations se transforment même en d’authentiques hubs logistique et énergétique, plateformes intermodales entre différents véhicules libre-service (voitures, vélos) et centrales électriques produisant l’énergie qu’elles distribuent. Georges Amar prédit que : « les infrastructures de nouvelle génération seront « vertes et intelligentes ». Cela devrait conduire à une conception reliante de ces infrastructures, qui recherchera systématiquement les synergies pouvant naître d’un maillage, d’une corrélation, d’une connexion entre deux ou plusieurs d’entre elles. »132
Nous avons découvert ce type d’infrastructure lors de notre voyage
à Wolfsburg. Installée dans une ancienne station service, la « Volkswagen E-mobility station » se revendique comme la « station service du futur » (Fig. 36 et 37). Totalisant une surface de 2 200 mètres carrés, cette infrastructure est capable de produire de l’électricité solaire, éolienne et géothermique133. Cette électricité nourrit ensuite le réseau public et sera utilisée pour alimenter la station permettant de recharger les véhicules et vélos électriques partagés ainsi que les e-vélos disponibles à la location. Se targuant de préfigurer la station service du futur à l’ère de l’électromobilité, ce hub urbain imaginé par Volkswagen constitue une véritable infrastructure expérimentale à ciel ouvert. En France, le récent projet de véhicules partagés CitéLib by Ha:mo a également été l’occasion de développer des infrastructures innovantes. A l’expérimentation pour trois ans depuis le 1er octobre 2014 à Grenoble, Ha:mo (Harmonious
132 AMAR Georges, Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance, juin 2010, Paris, Collection Présence, éditions fyp, p.190 133 http://www.e-mobility-station.com/en/about-us/exhibition.html
- 127 -
Fig. 36 « Volkswagen E-mobility station » à Wolfsburg Source : http://www.eladen-kompetenz.de/typo3temp/pics/3eca8f5217.jpg
Fig. 37 « Volkswagen E-mobility station » à Wolfsburg Source : photo personnelle prise le 4 avril 2014
Fig. 38 L’« Electric mobility sharing station», Toyota City, un hub intermodal Source : http://electriccarsreport.com/2013/05/electric-mobility-sharing-station-at-toyota-city-model-eco-district/
mobility)134 est né de la coopération entre la ville de Grenoble, sa métropole Grenoble-Alpes, EDF et sa filiale Sodetrel, le constructeur automobile Toyota et la société d’autopartage CitéLib (Fig. 38). Véritables plaques tournantes pour le partage de la mobilité électrique, des infrastructures mettent à disposition différents types de véhicules : voitures thermiques, véhicules électriques innovants (i-Roads, Coms), vélos à assistance électrique (« PAS ») tout en étant connectées au réseau de transports en commun existant. Elles sont également à même de générer, stocker et distribuer de l’énergie électrique. On mesure alors dans quelles proportions le partage de véhicules électriques et la pensée d’un futur électro-mobile, conçu de manière systémique à l’échelle urbaine, peuvent être à la source de nouvelles infrastructures citadines.
Si certains systèmes d’autopartage n’ont aucune répercussion majeure
sur l’espace urbain, d’autres sont l’occasion d’une véritable réflexion urbaine et infrastructurelle. Derrière l’installation de ces mobiliers et infrastructures plus ou moins lourdes de conséquences sur l’espace public est à l’œuvre un processus de privatisation et de marchandisation de l’espace public. Ces dispositifs constituent des opportunités d’expérimentation et de perfectionnement de leurs produits pour les entreprises en même temps que de véritables vitrines publicitaires, et révèlent une mutation des acteurs et des processus de fabrication de la ville en cours.
3.2. La voiture servicielle ou la « vitrinisation » de l’espace public
Les services d’autopartage, en investissant la voirie et occupant
l’espace public par le déploiement d’un vocabulaire communicant et marchand, constituent de véritables outils publicitaires. Comme le met en avant Maxime Huré dans son article « De Vélib’ à Autolib’. Les grands groupes privés, nouveaux acteurs des politiques de mobilité urbaine »135 à propos de JC Decaux et Bolloré, « ces deux entreprises ont développé une stratégie commune : faire de Paris une «vitrine mondiale» pour exporter leur produit et leur image à l’international ». 134 http://www.toyota-europe.com/world-of-toyota/articles-news-events/2014/citelib-by-hamo-launch.json 135 HURÉ Maxime, « De Velib’ à Autolib’. Les grands groupes privés, nouveaux acteurs des politiques de mobilité urbaine », in Métropolitiques, 6 janvier 2012. URL : http://www.metropolitiques.eu/De- Velib-a-Autolib-Lesgrands.html.
- 129 -
Fig. 39 La Blueindy, le service d’autopartage de Bolloré s’exporte à Indianapolis Source : http://www.lefigaro.fr/societes/2014/05/19/20005-20140519ARTFIG00344-autolib-se-met-a-l-heureamericaine.php
Fig. 40 Les dispositifs de charge à Paris envahissent les trottoirs parisiens Source : Photographie personnelle prise le 27 décembre 2014 à Paris, île Saint-Louis
Autolib a été lancé en 2011 à titre de service public, en collaboration avec la Mairie de Paris, sous la forme d’un syndicat mixte entre l’entreprise Bolloré et les communes concernées. Après trois ans d’expérimentation médiatisée et réussie, Autolib se lance, à titre privé cette fois-ci, à Bordeaux et Lyon et bientôt à Londres, Singapour et Indianapolis136 (Fig. 39). De plus, en 2013, après avoir été testée à grande échelle pendant dix-huit mois grâce au système d’autopartage Autolib en région parisienne, Bolloré a lancé la commercialisation de sa Bluecar aux particuliers. Le caractère promotionnel qu’a constitué la mise en place d’Autolib à Paris pour l’entreprise Bolloré est ainsi indéniable. L’installation du service dans la capitale a permis de tester et améliorer le système et les véhicules, de profiter d’une visibilité tout en devenant aujourd’hui un produit commercialisable et exportable. Comme nous l’avons vu plus tôt, la mobilité en libre-service se caractérise par une occupation croissante de l’espace public par les grandes firmes.
A Paris, les stations pour les vélos et les voitures, mais aussi les bornes
pour recharger les batteries des Bluecars, sont autant de lieux où se déploie la promotion des entreprises. Cette présence des grands groupes dans l’espace public est particulièrement visible dans le cas de JC Decaux ; elle fait même partie du modèle économique de l’entreprise. En effet, les Vélib’, ainsi que d’autres services, sont financés par les recettes de la publicité affichée sur les mobiliers JC Decaux. Depuis les années 1970, l’espace parisien s’est ainsi transformé en une jungle touffue de mobiliers, auxquels s’ajoute aujourd’hui le système Vélib’. Ce foisonnement témoigne de l’emprise de JC Decaux sur l’espace public (Fig. 40). En outre, formidable tremplin, l’expérience d’autopartage menée par MobilityCarSharing en Suisse a permis la constitution d’une entreprise de mobilité. Ne se limitant plus simplement à la mise en service d’une flotte de véhicule mais devenu une marque et une entreprise de conseil et d’export de ses technologies de l’autopartage, Mobility a créé une filiale Mobility Support SA afin de « répondre aux nombreuses demandes de conseil en matière d’autopartage et vendre ses technologies à des opérateurs souhaitant démarrer un
136 Pour cette raison, Autolib’ est en proie aux critiques, les dénonciations allant à l’encontre de la mairie, « s’encanaillant » avec des entreprises libérales. http://carfree.fr/index.php/2011/12/10/autolib-delanoe-offre-une-vitrine-a-laffairiste-bollore/ http://www.avem.fr/actualite-autopartage-bollore-veut-developper-autolib-a-londres-4840. html
- 131 -
Fig. 41 La transformation des espaces d’abonnement Autolib en vitrines pour IKEA Source : http://www.streetplanneur.com/wp-content/uploads/2013/06/ikea-rhabille-les-stations-autolib-5.jpg
Fig. 42 Des voitures-vitrines, supports publicitaires publics-privĂŠs Source : http://bambiaparis.unblog.fr/2014/06/23/pages-jaunes-et-lautolib-connectee/
service professionnel à l’étranger »137. En 2004, Mobility Support accompagne la création de Catalunya CarSharing (Avancar) à Barcelone, dans le cadre d’un contrat de consultance et d’octroi de licence.
De la même manière, la municipalité parisienne a concédé à Bolloré
de très nombreuses places de stationnement. Si nous n’avons pas encore vu apparaître d’annonces publicitaires sur les Bluecars, les « bulles » d’information, devantures de l’entreprise Bolloré, ont déjà fait office, à proprement dit, de vitrines annonceuses. En juin 2013, à l’occasion de la signature d’un partenariat avec IKEA permettant l’installation de stations Autolib sur des parkings du géant suédois en banlieue parisienne, une campagne publicitaire y a été menée138. Deux des « bulles » d’information Autolib ont été aménagées en cuisine et en salle de bain IKEA (Fig. 41). Ces petits habitacles sont alors devenus de véritables dispositifs de marketing et supports évènementiels (Fig. 45), prenant le pas dans des proportions surdimensionnées sur les panneaux d’affichage de la société JC Decaux, qui permettent de financer les Vélib’. Si certaines de ces « bulles » ont servi de vitrines publicitaires tandis que d’autres se sont transformées en abris, un appel à projet a récemment été lancé par le syndicat mixte Autolib’ Métropole pour réfléchir aux nouveaux usages possibles de ces lieux publics. Bibliothèque partagée (Fig. 44), kiosque d’échange et d’informations participatif, balise olfactive (Fig. 43), bulle musicale pour la découverte de nouveaux talents, serre de « Phytobulb’ »139, espace de présentation d’un plan de quartier collaboratif, les projets de ces espaces de visibilité sont le lieu de projection d’une ville plus conviviale, créatrice de sociabilité, espace de vie, d’échange et de participation. Ces projets révèlent également l’envie citadine de trouver des lieux du libre-service, c’est-à-dire des lieux ouverts à tous vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, espaces d’échange, de lien social, de partage, plateformes protéiformes de cette nouvelle société collaborative en train de voir le jour. D’infrastructures à vitrines, à travers les résultats de ce concours, ces nouveaux mobiliers urbains incarnent le potentiel de devenir les supports de nouvelles activités, en particulier liées au partage et à l’économie collaborative.
137 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.8 138 http://leblogdelevenementiel.wordpress.com/2013/06/25/les-bulles-autolib-transformees-en-cuisine-etsalle-de-bain-ikea/ 139 http://www.autolibmetropole.fr/customoi/
- 133 -
Fig. 43 La balise olfactive – Victor LEPAGE Source : http://cdn3.lebonbon.fr/wp-content/uploads/2014/05/lebonbon-autolib-customoi_9.jpg
Fig. 44 La Biblib’ - Aurélie Chapelle, David Machado Source : http://referentiel.nouvelobs.com/file/7283188.jpg
Fig. 45 Des supports évènementiels : Les bulles ont également été investies comme des salons de beauté, à l’occasion de l’inauguration du partenariat d’Autolib et Twizy Source : Mr Twooders
Le bitume urbain devient alors vitrine, terrain d’expérimentation et
d’amélioration des systèmes d’autopartage, comme ce fût le cas pour Car2Go à Ulm en Allemagne où le système a aujourd’hui disparu mais s’est exporté dans huit pays et trente villes en Europe et en Amérique du Nord. Le même cas de figure se retrouve à Saint-Quentin-en-Yvelines, où le service TwizyWay lancé par Renault puis cédé à Keymoov (entreprise spécialisée dans les services de mobilité durable) s’est arrêté et à propos duquel le Technocentre Renault reconnaît que « ce service n’était qu’une expérimentation qui a permis de développer des produits plus spécifiques pour les entreprises intéressées »140. Dans ce modèle, l’occupation de l’espace public entraine une forte dépendance des pouvoirs publics envers les entreprises. En effet, le changement de prestataire sur ce type de service constitue un risque politique majeur, celui de « mettre la ville en chantier »141 à travers le démontage de l’ensemble des mobiliers implantés. Aussi les liens entre l’institution publique et le prestataire choisi à l’origine conduisent-ils à inscrire la mobilité en libre-service dans la durée. L’émergence des acteurs privés contribue à rompre le système de coproduction de la ville – associative-publique – à l’origine de la mobilité en libre-service, avec la mise en place de partenariats entre le public et le privé. Ce changement écarte les associations traditionnelles du jeu de la décision, mais transforme aussi en profondeur l’économie des services urbains.
140 PRIOL Geoffrey, L’autopartage électrique débranché in Le Parisien, 12 juillet 2014. http://www.leparisien.fr/ espace-premium/yvelines-78/l-autopartage-electrique-debranche-12-07-2014-3995503.php 141 HURÉ Maxime, « De Velib’ à Autolib’. Les grands groupes privés, nouveaux acteurs des politiques de mobilité urbaine », in Métropolitiques, 6 janvier 2012. URL : http://www.metropolitiques.eu/De- Velib-a-Autolib-Lesgrands.html.
- 135 -
III. VERS UN PARTAGE DES MECANISMES DE FABRICATION DE NOS TERRITOIRES
L’autopartage ne remet aujourd’hui pas nécessairement en cause la ville
dans ses qualités intrinsèques, mais son implication dans le bouleversement des jeux d’acteurs est manifeste. La multiplication des offres et le foisonnement des acteurs questionnent le rôle des pouvoirs publics, de la régulation de ces systèmes, et des limites juridiques, éthiques et politiques de leur développement. L’autopartage s’est développé lors de la rencontre et la concomitance de contraintes urbanistiques, d’une prise de conscience environnementale ainsi que d’une volonté et force de décision politique. Comment, face à cette diversité des offres d’autopartage, peut-on rendre davantage intelligible et accessible au plus grand nombre cette nouvelle forme de mobilité afin de lui donner la puissance qu’on lui augure à savoir celle d’alternative efficace à la voiture de tourisme individuelle ? Quelles relations peuvent entretenir ces différentes initiatives les unes avec les autres ainsi qu’avec les pouvoirs publics, tant à l’échelle des villes que celle du territoire? Quelles conséquences l’émergence d’une économie du partage et d’un mode de consommation collaboratif ont-ils sur la ville et ses infrastructures ? Comment l’autopartage comme figure de proue de la société du share, est-il susceptible d’insuffler une nouvelle manière de concevoir et de vivre la ville de demain ?
