PFE ENSAG juin
La maison éclatée
V. Decroix, M. Lapierre, M. Levoir, E. Romanat
Place à l’hospitalité urbaine
La maison éclatée Véronique Decroix, Mathilde Lapierre, Marion Levoir, Emeline Romanat PFE ENSAG juin 2012 Directeur d’étude : Patrick Thépot Responsable du Master Aedification-Grands territoires-Villes : Françoise Very Assistante : France Laure Labeeuw
Véronique DECROIX - Mathilde LAPIERRE - Marion LEVOIR - Emeline ROMANAT
PFE ENSAG juin 2012
La maison éclatée : Place à l’hospitalité urbaine UN BUREAU UNE BAGAGERIE UNE CUISINE PUBLIQUE DES CHAMBRES
Membres du jury : Bénédicte Chardon, architecte Guy Desgrandchamps, architecte Hubert Guillaud, architecte Alena Kubova, architecte Halimatou Mama Awal, architecte Hania Prokop, architecte Pascal Rollet, architecte
Assistante : France Laure Labeeuw Directeur d’étude : Patrick Thépot Responsable du Master Aedification-Grands territoires-Villes : Françoise Very 3
«Pourquoi ne pas privilégier la dispersion? Au lieu de vivre dans un lieu unique, en cherchant vainement à s’y rassembler, pourquoi n’aurait-on pas, éparpillées dans Paris, cinq ou six chambres ? J’irais dormir à Denfert, j’écrirais place Voltaire, j’écouterais de la musique place Clichy, je ferais l’amour à la poterne des peupliers, je mangerais rue de la Tombe-Issoire, je lirais près du parc Monceau» Georges PEREC, Espèces d’espaces
Tout a commencé par une volonté collective de mettre en place une
Une Fabrique de solutions pour l’habitat...
de la Piscine, Fabrique de Solutions pour l’habitat
« La Piscine », c’est quoi ?
La fabrique de solutions pour l’habitat, surnommée la Piscine, est un lieu d’expérimentation, de bricolage, de réflexion, de croisement d’énergies et de mise en mouvement autour du logement et de la ville. C’est un lieu support de micro-projets citoyens, ouvert à tous: particuliers , associations, habitués et gens de passages, fortunés ou galériens, seuls ou groupés.
Histoire de la « La Piscine » A l’origine, ce projet a été proposé par un groupe de travail issu du Parlons-en, espace public de débat sur les conditions de vie des gens de la rue, ou en situation de grande précarité. Le Parlons-en rassemble tous les mois des sans-abris, des précaires, des professionnels, des bénévoles et des élus de la région grenobloise.
C’est au cours de l’une de ces séances qu’est née l’idée de fonder un lieu dédié aux questions de l’habitat, de l’auto-construction, et plus généralement des solutions qui pourraient découler du croisement des différents acteurs et énergies.
Fonctionnement du lieu
Le fonctionnement du lieu se veut souple: pour cette raison, la Piscine n’est pas une association mais un agglomérat de plusieurs partenaires. Parmi les plus actifs à l’heure de l’ouverture du lieu, voici comment les rôles se sont répartis:
BUREAUX
LIEU DE VIE
ATELIER
MATÉRIAUTHÈQUE
Répartition des fonctions
Lieu de vie (confĂŠrence, projection, cuisine, salle Ă manger)
La matériauthèque
L’atelier : terrain de sport du bricolage. Sol graduÊ permettant de mesurer des distances et des angles.
Les bureaux ( uniques pièces chauffées)
Durant la semaine d’inauguration, fabrication d’une fresque-gabarit suggérant des hauteurs de mobiliers pour faciliter le dimensionnement des nombreux bancs et tables qui part la suite furent fabriqués dans l’atelier...
http://www.fabriquedesolutions.net
C
omment favoriser une production ascendante provenant des habitants eux-mêmes? Répondre à cette question c’est réaffirmer le droit à la ville comme un droit à nous changer nous-même en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à nos désirs les plus fondamentaux (David Harvey). En s’installant dans les porosités de la ville, le projet propose à des initiatives locales d’occuper des parcelles disponibles pour une durée de trois ans dans les ZAC grenobloises. Ces occupations utilisent des délaissés urbains en perpétuel mouvement, respiration de la ville, permettant de revaloriser des espaces considérés jusqu’alors comme improductifs. L'appropriation temporaire d’espaces délaissés sur la ZAC Flaubert nous permet de développer notre démarche. La ville offre les ressources de survie. Où manger, où dormir, où se rencontrer ? Les personnes précaires vivent la ville comme une maison de par le réseau de structures d’accueil, les espaces publics et différents types d’habitats informels. Le projet s’inspire de ce fonctionnement. Il reprend ses qualités, c’est-à-dire un fort rapport à la rue et un accompagnement social continu. Proposant un programme hybride, le projet tente de redonner du sens à l'hospitalité urbaine au travers d'équipements publics, d'équipements pour les chantiers ainsi que des structures d'accueil pour les plus mal-logés. Ainsi, nous imaginons une maison éclatée composée de quatre "pièces" : la bagagerie/belvédère, les chambres/refuge urbain, la cuisine publique et le bureau/maison de chantier. Le temps du chantier est un moyen d’intégration à l’échelle de l’édifice pour favoriser la participation des usagers au projet. Plus largement, cette démarche permet de prendre part au processus de fabrication de la ville.
Premier Chapitre: COMMENT HABITER SANS TOIT Maison = abri + foyer ................................................................................................17 A. Crise de l’habiter .................................................................................................................................................18 700 000 mal-logés .............................................................................................................................................................18 Habiter autrement .............................................................................................................................................................18 Inventer l’entre-deux .........................................................................................................................................................19
B. Des institutions à l’habitat informel .........................................................................................................20 Les formes du non-logement ..........................................................................................................................................20 La Place, convergence du travail social et du milieu squat .......................................................................................26
C. Le foyer définit l’abri .........................................................................................................................................29 L’ espace minimum ............................................................................................................................................................29 Des espaces techniques autonomes.................................................................................................................................29 Une simplicité constructive .............................................................................................................................................30 L’agglomération des espaces ............................................................................................................................................30 Des vides, des seuils, des espaces de respiration ..........................................................................................................31
D. L’architecture éclatée .........................................................................................................................................32 L’ Amicale du nid, un foyer diffus ....................................................................................................................................32 Modèle japonais, la maison Moriyama ..........................................................................................................................34
Précarité urbaine........................................................................................................................36 A. L’accès à la ville .....................................................................................................................................................38 Hospitalité urbaine, les lieux assistanciels comme des repères spatiaux-temporels ............................................38
Lieux de survie et de ressource .............................................................................................................................38 Lieux de socialisation ............................................................................................................................................40 L’ errance pathologique : le cercle de la pourvoyance ......................................................................................41
Rencontre de deux mondes parallèles ...........................................................................................................................41
Territoires de SDF .................................................................................................................................................41 Percer le cercle de la pauvreté ..............................................................................................................................42 Vers une architecture publique ............................................................................................................................43
B. Vivre la ville comme une maison : itinéraire d’un SDF................................................................44 Une culture urbaine mobile..............................................................................................................................................44
Echelle globale : mobilité des jeunes ...................................................................................................................44 Echelle locale : mobilité et itinérance dans la ville ...........................................................................................48
Vivre les rues comme les couloirs d’une maison avec un fonctionnement éclaté ...............................................48
Géographie linéaire et circulaire .........................................................................................................................48 Une vision éclatée de la ville ...............................................................................................................................49
C. L’ auto-construction comme moyen de construction matérielle et reconstruction personnelle .............................................................................................................................52 La stabilisation par la participation et l’auto-construction ......................................................................................52
Une dynamique solidaire .....................................................................................................................................52 “Comment faire juste ou juste faire pour répondre au mal-logement?” Julien Beller .................................52 Processus de projet : le projet participatif ...........................................................................................................53
Tester des méthodes de concertation et co-construction : le fournil .....................................................................55 Jouir d’habiter .....................................................................................................................................................................56
Second Chapitre: PENSER LE DROIT À LA VILLE Fabrication de la ville entre ascendant et descendant ..........59 A. Le contexte grenoblois.......................................................................................................................................60 Grenoble: zones en chantier .................................................................................................................................60 Le temps des “grands projets” .............................................................................................................................................60 Quels outils d’urbanisme pour quels changements?.........................................................................................................60 Comment évaluer ces projets?..............................................................................................................................................63
Qui décide la ville ? Une histoire de démocratie(s)................................................................................64 Pouvoir en place et démocratie............................................................................................................................................64
Quelle forme de démocratie pour la gestion de la cité ?...................................................................................................66
B. Participation habitante pour reconquérir le droit à la ville........................................................68 L’enseignement d’Arnstein ...............................................................................................................................................68 Synthèse des avantages et inconvénients de la participation......................................................................................68 Les acteurs de la participation: définition de leur rôle et de leurs outils............................................................70 Cas d’étude : la ZAC Flaubert..........................................................................................................................................72
C. Penser l’architecture participative .............................................................................................................74 En architecture , la beauté n’est pas facile à négocier ..................................................................................................74 Quatre familles de constructions participatives ...........................................................................................................75 Mètres carrés non-programmés ............................................................................................................................76
Le cadavre exquis ...................................................................................................................................................76 Laisser voir la marque du constructeur ..............................................................................................................77 Architecture totale ..................................................................................................................................................77
D. Élaboration du projet et questionnements........................................................................................78
Pourquoi nous avons imaginé ne pas dessiner de projet .................................................................................78 L’expérience du Fournil comme prise de conscience ..........................................................................................78 Le dessin - le dessein du projet ...........................................................................................................................79
Des espaces temporairement appropriables.........................................81 A. Naissance des délaissés urbains - de la ville médiévale à la ville territoire ......................82 B. Régénération de la ville ....................................................................................................................................84 C. Appropriation des délaissés urbains : espaces-temps dans la ville .......................................86 D. Quelle gestion pour quelle vision de la ville ? ...................................................................................92
Troisième Chapitre: LA MAISON ÉCLATÉE Dynamiser les délaissés urbains
.........................................................................97
A. EPFL: propriétaire des parcelles en attente ........................................................................................98 B. Utilisation temporaire de trois ans
.......................................................................................................100
C. Cellule de veille des délaissés urbains ...................................................................................................100 D. Initiatives similaires
........................................................................................................................................102
E. Un nomadisme intermédiaire
...................................................................................................................104
Fonctionnement de la maison éclatée
........................................................115
A. La ZAC Flaubert.................................................................................................................................................116 B. Localisation de la maison éclatée ..............................................................................................................118 C. Les rues de la maison ......................................................................................................................................120 D. Une programmation hybride .....................................................................................................................122 E. Qui gère ? Qui finance ? ................................................................................................................................123 F. Temporalité de la maison éclatée ..............................................................................................................125 G. Temporalité de la ZAC Flaubert ................................................................................................................125 H. Itinéraire de la maison ...................................................................................................................................126
Les pièces de la maison .....................................................................................................129 A. Le bureau ................................................................................................................................................................130 B. La bagagerie ..........................................................................................................................................................144 C. La cuisine publique .........................................................................................................................................156 D. Les chambres ........................................................................................................................................................170
CONCLUSION GÉNÉRALE............................................................................................................................184 Récapitulatif de la méthode de travail.........................................................................................................186 Bibliographie...............................................................................................................................................................188
Premier Chapitre
COMMENT
HABITER SANS
TOIT 15
L
e sujet porte sur la place qu’occupent les populations le plus précaires dans la ville aujourd’hui. Depuis la mise en place de la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat en Janvier 2012 à Echirolles, nous avons choisi de questionner les notions et les solutions de l’habiter pour les personnes qui vivent sans abri ou sans chez-soi. Cela s’est fait à travers des expérimentations de bricolage et de nombreuses rencontres et visites, qui alimentent notre réflexion.
16
Maison = abri+ foyer « Etant donné un certain climat, la possibilité de se procurer certains matériaux, et les contraintes et les moyens d’un certain niveau technique, ce qui décide finalement de la forme d’une habitation et modèle les espaces et leurs relations, c’est une vision qu’un peuple a de la vie idéale.» (A. RAPOPORT, Pour une anthropologie de la maison, coll. Aspects de l’Urbanisme, Dunod, Paris, 1972, p. 65).
E
n français le terme maison englobe les deux notions : l’abri et le chez-soi. Les anglais en revanche distinguent le foyer home de l’abri house. A travers une étude des formes du mal logement, nous essayons de comprendre ce que l’habitat informel ou l’institution d’accueil peuvent avoir comme qualités : en tant qu’abris et en tant que foyers. Quelles formes d’abri, quelle organisation d’espaces permettent d’habiter le logement quand on a vécu à la rue ? Quels principes constructifs permettent d’être acteurs de son habitat, de faire simplement ? Habitat et pauvreté peuvent-ils rimer avec choix et personnalisation de l’espace ? Nous cherchons des pistes de projet (programmatiques et spatiales) pour un accueil qui se situe entre les deux. On s’appuiera sur l’exemple de La Place, centre de stabilisation alliant le travail social à la culture squat.
Y a t-il un mode d’habiter propre à ceux qui ont vécu dans la rue ? Quelles relations faut-il tisser entre un habitat pour SDF et l’espace public, les rues, les places et les délaissés urbains ? Comment les espaces intimes communiquent-ils avec l’espace public ? Comment intégrer une architecture pour personnes en errance dans un environnement urbain figé ? La fin de cette première partie fait l’étude de cas d’un centre d’accueil diffus, c’est-à-dire éclaté en plusieurs espaces au sein d’un quartier. On trouvera des exemples d’architecture éclatée dans d’autres cultures, comme le cas de la maison Moriyama au Japon. Le thème de l’habitat dans sa forme diffuse parle de relations aux espaces urbains. C’est une ouverture à la partie suivante du mémoire qui étudie les différents centres d’accueil pour SDF dans leur rapport à la ville et au regard extérieur.
Le cadre physique rend visibles certaines valeurs ethniques.
17
High up caravan www.weirdomatic.com
F Buadas, cabanes, www.buadascabanes.blogspot.fr
19
parle de non logement et met à la fois en lumière la grande diversité de formes alternatives au logement de droit commun : «L’absence de logement constitue un phénomène massif, qui se manifeste selon la façon la plus dramatique à travers la figure du «sans-abri», mais aussi à travers toutes les formes de prise en charge des structures d’hébergement collectives, ou par des solutions palliatives individuelles qui rendent le problème invisible dans l’espace public (squat, camping, hébergement chez des amis ou de la famille…). La Fondation Abbé Pierre estime à environ 700 000 le nombre de personnes qui sont aujourd’hui privées de domicile personnel. Un chiffre qui constitue sans doute une estimation basse, tant il est difficile d’évaluer le phénomène de «non-logement», mais qui peut faire écho à celui du déficit de logement évalué à 900 000 unités. (…) Caravanes immobilisées, baraques de chantier, logements en cours de construction, locaux agricoles aménagés, ou encore mobil-homes immobilisés dans les campings… Le dernier recensement de la population (2006) dénombre 85 000 personnes contraintes de recourir à ces formes d’habitat atypiques.»
Crise de l’habiter
(FONDATION ABBE PIERRE, L’état du mal logement en France, 17e rapport annuel, 2012
Artwork parasite, artiste ancien SDF Michael Rakowitz, http://michaelrakowitz.com/projects/parasite/
Habiter autrement
On peut distinguer deux types d’habitats considérés comme du non logement : le réseau d’accueil du dispositif assistanciel, et l’habitat informel, souvent illégal. Il y a une continuité entre ces différents lieux : on habite fréquemment de manière séquentielle un centre d’accueil, un squat, puis l’appartement d’un proche.
700 000 mal-logés
Le 17ème rapport annuel sur l’état du mal logement en France paru en décembre 2011 apporte une vision globale du problème. Il constitue un élément de base aux discussions et débats au sein des Parlonsen (réunions organisées par l’association Arpenteur à Grenoble sur le thème de la précarité) et des réunions entre acteurs de la piscine, fabrique de solutions pour l’habitat. On y trouve notamment un tableau de bord du mal-logement, qui recense différents degrés de situations précaires.
Nous avons tenté de répertorier ces différents types de non logement, de l’hébergement au logement temporaire. Le système d’accession au logement en escalier a été fortement critiqué ces dernières années. En effet, il exige des personnes en attente d’un logement d’être totalement guéries (dépendances, problèmes psychologiques ou psychiatriques) afin d’être prêtes à sortir (voir schéma de l’accession au logement en escalier). Or le non logement a une force incroyable d’exclusion.
L’absence de logement personnel y est considérée comme la toute première dimension du problème. A cela suivent les difficultés d’accès au logement, les mauvaises conditions d’habitat, les difficultés de maintien dans le logement, et le blocage de la mobilité résidentielle dans le logement social.
On tente aujourd’hui par le biais d’une politique intitulée le logement d’abord d’accélérer l’accession au logement de droit commun pour les personnes en difficulté, tout en poursuivant le suivi une fois la personne installée chez elle
L’étude sur l’absence de logement est paradoxale : elle 20
(FONDATION ABBE PIERRE, L’état du mal logement en France, 17e rapport annuel, 2012). Ce que cette dernière mesure révèle, c’est la longueur du chemin que certaines personnes ont à parcourir avant de pouvoir habiter dans un logement normal. Pour mieux accompagner, il faut créer davantage de continuité entre les dispositifs, ce qui implique entre autre de reconnaître le rôle et les qualités de l’habitat informel, pour travailler avec.
associations et structures d’accueil. Ils mutualisent ainsi leurs ressources humaines et matérielles et vont à la rencontre des gens de la rue afin de les orienter vers les structures d’accueil. De la même manière, on peut imaginer un organisme permettant de faire le lien entre différents espaces-temps résidentiels : un lieu de stabilisation qui accepte la personne dans son état, et entre différents modes d’habiter. Un espace offrant des fonctions ou qualités de l’habiter, afin de compléter le puzzle résidentiel des personnes qui cherchent à se stabiliser. Car au-delà de la fonction primaire d’abriter, l’habitat est avant tout un chez-soi, qui doit permettre de se construire face à soi-même et par rapport aux autres.
Inventer l’entre-deux
Dans l’entre-deux, entre l’accompagnement sur le long terme et l’abri temporaire, entre le normé et l’illégal, entre le suivi individuel et la vie en collectivité, il y a matière à inventer. On peut regarder de plus près les habitats à priori insalubres et en tirer des leçons. On peut également chercher à comprendre quel est le cadre indispensable à un travail d’accompagnement social. Au degré le plus urgent de l’aide sociale, la maraude est un dispositif associé au SAMU social qui permet de créer du lien, à la fois social, temporel et spatial. C’est un suivi assuré jour et nuit, par des bénévoles issus des
Polikatoikea, Filipe Magalhaes and Ana Luisa Soare, Origami Competitions, Portugal, www.archdaily.com
21
Des institutions à l’habitat informel Les formes du non-logement
P
ourquoi choisir d’habiter à l’année en camping ? Pourquoi refuser l’hébergement temporaire financé par les collectivités ? Quelle sélection y a-t-il à l’entrée des centres d’hébergement ? Les points suivants sont des pistes permettant de comprendre pourquoi on peut faire le choix de l’hébergement ou celui de l’habitat informel.
Les institutions
- L’hébergement : . Solutions d’urgence : Centre d’hébergement, places hôtels, places d’urgences en CHRS . Hébergement d’insertion: Centre d’hébergement de réinsertion sociale CHRS, stabilisation, centre maternel . Hébergement demandeurs d’asile: Centre d’aide demandeurs d’asile - Le logement temporaire : Logements d’insertion (résidences sociales) La sélection d’entrée dans les CHRS : les personnes se doivent de respecter des règles pour être admises. Les personnes en plus grande difficulté sont donc exclues de ce système d’aide : plus on est capable de s’en sortir, mieux on est accepté. L’appropriation des espaces privés est restreinte : à l’Amical du Nid, centre d’insertion pour les prostitués à Lyon, on demande aux hébergés de n’apporter aucun mobilier. L’objectif est de ne pas confondre hébergement et logement personnel : il faut pouvoir laisser sa place à d’autres, et avoir comme projet de s’intégrer plus tard dans son logement à soi (Entretien avec Yvonne Lafarge, chef de service au CHRS l’Amicale du Nid du Rhône). L’accompagnement social est parfois vécu comme une régression (nécessaire) où l’accueilli est véritablement pris en charge et tributaire de règles strictes. Cet accompagnement passe par le “savoir habiter”, apprendre à gérer les charges, à occuper son logement (électroménager, hygiène, relations de voisinage) : mais ceci reste un prétexte, car ce que l’on cherche à faire 22
Selon le témoignage d’Yvonne Lafarge, chef de service à l’Amicale du Nid du Rhône. 23
24
Visite de la ZAC Flaubert, les nouveaux logements et les anciens squats, photographies personnelles
25
à travers l’apprentissage de l’habiter, c’est surtout la reconstruction de soi. (V. LAFLAMME, C. LEVYVROELANT, D. ROBERTSON, J. SMYTH, Le logement précaire en Europe. Aux marges du palais, Editions L’Harmattan, Collection « Habitat et Sociétés »).
L’habitat informel
1. Caravanes et mobil-homes immobilisés, cabanes Le public résidant à l’année en camping révèle un élargissement de la population précaire, qui atteint les travailleurs pauvres notamment. “Caravanes immobilisées, baraques de chantier, logements en cours de construction, locaux agricoles aménagés, ou encore mobil-homes immobilisés dans les campings… Le dernier recensement de la population (2006) dénombre 85 000 personnes contraintes de recourir à ces formes d’habitat atypiques. Les professionnels parlent d’une «déferlante» quand ils évoquent l’explosion de la clientèle permanente des campings (personnes sans domicile fixe, mais aussi retraités, salariés, précaires, etc.) qui y réside à l’année, parfois pour de longues périodes (hors mariniers et gens du voyage).” (FONDATION ABBE PIERRE, L’état du mal logement en France, 17e rapport annuel, 2012) Nombreux sont ceux qui choisissent de construire leur propre abri plutôt que de fréquenter les centres d’insertion, ou les dortoirs communs : « Dans le dortoir des centres, l’ensemble des représentations définit
un lieu répulsif où le cadre physique l’emporte sur les usages sociaux. C’est la primauté de l’espace à caractère collectif sur les individus. Le dortoir est le lieu de l’altérité du même et du différent, de l’étrange et de l’étranger. C’est le lieu de l’autre à qui je ne veux pas ressembler et pourtant à qui on m’assimile malgré moi. Ce dortoir est pareil à une grosse machine à broyer les nuances, un accélérateur d’exclusion. Les nouveaux arrivants vivent cela comme une chute, une déchéance. Le jeu du miroir est pour certains traumatisant.» (D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002) La ville est pleine de ressources, entre structures d’accueil de jours et réseaux de solidarité : l’abri de fortune peut abriter les fonctions les plus primaires de l’habiter. Les relations sociales n’ont parfois pas besoin de toit propre : «Il y a parfois plus de lien social dans la rue qu’entre quatre murs. Comment vivre sans aucun regard sur soi? Fût-il le plus stigmatisant, le plus négatif, le regard a le pouvoir d’extirper du néant social ou existentiel.» (D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002, p. 70)
de l’iceberg, et le squat davantage subi, qui reste une solution pour les personnes sans papiers n’ayant pas accès aux institutions. De nombreux travailleurs sociaux considèrent que la vie en collectivité, la dynamique de groupe, la construction d’une identité collective positive, au sein des squats organisés, favorisent l’accès à un logement autonome. Les squatters sont acteurs de leur logement : ils exploitent des ressources tels que la récupération, le branchement aux réseaux de la ville, l’accès internet. La particularité des squats par rapport aux centres d’hébergement est la capacité à recevoir “chez-soi”. La personne est dans la position de l’offrant, et c’est peut-être ce qui caractérise le plus fortement la qualité de foyer du squat. La vie en groupe est fragilisée par le surpeuplement, notamment dans le cas de squats d’immigrés clandestins qui rassemblent de grandes communautés.
La crainte de perdre son abri ou la garde de son chien empêche certaines personnes d’avoir recours à des centres d’accueil, même en cas de grand froid. 2. Squats Les squats, illégaux, sont très mal appréhendés par la statistique publique. On en distingue deux types : le squat militant, partie visible 26
photos ci-contre: l’habitat normé. en haut, photo d’un immeuble grenoblois en bas, photo La maison Rodolph, CHRS Lyon, Agence Patriarche
La Place, convergence du travail social et du milieu squat
La Place était un centre de stabilisation géré par le relais Ozanam, autre centre de réinsertion à Grenoble. Le projet a été de pérenniser des places d’ouvertures hivernales sur un terrain vacant, et de créer ainsi un centre de stabilisation ouvert toute l’année. La Place a fermé en 2011 par manque de financement. Les travailleurs sociaux qui y ont participé, ou qui ont soutenu le projet en parlent avec beaucoup d’émotion : ce fut une expérience forte mais avortée trop tôt. Le projet de la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat a émergé dans ce contexte : des cabines sur un terrain vague, et l’envie d’y construire ensemble un véritable chez-soi. Les particularités de La Place étaient la non exclusion pour les gens avec chiens, ainsi que le caractère collectif (rassemblement d’associations autour du projet), et la convergence entre le milieu squat et le travail social. Les propos ci-joint, tenus en mai 2010, font partie d’un entretien disponible sur le site internet de l’association Les renseignements Généreux. David Laumet, ancien coordinateur de La Place, y explique les enjeux et le fonctionnement, en lien avec l’aménagement de l’espace : Comment fonctionne La Place ? 0 L’objectif de La Place, c’est de casser la spirale de la rue. Nous partons du postulat que la rue est extrêmement dégradante, physiquement et psychiquement. Nous proposons aux gens qui le souhaitent une alternative à la rue. La Place, c’est un endroit où se poser. Notre objectif, c’est de permettre aux gens en errance d’avoir un lieu «repère», un lieu à eux. L’autre principe fondamental que nous essayons de suivre, c’est la considération. Ici les personnes ont de la valeur, elles sont considérées. Il y a des règles de vie collective, mais pas d’obligations ou de contrats. Si des personnes installées à La Place décident de repartir en errance, elles savent qu’une place leur est réservée ici, qu’une équipe les attend. Je vois également ici de grands cubes colorés, qu’est-ce que c’est ? Ce sont cinq petites habitations cubiques réalisées pour la biennale de l’habitat durable, en 2008. La mairie nous a proposé, après l’exposition de ces cubes en ville, de nous les louer à la place des Portakabin. L’idée nous a plu, ces cubes sont colorés, ce qui change des Portakabin grisâtres, et puis ils sont faits de beaux
matériaux, ce qui correspond à notre volonté de proposer des cadres valorisants pour les personnes accueillies. Dans les faits, ces cubes se sont révélés bien problématiques. Certains prennent l’eau, l’isolation est mauvaise, les évacuations d’eau parfois défaillantes, l’aération mal pensée, les portes mal conçues. Heureusement, la mairie de Grenoble via son bras social, le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) a réalisé et financé une grande partie des travaux pour améliorer la situation. Ça va beaucoup mieux mais ce n’est pas encore ça. Depuis 3 mois, nous traitons directement avec le service urbanisme de la Ville qui d’ailleurs nous loue les cubes, et ils sont plutôt assez réactifs, mais ça n’a pas toujours été le cas et loin de là. Toutes ces habitations sont posées dans un grand terrain en terre, assez boueux. Est-ce provisoire ? Nous sommes sur un terrain vague réaménagé, mis à disposition pour une durée déterminée par la mairie. Le sol est effectivement boueux, glissant. C’était encore pire quand nous sommes arrivés, il y avait des ornières partout, les personnes chutaient, c’était catastrophique. Nous avons finalement réussi à faire pression pour que le terrain soit enfin nivelé comme prévu. Nous avons déménagé ici en octobre 2008. Avant nous étions rue Durand-Savoyat, près du CEA, dans un cadre bruyant, lugubre, entouré de fil barbelé. Nous nous posons sur les lieux que les communes veulent bien mettre à notre disposition, ce sont généralement des terrains vagues en attente de construction. L’objectif des collectivités locales est que La Place soit accueillie en roulement par différentes mairies de l’agglomération, pour «partager la misère», d’autant plus que ce type de lieux est très mal vu par le voisinage, donc par les électeurs. Un de nos projets pour la suite, c’est de construire un grand bâtiment en bois, transportable, qui serait déplaçable de lieux en lieux. (Entretien avec David Laumet, Les renseignements généreux) L’expérience de la Place met en avant le fait qu’un hébergement transitoire doit être aussi bien isolé du chaud et du froid, étanche, résistant au temps et à l’usure que n’importe quel logement, pour qu’il ne se transforme pas dans le temps en habitat indigne. Toute culture a su développer son habitat en fonction du climat et des contraintes de son cadre de vie. La résistance à l’usure peut être pensée à travers l’intelligence constructive : des matériaux que l’on peut remplacer au cours de la vie de la structure, des dispositifs légers qui placent les espaces intérieurs hors d’eau (dépassements de toiture, pilotis).
