La Russie en guerre et en Révolution : Le discours diplomatique de la presse française, 1905-1917

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Mémoire 2 professionnel / août 2013

Diplôme national de master Domaine - sciences humaines et sociales Mention - sciences de l’information et des bibliothèques Spécialité - cultures de l’écrit et de l’image

La Russie en guerre et en révolution : étude du discours diplomatique de la presse française entre 1905 et 1917.

Marie Leocmach

Sous la direction de Christian Sorrel Professeur des universités – Université Lumière Lyon 2

-1Droits d’auteur réservés.


Remerciements Mes premiers remerciement vont à M. Christian Sorrel pour ses suggestions d'orientation du sujet ainsi que ses remarques et conseils. Merci également à Mathieu L. pour ses aides techniques et à Anaïs P pour sa relecture. Merci enfin à Jules L. pour sa patience et ses commentaires avisés.


Résumé : Lors de la Révolution russe de 1917, le discours de la presse française est induit par le discours diplomatique et la propagande de guerre. En effet, l’événement russe a lieu en pleine guerre mondiale (1914-1918) dans laquelle France et Russie sont alliés. Il sera question d'étudier la presse française de 1917, ainsi que d'analyser l'évolution du discours de presse des années 1905 à 1917, afin de saisir la complexité de l'alliance franco-russe. Descripteurs : Presse -- France – 1905-1918 Guerre mondiale (1914-1918) -- Histoire diplomatique Russie -- 1905-1907 (Révolution) Russie -- 1917 (Révolution)

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Sommaire SIGLES ET ABRÉVIATIONS.....................................................................................7 INTRODUCTION..........................................................................................................9 I. LA RÉVOLUTION AU PRISME DE LA GUERRE..........................................14 1.1 L’alliance et la révolution patriote................................................................19 1.2. Méconnaissance et indifférence de l'actualité politique russe.................24 Le Gouvernement provisoire et le Soviet.............................................................25 Les partis politiques et les réformes en Russie...................................................28 II. L'EFFORT DE GUERRE EN PLEINE RÉVOLUTION................................32 L'alliance franco-russe : 1892-1917..................................................................32 2.1. Une guerre pour la révolution.......................................................................35 La guerre de la liberté..........................................................................................38 2.2. L'armée de la Russie révolutionnaire.........................................................46 La désorganisation de l'armée.............................................................................50 III. AU CŒUR DES TROUBLES RÉVOLUTIONNAIRES, UNE ANALYSE POLITIQUE INÉVITABLE.......................................................................................54 3.1 « L'anarchie russe" et la montée du pacifisme...........................................54 Un peuple manipulé par la propagande maximaliste........................................54 Lénine, premier des maximalistes, au service de l'Allemagne..........................59 La prise de pouvoir des maximalistes et la paix séparée..................................64 3.2 Image du régime tsariste : 1905 et 1917.......................................................65 Du discours anti-tsariste et pacifiste à l'effort de guerre..................................66 Une nostalgie tsariste au cœur de la révolution.................................................70 CONCLUSION.............................................................................................................75 SOURCES.....................................................................................................................79 Archive de presse :................................................................................................79 Sources complémentaires :...................................................................................80 BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................83 Presse et propagande sous la IIIe République...................................................83 Révolutions russe, 1905 et 1917..........................................................................86 Diplomatie internationale....................................................................................90 LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 -5-


TABLE DES ANNEXES.............................................................................................95 INDEX..........................................................................................................................111 TABLE DES ILLUSTRATIONS.............................................................................113 TABLE DES MATIÈRES.........................................................................................115

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Sigles et abréviations La datation : Toutes les dates données correspondent a des dates de publication en France : elles correspondent au calendrier grégorien, et non au calendrier julien, alors appliqué en Russie. Les patronymes russes : Dans un souci d'harmonisation, tous les noms de famille sont écrits par défaut suivant la translittération actuelle, sauf lorsqu'il s'agit de citation. Par exemple, on mentionne « Vladimir Kokovtsev », et non Kokovtsef, Kokovtzev ou encore Kokovtseff. POSDR : part ouvrier social-démocrates de Russie.

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INTRODUCTION Après avoir analysé le discours de la presse française sur la révolution russe manquée de 1905, il semblait logique de transposer l'examen à la révolution, victorieuse cette fois, de 1917. Mais si les événements se ressemblent, le discours de la presse s'y adapte de manière bien différente : 1905 et 1917 ne peuvent être analysés de la même façon. L'alliance franco-russe, dont on a compris l'importance dès 1905, est devenue vitale en 1917, puisque c'est entre autre sur elle que repose la grande guerre déclenchée en 1914. Elle permet de prendre en étau l’Allemagne, à l'est et à l'ouest de son territoire. Or, un premier aperçu des sources permet de comprendre que la presse ne parle de la révolution que pour parler de ses conséquences sur l'alliance. En 1905, la révolution ne concerne qu'indirectement la France. La Russie est en guerre, mais uniquement contre le Japon, un front trop éloigné pour inquiéter les français. L'accord militaire franco-russe prévoit un soutien mutuel des armées uniquement en cas d'attaque allemande. La guerre russo-japonaise est l'occasion de vanter les mérites de l'allié russe, sans toutefois se préoccuper directement des conséquences de cette guerre. La situation intérieure est narrée dans ses péripéties les plus spectaculaires, du dimanche rouge au cuirassé Potemkine. Le seul sujet d’inquiétude va pour la situation économique de la Russie, les troubles politiques risquant de mettre en péril l'emprunt que la France a concédé à son allié. Et en définitive, le fait que la révolution de 1905 se solde par un échec permet d'étudier l’événement pour lui-même, sans se soucier de ses conséquences politiques. La démarche est bien différente pour 1917. La révolution russe provoque le désordre intérieur et fait passer l'offensive au second plan. À terme, c'est la guerre elle-même qui en est écourtée. Les conséquences induites par une révolution en Russie sont rapidement comprises comme pouvant être néfaste à l'Entente, et donc à la poursuite de la guerre. La presse française ne peut donc plus étudier et reléguer les épisodes de cette révolution de manière impartiale, elle sait que ses effets peuvent la toucher directement. La révolution de 1917, dont l'importance historique et le succès ont eu des conséquences sur l'ensemble du XX e siècle, est, sur le vif de l’événement, très peu détaillée au sein de la presse française. C'est le paradoxe de ces deux mémoires : la

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révolution de 1905 a été mieux comprise et analysée par la presse française que celle de 1917, malgré son importance historique moindre. C'est précisément parce que la révolution de 1917 a des conséquences colossales, et ce dès son commencement, que la presse française n’a pas pu la médiatiser en tant que telle. Il faut sortir de l'analyse du strict événement révolutionnaire pour mieux comprendre le discours de la presse contemporaine à l’événement. Étudier la révolution de 1917 ne peut se faire sans comprendre la guerre, et donc la diplomatie européenne sur plusieurs années. Pour une analyse non étriquée, il est primordial de sortir du cadre de 1917 pour percevoir une évolution au fil des années, car étudier la révolution russe sous l'angle de la presse française revient à étudier le crépuscule de l'alliance franco-russe. Il ne sera pas question, dans ce second mémoire, de revenir en détail sur l'histoire de la presse du début du XX e siècle, déjà présenté dans La révolution russe de 1905 d’après la presse française. Un bref rappel introductif suffira. Entre 1905 et 1917, les quatre journaux choisis sont toujours en circulation, ils n'ont sensiblement pas changé leur ligne éditoriale ni leur format. L'annexe 1 propose d'observer la relative évolution de mise en page des trois quotidiens entre 1905 et 1917. Les dates sont aléatoires, elles permettent simplement de visualiser une couverture type. On constate que le Petit Parisien utilise toujours des photos, et fait usage du titre sur deux colonnes pour mettre en avant celui-ci. L'Humanité de 1917 propose des colonnes plus larges avec un texte plus aéré. Le journal souffre des restrictions de guerre, il arrive donc fréquemment qu'une édition ne soit constituée que d'un recto-verso. Le Figaro enfin, propose exactement la même formule. Il est toutefois à noter que malgré les apparences, la typographie a changé depuis 1917, elle permet une lecture plus fluide de ces petits paragraphes resserrés. La restriction de papier touche les journaux de manière aléatoire tout au long de l'année. Pour cette raison, la quantification de l'importance d'un article au sein d'un numéro est plus difficile à évaluer, puisqu'une feuille passe de deux à huit pages en fonction des numéros. Depuis 1905, la presse a subi une homogénéisation des discours, du fait de la censure et de l'auto-censure en temps de guerre. Contrairement au précédent mémoire, il n'est pas possible pour l'année 1917 de constater de réelles différences d'analyses entre deux journaux, malgré leurs apparents désaccords politiques. Tous

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Introduction

vantent les mérites du gouvernement d'union sacrée et de sa politique. Ils calquent leurs analyses de la politique étrangère sur le schéma de la propagande nationale. La révolution russe de 1905 d’après la presse française entre dans le cadre d'un mémoire sur la culture de l'écrit par ce qu'il analyse les mécanismes de la presse sur une année, et présente par l'exemple la polyphonie des points de vue exprimée sous la III e République. Pour aller plus loin, ce présent mémoire traite d'un aspect important de la culture de l'écrit à l'époque contemporaine : il présente un exemple de la presse en tant qu'instrument de propagande. Cette délimitation du sujet s'est fait au fil du dépouillement des sources. Pour commencer sans a priori sur le sujet, j'ai débuté mon travail, comme pour 1905, en déterminant un cadre annuel et en l'analysant dans le détail, tout en quantifiant l'importance matérielle des articles traitant du sujet, jour après jour. Cette méthode a permis, l'an dernier, de mettre à jour les temps forts de la couverture de l’événement. Mais cela s'est avéré mal adapté à la révolution de 1917, pour plusieurs raisons. Le caractère central de la question diplomatique empêche d'isoler clairement les articles traitant de la révolution de ceux traitant de la guerre. Au sein même de l'analyse de la révolution, le discours de guerre est omniprésent. Les articles sur le front et ceux sur la révolution sont systématiquement conjoints voir indistinguables. Le Figaro va jusqu'à jouer sur les mots : le 4 mai le titre « la résolution russe » traite de la détermination russe à continuer la guerre. Dans ce contexte, il est impossible de faire de réelles statistiques de la couverture de l’événement, le rapport entre guerre et révolution n'est pas quantifiable car imbriqué, la distinction entre les deux ne peut se faire que par l'analyse du discours lui-même. Traiter de manière centrale le rapport entre la guerre et la révolution n'est pas un réel choix, il est induit par la réalité des sources. C'est un angle de vue nécessaire à une analyse fidèle de la presse française en temps de guerre. Faire l'étude de la stricte révolution de 1917 à travers la presse n'aurait pas de sens. Il est manifeste que les événements intérieurs russes n’intéressent la France que dans ses conséquences sur le conflit : la révolution n'est que rarement mise au premier plan, les journalistes manquent d'information ou n'exploitent pas celles qu'ils possèdent. En conséquence, les sources induisent un travail d'analyse d'un discours de propagande plus que de la révolution ellemême.

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Pour cette raison, la période étudiée ne trouve pas sa fin avec la révolution d'octobre, qui n’intéresse la France que par ricochet. Le discours sur la Russie ne change pas avec la prise de pouvoir des bolcheviques, mais lorsque la Russie cesse d'être un allié : la date de fin choisie est la fin effective de l'alliance franco-russe, c'est à dire le rapprochement entre la Russie et l'Allemagne avec le début des négociations de paix. C'est à la mi-décembre qu'on peut observer un tournant dans le discours sur la Russie. C’est seulement à partir de là que l'analyse politique se montre au grand jour. Le bolchevique devient l'ennemi, l'alliance est de fait enterrée à ce moment là sans attendre le traité de Brest-Litovsk 1. Cette délimitation temporelle permet de définir un postulat d'analyse du sujet. La révolution de février ne fait pas rupture dans le discours porté sur la Russie, et ce malgré un changement de régime politique. La révolution russe s'intègre dans le large champ de la propagande diplomatique. L'axe principal du discours se résume à une omniprésence de la guerre, l'anti-germanisme est d'ailleurs un thème récurent dans l'analyse des événements de la révolution russe. Il sera question de développer les différents aspects du discours de propagande, et les contradictions qui en résultent. Pour aller plus loin, il faut chercher les évolutions du discours au delà de l'année 1917, et ainsi analyser les mutations du discours diplomatique franco-russe entre 1905 et 1917. Pour ces raisons, les rappels historiques seront constants au fil du développement ; ceux-ci seront également basés sur des sources de presse écrite du Petit Parisien, de l'Humanité et du Figaro. Afin de détailler l'année 1917 en Russie et les problématiques qu'elle sous-tend, le plan choisi renvoie à trois thématiques distinctes. Il suit également une progression relativement chronologique : la révolution de février et ses conséquences, suivie par l'offensive de juillet, et enfin la révolution d'octobre et le rapprochement avec l'Allemagne.

Ce

schéma

simplifié

n'empêche

pas

que

les

thématiques

s'enchevêtrent fréquemment dans le temps : La première partie de l'analyse, plus courte que les suivantes, démontrera l'omniprésence de la question de la guerre dans la couverture de la révolution russe : la presse française s'attache d'avantage à rappeler l'importance de l'alliance franco-russe qu'à décrire les événements politiques se déroulant en Russie. Dans 1

Le traité est officiellement ratifié le 3 mars 1918.

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Introduction

un second temps, nous présenterons la médiatisation de l'effort de guerre russe en pleine révolution : le thème de la guerre salvatrice contre les empires centraux se confronte à la réalité de l'armée révolutionnaire de Russie, en proie à la désorganisation. Enfin nous présenterons l'analyse politique portée sur la révolution russe : Dans un premier temps dissimulée, elle devient inévitable avec la montée en puissance des bolcheviques. La figure du tsar également est un sujet d'analyses politiques qui se contredit au cours de l'année 1917 comme depuis l'entrée en guerre.