- 137 -
1. Du partage au share, une asymétrie idéologique manifeste 1.1. Archéologie du partage, du partage au libre-service
Du mot autopartage, on tire d’une part le préfixe « auto », et de l’autre
le mot « partage ». Après avoir dans un premier temps étudié l’automobile et l’auto-mobilité induite et transformée par son usage partagé, intéressonsnous à la terminologie du mot partage dans les modes d’organisation, les idéaux et les valeurs qu’il sous-tend, afin d’évaluer l’avenir et le potentiel des systèmes d’autopartage. Selon le CNRTL142, le mot « partage » est constitué du préfixe « part », qui vient du latin pars, partis qui signifie « partie », « part », « portion », « lot », ainsi que du suffixe –age, dérivé du latin -atecus ou –atecum, qui a pris le sens « ensemble des caractères relatifs au [subst. de base] » ou celui de « collection des choses qui en font partie »143, apportant une notion de collectivisation ou indiquant un état, une condition, une relation avec un groupe. « Partager » peut-être compris dans le sens de diviser et de démembrer ou celui d’ « avoir sa part à (quelque chose) en même temps que d’autres. » autrement dit se solidariser144. En anglais, to share présente la même ambiguïté avec le double sens d’une part de to portion out et de to divide up et d’autre part de to participate in, de to take part in et de to have a role in. Le mot partage peut donc être entendu comme la « division d’un élément en plusieurs portions en vue d’une distribution ». Il est originellement directement lié à l’idée de communauté, de groupe au sein duquel s’effectuerait une répartition, puisqu’on ne peut, par essence, partager tout seul. Le partage au sein d’une communauté d’individus est à la source de nombreux systèmes d’autopartage, étant une pratique aussi ancienne que l’automobile. Rappelons-nous que les premiers systèmes d’autopartage à l’œuvre en Suisse s’appuyaient sur des réseaux de voisinage et dans un cas, sur un habitat coopératif. L’auto-partage était alors fondé sur une communauté physique d’individus rassemblés pour partager l’utilisation d’un véhicule grâce à la multipropriété ou le prêt. Cette communauté, rassemblée autour d’intérêts communs et de valeurs de solidarité, de réciprocité et de distribution peut occasionner l’échange connexe d’autres 142 Centre National de Recherches Textuelles et Lexicales 143 Etymologie tirée de http://www.cnrtl.fr/etymologie/partage/substantif 144 Définition issue de Le Petit Robert de la langue française, ed. 2006, p. 1854 col. 1, article «Partager »
- 139 -
biens et services que l’automobile. Au fondement de la société Sharecom se trouvait ainsi une philosophie « communautariste » fondée sur le volontariat de ses membres et usagers, tant pour faire fonctionner la structure qu’entretenir les véhicules. Cette communauté est réduite, se limitant à une vingtaine de personnes, et localisée, à l’échelle d’un voisinage immédiat voire d’un immeuble ou d’un habitat collectif. La réciprocité des pratiques est structurante de ce modèle, qui repose sur l’obligation des individus, la coparticipation inhérente à l’acte de partager.
Progressivement, en se professionnalisant et s’industrialisant, les
organismes d’autopartage n’ont gardé du mot partage que la division de l’usage entre plusieurs partis, l’idée de communauté se substituant progressivement à celle de clientèle, groupe d’individus entre lesquels s’opèrent cet usage distribué de l’automobile.145 Partager ne suppose alors pas nécessairement qu’il existe des rapports directs, physiques ou moraux entre les individus. Les individus ne sont pas liés par un rapport de réciprocité entre eux mais vis-à-vis d’une entité supérieure, ainsi que par l’intérêt d’utiliser, d’avoir accès à un même véhicule ou un même objet les uns à la suite des autres. L’autopartage repose alors bien sur un groupe d’individus mais ceux-ci n’ont pas de rapport les uns avec les autres, étant la majorité du temps anonymes, à l’exemple du système Autolib. A ce titre, la traduction anglaise du mot partage, la dichotomie entre les mots share et partage et la préférence d’usage du substantif anglais à sa traduction française, est révélatrice du phénomène en cours, celui de l’économie collaborative. Le mot share évoque une autre dimension, celle d’internet. La formule Like and Share sur facebook ou tweeter fait référence aux réseaux sociaux qui permettent immédiatement de partager tout contenu, images, articles, etc. Internet a en effet démultiplié les possibilités de partage en facilitant la mise en relation des individus entre eux sans nécessairement engendrer de relation physique, de lien social. Ce « choc des discours »146 est effectivement mis en lumière
145 SERVET Jean-Michel, De nouvelles formes de partage : la solidarité au delà de l’économie collaborative, 10 juin 2014, Institut Veblen pour les réformes économiques. Disponible en ligne sur : http://www.veblen-institute.org/ De-nouvelles-formes-de-partage-la 146 MARZLOFF Bruno, OuiShareFest 2014 – Le choc des discours, 9 mai 2014. Retour sur les conférences «Rethinking retail in the collaborative economy» avec Véronique Laury (Castorama) et «Pharmacologie de la contribution» avec Bernard Stiegler au OuiShare Fest, le 6 mai 2014. Article du groupe Chronos (cabinet d’étude et de prospective) consultable sur : http://www.groupechronos.org/blog/ouisharefest-2014-le-choc-des-discours
- 141 -
Fig.46 L’autopartage : autant de motivations que d’utilisateurs Source : Site internet de Zipcar, URL : www. zipcar.com
par Bruno Marzloff, suite à sa participation au OuishareFest147, qui déplore le divorce sémantique existant entre les propos du philosophe Bernard Stiegler et l’intervention de Véronique Laubry, CEO de Castorama. Annonçant un projet stratégique, la manager du magasin de bricolage utilise une sémantique anglicisée et porte un discours teinté des valeurs collaboratives à travers un champ lexical évoquant les notions d’empowerment, de troc, be part of it ou encore d’open innovation. Toutefois, Bernard Stiegler souligne que les modalités marketing que Castorama, comme de nombreuses autres firmes, mettent en avant ne sont finalement qu’un « consumérisme du partage », « la logique de partage est dans les mots »148.
La différence principale qui se joue est celle qui existe entre l’autopartage
entre particuliers et l’autopartage « traditionnel » qui s’apparentent à de la location courte durée d’une part, et de l’autre le libre-service, forme dématérialisée et poussée de l’autopartage. Selon Wikipedia, le libre-service (ou self-service en anglais) désigne à la fois « la faculté laissée à l’usager ou au client de choisir les biens ou services exposés ou présentés et/ou de se servir lui-même» avant de s’acquitter du prix affiché ou de rendre compte de la transaction effectuée. L’idée de libre-service suggère donc que certains équipements ou ressources soient mis à disposition d’un public prédéterminé selon des modalités qui en faciliteraient l’usage. Il insinue d’abord d’avoir déterminé un public plus ou moins large, par un système d’abonnement ou l’adhésion à une organisation. Il repose également sur la condition que les usagers et utilisateurs connaissent et soient aptes à utiliser des biens et services offerts ainsi qu’un minimum de confiance et respect du bien commun existe en vu de réduire la probabilité de comportement incivile ou de vandalisme. En outre, le choix de l’emplacement, la fréquentation, l’attractivité et la facilité d’accès sont des paramètres vitaux de cette « activité complexe et risquée »149. Les efforts pour maîtriser l’ensemble de ces défis sont à l’origine de développements et de progrès importants dans les domaines de l’informatique et de la logistique. S’appuyant et dépendant de technologies connectées de pointe, le libre-service est la forme la plus aboutie
147 Organisé depuis 2013 par le think thank Ouishare , le OuiShare Fest est un festival annuel de trois jours sur le thème de l’Economie Collaborative qui a eu lieu du 5 au 7 Mai 2014 au Cabaret Sauvage à Paris, le thème de cette deuxième édition était « L’âge des communautés ». 148 Vidéo de l’intervention de Bernard Stiegler consultable sur la chaîne youtube de l’événement : https://www. youtube.com/watch?v=BNkZV8HFD4g&list=PL8Bt3EbdmpKM6FX7gS2uItvFSodafQzw4&index=3 149 http://fr.wikipedia.org/wiki/Libre-service
- 143 -
Fig. 47 Capture d’écran de la plateforme d’autopartage entre particuliers Deways : L’autopartage, un site de rencontre ? Source : http://www.deways.fr, 22 mai 2014
Fig. 48 Des valeurs communautaires : réalité ou argument marketing ? Cartribe, site de location entre particuliers, Suisse Source : http://www.cartribe.ch/fr/, le 22 mai 2014
d’autopartage en ce qui concerne la dématérialisation des moyens physiques et humains d’accès au véhicule. C’est ce type d’autopartage, à l’exemple d’Autolib, qui tend le plus souvent à la privatisation des espaces publics.
1. 2. Le partage, idéal ou outil marketing ?
Comme nous l’avons vu au cours de ce travail, le mot autopartage autant
que le mot partage, révèlent des réalités hétérogènes. L’analyse des discours et slogans commerciaux teinte de différentes couleurs le mot autopartage. Plusieurs organisations d’auto-partage entre particuliers mettent en avant les valeurs de communauté et de convivialité. La plateforme Deways va jusqu’à revendiquer, tel un site de rencontre, un « autopartage entre particuliers, par affinités » (Fig.47) tandis que Drivy se prévaut d’un autopartage « moins cher, plus proche, plus convivial » et la plateforme suisse Cartribe propose de « rejoindre la tribu Cartribe »150 (Fig. 48). Mais derrière ces leitmotivs communautaristes, la préoccupation première est indéniablement économique, tant pour le « client » que pour la société. L’idée de partager sa voiture résulte d’abord d’une réaction à un phénomène de crise et de la nécessité de trouver des moyens pour maintenir son niveau de vie. En témoigne l’argument « gagnez de l’argent avec votre voiture » 151 mis en avant quasiment unanimement dans les discours marketing, comme chez Koolicar où le propriétaire « attend sereinement les revenus de ses locations »152 tandis que le locataire ne « paye que ce qu’il utilise ». Dans certains cas, on se demande alors, quand le terme « partage » est mis en avant, s’il ne s’agit pas de son détournement mercantile ; la seule innovation étant l’usage du web pour mettre en contact offreurs et demandeurs directement, voire indirectement, en vue d’une éphémère transaction. L’offre via un site n’est pas très différente du dépôt-vente dans un magasin commercialisant par exemple des habits de marque, de l’électroménager ou des meubles, des tableaux, des 150 1ère plateforme d’autopartage entre particuliers en Suisse, né en 2012, Cartribe est la version suisse de Drivy, facilitant l’utilisation d’un véhicule par plusieurs utilisateurs. Mobilidée, une entreprise spécialisée dans le conseil et la gestion des projets liés à la mobilité est à l’origine de sa création (et non la société civile comme dans les exemples ci-dessus). Pour plus d’informations : http://www.cartribe.ch/fr/ 151 Slogan marketing tiré du site Internet Buzzcar (http://www.buzzcar.com/fr/) où un simulateur permet, grâce à l’entrée de différents critères (marque et modèle du véhicule, type, âge et fréquence de disponibilité à la location du véhicule), d’évaluer les revenus potentiellement issus de la mise en location de son véhicule. 152 Constitué à partir de solutions techniques permettant d’accéder aux véhicules depuis son smartphone, Koolicar revendique avant tout la simplicité de son système permise par l’installation de la KoolBox. Informations sur : https://www.koolicar.com/comment_ca_marche
- 145 -
livres ou des bibelots.153
Si la terminologie du mot auto-partage nous permet de rendre intelligible
sa dichotomie, celle-ci est non moins lexicale que structurelle. S’intéresser aux formes et aux statuts de ces organisations d’autopartage est révélateur en ce qu’il rend intelligible les objectifs intrinsèques de ces structures. Derrière les discours commerciaux et marketing, la forme choisie par ces organisations dévoile leurs valeurs et de leurs objectifs. Plusieurs de ces systèmes sont des S.A (Société Anonyme) ou S.A.S (Société Anonyme Simplifiée), soit avant tout des sociétés privées, c’est-à-dire des sociétés de capitaux par actions destinées à faire du profit en vue de rémunérer des actionnaires, ce sont des sociétés commerciales. On retrouve en particulier dans cette catégorie l’ensemble des plateformes collaboratives Drivy, Buzzcar, Deways, (etc.) se prévalant souvent de valeurs conviviales et communautaires. Ce sont également des systèmes émanant de sociétés ou grands groupes comme Autolib (Bolloré), Car2Go (Daimler), Transdev (Véolia)… Si certaines de ces sociétés développent une offre autonome et interviennent de manière indépendante dans l’espace public, plusieurs répondent à des appels d’offres lancés par les mairies et métropoles. Elles s’inscrivent alors au sein de syndicats mixtes ou de groupements complexes et fournissent des services publics dont elles reçoivent la délégation de la part d’institutions publiques (Communauté d’Agglomération, Métropole,…).
De l’autre côté, les sociétés coopératives et participatives (SCOP),
comprenant les SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Commun) sont des « sociétés coopératives de forme SA, SARL ou SAS dont les salariés sont les associés majoritaires et détiennent au moins 51 % du capital social. »154 Le dirigeant y est élu par les salariés associés et le partage des profits est équitable entre les salariés, les salariés associés et les réserves de l’entreprise. Une partie des profits de l’entreprise sert donc au développement de l’entreprise, à consolider les fonds propres et à assurer sa pérennité. Dans une SCIC, les mécanismes coopératifs et participatifs sont identiques à ceux de la SCOP. Toutefois, les membres associés au capital sont par définition de toutes natures: salariés
153 SERVET Jean-Michel, De nouvelles formes de partage : la solidarité au delà de l’économie collaborative, 10 juin 2014, Institut Veblen pour les réformes économiques. p.7 154 Définition issue du site « Les scop. La démocratie nous réussit », consultable sur : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html
- 147 -
mais aussi celles et ceux qui souhaitent s’impliquer dans le projet : clients, bénévoles, collectivités territoriales, partenaires privés, etc. Structuré en une société coopérative de consommation, le réseau Citiz est mis en œuvre localement par des sociétés coopératives, des associations, des entreprises publiques, sans but lucratif. Les usagers et les collectivités participent aux décisions, dans l’intérêt de tous. Le capital et les décisions sont majoritairement aux mains des structures locales d’autopartage.
Ces différences organisationnelles et structurelles relèvent de
processus de création ambivalents. Les uns, top-down, émanent de grands groupes et d’entreprises ou d’institutions publiques, destinés à fournir et vendre un service à une clientèle, les autres, bottom-up naissent d’initiatives citoyennes et associatives, de la société civile, motivés par l’idée de mettre en place collectivement un service. Si la plupart de ces organisations tendent à la croissance, la professionnalisation et l’industrialisation, la différence génétique de constitution de ces structures relève et traduit souvent des idéaux sociaux et des valeurs, si ce n’est opposées, différentes. D’une part, l’idée sousjacente du libre-service ou de services commerciaux s’apparente au capitalisme voire à un néo-libéralisme effréné, tandis que de l’autre, les modèles d’autopartage coopératifs relèvent d’idéaux communautaristes, s’appuyant sur l’idée de communauté et de solidarité pour donner accès et réduire les inégalités. Cette dichotomie manichéenne est, bien sûr, à relativiser, elle est cependant révélatrice d’une transformation des mécanismes et des acteurs de fabrication de la ville, aux groupements associations-villes succèdent souvent ceux des grands groupes-métropoles. Toutefois, face à cette situation engendrant la marchandisation de l’espace public, les citoyens ont les velléités d’agir, l’empowerment de la société civile révèle leur volonté d’agir en faveur de leur mobilité.
1.3. Industrialisation et professionnalisation, le dévoiement d’un idéal
Cette multitude d’acteurs se différencie par des disparités de moyens.