Le projet de La Place montre également les limites des centres d’hébergements classiques : l’espace normé ne peut accueillir les personnes avec leur chien ou leurs dépendances. Hors la souplesse des espaces en communication avec de vastes espaces extérieurs favorise la cohabitation d’un public difficile. Le problème des espaces normés reflète une crise plus globale du savoir habiter. Le logement de droit commun est de plus en plus inaccessible, et il nous est de plus en plus difficile de construire simplement et par nos propres moyens. Le logement dans certaines situations est un véritable fardeau : l’endettement dû aux charges locatives élevées est une première cause du retour à la rue, avec le sentiment d’isolement et les problèmes de voisinage (Réunion Parlons-en). Les nombreuses normes aux services de plus de confort et de sécurité dans les logements sociaux ont une répercussion à la fois sur le prix de la construction et sur les charges locatives. Comment adapter l’architecture à des ressources limitées, et à un mode d’habiter nécessitant moins d’espaces intérieurs, plus d’espaces intermédiaires ? Photos extraites du JT France 3 Grenoble 14 /12 / 2010 www.youtube.com/watch?v=x-JxlQSpSKs
ME CONSTRUCTIF
Un espace minimum chaud / module technique 30
Le foyer définit l’abri Principes formels, spatiaux et structurels
L
a forme de l’abri house est le résultat de la représentation que l’on a de la maison au sens de home, foyer :
«Si l’on accepte que l’abri soit un besoin fondamental (et même ceci peut être mis en question), et si l’on accepte aussi que l’idée de la maison opposée à l’abri, apparaisse très tôt, comme le prouvent de récentes découvertes, alors la forme que prend la maison dépend de la définition que le groupe donne de l’»abri», de la «maison» et du «besoin». Cette définition se reflètera dans les différentes interprétations concept, tels que «home», intimité et territorialité.» (A. RAPOPORT, Pour une anthropologie de la maison, coll. Aspects de l’Urbanisme, Dunod, Paris, 1972) L’étude des structures d’accueil pour SDF et des habitats informels nous a révélé quelques principes pour un habitat destiné à des gens ayant vécu dans la rue :
L’espace minimum
Lorsque le logement signifie solitude et représentation négative de soi, l’espace abrité, puisqu’il est loin de contenir toutes les dimensions de l’habiter, peut être réduit au minimum. Si les dimensions de la cellule de l’habitat primitif sont à l’échelle de l’homme et de la construction artisanale, les modules d’aujourd’hui (caravanes, mobilhomes, cabines), sont davantage soumises à ce qu’on est capable de transporter par camion. C’est à dire à peu près la taille des modules de type cabines de chantier, un volume de 6 x 3 m, sur 2,50 m de hauteur.
Des espaces techniques autonomes
Tout le monde pourrait vivre dans une maison de la Grèce antique, la seule nécessité étant d’adapter les espaces techniques (A. Rapoport). Dans le cas d’un projet déplaçable comme celui de La Place par exemple, il s’agit de concentrer les espaces techniques dans un module, afin de changer librement l’organisation des autres espaces selon les besoins. Cette hiérarchisation permet une meilleure adaptabilité dans le temps. 31
Une simplicité constructive Même dans les habitats les plus rudimentaires, les personnes agencent l’espace de manière à se créer une intimité conforme à leurs désirs. Dans un traité sur la construction architecturale, A. Deplazes définit la base de la construction sous ces deux aspects : la construction en filigrane (la cabane) et la construction en masse (la grotte) (A. DEPLAZES, Construire l’architecture : du matériau brut à l’édifice, Birhaüser, 2008), à l’image de Vitruve avec Le mythe de la cabane. Dans ce cas, il s’agit de masse lorsqu’on utilise des matériaux tels que la brique, la pierre ou la terre, qui sont à la fois porteurs et isolants. La construction en filigrane en revanche est constituée d’une ossature entre laquelle on place un remplissage : structures métalliques ou en bois. Les abris de certains SDF sont composés d’éléments récupérés qui s’apparentent plus ou moins à une construction en ossature ou une construction en masse : rien n’est figé, tout peut bouger ! Les caravanes ou mobil-homes fixes dans les campings sont à la fois masse et ossature. Ossature, car ils sont composés de panneaux de remplissage démontables et préfabriqués sur une structure porteuse. Masse, car cette préfabrication fait justement de ces habitats un objet déplaçable «en masse».
L’agglomération des espaces L’habitat vernaculaire est généralement additionnel, composé d’éléments assemblés, à l’inverse de l’architecture de style qui est figée (A. Rapoport). Dans le cas du centre de stabilisation de La Place, les préfabriqués récupérés sont posés sur un vaste terrain vague : le développement du lieu s’est fait par l’addition de modules. Le dernier espace ajouté fut la pièce commune, à quelques mètres des autres modules. L’agglomération des cellules définit ensuite la forme des espaces extérieurs de vie.
Des vides, des seuils, des espaces de
Greniers Ksour fortifiés, Algérie, en terre crue. 32
Respiration
et s’isoler physiquement des autres. Aucun angle de la pièce n’échappe au regard de l’institution. A ce titre le mirador vitré est l’expression non seulement de la séparation sociale mais aussi d’une forme d’autorité spatialité.» (D. ZENEIDI-HENRI, p. 122). A l’inverse, à Point d’eau, la cour est le lieu où l’on prend son café après une nuit souvent difficile. Les espaces de détentes autour de la cour sont remplis de recoins plus intimes qui permettent une cohabitation relativement passive.
Le vide participe à la protection de l’espace privé, mais il peut être également une réaction au surpeuplement : «On trouve la maison à patio et en général la séparation des domaines dans des cultures qui sont à la fois surpeuplées et hiérarchiques, et la primauté de telles maisons dans toutes leurs manifestations, de la simple maison de Jéricho à la très complexe maison Jen de Chine, avec ses cours multiples, en passant par celles de la Grèce, de Rome, de l’Islam, des Indes et d’Amérique latine, peut être due à un besoin semblable. On a besoin de se retirer tout en restant sur le territoire familier du groupe familial ou du clan - et la séparation des domaines permet d’obtenir cela.» (A. RAPOPORT, Pour une anthropologie de la maison, coll. Aspects de l’Urbanisme, Dunod, Paris, 1972, p. 82)
Ce besoin de séparation face au surpeuplement est flagrant à Point-d’eau. C’est une structure d’accueil de jour grenobloise qui permet aux personnes de prendre des douches et de laver leur linge gratuitement. L’organisation des espaces en U avec une cour au centre hiérarchise les espaces du public au privé. Le vide dans ces centres sociaux, où l’on observe selon autant de proximité physique que de distance sociale, donne un sentiment de respiration. Car la difficulté est de concentrer un public difficile dans un même lieu :
Ci- dessous, la cour comme espace de respiration Point d’eau, structure d’accueil (douches, laverie),
«Les comportements observés dans les centres d’accueil rappellent fortement ceux que l’on peut observer dans l’espace public. C’est comme si les résidents déplaçaient avec eux un mode de rapport à autrui et une sociabilité propres à l’espace public. La frontière du dedans et du dehors est ici biaisée. Même dedans, on est dehors. Ce qui fait de l’endroit un lieu à part, un lieu intermédiaire. C’est la rue entre quatre murs, la rue sans ses avantages, la rue enfermée. (…) (D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002, p. 121). Le réfectoire de l’accueil de jour Le Fournil à Grenoble à l’image de cette description d’un espace similaire à Bordeaux : «Le cadre physique étant structuré par une fonctionnalité organique, il n’offre pas d’échappatoires en matière de relations sociales. (…) Il n’y a pas de coin où se poser, discuter 33
L’architecture éclatée «Les relations existant entre la rue et le squat consacrent celui-ci comme une sorte d’annexe de la rue, un abri collectif et public dans une certaine mesure. Les territoires dans les espaces publics forment comme des passerelles qui mènent au squat, lui-même objet d’appropriation. Ce dernier participe aux processus territoriaux observables dans la ville. Par ailleurs, il contribue lorsqu’il est fondé sur de nouvelles pratiques culturelles, à développer une autre forme d’urbanité, une autre façon de participer à la ville et au monde.» (D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002, p. 255).
L
’architecture qui se situe entre l’habitat informel et l’habitat normé exploite les qualités spatiales du squat en continuité avec la rue.
L’Amicale du Nid, un foyer diffus
L’Amicale du Nid, un foyer diffus, illustre par son fonctionnement le projet de maison éclatée : L’Amicale du Nid accueille à La Duchère, à Lyon, des personnes souhaitant sortir de la prostitution,
hommes ou femmes. Le centre se compose : - d’un espace central situé en rez-de-chaussée d’un immeuble. On y trouve une cuisine collective, des placards de rangement, une pièce de jeux d’enfants, des boîtes aux lettres (c’est le lieu de domiciliation des accueillis), des bureaux d’entretien. d’un espace en communication avec l’espace commun, mais possédant une entrée séparée, qui comprend quatre bureaux et services de suite, - de deux appartements à l’étage, qui servent pour les personnes les plus fragiles, ayant besoin d’un accompagnement presque permanent, - de douze appartements «satellites» situés chacun à moins d’un kilomètre du centre social. La transformation du centre de la forme «monobloc» à un éclatement des espaces date de 1996. Cela avait été imposé par les financeurs, et permettait aux accueillis de vivre dans des appartements de droit commun, en restant sous la tutelle du centre d’accueil. La solution était donc de garder un lieu central, chaleureux, confortable et lumineux où l’on assurerait le suivi individuel et la vie collective. La forme éclatée a pour avantage de ne pas créer un effet de «colonie». La notion de foyer persiste par le biais des espaces communs, 34
par des entretiens hebdomadaires avec les travailleurs sociaux, mais aussi par l’adhésion à un règlement intérieur strict, autant sur la vie en collectivité que sur les règles d’occupation de l’appartement. L’objectif est de mettre la personne en sécurité. Le «savoir habiter» est également enseigné à travers le suivi et les règles de vie. Mais cela est un prétexte pour un accompagnement plus profond : il s’agit de redonner à la personne des envies de projet. Le logement permet d’accepter et de reconnaître son identité. L’hébergement diffus permet de se reconstruire dans une certaine autonomie. La notion de foyer est davantage dans les liens sociaux et l’accompagnement. Dans ce cadre, l’appartement satellite est un abri dans lequel on se reconstruit peu à peu, en vue d’accéder à son propre logement. (D’après un entretien avec Yvonne Lafarge, sous-directrice de l’Amicale du Nid, Centre de reinsertion à Lyon)
L’Amicale du Nid, un foyer diffus 35
Un modèle japonais, la maison Moriyama « Perdue dans un paysage de maisons individuelles de 3 étages maximum, c’est dans un labyrinthe dense de la banlieue de Tokyo, près de la station de Kamata, que se trouve cette maison concept difficile à trouver. Après de nombreux zigzags dans le labyrinthe des rues résidentielles, je tombe finalement sur les 10 blocs blancs de tailles toutes différentes qui composent Murayama House. La structure du bâtiment est éclatée, les cubes blancs qui la composent sont étalés sur une terre battue où naissent des brins de végétation et quelques pots de fleurs. Murayama House est ouverte sur l’environnement extérieur, ouverte sur la ville, à l’opposé d’un certain modèle de maison individuelle fermée sur l’extérieur avec un jardin intérieur, ou patio, donnant seulement une vue sur le ciel, comme seul élément de nature. Murayama House n’essaie pas de se couper de son environnement. C’est un espace ouvert s’interconnectant avec la rue. Je trouve cette interconnection dans l’esprit des maisons traditionnelles japonaises dont l’interieur peut s’ouvrir presqu’en totalité sur les jardins extérieurs par une série de fines portes coulissantes. Cette expérimentation d’architecture-paysage se veut modulable. Le propriétaire peut interchanger les blocs habités et en location suivant la présense ou non de locataires. Il peut utiliser certaines pièces et blocs suivant la saison ou les rendre disponibles à la location (par exemple, agrandir son espace habitable en s’ajoutant un bloc).
L’éclatement de la maison Moriyama favorise à la fois la modularité et l’interaction avec les espaces extérieurs. Le travail de l’architecte Ryue Nishizawa consiste à mieux intégrer la maison individuelle dans son tissu urbain, par le biais d’interactions visuelles, et de l’intégration de fonctions publiques à l’intérieur de la maison. « L’investissement domestique suppose une intégration dans un espace donné, des liens avec un environnement. Ils sont nombreux ceux qui témoignent de leurs problèmes à investir un lieu, à être sédentaires, à vivre dans la norme. La rue, l’espace public en général est fondamental dans leur vie et l’espace privatif est pour eux restreint. On est loin de la festive phénoménologie de Bachelard (1957) qui fait de la maison l’espace du refuge.” (D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002, p. 71). (Made In Tokyo, Frédéric Gautron. Tokyo, Japon5 juillet 2007, http://www.fgautron.com/weblog/ archives/2007/07/05/moriyama-
36
De l’abri au foyer, il s’agit donc d’inventer une nouvelle manière d’habiter pour ceux qui veulent sortir de la rue : Ouvrir l’habitat sur la ville pour tisser des liens avec le territoire de la rue, tout en préservant des espaces d’intimité : l’habitat « de stabilisation », comme une annexe de la rue reliée à un accompagnement spécifique est une solution possible pour des personnes très marginalisées. Favoriser la simplicité constructive, l’adaptabilité et la modularité des espaces pour permettre un accueil spécifique et donner à l’accueilli la possibilité d’être acteur de son cadre de vie. On donne tous à notre habitat un sens différent. De même dans la population SDF les parcours et les niveaux d’autonomie varient. Eclater les espaces et les fonctions de la maison en différents lieux peutil permettre de répondre à cette diversité ?
Photos architecte Ryue Nishizawa (SANAA)
37
Précarité urbaine
U
n SDF n’a pas de logement mais habite différents lieux de la ville. Après avoir analysé et défini le sens de la maison d’une personne mal-logée, cette seconde partie vise à comprendre leur pratique urbaine et architecturale dans la ville. Comment les personnes précaires habitentelles la ville de Grenoble ? Comment permettre l’accès à la ville en faisant rencontrer deux mondes parallèles (monde de la rue et les autres) ? Comment faire participer ces personnes à la construction de leurs lieux de vie mais également à leur propre reconstruction personnelle ?
Photographies http://www.cresson.archi.fr/PUBLI/pubRAPPORTS/75PRECARITE.pdf 38
39
Ces lieux interviennent dans un traitement social d’urgence. Ils apportent des réponses de première nécessité aux SDF. Les situations de grande détresse imposent des questions précises : Où dormir? Où manger? Où se laver? Où s’habiller? Où se faire soigner? A Grenoble, un livret « SOS GALERE », mis à jour tous les ans, répertorie les lieux d’accueil, d’hébergement, de distribution de repas, les lieux pour se laver, se soigner, s’habiller… dans l’agglomération grenobloise afin d’aider à résoudre les besoins des personnes en difficulté. Ce livret gratuit est réalisé par Accueil des SDF, (4 bis rue du Vieux Temple au centre ville de Grenoble). On observe alors une complémentarité des offres entre les différentes structures d’accueil. Pour aborder l’analyse de ce réseau, nous avons élaboré un questionnaire, support de discussion pour aller à la rencontre de certaines structures d’accueil afin de comprendre leur histoire, leur organisation, leur quotidien et la fréquentation au sein de ces structures. Répertorier et cartographier ces lieux d’accueil nous a permis d’analyser « l’habiter » d’une personne sans demeure propre.
L’ACCÈS à la VILLE Hospitalité urbaine,
les lieux assistanciels comme repères spatiaux-temporels Lieux de survie et de ressource
P
ar définition, les lieux assistanciels sont « des lieux d’accueil de jour offrant aux personnes errantes marginalisées des lieux identifiés afin d’établir une relation, de les orienter vers des lieux adaptés à leur situation et de prévenir la marginalisation de personnes en situation de rupture notamment les jeunes ». (D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, p. 129)
40
500 m
1000 m
0 41
500 m
1000 m
En général, dans les villes françaises, le Samu social (le 115), en partenariat avec les institutions, des associations, des bailleurs de logements et des agences joue le rôle de pivot entre le vaste espace assistanciel et les SDF. Cependant, on se rend bien compte que dans la réalité les SDF sont orientés par les réseaux existants, les affinités et les complémentarités entre les structures d’accueil, les témoignages et les appréciations de la rue.
Ce témoignage montre que vivre à la rue, c’est une quête de lieux et de moyens qui occupe le temps, temps dont on ne sait que faire quand on n’a pas de logis, mais aussi un besoin de socialisation qui va de pair avec les nécessités de survie matérielle.
De même la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat , lieu où se mêlent réflexion, fabrication et expérimentation, réunit des acteurs sociaux afin de discuter des conditions de vie et des manières d’habiter pour les gens les plus précaires. Comme par exemple les discussions de la réunion du 3 avril 2012 rassemblant le collectif des associations de bénévoles luttant contre la précarité composé de douze associations grenobloises : la Croix Rouge Française Départementale, Roms Action, L’Oreille du Cœur, le Secours catholique, Médecins du Monde, la Banque Alimentaire de l’Isère, le Fournil, Accueil des SDF, Point d’eau, Femmes SDF, Diaconat Protestant et Nicodème.
Lieux de socialisation Les personnes en situation de précarité vivent souvent dans l’isolement, le repli et l’errance. Elles sont en rupture de liens sociaux, économiques et culturels, elles sont donc désocialisées. Par définition, la socialisation est un processus par lequel l’enfant intériorise les divers éléments de la culture environnante (valeurs, normes, codes symboliques et règles de conduite) et s’intègre dans la vie sociale. Définition du Larousse
La fréquentation des lieux assistanciels forge l’identité et le parcours des SDF. « Les pôles de l’assistance ne sont pas des lieux neutres dans la ville, ces lieux et équipements urbains sont porteurs de sens et renvoient à des symboliques identitaires » D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002, p. 99 Enfin, les SDF recherchent activement des lieux d’accueil qu’ils utilisent comme des abris, des lieux refuges. Les discours recueillis disent combien la journée est difficile et épuisante. «Ce qui est dur, c’est la journée, t’es fatigué, énervé, t’as pas d’endroits pour te reposer, tu traînes toute la journée, t’as même plus envie de dormir après, je fais des fois une sieste dans le bus. A certains moments, on est perdu, on ne sait pas où aller, où se reposer. Si vous n’avez pas d’argent, vous ne pouvez pas aller dans un café ! Alors on va dans les jardins publics, sur le trottoir, dans le métro. Mais quand vous restez seul dans un jardin à penser, vous vous rendez malade. Heureusement qu’il y a le lieu d’accueil. Quand on est fatigué, on vient, on s’assoit, on se repose, on rencontre des gens, on cherche du travail…on arrive à oublier ses problèmes» Vachon, 1996, p.27 dans Les SDF et la ville, p.134-135
P. DECLERCK, Les naufragés, avec les clochards de Paris, Pocket, 2006 Le rôle des structures assistancielles est double : une fonction en cache une autre. En effet, ces structures accueillent des gens dénués de liens sociaux pour leur offrir des fonctions essentielles pour survivre mais elles ont également vocation à leur socialisation. Ces lieux sont des repères importants dans le cheminement d’un SDF : « ils sont gratuits (ou quasi-gratuits) et en cela ils produisent du lien social » Par exemple, le restaurant associatif du Fournil offre un repas le midi et reste ouvert l’après-midi pour permettre aux gens d’avoir un lieu chauffé pour échanger, jouer, discuter ou simplement rester là et regarder. Nous avons passé du temps au Fournil pour s’imprégner de son fonctionnement et comprendre les attentes des usagers. 42
l’isolement, il s’agit là de penser dans le processus architectural des structures d’accueil un moyen de sortir les personnes de l’isolement, de créer des interactions entre celles-ci et avec le quartier. En effet, beaucoup de personnes ayant vécu dans des situations de grande précarité, une fois sorties d’affaire, se retrouvent très seules dans leur logement attribué et dans leur vie. Elles continuent alors à fréquenter les structures assistancielles pour pallier à l’ennui.
L’errance pathologique : le cercle de pourvoyance Le vendredi 20 janvier, lors de la semaine d’inauguration de la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat, Pascal, travailleur social à Point d’eau, a fait une conférence sur la pathologie de l’errance et ses conséquences dans la vie quotidienne d’une personne à la rue. Cette réflexion sur l’errance permettait alors de replacer un des objectifs de la Piscine qui est de lutter contre l’enfermement, l’ennui, et l’isolement de personnes dans la précarité :
En tant que futur architecte, notre rôle se place peut-être dans la nécessité de créer des lieux où l’on permette des changements d’habitude et d’attitude.
« L’errance n’est pas un voyage, l’errance pathologique, c’est tourner en rond. C’est un mécanisme qui enferme. Le cercle de la pourvoyance montre qu’une personne vit dans un cercle vicieux où il fréquente les différentes structures d’accueil pour survivre. Quand, accompagné, il en sort, il trouve un travail, hébergement, il arrive souvent que la personne replonge et retourne dans ce cercle. L’addiction à l’alcool et aux drogues accentue fortement cet engrenage » (schéma ci dessous) http://www.fabriquedesolutions.net/portes-ouvertes-le-20janvier-2o12/
« Est-ce vraiment une question d’habitat ? Ou est-ce une question d’isolement? Aujourd’hui il existe deux types d’accueil : l’hébergement de nuit et l’hébergement de jour. On est dans une incapacité à imaginer autre chose : il faut ouvrir les choses en la matière.» Témoignage de Pascal du Point d’eau
Rencontre de deux mondes parallèles
Le problème des gens à la rue n’est donc pas seulement la question du logement mais aussi de
Territoires de SDF D. ZENEIDI-HENRI définit dans son ouvrage Les SDF et la ville la notion de territoires de SDF : « L’effet de lieu peut être si fort qu’il produit un attachement, voire une fixation territoriale » (p.111) « Les SDF territorialisent l’espace public. Cependant la localisation des territoires n’est pas totalement le fruit du hasard, l’identification et la proximité avec les habitants du quartier apportent leur pierre à l’édifice des territoires (…) A la recherche de lieux de vie urbaine, de lieux de vie de quartier, ces territoires sont davantage que des cadres de pratique de mendicité, ils sont de véritables espaces de vie. » A travers leur appropriation de certains secteurs de la ville, les SDF collaborent à une nouvelle composition du paysage urbain et contribuent à brouiller les frontières établies entre le dedans et le dehors. Avec l’émergence de leurs territoires, on assiste à l’externalisation du privatif et à l’internalisation du public. 43
Quelle est la place des lieux concernés au sein de l’espace social, à l’échelle du quartier ?
l’environnement urbain (la rue, les parcs, les places…) et les structures sociales et solidaires des quartiers.
Pour illustrer ce propos, un témoignage de l’association le Secours catholique fait à la réunion de la fondation du collectif des Morts de rue à la Piscine, Fabrique de solutions pour l’habitat , le 3 avril 2012, révèle le rapport entre la boulangère d’un quartier et un SDF décédé. En effet, les gens du quartier habitués à voir cet homme dans le quartier se sont inquiétés de son absence, après sa mort.
« L’existence de deux mondes différents est l’expression troublante, dans nos sociétés fondées sur l’égalité de tous, de la juxtaposition de mondes sociaux parallèles. Au-delà de ce constat qui peut paraître naïf, se pose de manière plus précise le problème de l’accès à la ville, plus difficile pour les SDF, non seulement en raison de leur faible pouvoir d’achat mais également de leur enfermement dans des espaces spécifiques. La géographie de l’assistance est donc au sein de la ville une géographie symbolique de l’enfermement dans la politique de l’urgence. » D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002.
Comment rendre la ville accessible aux plus démunis ?
Percer le cercle de la pauvreté
A partir de là, ouvrir le fonctionnement de ces structures d’accueil sur l’extérieur tout en laissant le choix aux usagers pourrait se traduire, d’un point de vue architectural, par la présence dans le projet à la fois d’espaces intimes permettant la reconstruction d’une personne en difficulté, mais aussi d’espaces ouverts
La prise en charge quasi-totale des SDF, dans la mesure où elle appréhende tous les versants de la survie, pose la question de l’enfermement dans un circuit et par ce biais dans un système. En parlant d’accès à la ville, on peut interroger l’interaction de ce circuit avec
http://www.cresson.archi.fr/PUBLI/pubRAPPORTS/75PRECARITE.pdf
44
favorisant une certaine mixité sociale. Cette piste de projet nous pousse donc à donner à nos architectures une dimension d’équipement public comprenant des parties publiques et des parties privées afin de maîtriser les flux et les différents types de fréquentation du lieu. Penser une programmation offrant la possibilité de se reconstruire et surtout accompagner les gens dans la réinsertion citoyenne, par ce terme nous n’entendons pas uniquement la réinsertion par le travail mais par le savoir-vivre et la socialisation.
les formes de sociabilité dans l’espace urbain et les manières de se comporter. Tout espace est une situation, un scénario. Les règles sociales sont portées par la matérialité du lieu.
« Par ailleurs, afin d’éviter le sentiment de «ghetto» d’un public défavorisé, on cherche à ouvrir de plus en plus les lieux collectifs. L’ouverture de ces espaces à des gens extérieurs est à la fois porteuse de sollicitations, et une invitation à sortir. Certaines résidences reçoivent donc dans leur enceinte un pôle services, travail ou lieu de vie sociale, ouvert à un public extérieur. Les limites à la banalisation des espaces communs : la vocation sociale non assumée. Le lieu d’accueil doit garder la possibilité d’un suivi personnalisé. Dans notre projet, ces visions divergentes sur l’accueil doivent être prises en compte. Comment assurer un suivi social personnalisé, au sein d’une structure qui reste ouverte sur son environnement, sur son quartier. » V. LAFLAMME, C. LEVY-VROELANT, Le logement précaire en Europe, aux marges du Palais, L’Harmattan, 2007.