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I. LA RÉVOLUTION AU PRISME DE LA GUERRE Avant d'analyser les divers éléments du discours français sur la révolution russe, il convient de résumer chronologiquement les grands axes abordés par la presse au sujet de la Russie en 1917. Cet aperçu permettra de mettre en place les thèmes principaux, et d'avoir bien à l'esprit les grandes phases de l'année 1917, de la révolution de février jusqu'au début des négociations de paix entre la Russie et la Triplice. La révolution de février est totalement inattendue en France, elle est relatée avec autant de détails que d'étourdissement. La rapide abdication du tsar surprend tous les journaux français. De nombreux témoignages de correspondants particuliers, provenant d'agence de presse ou de journalistes d'un jour, rendent compte de leurs impressions d'une Russie en état de siège. Au cours du mois d'avril, la presse française se remet doucement de l’électrochoc. Elle commence à prendre du recul, à analyser les conséquences diplomatiques de l’événement. Ses conséquences politiques restent toutefois mal comprises : le déroulement des événements est décrit comme autant de péripéties sans lien apparent. L'analyse, nous le verrons, manque de profondeur. Les mois de mai et de juin permettent d'approfondir les questions des réformes, des élections et des assemblées. Mais l'enjeu de la continuation de la guerre, omniprésent, est celui qui intéresse le plus la presse française. En juillet on salue le dégel du front russe et l'offensive en Galicie, toutefois rapidement passée sous silence après son échec militaire. Le Figaro et le Petit Parisien commencent à voir d'un mauvais œil les agissements des léninistes, et parle déjà d'agents allemands infiltrés en Russie. À partir du mois d’août, comme en septembre et octobre, on ne parle plus des armées russes, pour se concentrer sur sa vie politique: assemblées, troubles ministériels, et « anarchie russe » qui sont le plus souvent critiqués, à la différence du discours des mois d'avril à juin. La crise va en s'accentuant, et le coup d'état de Kornilov est largement relayé, bien que mal interprété. Début novembre, on rend partiellement compte de la révolution d'octobre. Le Figaro parle des « désordres russes », l'Humanité de « guerre civile ». Et il est à noter que l'Illustration passe totalement sous silence l’événement. Par la suite, la presse s'insurge contre le LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 14 -


I. La révolution au prisme de la guerre

rapprochement russo-allemand, elle parle de « trahison maximaliste », et comprend bien que l'armistice aboutira à un traité de paix. Celui-ci a déjà enterrée le discours d'exhalation de l'alliance franco-russe, entre cette date et le 3 mars 1918, le discours n'évolue plus significativement. Bien qu'étant un hebdomadaire, l'Illustration retranscrit bien le rythme annuel de la couverture médiatique des événements russes. À titre d'exemple illustré du déroulement de l'année, le diagramme ci-dessous traduit les thématiques principales abordées au sein du journal, leur distribution dans le temps ainsi que leur importance matérielle (par nombre de pages au sein de chaque numéro). On constate que la situation intérieure est principalement évoquée au début de l'année avec la révolution de février, et jusqu'au mois de mai ; tandis que la situation militaire est mise en avant à partir juin et est centrale surtout en septembre.

Tableau 1

Il est à noter qu'en tant qu’hebdomadaire, les événements relatés dans l'Illustration sont en décalage chronologique avec son déroulement, puisque les articles se veulent rétrospectifs, à la différence des quotidiens qui relatent l'actualité sur le vif. Pour ces raisons, le compte rendu de la révolution de février se fait principalement à la fin du mois d'avril, et les défaites militaires russes sont évoquées en septembre. Notons par ailleurs que le numéro du 15 septembre a pour couverture une photographie du général

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Kornilov, et traite de la Russie dans deux autres articles, pour un total de neuf pages consacrées à la Russie, ce qui est le record pour l'année 1917 2. Au-delà de ces deux moments forts de l'année, on constate que les mois de mai à août transcrivent relativement régulièrement des nouvelles de Russie, tandis qu'octobre à décembre passent sous silence les nouvelles péripéties de la révolution et de la guerre, car elles ne vont pas dans le sens de la propagande française. Qu'il s'agisse de l'affaire Kornilov, de la révolution d'octobre ou de l’armistice entre la Russie et l'Allemagne, l'Illustration préfère taire l’événement plutôt que de le critiquer. Ce silence, nous y reviendrons, se retrouve également dans les quotidiens étudiés. Il est symptomatique de la censure et de l'autocensure diplomatique en temps de guerre. On constate qu'un certain nombre d'articles traitant de la situation militaire sont plus spécifiquement consacrés à l'alliance entre la France et la Russie. En mai et juin, ils exaltent les objectifs communs des alliés : on évoque les garnisons russes sur le sol français le 26 mai, ainsi que les visites d'Albert Thomas et Marius Moutet sur le front russe, les 2, 23 et 30 juin. Ces articles cherchent à mettre en valeur l'alliance et affirment les chances de victoires. Le 20 octobre par contre, une fois la défaite russe de l'été consommée, c'est avec une certaine âpreté que l'Illustration titre sur « La mort d'un officier français en Russie ». Cette chronologie succincte des événements permet d'ores et déjà de constater le caractère subjectif de la presse française dans la description du déroulement des événements. Si avant l'été, la France reste dans l’expectative vis-à-vis de son allié, une fois la progression allemande avérée, elle se montre bien plus réticente et critique vis-à-vis de la révolution russe. Elle goûte amèrement à ses conséquences pour l'Entente. D'autre part, une différence est à noter par rapport à la médiatisation de 1905 : le discours des journaux étudiés, pourtant les mêmes que dans le précédent mémoire, est bien plus homogène. Tous se rassemblent dans une propagande patriotique axée sur l’effort de guerre. La révolution de 1917 est médiatiquement moins couverte que celle de 1905. Pour ce qui concerne les trois quotidiens étudiés, il existe peu voire aucun article qui ne traitent que de la révolution. Cela ne veut pas dire qu'il n'y est pas fait écho, sinon ce mémoire n'aurait pas lieu d'être, mais simplement Il y a cinq couvertures de l'Illustration consacrées à la Russie en 1917 : « La révolution russe » le 14 avril, « Une des physionomie inquiétante de la révolution russe » le 12 mai, « M. Albert Thomas et les ambassadeurs alliés à la séance des quatre Douma » le 2 juin, « Kerensky » le 11 août, et « Le général Kornilof » le 15 septembre. 2

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I. La révolution au prisme de la guerre

que tous les articles traitant de la révolution font presque systématiquement référence à un enjeu plus global qu'est la Grande Guerre. Pour la révolution de 1905, j'avais procédé à un dépouillement minutieux des sources, cherchant à quantifier l'importance matérielle des articles dans chaque journal, jour après jour, par la mise en place d'une échelle d'importance matérielle dans la couverture des événements. Comme évoqué en introduction, j'ai dans un premier temps cherché à reproduire ce travail pour 1917, mais il s'est avéré difficile de distinguer les articles ayant pour thème la Révolution russe de ceux traitant du front russe et de la guerre en général. Chiffrer l'un indépendamment de l'autre s'est rapidement avéré impossible. Ces chiffres auraient permis de percevoir les rythmes de l'année, à défaut ceux-ci sont bien résumés par l'exemple de l'Illustration développé plus haut. S'obstiner à représenter le rythme annuel de la révolution à travers la couverture médiatique des quotidiens n'a que peu de sens. S'il s'est avéré révélateur pour l'année 1905, le fait qu'il soit plus complexe à quantifier pour 1917 est en réalité tout aussi significatif. Il révèle l'omniprésence du discours de guerre dans la presse, et l’interpénétration des questions de politique extérieure. En conséquence, il sera question de démontrer ce qu'il n'a pas été possible de quantifier. Au sein des quotidiens, les titres des articles font le plus souvent référence soit à l'armée russe, soit à sa révolution, mais il existe des exceptions. Pour exemple, citons L’Humanité du 3 août « la Russie révolutionnaire est solidaire des alliés », L'Humanité du 3 juillet « les armées de la révolution russe prennent l'offensive », ou encore Le Figaro du 12 octobre « la guerre et les principes révolutionnaires ». Ces titres ambivalents s'avèrent être les plus révélateurs du contenu des articles. Les deux événements sont tout à fait entremêlés : la presse française en plein effort de guerre ne peut pas traiter de la révolution russe indépendamment de ses conséquences pour l'Entente et la guerre. Les premiers essais pour chiffrer la couverture faite de la révolution russe se sont donc avérés faussés par l'enjeu de guerre, qui du point de vue de la presse française, dépasse l'importance des actualités russes. Pour le démontrer, il est possible de dresser une typologie succincte des thématiques récurrentes au sein des articles traitant de la Russie en 1917. Relativement peu d’articles ont pour sujet les événements révolutionnaires en eux-même, comme l’analyse de leur portée politique. Bien que les termes « gouvernement », « soviet », ou encore « comité ouvrier » soient régulièrement évoqués en titre, le contenu des articles reste évasif : les réformes et les institutions politiques qui se mettent en place sont relativement mal

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comprises en France, comme nous le verrons plus loin 3. La plupart des articles sur les événements intérieurs se focalisent sur quelques figures récurrentes, essentiellement Kerenski4 qui est cité 87 fois en titre d’articles sur la période étudiée. Il est à noté que 47 de ces occurrences viennent du Petit Parisien, qui a pour habitude de traiter des actualités à travers l'histoire des grands hommes, afin de faciliter la lecture des événements à son lectorat. Dans nombre de ces 47 titres, Kerenski est sujet de la phrase de titre, il est ainsi présenté comme élément moteur de l’événement russe. Pour exemple citons le titre du 16 juillet : « Kerenski galvanise les armées », celui du 8 août : « Kerenski proclame le devoir à la patrie et à la révolution », ou encore celui du 19 septembre : « Kerenski veut rétablir un régime moral ». Le cas particulier de Lénine et des figures maximalistes sera analysé en détail plus loin 5. Les autres noms propres russes mentionnés ne le sont que de manière anecdotique, et en particulier lors de démissions de postes de responsabilités. Au contraire, il est régulièrement fait référence à des hommes politiques et diplomates français en voyage en Russie, donnant leur impressions sur les événements : les trois journaux évoquent en tête de file Albert Thomas 6, en voyage en Russie durant le premier trimestre de l’année 1917. Le Petit Parisien fait également écho des impressions de Joseph Noulens 7, ambassadeur de France à Pétrograd 8. L'Humanité et le Petit Parisien évoquent la délégation des députés français Marcel Cachin, Ernest Lafont et Marius Moutet 9. L’essentiel de l'analyse de la révolution russe est clairement portée sur des enjeux internationaux, à travers le point de vue de ces figures françaises. Comme dans l'Illustration – graphique page précédente - il s'agit de rappeler de manière constante la place de la Russie au sein de la triple entente. Voir partie I,2 : « Méconnaissance et indifférence de l'actualité politique russe. » Aleksandr Kerenski (1881-1970) est un homme politique russe et l'un des principaux acteurs de la première phase de la révolution russe. Il appartient à l'aile droite du POSDR En 1917, il est d’abord vice président du soviet de Petrograd, puis devient ministre de la justice du gouvernement provisoire. Après les troubles de juillet, il en devient premier ministre. Après la révolution d'octobre, il s'exile aux États-unis. 5 Voir partie III,1 : « L'anarchie russe et la montée du pacifisme » 6 Albert Thomas (1878-1932) est un homme politique socialiste français. Il rejoint le gouvernement d'union sacrée en 1914 et prend la charge de l’organisation des travaux publics et de l'armement. Il est en visite en Russie en 1916 puis 1917. 7 Josseph Noulens (1854-1944) est un homme politique français. Il est ambassadeur de France à Petrograd à partir de mai 1917, et a publié son témoignage des événements : Mon ambassade en Russie soviétique, Paris, Plon, 1933. 8 Le Petit Parisien, 5 juin 1917 : « M. Noulens ambassadeur de France à Petrograd » 9 L'Humanité, 19 avril 1917 : « En Russie : déclaration de Marcel Cachin » ; L'Humanité, 28 mai 1917 « Cachin et Moutet retour de Russie rendent compte de ce qu'ils ont vu et entendu » ; Le Petit Parisien, 26 juin 1917 : « Retour de Russie, M. Lafont nous exprime sa confiance en l'avenir » Marcel Cachin (1869-1958) est un homme politique socialiste français. Il soutien l'union nationale durant la guerre. Il est en mission diplomatique en Russie en 1917. Il est rédacteur en chef de l'Humanité à partir de 1918 et jusqu'à sa mort. Ernest Lafont (1879-1946) est un homme politique socialiste français. Il est en mission diplomatique en Russie en 1917. Marius Moutet (1876-1968) est un homme politique socialiste français. Il est en mission diplomatique en Russie en 1917. 3 4

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I. La révolution au prisme de la guerre

1.1 L’ALLIANCE ET LA RÉVOLUTION PATRIOTE. Il est important de s'attacher à démontrer pourquoi il est impossible de quantifier la couverture médiatique faite de la révolution russe, en raison de sa proximité thématique avec la guerre et l'alliance militaire franco-russe. Les thèmes qui s'avèrent les plus récurent tout au long de la période étudiée sont ceux de la continuation de la guerre, de la redéfinition des buts de guerre et de l'évolution du front russe. Car ce que craint avant tout la France, c’est que cette révolution mette en péril les fondements de l'Entente, et donc l'équilibre des forces militaires. Dès les premiers jours de la révolution, le Figaro résume la révolution Russe sous le seul angle des conséquences de guerre : face à l’événement de portée historique qui voit « le triomphe de la démocratie » ou « la ruine d'une longue tradition d'autorité et de gloire », les français n'ont pas à commenter pour l'heure de son importance, ce n'est pas ce qui compte. Sans nier la portée de l’événement, on perçoit bien ici que c'est le point de vue français qui prime, et que celuici est dicté par l'effort de guerre. Le Figaro annonce : L'aspect immédiat seul doit nous saisir et nous intéresser. La révolution russe nous apporte-elle ou nous retire-t-elle des éléments de victoire ? Nous n'avons actuellement d'autre angoisse à avoir, d'autres questions à nous poser. 10

Ce point de vue est révélateur du positionnement de la presse française sur la question russe depuis 1914 et jusqu'à la fin de la guerre. Ce qui détermine la Triple-Entente c'est avant tout sa capacité à tenir tête à la Triple-Alliance. Il faut avant tout déterminer si la révolution va dans le bon sens, ce qui ne peut être analysé que pour et par le prisme de la guerre. Lors de l'abdication du tsar, Alfred Capus 11 pour le Figaro du 18 mars salue « le souverain qui renonce ainsi au pouvoir absolu et au trône pour ne pas diviser sa patrie et pour lui permettre de vaincre 12 ». L'unité nationale est d'ailleurs saluée bien avant qu'il soit fait mention de la révolution elle-même, et du « caractère inéluctable » du changement de régime. La révolution russe est en effet présentée par la presse française comme un acte patriote, la réaction du peuple russe aurait été guidée par la nécessité de reprendre en main le pays, et en particulier sa gestion de la guerre. La révolution se fait pour la Russie triomphante, pour le bien de l’alliance et contre ses adversaires. Le 14 mai, lorsque l’événement est digéré, le Figaro résume aussi simplement les causes de la révolution : « Vous avez renversé une monarchie séculaire par ce qu'elle menait Le Figaro, 17 mars 1917, « En Russie : Bruits d'abdication du tsar Nicolas en faveur de son fils » Alfred Capus (1857-1922) est un homme de lettre français. Il écrit pour Le Figaro à partir de 1902 Il rentre à l'académie française en 1914. 12 Le Figaro, 18 mars 1917, « Abdication du tsar en faveur de son frère » 10 11