D’artisanaux à élaborés, connectés et technicisés, les premiers systèmes d’autopartage semblent inlassablement tendre vers les seconds. En effet, en s’intéressant à la genèse de l’autopartage, on constate que le facteur
- 149 -
technologique, gage de professionnalisation et de qualité du service, semble être déterminant dans la réussite du système. Mais ces technologies, permettant de rendre efficaces, fiables et performantes l’autopartage ont un coût. Bagatelle pour certaines firmes et grands industriels, elles représentent d’importants investissements pour les coopératives, start-up et encore davantage pour les particuliers. L’industrialisation de ces systèmes semble donc corrélée à leur professionnalisation et croissance. Réunion de sociétés coopératives d’autopartage créées indépendamment les unes des autres, le réseau national Citiz est né de l’envie de mutualiser des moyens (une centrale d’appel, un partenariat avec un assureur, l’achat et l’entretien groupé de véhicules, une marque et des outils de communication) autant que d’acquérir une visibilité sur le plan national. Derrière cette initiative et au vu du succès de firmes comme Autolib, semble transparaître l’idée qu’il faille atteindre une certaine taille, disposer de moyens, intervenir à grande échelle et de manière massive sur le territoire pour impacter les mobilités. Il s’agit d’avoir de l’ambition et de « voir les choses en grand »155 comme le disait le directeur de JC Decaux à propos des Vélib’. Le problème est bien entendu le coup de ce type d’intervention et le temps long de sa rentabilisation.
Plusieurs plateformes d’auto-partage, notamment entre particuliers, se
targuent d’être « le Airbnb de la voiture »156, jalousant, admirant et aspirant à l’exceptionnel succès de ce site de location de logements entre particuliers, aujourd’hui présent dans plus de 190 pays. Pour autant, comme l’évoquait Diana Filippova157, core connector de la plateforme Ouishare, fervente défenseuse et actrice de l’économie collaborative, il ne faut pas divaguer et s’enthousiasmer démesurément sur la totalité de ces sites internet naissant chaque jour en prétendant révolutionner le partage de notre voiture, machine à laver, perceuse, ou n’importe quel objet que nous avions auparavant l’habitude de posséder. Tous ne sont pas voués au succès d’Airbnb, ce succès étant, rappelons155 Propos issu de l’intervention de Jean-Charles Decaux invité au débat « Smart City, essai de définition » lors du Forum Smart City du Grand Paris. 156 FAURE Guillemette, AirBnB, Blablacar, Drivy : partager, c’est gagner in M le magazine, 25 juillet 2014. « Beaucoup de prétendants à devenir les nouveaux Airbnb, peu d’élus : Tous essaient de trouver l’équation de ce qui peut faire un succès. Mais, en économie collaborative comme en football , on analyse mieux les mauvaises stratégies les lendemains de match. Pour qu’un marché émerge, il faut d’abord de la capacité disponible (une voiture garée 90 % de son temps), une valeur économique à l’échange (notre aptitude à changer nos comportements dépend de ce qu’on y gagne), de faibles coûts de transaction et une offre suffisante. » 157 Lors d’une intervention effectuée dans le cadre de la rencontre avec les leaders de l’économie collaborative organisée à l’Assemblée Nationale par le mouvement Inventons Demain le 29 novembre 2014.
- 151 -
le, exceptionnel ; tous ne sont pas destinés à réussir. De même, si la réussite d’Autolib est manifeste et aura eu les vertus de médiatiser l’autopartage, ce n’est pas la destinée de toutes les sociétés de partage de véhicules. En outre, malgré sa réussite, le système de libre-service de Bolloré, comme nombre de sociétés d’autopartage, n’est pas encore rentable. De plus, depuis le début de ce travail et au regard des chiffres, on constate un double mouvement. Si le nombre de sociétés d’autopartage n’a cessé de croître depuis dix ans, le nombre de sociétés passant, en France, de trois à plus de quarante entre 1999 et 2014158; plusieurs rachats, fusions et faillites ont également caractérisé le secteur, qui semble progressivement avoir pris la route de l’industrialisation. L’exemple Suisse est à ce titre éclairant, MobilityCarSharing étant l’héritier de deux sociétés coopératives d’autopartage artisanales ayant fusionnées et s’étant industrialisées pour devenir un opérateur de mobilité comme expliqué plus tôt159. De la même manière, Caisse-Commune est créé en 1999 tandis que Mobizen arrive sur le marché en 2007, les deux sociétés sont ensuite rachetées, la première par le groupe Transdev, l’autre par Veolia Transport en 2008 avant de fusionner en 2011 et d’être rachetées par l’entreprise québécoise Communauto l’année d’après. L’année dernière, Mobizen s’est associé avec le louer ADA en vue d’offrir une offre promotionnelle croisée à leurs clients, les deux partis étant « convaincus de la complémentarité de leurs offres “location et autopartage” »160. L’une des dérives s’incarne dans l’émergence de géants mondiaux de l’économie collaborative. Si le mouvement est né dans des structures associatives ou coopératives, de nombreuses plateformes d’intermédiation sont désormais des entreprises privées, et certaines se sont lancées dans une course à la taille critique. « Quand on voit des publicités pour des sites d’échange dans le métro, on se dit que l’on est quand même loin des valeurs de partage », estime Anne-Sophie Novel161.
Si certains organismes se structurent et se professionnalisent de la
158 Chiffres issus de l’étude comparative personnelle effectuée, prenant ses sources auprès de Xerfi et d’après les données des opérateurs et de la presse professionnelle. 159 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.2. 160 GUITTAT Yves, ADA et Mobizen font cause commune sur la mobilité, in L’automobile et l’entreprise, 7 juin 2013. Consulté le 21 juin 2014. http://www.automobile-entreprise.com/Ada-et-Mobizen-font-cause-commune,3213 161 GEORGES Benoît, Economie du partage : les limites d’une utopie, in LesEchos.fr, rubrique Auto-Transports, 20 mai 2014. Consulté le 27 juin 2014. http://www.lesechos.fr/20/05/2014/lesechos.fr/0203508632953_economie-du-partage---les-limites-d-une-utopie.htm
- 153 -
Fig. 49 Mis en place en 2007, le système d’autopartage sans station et sans réservation CitéVu s’est arrêté en 2011 à Antibes devant le manque de moyens et la nécessité de renouveler la flotte automobile Source : http://www.avem.fr/img/news/2011/citevu_end.jpg
sorte, d’autres disparaissent en faisant moins de bruit qu’à leur arrivée sur le marché. La découverte de l’arrêt du service TwizyWay de Saint-Quentin-enYvelines, fin 2014, a ainsi été soudaine. Après deux ans d’activités, les causes de cette suspension se sont révélées obscures, « l’arrêt temporaire » annoncé par Keymoov en juillet 2014 pour prendre le temps de « basculer la technologie Renault vers [leurs] propres technologies » 162 s’est soldée par une cessation d’activité due à l’« impossibilité de bénéficier des subventions nécessaires à la relance du service »163 quelques mois plus tard. CitéVu s’est également arrêté en 2011, après quatre ans d’existence, le système ne concernait que 180 abonnés. Ainsi, le succès de l’autopartage, en particulier en France, est aujourd’hui à mesurer. Quelques calculs mathématiques permettent de mesurer ce taux de pénétration, en rapportant le nombre d’usagers au nombre d’habitants concernés par les offres. Le résultat est alors encore décevant, mettant en avant le fait que, malgré les espoirs, l’autopartage n’a pas encore pris un rythme de croisière. L’arrêt du système CitéVu (Fig. 49) mis en place par Vulog164 à Antibes révèle l’importance des jeux d’acteurs, et en particulier le renforcement du rôle institutionnel et financier des pouvoirs publics. En outre, ces technologies et ces systèmes (véhicules, logistique…) sont extrêmement coûteux de sorte que, comme l’énonce Véronique Biau, « la mise en place d’un tel mode de transport ne peut pas s’envisager financièrement sans un partenariat très étroit avec les pouvoirs publics »165.
2. L’autopartage à l’heure du « co » 2.1. Freins et limites politiques
En 1951, Jacques D’Welles imaginait et rêvait une ville oscillant entre
utopie et réalité. Partant d’un véhicule puis d’un système inédit de mobilité, 162 PRIOL Geoffrey, L’autopartage électrique débranché in Le Parisien, 12 juillet 2014. http://www.leparisien.fr/ espace-premium/yvelines-78/l-autopartage-electrique-debranche-12-07-2014-3995503.php 163 DUFEU Antoine, Twizy, c’est fini !, in Caradisiac.com, 2 octobre 2014. http://www.caradisiac.com/TwizyWay-c-est-fini-97977.htm, consulté le 30 octobre 2014. 164 Vulog est une PME française leader européen des technologies d’autopartage. Proposant une technologie embarquée et une plateforme logicielle modulaire, il permet aux opérateurs de mobilité de mettre en place tous les types d’autopartage (en ville, en entreprise…) avec une utilisation des véhicules en boucle, en trace directe ou en libre-service intégral, cela avec tous les types de véhicules. 165 BIAU Véronique, Montpellier 1971-1974 : une expérience de « transport individuel public », in Transports Urbains, n°72, juillet-septembre 1991.
- 155 -
il développe une organisation novatrice et précisément réglementée de la ville, dont il nous livre le mode d’emploi dans son article « De la circulation urbaine »166. Notons que l’urbaniste imagina jusqu’aux les lois et décrets permettant le fonctionnement de son organisation. Mais la force et le travers de cette idée sont assurément son ambition. En effet,
en préconisant ce
système « total » nécessitant une intervention massive sur l’espace urbain, Jacques d’Welles nous donne les moyens de solutionner un problème, à savoir le stationnement, de manière quasi-exhaustive. Cependant, cette intervention massive requérait la réunion de moyens, tant financier que décisionnel et politique, si considérables que l’on comprend qu’elle n’ait jamais aboutie. Cette idée restée à l’état de projet nécessitait en effet la coopération entre la préfecture et la municipalité, les constructeurs de la voiture et la société gérante de ce nouveau système de transport167, que D’Welles imaginait subventionnée par la municipalité. Le caractère précurseur de cette vision urbaine, tant du point de vue des modes de vie et de la prégnance du désir de possession, en contradiction avec la non-conscience environnementale de l’époque, est une des raisons de son non-aboutissement. Mais plus encore, un des facteurs ayant empêché le développement de cette « citadine » et un agent primordial de la réussite des projets contemporains, concerne l’adhésion et le soutien des politiques coordonné à la nécessaire coopération entre les différents acteurs.
L’implication des acteurs ainsi que le soutien politique a maintes fois
été un frein au développement de l’autopartage. Conçu en 1969 par le sociopoliticien Luud Schimmelpennink, designer industriel également conseiller municipal d’Amsterdam, le projet Witkar, à Amsterdam, pâtit également du non-soutien des instances politiques. Ce système de voitures électriques en libre-service installé en 1974, fût suspendu en 1986. A l’origine de cet arrêt, un désaccord et l’interruption du financement de la part de la municipalité168. Cette organisation utilisait déjà un très intelligent (mais brut) système d’accueil et de recharge, avec une carte d’accès et un contrôle de l’accès aux véhicules par ordinateur en entrant le code PIN de son téléphone. Les prix étaient raisonnables, mais les véhicules électriques à basse vitesse n’avaient
166 D’WELLES Jacques, « À propos de circulation urbaine... » in Urbanisme, vol. 20, n°.11-12, Paris, 1951, p. 56. 167 Rubrique « Histoire de l’autopartage » éditée sur le site de l’opérateur canadien d’autopartage Communauto, consultable sur : http://www.communauto.com/historique01.html 168 Ibid.
- 157 -
qu’une autonomie de six kilomètres et un long temps de recharge169. Alors qu’il fournissait un service journalier pour plus de 4000 usagers inscrits pendant ces années, le projet n’a jamais dépassé la phase de démonstration en raison d’un manque de soutien du gouvernement. Ce système initialement conçu afin de réduire la circulation dans le centre d’Amsterdam, ne réussit pas à obtenir le support du conseil de la ville et fût contraint de se développer par une société coopérative spécialement formée. La coopérative réussit à obtenir des prêts pour la première phase de 1974. Cela comprenait la conception et la construction des véhicules, l’achat d’un mini-ordinateur pour le système de commande central, le développement du logiciel de commande, et la construction des trente-cinq premières voitures et cinq stations. Dix autres stations étaient prévues pour le fonctionnement d’ici la fin de 1976, date à laquelle la flotte aurait du être étendue à 100 véhicules. L’objectif ultime était de 150 stations et 1000 véhicules, mais en raison du manque de soutien du gouvernement ce n’est jamais arrivé.
D’autres facteurs techniques causèrent également la chute de ce
système. Les problèmes étaient nombreux : les véhicules nécessitaient un temps de recharge long, de sorte que beaucoup de véhicules étaient requis afin qu’il y en ait de disponibles tout le temps. Le problème majeur était surtout que la circulation ne se faisait généralement que dans un sens. Aussi certaines stations étaient toujours pleines tandis que d’autres demeuraient vides. Corriger cela en déplaçant les Witkar aurait causé beaucoup de circulation supplémentaire. De sorte que le système pris officiellement fin en 1988. Si aujourd’hui les problèmes techniques sont pour l’essentiel résolus, l’implication des politiques et, plus que jamais, la coopération entre les acteurs sont deux facteurs primordiaux de la réussite de l’autopartage, notamment compte tenu du prix de ces technologies. Nécessitant d’impulser un changement sociétal sur le long terme, tant du point de vue des modes de vie que des structures politiques, économiques et juridiques, l’auto-partage nécessite l’adhésion et le soutien politique.