Une bonne architecture publique se doit d’être accessible, diversifiée et ouverte. Par exemple la typologie d’une bibliothèque comme équipement public peut offrir une qualité architecturale et d’usage. Ainsi dans notre projet, il nous semble fondamental de penser une double programmation, programmation à usage social (stabilisation) aussi bien qu’à usage public (équipement public). Cette double programmation peut offrir des qualités d’usages et architecturales. « L’espace public est une ligne de partage non seulement entre les hommes et les femmes, mais également entre ceux qui l’exploitent , qui y travaillent (la manche) et les autres.»
Selon lui, qu’est ce qu’un bon espace public ? Un espace public est riche s’il y a une diversité d’usages, s’il est pensé comme un scénario, un dispositif, avec des statuts d’usagers.
Enfin, en terme de méthode, nous pouvons nous appuyer sur celle de A. Melissinos, M. Redor. Dans leur étude de sensibilisation illustrant l’impact des décisions en matière d’aménagement d’espaces publics, ils analysent la diversité, les contrastes et les oppositions dans les usages actuels de l’espace public. « L’étude montre l’intérêt de prendre en compte ces usages au moment de la conception des espaces collectifs. Elle rappelle que les espaces collectifs d’une ville forment un ensemble dont les divers éléments ne doivent pas être étudiés indépendamment les uns des autres.» A. MELISSINOS, M. REDOR, Espaces collectifs : rues et places, STU, 1980
Quelle intégration pour ces équipements publics dans le quartier ?
Vers une architecture publique Dans le projet, l’équipement public aura toute sa pertinence s’il est facilement accessible et s’il se place à l’intersection de différents flux de personnes. De même, les programmations doivent être ouvertes. Les sociologues E. Goffman (1922-1982) et J. M. Leger théorisent la sociabilisation dans l’architecture et l’espace urbain. Par rapport à l’architecture de la médiathèque parisienne JP Menville conçue par Daniel et Patrick Rubin, J.M. Leger pose la question : « En quoi l’architecture peut-elle permettre aux gens de faire des choses en constituant des sociabilités ? » J. M. Leger, la ville à livre ouvert. Lectures d’architectures et parcours en médiathèque, rapport pour le ministère de la culture, octobre 2006
Maintenant que nous avons analysé et décrypté les phénomènes spatiaux, urbains et sociaux provoqués par le milieu assistanciel et les personnes à la rue, nous pouvons analyser comment et avec quel rythme temporel cette ville hospitalière est–elle vécue de l’intérieur ?
Dans la mise en scène de la vie quotidienne, E. Goffman décrit 45
Une culture urbaine mobile
Vivre la VILLE comme une MAISON
itinéraire d’un SDF, la ville vécue de l’intérieur
C
omment les SDF vivent la ville, entre structures de vie existantes dites officielles (réseau assistanciel) et lieux de vie dits spontanés (comme par exemple le parc Paul Mistral). Le but étant de comprendre l’espace-temps de la vie d’une personne à la rue.
Cette culture urbaine se lit à deux échelles : à l’échelle nationale, une personne à la rue est mobile, peut se déplacer de ville en ville, mais également à une échelle plus locale où une personne en situation de précarité va favoriser la ville et même le centre-ville à la campagne.
Echelle globale : mobilité des jeunes « Il semblerait que les jeunes zonards parfois mineurs et originaires des petites villes soient les plus mobiles. Leurs repères spatio-temporels fondent un dispositif spatiotemporel de l’errance dont la particularité est d’articuler différents étages territoriaux, locaux, régionaux, nationaux, européens. Cette géographie de la mobilité des plus pauvres répond à une logique duale départageant les villes hospitalières des villes hostiles. La réputation d’une ville est indexée sur sa capacité d’accueil, sur son degré de tolérance de présence à la présence des SDF, sur les facilités d’ouverture des squats, sur la possibilité d’obtenir des repas…sans avoir à entrer dans des démarches d’insertion complète. » La carte mentale réalisée par Hakim, 28 ans, montre sa pratique mobile du territoire à l’échelle de la France : « Je voyage beaucoup. Je vais à Chambéry, Paris, à Strasbourg… je connais les numéros des départements donc je les écris. A la base j’étais saisonnier. Je vais l’été dans le Sud, je vais l’hiver à Chamonix. Dans Grenoble , il n’y a pas de travail, le travail c’est dans le sud. A Grenoble, je vais au Point d’eau de temps en temps, le fournil j’y vais pour manger. Je vais dans les parcs où il y a du soleil, I love green! Je dors partout où c’est propre. 66 ce sont les Pyrénées orientales, je vais dans le 59, dans le 34, 49 c’est Angers, le 93, je suis né dans le 93. Limite j’aurais dû être manouche tant je voyage. Je vais dans les grandes villes, les métropoles. Je viens souvent à Grenoble, 38, Grenoble c’est les parcs, la verdure, le parc Paul Mistral, la MC2, le jardin de ville. » Grenoble est représentée comme un cercle à l’intérieur duquel il décrit des lieux qui sont, à ses yeux, significatifs et même essentiels. En dehors de ce cercle sont représentés les différents départements qu‘il fréquente. A l’image de sa main qui dessine dans tous les sens, qui va d’un coin à l’autre, qui présente une confusion dans le discours et dans le dessin, qui bouge dans tous les sens, ce témoignage décrit une situation d’extrême mobilité, où l’avenir est incertain et la destination du lendemain est encore inconnue.
La ville dessinée par des personnes précaires : cartes mentales L’exercice de la carte mentale ou du dessin à main levée révèle une image subjective de l’environnement. Au sein de la structure d’accueil Point d’eau, nous avons mené des entretiens en demandant aux usagers (SDF, personnes isolées, hommes et femmes) de cette structure de dessiner Grenoble en plaçant tous les lieux qu’ils connaissent. A la manière de Kevin Lynch, nous avons mis en place cette méthode pour décrypter la vision de la ville par les gens de la rue. Comme le souligne Djemila Zeneidi Henry, géographe qui s’est confronté à cette méthode « on peut distinguer trois types de cartes : les cartes totalement vides, les cartes « remplies » et les cartes partielles. Il y a une géographie commune constituée de lieux ou de zones qui sont fréquentés par un grand nombre et puis des variantes dans les lieux cités, répondant à des spécificités d’ordre individuel (…) La lecture des cartes mentales a privilégié la qualité du repérage spatial, l’orientation des lieux, leur nombre, leur localisation et leur nature. » Djemila Zeneidi Henry, Les SDF et la ville, chapitre 3, p. 80 46
Carte dessinĂŠe par Hakim
47
48
Carte dessinĂŠe, anonyme 49
Echelle locale : mobilité et itinérance dans la ville
maison d’alpage je pense, on y dort, on y va souvent, pour rentrer, on rentre par la fenêtre. Je la dessine bien parce que je l’aime bien cette petite baraque. Halala il ya plein de trucs à dessiner. La place où ils ont coupé tous les arbres, c’est où ? » - « L’esplanade » lui souffle son pote - « Ah oui, il faut que je dessine l’esplanade avant qu’il n’y ait plus d’arbres, il ya plein de panneaux “Passez en face piétons”, avec les travaux, c’est le bordel avec le chantier. Je préfère dessiner la nature, c’est plus joli. »
Les parcours résidentiels des étudiants dans la ville sont mouvants. A l’image de la collocation étudiante où les gens changent d’appartements régulièrement, on peut lire une certaine forme de nomadisme à échelle de temps plus ou moins longue. Ces modes de vie urbains traduisent un mouvement dans la ville. La ville offre en réalité des ressources de survie importantes, c’est donc une logique de l’économie de survivance qui rattache de manière générale les SDF à l’urbain (plus qu’au milieu rural); les gens de la rue adoptent une véritable culture urbaine. L’importance du centre-ville visible s’explique en grande partie par la localisation des principaux services sociaux et des associations et par les nombreuses ressources que ce dernier peut offrir (cf partie précédente)
Vivre les rues comme les couloirs d’une maison avec un fonctionnement éclaté Géographie linéaire et circulaire
Les personnes à la rue vont d’une structure à une autre au cours d’une journée afin d’obtenir les besoins primaires pour survivre. De la Tronche à Flaubert en passant par Saint Bruno ou le centre ville, ils vivent la ville comme une maison. Les cartes mentales le montrent clairement, on peut alors analyser les différentes lectures et interprétations de celles-ci : «Les parcours restitués dessinent une géographie linéaire ou circulaire qui est calquée sur le réseau assistanciel. La ville peut être représentée comme une grande ligne droite, un grand chemin avec des lieux qui seraient comme autant
Fenec, 40 ans, se livre et nous décrit sa ville avec sensibilité et attachement profond à l’environnement grenoblois, sa vision de Grenoble est centrale : Présent tous les jours au jardin de ville, il dessine ce lieu qu ‘il connaît très bien ainsi que la place Victor Hugo. Il y rejoint des gens. La structure d’accueil où il se rend le plus souvent est le Point d’eau où il vient se doucher régulièrement. Attaché à la nature et à ses chiens, il aime la Bastille et le musée de Grenoble. - « Il y a l’Isère, je dessine l’eau avec un poisson. Du jardin du musée de Grenoble, on voit une maison, ancienne
Carte dessinée par Fenec 50
d’étapes dans la journée. » Djemila Zeneidi Henry, Les SDF et la ville, chapitre 3, p. 83 Comme, par exemple, la carte mentale à doite où le parcours quotidien de cet homme est la ligne de tram B. Chaque jour il s’arrête aux mêmes arrêts : « La Fontaine Sainte Claire, il y a la bibliothèque, j’y vais tous les jours, il y a internet. Au tournant vers Hubert Dubedout, devant les bâtiments du centre-ville, j’aime bien, je regarde cet endroit. » Ce témoignage montre la répétition des journées toutes vécues de la même manière et guidées par la ligne de tram. « La seconde forme possible de l’image mentale rend compte d’un espace d’apparence circulaire, d’une spirale enfermant les maigres repères urbains quotidiens. » Djemila Zeneidi Henry, Les SDF et la ville, chapitre 3, p. 83 Comme par exemple, cette même carte mentale qui montre la perception du centre ville comme un cercle fermé où tout est contenu à l’intérieur.
Carte dessinée , anonyme
Une vision éclatée de la ville
Comme le montrent les différentes cartes et témoignages, la ville est souvent décrite comme une succession de lieux éclatés qui traduisent un quotidien. Ces lieux éclatés sont alors des lieux –objectifs.
Saint Bruno, tous les quartiers réunis, à chaque fois que l’on se ballade, on change de quartier. » Elle connaît bien son quartier, elle semble y être en sécurité. « il y a le Local des femmes, le marché saint Bruno, le tramway mais ça pue la transpiration, le bus : c’est pratique. Sinon la ville est agréable, avec du soleil on peut faire bronzette. Autour du Local des femmes, il y a le casino, des tacos, des kebabs, la banque, le Village de quartier enfance, il y a aussi le CAM (Centre d’hébergement communal) , endroit où je me suis reconstruite en famille »
« D’autres cartes juxtaposent des circuits ou un ensemble de la ville sans articulation les uns avec les autres. Ils livrent une vison morcelée, éclatée de la ville. » Djemila Zeneidi Henry, Les SDF et la ville, chapitre 3, p. 83 De même on remarquera que les femmes citent des lieux plus fermés liés à une certaine sécurité (comme par exemple les accueils de jour), tandis que les hommes citent davantage des lieux ouverts et des voies de communication (espaces publics, parcs urbains, lignes de transport…) Par exemple Maryn Safia, 21 ans, a une vison de Grenoble qui se résume à la pratique du quartier Saint Bruno, soit tout ce qui gravite autour du Local des femmes où elle se rend souvent. Elle décrit un fonctionnement éclaté du quartier : « Saint Bruno c’est le quartier des arabes, les SDF il y en a de plus en plus. Le plus gros quartier de Grenoble c’est
Tout comme les autres, on remarque une vision restreinte de Grenoble. Enfin, les lieux nommés précisément sont mis en avant car ce sont des lieux appropriés et par conséquent des territoires pour les gens de la rue. Vécue de l’intérieur pour un SDF, une ville est donc une grande maison avec des ressources importantes. Comment permettre aux sans-abris de mieux vivre la ville comme une maison et devenir acteur de la ville?
51
52
53
deviennent acteurs de leur habitat». Ce fut l’occasion de partager des expériences entre les participants du projet de la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat, les bénévoles bricoleurs d’un Toit pour Tous qui aident les personnes précaires à s’installer dans leurs nouveaux logements attribués et les Compagnons Bâtisseurs. Site internet de la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat : http://www.fabriquedesolutions.net/quand-lesprecaires-deviennent-acteurs-de-leur-habitat/
L’AUTOCONSTRUCTION comme moyen de construction matérielle et reconstruction personnelle
Les Compagnons Bâtisseurs, association nationale, font de l’insertion par l’habitat (voir page de droite). Leur démarche d’auto-réhabilitation est intéressante car, au-delà de la rénovation et l’aménagement de son propre logement, cette démarche accompagnée porte une dimension collective qui permet de rompre l’isolement des personnes et de créer des liens sociaux. Ils mettent ainsi en avant le « faire ensemble ». A partir de la programmation des chantiers, les Compagnons Bâtisseurs organisent la participation des personnes impliquées dans les actions, des bénévoles associatifs et des jeunes volontaires. Cette entraide constitue progressivement une dynamique solidaire de territoire, qui peut prendre à terme la forme d’un groupe d’habitants relais.
L
e sujet de ce PFE questionne l’appropriation d’un lieu dans une ville hyper codifiée. Nous nous inscrivons dans la démarche d’urbanisme du quotidien de Henri Lefebvre qui prône « un urbanisme qui prend sens dans la vie de tous les jours, mais qui va plus loin que les routines banales dont chacun peut faire l’expérience. » L’expérience de la fabrication d’un lieu, d’une ville.
« Comment faire juste ou juste faire pour répondre au mal-logement ? » J.Beller
Une dynamique solidaire
Julien Beller, architecte à Seine-Saint-Denis et membre du collectif Exyzt, questionne dans son travail la construction de la ville par le bas, soit par les usagers de la ville. Avec leur projet de logements étudiants à Roubaix, le collectif met en avant la participation des gens pour leur logement. «Les gens, comme au Moyen-Âge, font leur propre maison adaptée à leur mode de vie. S’ils ont un mode de vie particulier, la maison sera particulière, l’espace devient alors vivant.»
L’association Un Toit pour Tous, dans le cadre de ses «Rendez-vous du Toit », et la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat, invitent les acteurs de l’hébergement et du logement social, et les hébergés/résidents/locataires à un temps de débat autour du thème «quand les précaires
Dans sa démarche d’architecte Julien Beller fait un travail engagé pour pallier au mal-logement de 60 familles roumaines en Seine-Saint-Denis vivant dans un « bidonville » (pour reprendre ses mots). Il défend le fait que la ville informelle a le droit d’exister; tout le monde
La stabilisation par la participation et l’autoconstruction
54
forme de chantiers participatifs d’auto-construction. « Ce qui est important ce n’est pas le résultat final , mais comment celle-ci a été réalisée. » Pascal, accompagnateur social du Point d’eau
a le droit d’avoir un toit. « Faire la ville en impliquant l’habitant, avec une justesse de moyens afin de valoriser la ville auto-construite et accompagner les gens par le minimum nécessaire » Les personnes en situation de mal-logement sont des personnes vides de l’intérieur. Vivre à la rue c’est être nulle part, c’est être qu’une coque vide. Donner une enveloppe extérieure c’est aussi remplir l’intérieur.
Un chantier participatif d’auto-construction ou d’autoréhabilitation c’est : -Une mise en lien de compétences et d’acteurs d’un projet (habitant, passant, association…)
J. BELLER, architecte, la question de l’hébergement «Quel est / quels sont le(s) futur(s) de l’habitat pour les précaires du logement? Réflexions, tendances et perspectives» http://www.dailymotion.com/video/xo6v6b_hebergementjulien-beller-architecte_news
-Faire participer les habitants au processus de projet et au chantier « Le projet est un processus et non un produit, ce qui est important c’est la manière de le faire. » Equipe du projet de CRAterre
Processus de projet : le projet participatif À l’image de la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat, le processus de fabrication est mis en avant sous
photo : HANUL-avantEXPULSION-5juillet2010-web.jpg
55
56
-Développer l’auto-construction au sens de permettre aux usagers de construire eux-mêmes leurs projets (mobilier, structure…) -Pousser à la responsabilisation : « c’est un avantage qu’on peut retrouver dans la structure des squats comme étape de réinsertion sociale avec les notions de invisible/urbain, gratuité, faire soi-même, vivre ensemble. » Témoignage de Sarah, éducatrice spécialisée du Fournil -Favoriser l’autonomisation de par l’acquisition de savoir-faire, la satisfaction autonome des besoins, la construction d’un mode de vie adapté, l’appropriation de l’habitat ou du projet.
utilisé une méthode pour que les usagers du Fournil s’imprègnent et s’approprient cette cour. La première phase de concertation s’est faite sous forme d’entretiens pour demander aux gens de remplir un bon : “Dans la cour, j’aimerais…parce que…” Ensuite nous les avons consultés pour qu’ils décrivent sur une axonométrie représentant le fournil les points qui leur semblent positifs et les négatifs. Alimentée par une grande diversité de réponses, d’envies, et d’intentions pour le devenir de cette cour commune ouverte l’été, cette phase de concertation nous a amenées à formuler des idées de projet et de programmation pour l’aménagement architectural du lieu. La seconde phase s’est traduite par un atelier participatif de spatialisation des intentions programmatiques à l’aide de cartons, cordes et craies in situ. Outre la difficulté de faire participer les usagers du Fournil à cet atelier, nous avons pu concevoir des premières esquisses de projet.
-La “construction symbolique du Moi” par le fait de refaire son intérieur, réorganiser le rapport au temps (projet), aux choses (matériaux), au corps (geste). Notre projet est à la liaison entre l’accompagnement individuel et un support de projet collectif. La participation au chantier apporte du lien entre les gens, soit de la sociabilité pour la construction du lieu. Pendant la phase de chantier n’est-il pas primordial de donner la possibilité aux futurs usagers de ce morceau de ville de participer à son processus de fabrication ? L’auto-construction du lieu ne permet-elle pas de mieux s’approprier les espaces collectivement ? En effet pour se sentir « chez soi » n’a t-on pas besoin de meubler, décorer, installer son espace intérieur. Nos architectures ont un point commun : elles laissent une partie libre à l’appropriation dans les différents systèmes constructifs choisis.
Tester des méthodes de concertation et de co-construction : le Fournil Dans le cadre du diplôme, du partenariat avec la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat, et au nom de l’association Les 4 jeudis, nous avons testé une méthode de co-conception pour aménager la cour du Fournil. Actuellement, la cour du Fournil est une source de conflits entre les différents types d’usagers du lieu : entre les alcooliques et non alcooliques. Nous avons donc 57
Le locataire pourrait, par les travaux mobiliers qu’il réalise, personnaliser son logement mais surtout faire que ce logement, déjà conforme, soit rendu vivable par ses travaux mêmes. » P. Bouchain expérimente cette question à Beaumont, un petit village d’Ardèche où sont construits des logements sociaux. La conception des maisons exploite la distinction entre pérenne et éphémère, entre mobile et immobile. «Ce sont de grands toits, composés d’une charpente immobile couverte d’une bâche immobile (…) Les habitants, au gré de leurs besoins, pourront ensuite, accompagnés par la mairie et financés par des crédits d’insertion, réaliser euxmêmes des pièces supplémentaires sous les combles » « Dans le cas de logement social, le fait de permettre à une famille d’habiter un logement, de le modifier, de l’améliorer et d’offrir ainsi à cette famille une forme de réinsertion, d’accession à une propriété d’usage » P. BOUCHAIN «Jouir d’habiter : pour une propriété sociale du logement», revue CRITICAT, n° 4, sept 2009
La troisième phase de décision s’est déroulée au Fournil avec le personnel qui a choisi l’une des deux propositions. Le chantier est en route, le plus difficile étant de mobiliser les troupes pour qu’ils viennent jusqu’à à la Piscine, fabrique de solutions pour l’habitat à cause de la distance et des difficultés d’accessibilté entre les deux lieux. Favorisant le réemploi et la construction en bois, la suite du chantier aura lieu sur place, dans la cour du Fournil pour assembler les élèments qui auront été préfabriqués au préalable. Cette expérience nous permet de comprendre l’intérêt pour les concernés de la co-production et de la concertation, afin de tenter de donner la proposition la plus pertinente qu’il soit. Consulter les usagers de ce lieu d’accueil apporte de la richesse et de la vie au projet. Le processus de projet permet de donner à chacun sa place dans la construction de ce lieu que ces personnes fréquentent au quotidien.
L’architecte ne doit pas tout prévoir et laisser une place à l’aléatoire. Nos architectures composées d’éléments pérennes et éphémères, mobiles et immobiles, standardisés et appropriables, permettent de donner une réponse économique tout en facilitant la mise en œuvre des différents projets.
Jouir d’habiter Démarche de projet, P. Bouchain « Construire en habitant et créer le lieu de l’hospitalité » S’approprier un projet, un lieu, permet de donner l’opportunité aux gens de se rapprocher de l’architecture et de rapprocher l’architecture de ceux qui n’ont pas de toit. Comment impliquer les usagers de la ville, notamment les moins concertés dans le processus de sa fabrication? En tant qu’architectes, avec nos savoir-faire, comment exercer, comment se positionner dans le processus de fabrication d’un lieu tout en restant auteur d’un projet? Comment intégrer des gens à un chantier, à l’auto-construction? Ces questions posées ouvertement reviendront tout au long de la conception de nos projets. P. Bouchain, dans son texte Jouir d’habiter : pour une propriété sociale du logement, questionne la place et le rôle de l’habitant dans la conception-construction de logements sociaux. « Un architecte qui explorerait cette question pourrait livrer un logement non fini, non pas au sens où il serait « mal fini » mais plutôt « ouvert pour être terminé ». Ce « non fini » permettrait de faire entrer la vie dans le logement.
http://www.google.fr/imgres?q=projet+à+Beaumont+P.+BOUCHAIN
58
En tant qu’architectes , agir pour et avec les personnes précaires, c’est poser des questions et proposer un projet innovant pour intégrer les exclus dans la fabrication urbaine. Ainsi d’une lecture du sens de l’habiter et de la maison éclatée à celle de la pratique de cette maison éclatée dans la ville, il s’agit maintenant de se tourner vers la notion du droit à la ville contemporraine en pleine mutation.
Sources de la photographie page de droite http://www.cresson.archi.fr/PUBLI/ pubRAPPORTS/75PRECARITE.pdf
«La ville est une grande maison et la maison une petite ville» Leon Battista ALBERTI (1404-1472), théoricien de l’architecture De Re Aedificatoria, relecture de l’oeuvre de Vitruve architecte romain auteur des Dix Livres d’architecture au 1er siècle avant J-C. L’équation posée par Alberti entre la ville «très grande maison» et la maison «très petite ville» a pour conséquence immédiate que la maison et la ville, l’architecture et l’organisation de l’espace urbain ressortissent aux mêmes règles
«Concevoir la maison comme une mini-cité et la cité comme une maximaison» Aldo VAN EYCK (1918-1999), architecte et théoricien, même s’il a très peu écrit. Inspiré par les villages Dogon et les Pueblos, Aldo Van Eyck réactualise la devise d’Alberti en mettant en avant son parti pris de «concevoir la maison comme une mini-cité et la cité comme une maxi-maison». Il appliquera sa théorie sur l’architecture de l’orphelinat d’Amsterdam réalisé de 1955 à 1960.
« The Plan of a City is Like the Plan of a House »
Louis I. KAHN (1901-1974) En 1943, Kahn et Stonorov se concentrèrent sur des projets-dont certains très fantaisistesdestinés à façonner la construction d’aprèsguerre. Stonorov rédigea la plupart des textes de deux brochures que le cabinet réalisa pour la Revere Copper and Brass Compagny. Ils utilisèrent les environs de Philadelphie comme lieu expérimental pour montrer ce qu’il est possible de faire, la majeure partie de la conception revenant à Stonorov et les dessins illustrant les propositions à Kahn. La première brochure, Why City Planning is Your Responsability (pourquoi l’urbanisme est votre responsabilité), et la seconde s’intitule You and Your Neighborhood : A Primer for Neighborhood Planning (Vous et votre quartier : introduction à un urbanisme de quartier), comprend une illustration de Kahn « The Plan of a City is Like the Plan of a House » (le plan d’une ville est semblable à celui d’une maison) qui relie les différentes pièces d’une maison à des éléments urbains (séjour = salle de réunion, cabinet de travail = centre culturel, cuisine = industrie, gardemanger = magasins, chambres = zones résidentielles, couloirs = routes), ce qui reflète la conviction qu’entretiendra Kahn toute sa vie quant à la nature essentiellement identique de l’architecture et de l’urbanisme.
L. Kahn, sur ce dessin représente la ville mouvante. Il compare le fonctionnement de la maison à celui d’une ville en mouvement.
des chantiers grenoblois
“Le droit à la ville ne se réduit pas à un droit d’accès individuel aux ressources incarnées par la ville : c’est un droit à nous changer nous même en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à notre désir le plus cher. Mais c’est en outre un droit collectif plus qu’individuel, puisque, pour changer la ville, il faut nécessairement exercer un pouvoir collectif sur les processus d’urbanisation.” (David Harvey, Le capitalisme contre le droit à la ville)
Second Chapitre:
PENSER LE
DROIT À LA
VILLE 75
Introduction
A
u fil des rencontres que nous avons faites cette année, la question de la place des plus précaires et des phénomènes qui engendrent la précarité nous sont apparus être le reflet des difficultés politiques et sociétales contemporaines. Les associations militant pour l’insertion des plus précaires que nous avons rencontrées à la Fabrique de solutions pour l’habitat se confrontent à des difficultés qui sont intimement liées aux dynamiques qui fabriquent la ville. Roms chassés de terrains occupés, anciens SDF confrontés à leur impossibilité à habiter dans un logement classique : nous avons ainsi observé et pris conscience du lien qui existe entre production de la ville et exclusion des populations les plus marginalisées. Ainsi, J.Donzelot parle d’une ville qui “ne fait plus société”. Les inégalités sociales se spatialisent en inégalités urbaines. Les centres se vident de leurs populations les plus pauvres qui partent vers les périphéries toujours plus éloignées. Au titre de futures architectes, nous nous sommes intéressées à ces questions. La ville est le reflet de sa société mais elle est également le lieu de sa création. Les modifications urbaines influent nos modes de vie. Il était donc important de connaître les acteurs qui possèdent le pouvoir de fabrication de celle-ci et comprendre comment ils l’utilisent. Un terme rencontré au cours de nos lectures nous a particulièrement marquées; Henri Lefebvre a écrit un ouvrage en 1968 s’intitulant “Le droit à la ville”. Il décrit un droit fondamental qui serait pour les populations celui de diriger le processus urbain. Sous-jacente à cette vision, Henri Lefebvre porte l’idée d’une société comme corps politique collectif (entendu ici comme gestion de la ville), d’un sentiment d’ appartenance et d’ hospitalité urbaine. C’est donc en s’appuyant sur ces valeurs que nous avons souhaité développer notre projet de fin d’étude. 76
Fabrication de la ville entre Ascendant et Descendant
T
out au long de nos recherches, nous avons à maintes reprises constaté un fossé entre deux mondes que nous avons tantôt qualifiés d’ “institutionnel versus alternatif ” , tantôt de “formel versus informel” , “conforme versus nonconforme” ou encore “hyper normé versus non-normé”. Les mots ascendant / “Toute tentative de mêler le jeu politique à la descendant ont fini par nous paraître les lecture du projet urbain est risquée. Plus que plus pertinents pour parler de pouvoir, le la nature formelle du pouvoir et l’origine d’une premier mot désignant tout projet ou action décision, c’est sa convergence avec les attentes et venant “du bas” (le peuple, l’association, intérêts d’un corps social qu’il est important de le collectif d’habitant, le groupement mesurer.” informel), le second mot désignant toutes (Pierre Belli-Riz, La fabrication des villes, 1995) les décisions prises par le pouvoir public, sans concertation avec les populations concernées. Ces deux antonymes, appliqués à la fabrication de la ville, la construisent et l’envisagent de façon différente. Dans le contexte démocratique français, le peuple est souverain. Mais notre démocratie est représentative: l’élu représente le peuple. Lorsqu’il s’agit de dessiner la ville, donc le cadre de vie des habitants, qui doit avoir le dernier mot? Le représentant, ou l’habitant? Et l’architecte, comment se positionne-t-il dans ces jeux de décisions?