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mal la guerre. Vous voici libres. 13 » Aux premiers jours de la révolution, L'Humanité critique directement le tsar, se rappelant soudain de son discours antiautocrate tenu entre 1904 et 1914 14. Mais si le tsar était un ennemi en devenir, ce n’est pas tant par ce qu'il était autocrate, mais par ce que cette nature ne pouvait que le mener au rapprochement avec la tradition monarchiste germanique : « la réconciliation avec Guillaume II n'aurait-elle pas été la meilleure garantie de la survivance du régime ? 15 ». La trahison du tsar était en germe, la révolution a donc permis de renouveler l'effort de guerre. Le Petit Parisien du 7 avril affirme que par la révolution, la Russie « rejette le système d'oppression séculaire dont ses ennemis souhaitaient le maintien ». Cette façon de présenter le soulèvement révolutionnaire est explicitement patriote, puisqu’il est basé sur la notion de défense d’une intégrité nationale contre l’étranger. En septembre, les rumeurs vont dans le sens d’un tsar en désaccord avec la volonté de son peuple : une paix séparée aurait été en négociation, et si la révolution n'avait pas eu lieu, le tsar aurait « trahi ». En septembre, l'Humanité relègue cette thèse de la trahison, à travers le témoignage de M. Root, chef de la mission américaine en Russie, confirmant « les impressions que MM. Cachin, Lafont et Moutet » avaient déjà rapportées de leur voyage en Russie 16. La révolution est donc un mouvement en adéquation avec les aspirations martiales de l'Entente, puisqu'elles ont permis d'éviter la paix séparée. Dès le 17 mars 1917, le Petit Parisien explique que la révolution est à prévoir depuis des années. En 1905 déjà, à la sortie de la guerre d'extrême-Orient avait fait naître une situation révolutionnaire, et de nouveau, ce sont les conséquences de « deux ans et demi de guerre, où la Russie n'avait pu donner la mesure de ses forces réelles » qui ont « attestés la nécessité de changements profonds 17 ». Le déclenchement de la révolution, comme en 1905, s'est fait durant une guerre, par ce que celle-ci aurait révélé les faiblesses du régime, et cristallisé le mécontentement. Deux ans et demi de guerre, où la Russie n'avait pu donner la mesure de ses forces réelles, où les succès remportés sur les Turcs n'avaient pas compensé les échecs subis en Pologne, en Lithuanie, en Courlande, où les scandales s'étaient accumulés, scandale

Le Figaro, 15 mai 1917, « De Strümer à Lénine » Voir aussi II.2 : Image du régime tsariste : 1905-1917. 15 L'Humanité, 17 mars 1917, « La révolution triomphe en Russie : 13 14

toutes les forces nationales » 16 17

l'ancien régime s'écroule sous la poussée de

L'Humanité, 10 septembre 1917, « Un manifeste du Soviet en vue de réaliser l'union sacrée. » Le Petit Parisien, 17 mars 1917, «La révolution triomphe en Russie ».

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I. La révolution au prisme de la guerre

Massoiédof, scandale Soukhomlinof, scandale Manouilof, avaient attesté la nécessité de chan ­ gements profonds 18.

L'Humanité également, fait remonter la « longue incubation » de cette révolution à la guerre russo-japonaise 19. La guerre aurait exacerbé les tensions à l'encontre d'une « bureaucratie et d'un régime absolu ayant fait la preuve de leur impéritie 20 » Un régime qui, douze ans plus tôt, aurait pu inverser la tendance, mais a laissé la situation se dégrader au lieu d'octroyer plus de droits au peuple. En définitive, la conclusion du Petit Parisien est simple : « les mêmes causes ont produits les mêmes effets ». La révolution russe est ainsi présentée comme une conséquence inéluctable d'un empire mené par des incompétents. Jules Destrée 21 résume le 15 avril pour le Petit Parisien l’idée que la révolution ne peut se comprendre que par le contexte de la guerre : « La révolution fille de la guerre, a fait de la Russie un peuple libre ». L'Humanité du 17 mars insiste sur le caractère inéluctable de cette révolution : L'adhésion spontanée de l'armée fraternisant avec le peuple ouvrier dès les premières heures, ce fut toujours et partout le signe infaillible d'une révolution déjà faite dans tous les esprits et qui est sûre de recueillir le consentement unanime 22 .

Cet extrait concentre l'ensemble des traits du discours suivant les premiers jours de la révolution : la lutte est si évidente et si juste pour tout un peuple qu'elle se fait sans heurt ni violence. Dans ces conditions, il n'y a rien à craindre du mouvement révolutionnaire. Il rapproche la France et la Russie dans un même enthousiasme. L'Humanité fait d'ailleurs de la France et de ses valeurs républicaines un étendard de la nouvelle liberté russe : On dit que tout cela s'est accompli dans les rues de Petrograd au cri de « Vive la France !» C'est une grande fierté que les socialistes de France ne renieront point que notre pays, à l'heure même de la guerre terrible et meurtrière, soit invoqué par les peuples qui veulent se libérer à la fois du joug intérieur et de la menace extérieure.

Le Figaro également, explique que les soldats russes chantent la Marseillaise. Et si leur rythme est plus lent que celui scandé pas les soldats révolutionnaires de 1792, ce n’est pas par ce qu’ils enterrent la liberté, mais serait simplement par ce que leur tempérament slave se distingue de celui des français 23. 18 19

ibid. L'Humanité, 17 mars 1917, « La révolution triomphe en Russie :

les forces nationales »

l'ancien régime s'écroule sous la poussée de toutes

Le Petit Parisien, ibid. Jules Destrée (1863-1936) est un homme politique socialiste belge. 22 L'Humanité, ibid. 23 Le Figaro, 10 juillet 1917, « Dans le vent de la révolution 20 21

: une assemblée de soldats »

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Faire un parallèle entre les deux révolutions n'est pas anodin. Cela permet de rappeler que dès que la révolution française a acquis sa légitimité, elle a cherché à s’exporter par les armes : Qui dit « patriote » dit « républicain » ; qui dit « république » dit « frontière du Rhin », à quiconque osera parler de reculer jusqu'à la Meuse est réservé le mortel soupçon de mode ­ rantisme ; faction des anciennes limites, c’est faction contre-révolutionnaire et royaliste. 24

La transposition est limpide : si les russes se réclament volontiers de la révolution française, ils doivent prouver qu'ils sont dignes d'en être les héritiers. Le titre de nouveaux révolutionnaires doit se prouver dans les champs de bataille :

Illustration 1: "Groupe d'élèves artilleurs portant la pancarte: "Guerre pour la liberté jusqu'à la victoire" L’Illustration, 19 mai 1917.

24

Le Figaro, 13 avril 1917 : « De la révolution française et de la révolution russe »

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I. La révolution au prisme de la guerre

Voici que, sur le mode de 93, les soviets russes déclarent la patrie et la révolution en danger, pro ­ clament « gouvernement de salut public » le gouvernement provisoire, et lui accordent des pou­ voirs illimités. Acte ou geste ? Pour Dieu ! Que ce soit un acte ! 25

Car si tout s’explique par la guerre, la révolution n’est pas seulement une conséquence du conflit mondial, elle devient progressivement un moyen de remporter la victoire. Au fil de l’année, la révolution qui apporte le progrès aux peuples devient l’arme du camp de la Triple-Entente : Nous comptons voir la Russie révolutionnaire redevenir puissante, grâce à la réorganisation des services publics, au maintien de l'ordre intérieur, au rétablissement de la discipline dans l'armée, toutes choses qui permettront au grand peuple russe de montrer de quel poids il doit peser dans la balance du monde 26 .

La France républicaine est un allié naturel de la nouvelle Russie : « La Russie régénérée ne peut trouver d'amitiés solides que dans les pays libéraux d'Occident ». Et par conséquent, « l'Allemagne des Hohenzollern demeure irréductiblement son ennemie 27 ». L'Allemagne est par essence l'adversaire des démocraties, le Petit Parisien affirme que Guillaume II l'a prouvé en 1905, en apportant son soutien au mouvement contrerévolutionnaire : « On sait de bonne source qu'il concentra une armée d'observation à la frontière polonaise et qu'il offrit le concours de ses soldats au tsar pour rétablir l'ancien régime, alors à demi écroulé. » L'histoire serait en train de se répéter, car il est dans l’intérêt des princes de contenir les mouvements démocratiques. L'alliance entre le kaiser et la réaction russe est qualifiée de « logique », de même que l'hostilité prussienne pour la « jeune démocratie » est qualifiée de « naturelle »28. Que le peuple russe ait choisi de renverser le régime autocratique devient bientôt aux yeux de la presse une preuve de la bonne influence de la France républicaine sur son allié. Elle aurait permis aux jeunes russes de prendre conscience de leurs capacités : « Il y a du soleil de Provence dans l'âme russe. Le Chantecler russe a prolongé son cocorico. 29 ». Maintenant que la révolution russe est faite, l'amitié franco-russe, affirme la presse, ne peut que s'épanouir. Les références à l'alliance franco-russe et à son histoire sont fréquentes. On insiste sur la longévité de cette alliance, en en rappelant ses instigateurs. Le Figaro du 12 juin 1917 dresse un portrait de Maria Féodorovna, où le journal précise qu'Alexandre III avait le mérite d'être marié à la princesse Dagmar de

Le Figaro, 25 juillet 1917, « 1792 - 1917 » Le Petit Parisien, 2 octobre 1917, « En Russie, Tseretelli préconise un gouvernement de coalition » 27 Le Petit Parisien, 31 mars 1917, « le chancelier falsifie d'histoire mais il ne dupera pas la 28 Ibid.Voir aussi partie II.1 : « Une guerre pour la liberté » 29 Le Figaro, 25 avril 1917, « Le travail dans les usines » 25 26

démocratie russe »

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Danemark 30 :

« la

seule

impératrice

moscovite

qui

ne

soit

pas

venue

d'Allemagne. » Grâce à ses origines, c'est elle qui aurait favorisé le rapprochement entre la France et la Russie au dépend de l'Allemagne. Car «elle aimait notre pays, et, par son influence sur son mari, par la sagesse de ses conseils, par sa haute raison et sa prévoyance; elle fut l'un des principaux artisans du rapprochement entre l'Empire des Tsars et la République française.(...) Elle n'échappera pas à la gratitude de la France. » La presse française insiste en particulier sur la proximité idéologique et la solidarité ayant toujours subsisté entre ces deux peuples au passé étroitement lié : L'Humanité évoque par exemple « le fardeau des épreuves passées 31 » partagé entre la Russie et la France. Maintenant que cette révolution est faite, la solidarité franco-russe est désormais présentée comme étant pleine et entière, car les deux pays partagent une idéologie et un objectif commun : Toutefois, cette alliance ne pouvait être que difficilement cordiale tant que la Russie était soumise au despotisme. Cependant, même alors, nous cherchions à nous unir au peuple russe subjugué par le tsarisme, qui est actuellement renversé. Dans cette guerre mondiale l'enthousiasme seul ne suffit pas. Il doit être complété par la solidarité morale et une unité de but 32 .

1.2. MÉCONNAISSANCE ET INDIFFÉRENCE DE L'ACTUALITÉ POLITIQUE RUSSE

En ne comprenant la révolution russe que comme une péripétie de la Grande guerre, la presse française a nécessairement un avis tronqué sur sa portée politique. La compréhension de l’événement pour lui-même n’intéresse pas ou peu la presse française. Elle n'est pas évoquée dans ses causes profondes, ses mécanismes et les changements qu'elle implique. Cette partie traite plus spécifiquement du début de la révolution, du mois de mars à août. L'analyse politique des mois de septembre à décembre, qui voient le succès des bolcheviques, ne sera développé que dans la troisième partie du mémoire. En France, la presse acclame l'ordre nouveau en Russie comme un bienfait pour la Triple-Entente. Il est largement fait écho d'un enthousiasme révolutionnaire, où les Mieux connue sous le nom de Maria Féodorovna (1847-1928) , fille de Christian IX de Danemark, elle épouse Alexandre III de Russie en 1866, et donne naissance au tsarévitch Nicolas Alexandrovitch, futur Nicolas II. 31 L'Humanité, 3 août 1917, « La politique russe : la Russie révolutionnaire est solidaire des alliés » 32 Marius Moutet cité dans l'Humanité, 20 avril 1917, « les délégués franco-anglais reçus par le 30

gouvernement »

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I. La révolution au prisme de la guerre

troubles insurrectionnels se règlent rapidement et sans heurt. L’Humanité insiste sur la rapide fraternisation des soldats avec le peuple ouvrier, et en fait le « signe infaillible d'une révolution déjà faite dans tous les esprits et qui est sûre de recueillir le consentement unanime 33. » Deux jours plus tard, L’Humanité annonce que « la milice communale (…) assure un ordre parfait 34 ». L'illustration s'empresse de préciser que la révolution n'aurait été causée par aucune conspiration ni complot, c'est un mouvement « populaire » et « spontané » : « La révolution a éclaté vraiment à la manière d'une étincelle électrique, produite par le rapprochement de deux pôles électrisés 35. » Ce discours est nécessaire pour convaincre de l'équilibre intérieur en Russie. La révolution doit résoudre ses contradictions au plus vite afin que la Russie reste un allié fidèle, sur lequel ont peut toujours et plus que jamais compter.