Le soutien des politiques est effectivement une des conditions préalables
à la réussite de l’autopartage, comme le déplorait le directeur de Communauto,
169 STARR Benjamin, Amsterdam’s Witkar : the first car sharing ?, in Visual News, 3 août 2011. Consultable sur : http://www.visualnews.com/2011/03/08/amsterdams-witkar-the-first-car-sharing/
- 159 -
société d’autopartage de Montréal170. Si auparavant la motivation et l’engagement politique n’étaient pas nécessairement au rendez-vous, ce volet de l’autopartage semble résolu, en témoignent les mesures prises à différentes échelles. La création d’un label national, voté par le Sénat en 2009 puis révisé en 2012171 a permis de reconnaître, institutionnaliser, soutenir et donner un cadre juridique à la pratique de l’autopartage. Tandis que l’implication directe ou indirecte de nombreuses collectivités dans des organismes d’autopartage manifeste un intérêt certain pour la question. Ambivalent et nécessaire, le rôle des pouvoirs publics concernant l’autopartage, suppose un travail de fond sur les structures juridiques et règlementaires, aujourd’hui obsolètes. Inciter l’autopartage ou non, et sous quelles formes, suppose et révèle des choix politiques déterminants. Acteurs clefs, leur rôle est décisif tant du point de vue financier, par l’apport de subventions, que dans l’évolution juridique et institutionnel et l’encadrement d’une multiplicité d’acteurs. L’enjeu est alors de garantir une certaine cohérence tout en ne nuisant pas à la concurrence et s’inscrivant dans les lois du marché, posant la question de la juste mesure et des limites de l’action des pouvoirs publics. A l’occasion de l’annonce de l’arrêt du système Cité VU en 2011 à Antibes172, José Granados, Directeur Général des Services de la CASA, évoque justement ces problématiques auprès de NiceMatin « La Casa peut financer la recherche et le développement, c’est ce qu’elle a fait pour ces voitures avec une subvention au début de 80.000 euros. Mais aujourd’hui, il s’agit d’une activité commerciale. Ce n’est plus notre vocation. Sauf si l’on considère que ce projet nous intéresse et que nous lançons un appel d’offres pour un marché public, on doit respecter un champ concurrentiel. »173 Effectivement, si tous s’accordent sur l’autopartage, face à la multiplication des systèmes d’autopartage, les pouvoirs publics ont plus que jamais le rôle d’animer en même temps que d’organiser les initiatives. Dépassées par cette 170 ROBERT Benoît, Développer un service de partage de véhicules dans un environnement hostile — Les vertus du pragmatisme, Québec, 2000, p.12. Ce document est disponible en format PDF : http://www.communauto. com/images/03.coupures_de_presse/Dev_auto-partage.pdf 171 Décret consultable sur : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025414236&categorieLien=id 172 Ville pionnière dans le domaine de l’autopartage, le libre-service Cité VU avait était lancé à Antibes en 2007 par Vulog (leader européen des technologies d’autopartage), avec le soutien financier de la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis (CASA). Obligée de renouveler son parc automobile « compte tenu de l’état des voitures et des exigences de confort et de sécurité » et après un refus de demande de financement par la CASA, la société Vulog a été contrainte de clore le système en 2011. 173 TOREGROSSA Michaël, Cité VU – la fin des voitures électriques en libre-service d’Antibes in Avem.fr, 29 décembre 2011. http://www.avem.fr/actualite-cite-vu-fin-des-voitures-electriques-en-libre-service-d-antibes-2843. html, consulté le 24 juin 2014.
- 161 -
pluralité d’acteurs, complices et associés des grands groupes ou précurseurs et commanditaires d’innovations, les pouvoirs publics, et en particulier les villes, apparaissent comme les nouveaux acteurs clefs du développement de cette mobilité partagée.
2.2. Pluralité d’acteurs, velléités multiples
L’un des bilans de cette étude est sans doute non seulement la
multiplication mais surtout la diversification des acteurs de l’autopartage. En effet, les constructeurs automobiles (BMW, Daimler, Renault, Toyota), les fabricants de composants, de logiciels et solutions embarquées (Vulog, Bolloré), les entreprises et grands groupes (EDF et Sodetrel, Transdev, Veolia) les établissements et pouvoirs publics, autant que la société civile et les particuliers, s’intéressent unanimement à l’autopartage174. De statuts disparates, tous se transforment en opérateurs de mobilité. A ce titre, Georges Amar parle de « la transformation des acteurs traditionnels – le passage de « transporteurs » à des « opérateurs de (service) mobilité »- ; d’autre part, l’arrivée de nouveaux acteurs, qui n’étaient pas des transporteurs, et qui étaient même assez loin de ce champ d’activité »175. La voiture en devenant servicielle perd sa qualité de voiture-objet en devenant un moyen de transport à part entière. Et chaque acteur, privé ou public, prend part à ce jeu mobile. Les frontières s’estompent et deviennent floues. Un producteur de batteries électriques, Bolloré, devient constructeur de voiture. Un constructeur de voiture, Daimler, se mue en un opérateur de mobilité en mettant des véhicules en libre-service et développant une infrastructure servicielle. Si d’un côté les rôles se segmentent et s’éclatent entre constructeurs automobiles, producteurs de logiciels et de technologies embarquées, gestionnaires d’infrastructures et commanditaires ; de l’autre, chacun peine à exister l’un sans l’autre. Rassemblés autour de l’objectif de la voiture partagée, tous ces acteurs n’ont plus d’autre choix que de coopérer et partager autant leurs savoirs et savoir-faire que leurs données.
Les enjeux sont multiples tant pour la ville, dans ses transformations
174 http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/09/09/les-constructeurs-a-l-assaut-de-l-autopartage_4484284_3234.html 175 AMAR Georges, Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance, juin 2010, Paris, Collection Présence, éditions fyp, p.194
- 163 -
infrastructurelles et physiques que pour la population et les parties du territoires qu’elle concerne. Si l’autopartage semble devoir s’industrialiser et se professionnaliser pour atteindre ses objectifs, il apparaît que s’institutionnaliser soit une autre des conditions requises. La question juridique, celle de l’encadrement de ces nouvelles pratiques et de la transformation des carcans politiques et administratifs est un des enjeux majeurs de ce nouveau paradigme. Cette question centrale fut un des thèmes majeurs abordé lors de la rencontre avec les leaders de l’économie collaborative organisée à l’Assemblée Nationale par Inventons Demain176 le 29 novembre 2014177. Cette nouvelle économie dynamite les rapports verticaux d’organisation de la production, remettant en cause la hiérarchie pesante pour préférer la souplesse des réseaux et des liens entre ses membres. Le pouvoir est en passe de devenir beaucoup plus horizontal, éclaté entre les différents micro-centres de production. Comme le soulignait Nicolas Ferrary, « il ne faut pas appliquer des lois existantes à de nouveaux modèles » : le devoir du politique est d’accompagner cette mutation en lui offrant un cadre législatif neuf. L’actualité de l’économie collaborative178 est à ce sujet riche de controverses et les récents heurs sont le reflet de l’ampleur des conséquences du phénomène, « révélant ses dérives possibles et soulignant le besoin de régulation »179. Pour Nicolas Bouzou, le véritable enjeu ne doit pas être de défendre telle profession contre telle plateforme, mais plus globalement « d’inventer un mode de régulation, c’est-à-dire un ensemble de lois et de normes qui puissent s’appliquer au niveau mondial ou, a minima, européen »180.
Si le volet juridique questionne à grande échelle, l’autopartage
interroge également la gouvernance à l’échelon local. Comme le met en lumière
176 Inventons Demain est un réseau de jeunes socialistes ou de sensibilité de gauche, groupe de réflexion et d’action dont l’objectif est la rénovation du PS comme structure politique et l’invention d’un nouveau modèle de société. (http://www.inventonsdemain.fr/) 177 Rassemblant un audience de 200 personnes, cette conférence-débat était animée par trois acteurs ayant des conceptions différentes de l’économie collaborative : Diana Filippova (Connector OuiShare), Guilhem Cheron (fondateur de La Ruche Qui Dit Oui) et Nicolas Ferrary (Directeur France d’Airbnb). 178 Grève des chauffeurs de taxis contre UberPop à Paris et Bruxelles, contestation des hôteliers à l’encontre d’Airbnb à New York. 179 GEORGES Benoît, Economie du partage : les limites d’une utopie, in LesEchos.fr, rubrique Auto-Transports, 20 mai 2014. Consulté le 27 juin 2014. Disponible sur : http://www.lesechos.fr/20/05/2014/lesechos. fr/0203508632953_economie-du-partage---les-limites-d-une-utopie.htm 180 Ibid.
- 165 -
Jean Haentjens181, les pouvoirs urbains semblent « prendre le relais des états défaillants », les vrais leaders ne sont désormais plus les politiciens qui s’agitent dans les médias mais les élites urbaines – maires, chefs d’entreprises, universitaires, responsables associatifs et acteurs culturels – qui œuvrent de concert pour développer leur cité tout en tissant de puissants réseaux internationaux avec d’autres métropoles.182En bousculant nos déplacements, notre rapport mobile à l’environnement, l’autopartage engage des acteurs locaux, avec au devant les municipalités, motrices des décisions concernant la dévotion d’espaces publics. Entre délégation et gouvernance, libéralisme et subvention, les communes se doivent de trouver l’équation et le moyen d’insuffler ces nouvelles mobilités, tout en respectant la concurrence et servant l’intérêt du bien commun. Plusieurs stratégies existent. L’adjoint au Maire de Paris, Jean-Louis Missika se félicitait « Vive la concurrence pour que l’autopartage devienne la norme à Paris »183, lors du récent lancement de Zipcar à Paris, à la rentrée 2014. Paradoxalement, la mairie de Paris a été motrice du projet Autolib, proposant en 2008 à 80 communes du cœur de l’agglomération parisienne d’être partenaire du projet. A l’issue de plusieurs mois de concertation initiés par la capitale, fût créé le syndicat mixte Autolib’ Métropole, structure délégataire du service public de voitures électriques en libre-service confié à la filière du groupe Bolloré. 184 Figure de proue de l’autopartage public urbain, Autolib est l’exemple-même de la constitution de structures complexes nées de partenariats entre communes, métropoles et autres établissements publics avec des entreprises et grands groupes délégataires de services publics. Ces
181 Economiste et urbaniste spécialisé, Jean Haëntjens est aujourd’hui conseiller en stratégies urbaines (Urbatopie). Depuis Le pouvoir des villes (2008), il a publié cinq livres et une vingtaine d’articles (notamment dans les revues Futuribles et Urbanisme) sur les thèmes de la ville durable, des stratégies urbaines et de la ville du XXI siècle. 182 HAËNTJENS Jean, “De la gestion municipale au pilotage des mutations”, dossier “Participation ou empowerment ?”, in Urbanisme, printemps 2014, n°392. p. 64-65 183 GUILLEMIN Florian, Zipcar : le leader mondial à la conquête du créneau autopartage à Paris, in Voyages d’Affaires,16 septembre 2014. Consulté le 3 décembre 2014. Disponible sur : http://www.voyages-d-affaires.com/ deplacements-professionnels/transports-urbains/zipcar-leader-mondial-conquete-du-creneau-autopartage-paris-9804Disponible 184 Constitué d’un Bureau Syndical, d’un conseil syndical et d’un comité de suivi, le fonctionnement et la gestion du service, son amélioration, extension et ses innovations sont décidées conjointement par les collectivités ou établissements publics partenaires ainsi que la société Autolib’. Plus d’informations disponibles sur : http://www. autolibmetropole.fr/autolib-metropole/qui-sommes-nous/
- 167 -
syndicats mixtes185 donnent l’opportunité au « millefeuille territorial français » de se structurer au sein d’organismes opérationnels.
Mais les ambitions de chacun de ces acteurs sont plurielles et il apparaît
que notre mobilité future ne proviendra pas d’une solution unique mais de la conjugaison d’innovations multiples. Les enjeux propres à ces organisations sont d’organiser le dialogue entre les constructeurs automobiles aux ambitions mondiales et les collectivités territoriales, donner aux autorités organisatrices de transports les compétences nécessaires pour favoriser le développement et l’articulation de nouvelles mobilités, de repenser le partage de la voirie et de l’espace public, faciliter l’arrivée de nouveaux opérateurs et services de mobilité par la mise à disposition locale d’espaces publics et par l’adaptation de réglementations nationales, ainsi que de faciliter le développement de services d’information adaptés aux nouvelles mobilités et à la société numérique. La conception et mise en œuvre de ces nouvelles mobilités devront être adaptées aux différents territoires en fonction de leur densité, de leur géographie, de leur activité et des attentes et initiatives des populations. Les enjeux sont pluriels pour les institutions publiques. A l’échelle des villes et des métropoles, maintenant en concurrence sur le plan mondial, l’autopartage, en tant que mode de déplacement doux, contribue à image positive, « verte » de leur ville, amélioration de la qualité de l’air, de la pollution et donc de la qualité de vie. L’autopartage a ainsi servi comme outil de régulation de la pollution lors du dernier pic de pollution à Paris, en octobre 2014186. Pendant les trois jours d’alerte, l’utilisation des services Autolib et Vélib était ainsi gratuite. De la même manière à Grenoble, le développement de véhicules légers électriques a été principalement motivé par la volonté de résoudre les problèmes de pollution de la ville.187
185 « Le syndicat mixte est un établissement public qui permet d’assurer la coopération entre plusieurs collectivités territoriales. C’est un outil simple pour permettre à plusieurs partenaires de créer une structure chargée de gérer un service public ou une activité d’intérêt général. » Définition issue du centre de ressources du développement territorial, disponible sur : http://www.projetdeterritoire.com/index.php/Les-infos-juridiques/Fonctionnement-des-structures/Fiches-structures/Le-syndicat-mixte 186 http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/03/12/pollution-les-velib-et-autolib-gratuits-des-jeudi-a-paris_4381982_3244.html 187 « A l’heure où les préoccupations sur les épisodes de pollution sur l’agglomération sont d’actualité, la Ville de Grenoble, la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes Métropole, Cité lib, EDF et Toyota ont signé aujourd’hui un protocole d’accord portant sur la mise en place fin 2014 d’un système innovant d’autopartage de véhicules électriques urbains zéro émission. » in http://www.grenoble.fr/TPL_CODE/TPL_ACTUALITE/PAR_TPL_ IDENTIFIANT/857/338-transports-a-grenoble-en-commun-et-covoiturage.htm
- 169 -
Fig. 50 Les dégats d’Autolib Source : photographie de Armand Serin, 19 décembre 2014, Montrouge
2.3. Un bouleversement des modes de vie : éduquer l’ « homo mobilis »188
Dans son rapport de 1994 sur l’expérience Procotip de Montpellier (1971-
1974)189, Véronique Biau analyse les échecs de l’expérience et étudie les conditions de sa reproductibilité. Elle fait d’abord le constat de la principale responsabilité des usagers eux-mêmes dans l’échec de l’expérience : vols, dégradations, fraudes et problèmes dus à leur difficulté à changer de comportements, s’accaparant des véhicules afin d’être certains de leur présence au moment où ils en avaient besoin. Selon elle, ces incivismes furent augmentés par l’« insuffisance de moyens techniques, réglementaires, institutionnels et financiers » de l’organisation. La technique sommaire et artisanale du Tipmètre donnait moins de possibilité que celles que l’on obtient aujourd’hui. Les véhicules sont désormais localisés et suivis par satellites, permettant de mieux appréhender leur répartition et la carte à puce facture de manière combinée distance parcourue et temps d’utilisation, dissuadant les particuliers de s’accaparer les véhicules. Si aujourd’hui les problèmes techniques semblent donc résolus, le civisme des usagers reste souvent problématique, comme l’atteste la principale plainte à propos d’Autolib, à savoir son caractère de « véhicule poubelle ». En témoigne la création d’un compte tweeter « AutoPoub Autolib, le loueur des poubelles électriques »190 recueillant l’ensemble des plaintes des usagers et regrettant entre autres, à l’appui de photos, leur état de propreté (Fig. 50).