77
témoigne donc d’un très fort interventionnisme de la mairie dans la construction de la ville. La politique urbaine de Grenoble vise à “promouvoir un habitat durable, renforcer la mixité sociale, créer du lien entre les quartiers, préserver l’environnement.” (site de la mairie, rubrique urbanisme), et le Plan Local d’Urbanisme,rédigé en 2005, préconise une densification des constructions futures.
Le CONTEXTE Grenoblois
Trois types d’opérations urbaines y sont représentés : -Des projets ANRU: Agence Nationale de Rénovation Urbaine, qui concernent des quartiers qualifiés de Zones Urbaines Sensibles. -Des projets ZAC: Zones d’Aménagement Concerté, qui concernent des quartiers à la périphérie de la ville intramuros, quartiers marqués par un tissus urbain fragmenté, un passé industriel, une faible densité. -Des projets de restructuration des voiries et des transports, concernant notamment l’installation du tram E sur le cours Jean Jaurès et la requalification des berges de l’Isère.
Grenoble aujourd’hui: zones en chantier
I
l existe deux types d’acteurs de production de la ville: l’action publique, et l’action privée. Nous nous intéresserons ici principalement aux projets publics, conscientes que cette détermination est un peu floue étant donné le montage financier “d’économie mixte” qui les caractérisent presque tous aujourd’hui. Afin de répondre à notre interrogation sur le droit à la ville, nous avons recentré nos recherches sur: -L’emprise des opérations urbaines, dans le temps et dans l’espace grenoblois, -Le type d’opérations mises en place par les pouvoirs publics, -Les modalités de prise de décisions, -L’équilibre du rôle des acteurs principaux : élus, architectes, urbanistes, habitants.
Quels outils d’urbanisme pour quels changements? Nous nous intéresserons ici à la définition des outils ANRU et ZAC, pour essayer de lire vers quelles modifications de la ville ils tendent, et comprendre leurs intérêts et leurs limites.
Nous essayerons dans cette première partie de dresser un portrait général de l’état actuel des chantiers grenoblois.
ZAC: “Une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) est une procédure d’aménagement du droit français de l’urbanisme instituée par la loi d’orientation foncière n° 67-1253 du 30 décembre 1967 pour se substituer aux zone à urbaniser en priorité (ZUP). Elle avait pour principal objet de faciliter la concertation entre les collectivités publiques et les promoteurs privés qui faisaient preuve de beaucoup de réticence à l’égard des ZUP ; accessoirement, il s’agissait aussi de procéder à une déconcentration des contrôles étatiques sur les opérations d’aménagement urbain et à une uniformisation de ceuxci. Comme les ZUP, les premières ZAC ont été conçues
Le temps des “grands projets”
La carte ci-contre souligne la surface de la ville qui est actuellement soumise à une opération d’aménagement public. Une bonne moitié de la ville se trouve dans le périmètre d’un projet, et si l’on regarde avec un peu de recul cette carte, on peut considérer qu’en réalité la ville entière est en mutation. Si la ville est toujours “en chantier”, il semble qu’aujourd’hui à Grenoble les choses se soient nettement accélérées. Cette cartographie 78
comme des procédures d’aménagement dérogatoires, qui n’avaient pas l’obligation de respecter les documents de planification de l’urbanisme. Ce n’est que la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme qui a imposé aux ZAC d’être compatibles avec les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme.” Cela permet de limiter l’effet de construction d’une “ville dans la ville” et d’ancrer les opérations dans une continuité urbaine.
août 2003 pour la ville et la rénovation urbaine prévoit un effort national sans précédent de transformation des quartiers les plus fragiles classés en Zones Urbaines Sensibles (ZUS), effort qui porte sur les logements, équipements publics et aménagements urbains. Sa mise en œuvre a été confiée à l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). L’ANRU approuve des projets globaux qu’elle finance sur des fonds publics et privés. L’Agence apporte son soutien financier aux collectivités locales, aux établissements publics et aux organismes privés ou publics qui conduisent des opérations de rénovation urbaine dans les ZUS et dans les quartiers présentant les mêmes difficultés socio-économiques (article 6 de la loi du 1er août 2003). A l’horizon 2013, 490 quartiers répartis dans la France entière seront rénovés, améliorant le cadre de vie de près de 4 millions d’habitants.”
ANRU: L’outil ANRU a été mis en place à l’échelle nationale pour répondre à la crise des banlieues. “Le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) institué par la loi du 1er
Presqu’île
Blanche Monier
Esplanade
Pôle Gare
Bouchayer Vialet
Coeur de Ville
Caserne de Bonne Chatelet
Teissere
Flaubert Mistral - Eaux Claires
Viny Musset
ZAC Réalisé ANRU En cours de travaux
Villeneuve
Village Olympique
Autre En concertation Voiries Projeté Tramway
Cours d’Europe
1 km
Grenoble, carte des projets en cours: 79
NOM DU PROJET
Bouchayer Viallet Défrichons l’avenir ZAC Ecoquartier Flaubert L’esplanade Entrée de ville
1
9
2
4
0
9
1
H
H
H
H
A
A
A
3 , 8 H A
2
2 5 0 H A 5 , 8 H A
COUT
75M€
7.5 M€
1 800 000 €
120M €
?????
1,2 Md €
30% ANRU 38%bailleurs sociaux
-9 400 000 € +7 600 000 €
(dont 400 k€ pour l’éclairage public)
25% Grenoble 25% B.Sociaux 24% ANRU
financeurs: UE(PIC URBAN) Métro A Région R-A
D A T E SURFACE 2002
2005 2013
2009 2025
2010 2015
2006 2014
Villeneuve ANRU
Quai de l’Isère
2010 2015
2008 2013
2010 2015
Beauvert
ANRU Teisser
Presqu’île
Blanche Monier
INTENSIONS
ACTEURS
GABARIT DES BATIMENTS OU ESPACES PUBLICS
Bureaux / Logements / Commerces / Pôle culturel
PROGRAMME
Démolitions partielles.
Ville de Grenoble: G.Fioraso Aménagement: INNOVA Archi en chef: Cabinet Felix Faure/Macarg/Page Paysage: Insitu idem Viny musset/caFinancement:Ville de Greserne de bonne noble Urba en chef: Atelier Lion
DEMOLITION E X I S T A N T ?
Démolitions partielles. Parc Flaubert (sport-natureloisir) / 2000 logements / Dechetterie / Ressourcerie
Tours (revues à la baisse Financement:Ville de Green terme d’étages) noble Archi en chef: Portzamparc
Larges voies. Sol beige.
idem viny musset caserne de bonne R+6 R+7 avec boite sur le dessus...
R+4 R+5 VM
Pilotage du projet : ZAC en R+3 R+4 R+5 R+6 VM régie directe par la Ville de Grenoble - service Prospective Urbaine Architecte en chef : Tekhnê architectes
Pilotage du projet : Direction des projets urbains, Ville de Grenoble Architecte : Ateliers des paysages / A. Marguerit Pilotage du projet : SAGES Architecte : Ateliers Lion Financeurs : Ville de Grenoble
Pilotage du projet: Direction idem avec section du serpent au niveau du des projets urbains numéro 50. Bailleurs: Actis-SDH Archi en chef: Atlier Lion
2100 logements / équipements / commerces / stationnement
Promouvoir des constructions économes en énergies (label BBC) à coûts maîtrisés // Offrir une alternative à la voiture individuelle // Tester différentes sources de production énergétique
Faire de la presqu’île un quartier ouvert et intégré au reste de la ville accueillant l’un des plus vastes campus d’innovation au monde
Réhabilitation des espaces Redonner place au pietons publics/ Requalification des et cycles voiries/ Eclairage Mettre en valeur le patrimoine naturel et architectural Offre de logements diver300 logements dont 30 sifiée en accession sociale / residence sociale Adoma / L’opération envisagée école / promenade pietone / permettra la réalisation d’environ 300 logements jardins partagés.
Démolitions partielles. le 50 Réhabilitation / Equipement sportif / espace publique / stationnements
Circulation voiture - Brocante - Friche en bord d’eau
Démolitions partielles pour reconstruction du même programme...
petits hangars / maisons individuelles / terrain vague / immeuble r+6 250 logements, dont 50% social /salle de quartier / centre de loisirs Petite-Enfance/ 3 000 m² de locaux d’activités /espaces publics/ Aire d’accueil des gens du voyage (trois emplacements pour sédentaires).
Comment évaluer ces projets ?
nous avons observé que les parcelles achetées pour la réalisation de l’opération sont sujettes à une forme de remembrement, rasées puis assemblées, pour pouvoir accueillir de grosses opérations de logement. Nous nous interrogeons sur la nécessité de ces destructions, sacrifice au nom de la densification. Est-il écologique de démolir pour reconstruire? N’est-ce pas une part de patrimoine qui s’envole en poussière? Le but est-il de tout renouveler d’un coup? Le cadastre, squelette du territoire, n’est-il pas anéanti par ces remembrements? La rénovation ne pourrait-elle pas se faire plus en douceur?
ZAC et ANRU sont des outils d’aménagement et de renouvellement urbains intéressants car ils proposent des échelles de projets souvent pertinentes, et tentent de créer un cadre adapté aux réalités sociales et urbaines des quartiers concernés. Pour évaluer ces projets, nous avons dans un premier temps effectué un tableau de comparaison, avec des critères choisis de façon plutôt instinctive. Cela nous a permis d’avoir une première vision globale des projets en cours (surface, programme, orientations).
Après ces premières réflexions, nous avons mis de côté ce tableau, qui, s’il cherchait à être objectif n’a fait que donner raison à nos préjugés. La réussite d’un projet urbain est difficile à évaluer, encore plus dans le cadre de projets en cours. Quelques lectures nous ont aiguillées vers le choix d’un seul critère d’évaluation: celui de la qualité de la concertation mise en œuvre. En effet, ZAC comme ANRU ont en commun de rendre obligatoire la concertation depuis la mise en place de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain, 2000). La justesse d’un projet réside beaucoup dans sa capacité à être approprié, et, à plus long terme, à réussir à muter pour répondre à d’autres fonctions si les aléas de l’histoire le nécessitait. Etant donné notre sujet d’étude, nous nous sommes par la suite concentrées sur l’étude de l’aspect appropriable du projet - dans le temps de concertation et dans l’espace de la zone planifiée- partant du postulat qu’il s’agissait bien là d’une condition sine qua non pour réaffirmer le droit à la ville pour tous.
Nous avons fait ensuite d’autres constats : par exemple, les architectes Yves Lion et Christian de Portzamparc sont en charge de la majorité des projets, toute échelle confondue. Cela conforte notre sentiment de banalisation des constructions sur Grenoble que nous avions déjà en réalisant la carte postale fictive présentée ci-dessous. Les images de synthèse qui la composent véhiculent une vision de la ville froide, aseptisée, figée, et nous évoquent la Ville Générique telle que décrite par Rem Koohlaas. Les temporalités des projets urbains sont courtes, et correspondent plus à la temporalité du pouvoir qu’à celle de la ville. “Par l’intervention, une idéologie spatiale est projetée sur l’espace pour le produire et l’ordonner. L’espace est donc bien plus qu’un simple support: il est investi de valeurs, de significations et parce qu’il reste suffisamment malléable, l’espace permet aussi de rendre visible l’action entreprise. Il est un instrument de la praxis et assure le « régime de visibilité » d’une action politique, régime de visibilité essentiel à la construction de la légitimité” (Matthieu GIROUD, Résister en habitant ? Renouvellement urbain et continuités populaires en centre ancien. 2007) Y-a-t-il vraiment une continuité urbaine dans les projets en cours? Tous les projets ANRU comprennent une part de démolition. A Mistral, par exemple, 500 logements ont été détruits et 500 logements reconstruits, évoquant la “tabula rasa” des années 60-70, que tant de professionnels ont décrié par la suite. À la Villeneuve, les habitants font tourner une pétition pour “sauver” la barre du 50, dont la démolition a été prévue par les équipes d’Yves Lion. De même pour les projets de ZAC,
Grenoble 2025... Grenoble 2025, carte postale fictive 81
Qui décide la ville? Une histoire de démocratie(s)
Pouvoir en place et démocratie participative A Grenoble, le contexte électoral est particulier: Michel Destot, élu maire depuis 1995, s’inscrit dans une tradition socialiste de la ville de Grenoble. Cependant les dernières élections municipales ont été marquées par un taux d’abstention très haut. Ce faible résultat peut s’expliquer en partie par l’impopularité de deux grands projets lancés lors de son deuxième mandat: le premier fut le projet du Stade des Alpes, rendu publique en 2003, qui induisait l’abattage d’arbres centenaires et a poussé des dizaines de militants à vivre dans ces arbres pendant plusieurs mois. Ces même militants ont fini par être évacués de force, et le stade a fini par sortir de terre. Le second projet est celui de la Rocade Nord, relancé en 2007, et qui lui n’a pas abouti, l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique s’étant conclue par un avis défavorable. Ces deux projets, très mal reçus par les écologistes, ont ternis l’image de M. Destot, notamment en matière d’aménagement et de démocratie locale.
Cet abstentionnisme relève également d’une crise de la démocratie représentative qui s’observe à l’échelle nationale: cela s’explique d’une part par un manque d’intérêt pour la sphère publique en des temps d’individualisme croissant, d’autre part par un manque de confiance et de reconnaissance de la légitimité de nos représentants. A l'échelle nationale, la plus criante démonstration de cette crise fut l’abstentionnisme record aux élections présidentielles de 2002 qui conduisit le Front National au deuxième tour des scrutins. En 2008, un des cheval de bataille de la campagne municipale de M. Destot fut de proposer une charte de démocratie locale. Ce geste politique fort lui permettant à la fois d’essuyer l’encre versée à l’heure du stade des Alpes et de se replacer dans la tradition d’Hubert Dubedout, ancien maire de Grenoble connu pour avoir été le précurseur de la participation habitante et porteur de modernité en matière d’urbanisme. “La Charte de la démocratie locale affirme que chacun, sur la base d’une information régulière et de qualité, peut contribuer à améliorer la vie locale en participant à la conception des politiques publiques municipales.” (site internet de la mairie de Grenoble) Il semble donc que la politique de M. Destot aille plutôt dans le sens d’une rencontre entre le pouvoir descendant et le pouvoir ascendant. Un second texte nous permet de mieux comprendre comment est envisagée la 82
démocratie participative: “Une recherche de compromis s’impose donc, entre des modes de décision unilatéraux et sans appel, et des processus intégralement participatifs qui risquent de mener à la paralysie faute de volonté commune”. (réponse de M. Destot à une lettre du CCS4 concernant la démocratie participative) Autre citation de M. Destot: « Pour Hubert Dubedout, la noblesse de la politique résidait dans la capacité à prendre des décisions au nom de l’intérêt général – qui n’est pas forcément celui du moment – et non à déresponsabiliser les élus en invoquant le principe participatif. ». (http://micheldestot.blogs.com) La volonté commune, ou l’intérêt général, est bien à la source de notre problématique: comment faire la ville pour tous, quand chacun est différent? Les deux citations précédentes nous montrent bien que l’idée de démocratie participative dans l’esprit de M. Destot pose les limites de l’implication habitante bien loin d’un modèle autogestionnaire. On parle de démocratie participative, et pourtant cette charte a très peu de valeur: ses textes sont flous, ne promettent rien. “Cette charte redéfinit simplement les règles du jeu de la démocratie représentative, et vise a renforcer la légitimité du pouvoir des élus.” (Interview d’une étudiante en science politique, publiée sur le site des renseignements Généreux)
CONSTITUTION
FRANCAISE DE 1958
CODE DE LʼURBANISME Schéma Directeur dʼAménagement et de gestion des Eaux Charte de Parc Naturel Régional
Schéma dʼAménagement et de Gestion des Eaux
Schéma de Cohérence Territoriale
Plan Local de lʼHabitat
Plan de Déplacements Urbains
Schéma de Développement Commercial
Plan Local dʼUrbanisme Carte Communale
Hierarchie des normes entrant en vigueur dans le code de l’urbanisme français.
Chaque “case” représente un document concernant une échelle du territoire, cette hierarchie est DESCENDANTE. Le Schéma Directeur de cohérence territoriale, par exemple, défini le cadre des Plans de l’habitat, de déplacement urbain, etc. Dans quelle mesure serait-il possible, au sein de ce système décisionnel, de faire en sorte que le pouvoir ascendant rentre aussi en jeu?
83
Quelle forme de démocratie pour la gestion de la cité?
d’Action Municipale (GAM) de France voit le jour en 1963, regroupant nombre de personnes “qui partagent un constat de l’inadéquation des réponses des partis politiques de tout bord aux questions d’urbanisme, de politique culturelle et de participation citoyenne à la démocratie”. (Wikipédia, article sur les GAM). Dans le même élan, les sciences humaines et sociales apparaissent dans la formation des architectes et des urbanistes, venant bousculer l’héritage moderne, laissant place à une période d’expérimentations urbaines, dont la Villeneuve fut un des fruits. Autour de 68, on se rend compte que, dans tout domaine, les “sciences molles” peuvent bousculer les “sciences dures”, et que les mouvements ascendants peuvent bousculer positivement l’ordre établi. Les décennies suivantes, la démocratie participative continue lentement son avancée. En 1982, les maires commencent à avoir des responsabilités plus importantes, notamment en matière d’aménagement. Ce n’est donc que récemment que les élus locaux ont un réel pouvoir d’action. Dans les années 90, la décentralisation des pouvoirs s’accompagne d’une relance des comités de quartiers, qui sont rendus obligatoires depuis 2002 à partir d’un certain nombre d’habitants. Pour la première fois, le pouvoir descendant rend obligatoire la mise en place d’un groupe représentant le pouvoir ascendant!
Revenons rapidement sur l’histoire de la démocratie en France, pour déchiffrer ce que signifie vraiment la “démocratie participative” lors de son apparition dans la bouche des militants. A l’heure de la Révolution française, et des balbutiements de la démocratie en France, deux pensées de la forme du pouvoir s’affrontent: celle de Montesquieu et celle de Rousseau. Jean-Jacques Rousseau, dans Du contrat social (1762), affirme que la souveraineté ne peut se partager puisque la volonté ne peut pas se déléguer. Il plaide ainsi en faveur d’une démocratie directe, non représentative. Montesquieu pense quant à lui que dans les États de grande taille, il est possible de prévoir un système dans lequel le pouvoir n’est pas exercé directement par le peuple. Cela n’exclut pas que le peuple soit la source et le but du pouvoir. Le pouvoir est alors exercé en son nom: c’est la démocratie représentative. La France, empruntant des idées aux deux philosophies, est décrite comme étant une démocratie “semidirecte”: le peuple élit ses représentants, mais il peut aussi être appelé à donner son avis par le référendum. On note cependant que le référendum est utilisé très exceptionnellement en France à comparaison de certains de nos voisins européens.
Aujourd’hui, dans un contexte de crise environnementale et financière, on assiste à deux phénomènes paradoxaux:
Au fil de ces dernières décennies, on a vu le pouvoir se décentraliser, surtout pour les questions d’aménagement et d’urbanisme. La deuxième moitié du 20e siècle a été fortement marquée par une politique planificatrice, centralisée, volontariste de l’Etat. Devant la nécessité de reloger la France à l’après-guerre, une campagne de reconstruction est lancée. Ce besoin urgent entraîne une notion de rentabilité, de production de masse, de rationalisme prépondérant dans l’architecture. Les constructions de l'époque, standardisées et construites sur des modèles, témoignent d’un certain oubli de l’homme dans son individualité. En réaction, les luttes urbaines se multiplient à partir des années 60-70, et la question de la démocratie participative émerge en France. Dans ces années-là, elle était associée à une critique forte de la démocratie de délégation et à des revendications autogestionnaires dans différents quartiers. À Grenoble, le premier Groupe
-L’Etat légifère sur la participation-concertation pour la rendre obligatoire notamment dans le cadre de projets de renouvellement urbain (loi SRU). -Par ailleurs, comme nous l’avons vu à Grenoble, les pouvoirs publics locaux reprennent peu à peu les termes de « démocratie participative », empruntés au champs lexical militant, pour les injecter dans le système actuel représentatif. Autrement dit le pouvoir descendant s’empare d’une revendication populaire et en contrôle désormais les règles.
84
le E art h sat teli te, Go og Vu e an oRo m For o
"Une société démocratique qui s’est bâtie à travers la rencontre de gens dans des lieux (l’agora, le forum) et sur une forme de démocratie directe, qui accepte de devenir une démocratie virtuelle - c’est à dire de s’éloigner des autres processus d’une réflexion partagée - est une société qui se dirige vers le fascisme. " (extrait de Il tempo mondiale, Paul Virilio, Domus n° 800, janvier 1999)
L
e domaine de la rénovation sociale et urbaine est un terrain privilégié pour l’utilisation du vocabulaire de la participation. Parce que ce champ lexical est souvent mal utilisé, il peut parfois paraître galvaudé, laisser place à des abus de langage. L’ensemble du corpus de lois traitant sur le sujet ne définit pas ses termes. Ainsi, un panneau d’information peut suffire à justifier qu’il y a eu participation. Commençons donc par définir ce qu’est la participation avec précision.
L’enseignement d’Arnstein: une
échelle pour définir la participation.
Comment fonctionne l’échelle d’Arnstein? La consultante américaine Sherry R. Arnstein établit en 1969 huit niveaux d’implication des citoyens aux projets les concernant. Cette « échelle de la participation » est toujours utilisée par des sociologues pour analyser la manière dont les pouvoirs publics informent, voire font participer les citoyens aux prises de décision. Jacques Donzelot et Renaud Epstein ont utilisé l’échelle d’Arnstein comme instrument de mesure pour évaluer 4 projets considérés par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) comme les plus exemplaires en terme de participation citoyenne (Démocratie et participation : l’exemple de la rénovation urbaine). L’enquête des deux sociologues a démontré que dans le meilleur des cas, la participation atteignait le deuxième échelon, celui de la « participation symbolique ».
86
Partenariat
Réassurance
Consultation
Information
Thérapie
Manipulation
POUVOR EFFECTIF DES CITOYENS
“Participation: en sciences politiques, la participation est un terme plus général qui recouvre les différents moyens selon lesquels les citoyens peuvent contribuer aux décisions politiques.” Wikipédia
Délégation de pouvoir
COOPERATION SYMBOLIQUE
pour reconquérir le droit à la ville
Contrôle citoyen
NON-PARTICIPATION
La PARTICIPATION habitante
Synthèse des avantages et inconvénients de la participation: Lors d'une formation sur les dispositifs de la concertation organisée par Robins des Villes en mars 2012, Jodelle Zetlaoui Léger nous a présenté les arguments les plus couramment utilisés par les élus ou les habitants en faveur ou en défaveur de la participation. Ils permettent de mieux comprendre les enjeux de légitimité et d’impartialité que pose la participation. Ils reflètent selon nous l’intérêt pour une mairie de faire appel à un tiers pour organiser et animer la concertation.
LES POUR:
LES CONTRE:
-Mieux répondre à des objectifs, à une demande, aux problèmes posés -Bénéficier de l’apport des habitants comme “experts” des pratiques des espaces qu’ils fréquentent au quotidien -Rendre plus légitimes les actions, les solutions qui sont davantage partagées -Se prémunir, anticiper des recours contentieux -Processus de responsabilité et d’engagements réciproques entre acteurs -Transparence dans les modes de prise de décisions -Appropriation collective du projet, moins de dégradations -Usages et gestion futurs de l’équipement mieux anticipés: coûts de fonctionnement réduits
-Délais d’étude plus importants avant que le projet ne se concrétise -Crainte d’une remise en question de l’économie du projet (inflation de demande difficile à gérer) -‘’Incompétence” des habitants sur les aspects techniques et économiques -Peur d’une complexification du processus -Peur d’être lié à des engagements vis-à-vis de la population -Défense d’une approche seulement représentative de la démocratie -Problème de légitimité, représentativité de ceux qui participent -Risque d’un projet peu ambitieux (nimby, conservatisme)
Il est notable que parmi ces arguments n’apparaît aucun argument à l’échelle urbaine. C’est pourtant une question que nous posons : la ville ne seraitelle pas plus agréable si elle était fabriquée par ses habitants? 87
Les animateurs de la participation:
L’animation de la participation est un métier mal connu et dont les acteurs sont encore rares. Parmi ceux qui commencent à faire parler d’eux en France, on note les bordelais du Bruit du Frigo, les lyonnais de Robins des Villes, les marseillais d’Arènes. Nous avons pour notre part eu l'occasion de partager beaucoup de moments avec l'association Arpenteurs depuis janvier 2012. Leur rencontre nous a propulsées dans le projet de la Piscine, Fabrique de Solutions pour l'Habitat, mais nous a aussi permis de découvrir un métier, dont nous allons tenter de définir les objectifs en quelques points.
définition de leur rôle et de leurs outils
« L’organisation et l’animation d’espaces publics de rencontre et de débat entre les différents acteurs, sont un enjeu fondamental du projet de territoire à toutes ses échelles. » “Cette revalorisation de la mise en débat et de l’intelligence collective ne peut se faire entre soi et passe notamment par la prise en compte des plus éloignés de toute parole publique. »
FACILITER le dialogue entre les trois grands acteurs
du projets urbain: la maîtrise d’ouvrage (les décideurs), la maîtrise d’œuvre (les professionnels) et la maîtrise d’usage (les habitants). Cela sous-entend que c’est bien un problème de communication qui rend difficile la négociation entre plusieurs groupes sociaux aux attentes différentes mais pas absolument incompatibles.
« La participation des habitants ne se décrète pas, elle nécessite du temps, une attention permanente. »
ORGANISER la concertation: mise en place d’un calendrier avec les différentes étapes, allant de l’étude de terrain à l’organisation d’un temps fort festif. Ponctuer cette concertation par des bilans réguliers. C’est une chose essentielle, il s’agit de définir solidement le sujet et le temps de la négociation, et de la rythmer avec des ateliers divers, visant à toucher la plus large population possible, à aborder différents sujets en allant le plus loin possible dans la construction d’un projet commun.
«Arpenteurs» se positionne comme animateur de la participation avec pour objectifs d’améliorer l’égalité sociale, politique et écologique. La ville avec son espace public est notre territoire de projet. Notre ambition est de permettre à chacun d’y tenir son rôle, de pouvoir agir sur son devenir, d’être acteur de son évolution. Dans une société où l’entre soi et les logiques économiques sont dominants, nous avons la conviction que la rencontre de l’autre, le débat public, la délibération collective sont capables de créer la cohésion sociale, de “faire société”.