Le Gouvernement provisoire et le Soviet De la révolution de février sont nées deux institutions, d'une part le gouvernement provisoire, et d'autre part les Soviets (le soviet de Petrograd est aussi nommé « comité de Tauride » par la presse, les autres soviets sont quant à eux largement oubliés par la presse française). Ces deux pouvoirs se sont créés et ont évolués parallèlement, mais non conjointement. Pourtant, les discordances politiques en Russie sont dans un premier temps passées sous silence. Comme pour la France, on prône l'union de tous les partis, le mutisme de toutes les divergences pour le bien de la patrie en danger. Le Figaro du 27 mars transmet dans ce sens un communiqué du « comité d'union des assemblées de la noblesse » qui prône l'oubli des désaccords en

faveur du gouvernement provisoire,

défendant l'ordre social et dirigeant la guerre jusqu'à la victoire 36. Encore une fois, le retour à l'ordre est prêché en particulier par ce qu'il favorise une reprise de l'offensive russe : Ce qui est souhaitable, c'est que la bonne entente se restaure rapidement entre le gouvernement et le comité «ouvrier et soldat», à cette heure où le retour de la bonne saison peut hâter la reprise des opérations militaires sur le front russe 37 .

Pourtant la réalité de deux institutions se faisant concurrence est loin de ressembler à l'union sacrée. L’Illustration perçoit bien la contradiction entre les deux pouvoirs agissant parallèlement en Russie, considérant que cette situation crée le chaos et la L’Humanité, 17 mars 1917, op.cit L’Humanité, 19 mars 1917, « M. Miloukhov définit la politique du gouvernement russe. » 35 L'illustration, 19 mai 1917, « Lendemains de révolution » 36 Le Figaro, 27 mars 1917, « La révolution russe : union autour du gouvernement provisoire » 37 Le Petit Parisien, 5 mai 1917, « Il y a conflit entre le gouvernement russe et le comité de Tauride » 33 34

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confusion, privant les Russes d'un pouvoir fort. Afin de faciliter la lisibilité de la situation au lectorat français, L'Illustration la compare à des événements politiques de l'histoire de France : le gouvernement provisoire prend des allures de « Girondins », et les soviets est « une sorte de Commune » : D'un coté de la barricade le gouvernement (…) des aristocrates par la pensée, l'éducation et souvent par les origines, mais sans la moindre étroitesse d'idées, sans le moindre esprit de caste, démocrates par un infini amour du peuple, par l'élévation lumineuse des conceptions sociales ; bref, des Girondins, que l'orage populaire a portés à la surface. De l'autre coté, les délégués soldats et ouvrier, immense assemblée élue, en pleine fermentation révolution ­ naire, par les usines et les casernes, foule toute les revendications, jaloux de leur autorité la ­ tente, de leur puissance occulte ; bref, une sorte de Commune, née dans les spasmes de la Révolution 38 .

La description est manichéenne, elle prend le parti du gouvernement provisoire : le gouvernement est « lumineux », il œuvre par « amour du peuple », tandis que le soviet est une « foule » « jalouse » et « occulte ». L'illustration du 31 mars parle aussi de « parti des Jacobins » pour évoquer le comité de Tauride, encore une fois comparé à la Commune : il est «l'élément mauvais, inquiétant du nouvel état des choses, comme une manière de Commune en face du gouvernement régulier 39.» Le soviet, insiste l'Illustration, est « dénué de base constitutionnelle » et « sans fonction précise ». Inversement, la majorité de la presse française insiste sur la légitimité du gouvernement provisoire, c'est « l'autorité, la seule légale, la seule valable40 ». Le communiqué du « comité d'union des assemblées de la noblesse », présenté dans le Figaro, précise aussi que le gouvernement provisoire est « l'unique pouvoir légal 41.» L'Humanité ne partage pas cet avis. Après son séjour en Russie, Ernest Lafont critique « les appréciations les plus sévères et les plus fantaisistes » que la presse française porte sur le soviet, et accuse notamment le Temps d' « inventer des textes pour les besoins de sa polémique internationale. 42» Dans un éditorial daté du 28 juillet, intitulé « presse provocatrice », il critique également l'Echos de Paris et ses postulats contre le Soviet, qui en agissant ainsi « diffame toute la révolution

L'illustration, 24 mars 1917, « la révolution russe » L'illustration, 31 mars 1917, « La contagion révolutionnaire » 40 L'illustration, 24 mars 1917, ibid 41 Le Figaro, ibid. 42 L'Humanité, 26 juin 1917, « lettre de Vandervelde, Henderson 38 39

et Albert Thomas ... »

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I. La révolution au prisme de la guerre

russe43 ». Ernest Lafont explique pour sa part que le Soviet a été l'instrument indispensable à la bonne évolution de la révolution russe : A la caricature du Soviet que la France n'a que trop eu l'occasion de contempler, il est bien facile pourtant d'opposer le tableau véritable. Le Conseil des Ouvriers et des Soldats de Petrograd, et son Comité exécutif ont été les organes essentiels de la Révolution russe. Le gouvernement provisoire eût été impuissant à défendre et à conduire la Révolution s'il n'avait pu s'appuyer sur le Conseil. (...) Aucun cadre administratif préexistant, aucune force d'exécution indépendante ne permettaient au gouvernement de se passer du peuple, et, d'ailleurs toute rupture entre le pouvoir nouveau et le prolétariat ouvrier ou paysan eût compromis gravement le sort de ta Révolution elle-même 44 .

L'Illustration admet aussi que le soviet est « l'émanation des forces mêmes de la révolution », et qu'elle se fait ainsi représentante « de toutes les réclamations étouffées, de tous les droits piétinés, de toutes les haines et de toutes les espérances 45 .» L'Humanité précise que le soviet est « le seul corps élu depuis le changement de régime », et qu'il constitue « l'émanation directe des soldats et des ouvriers de Petrograd » qui les a choisis. L'Humanité manque toutefois de lucidité en affirmant que le soviet de Petrograd et le gouvernement s'appuient l'un sur l'autre, niant la rivalité existant entre les deux. Le Figaro du 27 mars explique que les deux instances communiquent et s'entendent : « les comités de travailleurs et de soldats qui siègent au palais de Tauride ont décidé d’établir une liaison étroite avec le gouvernement provisoire au moyen d'une commission spéciale de cinq membres 46.» L'Illustration est plus proche de la réalité en affirmant dès le mois de mars, qu'il est question d'une « lutte47» opposant « les violents, groupés dans le Comité mixte, et les sages qui siègent à la Douma et dans le cabinet, émanation du Parlement. ». L’hebdomadaire précise que « pour réglementer les rapports de ces deux « organes », pas un texte, pas un accord, pas un compromis 48.» En mai, la presse renouvelle le discours sur la nécessité d'une union entre les deux pouvoirs. Claude Anet 49 pour le Petit Parisien explique que les socialistes avaient déjà refusé de participer au gouvernement, « s'accommodant assez bien de l'état de confusion actuel » ; mais la situation évolue. Si certains socialistes modérés veulent passer de l'opposition au gouvernement, le journaliste évoque leur crainte des responsabilités, et L'Humanité, 28 juillet 1917 : « Presse provocatrice » L'Humanité, 26 juin 1917, op.cit 45 L'illustration, 28 juillet 1917, « La crise du pouvoir » 46 Le Figaro, 27 mars 1917, op.cit 47 L'illustration, 31 mars 1917 op.cit 48 L'illustration, 28 juillet 1917, ibid. 49 Claude Anet (1868 -1931) est un écrivain et journaliste suisse. Il se trouve en Russie en 1917, d'où il écrit pour le Petit Parisien, mais également pour Le Journal et Le Temps. Son témoignage de la révolution russe a été édité en plusieurs tomes, réédité récemment : La Révolution russe: chroniques 1917 – 1920, Paris, éd. Phébus, rééd. 2007 858 p 43 44

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notamment l'appréhension des critiques des « fractions avancées du parti », menés par Lénine 50. Claude Anet conclut que le chemin de la réglementation du pouvoir sera sans doute long et difficile. Le gouvernement provisoire devient coalition à partir de mai, avec la participation de plusieurs mencheviks. Et inversement, L'illustration du 19 mai annonce que « la bourgeoisie est admise au comité de Tauride ». Les accords semblent alors se faire, et le calme revenir en Russie. En réalité seul le soviet de Petrograd s'allie au gouvernement provisoire, les autres continuent de travailler comme contre-pouvoir. Pourtant, les troubles relatés en Russie se concentrent dès lors sur les querelles de partis.

Les partis politiques et les réformes en Russie Les courants politiques animant les débats russes sont peu détaillés et leurs différences peu évoquées tant que la presse ne craint pas la montée des bolcheviques. La retranscription des débats est particulièrement uniforme. Lors de la conférence de Moscou notamment, tous les journaux reprennent les mêmes dépêches Havas, comme c'est le cas le 28 août : celle-ci se contente d'exposer les différents points de vue exprimés durant l'assemblée, et de conclure que « les représentants des quatre Doumas estime[nt] qu'il ne faut pas soulever des questions de réformes sociales afin d'éviter les dissentiments qui surgiraient. » Sans réforme il ne peut y avoir de débat, et s'il n'y a pas de débat, c'est que l'ordre est rétablit en Russie. La seule opposition notable vient des maximalistes, qui toujours revendiquent le pouvoir au soviet et autres manœuvres « cherchant à détourner [les russes] de leur devoir patriotique 51 ». Peu d'articles traitent avec clairvoyance de l'évolution de la situation parlementaire en Russie. La plupart des occurrences insistent sur le bon ordre. Ainsi le Petit Parisien du 25 juin titre « le gouvernement russe triomphe des maximalistes ». Cette affirmation éloquente est sans doute excessive pour une dépêche Havas qui se contente d'affirmer qu'aucune manifestation maximaliste n'a été recensée de la journée. L’événement est pourtant relaté comme une victoire de l'ordre : La tentative des maximalistes se termine par un échec complet qui souligne l'accord du gou ­ vernement et du soviet pour maintenir l'ordre et leur autorité pour faire respecter leurs déci ­ sions 52 .

Le Petit Parisien, 10 mai 1917, « le gouvernement russe songe à s'adjoindre des membres du comité de Tauride » L'illustration, 31 mars 1917, op.cit 52 Le Petit Parisien, 25 juin 1917, « Le gouvernement russe triomphe des maximalistes » 50 51

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I. La révolution au prisme de la guerre

Un mois plus tard le ton est le même dans l'Humanité, qui affirme après quelques manifestations : « Il semble qu'il s'est agi d'un mouvement sans vraie profondeur (…) à l'heure actuelle, l'ordre paraît complètement rétabli. » Le quotidien admet toutefois ne connaître que les grandes lignes de l’événement : « Il est difficile de se faire quelque idée de l'importance de la signification des désordres dont Petrograd a été le théâtre il y a quelques jours » Lors de la tentative de coup d’état de Kornilov 53 également, on insiste sur le fait que celui-ci n’était pas viable. Il est à noter qu’une fois encore, les maximalistes font office d’épouvantail : [Kornilov] a fait croire à ses soldats qu'ils doivent marcher sur la capitale pour réprimer une conspiration des maximalistes qui, en réalité n’existait pas. Mais il est évident, et ses subordonnés eux-mêmes l'ont compris, que le généralissime voulait instaurer un nouveau gouvernement provi ­ soire et en prendre la direction.

Le 12 septembre, l'Humanité affirme que pour les russes, « empêcher la guerre civile [est

un] devoir

patriotique 54 ». Les

troubles

intérieurs

de

Russie

inquiètent

principalement la France par ce qu'ils détournent l'attention des russes de la guerre extérieure. On craint que si la situation politique dégénère davantag e, la Russie se désintéresse complètement de ses engagements militaires. Le Figaro critique les « coups profonds portés à la cause de la défense nationale et de l'honneur. Mais peut-être n'est-ce qu'une passagère effervescence, la fermentation du jeune vin de la liberté. 55 » La presse s'inquiète que les changements politiques touchent les travailleurs de l'arrière qui, en faisant grève pour de nouveaux droits, désorganisent l'industrie russe 56. Ils toucheraient également l'armée elle-même qui doit passer d'une organisation monarchique à républicaine. Raymond Récouly 57 raconte son entretient avec un colonel russe : Les principes sur lesquels reposait l'ancien état de choses ont été supprimés et l'on en a mis d'autres à la place. Il faut un certain temps pour s'y accoutumer. Heureusement, il y a dans notre caractère, dans notre tempérament slave, infiniment de souplesse et une très grande force d'adapta ­ tion. Vous verrez, que l'adaptation se fera très vite. Elle est déjà faite plus qu'à moitié! 58

Les changements pour l'armée sont importants, mais la presse française assure qu'elle ne fera à terme que renforcer la puissance de l'armée révolutionnaire. Les seules réformes Lavr Gueorguievitch Kornilov (1870-1918) est un général russe, surtout connu pour sa tentative de coup d'état militaire contre le gouvernement provisoire, en août-septembre 1917. 54 L'Humanité, 12 septembre 1917, « La crise politique en Russie : le général Kornilov marche sur Petrograd » 55 Le Figaro, 27 juillet 1917, « En Russie : rétablissement de la peine de mort ». 56 Le Figaro, 12 avril 1917, « En Russie : le gouvernement provisoire et le comité révolutionnaire ouvrier » 57 Raymond Recouly (1876-1950) est un journaliste français, envoyé spécial de guerre sur le front russe durant la guerre russejaponnaise puis la première guerre mondiale pour L'illustration et le Figaro. 58 Le Figaro, 21 juin 1917 : «Les nouveaux libres » 53

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qui intéressent réellement la presse sont d'ailleurs celles qui concernent l'armée. La réforme la plus notable vient le l'ordre numéro un de la charte des libertés, qui a pour objectif d'amoindrir le poids de la hiérarchie par la suppression du salut aux officiers et la suppression de la discipline en dehors du service, mais aussi par l'abolition de la peine de mort et des châtiments corporels à l'égard des soldats. Un plus fort pouvoir décisionnel est également donné aux comités de soldats, et les soviets de soldats sont désormais reconnus 59. Ces changements laissent dans un premier temps dubitatif les observateurs français. Le Figaro du 10 juillet décrit les assemblées de soldats sur le front. Dans cet article, le journal dénonce plus spécifiquement le principe de soviet pour les soldats. Cette diatribe s'insère dans une critique générale de la propension du gouvernement Kerenski à faire discourir les Russes plutôt que de les faire agir pour l'effort de guerre 60. Les « orateurs » décrits dans cet article sont des soldats députés des régiments qui « portent tous des brassards rouges et paraissent imbus de leur nouvelle importance 61.» Afin de souligner l'aberration de ces pratiques au sein de l'armée, le journaliste précise que l'un d'eux a le général pour secrétaire, « il paraît même qu'il est très content du général qui travaille très bien et témoigne à son inférieursupérieur une obéissance parfaite. (…) Pauvre Sainte Russie 62.» Avant la débâcle de l'offensive russe, les critiques des réformes ne sont toutefois pas unanimes, elles se feront bien plus virulentes lorsque les réformes seront considérées comme responsable de l'échec de l'offensive de juillet 63. Le 19 mai, L'Illustration salue l'assouplissement de la discipline dans l'armée, apportant l'humanité qu'il lui manquait : Le soldat russe, jusqu'à présent, rendant les honneurs de la main et de la botte ; ses chefs pouvaient le tutoyer et à la rigueur le rudoyer ; il tremblait devant le caporal et le sergent, et, au passage d'un général, il s'alignait, à la distance de trois pas, raidi par le respect et par la crainte. (...) Le soldat était chassé à peu près de partout, des cafés, des restaurants, même des jardins publics où, parfois, il est loisible de lire « Entrée interdite aux soldats et aux chiens 64 .