L’un des principal frein à l’autopartage, qu’il soit en libre-service, entre
particuliers ou en boucle, réside en effet dans la crainte de voir les véhicules détériorés, salis, souillés. Si les gestionnaires de flotte disposent souvent d’un capital important et d’une flexibilité financière leur permettant d’entretenir les véhicules autant que de les remplacer ; pour un particulier, mettre sa voiture en location constitue un risque supérieur. A cette défiance, les plateformes d’autopartage ne semblent pas déplorer de problèmes majeurs, prétextant que la réalité est que l’on prend davantage soin du véhicule d’un autre que du
188 En même temps que la mutation des usages, Georges Amar démontre la transformation des usagers et la naissance de la personne mobile. Etre mobile aujourd’hui, est un droit– être privé de mobilité semble presque intolérable ! – mais c’est aussi une compétence, un comportement de l’individu, c’est devenu une expérience. AMAR Georges, Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance, juin 2010, Paris, Collection Présence, éditions fyp, 228 p. 189 BIAU Véronique, Montpellier 1971-1974 : une expérience de « transport individuel public », in Transports Urbains, n°72, juillet-septembre 1991. 190 Consultable sur : https://twitter.com/autopoub
- 171 -
Fig. 51 La personnalisation des véhicules par le biais de la toponymie Source : Zipcar.com/
Fig. 52 Capture d’écran du site Buzzcar Source : Buzzcar.com
sien191. Plusieurs organismes d’autopartage semblent effectivement s’évertuer à « donner une identité » à leur véhicule en les nommant192 (Fig. 51), à mettre en avant leur appartenance à leurs propriétaires en les appelant par les noms de ceux-ci193. Ces stratégies apparaissent comme un moyen de responsabiliser les conducteurs vis-à-vis des véhicules qu’ils empruntent, en leur donnant l’impression d’être redevables à des personnes en particulier. Mais il semblerait qu’un tel raisonnement ne soit pas valable concernant les véhicules « dépersonnalisés » ou banalisés, à l’image d’Autolib. La perte d’interlocuteur direct engendrée par le libre-service démontre ses limites, en tout cas dans l’Hexagone, où l’indiscipline est parait-t-il une caractéristique majeure des français.
Comme le soulignait Véronique Biau, la question du civisme rejoint
celle des modes de vie. Un des enjeux principaux de la voiture partagée est avant tout social et sociétal, en ce qu’il entraîne un changement des modes de vie. Aujourd’hui, impulser et inciter ces mutations n’apparaît pas comme quelque chose allant de soi pour la majorité des conducteurs, il convient donc de les considérer sur un moyen-long terme. A ce titre, à Nüremberg, le projet « Mutants pour un an », lancé en 2000, a réuni un groupe d’habitants volontaires pour un sevrage automobile d’une durée d’un an. Les habitants étaient aidés par la ville et bénéficiaient d’un abonnement en transports en commun, de coupons d’auto-partage (carsharing) et de bicyclettes. Surtout, ils se rencontraient périodiquement pour parler de leurs difficultés, des nouveaux modes d’organisation qu’ils avaient dû développer, et pour s’encourager mutuellement. Selon l’auteur, « la plus grande difficulté fut d’ordre symbolique, elle a consisté à se défaire de l’idée que l’on ne pouvait pas vivre sans automobile ».194 Cette expérience montre qu’un travail collectif sur les comportements « individuels » peut permettre un affranchissement des habitudes les mieux ancrées. Plusieurs bureaux de la mobilité ouverts par
191 Argument issu de la série documentaire « Le Partage 2 .0 : Les nouveaux consommateurs », visionné le 10 novembre 2014. Dernière mise à jour le 24 décembre 2014. Vidéo disponible sur : http://future.arte.tv/fr/les-modes-de-consommation-seraient-ils-en-train-de-changer# 192 C’est par exemple le cas de Zipcar, où l’on peut les voitures s’appellent « Atchoum », « Solange », « Orchidée », « Vénus » ou encore « Roudoudou ». http://www.zipcar.fr/ 193 Sur le site http://www.buzzcar.com/fr/, on peut louer « la Renault Zoé de Gérard », « La Renault Clio de Jean-Luc » ou encore « Le Peugeot Boxer de Nicolas ». 194 EMELIANOFF Cyria, « Conclusion : la ville durable, vers un modèle d’action conjointe » in Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2008/4 N° 52, p. 68-71.
- 173 -
certaines villes suédoises ont travaillé dans la même optique, en démarchant des milliers d’habitants en porte-à-porte pour les inviter et les aider à opérer un report modal. Dans ces expériences, le passage de relais n’est pas essentiellement verbal195. Elles ne mettent pas en jeu une injonction à devenir plus vertueux mais un apprentissage, dans et par l’action, des bénéfices que l’on peut trouver à se libérer de pratiques peu durables, tant pour le collectif que pour l’individu. Ces innovations techniques et sociales exigent toutefois de remettre en cause des habitudes ou des idées reçues, de porter un autre regard sur nos modes de vie et notre organisation sociale. S’il apparaît que la réussite de l’autopartage est corrélée au déploiement d’une infrastructure publique et privée, d’un réseau de stations et de la révision d’un corpus d’encadrement réglementaire très entendu, elle est également déterminée par sa relation aux autres moyens de transports.
3. Le maillon manquant de « l’écosystèmes des mobilités »
Pour Georges Amar, l’automobile ne doit définitivement plus être
considérée comme un mode de transport puisque la façon d’utiliser le véhicule, la fréquence et l’endroit où il est employé, permettent de comprendre qu’il ne s’agit pas du même mode de transport. Les différences d’usage font que le mode n’est jamais le même. Par ce fait même, l’autobus n’est pas non plus un mode de transport à proprement parler, on parle plutôt d’ « une matrice de modes »196. Si le paysage de l’auto-partage fait apparaître une quantité d’acteurs et un nouveau mode de fabrication de la ville, cette collaboration a également vocation à requalifier la voiture non plus en tant que bien personnel mais comme service d’une mobilité intégrée. Ainsi lorsque pouvoirs publics, grands groupes et entreprises se rencontrent, les solutions de mobilité proposée semblent dessiner le futur projeté d’une mobilité partagée et connectée redessinant la ville de demain.
195 Ibid. p.3 196 AMAR Georges, De l’automobile à l’auto-mobilité, in Le Monde Economie, 24 septembre 2012. http://www. lemonde.fr/economie/article/2012/09/24/de-l-automobile-a-l-auto mobilite_1764537_3234.html
- 175 -
Fig. 53 L’autopartage aurait ainsi la vertu de raisonnée l’utilisation des véhicules. Comme l’évoque le slogan de la société Denzel-Drive (Autriche) en 2002 : «Quand vous avez envie d’un verre de lait, achetez-vous une vache ? Alors, pourquoi acheter une voiture quand vous n’en avez besoin que de temps en temps ?» Source : Transport Public International Magazine, Union Internationale des Transports Publics (UITP), Vol. 51, Bruxelles, novembre 2002. p.5
3.1. Multiplicité et complémentarité des offres : sur la route de l’auto partagée Combiner les systèmes et composer sa mobilité
Le catalogue et l’analyse des différentes sociétés d’autopartage,
effectué dans le cadre français, permettent de rendre intelligible la diversité et la complémentarité des systèmes de partage de véhicules. Des variantes de l’autopartage entre particuliers aux différents systèmes d’autopartage commercial, en boucle, trace directe ou libre-service, chaque organisation permet un usage spécifique, tant en terme spatial que temporel. Chacun de ces systèmes autorise à louer un véhicule pour une demi-heure, quelques heures, un jour ou plusieurs, et de circuler dans une agglomération, une région, un état ou un territoire extra-national, dissociant les usages (travail, loisirs, déménagement, consommation, etc.) et les environnements : milieu urbain, périurbain, interurbain du véhicule. A chacun de ces systèmes correspond une segmentation des fonctions de la voiture, son choix étant déterminé par son utilisation (Fig.53). Force ou faiblesse, l’évidente complémentarité des systèmes d’autopartage entre eux interroge leur indépendance et leur pluralité. En effet, la multiplicité des systèmes et le succès encore peu flagrant de l’autopartage questionne : dans quelles mesures cette addition de systèmes sert-elle la mobilité partagée ou rend-t-elle nébuleuse sa visibilité et sa communication, freinant alors son utilisation ? Si ces organisations sont vouées à exister parallèlement, nous avons déjà constaté que les lois du marché ne font, dans ce domaine, pas exception, et que, plus grande, puissante et massive sont l’intervention et l’entreprise, plus longtemps celle-ci demeure. De plus, plusieurs sociétés font déjà l’expérience de partenariats de manière à faciliter à l’usager la composition de solutions au sein de cette complémentarité de moyens. Le partenariat loueur-opérateur d’autopartage précédemment évoqué entre le loueur ADA et Mobizen à Paris est un exemple probant et une combinaison complémentaire197 que l’on retrouve dans de nombreuses autres organisations comme Marguerite avec Europcar à
197 FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », p.5 : « Ces coopérations offrent des synergies intéressantes pour l’ensemble des partenaires, puisque les périodes d’utilisation des véhicules sont complémentaires : avec une clientèle compose majoritairement de professionnels, les flottes des loueurs sont principalement utilisées pendant les jours de semaine, alors que les besoins des sociétaires des coopératives d’auto-partage convergent vers une demande durant les week-ends et les jours fériés. »
- 177 -
Fig. 54 Vers davantage de complexité : une voiture à connecter à la ville et au citoyen Source : http://auto.orange.fr/photos/la_voiture_connectee_devient_accessible-6171.html
Nantes, Lilas Autopartage avec DML à Lille, Citélib avec CarGo à Grenoble, etc. Toutefois, devant cette démultiplication de l’offre, l’individu, l’usager demeure seul pour tracer sa route et composer son parcours de mobilité.198 Face à ce morcellement et cette explosion de l’offre, force est de constater que choisir parmi un tel panel de mobilité auto-partagée peut décourager, encore faut-il avoir accès et connaissance de ce choix. Si chaque système s’évertue à faciliter et simplifier son organisation et son accessibilité, aucune passerelle et peu de leviers existent pour permettre au citoyen de s’initier à cette mobilité partagée. Si, comme le revendique la majorité des acteurs de l’économie collaborative, une fois que l’on commence, on ne s’arrête plus, encore faut-il un jour commencer.
Les outils de la voiture partagée
Armé de son téléphone, l’usager se retrouve ainsi maître de sa destinée
urbaine. Si la plupart des sociétés d’autopartage ont d’ores et déjà développé leurs organisations sur différents supports mobiles, de l’ordinateur au smartphone en passant par la tablette et le téléphone ; rares sont les logiciels et applications permettant de croiser ces mobilités. A contrario, dans certains systèmes, les sociétés d’autopartage deviennent de véritables opérateurs de mobilité partagée, gestionnaire d’une flotte de véhicules, d’infrastructures autant que d’un réseau dématérialisé de données mis au service des utilisateurs. « Plus de simplement l’informer, les systèmes de guidance prennent le voyageur « par la main », l’accompagnent tout au long de son itinéraire »199 (Fig. 54). Dans le cadre de son système de transport urbain Ha:mo (Harmonious mobility network), Toyota propose d’une part une flotte de véhicules hybrides biplaces électriques et des vélos (Ha:mo Ride) et de l’autre une application mobile (Ha:mo Navi)200. Ce « système modal de navigation » est un service d’optimisation de la mobilité urbaine prenant en compte l’état des transports public et celui du trafic pour composer son itinéraire. Associé au système d’autopartage alpin Citélib201,
198 Georges AMAR parle à ce titre de « l’empowerment du voyageur » in AMAR Georges, Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance, juin 2010, Paris, Collection Présence, éditions fyp, p.122 199 AMAR Georges, Ibid. p.126 200 http://www.toyota-europe.com/world-of-toyota/articles-news-events/2014/citelib-by-hamo-launch.json 201 Cité Lib est une marque de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif Alpes-AutoPartage., proposant le partage de véhicules à Grenoble, et dans l’agglomération grenobloise ainsi qu’à Chambéry, Aix-Les-Bains, Annecy, Le Bourget-du-Lac et Saint-Étienne. http://citelib.com/
- 179 -
Fig. 55 Une complexité organisationnelle et une collaboration accrue entre organismes privés, entreprises et grands groupes et institutions : Diagramme organisationnel du projet de Smart City engagé conjointement avec Toshiba, Nedo et Grand Lyon Source : http://www.solstyce.fr/files/2013/06/grand-lyon.png
cette application permet au piéton usager de composer sa mobilité parmi un éventail de possibilité. Son choix s’étend alors des véhicules électriques légers à usage strictement urbain, aux véhicules en location à courte et moyenne durée, jusqu’aux transports en commun (tram, bus) ainsi qu’aux vélos en libre-service. Transports individuels privés, publics, et transports en commun se trouvent alors connectés, facilitant la mobilité et créant de véritables pôles multimodaux. Effectivement, l’application urbaine de ces réseaux et cette utilisation « intelligente » des données trouve une répercussion sur la mise en cohérence de la mobilité dans l’espace urbain. Si les différents services ne sont pas nécessairement gérés par un même exploitant, une volonté politique permet de mettre en lien ces initiatives en créant des « hubs de la mobilité partagée » (Fig. 55). L’enjeu de ces espaces est non seulement leur facilité d’accès, leur simplicité et leur praticité d’utilisation mais également leur visibilité, s’élevant comme des vitrines, invitant et incitant à l’adoption de ces innovations mobiles. De la sorte, un constructeur automobile, Toyota, se mue en un opérateur de mobilité, inclus au sein d’une association complexe réunissant des acteurs institutionnels, la ville de Grenoble et la communauté urbaine de Grenoble ainsi que Sodetrel202, exploitant des stations de recharge. Ce système « total » ambitieux tentant de penser un système de mobilité dans sa globalité, rappelle le projet pour les métropoles évoluées de 1951 de Jacques D’Welles dont l’ambition était la réciprocité entre projet urbain et mobilité. Son application urbaine et technique sera-t-elle à la hauteur du succès que cet urbaniste précurseur lui augurait ? Au demeurant, l’autopartage semble trouver son efficacité dans sa combinaison avec les autres moyens de transport.
3.2. Le véhicule du premier/dernier kilomètre
L’intermodalité et la relation aux transports en commun de l’autopartage
fût, historiquement, un facteur de sa réussite. A l’origine du succès et de l’ampleur de MobilityCarSharing en Suisse, la transversalité avec les transports en commun fût également au cœur du développement du système d’autopartage de Brême. Précurseur dans la mobilité combinée, apparu en 1998 à Brême la « Bremer Karte plus AutoCard », un abonnement annuel accompagné d’une
202 Filiale d’EDF, SODETREL met en œuvre tous les projets liés à la recharge des véhicules électriques, aussi bien à destination des collectivités territoriales que des entreprises ou des particuliers.
- 181 -
location de voiture
Taxi
Auto-partage Vélo et marche Transport public
Fig. 56 Diagramme mettant en évidence les qualités intermodales de l’autopartage Source : Diagramme personnel réalisé grâce à URL : http://www.atlante.fr/wp-content/uploads/2014-05-19schema-autopartage.jpg
clef de voiture électronique fournie par l’exploitant de StadtAuto Bremen et donnant accès, en plus des transports en commun, à une flotte de véhicules en libre-service203. L’autopartage, en étant combiné à d’autres moyens de transport permet alors de remettre en cause nos déplacements, en particulier en milieu urbain. Qualifié de « maillon manquant des mobilités », le potentiel prêté à l’autopartage est celui d’une mobilité complémentaire de l’offre de transport déjà existante, permettant de « combler le vide des mobilités »204 (Fig. 56). Comme le montre le diagramme ci-contre, l’automobile partagée, dans les différentes formes qu’elle prend, se trouve à l’intersection entre les transports publics (tram, train, bus, métro), les transports individuels privés (taxis), les modes de transports individuels doux (vélo, marché à pied), la location de véhicule ainsi que le covoiturage. Permettant de pallier aux manques de chacun de ces modes de transport qu’elle complète en même temps qu’elle s’y combine, la voiture partagée doit être conçue comme un élément fédérateur de mobilités. Combinée au réseau de transports en commun, Autolib a entre autre été imaginée pour pallier la pénurie de transports en commun de banlieue à banlieue. Installée à proximité des gares de RER et Transilien de première et deuxième couronne, Autolib aurait ainsi le potentiel de parer les manques des transports en commun et de se suppléer à leur efficacité.