METTRE EN RESEAU
en faisant jouer l’intelligence collective, interpeller des acteurs locaux déjà actifs sur un lieu, faire se rencontrer des acteurs différents qui travaillent sur un même sujet ou dans un même lieu, afin de favoriser les rencontres et de permettre une émulsion créative collective.
Extrait du texte de présentation de l’association grenobloise Arpenteurs. http://www.arpenteurs.fr/
ANIMER DES DEBATS
en utilisant des supports de débat adaptés, en mettant en scène ce débat par différents moyens (émission de télé, théâtre actif, brainstorming, ...). Les temps de débats sont essentiels, mais peuvent tourner au drame diplomatique s’ils ne sont pas encadrés correctement. A l’inverse, un débat justement mené permet à tous de s’exprimer et d’être entendus. Les Arpenteurs sont ainsi devenus les porteparole des gens dans la précarité sur Grenoble, en mettant en place les réunions du “Parlons-en”.
88
Accéder au droit à la ville, c’est participer à sa fabrication. Le choix des objets mis en débat doit porter sur des lieux à enjeux, les thématiques abordées choisies avec les habitants. En d’autres termes, plus la concertation se fait en amont des décisions, plus le pouvoir ascendant a les choses en main et prend possession du projet. Cela ne signifie pas que les élus n’ont plus leur mot à dire. Être animateur de la concertation est un métier riche, nous l’avons mesuré en testant nous-mêmes certaines méthodes de concertation au Fournil (voir partie I, 2- paragraphe sur l'auto-construction). C’est également un métier indispensable pour le bon déroulement de la concertation: l’animateur se place comme un tiers neutre, jouant le rôle de tampon entre les acteurs de la concertation. Pour que cela soit possible, il faut se doter d’expérience et d’outils fiables. Le tableau ci-joint est un répertoire nonexhaustif des outils de la participation adaptés à différentes étapes d’un projet que nous avons glanés au cours de ces derniers mois.
Les membres de Stalker, laboratoire d’art urbain romain, sont les initiateur de la ballade urbaine.
http://digilander.libero.it/stalkerlab/tarkowsky/tarko.html 89
Cas d’étude : la ZAC Flaubert
La concertation sur la ZAC Flaubert a été entamée en 2007, avec une première réunion publique. Après 4 ans de silence, un camp de roms s’installe en 2011, sur ce qui va devenir le Parc Flaubert. Geste fort entre tous, la mairie expulse les habitants non désirés et plante à leur place une exposition sur le projet Eco-quartier Flaubert: la concertation redémarre en fanfare, et parviennent à nos oreilles des sons de cloches peu favorables quant à la manière dont les évènements se déroulent... Etude de cas.
Avis des habitants :
Certains habitants de la ZAC Flaubert, comme cela a été le cas dans tous les quartiers en chantier, se sont constitués en collectif pour représenter une force d’opposition au projet de la ZAC. Le Collectif Vivre à Flaubert donne son avis sur la manière dont est faite la concertation, voici quelques extraits du site internet:
“La “ZAC FLAUBERT” telle que la mairie le propose est un projet immobilier favorisant les promoteurs et la spéculation foncière et ne répondant pas aux attentes des habitants.”
“La proposition actuelle de la mairie est inacceptable pour de nombreuses raisons : Une seule étude a été faite, donc pas de choix, pas d’autres alternatives et surtout pas de discussion possible sur les décisions prises par nos élus. Pour l’instant nous subissons des concertations « bidons » tenant plus de l’information que de la construction collective d’un avenir acceptable pour notre quartier.” “Nous proposons que la mairie examine et étudie divers scénarios d’évolution de notre quartier et pas un seul, en impliquant réellement les habitants. Il faut prendre le temps pour permettre une construction de l’avenir de notre quartier et de notre ville. Le collectif « Vivre à Flaubert » appelle les habitants qui refusent les décisions de la mairie à le rejoindre ou à le soutenir afin d’imposer un dialogue qui n’existe pas actuellement.” 90
Avis de l’architecte : inconnu
à ce jour, peu de transparence sur le projet lors de notre requête auprès de l'agence.
Avis de Nicolas, président de l’association la Bifurk: Lors d’une discussion informelle avec ce membre actif de l’association d’association qu’est la Bifurk, je m’enquiers de son avis sur la future ZAC Flaubert, notamment sur le parc qui longera bientôt la Bifurk et la suppression prévue du terrain de Beachvolley. Il me répond qu’il est inquiet, notamment parce qu’il n’a pas eu toutes les informations. Des rumeurs disent qu’un skate park sera installé dans le parc, qui pourrait faire concurrence à celui de la Bifurk (un des plus grand skate park couvert de France, mais dont l’accès est payant!). Par ailleurs les adhérents de la Bifurk comptent “s’organiser” pour pouvoir s’adapter au changement de leur environnement, et envisagent une réorganisation des locaux.
Avis des gens rencontrés au Fournil :
Tout le monde sait que le Fournil va de nouveau être déplacé (il a déjà dû déménager de de la ZAC Viny Musset). Par manque d’information, il n’y a pas de réel avis sur la question. Les travailleurs du Fournil semblent résignés à déménager, mais s’interrogent sur les futurs locaux: seront-ils en meilleur état ? Plus petits, plus grands ? Et où ? Bref ils se demandent quelle place leur réserve la mairie cette fois-ci.
Avis des professionnels de la concertation : Lors de la formation Robin des Villes, une journée a été consacrée à une étude de cas, ayant pour sujet la concertation pour le Parc de la ZAC Flaubert. C’est un des facteurs qui a déclenché notre intérêt pour cette ZAC et nous l’a fait choisir comme site expérimental pour notre projet par la suite. Voici le bilan des difficultés rencontrées lors de la concertation, qui illustrent assez bien le comportement contradictoire de la mairie: Difficultés de communication Robins / Ville -Peu d’accès aux documents de la Ville -Pas de place dans le processus mis en place par la Ville : cantonnés à la mobilisation sur l’espace public Difficultés de communication Ville / habitants et Conseil Consultatif du Secteur 4 (CCS4) -Manque de pédagogie de la Ville et de l’architecte (vocabulaire, ton, …) -Aucune valorisation sur les points sur lesquels le projet a évolué suite à la concertation -De longues réunions pour arriver peu loin du point de départ -Absence de réponses claires sur les motivations de la Ville dans le projet (« pourquoi »)
Article de journal publié dans le Dauphiné Libéré.
Autres: -Opposition de certains habitants au principe même du projet. Absence d’information durant 4 ans, entre la concertation de 2007 et la reprise de 2011 -Un projet différent de ce qui était ressorti de la première concertation, sans explication convaincante selon les habitants -Certains habitants intéressés mais peu audibles. Pas d’acceptation des « règles du jeu » de la Ville par certains habitants, notamment autour de la déchèterie -Cristallisation des discussions à chaque atelier autour d’un nombre restreint de participants et de sujets
Lors d’une discussion avec Pierre Mahey (urbaniste architecte travaillant à Arpenteurs), celui-ci nous a dit quelque chose de très intéressant à propos de Grenoble. « Cette ville s’est faite une réputation d’expert de la concertation, et cette réputation est fondée sur l’héritage des années Dubedout. Cependant, cette réputation a été coulée dans le fer, et elle s’est aujourd’hui oxydée ». On assiste selon lui à Grenoble à une “technocratisation” des réunions publiques et de la concertation en générale, qui les rendent trop rigides et officielles pour laisser place à la parole habitante. 91
Penser l’architecture participative
“L’architecture se distingue de la simple construction par la volonté de dépasser les seuls objectifs fonctionnels pour “faire oeuvre”, c’est à dire proposer un objet digne d’appréciation esthétique.” (Florent Champy, Sociologie de l’architecture, 2001)
D
ans le cadre de la concertation, l’architecte oscille entre deux positions: se placer en tant qu’expert, et avoir un rôle de décideur, ou se placer en tant qu’accompagnateur du projet, et se nourrir des propositions des habitants. Il peut en définitive choisir d’écouter les hommes politiques ou la population, décider de servir le pouvoir ascendant ou le pouvoir descendant. Les grands projets sont pour les décideurs une occasion de cristalliser une idéologie politique. L’espace, si rare et si cher dans la cuvette grenobloise, est politique. Ce qu’on y projette n’est pas neutre. L’architecte peut en ce sens devenir l’instrument d’une politique. Mais il n’est jamais neutre lui-même, et son projet est marqué par ses propres opinions. L’architecte, enfin, est créatif. C’est une part de son métier que de mettre cette créativité au service de l’humain. C’est une de ses missions que de faire changer le regard des décideurs sur ce que doit ou peut être la ville. 92
En architecture , la beauté n’est pas facile à négocier Nous l’expérimentons en travaillant en groupe: il n’est pas toujours facile de négocier, pas toujours simple de se justifier, de trouver des arguments, de s’entendre. Pourtant c’est le travail en groupe qui nous permet d’aller au-delà de nous-même. Qu’en est-il lorsqu’il s’agit de travailler avec des personnes totalement étrangères aux métiers de l’architecture ? L’architecte a un métier complexe, et ajouter à cette complexité la difficulté d’une négociation non pas avec un mais avec plusieurs habitants peut lui paraître difficile, voire impossible. Les trois piliers de l’architecture tels que définis par Vitruve (De Architectura, -25), sont la “firmitas” (solidité, structure), l’ “utilitas” (commodité, usage) et la “venustas” (beauté, ou volupté). Parmi ces trois points, la “venustas” est celle qui peut poser problème à l’heure de la négociation: le beau, l’esthétique, est très subjectif. Quel argument trouver pour défendre que telle forme ou telle couleur est plus belle qu’une autre ? Par ailleurs, qui dit beau, dit œuvre, et suppose un droit d’auteur. Qui a le dernier mot ? Quand l’architecte laisse-t-il une place à l’usager ? Le métier d’architecte, tel qu’il existe aujourd’hui en France, s’est construit autour de cette notion de garant de la beauté. Les deux grands “divorces” de la profession en témoignent.
économiques, sécuritaire, urbaine - il devient essentiel de penser l’architecture en mettant l’usager au cœur du processus de projet. L’architecte urbaniste devrait, en ce sens, travailler main dans la main avec les animateurs de la concertation, et articuler ses heures de travail avec le dispositif participatif.
-La séparation entre architecte et constructeur, qui se précise autour de la Renaissance. L’architecture devient alors un métier projectuel. On se concentre sur le dessin de ce qui doit être bâti, pour en garantir l’harmonie et le fonctionnement. -La séparation architecte - ingénieur, que l’on date en 1671 à la création de l’Académie Royale d’Architecture. Les architectes revendiquent leur statut d’artistes, ils se concentrent sur Paris, sont proches d’une commande royale de prestige et distants d’un public plus large, laissé aux ingénieurs. Ces deux scissions ont laissé une plaie profonde dans l’histoire du métier. La mésentente entre architecte et ingénieur est encore perceptible aujourd’hui, le dialogue entre les deux corps de métier reste difficile. De plus, l’image de l’architecte en costard débarquant sur un chantier pour donner ses directives est très présente dans l’imaginaire collectif. Les deux faits historiques cités plus avant ont donc contribué à forger l’image d’un métier d'homme proche du pouvoir, éloigné à la fois du peuple et de la réalité constructive. S’il est aujourd’hui devenu plus politiquement correct de justifier des choix esthétiques par un argument écologique, social ou même symbolique, on peut encore parfois douter de leur crédibilité. Force est de constater qu’il existe un fossé entre les critères esthétiques des architectes, qui ont tendance à voir le monde construit de façon très consciente mais parfois éloignée de celle de leur entourage, et celle des usagers, qui jugent à priori la beauté d’un bâtiment de façon plus instinctive: “ça me rappelle un bunker/ la maison de ma tante/ le jardin de mon enfance/ etc.”. On comprend donc qu’il s'agit d’un des points les plus sensibles au moment d’une concertation, qui pourrait mettre en question du même coup le talent de l’architecte, et sa maîtrise sur l’aspect final du projet.
Quatre familles de constructions participatives: Nous semblons percevoir, du haut de notre modeste expérience du monde de l’architecture, un mouvement qui irait dans le sens d’une plus grande écoute des usagers. Ce mouvement est certes incarné là encore par des personnages charismatiques, tels que Patrick Bouchain, Lacaton et Vassal, ou les très médiatisés collectifs Exyzt, Rural Studio. Mais c’est ce que prônent ces figures devenues emblématiques qui nous intéresse, plus que l’image qu’ils communiquent. Ce mouvement semble encore trop jeune pour être nommé: certain l’appel “l’architecture totale” ou encore “l’auto-construction formalisée” (Albert Hassan, L’auto-construction dans tous ses états, 2010), d’autres encore le nomme “architecture négociée”. Tous laissent entrevoir une volonté d’en finir avec la figure de l’architecte du prince, en se rapprochant du monde de la construction, en se montrant plus ouvert aux usagers, bref en renversant les codes habituels du métier. Dans la partie suivante, nous essayerons de décrire la démarche de certains d’entre eux et d’exprimer comment sa compréhension a nourri note propre projet.
Mais la beauté ne peut-elle pas venir de l’imprévu ? N’est-ce pas la base de l’oeuvre de Jackson Pollock, par exemple ? Et ne peut-elle pas venir du simple fait que l’objet laisse transparaître l’œuvre collective de plusieurs humains ? Il semble qu’aujourd’hui, à l’heure de la globalisation, à l’heure de la dé-territorialisation, en des temps de crises plurielles- sociétales, écologique, 93
Mètres carrés non-programmés
Le cadavre exquis
L’architecte conçoit le cadre technique minimum à partir duquel l’usager aménage lui-même son cadre de vie. Il produit la page blanche sur lequel l’habitant peut venir inscrire son nom.
L’architecte accompagne la conception. Chez Lucien Kroll, cela se fait par une écoute intense des attentes des habitants. Pour certains projet, il va jusqu’à reproduire quasiment à l’identique des croquis faits par ses clients, ou à interpréter de façon libre une image qu’un habitant aurait évoquée. . L’imaginaire des clients, combiné à celui de l’architecte, devient la matière première du projet. L'architecte allemand Peter Hübner fait faire des maquettes de la salle de classe idéale à des écoliers, puis colle toutes les maquettes côte à côte et s’arrange avec les constructeurs pour la faisabilité structurelle du projet. Dans le second cas surtout, on voit que le rôle de l’architecte laisse une grande place à la créativité de l’usager, son rôle est surtout de guider, de poser les bonnes questions. Notons simplement qu’il n’est pas toujours facile de mener à bien de tels projets dans les temps classiques des projets d’agence. La construction d’une école a pris dix ans! Le résultat est soufflant, mais il a dû falloir beaucoup d’endurance pour mener le projet à bien.
Yona Friedman est un des théoriciens de ce type d’architecture le plus extrême: il imagine construire des plateaux libres sur le modèle de la maison Dom-ino, rendre chaque plateau accessible et définir des noyaux techniques où passent les gaines. Le reste serait décidé par les habitants.
Plus récemment, les architectes Lacaton et Vassal ont appliqué cette recette à plusieurs de leurs constructions publiques. Leur défi est le suivant: construire, pour le prix demandé, deux fois plus de surface que celle requise par le commanditaire. La moitié répond au programme fixé à la base, l’autre moitié étant laissée libre à l’appropriation. Par souci de ne pas imposer de code esthétique, et afin de baisser les coûts de construction, des bâtiments sont livrés bruts. Cette démarche permet une certaine mutabilité du bâtiment dans le temps, et une appropriation des lieux par l’auto-finition.
P.Hübner, Schulen als Kraftorte gestalten. Atelier de fabrication d’une maquette collective avec des écoliers de la future Evangelische Gesamtschule Gelsen- kirchen
A.Lacton et JP.Vassal, Ecole d’Architecture de Nantes , photographie d’un espace “libre appropriable” http://www.lacatonvassal.com/ 94
Laisser voir la marque du constructeur
Architecture totale
L’architecte place le moment du chantier au coeur du projet.
L’architecte conçoit et construit. Sa conception est donc conditionnée par la conscience que ce qui est dessiné, il devra le réaliser lui-même.
Patrick Bouchain est à la fois le théoricien et le concepteur qui défend le plus cette pensée. En limitant ses dessins à une représentation du résultat cherché, sans rentrer dans les détails techniques, Bouchain laisse une marge d’interprétation aux constructeurs qui travaillent sur le chantier. Cette démarche est entourée d’un ensemble de dispositifs allant dans le sens d’un rapprochement entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre ; le but étant de casser la hiérarchie traditionnellement établie sur un chantier. Construction d’une cabane de chantier collective, utilisation des savoir-faire de la main d’œuvre, ouverture du chantier au public. Cela permet de revaloriser l’acte de construire, mais aussi de rendre visible ce qui jusque là ne l’était pas: les citoyens peuvent visiter le chantier et donc observer le changement et s’y préparer. C’est un peu de l’éducation populaire en direct que propose Patrick Bouchain, cela permet à monsieur tout le monde de se faire une idée de l’architecture différente de celle de l’objet fini. La face cachée de l’iceberg devient visible.
Cela passe donc parfois par l’utilisation de matériaux simples à mettre en oeuvre, à l’instar d’Exyzt qui démultiplie les formes d'utilisation de l’échafaudage, qui a le double avantage d’être peu cher car industriel, et permet une modularité infinie avec une mise en œuvre très simple . Cela peut aussi passer par la conception des outils qui vont faciliter la mise en oeuvre. Raumlabor Berlin, par exemple, a imaginé pour son intervention à la biennale d'architecture de Venise 2010 un gabarit, présenté sous forme de cales vissées sur un grand établi, permettant aux visiteurs de fabriquer très facilement des chaises. Ces chaises, dessinées pour pouvoir être empilées et former une macrostructure, composent ensuite un mur d’exposition, ou encore une estrade. Le passant devient constructeur de l’installation, qui sans lui ne pourra se faire. L’architecte passe donc son énergie dans le fait d’imaginer non seulement une chaise qui peut devenir l'élément constitutif d’un mur, mais également le dispositif qui facilitera la fabrication de la chaise, sorte de manuel intuitif de construction.
Raum Labor Berlin, Biennale d’architecture de Venise. THE GENERATOR http://www.raumlabor.net/
P. Bouchain, Le Lieu Unique, GRENIER DU SIECLE. Façade composée d’objets collectés auprès des habitants de Nantes souhaitant mettre de côté un souvenir pour leur descendance.Les container seront réouverts dans cent ans! 95
Élaboration du projet et questionnements
objets architecturaux. Puis le besoin de “tester” le système envisagé et sa faisabilité, ajouté à la pressante demande de nos professeurs de nous “positionner en tant qu’architectes”, a fini par nous faire prendre conscience qu’il nous fallait bel et bien plonger dans le dessin de l'édifice, mais avec certaines conditions en tête.
L’expérience du Fournil comme prise de conscience:
L
e PFE, tel qu’il est envisagé aujourd’hui, rend difficile l’expérience d’un projet participatif, de par son caractère fictif, mais aussi parce qu’il s’agit d’une démarche en marge des objectifs pédagogiques du projet de fin d’étude en lui-même.
Pourquoi nous avons imaginé ne pas dessiner de projet
Croquis personnel, le Fournil
Ce parti pris nous a longtemps laissées sans repères au moment de la conception des édifices qui composent la maison éclatée. N’ayant pas à répondre à une commande officielle, n’ayant pas face à nous de réels clients ou usagers pour nous donner la répartie, nous ne savions quelle position adopter. Ne rien dessiner? Aller au Point d’eau et demander à des gens de jouer les faux clients? Profiter de la Piscine et construire vraiment, au risque de ne pouvoir tout assurer ? Nous avons donc songé un temps à pousser la conception de la stratégie territoriale et du processus participatif en laissant de côté les 96
(voir partie I, 2) sur l'autoconstruction) Par la suite, nous avons compris en testant la concertation au Fournil que si l’aménageur arrive les mains vides face à une population très hétérogène et, par-dessus le marché, difficile à intéresser au projet, il n’avait aucune chance de recueillir des idées constructives. Quand il n’y a aucun cadre, le tableau reste vide ! Au Fournil, c’est ce qui nous a amené lors du deuxième atelier “maquette à l’échelle 1” (qui avait pour but de spatialiser le programme établi dans le premier atelier) à préfigurer un aménagement pour demander leur avis aux utilisateurs. Nous escomptions au début que les utilisateurs nous aideraient assez spontanément à réaliser une maquette grandeur nature, l’idée première étant que chaque personne entrant dans la cour décide d’un mobilier qu’il aimerait y voir et en positionne une préfiguration là où cela lui semble juste. Nous avons ensuite abandonné cette idée, connaissant le peu de pouvoir d’action qui règne au Fournil, nous disant à juste titre que si les règles du jeu n’étaient pas plus claires personne ne ferait rien. Nous avons donc commencé par préfigurer un
aménagement, assez simple formellement. Petit à petit, quelques unes des personnes présentes se sont testées au jeu. Les autres ont au moins pu nous faire part de leurs remarques, que nous prenions en compte en testant plusieurs déclinaisons d’aménagement au cours de l’après-midi. Si les usagers n’ont participé que de loin, ils ont au moins pu observer les questions que nous nous sommes posées, et donner leur avis sur nos propositions.
Le dessin - le dessein du projet
Comme le dit très bien Patrick Thépot, dessiner c’est poser une question. Et comme le dit très bien Patrick Bouchain, il ne faut pour autant pas TOUT représenter, il faut laisser place à de l’interprétation. C’est toujours l’histoire du cadre, qui doit être assez large pour ne pas exclure, mais solide, pour garder son rôle de guide. Cela nous a poussées à bien réfléchir à notre manière de représenter les choses: utiliser l’axonométrie pour montrer les éléments figés, et le collage ou le dessin à la main pour les éléments fluctuants. Nous avons cependant appris, petit à petit, comment prévoir de ne pas tout prévoir. Les pièces de la Maison Eclatée, composées d’éléments pérennes et éphémères, mobiles et immobiles, standardisés et non-finis, permettent de donner une réponse adaptée tout en pensant la facilité de la mise en œuvre.
97
NO MAD’S LAND, association oeuvrant pour l’habitat des gens du voyage : http://www.bm-limay.fr/files/nomad.pdf 98
Des espaces temporairement appropriables
99
Naissance des délaissés urbains
De la ville médiévale à la ville territoire
C
ette cartographie de la ville de Grenoble (XVIIème siècle) met en évidence une ville compacte entourée de hauts remparts séparant ainsi deux entités distinctes : la ville et la campagne. Cette vision duale du territoire est celle d’une société fondée sur une relative autosuffisance. Par ailleurs, le coût des fortifications étant extrêmement élevé, la ville se densifie toujours plus afin de retarder la construction d’une nouvelle enceinte. Il est important que les distances à parcourir soient peu élevées : ce sont des distances piétonnes. Tous ces facteurs maintiennent la nécessité d’une ville compacte. L’arrivée de l’industrialisation dans nos sociétés bouleverse le fonctionnement des villes particulièrement dans leurs relations avec les campagnes. La mécanisation de l’agriculture permet de cultiver plus avec moins de main d’oeuvre. Par l’évolution des transports les produits de l’agriculture peuvent être acheminés de plus loin et ainsi permettre une décentralisation des cultures avoisinant les villes. La ville n’a alors plus de contrainte de taille et s’étend sur le territoire. L’augmentation de la consommation et du confort appelle toujours plus de travailleurs qui s’installent en périphérie des villes provoquant un grand exode rural. Des villes telles que Londres comptent des millions d’habitants au XIX ème siècle. La ville diffuse investit les campagnes faisant alors apparaitre de nouveaux espaces se situant entre urbain et rural. Le territoire en est définitivement modifié. Cette nouvelle identité, la ville territoire, est celle que nous connaissons aujourd’hui. La naissance de ces délaissés urbains pose la question de leur utilisation et de leur gestion. Nous allons tenter de les identifier ainsi que de caractériser leurs usages. 100
L. BENEVOLO, Histoire de la ville, Parenthèses, 1994 (réédition)
1631 Grenoble AM, Archives de la ville de grenoble, 55x40 cm, gravure extraite de bassin “ les plans et profils de toutes les principales villes de France”, Paris Tome II illustration cartographie de flaubert au moment de sa creation n° 546 / 1987 1 : 500 / ville de grenoble.
101
Régénération de la ville
L
es délaissés urbains de la ville contemporaine n’ont pas de caractéristiques spécifiques. C’est justement par leur caractère non défini qu’on peut les caractériser comme tels. Ce sont les résidus de la ville fonctionnelle, de ses activités techniques : infrastructure de transport, de télécommunications, de production... Ces espaces, ces bâtiments sont considérés comme improductifs par la ville. Parfois, l’espace qui en résulte est inconstructible : bord de route, dessous du tablier d’une autoroute. Ce sont donc des espaces qui ne seront pas urbanisés (à moins d’une modification du PLU). D’autres, au contraire ont été délaissés à un moment de leur histoire ; ils sont donc temporairement vacants pour une durée allant de quelques mois à des dizaines d’années. Ce sont des industries obsolètes, des immeubles vétustes, des zones commerciales abandonnées, espaces avec un fort potentiel de mutabilité : autant d’espace-temps qui parsèment la ville territoire. À la manière d’un jeu, les pions se déplacent si et seulement si des trous le permettent ; la ville utilise donc ces porosités pour impulser des dynamiques qui opèrent une réecriture temporaire de l’espace qu’elle investit. Selon ce processus, la ville se régénère sur ces délaissés qui apparaissent et disparaissent. C’est donc une condition sine qua non de la régénération de la ville. Ci contre, photo de la zone se situant entre le quartier Renaudie et la Rocade.
102
103
- Ces espaces accueillent également des populations qui s’installent dans ces lieux par choix. Ce qui les définit, c’est leur volonté d’habiter autrement. De la yourte à la caravane, ces habitats, considérés comme non conventionnels mais pas toujours synonymes de pauvreté, reflètent des modes de vie différents de ceux communément répandus. L’enjeu est donc de permettre à ces populations de s’installer dans les délaissés sans pour autant favoriser leur marginalisation.
Appropriation des délaissés urbains:
Par exemple, nous avons visité la cabane de Victor se situant dans un interstice entre deux immeubles grenoblois. Sur trois étages, son dormoir s’appuie sur des poutres de 80 cm maintenues par pression entre les deux murs aveugles qui bordent son habitat. (photos pages suivantes)
Espaces-temps dans la ville
- Les délaissés urbains sont aussi des opportunités foncières pour des groupes alternatifs en quête d’un lieu de réunion. Local, entrepôt, pavillon, immeuble, parking : autant de lieux qui peuvent accueillir les projets d’un groupe d’individus. Ces squats ne sont pas seulement des lieux d’habitation, ce sont également des lieux de rencontre qui tentent de soulever des questions de société. Ils traitent de thèmes très divers du statut des transexuels au refus des cultures OGM. Ce sont également des lieux d’expression d’une contestation. Plus généralement, cette contestation nous a intéressées dans la mesure où ces groupes mènent une réflexion sur la fabrication de la ville contemporaine. Leur acte premier d’occupation illégale d’un espace revendique le droit à la ville, au logement et à la culture montrant ainsi une volonté de prendre part à la fabrication de la cité.