L’ordre numéro un de la charte des libertés est commenté notamment par Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, Paris, ed. Du Seuil, rééd. 1950, t.1 p.320-323 60 Plusieurs titres du Figaro vont dans ce sens : par exemple celui celui du 16 mai, « En Russie : déluge de paroles », et du 26 juin, « des paroles aux actes », 61 Le Figaro, 11 juillet 1917, « Dans le vent de la révolution : une assemblée de soldats » 62 Le Figaro, ibid. 63 Voir partie II, 2 : « l'armée de la Russie révolutionnaire : la désorganisation de l'armée » 64 L'Illustration, 19 mai 1917, « Lendemains de révolution » 59

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I. La révolution au prisme de la guerre

A travers cette réforme transparaît l'ordre nouveau de la Russie, où les hommes vivent démocratiquement. Désormais, entre les soldats et l'officier, règne « un sentiment de solidarité et de confiance réciproque, que l'ancienne discipline (...) est incapable d'inspirer ». Quant aux autres réformes, la presse insiste sur le retour à l'ordre qu'elles instaurent : Nous comptons voir la Russie révolutionnaire redevenir puissante, grâce à la réorganisation des services publics, au maintien de l'ordre intérieur, au rétablissement de la discipline dans l'armée, toutes choses qui permettront au grand peuple russe de montrer de quel poids il doit peser dans la balance du monde 65 .

Cet extrait ne fait pas référence à des réformes concrètes, il exalte par contre la « puissance » de l'état, le « maintien de l'ordre intérieur », et « la discipline dans l'armée». Les autres réformes n'intéressent en réalité pas la presse française, elles sont énumérées plus qu'analysées. Leur portée n'est pas prise en considération : En dehors de l'activité qu'il a consacrée aux questions intéressant immédiatement la vie nationale et la défense de la patrie, telles que 1'amélioration des transports et des finances, il a opéré des ré ­ formes, recréant la Russie sur des principes de liberté et d'égalité 66 .

À la suite de cet extrait du Petit Parisien du 10 mai, se trouve un inventaire des différentes lois promulguées, sans qu'aucun commentaire ne vienne analyser la portée de ces réformes basées sur « des principes de liberté et d'égalité. » La dépêche est reprise tel qu'elle a été transmise par le gouvernement provisoire. Il est à noté que les titres et sous-titres : « Le gouvernement provisoire en appelle au pays ; il signale la menace de l'anarchie intérieure et le péril extérieur » extrapole le contenu de la déclaration, qui se contente de renouveler sa volonté d'être l'émanation de la souveraineté populaire. Rien ne fait référence à « l'anarchie intérieure » ni au « péril extérieur », deux expressions plus employées par la presse française que par le gouvernement provisoire.

65 66

Le Petit Parisien, 2 octobre 1917, op. cit Le Petit Parisien, 10 mai 1917, « le gouvernement provisoire en appelle au pays »

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II. L'EFFORT DE GUERRE EN PLEINE RÉVOLUTION L'alliance franco-russe : 1892-1917 Dans l'analyse du discours de la presse concernant la révolution russe, le cœur du problème est qu'elle n'est pas traitée comme un événement autonome. Elle est totalement indissociable d'une propagande diplomatique tournée vers l’effort de guerre avant et après 1917. Il serait totalement erroné de traiter de cette révolution en laissant de coté ce contexte diplomatique omniprésent dans toute la presse. L'alliance liant France et Russie est indissociable du traitement fait de la révolution de 1917. Comme pour le mémoire portant sur 1905, il est important de comprendre les enjeux de cette amitié sur la longue durée, afin de percevoir son omniprésence dans le discours de la presse française au sujet de la Russie. Les question du rapprochement franco-russe à la fin du XIXe siècle ont déjà étés détaillés dans La révolution russe de 1905 d’après la presse française 67 : René Girault a largement travaillé sur les questions de diplomatie européenne au XIXe siècle, et en particulier sur les liens économiques liant France et Russie 68 . Il considère que les prémices du rapprochement franco-russe est une conséquence de la triple alliance se for ­ mant entre l'Italie, l'Autriche et l'Allemagne, à partir de 1882. Russie et France ont alors be ­ soin de sortir de leur isolement réciproque, notamment sur le plan économique. L'accord se fait dans un premier temps sur des critères purement financiers, et la Russie fait sa première demande d'emprunt en octobre 1888. La presse se fait promoteur de l'emprunt, qu'elle considère comme un « devoir patriotique 69 ». L'accroche publicitaire « prêter a la Russie, c'est prêter a la France » semble marquer les esprits, car l’épargne française a alors 3,5% de son

PNB

placé

en

Russie 70 .

L'accord militaire quant à lui, en est encore au stade de la discussion: la question d'une en ­ traide en cas d'agression - de part et d'autre, la crainte est celle d'une attaque allemande reste en suspens. On peut réellement parler d'une entente cordiale entre les deux pays à par ­ tir de 1891, notamment par l'approbation d'un texte de « défense de la paix », le 24 juillet. À partir de cette date, l'accord prend sa dimension politique. Une convention militaire est mise au point en 1892, et officiellement ratifiée par le tsar le 27 décembre 1893. Dans ce processus, la presse joue un grand rôle. Au-delà de la promotion de l'emprunt russe, elle se fait outil de construction puis de consolidation de l'alliance, par la création d'un climat fa ­ LEOCMACH Marie, SORREL Christian (dir.), La révolution russe de 1905 d’après la presse française : la retranscription de 52 semaines d’actualité internationale, Mémoire de Recherche, Universite Lumière Lyon II – enssib, 2012. p 76-77. 68 GIRAULT René, Emprunts russes et investissements français en Russie, 1887-1914, Paris, ed. du Ministère de l’économie, des finances et de l'industrie, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 1999. 618p. 69 GIRAULT René, Diplomatie européenne et impérialismes, Paris, Masson, 1979. p.154 70 GIRAULT René, id. p. 149 67

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II. l'effort de guerre en pleine révolution

vorable au rapprochement avec la Russie, voir à la promotion de sentiments que l'on peut qualifier de russophiles.

La solidarité financière de la France vis-à-vis de la Russie est mise à l'épreuve lors de la guerre russo-japonaise, qui se révèle très coûteuse à l'empire russe. L'accord militaire franco-russe est également questionné, puisqu'il prévoit une mobilisation solidaire des deux pays en cas d'attaque de la triplice subie par la Russie ou par la France, or le Japon ne fait pas partie de cette alliance. Dans La révolution russe de 1905 d’après la presse française, il a été démontré comment les vicissitudes russes de l'année 1905 commencent à ébranler les bases de l'amitié franco-russe. Après cette date, la France cherche à se rapprocher davantage de l'Angleterre, dont elle a une plus grande confiance. Ceci étant, l'alliance franco-russe reste d'actualité, et les visites diplomatiques se succèdent et sont louées par la majorité de la presse française. En 1909, le tsar parcours l'Europe, à cette occasion il rencontre Armand Fallières71 à Cherbourg. La presse définit alors cette alliance comme le rempart nécessaire au maintien de la paix : Aujourd'hui comme au premier jour, les Français et les Russes se donnent cordialement la main, pour défendre dans le monde les idées de droit et de justice et pour contribuer par leur entente au maintien de la paix en Europe. Cimentée par les années, l'alliance franco-russe a fait ses preuves de solidité. Elle a vécu intacte dans toutes les circonstances diplomatiques les gouvernements de Paris et de Saint-Pétersbourg se sont loyalement prêtés un mutuel appui. 72

Lorsqu'en 1912, Raymond Poincaré 73 se rend en Russie, le Figaro, le Petit Parisien, et l'Illustration tiennent sensiblement les mêmes propos. L'Humanité reste par contre sceptique face au rapprochement avec la Russie. Le caractère conservateur de la monarchie russe est bien sûr en compte, mais c’est aussi la crainte d'un conflit qui motive ces réserves. Aussi, le caractère impérialiste du régime tsariste est régulièrement rappelé au lectorat socialiste. Lors des conflits entre Serbie et Bulgarie en 1913, la Russie et l'Autriche se font médiatrices. Francis de Pressensé 74, le 24 juin, juge cette intervention « suspecte », et contraire aux intérêts de la paix: Tout ce que ces deux empires ont de commun, dans la péninsule des Balkans, ce sont des préten ­ tions dont l'antagonisme les divise et qui font d'elles, séparément ou conjointement, le plus détes ­ table des instruments de pacification 75 .

Armand Fallière (1841-1931) est un homme politique français. Il est président de la III e République de 1906 à 1913. Le Petit Parisien, 31 juillet 1909, « France et Russie » 73 Raymond Poincaré (1860-1934) est un homme politique français. Il est ministre à plusieurs reprises, président du Conseil des ministres. Il succède à Armand Fallière à la présidence de la III e République, de 1913 à 1920 74 Francis de Pressensé (1853-1914) est un homme politique socialiste français. Il est également journaliste pour l'Humanité. 75 L'Humanité, 24 juin 1913, « L’intervention collective de l'Europe pourra-t-elle prévenir une Guerre blakanique ? » 71 72

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Les intérêts impérialistes de la Russie sont considérés par le journal socialiste comme contraires aux objectifs et idéaux français, aussi la diplomatie ne doit pas céder aux exigences du tsar. À cette occasion, Francis de Pressensé qualifie d'ailleurs l'alliance d' « alliance-domestication 76». Progressivement pourtant, le discours contre Nicolas II se fait plus édulcoré, et son soutient est progressivement considéré, au même titre que dans les autres feuilles, comme un gage de maintien de la paix : en août 1913 l'alliance franco-russe sert « à garantir les intérêts réciproques des deux pays alliés et est aussi un gage parfait du maintien de la paix européenne 77 ». Il est dans le même temps toujours fait écho de la politique intérieure russe : L'Humanité fait référence aux bagnes, et certains incidents de la Douma sont critiqués, tel « les social-démocrates et travaillistes expulsés de la Douma », le 20 mai 1914. En parallèle, d'autres articles vantent de plus en plus ouvertement les bienfaits de l'alliance. L'Humanité soutient plus que jamais le camp de la paix, et ce même si elle implique une alliance franco-russe. La contradiction que suppose le rapprochement avec un pays autocratique semble de moins en moins importante, au vu des événements internationaux. Ce discours est maintenu jusqu'à août 1914, avec un déni de réalité qui peut a posteriori nous sembler irrationnel. Les garants de la paix n'ont pas voulu admettre, jusqu'au dernier moment que la guerre était bel et bien en marche, si bien que leur revirement de discours ne se fait qu'à partir du déclenchement de la guerre elle-même. À partir de là, l'unité nationale et la solidité des alliances est le plus important, quel que soit les contradictions politiques de ces rapprochements. En complément de cette chronologie succincte, il est possible de chiffrer la couverture médiatique qui a été faite de ce rapprochement diplomatique. Le graphique ci-dessous quantifie les occurrences de l'expression « alliance francorusse » au sein des trois quotidiens entre 1892 et 1918 78.Grâce à ces courbes, on perçoit clairement que l'Humanité 79 ne s’intéresse pas à cette alliance, si ce n'est pour la critiquer, en pleine révolution de 1905. Au contraire, le Figaro fait largement référence à celle-ci, notamment lors des visites diplomatiques : Nicolas II est en France en 1897, Félix Faure en Russie l'année suivante, Émile Loubet s'y rend en 1902, et Raymond Poincaré en 1912. Le pic de 1899 s'explique quant à lui L'Humanité, ibid L'Humanité 10 août 1913, « Ce que coûterait une guerre franco-allemande » 78 Ces chiffres ont été établis à partir du moteur de recherche de Gallica.bnf.fr, ils correspondent au nombre total d’occurrences référencées pour chaque année dans les différents journaux. 79 À noter que la parution de L'Humanité ne débute qu'en 1904. Ces chiffres ont été établis à partir de la base de donnée de Gallica. 76 77

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II. l'effort de guerre en pleine révolution

par la négociation d'un renforcement de l'alliance sur la question des Balkans, celui de 1904 par la question de la guerre russo-japonnaise, et ceux de 1912 à 1915 évidemment par les tumultes de l'entrée en guerre.

Tableau 2

2.1. UNE GUERRE POUR LA RÉVOLUTION. Le discours de la guerre émancipatrice a eu bien du mal à assumer ses contradictions qui entre 1914 et 1917, sont de taille. Comment la presse parvient-elle à dépeindre un tsar tout puissant menant lui-même ses troupes vers une guerre pour la liberté ? La base du problème est de passer sous silence l'absolutisme du régime russe. Avant 1914, l'Humanité ne se prive pas de critiques ouvertes contre le régime russe, bien qu'elle soit alliée à la France. Cependant, l'unité du pays prévaut, comme celle des alliances, et ce avant même l'éclatement de la guerre. Dès 1913, Amilcare Cipriani 80 fait référence au tsar pour évaluer une échelle de cruauté : « On parle aujourd'hui de la cruauté du tsar de Russie. Ce n'est rien en comparaison de celle de François-Joseph. 81 ». Cette référence à Nicolas II peut sembler anecdotique dans un article traitant des rapports entre l'Italie et l'Autriche, mais cela montre que les alliances se mettent en

80 81

Amilcare Cipriani (1843-1918) est un militant marxiste et patriotique italien. L'Humanité, 5 septembre 1913, « La monarchie italienne devant l'Autriche »

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place : même consciente du pouvoir autocratique du tsar, la presse française cherche à amoindrir ses méfaits pour critiquer plus largement l’Autriche ennemie. L’Entente est dans le camp du droit, et tout ce qui sous-entendrait que la Russie ne l'est pas également est considéré comme une dangereuse source de division surtout une fois la guerre déclarée. En 1916, les États-Unis d'Amérique lancent une campagne de sensibilisation face aux mesures antisémites prises en Russie ; L'Humanité voit d'un mauvais œil cette initiative de la part d'un pays neutre. Marius Moutet concède que les mesures inégalitaires existent effectivement, celles-ci expliquent d'ailleurs le désengagement de certains financiers du prêt des Alliés, mais il affirme que cette campagne, en allant à l'encontre des intérêts de l'Alliance, fait le jeu de l'Allemagne. Il souligne d'ailleurs que celle-ci aussi suit une politique antisémite : Il est nécessaire de ne pas laisser l'opinion des neutres se tourner contre notre cause (...) La moindre concession du gouvernement russe équivaudra par sa répercussion chez les neutres à une grande victoire sur l'Allemagne. Celle-ci ne se prive pas d'exploiter la situation 82 .