Seuls les systèmes initiés par des acteurs institutionnels ou par des
opérateurs de transport ont jusqu’ici réussi à mettre véritablement en place une intermodalité efficiente, facilitant le passage d’un mode à un autre en combinant les services autant que les abonnements. Si à ce titre Paris n’est définitivement pas exemplaire, représentant un cas à part, plusieurs villes de province sont à l’origine d’offres remarquables de mobilité combinée. Plus ou moins aboutie ou difficile à instaurer, l’intermodalité semble être ce vers quoi tendent la majorité des systèmes d’autopartage. Nombreux sont les partenariats et les réductions mis en place entre les différents services pour inciter à leur combinaison. A
203 GLOTZ-RICHTER Michael, « «Bremer Karte Plus AutoCard » L’expérience de Brême, in Transport Public International Magazine, Union Internationale des Transports Publics (UITP), Vol. 51, Bruxelles, novembre 2002. p.78 Pour en savoir plus : http://www.communauto.com/zzWebArchives/uitp/uitpMag_51.6fr_p02.html 204 Partant du principe qu’aucun mode de transports collectifs, pris isolément, n’est capable de rivaliser avec l’automobile privée, l’auto-partage, dans le contexte de la « mobilité combinée », vise à inclure l’automobile dans la chaîne des transports publics. L’objectif est de créer des liens entre les services existants, de manière à augmenter l’avantage compétitif de ceux-ci face à l’achat d’un véhicule. in AGENCE METROPOLITAINE DE TRANSPORT (AMT), Branché, la mobilité réinventée : projet de voitures et vélos électriques en libre-service à Montréal. Projet déposé à Transport Canada dans le cadre du programme de démonstration en transport urbain, Québec, mai 2003. http://www.communauto.com/images/BRANCHE_50pages.pdf
- 183 -
Fig. 57 L’autopartage et la multimodalité : le service Optymo de Belfort Source : http://www.diversions-magazine.com/nouveaux-horaires-chez-optymo-depuis-le-14-octobre/
Fig. 58 Yélomobile, le service de mobilité combiné de la Rochelle Source : Capture d’écran du site URL : http://yelo.agglo-larochelle.fr/accueil, le 22 juin 2014
Angers, Nantes ou Lille205, des passerelles réductionnelles existent entre les réseaux de transports en commun, vélos en libre-service et véhicules partagés. Mais la combinaison des abonnements sur une seule et même carte intermodale est un pas de plus dans l’instauration de cette transmodalité.
Cependant, combiner les badges, et donc les abonnements, requiert un
autre niveau de collaboration et de technologie entre les différents opérateurs de transports. Tendant à la mutualisation des moyens autant que des infrastructures, la mise en place de l’intermodalité engendrerait, en même temps que de nouvelles infrastructures et qu’une réflexion urbaine sur la gestion des transports, une transformation des jeux d’acteurs, une collaboration nécessaire entre aménageurs, architectes et urbanistes, opérateurs de transports et institutions publiques (municipalité, communauté de communes). La Société Mixte des Transports en Commun du Territoire de Belfort a lancé une offre « Optymo. Une auto. Un vélo. Un bus. »206 associant trois moyens de transports en un seul abonnement (Fig. 57). De la même manière que Ha:mo à Grenoble, Mobigo207 à Dijon est constitué non seulement d’une application intermodale mais également d’une gestion univoque des différents moyens de transports en commun. Précurseur de mobilité innovante, l’agglomération de la Rochelle est également à l’origine d’un système combiné performant. Le système d’autopartage Liselec, lancé en 1999, a ainsi récemment évolué en fusionnant et se combinant avec le réseau de transport de La Rochelle. L’offre Yelo permet ainsi d’accéder non seulement au service d’autopartage Yelomobile mais également aux vélos en libre-service ainsi qu’aux bus208 (Fig. 58). A Lyon, Autolib propose également un abonnement combiné entre voitures en libreservice et TER209, élargissant ainsi le potentiel et le territoire de l’intermodalité. Cette combinaison train-voiture-transports en commun est également à l’œuvre dans le système lancé par le réseau ferré allemand DeutscheBahn210 (Fig. 59), permettant alors de démultiplier le terrain d’action de l’usager et
205 Voir tableau comparatif sur l’autopartage fondé sur l’analyse des CGU de chacun des systèmes et consulter les sites respectifs : https://reservation.franceautopartage.com/angers/, http://www.imarguerite.com/, http://www. lilas-autopartage.fr/. 206 « Optymo. Le meilleur moyen de joindre les deux bouts », http://www.optymo.fr/ 207 http://www.mobigo-bourgogne.com/ 208 http://yelo.agglo-larochelle.fr/accueil 209 http://www.autolib.fr/autolib/ 210 http://www.bahn.com/i/view/FRA/fr/prices/germany/carsharing.shtml
- 185 -
Fig. 59 Une voiture Flinkster devant une gare à Berlin, un service de mobilité combinée lancé par la DeuschBahn Source : Photographie personnelle prise à Berlin le 6 février 2014
Fig. 60 Schéma de Toyota pour expliquer le principe de Ha:mo, définissant une nouvelle utilisation du véhicule, séquencée en foncton des besoins et des milieux urbains, périurbains, ruraux Source : http://www.toyota-europe.com/world-of-toyota/articles-news-events/2014/grenoble-smart-city-trials.json
d’envisager la mobilité non seulement à l’échelle urbaine, mais également à l’échelle régionale, territoriale, inter-urbaine.
Combinée aux transports en commun en milieu urbain, ainsi qu’au
réseau ferré voire aérien et malgré les limites que nous avons déjà soulevées, la voiture partagée se dessine une nouvelle utilité et efficacité. Moyen d’atteindre des nœuds de transports, sauvegardant son efficacité du porte-à-porte tout en se limitant à un usage raisonné et spécifié, elle va là où les transports en commun ne trouvent pas d’efficacité. Ces combinaisons dessinent un nouvel usage de la voiture. Associée à d’autres modes de transports, la voiture devient alors la voiture du premier ou du dernier kilomètre. Le terme de service de mobilité du dernier kilomètre est utilisé par le constructeur automobile Toyota à propos de ses i-Road et de ses Coms développées à Grenoble211 (Fig. 60). Il s’agit en effet d’une segmentation totale d’usage de la voiture et des véhicules. Comme le décrit le schéma ci-contre, édité par Toyota, la voiture serait désormais limitée à de courts trajets permettant d’atteindre des plateformes intermodales ou de réaliser des tâches spécifiques, qui nécessitent un moyen de transport personnel. Si l’intermodalité se matérialise souvent par l’instauration d’un unique badge donnant accès à plusieurs moyens de transports, cette carte est quelque fois l’occasion, dans le cadre municipal, d’étendre ses capacités à d’autres services de la ville. La Carte A’tout212 unique mise en place par Angers combine plusieurs services de la ville d’Angers et d’Angers Loire Métropole, à l’exemple des transports, mais également des bibliothèques, et des équipements sportifs. Cet exemple illustre ainsi le rêve partagé de la ville servicielle dans laquelle il suffirait de « badger » pour accéder à un panel de services213 (Fig. 61). Cette ville en libre-service, déploiement de technologies visibles et invisibles, palpables et impalpables, s’incarnant dans des infrastructures glorifiant le tout-accessible, alimente de nombreux fantasmes.
211 MARTIN Jack, Toyota i-Road EVs trialled for last-mile car-sharing, 6 mars 2014, Gizmag. http://www.gizmag.com/toyota-i-road-coms-ev-trial-last-mile-car-sharing-japan-france/31120/ 212 La carte A’TOUT est une carte unique qui me permet d’accéder à différents services de la Ville d’Angers et d’Angers Loire Métropole : Les transports : Irigo (bus-tramway), Vélocité, Autocité+, les bibliothèques angevines, les sports : offre A’tout sport, la réservation de salles municipales angevines. Plus d’informations sur : http://atout. angers.fr/ 213 Jacques Attali propose une image saisissante en disant que, pour lui, la ville de demain sera une sorte d’hôtel généralisé.
- 187 -
Fig. 61 La ville en libre-service : Angers et la Carte Atout, un outil de mobilité, de culture, de services et de loisirs pour la municipalité Source :https://pbs.twimg.com/media/B0DZBFtCEAIbDrH.jpg:large
3.3. L’autopartage intelligent, composant de la ville intelligente ?
Plusieurs systèmes d’autopartage développant des infrastructures
spécifiques et inventant de nouvelles structures opérationnelles commencent à remettre en cause la ville. Le slogan de la société coopérative Citiz, « Les voitures qui changent la ville », suggère que la voiture partagée, communautaire, en libre-service transformerait le milieu urbain. Pour autant, les mutations urbaines augurées par ce nouvel usage automobile, cette ville transformée n’est jamais clairement définie et projetée. Corrélés à l’idée que la voiture encombrerait trop l’espace urbain, tant en terme de stationnement que de circulation, ces changements urbains ne semblent pas dépasser l’idée que la voiture partagée permettrait de « consommer moins de ressources et d’espace en ville »214. La pensée, l’élaboration et l’organisation des systèmes d’autopartage d’aujourd’hui ne semblent pas mis en relation avec une pensée urbaine mais davantage conçus comme des produits déployés sur et dans les villes. Si le concept de voiture partagée était l’occasion de repenser l’ensemble de la circulation urbaine, comme dans le projet urbain de Jacques D’Welles de 1951 ; en faisant son chemin et s’imposant progressivement dans la ville, la voiture partagée semble avoir été vidée de toute velléité théorique, utopique et urbanistique. Pour autant, en réduisant la place de la voiture en ville, l’autopartage pourrait être à l’origine d’un urbanisme renouvelé mettant à profit les espaces de stationnement libérés, réévaluant la voirie en fonction de ses nouveaux usages et véhicules et réinventant des infrastructures automobiles voire électro-mobiles motrices d’une nouvelle relation aux transports215.
Toutefois, en vertu de l’étude des caractéristiques et conséquences
de ces systèmes d’autopartage, se dessine en filigrane l’idée d’une ville entièrement connectée, « intelligente ». Fréquemment utilisé par les organismes d’autopartage, le mot « intelligent » peut être directement mis en correspondance avec sa traduction anglaise smart, et le concept attenant de ville intelligente ou smart city. Dépendant de la gestion de données et d’un
214 Devise du site du réseau coopératif d’autopartage Citiz, consultable sur : http://citiz.coop/ 215 C’est la conclusion et l’espoir porté par la plupart des études sur l’autopartage, en particulier celle effectuée par l’APUR en 2008 : APUR, L’autopartage et autres modes alternatifs à la possession de la voiture particulière. Expérience à Paris, en France et à l’étranger, juin 2008.
- 189 -
réseau numérique autant que de la coopération et la mise en réseau216, tant des acteurs que des citoyens, l’autopartage incarne une des facettes de cette smart-city si convoitée. Maillon manquant de l’écosystème des mobilités, la voiture partagée devient également un composant du maillage « intelligent » et connecté de la smart-city. Le projet Sunmoov est ainsi né en 2010 d’un accord entre le Grand Lyon et le NEDO japonais (équivalent de l’Ademe en France) afin « d’étudier l’opportunité de développer, dans le quartier de la Confluence à Lyon, le concept de « collectivité énergétique intelligente », marquant l’intérêt conjoint de construire des démonstrateurs smartgrid217 pour des villes durables. Le développement d’un système d’autopartage de véhicules électriques, alimenté par l’énergie photovoltaïque constitue une des trois modalités de ce partenariat.
L’autopartage, en permettant un usage « intelligent » et raisonné
de l’automobile, semble en effet cristalliser l’ensemble des problématiques inhérentes au projet de ville intelligente. Mais si cette smart city ravit, tant de promesses nous engagent à une certaine dose de méfiance. Grâce aux technologies et à Internet, la voiture se mue en un objet connecté de notre quotidien, élément « mobile » de plus en plus devancé par nos téléphones portables « intelligents » (smartphones). L’implication des usagers au sein des différents systèmes d’autopartage est fluctuante, évoluant d’acteur à simple client et consommateur, elle pose la question de la participation citoyenne immanente ou non à cette ville intelligente. De plus, l’accès et le rapport à la ville de ce citoyen, nécessairement branché, conditionnent sa capacité à se connecter. Déploiements logiciels et techniques permettant d’optimiser et de rentabiliser, ces systèmes d’autopartage peuvent également constituer de véritables plateformes citoyennes, de partage et de mutualisation. Si les technologies constituent un facteur important de réussite de l’autopartage, l’humain ne doit cependant pas être oublié. La ville intelligente doit rester vivante, comme le soulignait Jean-Louis Missika lors du Forum Smart City du Grand Paris organisé par le journal La Tribune à l’Hôtel de ville de Paris le 21
216 ARMANET Max, Editorial, in La Tribune du Grand Paris. Forum Smart City du Grand Paris, novembre 2014. Magazine édité à l’occasion de l’évènement organisé par le journal à la Mairie de Paris le 21 novembre 2014. 217 Conditions Générales d’Utilisation du service SunMoov’, document daté du 15 octobre 2013. p.1 Disponible sur : https://www.sunmoov.fr/
- 191 -
novembre 2014. Lors du débat « Smart City, essai de définition », Carlos Moreno218, chercheur spécialiste de la Smart City, nous alerte sur la « vulnérabilité »219 de la ville intelligente, sur sa fragilité socio-territoriale. Comme nous le montre la pluralité de ces systèmes d’autopartage, il est nécessaire de se méfier des recettes toutes faites, si la part des technologies importe, leur appropriation par les usagers est primordiale.