C
omme vu précédemment, ces espaces constituent une richesse pour la régénération morphologique de la ville. Nous allons également voir en quoi ces espaces jouent un rôle pour le droit à la ville. Pour comprendre cela, il est important de s’intéresser à l’usage de ces espaces. Le choix du terme “délaissé urbain” signifie un délaissement par les processus de production de la ville mais pas nécessairement par les populations, aussi ne faut-il pas l’entendre au sens péjoratif. Nous décrirons ici trois de ces usages : - Ces lieux en marge permettent à des populations très diverses de s’abriter loin du regard des autorités. Ce sont surtout des populations immigrées clandestines. Allant des camps de Roms des bords de l’Isère aux Érythréens rencontrés dans une ancienne station essence, ces populations vivent dans des conditions de plus ou moins grande précarité avec parfois aucun accès à l’eau ou à l’électricité. Le droit à la ville est le droit de tous: cacher ou détruire ces habitats ne résout en rien les problèmes de pauvreté ; au contraire, elle exclut toujours plus ces populations.
104
Le géographe Philippe Vasset travaille sur la question de la représentation des délaissés urbains. Il réalise en 2007 un ouvrage sur ce qu’il nomme les “zones blanches” des cartographies: ce sont les points aveugles de la carte 2314 OT de l’Institut Géographique National. Ces représentations peuvent prendre la forme de photographies, de récits, de vidéos ou bien d’esquisses réalisées en marchant sur une zone blanche avec un GPS puis en projetant la trace obtenue sur un support. Les photos ici présentes sont le résultat de cette étude. www.unsiteblanc.com/
105
106
107
108
Plus largement, ces lieux s’opposent à la ville programmée. Autant d’espaces où la réflexion prospective n’a pas encore pesé. Leur résidualité, leur position tangente aux flux principaux, les laissent à la marge : à la marge des images produites par l’architecture et l’urbanisme. Ces espaces sont des potentiels pour de véritables propositions qui s’opposent aux modèles d’habitats préordonnés et préconstitués. Les délaissés urbains permettent par leur flexibilité et leur souplesse d’accueillir une population diverse qui serait difficile à cerner dans son intégralité. Les utilisateurs des délaissés urbains sont nombreux. Ils ont en commun la prise de pouvoir de ces espaces par le “faire soi-même”. Ces espaces non codifiés permettent une réelle expression, élément par lequel arrive l’innovation. Par exemple, dans le domaine de l’architecture, l’usage effectif étant souvent différent de l’usage initial de ces lieux, les nouveaux habitants sont amenés à effectuer des aménagements allant de l’installation d’un lit à la construction complète de l’habitat faisant preuve d’une véritable intelligence constructive. Ces espaces sont la manifestation d’une volonté et d’un appel au droit à la ville. Après une durée variable, si la zone est constructible, un projet verra le jour : logements, bureaux, commerces… Les habitants devront s’installer dans d’autres lieux qui se libéreront. La permanence de la disponibilité de ces espace-temps reste actuellement nécessaire pour ces populations dans l’attente d’un véritable droit à la ville pour tous.
“De ces espaces temporaires émerge surtout la non-codification. Au contraire des simulacres d’espace public qui proposent aux habitants, touristes et banlieusards, des occasions de rencontre et d’échange selon un mécanisme de “réaction contrôlée”, dans les espaces Post-It il n’y a pas de codification prédominante [...]” Dans Mutations, Giovanni La Varra voit dans l’utilisation de ces délaissés urbains une adaptation face à la crise de l’espace public européen. Face à la transformation des rues et des centres ville en centres commerciaux, de nouvelles dynamiques de la vie en public prennent formes. Elles concernent les comportements des individus, leurs modes de rencontre, de rassemblement, d’agrégation, de reconnaissance. Post-It city est une réinterprétation contemporaine de l’espace public.
Ci-contre, photo de la Baf, Centre social autogéré, chemin des alpins (quartier Flaubert)
109
années. Cette vision ne tient pas compte de la nécessité de maintenir des espaces souples et mutables qui accueilleront sur le long terme des projets de différents types, proposés par différents acteurs de la ville. Pour permettre la construction de tel quartier, c’est souvent plusieurs hectares de tissu ancien qui sont détruits chassant des associations de quartier, des commerces, des activités… Cette tabula rasa fait disparaître un tissu complexe et riche pour proposer un tissu unique tant dans sa forme architecturale que dans l’unité donnée par la courte durée de mise en place du projet. On peut s’interroger sur le devenir de ces quartiers, vieillissant à la même vitesse et rappelant dans vingt ans une mode alors dépassée.
Quelle gestion pour quelle vision de la ville?
D
epuis une vingtaine d’années, les enjeux du développement durable ont modifié les paradigmes de la ville contemporaine. La loi S.R.U. (Solidarité et Renouvellement Urbain, 2000) invite à limiter l’étalement de la ville et à «reconstruire la ville sur elle-même». Pour économiser les terres naturelles toujours plus rares et pour réduire la surface urbanisée, les pouvoirs publics mettent en oeuvre des politiques de densification avec des objectifs très élevés.
Mais plus largement, cette hégémonie renvoie une image univoque de la société. Quelle place est donc laissée pour une véritable expression de la diversité ? Il semble donc nécessaire d’opérer une véritable reconnaissance de ces espaces considérés jusqu’alors comme “improductifs”. Réaffirmer au sein des institutions que leur existence est une condition sine qua non de la régénération de la ville contemporaine. Réaffirmer dans la programmation des grands projets la nécessité de ne pas programmer ces espaces. Ainsi réintroduire une plus petite échelle de production du bâti et favoriser une fabrication ascendante de la ville.
“À Grenoble, ce sont les quartiers tels que l’Ile Verte, la Bajatière, la Capuche, les Eaux Claires, Berriat, Jean Macé, la Presqu’île, l’Esplanade, Flaubert qui auront leur visage radicalement modifié dans les quinze années à venir. Ils ont chacun leur individualité, leurs composants et leurs opportunités : quartiers pavillonnaires émaillés d’entrepôts, d’implantations artisanales, de petits établissements industriels, grands établissements industriels tombés en friches, espaces périphériques plus ou moins délaissés... Ils sont devenus, avec le P.L.U. des espaces «mutables», susceptibles d’accueillir des constructions nouvelles. Pour la première fois dans son histoire, la commune de Grenoble, dans ses limites actuelles, pourrait être entièrement urbanisée” Extrait du rapport sur la densification effectué par le Groupe de travail Grenoble Demain, CLUQ
Ci -contre, cartographie des grands projets de la ville de Grenoble. Classés selon l’avancée du projet.
Or ces objectifs essentiels au maintien de l’équilibre entre consommation et production des ressources terrestres sont souvent atteints au détriment d’objectifs sociaux ou culturels. La régénération de la ville est une nécessité pour permettre à celle-ci de s’adapter aux exigences de la société. Cependant, les grands projets d’aménagement de la ville de Grenoble interrogent par leurs échelles spatiales et temporelles. Ce sont parfois des dizaines d’hectares transformés en l’espace de quelques
Page suivante, photo du Fournil 110
Réalisé En cours de travaux En concertation Projeté
1 km
111
112
de la Z.A.C. Flaubert
La maison éclatée à Flaubert
Troisième Chapitre:
LA
MAISON
ÉCLATÉE 131
Introduction
N
xous vous présentons dans ce dernier chapitre le projet de la maison éclatée, qui constitue la synthèse des reflexions que nous avons abordées précédemment. Trois échelles de réflexion nous ont permis de le penser.
L’échelle de la ville, tout d’abord, qui consiste à imaginer un système qui permettrait de démocratiser l’accès à des parcelles gelées, en attente, pour en faire des supports temporaires de projets locaux ascendants. Nous avons cherché quels moyens rendraient possible l’emergence d’une ville plus souple et flexible, plus proche des attentes des habitants parce que pensée par eux-même. Les pièces de la maison éclatée rentreraient dans ce cadre inventé. Pour éprouver ce système, il nous a fallu le confronter à l’échelle d’un quartier soumis à une opération de type ZAC, présentant de nombreuses parcelles en attente. Nous expliquerons donc dans une seconde partie comment la maison éclatée pourrait s’installer dans ce quartier en s’appuyant sur un réseau d’acteurs déjà existant, et comment elle redynamiserait ce quartier pendant la première phase des travaux. Enfin, nous verrons dans le détail comment sont pensées les pièces qui composent la maison éclatée: quel programme, quel fonctionnement, quelle mise en oeuvre, quel processus de fabrication.
132
Dynamiser les délaissés urbains Stratégie urbaine
N
os réflexions ont été nourries par des visites effectuées dans les différentes ZAC grenobloises. De la ZAC Berriat où les bâtiments vont être livrés à celle de la Presqu’île où le travail des urbanistes n’est pas encore terminé, nous avons pu observer les différentes phases qui caractérisent la formation d’une ZAC. Le quartier Flaubert, situé au centre géographique de Grenoble, nous a particulièrement intéressées puisque le processus d’acquisition foncière qui précède le début des travaux y arrive à sa fin pour laisser place dans moins de six mois aux travaux. Sur plus de dix ans, le quartier s’est vidé de ses habitants et de ses activités. La mairie de Grenoble prépare ce projet depuis bien longtemps puisqu’il faut compter en moyenne une quinzaine d’années pour l’acquisition de tous les terrains nécessaires à sa réalisation. La négociation de chaque parcelle est un travail long puisqu’elle se fait au cas par cas avec chaque propriétaire afin d’éviter les expropriations. L’étude de ce processus d’acquisition à été pour nous l’occasion d’imaginer comment ces parcelles pourraient être temporairement appropriables afin de permettre l’existence de projets ascendants.
133
L’EPFL: propriétaire des parcelles en attente
D
ans ce processus, l’Établissement Public Foncier Local (EPFL) a joué un rôle fondamental. Créé en 2003 à l’initiative de la Metro et du conseil Regional, l’EPFL est un établissement technique doté d’une autonomie financière. Les communes de l’agglomération grenobloise font appel aux compétences de gestionnaires financiers de l’EPFL pour l’achat et la gestion d’un bien immobilier sur lequel ils envisagent un futur projet. Propriétaire de 215 terrains sur l’agglomération, l’EPFL permet aux mairies d’anticiper et de conserver un certain contrôle sur le devenir de leur ville. Après l’achat d’un bien, la gestion du terrain (de 4 à 10 ans) comprend souvent la démolition des bâtiments, la dépollution des sols et un redécoupage parcellaire (dans le cas de grandes parcelles industrielles). Après cela, sous le contrôle de la mairie, le bien est revendu, souvent à un promoteur qui a alors la garantie de pouvoir construire pour ensuite revendre.
L’EPFL est donc propriétaire d’un grand nombre d’entrepôts, de bureaux, de pavillons… Il entre donc souvent en conflit avec les populations précédemment citées qui occupent de façon illégale leur terrain. Cependant, il arrive que L’EPFL achète un bien dans lequel les locataires sont encore présents. Ils signent alors un contrat de prêt à usage et non pas un bail. En effet, celui-ci donnerait aux locataires des droits qui engendreraient des frais auprès de l’EPFL au moment de la démolition du bâtiment (finalité déjà connue des locataires au moment de la signature du contrat). Un loyer est alors négocié à la moitié des prix du marché. De façon très exceptionnelle, l’EPFL accorde un contrat de prêt à usage pour de nouveaux locataires par l’intermédiaire d’associations militant pour le droit au logement (au vu de l’opportunité financière). Il était donc intéressant pour nous de rencontrer l’EPFL. En effet, sa mission première de porteur de projet a été détournée et il propose dorénavant des contrats temporaires. Christophe Bardet, directeur de l’EPFL grenoblois, expliquait que leur réel intérêt dans
134
ces démarches n’était pas financier mais bien sécuritaire. Ainsi, ce contrat leur permet d’entretenir de bons rapports avec les occupants de leur bien et, par la même occasion, de pouvoir négocier sans résistance leur départ au moment de la récupération de celui-ci. C’est en prenant connaissance de ce type d’accord que nous avons compris que l’impermanence pouvait devenir du possible.
Ci-contre: Cartographie des propriétés sur la ZAC FLaubert
Edou a
Square Frederic LAFLEUR
rd
olyte
IE FERR
AN
GE
NTE
MULL
SQU
IEU
Docte ur
Hipp
NT
MO
R ue
Rue
ER Rue des ARD
Rue Sido nie JA COL IN
CHA
Rue
PPEE
LES
Avenue
JACQU ARD
Emil
e
Ru
e
AC
D Instituteurs
RMIL
Rue Fran cois CO
Rue
Ecole Normale
Rue Pierr e BO NN
Place Docte ur GAL LIMA RD
LA GR
VAILL A
Rue
Ed .
BALZ
AB
OU
T ZOL A
de
GRAD
Rue
er
STALIN
Parc de l' ALLIANCE
Pro sp Rue
ER
ME
B AU FL
RIM
Ge
EE
T
org
e
Marcelin
Rue
sta ve
SAN
Gu
D
RE
Eug e
ne
ALPINS
de Lie
Rue
ute
CH
AB
AL
Rue
nan t
des
VIG NY
BERTHELOT
Rue
ALL
Le co nt e
Rue
100 m
de
LIS L
E
IES
e Ru
de
L ARLEQ
des C
Chardonner
135
Rue
Mutabilité difficile
Voie B
Rue des COLIBRIS
des
Negociation ulterieure
. Av rue
Mutabilité possible à court terme
REYNOARD
Marie
Rue
Propriété de l’EPFL
de
Rue
SUE
UTILISATION
CELLULE de VEILLE
temporaire de 3 ans
des délaissés urbains
La démarche de l’EPFL nous a semblé intéressante dans le cadre du projet. En effet l’institutionnalisation de contrat entre un locataire temporaire et l’EPFL permet de trouver un accord qui donne à la fois le droit à habiter pour le locataire et garantit à l’EPFL leur départ le moment venu. C’est donc par l’intermédiaire d’un contrat comme celui-ci, d’une durée de trois ans, que l’occupation des terrains utilisés pour le projet est rendue possible. À la fin du contrat, les architectures entièrement démontables sont transportées pour aller investir une nouvelle parcelle de l’EPFL se situant dans un nouveau quartier de la ville. Le projet exploite ainsi le potentiel offert par les opportunités foncières dégagées par l’arrivée d’un grand projet. Les micro-architectures iront ainsi polliniser un nouveau quartier en transformation comme la Presqu’île ou l’Esplanade.
Dans un deuxième temps, il nous a semblé important de rendre plus accessible cette démarche encore trop rare. C’est pourquoi nous imaginons la diffusion via internet de la cartographie des parcelles de l’EPFL ainsi que la démocratisation du contrat de prêt à usage. Il faut noter qu’ajourd’hui cela serait parfaitement impossible aux yeux de l’EPFL. Lors de notre entretien avec Michel Bardet, celui-ci nous a fait comprendre qu’une telle cartographie mettrait en péril leur travail car il s’agirait d’une cartographie des lieux potentiellement squattables. Ce à quoi nous répondons: et pourquoi pas? A l’heure actuelle, l’EPFL a déjà beaucoup de ses locaux qui sont occupés, et parce qu’ils le sont illégalement les modalités d’expulsions sont complexes, et beaucoup d’argent est dépensé pour éviter le squat: soit par un dispositif de surveillance coûteux et irrationnel, soit en détruisant le plus tôt possible les bâtiments parfois encore viables alors que la parcelle est vouée à rester vierge pour des années encore! Pour nous, ce phénomène est le plus révélateur d’un manque de droit à la ville. Soit l’EPFL décide de se battre contre un phénomène bien plus fort que lui, soit il décide de s’adapter à la réalité de la ville et
136
imagine comment faire les choses autrement, comment tirer profit de la situation. Pour ce faire, il serait donc nécessaire que l’EPFL puisse véritablement consacrer une partie de son activité à la location, nécessitant alors la création d’un poste au sein de l’Etablissement. Le système pourrait potentiellement s’ouvrir à d’autres propriétaires. Une véritable cellule de veille des délaissés urbains pourrait permettre une utilisation temporaire de ces parcelles. Ainsi, des porteurs de projets en groupe ou individuels pourraient bénéficier d’une location temporaire d’une parcelle jusqu’alors inabordable (moitié du prix du marché). Cette démarche pourrait être également entreprise par des propriétaires privés. Le propriétaire et le locataire trouveraient alors un intérêt mutuel, pareillement à un bail. Ainsi des associations, des habitants, des entreprises, des centres culturels pourraient s’installer en ces lieux pour des durées limitées. C’est aussi par la quantité et la disponibilité de parcelles que ce système est viable. Ainsi, une structure qui veut pouvoir perdurer dans le temps doit pouvoir avoir la garantie de trouver un lieu après chaque départ, se déplaçant dans la ville au rythme des changements de celle-ci. Cette existence temporaire en un lieu se transforme en une permanence au travers de la ville. Ci-contre: Illustration extraite du site www.bimby.fr
137
Initiatives similaires
“L’ association a pour objectif de mettre en place des stratégies pour permettre aux gens du voyage, et à toute autre personne en recherche d’un habitat, de trouver un lieu de résidence. Structure passerelle entre les demandeurs et les propriétaires d’espaces disponibles, elle expérimente de nouvelles alternatives afin de trouver des solutions pour habiter. Pour faire face aux situations inévitables et inextricables des occupations illégales, il s’agit de proposer des solutions satisfaisantes pour chaque partie, alliant rentabilité, sécurité et dignité. L’association tente de démarcher des propriétaires de terrains, à vocation industrielle, sur lequel temporairement il n’y a pas d’activité. Durant cette periode, le site n’est pas rentabilisé. Une convention sera passée entre occupants et propriétaire, définissant la durée de l’installation, le nombre de caravanes, les modalités financières et les aménagements provisoires mis en place pour assurer l’hygiène des occupants et la propreté du site. Le rôle de l’association sera de mettre en relation les futurs occupants et le propriétaire, de proposer une convention type, de conseiller et de fournir aux responsables du groupe un éventail de possibilités d’aménagements provisoires (liste de sociétés proposées pour la location de WC chimiques, le ramassage des ordures, le branchement au réseau électrique, la mise en place de citernes d’eau...).” NO MAD’S LAND, association oeuvrant pour l’habitat des gens du voyage http://www.bm-limay.fr/files/
138
“Le projet de recherche BIMBY (“Build in My Back Yard”) vise à la définition d’une nouvelle filière de production de la ville au sein des tissus pavillonnaires existants, qui représentent la grande majorité des surfaces urbanisées en France et certainement en Europe. Le projet s’adresserait à des propriétaires qui possèderaient un bien devenu inadapté à leur besoin leur permettant de vendre une partie de leurs parcelles. L’opération permettrait au propriétaire de mieux valoriser son patrimoine et d’en mobiliser tout ou partie afin de financer ses projets. Dans les quartiers bien situés des agglomérations, la somme de la valeur du terrain créé par division parcellaire et de la maison amputée de ce terrain est supérieure à la valeur de la maison initiale. Elle permettrait également aux collectivités locales d’organiser un renouvellement et une densification progressive de ces quartiers. Elle permet à la commune de créer un terrain à bâtir dans un quartier déjà desservi et équipé. Ce sont ainsi des dizaines de milliers de terrains à bâtir qui pourraient ainsi être libérés chaque année dans les tissus pavillonnaires construits ces dernières décennies, sans engendrer aucun étalement urbain et à un coût minime pour la collectivité. “
http://bimby.fr/
T1
RI-
E
T2
T3
Schéma du projet No Mad’s
139
Un nomadisme intermédiaire
L’occupation temporaire d’un lieu implique des contraintes spécifiques. Les projets présentés ciaprès se distinguent les uns des autres par leurs stratégies employées. Selon les ressources humaines, matérielles et financières disponibles, le dispositif architectural est différent. Nous avons été confrontées à de telles interrogations. L’implantation sur les sites étant d’une durée de trois ans, nous avons préféré l’utilisation d’une structure principale démontable et déplaçable complétée par un dispositif en autofinition, lui éphémère. À Grenoble, nous avons pu observer quelques exemples d’architecture mobile ou transportable. Depuis deux ans maintenant, des kiosques ont été installés par la mairie sur les grands boulevards. Ils accueillent des petits commerces, des pizzerias. À la manière des camions “pizza”, c’est leur rapport à la rue qui nous a intéressés. S’installant sur le trottoir ou en bordure de celui-ci, ils permettent de véritablement dynamiser un quartier par les rencontres qu’ils rendent possibles.
140
141
ÉPHÉMÈRE
Après le festival, les structures seront démontées. Le bois sera réemployé ou recyclé pour un autre projet. L’energie investie dans la mise en oeuvre du projet est limitée puisque le projet ne sera pas remonté, ou en tout cas pas dans sa forme présentée au festival.
LE BRUIT DU FRIGO dans FESTIVAL LIEUX POSSIBLES 2008,
Manifestation culturelle qui consiste à investir et détourner des espaces urbains pour en modifier temporairement la fonction, activer leur potentiel créatif, expérimenter d’autres usages réels, stimuler l’imaginaire des habitants et tester des aménagements possibles. Lieux possibles 2008 proposait d’investir le quartier Mériadeck et les quais de Queyries à Bordeaux. Ingrédients: installation sonore et plastique, projection vidéo, déambulations, jeux, danse, bal, bains, massages, coiffure… photo le Bruit du Frigo
RAUMLABOR BERLIN et PLASTIQUE FANTASTIQUE dans KITCHEN MONUMENT 2008, La Kitchen Monument
est un prototype qui permet la création de communautés des espaces de la ville, dans éphèmères. Elle s’installe da des lieux publics pour de trè ns s courtes durées. Apres quoi, de projection, salle de gym la bulle salle à manger, salle est dégonflée pour être ran gée dans le camion et repart photo Marco Canevacci ir sur les routes.
MOBILE
La structure est repliée en quelques heures ; elle peut ainsi s’installer de nombreuses fois dans de nombreux lieux sans aucune difficulté.
Avec une véritable cuisine, un hôtel, sauna et mini-piscine sur le toit, le pavillon français se transforme en lieu de renco tre et d’échange, où l’architecture est vécue, où le visiteur devient acteur et participant actif, où le lieu devient égalemen laboratoire d’expérimentation et espace convivial. photo Brice Pelleschi
DÉMONTABLE ADAPTABLE
Après la biennale, les structure en échafaudage, matériau privilégié du collectif eXYZt, seront démontées et réemployées dans un autre projet.
onnt
ans d N I A H C U O B K C PATRI RE U A T N E C U D U A LE CHAPtaIblTe Een 3 jours, le chapiteau dessiné par PatricchkapB Centaure. Le Montable et démon de la compagnie du s re st ue éq es cl arente ta ec cueille les sp d’une coupole transp bé m lo rp su et cé an él noire, asymétrique, énographie. t un élément de la sc de diamètre, devien ynaud de Lage photo Christophe Ra
148
E 200in 2ac,-
Boucha piteau de toile de 12 mètres
DÉMONTABLE - REMONTABLE 149
L
a maison éclatée est constituée de quatre micro-projets qui viendraient s’installer sur des parcelles de l’EPFL pendant une durée de trois ans. Cette maison éclatée, à la manière d’un foyer tente de créer une hospitalité urbaine. Chaque pièce permet une fonction de l’habiter : travailler, avoir accès à internet (le bureau), mettre ses affaires en sécurité, les laver (la bagagerie), manger et cuisiner (la cuisine), dormir ou se retirer seul (les chambres).Ces quatre projets donc sont pensés comme quatre pièces d’une grande maison urbaine, et pour que leur fonctionnement soit assuré il doivent être installés dans une relative proximité, favorisant les échanges entre chaque pièce sans pour autant être un seul et même “pôle”. Ils fonctionnent donc à l’échelle d’un quartier. Pour les concevoir comme tels, nous avons dû imaginer chaque pièce avec une programmation hybride, qui répondrait à trois enjeux: -créer un tremplin pour animer la vie du quartier, -apporter un outil de lutte contre la précarité, -offrir des lieux de mise en débat du chantier. Un système de gestion allant dans ce sens a été pensé; il nous a aidé à mieux imaginer le fonctionnement des lieux, leur complémentarité et leur articulation au quartier qui les accueille. L’objectif visé étant de promouvoir une réelle appropriation du quartier, et plus largement de la ville. Nous présentons ici la maison éclatée installée sur le quartier Flaubert.
150
Fonctionnement de la maison ĂŠclatĂŠe
151
A La ZAC Flaubert
“A la jonction du nord et du sud de Grenoble, le secteur Flaubert est un territoire vaste, qui manque d’unité et de liaisons avec le reste de la ville. L’équipe municipale a décidé de réaménager ce quartier, en s’appuyant sur ses atouts, notamment la présence d’espaces verts et d’activités économiques, associatives et culturelles. Le projet prévoit de transformer la coulée verte en parc (3ha), de moderniser et déplacer la déchetterie, et de construire des logements (2100 logements).” extrait de l’article “Eco-quartier Flaubert : construire l’utile et l’agréable” disponible en intégralité sur www.grenoble.fr
Point P Campement
Le Richardson
La CAF
La MC2
152
Entrepôt Municipaux Ateliers décors de théâtre
La BAF
Déchetterie Jacquard
Squat Zanzibar
P
e Fournil La Birfuk
Squat
Sur cette axonométrie, nous avons repéré les lieux qui ancreront le projet au quartier. Parmis ces repérages, on trouve des lieux “ressources” (entrepôts, ateliers), où l’on peut potentiellement trouver des matériaux de récupération ou des outils utiles à la réalisation des architectures, à leur entretient. On trouve ensuite les lieux “institutionnels” (MC2, CAF), qui peuvent devenir de véritables partenaires du projet : organisation d’évènements, sensibilisation, prêts de matériel, échange de connaissances. Enfin, on note un réseau de projets ascendants déjà dense, qui eux aussi peuvent potentiellement devenir des partenaires clefs du projet. 100m Éléments sur lesquels s’appuie le projet de la maison eclatée projets ascendants ressources (entrepôts et déchetteries) institutions
153
100m 154
Les chambres
Le bureau
Localisation de la maison ĂŠclatĂŠe La cuisine publique
La bagagerie
155
Rue Jacquard , les chambres
Rue Lagrange, le bureau
Les rues de la maison La maison éclatée offre des espaces annexes à la rue. Le public qu’elle accueille a vécu plus ou moins longtemps dehors ou dans des habitats très précaires. L’espace public est synonyme, pour beaucoup, de liens sociaux. Le projet s’inspire de l’habitat informel qui possède une continuité entre la rue et les espaces intérieurs. Les personnes qui vivent dans la rue repoussent les frontières de l’espace privé. La visibilité des fonctions d’habiter dans l’espace public nous questionne sur notre propre pratique de la ville. Il s’agit dans le projet de créer des espaces d’intimité pour ces fonctions, tout en préservant des espaces complètement ouverts. Ils deviennent accessibles à tous.
Rue Gustave Flaubert, la cuisine publique
Avenue Berthelot, la bagagerie
156
Balza
La
gr an ge
c
Jacquar d
ré de Hono
Staling
rad
dormir
éudier
13 /
26
ber
t
bus
Gus
tave
Par
cF
lau
La Bifurk association d’associations
Flau
bert
cuisiner
déposer ses affaires ot Avenue Berthel
tram A
Maison de la Culture
100m 157
18 m2 s commun espaces
belvédère
18 m2 blique laverie pu
2 58 mgagerie la ba
La bagagerie
108 m2 12 chambres
96 m2 La cuisine publique
18 m2 refuge urbain
Une programmation hybride Les abris qui s’installent dans le quartier participent au développement de l’hospitalité urbaine au sens large. La maison éclatée s’adresse autant aux passants, aux habitants du quartier ou aux accueillis des associations luttant contre la précarité. Les structures intègrent des équipements de service tels qu’un accès à internet (le bureau), une laverie (la bagagerie), un refuge urbain lié à l’office de tourisme (les chambres), une cuisine publique (la cuisine). Le programme hybride de la maison éclatée apporte à la ville des services qui ne sont pas destinés exclusivement à un type de public.