En pleine guerre, la question de la politique intérieure d'un pays étranger ne se pose plus dès lors qu'il s'agit d'un allié. Si le tsar est un monarque absolu autant que le Kaiser, il est pour sa part dépeint comme étant un bon prince ; cette image simpliste est ainsi résumée dans le Figaro : « Le tsar blanc a triomphé de l'empereur noir. 83 » Le tsar est certes autocrate, aucun journal français ne le nie. Pourtant, ils insistent sur le fait que, bien qu'absolu, le tsar gouverne en ayant le souci de son peuple. L'annonce de l'autonomie de la Pologne, en août 1914, est saluée comme une preuve irréfutable de la bonne volonté de Nicolas II, et de son ambition à mener la Russie vers « la bonne route ». Marcel Sembat 84, dans l'Humanité analyse la nouvelle : « C'est un symptôme heureux que pour vaincre de cette grande guerre, le tsar ait senti qu'il serait plus fort si ses peuples devenaient plus libres et plus maîtres d'eux-mêmes 85». Du tsar, on dresse avant tout le portrait d'une figure tutélaire, ayant foi dans la puissance de ses troupes. Lorsqu'en septembre 1915, Nicolas II prend le commandement des armées, le Petit Parisien retranscrit un discours dans lequel le

L'Humanité, 15 février 1916, « Juifs de Russie » Le Figaro, 25 février 1916, « Un point d'histoire » 84 Marcel Sembat (1862-1922) est un homme politique socialiste français. Il participe au gouvernement d'union sacré durant la première guerre mondiale. 85 L'Humanité, 18 août 1914, « La Pologne ? » 82 83

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tsar insiste sur le caractère divin de son pouvoir, qui donnera un regain de puissance à l'armée qu'il commande : Je crois fermement que puisque le tsar lui-même, à qui vous avez prêté serment, vous conduit, vous montrerez de nouveaux exploits jamais vus. Je crois que Dieu, dès ce jour, accordera à son élu son secours tout puissant et lui apportera la victoire 86 .

La mise en avant du droit divin d'un monarque est en complète inadéquation avec la position officielle de la France, laïcisée depuis 1905. Mais si la République est laïque, les Français sont toujours sensibles au discours de la guerre sainte et salvatrice face à la barbarie allemande. Le lectorat peut s'émouvoir d'un roi bénissant pour l’œuvre de guerre « [son] armée unie, unanime et forte comme un mur de granit 87 ». Mettre l'accent sur cet aspect du pouvoir tsariste, c'est rappeler le lien de fidélité qui réside entre le tsar et son peuple. Insister ainsi sur le caractère absolu du pouvoir du tsar est complètement contradictoire avec la thèse de la guerre du droit face à la barbarie, mais elle est susceptible d'évoquer un sentiment d’empathie au lectorat conservateur. Le discours de guerre insiste avant tout sur le thème de la guerre salvatrice. C'est la liberté des armées françaises qui fait la force de ses soldats. l'Humanité retranscrit l'analyse d'un journal persan allant dans ce sens, en saluant « l'héroïsme inimitable des Français » à Verdun, ils expliquent : Tandis que les Français luttent pour leur patrie envahie, pour les grandes idées de 89, pour le droit violé et pour la République sacrée, les Russes ne combattaient en 1915 que pour le Tsar. 88

La puissance d'une armée libre ne pourra jamais faire les mêmes avancées que celle dirigée par un monarque, qu'il soit tsar ou kaiser. En résumé, pour le Petit Parisien, le tsar tout puissant et son pouvoir divin est un bienfait pour le moral des troupes, tandis que pour l'Humanité, c'est l'avancée vers le progrès et la liberté qui rendra l'armée russe plus forte. À partir de 1917, la question ne se pose plus, on espère fermement que l'armée révolutionnaire russe triomphera face à la barbarie allemande. Car l a révolution permet de régler les contradictions fondamentales du discours de guerre. Elle a permis d'apporter une plus grande légitimité au thème de la guerre pour la liberté. Grâce à cette révolution, « la discordance de l'alliance franco-russe disparaît. Elle n'unit plus une république et un empereur absolu, mais deux démocraties : elle n'est plus étrange, elle Le Petit Parisien, 9 septembre 1915, « Le grand-duc Nicolas prend le commandement en chef de l'armée du Caucase » Le Petit Parisien, 4 août 1914 « déclaration du tsar aux représentants de l'armée et de la flotte ». 88 L'Humanité, 26 avril 1916, « Les commentaires d'un journal Persan ». 86 87

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est normale et harmonieuse 89.» Jules Destrée admet, une fois la révolution faite, que l'alliance franco-russe était mise en péril du fait du caractère autocratique du régime tsariste, « qui était un anachronisme au vingtième siècle ». Lorsque la presse fait courir le bruit que Emile Vandervelde 90 avait conseillé aux Russes de retarder le mouvement révolutionnaire pour le bien de la guerre, le ministre belge dément catégoriquement : Je leur demandais, lorsqu'ils auraient à déterminer leur attitude, non pas vis-à-vis du tsa ­ risme, mais vis-à-vis de la guerre, de considérer la situation dans son ensemble, et de ne pas oublier que, du côté occidental, les nations démocratiques faisaient une guerre de défense pour la liberté. (...) Nul ne s'est plus réjoui que moi de la Révolution russe et si j'avais fait quoi que ce soit, pour en conseiller l'ajournement, j'ai la conviction que j'aurais été directe ­ ment à l'encontre des intérêts de la grande cause pour laquelle nous luttons 91 .

La révolution et la guerre sont deux réalités ici clairement imbriquées. L’argumentaire se résume en un sophisme simple : la révolution russe lutte pour l'émancipation de son peuple, la guerre se fait pour la liberté, la révolution et la guerre vont donc dans la même direction.

La guerre de la liberté L'amitié franco-russe est ainsi une chose naturelle, car elle allie deux pays se battant pour le même concept, celui de « liberté », terme que l'on retrouve très fréquemment dans le discours de la presse belliqueuse. Pour donner un ordre d'idée, j'ai procédé à une recherche par mot-clé dans les quotidiens de l'année 1917. Les termes associés « Russie » et « liberté » sont très fréquents. Un second tri manuel a permis d'isoler les articles faisant directement référence à une guerre pour la liberté ; on obtient 112 résultats significatifs pour le Petit Parisien, 93 pour le Figaro, et 81 résultats pour l'Humanité. Afin d'analyser ces données, j'ai sélectionné un tiers de ces occurrences à titre d'exemple, ces sources sont présentées en détail en annexe 2. Le discours ayant un caractère systématique, il est particulièrement répétitif, un tiers des occurrences suffit amplement à comprendre ses mécanismes. Voici, en pourcentage, la part de

Le Petit Parisien, 15 avril 1917, « La force révolutionnaire de la guerre » Emile Vandervelde (1866-1836) est un homme politique socialiste belge. Il est nommé ministre durant la première guerre mondiale. 91 L'Humanité, 15 mai 1917, « En Russie : le ministre de la guerre et le général Kornilov démissionnent » 89 90

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II. l'effort de guerre en pleine révolution

chaque thème dans le discours de chaque journal (certaines occurrences recouvre deux thématiques, aussi le pourcentage dépasse 100 % pour le Figaro et l'Humanité) :

Tableau 3: Part de chaque thématique dans les références à la « guerre pour la liberté ». On constate que dans le Figaro, le thème de l'offensive pour la liberté est très présent : on parle de « lutte acharnée », d'« offensive », d'« offensive immédiate » et de « combattre ». Le Petit Parisien emploie les verbes « lutter », « poursuivre avec énergie », « batailler », « battre », mais également des tournures plus défensives, tel que : « parer aux coups » et « défendre ». L'Humanité est davantage dans ce second registre :il est question de « défendre la révolution » et de « défendre le patrie », comme d' « entraver » l'avancée allemande. La liberté est présentée comme le trésor partagé que protège la Triple-Entente face à la Triple-Alliance. L'Humanité affirme que « maintenant, la Révolution ayant libéré la Russie, il s'agit de défendre la liberté conquise contre les Hohenzollern. 92 », mais c'est surtout le Figaro qui renvoie le plus à la lutte commune de l'alliance, avec plus d'une trentaine de cas : le journal parle notamment de « solidarité », d' « union pour l'offensive », de « ralliement », il est également question de « lutter ensemble » et de « partage de la victoire ». L’Entente enfin, n’est autre que « le chemin de la liberté 93 ». Concernant la guerre pour la sauvegarde des principes de la liberté, les trois journaux s'accordent ; un certain nombre d’occurrences viennent de dépêches Havas ou de retranscriptions de communiqués officiels en provenance de Russie. De fait, les mêmes formulations sont susceptibles de se retrouver dans toutes les feuilles. Le discours en 92 93

L'Humanité, 22 avril 1917, « Le prolétariat repousse toute paix séparée » Le Figaro, 15 juillet 1917 « l'offensive du général Kornilov »

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devient monotone : Le Figaro évoque ici la « défense active dans le but de sauvegarder l'indépendance nationale et la liberté 94 » ; ailleurs la nécessité de «délivrer la patrie de l'ennemi extérieur. 95 » Le Petit Parisien affirme l'importance de « défendre l'honneur de la patrie et les grandes traditions de la liberté et de la révolution 96 », et la priorité de « sauver la liberté de la Russie (…) pour conjurer l'opprobre qui menace le pays. 97 » L'Humanité varie légèrement du discours patriote au profit de l’exhalation d'idéaux révolutionnaires : pour exemple « le triomphe de la liberté dirigera contre l'ennemi qui menace la patrie toute la force invincible de la révolution 98 ». L'idéalisme du propos est caractéristique : « Maintenant plus que jamais, nous forgeons notre bonheur et le sort de nos libertés est entre nos mains 99 » ; si la victoire sur l'ennemi se concrétise, « la démocratie sera demain la maîtresse du monde 100 ». Car si les Russes se révèlent, au regard de la presse française, de vaillants soldats contre l'Allemagne, c’est par ce que l'enjeu est la sauvegarde de leur liberté nouvellement acquise. La France a craint pendant un temps que la révolution désorganise l'effort de guerre, mais elle affirme rapidement, et avec conviction, que cette révolution a renforcé la motivation du peuple russe : Cette révolution qui aurait pu être si tragique et tout emporter dans des lames de fond, se donne au contraire pour objet de réduire l'anarchie matérielle et morale qui, devant l'enne ­ mi, menaçait notre alliée et divisait ses forces 101 .

Ce mouvement, définit par le Figaro comme « national et patriote » entend honorer les engagements militaires de l'Entente, et, comme la France, il lutte pour les nobles principes de la révolution. La Russie est désormais un « peuple libre luttant pour sa Liberté » d'après le Petit Parisien. Le 12 juin, le Petit Parisien et le Figaro retranscrivent la même phrase, extraite d'une dépêche Havas : « la Russie doit maintenant consolider et garder la liberté nouvellement acquise, pour cela, il faut la défendre contre les attaques de l'ennemi ». L'Entente a le devoir de protéger la liberté russe, mais celle-ci quoique nouvelle et fragile, est présentée comme celle qui montre désormais la voie vers le salut des peuples. Elle est bientôt porteuse Le Figaro, 21 mai 1917, « En Russie : les buts de guerre » Le Figaro, 24 avril 1917, « Pas de paix séparée » 96 Le Petit Parisien, 5 octobre 1917, « Des difficultés nouvelles surgissent en Russie » 97 Le Petit Parisien, 28 juillet 1917, « Les délégués socialistes russes arrivent aujourd'hui à Paris » 98 L'Humanité, 3 août 1917, op cit. 99 L'Humanité, 24 avril 1917, « En Russie : un appel du gouvernement aux ouvriers des munitions » 100 L'Humanité, 31 mars 1917, « le parti socialiste (SFIO) pour la révolution russe » 101 Le Figaro, 17 mars 1917, « En Russie : Bruits d'abdication du tsar Nicolas en faveur de son fils » 94 95

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d'une mission : Le 25 septembre, le Figaro assure que c'est le « devoir de l'armée révolutionnaire de donner la liberté au monde entier 102 ». Rapidement, la grande guerre est analysée par les alliés comme une guerre révolutionnaire, car l'ennemi est annoncé comme étant la monarchie, en l’occurrence celle d'Allemagne. Dès l'entrée en guerre, Jules Destrée annonce : « ce n'est pas une guerre c’est une révolution. C’est une nouvelle bataille, décisive pour la liberté des peuples ». En août 1914, l'Humanité explique qu' « il faut remonter aux guerres de la Révolution pour retrouver le souffle de liberté qui agite aujourd'hui l'Europe. 103 » Mais cette analogie prend toute son ampleur durant la révolution russe. Le vent de la libération des peuples souffle de nouveau dans la propagande française. Le Figaro du 15 juillet 1917 précise : « Nous continuons, nous les Alliés, la Révolution, (…) notre objectif précis, c'est la destruction de la dernière, mais de la plus redoutable et de la plus malfaisante, des féodalités 104». La révolution russe a destitué son monarque, allant ainsi dans le sens de la mission salvatrice que s'était donné la Triple-Entente. Pour continuer la révolution, il faut désormais faire tomber l'empire germanique : « C'est une autre bastille que nous assiégeons depuis trois ans (…). Il est devenu banal de dire, exactement, que c'est la Révolution qui continue. De fait elle se n'est jamais interrompue 105.» Les Russes révolutionnaires sont alors présentés comme les continuateurs directs de la révolution française. Comme les soldats de l'an II ont étés récompensés des « biens nationaux », l'armée révolutionnaire russe aura pour récompense la possession de ses « vastes terres 106.». le Figaro exalte l'énergie russe, c'est à présent eux qui montrent le chemin vers le progrès : La Russie n'a plus besoin des exemples du passé et d'autres peuples. L'image même de notre Révo ­ lution s'est effacée dans l'aube de son grand jour. Les Russes veulent devenir des ancêtres 107 .