Le danger de cette smart city totalement connectée réside dans
l’exclusion sociale, économique et territoriale. Intervenante du débat « Comment coproduire la ville intelligente ? » du Forum Smart City, l’adjointe au maire de Bordeaux, Virginie Calmels nous met en garde sur l’enjeu « d’adaptation de ce concept général (ville intelligente) à la réalité d’un territoire et de nos métropoles »220. Plusieurs des systèmes étudiés se concentrent effectivement sur un centre urbain voir un hypercentre, où l’efficacité de la voiture partagée ne semble plus à prouver. Pour autant, rares sont les systèmes s’intéressant au périurbain où la dépendance à la voiture est pourtant la plus problématique. De plus, ils requièrent un certain niveau de vie, étant majoritairement tributaires des technologies. Alors que certains prédisent l’abolition de la propriété, d’autres entendent davantage une survalorisation de la propriété. Alors, le danger de cette smart city serait d’accentuer le fossé entre un territoire et une population hyper-connectée et une périphérie en déshérence. L’ambivalence de l’autopartage, au même titre que la smart city et que l’économie collaborative, semble ainsi d’être capable socialement et économiquement, du pire comme du meilleur : activateur de lien social, de solidarité et d’égalités dans une perspective communautariste, ou catalyseur de disparités sociales, économiques et territoriales dans une visée néo-libéraliste effrénée. Prudence et intelligence humaine semblent ainsi de mise pour ne pas créer une ville technocentrée mais pour promouvoir une ville intelligente et vivante où les technologies servent la qualité de vie. Nécessité est de penser la ville et le territoire, non en termes de logiciels, d’efficacité, de rentabilité et de praticité mais en plaçant les usages au centre des préoccupations. 218 Professeur des Universités, Carlos MORENO préside le comité scientifique du Forum international de la smart city humaine : Live in a Living City. Il est aussi membre du Conseil supérieur de la recherche stratégique (CSFRS) et de Mines-Télecom, et conseiller scientifique du président de Cofely Ineo (groupe GDF-Suez). 219 GONGUET Jean-Pierre, Smart city, essai de définition, in La Tribune du Grand Paris. Forum Smart City du Grand Paris, novembre 2014. Magazine édité à l’occasion du Forum organisé à la Mairie de Paris le 21 novembre 2014. p.33 220 GONGUET Jean-Pierre, Comment coproduire la ville intelligente ?, Op. cit. p.39
- 193 -
CONCLUSION
En définitive, au prisme de l’autopartage, deux visions de la ville
contradictoires autant que complémentaires semblent voir le jour. Si d’un côté le rêve d’une ville partagée, accessible, conviviale et participative, emprunte de valeurs communautaristes est latent. De l’autre, les conditions de mise en place de cette ville en libre-service dessineraient une ville technocentrée, privatisée et truffée de capteurs. L’une est fabriquée par les citoyens dans une logique ascendante, l’autre par les grands groupes et instances politiques, dans une logique descendante. Ces deux modèles se mêlent pourtant et s’entremêlent dans la réalité, tiraillant la ville entre néolibéralisme et communautarisme. A l’heure du co, citoyens, instances politiques, entreprises et grands groupes semblent plus que jamais astreints à collaborer de manière transversale et conjointe, fabricant une nouvelle complexité dans les processus d’élaboration de la ville. Ces acteurs, aux logiques et ambitions plurielles, font face à la difficulté de concilier profit et logique marchande d’une part, intérêt général et équité de l’autre.
Profondément politique, cette question de la ville intelligente s’inscrit
dans un contexte de concurrence internationale entre les villes. Emboîtant le pas à l’inefficience des structures étatiques221, chaque ville prend le départ de la course à l’attractivité, l’une de ses conditions étant souvent son intelligence. Les conséquences de ce nouveau paradigme engendré par la crise économique, le développement des nouvelles technologies, la préoccupation environnementale ainsi que le « pouvoir d’agir » montant des citoyens qui aspirent à participer à l’amélioration de leur milieu de vie, sont plurielles. En effet, ces pratiques émergentes engendreraient plusieurs bénéfices pour la ville, ses habitants et ses usagers. Permettant une meilleure utilisation des ressources, le premier
221 HAENTJENS Jean, “De la gestion municipale au pilotage des mutations”, dossier “Participation ou empowerment ?”, in Urbanisme, printemps 2014, n°392. pp. 64-66
- 195 -
fruit de cette nouvelle organisation serait d’abord écologique et économique. Le second bénéfice serait social et humain : les pratiques de consommation collaborative engendrent des réseaux, renouvellent l’idée de communauté et créent de nouveaux liens entre les individus. Enfin, cette organisation sociale et économique propose également de nouvelles manières d’organiser la gestion des biens communs (connaissance, eau-espace public...), son dernier avantage serait ainsi politique et citoyen pour la ville. L’économie collaborative témoigne effectivement d’une volonté citoyenne de participer, de s’impliquer et d’agir dans la fabrication de la Cité. Toutefois, si les bénéfices de l’économie collaborative apparaissent comme optimistes, l’actualité témoigne du chamboulement de valeurs et de moyens qu’elle nécessite autant que des limites et répercussions règlementaires, institutionnelles et sociales qu’elle engendre. L’autopartage constitue à ce titre un exemple manifeste du bouleversement à l’oeuvre. S’attaquant à l’automobile, dans ses caractéristiques intrinsèques, ses usages et ses infrastructures, l’autopartage remet plus encore en cause l’ensemble d’un système, un carcan institutionnel fait de lois et de règles, de lobbys, d’une industrie puissante ainsi qu’un mode de transport à l’origine de modes de vie et de modèles urbains établis. En cela, les répercussions de l’auto-partage sont si conséquentes qu’elles s’inscrivent dans un temps long, nécessitant prudence, patience et audace pour impulser, maitriser et mesurer l’ampleur de ses transformations.
Plusieurs impératifs sont nécessaires pour que l’autopartage devienne
« locomotive de la ville de demain », notamment une vision systémique de la mobilité et la nécessaire imbrication et combinaison des systèmes autant que des échelles. Pour autant, si ce travail aura convaincu des vertus tout en alertant sur les vices de l’autopartage, force est de constater que la réalité du phénomène n’a pas encore atteint l’ampleur des espoirs qu’il véhicule. Utopie ou futur (plus ou moins) immédiat, l’autopartage est au carrefour de problématiques sociales, économiques, technologiques et urbaines, cristallisant plusieurs des mutations paradigmatiques de notre siècle. Moteur de compréhension de l’environnement dans lequel nous évoluons et de l’ampleur de ses transformations en cours, cette recherche sur la voiture partagée m’aura permis de développer une réflexion critique approfondie sur la ville, la complexité des mécanismes ainsi que des acteurs à l’œuvre dans sa fabrication. Un autre volet aura été de percevoir et rendre davantage intelligible la nébulosité du système administratif français, ce « millefeuille territorial » complexifiant la prise de décisions.
- 197 -
Grands absents du débat, les architectes et urbanistes ne semblent
pas encore avoir pris la mesure de ces mutations et dynamiques nouvelles à l’œuvre, qui bouleversent pourtant nos cadres de villes. Et la voiture comme la ville n’apparaissent pas disposés à freiner leur course pour les attendre, expérimentant déjà de nouvelles infrastructures, préludes et supports de la ville de demain. Vraisemblablement capables de renouveler l’urbanisme, tant du point de vue de son processus que de sa production, le(s) autopartage(s), au même titre que le phénomène du share et de l’économie collaborative, se doivent d’être considérés. En effet, cette étude semble mettre à jour l’urgence de faire naître un urbanisme plus en phase avec les dynamiques de la société222. Plus que jamais, la ville doit résulter de la combinaison des logiques d’une multiplicité d’acteurs. Ce travail démontre également la résolution de l’époque des grands plans d’urbanisme et l’émergence d’un urbanisme de dispositifs223 dont parlait François Ascher. La ville dont nous parlons se doit d’être modulable, flexible et réactive. Définie par des réseaux et l’hybridation tant des formes que des solutions, il se cristallise en particulier dans la qualité des lieux publics et du mobilier urbain, connecté, augmenté et combiné.
Si les retombées, de l’auto-partage comme du partage, sont nombreuses ;
la voiture en libre-service, souvent associée au véhicule électrique, semble augurer le plus de mutations, notamment infrastructurelles et urbaines. En questionnant les infrastructures de l’autopartage, et en particulier l’expérimentation des stations e-mobiles, cette recherche interroge le devenir des infrastructures automobiles à l’aune de l’électromobilité. Ces stations, lieux de mutualisation d’objets et de services autant que de production d’énergie pourraient devenir les futurs « tiers lieux »224 urbains de demain. Au centre de préoccupations à la fois urbaines et architecturales, la question des « tiers lieux », et plus généralement celle des conséquences de l’économie collaborative, et non uniquement de sa composante mobile sur la ville, surgissent comme un sujet de recherche à approfondir. Quels seront les lieux de la société collaborative de demain ? Comment permettre que cette économie soit solidaire et profite à tous
222 ASCHER François, Les Nouveaux principes de l’Urbanisme. La fin des villes n’est pas à l’ordre du jour, Gémenos, éditions de l’aube, collection Monde en cours, 2001, p.96 223 Ibid.. p.96 224 La notion de «Tiers Lieux» est considérée comme adjacente à celle de ville intelligente. C’est en particulier un des sujets phares de la fing, dans le cadre de la recherche «Alléger la ville», plus d’informations sur URL : http:// fr.slideshare.net/slidesharefing/alleger-laville-tierslieux17102013
- 199 -
et empêcher qu’elle soit la panacée d’une élite restreinte ? Comment mettre en place de nouvelles formes de gouvernance locale ? Et comment gérér, à l’échelle d’une ville et d’un territoire, la transition d’un modèle économique classique à un nouveau modèle alternatif et durable ? Quels modes de régulation, d’organisation inventer à ce nouveau modèle ? L’architecte-urbaniste possèdent plusieurs des outils pour se questionner sur ces changements, aussi doit-il s’en saisir et transformer la manière-même de penser le projet urbain. Enfin, une des problématiques majeures d’actualité effleurée au cours cette recherche est la relation entretenue par la voiture et les nouvelles formes de mobilités alternatives (autopartage et covoiturage) au périurbain et au phénomène d’étalement urbain. Enjeu majeur de notre siècle, la gestion et l’encadrement du développement des espaces périurbains, rurbains225 ou périruraux promet d’être au centre de la réflexion, de la production et de l’exercice de notre profession. Aussi, réfléchir et anticiper ce futur incertain, prévoir et encadrer les modes de vie à l’aune de la mobilité, du numérique et peut-être du share, en vue de les rendre plus durables, vivables et soutenables semble plus que jamais moteur de projet.
225 Terminologie initialement utilisée par Gérard Bauer et Jean-Michel Roux dans La rurbanisation ou la ville éparpillée en 1976, le terme « rurbain » est un agglomérat entre les termes rural et urbain. La notion de rurbain peut servir de catégorie globale recouvrant les termes et réalités de l’entre-deux-villes, le suburbain, les franges urbaines, le périurbain, le périrural… Le rurbain est une revitalisation de la campagne par l’extension de l’urbanisation. Il s’agit donc de désigner par rurbain des modes de vie, des formes urbaines et des mobilités variées, pouvant se catégoriser de multiples manières, tout en comportant des traits communs. (BAUER Gérard et ROUX Jean-Michel, La Rurbanisation ou la Ville éparpillée, éditions du Seuil, 1976.)
- 201 -
BIBLIOGRAPHIE
AUTOPARTAGE
1950-2000
- D’WELLES Jacques, « À propos de circulation urbaine... » in Urbanisme, vol. 20, n°.1112, Paris, 1951, p. 56. URL : http://www.communauto.com/images/03.coupures_de_presse/dwelles1951.html - FISHMAN, Leslie and WABE, J. Stuart, « Restructuring the form of car ownership: A proposed solution to the problem of the motor car in the United Kingdom » in Transportation Research, vol. 3, n°4, Pergamon Press, 1969, pp. 429-442. URL : http://www.communauto.com/images/03.coupures_de_presse/ FishmannWabe1969.pdf - BIAU Véronique, « Montpellier 1971-1974 : une expérience de transport individuel public» in Transports urbains, Paris, juillet-septembre 1991, p. 21-25. URL : http://www.communauto.com/images/03.coupures_de_presse/biau1991.pdf - PSA, « Tulip. La fleur de la ville », in Communication magazine, 1995. Publication téléchargeable sur : http://vehiculeselectriques.free.fr/tulip.html. - ESPOSITO Odile, «Véhicule électrique. Tulip réinvente la voiture des villes», in L’Usine nouvelle, n°2497, 6 avril 1995. Consultable sur : http://www.usinenouvelle.com/article/vehicule-electriquetulip-reinventela-voiture-des-villesle-transport-urbain-du-futur-selon-psa-sera-constitue-d-une-flotte-depetits-vehicules-electriques-de-2-20metres-de-long-geree-avec-les-outils-l.N75180 - ROBERT Benoît, LEBLANC Nathalie, MORISETTE Claire, La « voiture communautaire»: un nouvel outil pour s’attaquer au problème des transports en milieu urbain. Communication présentée dans le cadre du 31e congrès de l’Association québécoise du transport et des routes (AQTR), tenu en mars 1996 à Québec. Recueil des communications. Tome 1, Québec, 1996, pp 197-226. URL : http://www.communauto.com/images/AQTRpourdistr960317.pdf - HARM Sylvia, TRUFFER Bernard, The Emergence of a Nation-wide Carsharing Cooperative in Switzerland, Université de Twente, Pays-Bas, 1998. 78 p. URL : http://www.communauto.com/images/Nation%20wide%20CS%20org%20Suisse. pdf - SHASHEEN Susan, SPERLING Daniel, WAGNER Conrad, « Carsharing in Europe and
- 203 -