144 m2 espaces communs Le bureau
18 m2 plateforme information
Structure d’accueil mal-logés
30 m2 accueil de jour
Chantier Public
158
30 m2 la maison de chantier
Les chambres
les
bri co l n d’ eurs oeu vr maco e ns JOURNAUX [...] RECUPERES
mai
LA ZAC
COLLECTIF DES MORTS DE RUE < person
nes sans
< internet / petit boulot
FABRIQUE DE SOLUTIONS POUR
activité bris sans a ment sans loge saisoniers know-mad [...]
travailleur s>
< p re as
tra va ill
as >
eu
rs >
rep
EAUX PLUVIALES ELECTRICITE
<r epa s
ALIMENTS
LE FOURNIL AMAP
Qui gère ? Qui finance ?
LE BUREAU qui gère? qui vient? qui participe?
LES ACCUEILLIS
EQUIPE FIXE ACCOMPAGNATEURS
LA MAISON DU TOURISME (refuge urbain)
LES CHAMBRES
LES OUVRIERS LES ACCUEILLIS
LES HABITANTS LES PASSANTS
LES VOYAGEURS
LE BUREAU GROUPE DE COOPERATION SOCIALE
MAISON DE QUARTIER
ACCOMPAGNATEURS SOCIAUX
FONCTIONNEMENT / UTILISATEURS
laverie LES VOISINS
LES OUVRIERS
LES
CCUEILLIS
LES ACCUEILLIS
LES HABITANTS LES PASSANTS
L LES P LES
LA CUISINE
LES BÉNÉVOLES DU FOURNIL
AMAP
S
LES BÉNÉVOLES
TS
belvédère LE COLLECTIF DES MORTS DE RUE
159
Imaginer qui gère et qui finance les structures pour tester la faisabilité du programme.
Les ressources Les gestionnaires Les bénéficiaires PROGRAMME Le quartier
Depart
Ouverture officielle
Mise à disposition de la parcelle
Repérage de la parcelle
Temporalité de la maison éclatée
2012 on
pti
ce con
C
o-
n
ctio
stru
on to-c
Appropriation du lieu
Au
Co- Conception
auto Construction
Appropriation du lieu
auto CoConception Construction
CoConception
2016
Temps du projet
auto Construction
Appropriation du lieu
Appropriation du lieu
2015
2012
2016
Temps du projet
160
2018
Temporalité de la ZAC Flaubert
Utiliser les temps de chantier de la ZAC comme moyen d’action
La présence de la maison éclatée est un support pour que la vie continue le temps des grands travaux. La mise en action se situe également à l’échelle de l’abri, par le biais d’outils de co-conception et de co-construction qui placent l’accueilli en position d’acteur.
2022
Temps du chantier de la ZAC
161
2027
2016
Après trois ans passés à la ZAC Flaubert, le contrat de prêt à usage touche à sa fin. Grâce à la cellule de veille des délaissés urbains, les acteurs de la maison éclatée décident à l’avance quel sera le futur lieu qui l’accueillera, et peuvent ainsi projeter le démontage - remontage des structures sereinement. On imagine donc que la maison éclatée déménage dans un autre quartier, pour de nouveaux horizons...
2025
2
2022
2019 2019
Futur emplacement de la maison éclatée Futurs projets
1 km
Itinéraire de la maison 162
Afin de pouvoir déménager, les structures qui composent la maison éclatée sont démontables, transportables, et enfin modulables pour s’adapter à différentes configurations.
163
C
ertains aspects du programme répondent à des demandes expressément formulées par des travailleurs sociaux ou des gens de la rue rencontrés à la Piscine. En particulier, l’accueil de jour ainsi que la bagagerie. De manière générale, nous avons tenté d’apporter un regard neuf sur ce que pourraît être un lieu luttant contre la précarité. Nous avons à ce titre forgé trois grands parti-pris: -Imaginer des lieux qui ne soient pas seulement celui des gens de la rue. -Imaginer un lieu qui ne soit pas dans l’assistance mais propose une mise en action. -Imaginer des lieux questionnant la limite entre le privé et le public. Ces structures, pour être déplaçables, sont pensées en “kit” composés d’éléments préfabriqués. Pour des raisons de coûts et de facilité de mise en oeuvre, nous nous sommes largement inspirées des structure industrielles. Le “kit”, structure pérenne, est complété par des éléments éphémères autoconstruits.
164
Les pièces de la maison éclatée
165
Le bureau
E
lément fédérateur de la maison, le bureau est la première architecture qui s’installe sur la ZAC. Cela se justifie par sa programmation hybride qui réunit trois fonctions : la plateforme informatique, une maison de chantier, un acueil de jour.
100m 166
167
Définition programmatique
Pour comprendre notre choix programmatique, nous allons tenter de définir le mot “bureau”. Pour la maison éclatée, le terme de bureau est décliné en 3 notions qui décrivent les 3 entités programmatiques du lieu :
168
Un équipement public, la plateforme informatique Tel le bureau d’ordinateur, c’est un espace qui rassemble des informations et les organise, c’est à dire une plateforme informatique. L’objectif étant de : - donner libre accès à internet notamment aux personnes qui y ont difficilement accès. - donner des informations sur la vie du quartier au cours du chantier, sur le phasage de celui-ci et sur le fonctionnement de la maison éclatée. La plateforme informatique est un lieu de connexion entre les acteurs du projet. Le programme se traduit par : - un espace d’exposition - un espace d’information du chantier (présentoirs, bibliothèque) - un service informatique en libre accès Une maison de chantier Un bureau se matérialise dans le quotidien par une table, soit un support de travail mais aussi par un lieu de travail, soit dans le cas de la maison éclatée un bureau de chantier. Ainsi la maison de chantier est un lieu accessible aux usagers du quartier pour des réunions de concertation ou réflexion sur le phasage du chantier mais surtout un lieu dédié aux techniciens des chantiers en cours ou à venir. Le programme se traduit par : - un lieu de réunion, de regroupement - un bureau privé réservé aux techniciens du chantier - WC et kitchenette
169
Un accueil de jour Par définition, un bureau est également un établissement chargé de service administratif. Géré par des travailleurs sociaux, le bureau est un lieu d’aide administrative, d’accueil et d’orientation pour les personnes précaires en réinsertion sociale (recherche d’emploi, de logement…). La localisation de ce lieu aux abords du chantier favorise la mise en place de chantier de réinsertion participant à la construction du futur quartier en devenir. Le programme se traduit par : - un accueil de jour - un bureau collectif public - 2 bureaux privés
+ 3m
6m
Un kit transportable
Les éléments de cette architecture soit préfabriqués (les modules bois), soit industrialisés (les praticables) ou soit réemployés sont suffisamment légers pour pouvoir être transportés d’un lieu à un autre sans avoir besoin de moyens lourds (grues…). Le bureau, comme toutes les pièces de la maison éclatée, est voué à être déplacé tous les trois ans environ d’une ZAC en attente de chantier à une autre .
Détail structurel du module bardage bois 162 x 19 mm tasseau 15 x 20 mm pare-pluie isolant fibre de bois ép 120 mm pare-vapeur 0SB 3 - 15 mm Montant 120 x 45 mm Poteau 150 x 150 mm
170
+
Le kit du bureau est composé d’éléments distincts soit: - 6 volumes préfabriquées de 6 x 3 m conçus avec une simplicité de mise en œuvre -18 praticables environ -des planches en bois (épicea) pour le platelage du plancher des coursives de la plateforme -des planches en bois (épicea) pour le bardage bois des boîtes -une armature bois et de la terre pour le mur en pisé -des parpaings pour les fondations
Façade libre
Une architecture modulable Le volume est modulable. Il comprend trois panneaux fixes et un dernier dit “libre” s’adapte aux situations de mise en oeuvre. Cette façade, “non finie”laisse libre cours à l’appropriation et à l’autofinition. De même cette liberté est un moyen d’imaginer différents scénarios possibles concernant l’agencement des volumes : disposés côte à côte, accolés, décollés créant un espace suplémentaire. Ainsi le projet, avec les mêmes éléments de départ (le kit), peut s’agencer de différentes manières et procurer des réponses spatiales différentes qui rpeuvent répondre aux contraintes de différents sites. Pour l’implantation dans la ZAC Flaubert, nous développerons une possibilité de cette modularité.
Etude de la déclinaison de l’assemblage des volumes
171
PLATEFORME INFORMATION exposition Information du chantier Libre accès internet
Modularité : déclinaison programmatique des boîtes Le projet peut aussi être décliné en différentes organisations intérieures. En appliquant les besoins programmatiques du projet, le kit des 6 boîtes présente un mobilier adapté aux différents types d’usage (privé, public)
ACCUEIL DE JOUR
MAISON DE CHANTIER
bureau collectif public 2 bureau privé
lieu de réunion bureau privé pour le chantier WC/kitchenette
Bureau de chantier : usage privé
Salle de réunion : usage privé/public
Espace multimedia : usage public
espace information : usage public
Bureaux : usage privé
Bureau collectif : usage public
172
173
R+5
R+2/3 R+3
R+5
R+4
R+18
BUS ligne 13
R+1 R+14
rue S
taling
rad
ligne 16 RBUS ue
ECHELLE 1/1000 174
0
10
20
50
100m
A l’entrée de la ZAC A l’entrée de la ZAC, le bureau est à l’intersection de la coulée verte avec la piste cyclable et piétonne du futur parc Flaubert prévu aux alentours (c’est la première phase de projet de la ZAC), et la rue Stalingrad. Visible, le bureau marquera l’entrée dans la ZAC. Le bureau est implanté sur le chemin piéton.
175
176
Le bureau Ă Flaubert
177
la vie de quartier
la vie de chantier
178
Etape 1 : Co-conception et Auto-construction Projet open air librairie
Pour ce projet les architectes de Architektur + netzwerk ont pré-conçu l’agencement de la future architecture de la bibliothèque. Ils ont testé in situ leurs esquisses en organisant un temps festif avec les habitants du quartier afin de leur faire partager leurs intentions de projet. Le projet a ensuite été construit. Préfigurer l’architecture pour la faire tester aux habitants me semble être une bonne méthode pour penser la co-conception de nos architectures dans les différentes ZAC d’implantation.
Construction du mur
S’installer dans l’épaisseur du mur pour créer une interface favorisant du lien entre la vie du quartier et la vie du chantier.
Ce mur est un véritable équipement public à lui seul. Construit sous forme de chantier participatif, ce mur est en pisé. Ce premier élément construit marque le point de départ de la construction du bureau (et de la maison éclatée) qui rassemble les acteurs du projet. De même, dans l’épaisseur du mur sont intégrées des assises afin d’animer l’espace public. Ce mur est voué à rester après le départ des pièces de la maison éclatée en 2016, il laisse une trace. Tel un mur d’affichage, des informations quotidiennes sont affichées pour informer les usagers du quartier des travaux de la ZAC, d’évènements du quartier, du fonctionnement de la maison éclatée et des informations indispensables pour la vie du quartier en chantier. Ce mur joue un rôle essentiel pour le bon fonctionnement du bureau qui fait le lien entre les différents projets de la maison éclatée. Un évènement festif marque les débuts des travaux.
Les praticables Pliables et
réglables les praticables sont disposés, aux beaux jours, pour créer un espace public au sein du bureau. A l’image d’une agora les praticables offrent diverses possibilités d’usage : amphithéâtre, assises à hauteurs différentes. En fonction des activités prévues: projection en plein air, réunions publiques, les praticables apportent une flexibilté au projet, flexibilité qui va de pair avec les enjeux énoncés.
179
Etape 2 : La plateforme Comme le montre le schéma ci-contre, la conception du projet a mis en avant les degrés d’intimité du projet afin de dissocier les espaces publics et privés ( voir réflexion menée dans la partie I). Les espaces sont en effet partitionnés pour définir au mieux les différentes fonctions. La plateforme est un espace public qui peut fonctionner indépendamment des boîtes. Les ouvertures des modules étant de 10h à 18h. Adapté à la ZAC Flaubert, ce projet, de par sa modularité (éléments gabarits préfabriqués), peut prendre une toute autre disposition dans une autre ZAC.
public semi-public privé
180
181
Plan et coupe
0 1 2 3
182
5m
PISTE CYCLABLE
CHEMIN PIETON
PLATEFORME INFORMATION
PATIO
183
ACCUEIL DE JOUR
La bagagerie
P
armi les quatre projets que nous présentons, la bagagerie est un programme qui accepte le fait que certaines personnes vivent de manière très précaire, sans pourtant en accepter les conditions. C’est une position que nous prenons : le projet de maison éclatée offre la possibilité à des personnes sans demeure propre de mieux vivre la ville. Car l’habitat ne se réduit pas à la simple question de l’espace intérieur privé, mais également à ce que la domiciliation permet de vivre par ailleurs. Pouvoir circuler librement, sans sa maison sur le dos, c’est davantage d’autonomie et de chances de s’en sortir. La bagagerie, c’est donc un premier pas pour se poser quelque part, afin de bouger plus facilement.
100m 184
Le programme de la bagagerie est une véritable demande ascendante. L’idée a émergé lors de réunions, les Parlons-en, qui réunissent une fois par mois à Grenoble professionnels du réseau d’accueil et personnes en difficulté, dont des personnes SDF. Il en existe actuellement très peu en France qui fonctionnent de manière autonome. Elles sont généralement intégrées à des structures existantes (lieux d’hébergements ou d’accueil de jour). Elles contiennent donc peu de casiers et s’adressent à un public restreint. Leur ouverture dépend également des horaires de la structure dont elles font partie. Or le rôle de la bagagerie, c’est avant tout d’ouvrir le matin et le soir, pour permettre à ceux qui habitent dans la rue ou dans des habitats peu sécurisés de déposer leurs affaires la journée. Cela permet de se lancer dans des démarches telles qu’une recherche de travail ou de logement, sans la stigmatisation qu’inflige automatiquement le port des bagages. Le sujet au premier abord ne nous paraissait pas digne d’un projet de diplôme ! Les enjeux tels qu’on nous les avait présentés à La Fabrique de solutions pour l’habitat,, étaient davantage d’ordre technique. Comment assurer la sécurité des bagages sans un système haute technologie ? Comment gérer le lieu ? Comment le financer ? Puis à travers la réflexion que nous menions, l’idée d’une «maison éclatée» dans laquelle la bagagerie serait à la fois le hall d’entrée et le grenier nous a séduit. A l’envie de travailler sur un projet social s’ajoutait une dimension poétique.
La bagagerie Mains Libres à Paris La solution du fonctionnement était par ailleurs sous-jacente : il existe depuis plusieurs mois dans le quarter des Halles à Paris une bagagerie gérée par une association composée de personnes SDF et d’habitants du quartier, l’association Mains Libres. Le fonctionnement fait ses preuves depuis son ouverture. Il permet en effet la rencontre entre des publics très différents. Cette collaboration a permis à certains de trouver un emploi, à d’autres d’intégrer un logement, et au voisinage de mieux comprendre le quotidien des sans-abris. Le système d’adhésion à l’association et de contrat signé permet aux encadrants d’interdire les objets illégaux, sans pour autant avoir à vérifier les sacs systématiquement. Alors que nous
185
avancions l’hypothèse d’un projet qui se greffe sur les mouvements de la ville, et utilise le temps du chantier pour s’installer provisoirement, nous découvrions que ce projet de bagagerie s’installaient dans des cabines du chantier des Halles. L’existence du projet Mains Libres renforce donc nos convictions sur la faisabilité du programme.
Bagagerie / belvédère / laverie Puisqu’on s’installe sur des terrains vacants de la ZAC Flaubert, quartier gelé par des travaux sur vingt ans, les projets doivent apporter un plus au quartier. La bagagerie prend donc le double rôle de bagagerie / belvédère de chantier. Ce statut est également doublement symbolique. La bagagerie a pour but de domicilier des sans-abris dans une certaine dignité, rendue visible. Le belvédère est un signal dans le paysage, permettant aux passants de s’élever pour constater d’en haut l’avancée des travaux de la ZAC. À cela s’ajoute une troisième fonction, celle de la laverie. Ce service est à la fois relié à la bagagerie et ouvert à tous (on l’imagine payant lors des horaires de fermeture de la bagagerie).
laverie
belvédère bagagerie
FUTUR PARC FLAUBERT
S
VELO
OT RTHEL E B E ENU
AV
T . ARRE C M A TR
MC2 0
186
4
Le choix du site
S
uite à ces réflexions, le projet de bagagerie s’installe sur une entrée de la ZAC Flaubert. Le site se trouve en face de la maison de la Culture, sur la ligne du tramway C. C’est une situation stratégique, accessible et bien visible depuis le boulevard et la ligne de tramway. L’espace communique avec les trois autres architectures du projet par le biais du futur parc Flaubert, artère centrale du projet urbain des Atelier Yves Lyon pour la ZAC, réservé aux parcours piétons et cyclistes. Le terrain est actuellement un parking sauvage, bitumé en partie, d’environ 35 m de profondeur et 30 m de large. Le futur parc longe le terrain côté sud. Les arbres en bordure et au centre du site apportent de l’ombre sans obstruer complètement la vue sur la première phase de travaux de la ZAC. Un ancien entrepôt délimite le fond de la parcelle. Une maison abandonnée ferme l’espace côté nord. Ces deux bâtiments sont aujourd’hui occupés par des familles, alors que la mairie de Grenoble tente de vider les bâtiments industriels afin de récupérer le foncier. Enfin, sur cet emplacement se trouve la future tour du quartier Flaubert : une tour envisagée initialement à 32 étages. Les polémiques auprès des habitants de la ville ont déjà forcé les urbanistes à repenser la hauteur de la tour. Tous ces éléments participent au rôle que doit jouer la bagagerie / belvédère dans le paysage en chantier du quartier Flaubert : un outil d’information et de communication pour la transformation du quartier, et un point de repère pour des personnes en errance.
187
Développement du projet ETAPE 1
Les grands principes qui ont guidé le dessin -Accumulation et réemploi: La bagagerie, c’est à la fois mettre ses affaires en sécurité au quotidien, et conserver les objets qu’on aimerait garder avec soi plus longtemps. Le quotidien se gère dans les placards accessibles de la maison ; les souvenirs sont au grenier. Aussi l’espace doit permettre l’accumulation. De cette idée est née l’image d’une architecture manifeste du réemploi. Des bidons remplaceraient les casiers de la salle des bagages. Des bouteilles vides récolteraient des souvenirs dans un espace plus intime. Ces éléments seraient à la fois les parois et le mobilier de la bagagerie. Leur visibilité depuis l’extérieur participerait à l’image d’un bâtiment aux matériaux recyclés, récupérés, stockés, chargés d’histoire. Le bâtiment exploite ainsi les potentialités du réemploi, de son processus de construction collective jusqu’à la qualité sensible de ses espaces intérieurs. On s’est alors appuyé sur l’image de la maison recyclée Officina Roma du collectif Raum Labor berlinois, exposée au musée Maxxi de Rome en 2010.
Officina Roma, Raumlabor Berlin
-Grenier et mémorial: La partie grenier serait davantage un mémorial. Nous avons rencontré par le biais de La fabrique de solutions pour l’habitat les membres du Collectif des morts de la rue. Ce projet existe dans de nombreuses villes françaises et a été
188
Mémorial à la mémoire des victimes des attentats de Madrid
monté récemment à Grenoble. Ils ont pour objectif de montrer que le non-logement fragilise les personnes jusqu’à la mort, même en été, et malgré les plans grands froids. Ces mesures ne sont pas suffisantes pour accueillir le nombre grandissant de personnes amenées à vivre dans la rue. L’action militante du collectif passe par le biais de l’information et de la communication. Ils cherchent à exposer le problème sur l’espace public afin d’interpeller les habitants et les pouvoirs publics. Dans un deuxième temps ils veulent créer une plateforme de communication permettant aux personnes de ne pas mourir dans l’anonymat. Nombreux sont ceux qui témoignent ne pas avoir été prévenus des funérailles d’un ami de la rue. Redonner à chacun sa dignité donc, mais aussi interpeller le grand public. Nous pensons que l’espace de la bagagerie peut également porter ce projet, par le biais d’une scénographie au sein du parcours du belvédère. -S’élever: En définissant le rôle de la bagagerie et du belvédère nous avons défini l’importance d’une architecture signal. La forme verticale participe à cela. Elle permet également de s’élever pour donner à voir au loin l’évolution des travaux du quartier. Comme il s’agit d’une petite architecture, l’idée n’était pas de monter très haut et d’en faire une prouesse technique, mais plutôt de créer un lieu de halte hors sol qui place le public sur un point de vue face au chantier. Le porte-à-faux était alors envisagé pour accentuer l’impression de se trouver au-dessus du sol.
189
Hiérarchisation des espaces Espaces chauds minimum, espaces froids modifiables La partie salle des casiers, mémorial et belvédère sont des espaces qui n’ont pas besoin d’être chauffés. Les espaces chauds sont donc réduits au minimum : ce sont un bureau d’accueil de la bagagerie, la pièce de la laverie, une salle permettant l’attente au chaud (avec machine à café, fauteuils, canapés et sanitaires). Ces espaces techniques pouvaient chacun contenir dans un module préfabriqué de 3 x 6 m sur 2,50 m de hauteur. Hiérarchiser ainsi les espaces a permis d’opter pour trois modules préfabriqués, facilement transportables et déplaçables en camion. La construction de la salle des casiers, du belvédère et du mémorial, non isolée donc plus légère, serait modifiable à chaque installation sur un nouveau site. Programme hybride : définir la place de chacun La difficulté du programme consiste à croiser en un même lieu des publics très différents. Les accueillis de la bagagerie forment en effet un sous-groupe qui risque de dominer les espaces communs. La présence des chiens, de l’alcool et des drogues, rendent la cohabitation difficile. L’idée est donc de multiplier les espaces de «respiration», ouverts, couverts ou intérieurs permettant la rencontre. Les seuils et entrées sont également multipliés pour permettre différents parcours et apporter davantage de discrétion. Les espaces extérieurs de rencontres doivent également être
Temps 1
Temps 3
protégés du regard depuis la rue, et depuis le belvédère, afin que celui-ci ne devienne une «tour de contrôle».
Participation
composés d’une structure de type Algeco évidée, et d’éléments de réemploi formant à la fois le mobilier et le remplissage des parois. La salle de casiers est donc remplie de bidons, le mémorial est fermé par des parois en bouteilles accumulées. Temps 3 : Les espaces de rencontres et la montée du belvédère font l’objet d’un projet d’autoconstruction par les utilisateurs de la bagagerie. Ce sont des planchers en bois accrochés en porte-à-faux aux modules préfabriqués, et dont la forme découle du rapport avec le site, les arbres, la vue. Temps 4 : La vie de la structure est ensuite porteuse de projets : l’appropriation du lieu se fait par l’ajout de rideaux de protection pour des espaces plus intimes, une nouvelle scénographie ajoutée au mémorial, la confection de meubles pour les terrasses de la bagagerie.
A chaque étape du chantier, intégrer les gens à l’acte de construire Les trois modules chauds étaient dans un premier projet conçus comme une masse structurelle sur laquelle s’appuyer afin de s’élever. La solution retenue était de les empiler. Les espaces de rencontres extérieurs étaient par la suite ajoutés en porte-à-faux à cette structure, afin d’élargir les espaces intérieurs de base. La construction se faisait alors en quatre temps : Temps 1 : coulage de la dalle, empilement des modules, installation des escaliers. Temps 2 : Les modules froids sont
190
.
ETAPE 2
Faisabilité du projet La deuxième partie du travail a fait l’objet d’une réflexion plus poussée sur le principe structurel et le fonctionnement du lieu. Simplicité constructive On imaginait dans le projet initial des espaces en porte-à-faux. Cette structure complexe ne correspondait pas aux objectifs de simplicité constructive que nous nous étions fixé. Le module préfabriqué de type Algeco est pensé pour des configurations restreintes. Le nombre de modules empilés ne peut excéder trois niveaux, à moins d’ajouter une structure porteuse extérieure, et son empilement est proportionnel au nombre de modules accolés au sol (trois modules au sol, possibilité de monter à R + 2). Les forces sont reprises verticalement aux quatre angles, il n’est donc pas possible de créer des décalages. La question de l’accessibilité était par ailleurs restée en suspens. Bien que le monte-charge était envisageable, cela complexifiait le fonctionnement de la bagagerie. On a testé plusieurs configurations des modules au sol, en imaginant que le belvédère serait une structure autonome mais toujours reliée à ces espaces chauds. On hésitait également entre un module préfabriqué industriellement et une boîte en ossature bois. Elle serait dessinée pour le projet, et préfabriquée par des artisans locaux. Cette deuxième solution est finalement plus économique. Elle nous permet aussi de penser le volume dans sa capacité à s’adapter aux différentes architectures.
casiers, récupération des bagages, gestion de la laverie), et de l’autre sont propices au calme, à la méditation et à l’observation (accueil des personnes, belvédère de chantier, mémorial, salle d’attente). A l’articulation de ces espaces lents et rapides se trouvent les espaces de «respiration», assez larges pour permettre les rencontres. L’espace lent est placé en arrière du bâtiment. L’espace rapide est bien visible depuis la rue. L’architecture se déploie donc sur un axe parallèle au boulevard. On a tenté différentes articulations entre les espaces extérieurs, les modules en bois préfabriqués, et les volumes fermés par des racks à palettes.
solution 1
On a ensuite testé la structure des espaces froids (salle des casiers, belvédère) en racks à palettes. Ces éléments industriels permettent de ranger les bidons qui composent la façade et le mobilier de la salle des casiers. Ils contiennent également les bidons créant une scénographie le long de la montée du belvédère. Seuls un grillage et une toiture sont à rajouter pour sécuriser ces deux espaces et les protéger de la pluie. La forme suit la fonction En imaginant plus loin le fonctionnement du lieu, nous avons dégagé une hypothèse d’organisation spatiale plus précise. Le programme est en effet constitué d’espaces qui d’un côté nécessitent une gestion rapide et efficace (inscription des personnes, stockage dans la salle des
191
hypothese retenue
Construction
Temps 1 : coulage de la dalle et mise en place de la structure en racks à palettes portà-faux
Temps 2 : Installation des modules préfabriqués en bois, installation des bidons et du grillage de la salle des bagages : certains bidons servent de scénographie pour le belvédère / mémorial
Temps 3 : Aménagement des circulations du belvédère, du monte-charge, et de la nacelle immobilisée qui forme la plateforme du belvédère. Le mémorial se situe sur ce parcours : c’est un projet à développer.
Temps 4 : Une fois installés, les espaces sont modifiables et appropriables. La structure initiale est une base sur laquelle construire.
192
193
DĂŠtails constructifs
194
195
Plan et coupes
La salle commune et la salle des bagages
Lâ&#x20AC;&#x2122;espace central et le volume accueil bagagerie
196
La buanderie
0
4
0
4
0
La buanderie
La salle commune et la salle des bagages
Lâ&#x20AC;&#x2122;espace central et le volume accueil bagagerie
4
197
198
La bagagerie Ă Flaubert
199
La cuisine publique
C
e lieu questionne notre rapport à l’intimité. Cuisiner en public n’est pas une pratique courante, tout autant que manger à la table d’inconnus. Ce lieu propose une rencontre à cheval entre le privé et le public.