C'est par la guerre que la révolution continue, c'est par elle que naîtra « l’ordre nouveau que [ J. Jaurès] prophétisait ». Un mois après le début de la révolution russe, l'Humanité « comprend pourquoi cette guerre atroce fut nécessaire. Nous la voyons à son plan, à sa place dans le progrès de l'humanité. 108 » Ce principe est largement relégué dans la presse française, elle permet d'enthousiasmer les Français pour cette guerre qui n'en finit pas, Le Figaro, 25 septembre 1917, « En Russie, avant et après l'aventure Kornilov » L'Humanité, 17 août 1914, « Poussée de démocratie » 104 Le Figaro, 15 juillet 1917, op.cit. 105 Le Figaro, ibid. 106 Le Figaro, 25 avril 1917, op.cit 107 Le Figaro, ibid. 108 L'Humanité, 8 avril 1917, « Vers la république » 102 103

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d'expliquer que la poussée libératrice en Russie ne pourra qu’accélérer le processus de la victoire. La révolution des Russes devient un puissant outil de motivation des troupes. C'est par la guerre que le peuple se soulève. Par amalgame du discours, « la Russie a adopté la liberté pour anéantir le despotisme et chasser l'ennemi de nos frontières 109 », affirme le Petit Parisien. Mais pour achever la révolution, il est indispensable de « continuer la lutte contre l'ennemi de toutes les libertés. », car sans la victoire, les principes de la révolution sont en péril, ils « ne pourront pas résister à l'autocratisme austro-germain 110 ». Aussi la « mission première » de la Russie révolutionnaire « c'est d'organiser la guerre. Où le tsarisme a échoué pour se perdre, la démocratie doit réussir, ou elle se perd à son tour. 111» Cette logique est si élémentaire qu'elle est comprise et admise par « le dernier [des] moujik. » La révolution russe a besoin de triompher dans la guerre, ou l'éveil de son peuple est voué à l'échec. Le salut de la révolution russe est parallèle aux desseins de la guerre ; la paix et l'armistice séparée, d'après le Figaro, sont les rumeurs qui « décompose[nt] l'armée et abat son moral 112 ». Les soldats révolutionnaires ont une mission à accomplir, celle d'exporter la liberté. Leur ardeur pour poursuivre la guerre est motivée par la volonté d'aller « jusqu'au triomphe définitif des principes proclamés par la révolution 113 ». Car leur révolution nationale ne peut exister que si la menace impérialiste allemande est écrasée. Le Petit Parisien retranscrit un discours de M. Roditchev 114 allant dans ce sens : La victoire est nécessaire afin d'établir une paix sociale intérieure. Plus notre victoire sur l'ennemi sera complète, plus les conquêtes de la démocratie, des classes des paysans et des ouvriers seront larges et profondes, car si le militarisme allemand n'était pas renversé, tout le travail des générations futures devrait être consacré aux armements 115 .

La poursuite de la guerre et sa victoire doit être une des priorités de la Russie. Le gouvernement dans sa politique, doit pouvoir « tenir tête à tous les dangers 116 », c’est-à-dire ceux de l’intérieur comme de l’extérieur, pour asseoir sa légitimité. Seulement alors, le pays pourra être « guidé vers une voie de régénération Le Petit Parisien, 13 mai 1917, « La séance solennelle des quatre Doumas » Le Petit Parisien, 28 juin 1917, « Retour de Russie : M. Lafont nous exprime sa confiance dans l'avenir » 111 Le Figaro, 25 avril 1917 : « Du réveil militaire de la Russie » 112 Le Figaro, 16 mai 1917, « un appel du comité de Tauride : une paix séparée est 109 110

impossible. »

une chose

L'Humanité, 3 août 1917, op.cit Fiodor Izmaïlovitch Roditchev (1856-1933), membre du parti cadet, commissaire du gouvernement provisoire pour la Finlande en 1917 115 Le Petit Parisien, 13 mai 1917, op cit 116 Le Petit Parisien, ibid 113 114

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révolutionnaire 117 ». Le Figaro reste d'ailleurs sceptique face à la propension de la révolution à discourir. Elle lui préférerait des actes aux mots: Les soldats ne redeviennent eux-même que par l'offensive. Le mouvement se prouve en marchant. Le dégoût des conseils abjects, la résolution profonde, non pas seulement verbale, de mener la guerre du droit jusqu'à la victoire totale du droit, se démontrent par des actes 118 .

La crainte est manifestement que les Russes se perdant en discours, en oublie la guerre, qui elle, ne s'arrêtera pas 119. La France a besoin d'un allié fidèle, elle l'appelle au combat contre l'Allemagne.

Illustration 2: "Soldats se dirigeant vers la Douma en arborant l'inscription : « La victoire sur Guillaume II est le gage de la liberté »" L’Illustration, 19 mai 1917.

Les Russes, comme les Français, doivent posséder cette haine de l'Allemand qui anime la propagande de guerre. Il n'est pas ici question de développer l'ensemble du discours porté sur l'ennemi allemand durant la première guerre mondiale. Cela constitue en soit un thème de recherche. Mais il est important de comprendre que l'amitié franco-russe a pour fondement de sa propagande un idéal comme un ennemi commun. La révolution Le Petit Parisien, ibid Le Figaro, 4 juillet 1917, « Les premiers rayons de l'aube russe » 119 Voir aussi 2.2 : « L'armée de la Russie révolutionnaire ». 117 118

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aurait été engendrée par cet idéologie commune. Le soulèvement des peuples, par amalgame, converge vers cette haine du despotisme allemand : « la Russie a adopté la liberté pour anéantir le despotisme et chasser l'ennemi de nos frontières 120 ».Le Figaro affirme que « L’Allemagne aura réveillé ainsi chez toutes les races le puissant instinct de conservation, elle succombera sous cette révolte unanime 121. » On évoque régulièrement, dans le Petit Parisien, que la guerre a été déclenchée par l'Allemagne impérialiste, tandis que la France et ses alliés ne feraient que se défendre face à elle : « Seule la volonté funeste des agitateurs criminels ennemis nous força à entrer dans cette guerre défensive pour notre vie et notre liberté. 122 » Les articles qualifiants l’Allemagne insiste sur son autoritarisme, et sur le caractère impérialiste et dominateur de sa guerre de conquête 123 : ils sont les « agresseurs », les « agitateurs ennemis ». Le Petit Parisien fait de « Guillaume II [le] grand ennemi de la liberté 124 », et l'Allemagne est « l’ennemie de toutes les libertés 125 ». Sa féodalité est une « survivance hideuse 126 » du passé. La première offensive russe après la révolution est saluée comme un signe de confiance des russes vis-à-vis de ses alliés, elle dissipe la rumeur qui parlait d'un rapprochement entre Russie et Allemagne. Oui ! Ils nous ont donné leur confiance ; et c'est en nous qu'ils croient ! Ils ne croient plus les Allemands. Ils nous savent, comme la Russie révolutionnaire, armés pour le droit et pour la liberté 127

Car lorsque l'Allemagne fait un pas vers le progrès, c'est toujours par calcul : lorsque le tsar « garantie » l'autonomie de la Pologne, « l'hypocrisie jésuitique de l'empire austro-hongrois n'a pas pu résister à l'idée de faire des promesses à cette même Pologne 128 ». L'objectif de la guerre serait de faire prendre pleinement conscience au peuple allemand des bienfaits de la démocratie, il faut « faire surgir un peuple désireux de paix et de liberté. Mais même alors, pourrons-nous lui faire confiance ? 129», demande Jules Destrée. Le rapport à l'Allemand est ambiguë. On

120 121

Le Petit Parisien, 13 mai 1917, ibid. Le Figaro, 17 mars 1917, « En Russie :

faveur de son fils. »

Graves événements, bruits d'abdication du tsar Nicolas en

Le Petit Parisien, 8 septembre 1917, « Le gouvernement russe confirme la réalité du complot contre-révolutionnaire » Le Petit Parisien, 10 juillet 1917, « Le congrès des soviets fut une défaite pour les léninistes » 124 Le Petit Parisien, 20 juin 1917, « La révolution russe au jour le jour » 125 Le Petit Parisien, 28 juin 1917, op.cit 126 Le Figaro, 15 juillet 1917, op.cit 127 L'Humanité, 7 juillet 1917, « En Russie : le gouvernement contre les extrémistes » 128 Le Petit Parisien, 17 août 1914, « En Russie : une déclaration de M. Kerenski » 129 Le Petit Parisien, 15 avril 1917, op.cit 122 123

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affirme haïr son gouvernement autocratique, mais en définitive, on craint également le peuple allemand tout entier. La presse française relègue toutefois les nouvelles d'une bourgeoisie allemande aspirant à la paix, rassemblée en une Ligue bourgeoise pour la paix, mais en minimisant la portée de tels mouvements : Ce sont là [des] gens qui ne comptent pas en Allemagne, et qui sont habitués à se laisser traiter de haut par la caste féodale et militaire. (…) Même s'ils avaient la majorité au Reichstag, que pour ­ rait-il en advenir sous un régime où le Parlement n'est rien ? 130

On vante la portée émancipatrice de la révolution russe, mais on relativise systématiquement l'impact qu'elle pourra avoir en Allemagne, car il ne faut pas compter dessus pour remporter la victoire. Jules Destrée encore, affirme que « ce serait une erreur fatale de caresser des illusions sur un mouvement intérieur allemand 131 ». Après les troubles parlementaires de juin-juillet en Allemagne, le Petit Parisien explique que la révolution n'était pas à l'ordre du jour, « ce ne fut guère qu'une tempête dans un verre d'eau. 132 » La presse française, en reléguant ce discours, cherche à convaincre les Français qu'aucune révolution allemande ne viendra ajourner la guerre, que cette paix ne pourra germer que dans les champs de bataille et naître que dans la souffrance. Si une démocratie venait à naître sans le secours des alliés, elle serait dangereuse, car « la terrible hypocrisie de nos ennemis saurait se retourner contre nous ». Rien ne prouve que la liberté des Allemands les inciterait à « rendre » à la France, l'Alsace et la Lorraine. Alfred Capus résume ce principe dans le Figaro : « On ne doit pas se lasser de le répéter, ce n'est pas un changement de régime politique en Allemagne qui nous donnera la victoire, c'est notre victoire qui provoquera ce changement de régime. 133». Dans cet argumentaire contradictoire d'Alfred Capus, on perçoit bien les limites de la propagande d'une guerre pour la paix et la liberté des nations.

Le Petit Parisien, 10 juillet 1917, ibid. L'Humanité, 12 avril 1917, « La révolution russe : les buts de guerre du gouvernement provisoire » 132 Le Petit Parisien, 11 juillet 1917, « la révolution russe au jour le jour » 133 Le Figaro, 11 juillet 1917, « Allemagne et démocratie » 130 131

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Illustration 3: : "Les volontaires de la Russie: Tandis que l'armée régulière russe se désagrège, on a eu, en juin et juillet, le spectacle réconfortant de jeunes gens de 16 à 19 ans s'engager dans les « bataillons de la mort » pour aller donner l'exemple à leurs aînés(...)" L'illustration, 11 août 1917

2.2. L'ARMÉE DE LA RUSSIE RÉVOLUTIONNAIRE. Le discours de propagande vantant les mérites d'une guerre salvatrice pour tous les peuples veut galvaniser les troupes. Le discours officiel russe évoque les mêmes nécessités. Le 31 juillet, le Petit Parisien transcrit un discours « vibrant » de Kerenski. Dans celui-ci, après avoir rappelé les bienfaits de la révolution et de la liberté qu'elle a apportée, il explique que « notre mère, la Russie, est en danger. Vous seuls pouvez la sauver. Si l'armée meurt, mourra aussi la liberté. 134» Kerenski explique encore que « la révolution est une force morale », dans laquelle l'armée russe tire sa puissance et sa volonté de vaincre, pour le droit. Les déclarations du gouvernement provisoire vont donc dans le sens de la continuation de la guerre. Plusieurs articles affirment que le soviet également prône l'offensive, le Figaro du 16 mai affirme que le comité de Tauride «a publié un manifeste à l'armée qui 134

Le Petit Parisien, 31 juillet 1917 : « comment Keresnky essaie de galvaniser l'armée russe »

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exclut la paix séparée, qui prescrit l'offensive et qui convie une fois de plus les travailleurs d'Autriche et d'Allemagne à détruire le pouvoir personnel. 135 ». L'Humanité à son tour transmet une résolution des délégués de la garnison de Petrograd, affirmant que « la paix, avec le rétablissement des anciennes frontières de l'empire et sans consentement des Alliés, constituerait à la fois une honte et une menace pour les libertés russes 136 ». Le 26 juin également, l'Humanité explique qu'il ne peut pas y avoir de paix juste tant que des gouvernements impérialistes continueront à mettre au point des « programmes de conquêtes ». Cela explique la résolution du soviet de Petersbourg à continuer la guerre dans l’intérêt du pays et pour œuvrer à sa liberté. Le soviet appelle ainsi à la « mobilisation de toutes les forces vives du pays dans tous les domaines, de la vie nationale afin d'affermir le front de l'arrière 137. » En effet, la question de l'effort arrière occupe une place importante dans la presse française. Le 25 avril, le Figaro évoque « Le réveil militaire de la Russie » : C'est un fait que les travailleurs russes ont répondu au vigoureux appel « Soldats à vos tranchées, ouvriers à vos ateliers » Ceux des soldats qui, se méprenant sur le sens de la Révolution, avaient déserté le front pour retourner à leurs villages, reviennent en masse aux tranchées. Les ouvriers rentrent dans les usines de guerre, le Comité exécutif du parti socialiste demande que les usines restent ouvertes jour et nuit, afin de réparer le temps perdu, et propose un emploi plus intensif de la main-d'œuvre féminine 138 .