North America : Past, Present, and Future » in Transportation Quartely, Davis, Californie, 1998, Vol. 52. No. 3. p. 35-52. URL : http://www.communauto.com/images/03.coupures_de_presse/Shaheen1998.pdf - BRITTON Eric, « Car sharing 2000 - A hammer for sustainable development » in The journal of World Transport Policy & Practice. Special issue. A collaborative International project from the Commons, Eco-Logica Ltd.Lancaster, 1999, U.K, 293 p. URL : http://www.communauto.com/images/CarShare2000.pdf - LAMURE Claude, PATRICE Bernard, JEAN Maxime, Automobiles pour la ville à l’horizon 2010. Nouvelles gestions de l’automobile urbaine. Partenariats avec le transport public, Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU), Lyon, 1999, 107 p. http://www.communauto.com/images/Nouvellesgestion.pdf - ROBERT Benoît, Développer un service de partage de véhicules dans un environnement hostile — Les vertus du pragmatisme, Québec, 2000, Ce document est disponible en format PDF : http://www.communauto.com/images/03.coupures_de_presse/Dev_autopartage.pdf - WILHITE Harold et ATTALI Sophie, Mobilité individuelle partagée en France : avantages, inconvénients et alternatives, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (en France), Paris, 2000, 37 p. Ce document est disponible en format PDF : http://www. communauto.com/images/03.coupures_de_presse/Wilhite2000Fr.pdf
2001-2014 - POLIS, Car-Sharing – Intelligent mobility for European Cities, TOSCA project, Bruxelles, 2001 8 p. http://www.communauto.com/images/IntelligentMobility(Bremen).pdf - GLOTZ-RICHTER Michael, HOLM Birger, JUSSIANT Line, MÜLLER ELBERSTEIN Franck, Dossier « L’autopartage et le transport public » in Transport Public International Magazine, Union Internationale des Transports Publics (UITP), Vol. 51, Bruxelles, novembre 2002. http://www.communauto.com/zzWebArchives/uitp/uitpMag_51.6fr_p02.html - AGENCE METROPOLITAINE DE TRANSPORT (AMT), Branché, la mobilité réinventée : projet de voitures et vélos électriques en libre-service à Montréal. Projet déposé à Transport Canada dans le cadre du programme de démonstration en transport urbain, Québec, mai 2003. http://www.communauto.com/images/BRANCHE_50pages.pdf - COMMUNAUTO, L’auto-partage et le transport en commun : ensemble pour une mobilité durable. Mémoire présenté dans le cadre de la Consultation générale à l’égard de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto au Québec, Commission des transports et de l’environnement, Montréal, 2003. http://www.communauto.com/images/Kyoto.pdf - SCHILLANDER Per, Make space for Car-sharing — Car-sharing in Sweden, its definition, potential and effects, IT-solutions for administering it, and strategies to further its development, Vägverket, Gothenburg, 2003, 29 pages. http://www.communauto.com/ images/03.coupures_de_presse/Vagverket2003.pdf
- BARTH Matthew, TODD Michael, XUE Lei, User-Based Vehicle Relocation Techniques for Multiple-Station Shared-Use Vehicle Systems, Transportation Research Board 80th Annual Meeting, Washington, D.C, 2004. http://www.communauto.com/images/TRB2004002161.pdf - COMMUNAUTO, Plan d’action visant à augmenter l’attrait de la voiture libre-service en tant qu’alternative à la propriété d’un véhicule à Montréal, Projet soumis au Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal) et à plusieurs membres du Comité exécutif de la Ville de Montréal, Montréal, 2004. URL : http://www.communauto.com/abonnes/PlanD’actionPourLeCRE.pdf - COMMUNAUTO, L’automobile libre-service dans le Plan de Transport de la Ville de Montréal. Mémoire de Communauto soumis le 18 août 2005 dans le cadre de la Consultation portant sur le document « Portrait et Diagnostic », Montréal, 2005. URL : http://www.communauto.com/abonnes/PlanDeTranspDeMTL.pdf
- ROBERT Benoît, Recueil de textes sur Communauto inc. Mémoire de maîtrise présenté à l’Université Laval, Montréal, 2005. Ce document est disponible en format PDF (157 pages) http://www.communauto.com/images/RecueilDeTextes.pdf - DALLAIRE Yves Dallaire, LAFOND Nadine, LANOIX Chantal, VIVIANI Marco, Le projet auto + bus : évaluation d’initiatives de mobilité combinée dans les villes canadiennes, Tecsult, Montréal, 2006. 247 p. Ce document est disponible en format PDF : http://www.communauto.com/abonnes/PT-CS_RapportFinal_jul06.pdf - BESNARD Julien, Pour une nouvelle utilisation de la voiture : l’autopartage, Mémoire de Master 1 sous la direction de P.Maingault, 2006-2007, Université Paris VII. Consultable en ligne sur : http://berthoalainmaster.files.wordpress.com/2007/10/besnard-autopartage.pdf - FLORIET Maïlis, Paris et l’autopartage, Mémoire présenté dans le cadre du Master Cité et Mobilité, Université de Paris XII, 2007. http://www.communauto.com/images/03. coupures_de_presse/m%C3%A9moireCIMOflorietmailis.pdf - JEMELIN Christophe, LOUVET Nicolas, Étude sur l’autopartage à Paris - Analyse des comportements et des représentations qui lui sont associés. (Mairie de Paris) Paris, décembre 2007 - 40 p. http://www.communauto.com/images/Rapport_ autopartageVilledeParis.pdf - APUR, L’autopartage et autres modes alternatifs à la possession de la voiture particulière. Expérience à Paris, en France et à l’étranger, juin 2008. - CLAVEL Robert, MARIOTTO Muriel, ARSAC Benjamin, L’autopartage en France et en Europe. État des lieux et perspectives, CERTU (Centre d’études sur les réseaux de transport et l’urbanisme), Lyon, 2008, 56 p. URL: http://www.communauto.com/ images/03.coupures_de_presse/CERTU_Autopartage_France_Europe.pdf - EMELIANOFF Cyria, « Conclusion : la ville durable, vers un modèle d’action conjointe » in Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2008/4 N° 52, p. 68-71. - FLAMM Michael, L’industrialisation de l’autopartage en Suisse, in Flux, n°72/73, septembre 2008, rubrique « Histoire de courbe », 11 p. - CORDIER Bruno (dir.), L’Autopartage entre particuliers, étude réalisée par ADETEC pour
- 205 -
le compte de l’ADEME et du MEEDDM dans le cadre du PREDIT, octobre 2009. 169 p. Consultable sur : http://www.adetec-deplacements.com/rapport_autopartage_entre_ particuliers.pdf - CORDIER Bruno, Les trois formes d’autopartage destinées aux particuliers, ADETEC (Bureau d’étude en transports et déplacements), 2009. Consultable sur : http://www. adetec-deplacements.com/les-trois-formes-d-autopartage.pdf - FOUILLE Laurent, L’attachement automobile mis à l’épreuve. Etude des dispositifs de détachement et de recomposition des mobilités, Thèse préparée au Laboratoire d’Anthropologie et de Sociologie de Rennes, Université Rennes 2, sous la direction de Dominique BOUILLIER, 2010. Mise en ligne et consultable sur : http://fr.slideshare.net/ LaurentFouill/lattachement-automobile-mis-lpreuve-etude-des-dispositifs-de-dtachementet-de-recomposition-des-mobilits - FAURE Guillemette, AirBnB, Blablacar, Drivy : partager, c’est gagner in M le magazine, 25 juillet 2014. Consulté le 1 août sur : http://www.lemonde.fr/le-magazine/ article/2014/07/25/tout-c - HURÉ Maxime, « De Velib’ à Autolib’. Les grands groupes privés, nouveaux acteurs des politiques de mobilité urbaine », in Métropolitiques, 6 janvier 2012. URL : http://www. metropolitiques.eu/De- Velib-a-Autolib-Les-grands.html. Sites Internet généraux traitant de l’autopartage et consultés régulièrement : - http://nouvelles-mobilites.net/tag/auto-partage/ - http://auto.partage.free.fr/ - http://www.mobilite-durable.org/ - http://www.shareable.net/news/cities/car-sharing - http://www.france-mobilite-electrique.org - http://nouvelles-mobilites.net/tag/auto-partage/ - http://www.avem.fr (1er site d’information sur le véhicule électrique et hybride) - http://www.ecoplan.org/carshare/ - http://www.automobile-propre.com/tag/autopartage/ Sites Internet des sociétés d’autopartage (téléchargement des CGAU) : http://www.communauto.com/ ; http://citiz.coop/ ; http://www.deways.com/ ; http://www. buzzcar.com/fr/ ; https://de.drive-now.com/en/ ; http://www.psa-peugeot-citroen.com/fr/ responsabilite-sociale-environnementale/mobilite-durable/aide-mobilite ; http://drivy.com/; https://www.autolib.eu/ … Articles et sites Internet spécifiques : - http://carsharingus.blogspot.fr/2010/01/witkar-first-one-way-ev-carsharing.html le 3 decembre 2013 - http://www.senat.fr/rap/l05-333/l05-3331.html - Livop, Autolib’ médiatise l’autopartage, article paru sur le site de la société d’autopartage
entre particuliers Livop, consultable sur : http://www.livop.fr/autopartage/autolibmediatise-l-autopartage - http://www.communauto.com/historique01.html#Stadtteil1992 - AMAR Georges, De l’automobile à l’auto-mobilité, in Le Monde Economie, 24 septembre 2012. Consultable sur : http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/24/de-lautomobile-a-l-auto mobilite_1764537_3234.html. - BU Ludovic, Buzzcar, Drivy, la location de voitures entre particuliers confirme les espoirs placés en elle ! ,9 janvier 2014. Consultable sur le blog Mobilités, Ecologie, Musique, etc. : http://ludovicbu.typepad.com/ludovicbu/2014/01/la-location-de-voitures-entre-particulierconfirme-les-espoirs-places-en-elle-buzzcar-drivy.html - BU Ludovic, Mobilités en zones rurales et péri-urbaines : il faut inventer de nouveaux modèles !, 25 octobre 2011, publié dans le blog Mobilités, Ecologie, Musique, Etc. Consultable sur : http://ludovicbu.typepad.com/ludovicbu/2011/10/mobilite-en-zonesrurales-et-peri-urbaines-il-faut-inventer-de-nouveaux-modeles-transports-deplacementsecologie.html - DELABIE Ghislain, Les constructeurs concevront-ils le véhicule du futur ?, 21 novembre 2011, blog Innovation et mobilité. Article suite à la participation à une table ronde « En route pour le véhicule de demain » lors des Moveo’Days. Consultable sur : http:// innovation-mobilite.fr/2012/11/21/les-constructeurs-concevront-ils-le-vehicule-du-futur/ - PRIOL Geoffrey, L’autopartage électrique débranché in Le Parisien, 12 juillet 2014. http://www.leparisien.fr/espace-premium/yvelines-78/l-autopartage-electriquedebranche-12-07-2014-3995503.php - RAZEMON Olivier, Autolib’, la rançon du succès, in M le magazine le Monde, 28 juin 2013. En savoir plus sur : http://www.lemonde.fr/mobilite/article/2013/06/28/autolib-larancon-du-succes_3437529_1653095.html#WUMKPtkTH84BIEbg.99 - ROBERT Marcel, Pour en finir avec Autolib, 18 avril 2009, carfree.fr. http://carfree.fr/ index.php/2009/04/18/pour-en-finir-avec-autolib/ - TOREGROSSA Michaël, Cité VU – la fin des voitures électriques en libre-service d’Antibes in Avem.fr, 29 décembre 2011. http://www.avem.fr/actualite-cite-vu-fin-desvoitures-electriques-en-libre-service-d-antibes-2843.html, consulté le 24 juin 2014. - « Les SDF se replient dans les bulles d’Autolib » in Le Parisien, le 13 novembre 2013. http://www.leparisien.fr/ /paris-75/les-sdf-se-replient-dans-les-bulles-dautolib-13-11-2013-3309277.php. Consulté le 10 décembre 2014.
- 207 -
MOBILITE, AUTOMOBILE ET VILLE - AMAR Georges, Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance, juin 2010, Paris, Collection Présence, éditions fyp, 228 p. - ASCHER
François, Les Nouveaux principes de l’Urbanisme. La fin des villes n’est pas à
l’ordre du jour, Gémenos, éditions de l’aube, collection Monde en cours, 2001, 107 p. - COULAUD Daniel, L’automobile, ville, automobile et mode de vie, Paris, L’Harmattan, février 2010, 374 p. - DOULET Jean-François, FLONNEAU Mathieu, Paris-Pékin, civiliser l’automobile, Descartes et Cie, collection « Les urbanités », Paris, 2003, 140 p. - DUPUY Gabriel, La dépendance automobile. Symptômes, analyses, diagnostic et traitements, Paris, Anthropos, collection Villes, 1999, 160 p. - FELTIN-PALAS Michel, Les grands projets qui vont changer nos villes, La France dans 10 ans, Paris, édition de la Martinière, 2012, 191 p. - HOURCADE Jean, Quelle Mobilité pour demain ? Un autre regard sur les transports, ITA, Presses de l’institut du transport aérien, Paris, 1996, 160 p. - KAUFMANN Vincent, JEMELIN Christophe, GUIDEZ Jean-Marie, Automobile et mode de vie urbain, quel degré de liberté ?, PREDIT 1996-2000, collection Transports, recherche, innovation, Paris, La Documentation Française, 2001, 167 p. - MAGNAN René, Système urbain de transports individuels banalisés. Centre de recherche d’urbanisme, 1977, Paris, 134 p. - MOSHE Safdie, The city after the automobile. An architect vision, Westview press, 1998. - ORFEUIL Jean-Pierre, Mobilités Urbaines : l’âge des possibles, Les Carnets de l’info, modes de ville, Paris, 2008. 256 p. - ORFEUIL Jean-Pierre, Je suis l’automobile, éditions de l’aube, Monde en cours, 1994, Saint-Amand-Montrond. 96 p. - ROBERT Benoît, « L’automobile libre-service et le transport en commun : en route pour un nouveau paradigme en transport urbain » in Policy Options Politiques, juillet-août 2005, vol. 26, n°6, pp. 32-38. - ROUGE Lionel, GAY Christophe, LANDRIEVE Sylvie, LEFRANC-MORIN Anais, NICOLAS Claire (dir.), Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires ?, éditions Loco, 2013, Italie, 144 p - VINCENT-GESLIN Stéphanie, Altermobilités, mode d’emploi : déterminants et usages des mobilités alternatives au tout voiture, CERTU, collection Débats, 2010, Lyon. - WATCHER Serge, THEYS Jacques, CROZET Yves et ORFEUIL Jean-Pierre (sous la dir.), La mobilité urbaine en débat. Cinq scenarios pour le futur ?, Lyon, Débats du Certu, n°46, La Documentation française, octobre 2005 (CPVS), 210 p.
SOCIETE DU PARTAGE - BASTIN Côme, « Rachel Botsman : La confiance sera la nouvelle monnaie du XXIème siècle » in Wedemain, 7 mai 2014. Consultable sur : http://www.wedemain.fr/RachelBotsman-La-confiance-sera-la-nouvelle-monnaie-du-XXIe-siecle_a510.html - CONRAD Jessica et On the commons, Sharing Revolution, the essential economics of the commons, 81 p. E-book disponible gratuitement sur : http://www.onthecommons.org/ magazine/our-new-ebook-sharing-revolution - FAURE Guillemette, « AirBnB, Blablacar, Drivy : partager, c’est gagner » in M le magazine, 25 juillet 2014. Consulté le 1 août sur : http://www.lemonde.fr/le-magazine/ article/2014/07/25/tout-c - GANSKY Lisa, The Mesh. Why the future of business is sharing, Portfolio, Penguin group, 2010. p.21 - GEORGES Benoît, Economie du partage : les limites d’une utopie, in LesEchos.fr, rubrique Auto-Transports, 20 mai 2014. Consulté le 27 juin 2014. - HAENTJENS Jean, « De la gestion municipale au pilotage des mutations », dossier “Participation ou empowerment ?”, in Urbanisme, printemps 2014, n°392. pp. 64-66 - KAPLAN Daniel et MARCOU Thierry, La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte, La fabriques des possibles, éditions fyp, fing #04. - NOVEL Anne-sophie, La vie share : mode d’emploi, manifesto, alternatives, 2013, 176 p. - RIFKIN Jeremy, La troisième Révolution industrielle, Les Liens qui libèrent, Paris, 2011. - RIFKIN Jeremy, L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme, Paris, La Découverte, Poche/Essais, 2005. 393 p. - http://consocollaborative.com/1409-societe-du-partage.html - http://www.shareable.net/blog/ - http://www.internetactu.net/2008/03/13/villes-20-la-ville-complexe-et-familiere/
FILMOGRAPHIE - Global partage, documentaire de Dimitri Grimblat, diffusé sur Canal + le 13 mai 2014 à 20h55 (90 minutes) et disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=iXhdKw0QhFU - Série de documentaires, articles et reportages intitulée « Partage 2.0 » diffusés sur Arte en 2014 et consultable en ligne sur : http://future.arte.tv/fr/les-modes-de-consommationseraient-ils-en-train-de-changer# - Sacrée Croissance !, documentaire de Marie-Monique Robin diffusé sur Arte le 4 novembre 2014 à 20h50. (93 minutes).w
- 209 -
- 210 -