100m 200
Une cuisine dans l’espace public La cuisine est conçue pour s’installer sur la voie publique. En effet, lors de la requalification d’un quartier, il arrive fréquemment qu’une voirie soit coupée de facon temporaire ou définitive. Large de 2,5 mètres, les modules peuvent également s’assembler par deux et ainsi occuper une place de parking inutilisée. La cuisine publique prend alors tout son sens en s’installant sur la rue, revendiquant son identité d’espace public, ouvert à tous. Ci-contre, schéma d’adaptabilité à différents sites
La structure
La structure se compose d’une serre (type tunnel), de palettes recouvertes d’OSB ainsi que d’une couverture composée de différents textiles ou plastiques. Le contreventement de la structure se fait par la rigidification du module sanitaire par des panneaux de bois.
201
photo de b.bec, Mai 1989
202
203
Recherches
Recherche pour structure mobile
La cuisine “à quai”
Le passage est maintenu sur la voie. Le piéton passe entre les batiments
Recherche pour le choix des matériaux. Ici, des coffrages pour béton
Essai pour une structure parapluie
204
Éléments de mise en place de la participation
Recherche pour les trames de la structure et des palettes
Essai pour une structure en croisée d’ogive
205
Spatialiser les différentes fonctions Le sol constitué de palettes recouvertes d’OSB est support de la participation. Les différentes fonctions de la cuisine sont signifiées par des peintures au sol. Ainsi les participants à l’installation de la cuisine peuvent agencer les différents espaces tenant compte des relations qu’ils entretiennent entre eux ainsi que des dimensions necessaires au bon fonctionnement du lieu. Ci-contre une palette peinte Ci-dessous les différentes fonctions de la cuisine
206
Le mobilier
Les tables et les plans de travail sont constitués selon la même technique constructive et les mêmes sections de bois. Peu d’éléments diffèrent d’un mobilier à l’autre. Ainsi, différentes personnes peuvent intervenir à la réalisation du mobilier.
Modules techniques De la même dimension qu’une palette, certains modules, plus techniques permettent d’accueillir des fonctions telles que les toilettes ou le poêle. Ainsi, après chaque déménagement, les parties les plus complexes sont déplacées par transpalette sans être démontées. Par la fabrication de mobilier métallique, ce dispositif permet ainsi de sécuriser l’équipement de la cuisine. Ci-contre le mobilier Ci-desous les modules techniques
207
Un mode d’emploi échelle 1 Chaque éléments constitutif de la cuisine est marqué d’un code aidant au montage et démontage de la structure.
Ci-dessus, Gabarit d’aide au montage d’un portique de table à pique-nique réalisé à la piscine. Ci-contre, Détail sur la structure de la cuisine et son mode d’emploi.
208
209
210
La cuisine de Flaubert Une voirie oubliĂŠe photo du site
211
Un site à l’articulation entre deux environnements S’installant à quelques centaines de mètres des premiers grands chantiers de la ZAC, du nouveau Parc Flaubert, de la Bifurk ainsi que du Fournil (restaurant solidaire) la cuisine est lieu de rencontre pour différents publics. La partie sud du quartier sera aménagée à partir de 2020, faisant de la cuisine un lieu à l’articulation de deux environnements différents. Ci-contre, plan de situation
Ru e
Gu st
ave
Fla u
ber
t
Le
Ru e
Pro sp
er M érim
ée
212
Fou r
nil
20
m
Ci-dessous, plan de la cuisine Ci-dessous croquis été/ hiver
213
Coupe été
Coupe hiver
214
215
La cuisine Ă Flaubert
216
217
Les chambres
L
e projet des chambres constitue la pièce la plus intime et privative de la maison éclatée. Il s’inspire des qualités du squat - faire ensemble, vie en communauté - et cherche à le concilier avec la vie du quartier, urbainement et humainement, en posant quelques règles simples. On invente des règles de vies en s’inspirant du projet de La Place. On les questionne par les règles de l’architecture: quelle faisabilité, quelle surface, quelle implantation, quels degrés d’intimité? Il s’agirait d’expérimenter un projet architectural avec une douzaine de personnes, en couple ou célibataire. Ce projet n’a pas pour vocation d’accueillir tout le monde ni de correspondre à tout type de personnes, il concerne un groupe restreint d’habitants qui se constituerait à l’amont du projet et souhaiterait s’essayer à un “vivre ensemble”. Le projet a été pensé pour être habitable dès le début des travaux et autoconstruit collectivement. Il propose une transition d’une situation difficile, voire conflictuelle vis à vis du logement, à un confort qui s’acquiert peu à peu, par la construction.
100m 218
Fonctionnement: CHRS de stabilisation:
Imaginer le fonctionnement du lieu a été longtemps difficile, d’autant plus que cela revient à écrire un projet éducatif, chose qui n’est pas de notre ressort. Seulement il était indispensable d’imaginer un cadre social pour pouvoir imaginer comment lui donner forme autrement, pour que ça ne ressemble ni à un foyer glauque, ni à du logement social hypernormé, ni a un lieu insalubre. C’est finalement la lecture des rapports d’activité de la Place et la découverte du projet de l’agence SANS DOMICILE FIXE (Agence équilibre) qui a permi le déclic. Nous nous inspirons du programme de ce dernier, tout en l’adaptant à la fois à nos reflexions et aux contraintes techniques que nous nous sommes fixées (déplaçable, montable sur une plus petite surface, etc.). Il s’agirait donc d’un lieu où les règles de vie seraient plus souples que dans un CHRS classique : les animaux y sont acceptés, le lieu est ouvert toute la journée, évitant une remise à la rue matinale et forcée. Il permet une vie en collectivité et un espace personnel minimum pour vivre dans de bonnes conditions et ne plus être dans l’urgence.
Projet Sans Domicile Fixe pour la Place , agence Équilibre
Module transportable du projet Sans Domicile Fixe
Refuge urbain:
En partenariat avec la maison du tourisme, une des chambres sera dédiée à accueillir des voyageurs pour quelques nuits. Le but est double: proposer à des gens de vivre pour un temps l’expérience du projet, et ouvrir la structure à des personnes extérieures pour éviter l’effet d’enfermement. Il s’agit donc d’une sorte de chambre d’ami. Afin de faciliter la gestion du prêt de cette chambre, il est envisagé de créer un partenariat avec la maison du tourisme. Cette proposition, qui peut paraître incongrue, a un autre but: celui de changer de regard sur le CHRS en le rendant ouvert, visitable, en en faisant un lieu à voir lorsqu’on passe à Grenoble.
Cabanes...
219
Recherches
Recherche modularitĂŠ et appropriation
Recherche Rack Ă Palette
220
Recherche chambre: quelle structure? Jusqu’où est-elle appropriable, mutable?
Recherches façades: panneaux amovibles?
221
Le choix du site
La parcelle envisagée pour “éprouver” le projet appartient à la mairie. Elle se situe à proximité du projet du bureau, au croisement de la rue Jacquard et de la rue Honoré de Balzac. En face de la parcelle se trouve un terre-plein central planté de plusieurs pins, sorte d’île urbaine. Là se trouve actuellement un parking sauvage. On peut y dégager une surface au sol de 12 m par 12m, soit 144m2. Comme on peut le voir sur la photo ci-joint, elle jouxte un bâtiment de 5 étages dont le pignon est aveugle. Le projet va donc chercher à créer un dialogue avec ce bâti existant: il peut s’appuyer contre, ou au contraire s’en éloigner pour créer une venelle.
222
R u e J a cquard
e orĂŠ d Hon Rue
c Balza
223
Le principe constructif:
Le kit: La structure est composée de racks à palette. Ces éléments industrialisés sont peu coûteux, très facilement trouvables et permettent une mise en oeuvre facile tout en supportant le lourdes charges.
Après plusieurs esquisses, la logique constructive retenue fut la suivante: proposer une structure modulable facile à mettre en oeuvre qui sert à porter des plateaux libres. La forme générale de cette structure définira la qualité du rez-de-chaussé (couvert ou non, plus ou moins ouvert sur la rue...), le nombres d’étages souhaités, la surface de plateau necessaire à acceuillir le nombre de chambres voulue. Sous ces plateaux libres viennent se glisser des volumes qui constituent les chambres ou les espaces partagés. Le choix de disposition des volumes crée des entredeux qui seront appropriables, à définir.
Les espaces collectifs sont basés sur le module de 3x6 m utilisé dans les projet bureau et bagagerie. Ils servent de support à certains éléments porteurs et jouent à ce titre le rôle de fondation et rigidifient la structure. Un module sert pour les sanitaires, un autre de bureau pour les accompagnateurs sociaux, un dernier est une salle commune chauffée. Les chambres sont également préfabriquées en panneaux bois, elles mesurent 2,5 x 3 m et peuvent donc être transportées par camion. en jaune les éléments préfabriqués en orange, les éléments à monter sur place
224
lectif
col space
E
au Bure
l
avai
e tr ipe d
équ
s
taire
Sani
es
r Pout
is
n bo
is e treill
res
mb Cha
n
rbai
ge u Refu
lette
pa ck à
Ra
bois
rs ( nche
Pla
liers
Esca
225
age)
offr de c
s
disé
dar stan
Raccordement eau-electricité
Livraison par camion des volumes chauffés
Formation d’une cours en RDC
Livraison de la structure en rack à palette
Montage de la structure + planchers et circulations
Montage de la charpente
Toiture et façades
Arrivée des volumes des chambres
226
L’histoire commence... Installation des façades, aménagement de la cours, du toit terrasse, des entre-deux...
227
Etapes de chantier Pour dessiner ce projet, il a fallut se raconter une histoire, imaginer les ĂŠtapes dĂŠcisives de la construction de ce lieu de vie...
Ateliers de conception avec les futurs occupants
Chantier, auto-finition
228
Pendaison de crémaillère
Appropriation progressive des lieux
Réunions d’organisation du quotidien
229
Seuils Seuils thermiques et seuils d’intimité sont pensés ensemble. Le premier seuil, celui de la cour intérieure, est ouvert et non couvert. C’est le lieu le plus en contact avec la rue. Le second seuil, celui des plateaux, est couvert mais partiellement ouvert: on peut s’y retrouver deux à deux, y installer un salon, un espace de travail. Le troisième seuil est celui des espaces fermés partagés: kitchenette pour le petit déjeuner, bureau des accompagnateurs, sanitaires. Le dernier seuil est celui des chambres privative, simples ou doubles. Ces deux derniers espaces sont les seuls chauffés et isolés. En multipliant les degrés d’intimité, en ajustant leurs dimensions, on imagine implicitement que différents types d’échanges sociaux peuvent y être faits, pour rendre possible la vie collective mais également le retrait dans son chez-soi lorsque cela est necessaire.
230
Les chambres
L’espace des chambres a été pensé pour être optimisé au maximum. Il est assez grand pour s’y tenir debout, allongé, mais trop petit pour y passer toute la journée. Deux murs-meubles intègrent tous les éléments nécéssaires au rangement, au couchage, etc. Les meubles les plus encombrants, à savoir le lit et le bureau, sont éscamotables. De longues fenêtres à 1m du sol créent une ambiance apaisée, il faut être assis pour voir par la fenêtre.
1,75m
2,70m 3m
1,55m 2,45m
231
place à l’hospitalité urbaine
232
233
A
près six mois passés ensemble à construire ce projet, qui n'est pas seulement celui d'un diplôme, mais également celui de la Piscine, Fabrique de Solutions pour l'Habitat, nous avons chamboulé notre vision du métier d'architecte. Chaque mardi, nous animons les ateliers. Les autres jours de la semaine nous élaborons ce projet de fin d'étude. Les deux se rejoignent pourtant, et c'est bien là que nous avons trouvé notre force. Sans cesse nous avons tenté de mettre à l'épreuve nos idées, et sans cesse les expériences ont nourri nos réflexions. Chacune d'entre nous a vu au travers du métier d'architecte quelles possibilités nous étaient données d'influer sur les processus qui fabriquent la ville pour "faire société". Nous avons ainsi compris que ce métier avait le pouvoir de peser sur le monde qui nous entoure. Nous en mesurons la portée et aspirons à l’exercer dans le respect de nos convictions. Nous avons porté au sein du projet et de notre discipline qu'est l'architecture des valeurs personnelles qui nous ont rassemblé autour de ce Projet de Fin d’Etude. Il est certain que cette expérience restera déterminante dans nos choix futurs.
234
T
out d’abord, merci à F. Very, P. Thepot, et F-L. Labeeuw pour leur ouverture d’esprit, pour nous avoir guidé tout au long de ce semestre, et encouragé dans nos diverses démarches. Merci également à toute l’équipe enseignante de M1 et M2 du master. Un merci particulier à Julie Martin pour son enthousiasme contagieux.
Merci à l’équipe des Arpenteurs qui nous ont permis de nous embarquer dans l’aventure qui nous a poursuivi jusqu’au diplôme. Merci à toute l’équipe de la Piscine et aux 4 jeudis avec qui nous partageons cette belle aventure : Edith, Noémie, Samy, Andréa, Jérémy, Ariste, Grégoire, et tous ceux que l’on croise régulièrement le mardi à la Fabrique de solutions. Merci à l’équipe du Point d’eau et en particulier Pascal pour sa présence et son art des phrases “slogan”. Merci également à tous ceux qui ont accepté de se prendre au jeu des cartes mentales, pour leurs témoignages marquants. Merci à toute l’équipe du Fournil pour nous avoir fait confiance et nous avoir permis d’essayer, à nous aussi! Merci à toutes les personnes qui nous ont accordé des entretiens: Jean-Michel de la Patate Chaude, Christophe Bardet de l’Etablissement Publique Foncier Local, Olivier Baverel pour ses conseils techniques, Yvonne Lafarge de l’Amicale Nid qui nous a témoigné de son expérience. Vos informations ont été précieuses pour l’élaboration de ce projet de fin d’étude. Merci à nos familles pour le soutien moral qu’elle nous ont fourni, leur patience, leur écoute. Lucia, bienvenue dans ce monde. Merci à Claude Loupiac d’avoir su transmettre sa passion pour l’architecture. Enfin, un grand merci à tous nos colocataires respectifs: Agathe, Jeanne, Esther, Pierre-Marie, Estelle, Julien, Carole, Fanny, Stéphane, Isis et Florent.
235
LA PISCINE
RÉCAPITUALTIF MÉTHODE DE TRAVAIL
Janvier
Février
Mars
Semaine d’inauguration Chantier d’une semaine Aménagement de l’espace bricolage
Collecte d’outils ambulante dans le quartier. Faire connaître le projet aux voisins
Finition du Auvent Atelier Jardinière Jardin de la Viscose
Communication carte postale
ENTRETIENTS
COLLECTIF ETC Conférence sur l’errance de Patrick à POINT D’EAU
LE FOURNIL Parlons-en Visite de POINT D’EAU Cartes mentales Réunion habitat mobile avec ESCA ARPENTEURS Visite au squat des Erythréens
Jean-Michel de LA PATATE CHAUDE 4 jours de formation à la concertation - ROBIN DES VILLES Réunion UN TOIT POUR TOUS
PROJETS MARQUANTS
Capacitation citoyenne La Piscine ! TYIN ARCHITECT, Klong Toey Community Lantern
J Beller, Expérience intersticielle KARO* ARCHITEKTUR+NETZWERK Open-Air-Library
Démarche HCAC
COLLECTIF ETC, Place au changement A. HERINGER School in Rudrapur
“l’impermanence devient du possible”
Avancement du projet Retour hebdomadaires de l’équipe stress pédagogique motivation + rendus
“La ville est une grande maison et la maison est une petite ville”
Visites des ZAC grenobloises Concept de maison éclatée 236
Avril
Mai
Juin
3 Ateliers de concertation au Fournil: Co-programmation Maquette à l’échelle 1 Réunion organisation du chantier
Atelier participatif Solexine Aménagement de la cours du Fournil, conception et préfabrication
Aménagement de la cours du Fournil: chantier sur place
IUT Génie civil, travaux d’étudiants sur la BIFURK O BAVEREL, professeur de structure J MARTIN, enseignante master 1 Réunion COLLECTIF DES ASSOCIATIONS LUTTANTS CONTRE LA PRÉCARITÉ Entretien avec PY GIVORD (Juge)
Etablissement Publique Foncier Local. C BARDET
E
IS M EN RM
FO
Réunion UN TOIT POUR TOUS Rencontre avec les compagnons bâtisseurs
E E
PF
La Place, Grenoble Sans Domicile Fixe, projet pour la Place, Agence équilibre
Squatt de la préfecture, aménagement
Yvonne Lafarge, sous-directrice de l’Amicale du Nid Bel-air Jagaa Creative common Ground, Bangalore D HARVEY, Le capitalisme contre le droit à la ville Politique de la ville Social-Psychologie Architecture Association militante
“Inventez un scénario !”
Programmation hybride Petits équipements publics
“Il faut faire un cahier des charges”
“Le regard de l’architecte doit aller au delà du trou de la serrure”
“Vous devez être garants de la faisabilité du projet”
237
LA PRÉCARITE :
habitat et pratiques urbaines
Ouvrages (par orde alphabétique) F. BOUILLON, Les mondes du squat, anthropologie d’un habitat précaire, PUF/Le Monde, 2009 P. DECLERCK, Les naufragés, avec les clochards de Paris, Pocket, 2006 FONDATION ABBE PIERRE, L’état du mal-logement en France, 17 ème rapport annuel, édition Fondation abbé Pierre, 2012 V. LAFLAMME, C. LEVY-VROELANT, Le logement précaire en Europe, aux marges du Palais, ed. L’Harmattan, 2007, collection “Habitat et Société” D. ZENEIDI-HENRI, Les SDF et la ville, géographie du savoir-survivre, Ed. Bréal, 2002
Revues / thèses / articles C. AMISTANI, N. JOUENNE, G. TEISSONNIERES, errances urbaines, recherche en ethnologie urbaine, thèse, 1993 Version electronique 2006 : http://hal.inria.fr/docs/00/06/95/24/PDF/errances_urbaines.pdf D. CEREZUELLE, «Crise du «savoir habiter», exclusion sociale et accompagnement à l’autoréhabilitation du logement», revue idées pour le débat, entreprises et biesn publics, n°5, 2007 D. LAUMET, Entretien avec David LAUMET, coordinateur de La Place, un centre d’hébergement et de stabilisation sur Grenoble, propos recueillis par Les Rensignements Généraux, 2010 Version electronique : http://www.les-renseignements-genereux.org/var/fichiers/textes/Interview_David_LaPlace.pdf
Conférences vidéo J. BELLER, architecte, la question de l’hebergement «Quel est/quels sont le(s) futur(s) de l’habitat pour les précaires du logement? Réflexions, tendances et perspectives» http://www.dailymotion.com/video/xo6v6b_hebergement-julien-beller-architecte_news Conférence, de J. SALAS, L’architecture en tant qu’outils de lutte contre la pauvreté, ENSAG, mars 2012 238
Sites internet Site officiel de la piscine, fabrique de solutions pour l’habitat : http://www.fabriquedesolutions.net/ NO MAD’S LAND, association oeuvrant pour l’habitat des gens du voyage : http://www.bm-limay.fr/files/nomad.pdf Site officiel des compagnons bâtisseurs : http://www.compagnonsbatisseurs.org/ Entretien avec David Laumet, Les renseignements généreux : engen@no-log.org La Place, centre de stabilisation, JT France 3 Grenoble 14 décembre 2010 : http://www.youtube.com/watch?v=x-JxlQSpSKs
Réunions Réunion Parlons-en, Grenoble Réunion à La Piscine, fabrique de l’habitat, sur l’habitat mobile : http://www.fabriquedesolutions.net/ Réunion à La Piscine, fabrique de l’habitat, avec le Collectif des Associations de bénévoles luttant contre la précarité
239
LA VILLE :
urbanisme et architecture
Ouvrages, (par ordre alphabétique) P.BELLI-RIZ, La fabrication des villes, Groupe d’Etude de la Ville Régulière, 1995 P. BOUCHAIN, Construire autrement, comment faire? , L’impensé, actes sud, 2006 I.CALVINO, Les villes invisibles, Éditions Seuil, 1996 F. CHOAY, l’urbanisme, utopies et réalités, une anthologie, Ed. su Seuil, 1965 F. CHOAY, R. BANHAM, G. BAIRD, A. VAN EYCK, K. FRAMPTON, J. RYKWERT, N. SILVER, Le sens de la ville, Trad. de l’angl. « Meaning in architecture » par Jean-Paul Martin, Ed. du Seuil, 1972 A. DEPLAZES, Construire l’architecture : du matériau brut à l’édifice, Birhaüser, 2008 P. FREY, Learning from vernacular, Actes Sud, 2010 Y. FRIEDMAN, L’architecture de survie, la philosophie de la pauvreté, L’éclat, 2003 D. HARVEY, Le capitalisme contre le droit à la ville, Éditions Amsterdam, 2011 JM. HUYGEN, La poubelle et l’architecte, Actes sud, 2008 R. KOOLHAAS S. BOERI K. SANFORD N. T HU. OBRIST, Mutations, Actar / Arc en rêve, 2000 J. M. LEGER, la ville à livre ouvert. Lectures d’architectures et parcours en médiathèque, rapport pour le ministère de la culture, octobre 2006 F. LA CECLA, Contre l’architecture, Arléa, 2010 K. LYNCH, L’image de la cité, Dunod, 1969 R. McCARTER, Louis I. Kahn, Ed. Phaidon, 2007 A. MELISSINOS, M. REDOR, Espaces collectifs : rues et places, STU, 1980 A. RAPOPORT, Pour une anthropologie de la maison, coll. Aspects de l’Urbanisme, Dunod, Paris, 1972 B. SECCHI, Première leçon d’urbanisme, Parenthèses, 2006 F. STRAUVEN, Aldo Van Eyck, The shape of relativity, Architectura & natura, 1998 L. BENEVOLO, Histoire de la ville, Parenthèses, 1994 (réédition) 240
Documents officiels Aménagement du secteur Flaubert, premiers retours sur la concertation, Service urbanisme de la mairie de Grenoble, 2011 Possibilités de mutation, cartographie du foncier, secteur Flaubert, Service urbanisme de la mairie de Grenoble, 2011 Grandes orientations urbaines, plan masse quartier Flaubert, Service urbanisme de la mairie de Grenoble, 2011 Zac Flaubert : esquisse du parc, synthèse d’étude, Ateliers Lion architectes urbanistes, 2011 Rapport du CLUQ, 2011 : http://cluq-grenoble.org/WordPress/wp-content/uploads/2011/02/16.2.11-Densification1.pdf
Revues / thèses / PFE P. BOUCHAIN «Jouir d’habiter : pour une propriété sociale du logement», revue CRITICAT, n° 4, sept 2009 M. CRAWFORD, «L’urbanisme du quotidien», revue CRITICAT, n° 8, sept 2011 J. DONZELOT et R. EPSTEIN, Démocratie et participation : l’exemple de la rénovation urbaine. revue ESPRIT n°326, 2006 A. LE MARCHAND, Micropolitique de l’habitat non ordinaire, revue MULTITUDES, n 37,38, automne 2009 revue ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI, n 387, 2012 T. CANDELA, Architecture pouvoir invisibilité, TPFE 2007 S. VU, TPFE, juin 2007
Conférences vidéo et documentaires Conférence de Anne Lacaton, ENSAG, avril 2009 : http://www.grenoble.archi.fr/servideo/spip.php?article50 C. COELLO, Squat, la ville est à nous, C-P Production, 2011 I. FREMEAUX J. JORDAN, Les sentiers de l’utopie, Zone, 2011
Sites internet P. VASSET www.unsiteblanc.com/ Mairie de Grenoble : http://www.grenoble.fr/ Collectif vivre à Grenoble : http://www.vivreagrenoble.fr/ Les renseignements généreux : http://www.les-renseignements-genereux.org/ Bimby: Build in my back yard : http://bimby.fr/ 241
CULTURE ARCHITECTURALE Ouvrages L. FEIREISS R. KLANTEN, Space Craft, Gestalten, 2008 L. FEIREISS, Testify, the consequences of architecture, NAi Publishers, 2010 C. SINCLAIR K. STOHR, Design like you give a damn, Architecture for humanity, 2010 A. OPPENHEIMER DEAN T. HURSLEY, Rural Studio, Samuel Mockbee and an architecture of decency, princeton Architectural Press, 2002
Sites internet P. RIZZOTI, architecte, projet oasis nomade http://www.philipperizzotti.net/architecture/010-oasis-nomade-architecture-art-architecte-architect-paris-new-york/ Les grandes tables, cuisine du quotidien et de l’extraordainaire http://www.lesgrandestables.com/de-l-ile-seguin/actu/1970/01/24/les-grandes-tables-de-l-ile-seguin-prix-fooding-guide-2012-du-meilleur-decor P. BOUCHAIN, Le chapiteau du centaure 2002 : http://www.theatreducentaure.com/Chapiteau AGENCE PATRIARCHE, architecte, projet la maison de Rodolphe: http://www.patriarche.fr/fr/PROJETSREA/projetfiche/LaMaison-de-Rodolphe.html MADE IN TOKYO, Frédéric Gautron. Tokyo, Japon, 5 juillet 2007 : http://www.fgautron.com/weblog/archives/2007/07/05/ moriyama-house/ AGENCE EQUILIBRE : SDF http://www.equilibre38.com/EQU.Site%20Internet.Pages%20HTML/EQU.Site%20Internet. Equipe.html
Collectifs d’architectes RAUMLABOR, architectes, projet officina Roma : http://www.raumlabor.net/?p=5116 LE BRUIT DU FRIGO, Festival lieux possibles 2008 : http://www.bruitdufrigo.com RAUMLABOR BERLIN et PLASTIQUE FANTASTIQUE, Kitchen monument 2008 : http://www.raumlabor.net eXYZt et P. BOUCHAIN, La metavilla, biennale d’architecture de Venise 2006 : http://www.exyzt.org/ LA SEMAINE DES 4 JEUDIS, http://les4jeudis.com/
242
C
omment favoriser une production ascendante provenant des habitants euxmêmes ?
Répondre à cette question c’est réaffirmer le droit à la ville comme un droit à nous changer nous-même en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à nos désirs les plus fondamentaux (David Harvey). En s’installant dans les porosités de la ville, le projet propose à des initiatives locales d’occuper des parcelles disponibles pour une durée de trois ans dans les ZAC grenobloises. Ces occupations utilisent des délaissés urbains en perpétuel mouvement, respiration de la ville, permettant de revaloriser des espaces considérés jusqu’alors comme improductifs. L’appropriation temporaire d’espaces délaissés sur la ZAC Flaubert nous permet de développer notre démarche. La ville offre les ressources de survie. Où manger, où dormir, où se rencontrer ? Les personnes précaires vivent la ville comme une maison de par le réseau de structures d’accueil, les espaces publics et différents types d’habitats informels. Le projet s’inspire de ce fonctionnement. Il reprend ses qualités, c’est-à-dire un fort rapport à la rue et un accompagnement social continu. Proposant un programme hybride, le projet tente de redonner du sens à l’hospitalité urbaine au travers d’équipements publics, d’équipements pour les chantiers ainsi que des structures d’accueil pour les plus mal-logés. Ainsi, nous imaginons une maison éclatée composée de quatre «pièces» : la bagagerie/ belvédère, les chambres/refuge urbain, la cuisine publique et le bureau/maison de chantier. Le temps du chantier est un moyen d’intégration à l’échelle de l’édifice pour favoriser la participation des usagers au projet. Plus largement, cette démarche permet de prendre part au processus de fabrication de la ville.