Cet extrait cherche à transmettre l'idée d'un enthousiasme russe à la reprise du travail : l'appel est « vigoureux », les soldats « reviennent en masse », et le travail dans les usine est « intensif ». Il est à noter que la plupart des articles français traitant de la question sont la simple transmission de communiqués officiels. Pour cette raison, c'est le même jour que l'Humanité reprend les déclarations du comité exécutif du conseil ouvrier, affirmant que « le rendement du travail est supérieur à celui d'avant la révolution, ainsi que l'ont constaté et certifié les délégations militaires venues du front dans le but de contrôler les ouvriers 139.» L'Humanité cite dans ce sens Plekhanov 140, qui est favorable à la guerre, car il la voit comme une arme de défense de la révolution. Il explique qu'il serait criminel de se mettre en grève pour les ouvriers russes en pleine guerre, car cela équivaudrait à un affaiblissement militaire certain 141. Le Figaro, 16 mai 1917, « En Russie : déluge de paroles » L'Humanité, 12 avril 1917, « La révolution russe : les buts de guerre du gouvernement provisoire ». 137 L'Humanité, 26 juin 1917, op.cit 138 Le Figaro, 25 avril 1917, « Le réveil militaire de la Russie. » 139 L'Humanité, 25 avril 1917, « En Russie » 140 Gueorgui Plekhanov (1856-1918) est un marxiste russe appartenant aux mencheviks. Il rejoint le camps des socialistes patriotiques durant la guerre, et se révèle très hostile aux bolcheviques en 1917. 141 L'Humanité, 21 avril 1917, « L'emprunt de liberté provoque de nombreuses souscriptions ». Cette déclaration correspond à l''opinion de Plekhanov. Léon Trotski fait une allusion similaire dans son Histoire de la révolution russe, op.cit, t.1 p.272 135 136

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Par ces nouvelles de l'arrière, la presse française cherche à démontrer que l'effort de guerre est poussé par des bases solides au sein de la population russe. Car en pratique, la France s’inquiète de la capacité martiale de son allié désormais libre. Le Figaro titre « des paroles aux actes », et dénonce ainsi la propension à discourir du gouvernement provisoire : « La révolution date du 10 mars, il y a trois mois et demi de cela, et depuis cette époque, la Russie toute entière n'a guère fait autre chose que parler. 142 ». Le 10 novembre, la même expression revient pour expliquer les vicissitudes de l'armée russe et de sa révolution : « il faut des actes, non des paroles ». La presse française, entre mars et août, distille des allusions aux bonnes capacités militaires de la Russie. Le Petit Parisien décrit un peuple déterminé : « Cette démocratie apparaît aujourd’hui debout, pleine de vigueur, sur toute la ligne du front oriental. 143 ». La presse affirme que le soviet est également en faveur de la continuation de la guerre : le Petit Parisien explique que le comité de Tauride renouvelle sa volonté de faire la guerre, au détriment « des deux empereurs, qui s'imaginaient déjà profiter du pacifisme des ouvriers russes pour libérer le front oriental 144 ». Le pacifisme n'a finalement pas prit en Russie, affirme le Figaro à la fin du mois de juillet : Les soldats déchirent leurs loques rouges. Après une léthargie de trois mois, l'idée de guerre, d'offensive, la nastouplenic 145 renaît. Tous les journaux (sauf ceux de Lénine), le So­ viet qui s'est ressaisi, sonnent la charge 146 .

En juin, la presse française espère une « vigoureuse offensive » de la part des russes. Elle attend de ses alliés qu'ils « s’efforcent de soulager notre front d'une partie du fardeau que l'inaction de son armée laisse peser sur nous depuis trois mois 147.» Car l'inertie de la Russie a des conséquences sur le front français. Le 25 avril, Le Figaro explique que celle-ci aurait été profitable aux allemands, car elle « leur a permis de dégarnir leur front oriental pour envoyer en Champagne quelques-unes de leurs meilleures divisions. 148 » En restant immobile, la Russie déshonorerait ainsi la parole qu'elle a donnée à ses alliés.

142 143

Le Figaro, 26 juin 1917 : « En Russie : des paroles aux actes » Le Petit Parisien, 4 juillet 1917, « l'offensive russe se développe

prisonniers en deux jours ».

sur un front de 80 km, plus de 15.000

Le Petit Parisien, 16 mai 1917, « l'accord semble se faire à Petrograd Le terme exact se translittère plutôt « nastupljenie » et signifie « offensive » 146 Le Figaro, 27 juillet 1917, « En Russie : une journée manquée » 147 Le Figaro, 26 juin 1917, ibid. 148 Le Figaro, 25 avril 1917, op.cit 144

entre gouvernement et comité »

145

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Pour rappeler l'importance stratégique de l'allié russe dans la continuation de la guerre, la presse française évoque régulièrement les échanges et interactions entre les deux armées. Outre les voyages diplomatiques en Russie de Albert Thomas ou Marius Moutet, l'Illustration du 26 mai titre :« les soldats russes en France et la Révolution », et inversement, le 20 octobre, elle traite de « la mort d'un officier français en Russie ». Ces articles ne sont pas anecdotiques, ils permettent d'approfondir le processus d’identification du lecteur aux soldats russes, si proches de son allié français. C'est aussi une façon pour les journalistes de persuader son lectorat que la Russie n'a moralement pas d'autre choix que de passer à l'offensive pour aider son fidèle allié : Les armées françaises sont fières de voir aujourd'hui, sur le sol de France, combattre les frères des vaillants soldats russes qui luttent à l'autre bout de l'Europe pour l'indépendance de la Russie. Elles voient dans leur présence à leurs côtés le symbole de leur inébranlable confraternité d'armes 149 .

Le 15 juillet, Polybe 150 pour le Figaro semble encourager les Russes : « Je me suis toujours refusé à douter de la Russie, même aux heures où elle parut douter d'ellemême 151.» La France semble guider les russes vers le chemin de l'offensive. Sans celleci, l'Entente « ne serait plus qu'une formule de chancellerie 152 » ; la France et ses alliés ont besoin du dégel de l'armée russe pour assurer sa victoire : elle demande aux russes un « printemps tardif, mais rapide et éclatant, et préface d'un été splendide comme la victoire 153. » La reprise de l'offensive russe placera l'Entente sous le signe de la victoire, c'est du moins ce que prône la presse française. Le Petit Parisien du 17 juillet affirme que « le soldat russe d'aujourd'hui est le même [qu'en] 1915 (...) Ce qu'ils ont fait hier, ils le feront de nouveau demain, lorsque le commandement le leur demandera. » La confiance dans les capacités de l'armée russe semble totale. Début juillet, lors des premiers jours de l'offensive, la France salue - sans doute avec trop d’empressement - ce fameux dégel de l'armée russe. Soudain elle concède que l'attente avant l’offensive n'était qu'une nécessité climatique : Bien que le dégel russe ou polonais ne commence et ne finisse pas tous les ans aux mêmes dates, l'arithmétique conclut que l'offensive de 1917 est en retard de vingt-cinq jours sur celle de 1916. On a connu de plus longs retards. On, a connu aussi des quartiers d'hiver moins bien employés que ceux qui ont vu s'évanouir les « puissances ténébreuses » de l'ancien régime 154 . Le Petit Parisien, 26 mars 1917, « Le nouveau régime russe : une déclaration de M. Kerenski » Joseph Reinach (1856-1921) est un journaliste et homme politique français. Il écrit pour le Figaro à partir de 1914, sous le pseudonyme « Polybe ». 151 Le Figaro, 15 juillet 1917 : « Prise et destruction de la Bastille » 152 Le Figaro, 25 avril 1917, ibid. 153 id. 154 Le Figaro, 5 juillet 1917, « Russie - Amérique » 149 150

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Le Figaro encore, dresse un parallèle entre le retour du printemps et la renaissance de la Russie libérée : « Tout à coup, la vie, seulement endormie, éclate avec fracas, et la nature renaît dans des floraisons accoutumées. Ce n'est point autrement que vient de rentrer en scène l'armée de nos alliés d'Orient ». Il est à noter que la comparaison est plutôt mal choisie, car si le printemps est une saison fructueuse en Europe occidentale, c'est la pire d'entre elle dans le pays slaves. On l’appelle « raspoutitsa », c’est à dire « saison des mauvaises routes » car le dégel rend la terre boueuse et la laisse impraticable.

La désorganisation de l'armée La presse déchante rapidement. La reprise tant attendue des batailles en Galicie n’est pas à la mesure des espérances. Après une offensive victorieuse les premiers jours, les troupes allemandes reprennent le dessus et percent la défense russe. Les soldats reculent et se dispersent. L'Humanité cherche toutefois à modérer la portée de ce recul, bien qu'encore choqué par la tournure des événements. Il est affirmé le 8 août que « toutes les mesures nécessaires ont été prises sur le front en vue de rétablir la force combative des armées. » L'Illustration résume très simplement les raisons de cet échec : l'indiscipline des armées 155. L’illustration ci-dessous présente « un soldat de la vieille école se servant de son fusil pour arrêter deux fuyards ». Le même numéro présente d'autres photos de fuites indisciplinées. Leurs titres sont de cette teneur : « Soldats fuyants à travers un village après avoir jeté leurs armes, dans une panique qu'un provocateur avait fait naître en criant "la cavalerie allemande a percé" » ou encore « Ce que les doctrines maximalistes ont pu faire de certains éléments de l'armée russe : fantassins et cavaliers pris de panique ».

155

L'Illustration, 8 septembre 1917, « abandon de Riga : la crise de l'armée russe »

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Illustration 4: "Un exemple des effets de l'indiscipline dans une armée" L'Illustration, 8 septembre 1917

La surprise n'est que partielle, puisque les rumeurs de désorganisation de l'armée ne datent pas des défaites en Galicie actant le recul de l'armée russe. L'ordre numéro 1156 est très tôt mis en cause pour l'indiscipline qu'il fait naître parmi les soldats. Il est intéressant de comprendre ce que la presse dit de cette indiscipline au fil des mois de 1917. Le comité de Tauride et le gouvernement provisoire cherchent à démentir les rumeurs de désorganisation. Le 25 avril, l'Humanité explique que « le comité a donné l'assurance que les nouvelles règles introduites dans l'armée avaient provoqué l'enthousiasme et que l'obéissance sur le front était maintenant acceptée normalement 157.» Kerenski également, rappelle à l'ordre les soldats contre le désordre, dans un discours retranscrit par le Petit Parisien : L'ancienne armée du tsar a accompli des prouesses, dont la Russie est ennoblie à jamais. Laisse ­ rez-vous dire que l'armée Libre de la révolution lui est inférieure, qu'elle n'est plus qu'une cohue désorganisée et anarchique, incapable de se battre, incapable de mourir 158 ?

Voir aussi 1.2 : « méconnaissance et indifférence de l'actualité politique russe : les partis politiques et les réformes en Russie » L'Humanité, 25 avril 1917, op.cit 158 Le Petit Parisien, 31 juillet 1917, op.cit. 156 157

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Le 15 septembre, l'Illustration affirme que la débâcle vient de cette réforme : « Les soldats n’obéissent plus aux officiers ; ils se révoltent quelquefois contre eux et quelquefois même les tuent 159 ». Les réformes révolutionnaires ont mené l’armée russe à sa perte, en sapant l'autorité que les officiers avaient originellement sur les soldats. Le 31 juillet, le Petit Parisien consacre un article sur l'organisation de l'armée, nommé : « Comment Kerenski essaie de galvaniser l'armée russe ». Claude Anet explique la différence existant entre les officiers de carrière, qui ont débutés la guerre, et leur remplaçants, les « praporchtchiks 160 », civils devenus officiers pour combler les manques de l'armée. Ces derniers manquent d'autorité naturelle, car « leur existence antérieure [ne les a] pas préparés à ce rôle » Et la réforme ne fait qu'accentuer cette réalité : Ils sont las, ils n'osent plus élever la voix, ils attendent, en bons fatalistes qu'ils sont, on ne sait quoi, venu on ne sait d'où. Chez les grands chefs, un sentiment nouveau : La crainte des responsabilités, non vis-à-vis des supérieurs et du pays, mais vis-à-vis des soldats 161 .

Le grand responsable de la débâcle de l'offensive de juillet est l'indiscipline, qui elle-même, est le produit de la révolution. Celle-ci a procédé à la réforme de l'armée, mais elle a aussi contribué à la démoralisation générale des troupes. Le Petit Parisien du 2 septembre, décrit la débâcle avec dépit, et fait de la révolution sa cause première : Mais, hélas ! l'enthousiasme des troupes russes s'est vite éteint et, toute discipline étant abo ­ lie, les soldats n'obéissant pas plus à leurs comités qu'à leurs officiers, comme les communi ­ qués officiels en font foi, elles ont lâché pied, sans même être attaquées, se sont ruées en désordre à l'arrière, et, en quelques jours, l'ennemi a repris toute la Galicie et la Bukovine et a recouvré, sans pertes, ce qui avait coûté tant de vies humaines et qui était le seul gage aux mains de la Russie à l'heure où on traitera des conditions de paix. Voilà l'œuvre du Soviet. Je ne fais pas ici de polémique. J'enregistre des faits 162 .

Le fléchissement de l'armée russe s'est fait, pour le Figaro également, « sous l'influence des doctrines nouvelles 163 ». Cet article, de manière rétrospective, accuse Kerenski de ses « éloquentes harangues » prononcées au front, qui n'ont en pratique pas trouvé d'échos parmi les soldats 164. Ces paroles n'auraient fait que rassurer les alliés, mais n'ont rien changé à la démoralisation générale des armées. L'Illustration, 8 septembre 1917, op.cit praporchtchiks : équivalent du grade de sergent-chef dans l'armée russe. 161 Le Petit Parisien, 31 juillet 1917, op.cit 162 Le Petit Parisien, 2 septembre 1917, « La grande faute de la révolution » 163 Le Figaro, 10 novembre 1917, « La seconde révolution russe ». 164 Le Figaro, op.cit 159 160

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II. l'effort de guerre en pleine révolution

L'Illustration du 8 septembre partage cet avis : le témoignage d'un « directeur d'industrie russe » considère que cet épisode servira d'exemple pour démontrer « les funestes conséquences pour la vie des États des théories internationalistes 165 » et prouve que d'une révolution rien ne peut naître si ce n'est « du désordre, de l'anarchie, de l'indiscipline ». Les discours ont poussé les Russes à l'inaction, la liberté leur a fait perdre leur lucidité. Le 26 juin déjà, le Figaro reprend les propos de Emile Vandervelde affirmant que « l'ivresse de la liberté » empêche la Russie de « se rentre exactement compte de la situation vis-à-vis de ses alliés. » Ils « se laissent étourdir par les vagues rêveries des utopistes », par les discours que l'on entend désormais partout en Russie, et qui éloignent les soldats de leur mission salvatrice. Sans même s'en rendre compte, les Russes font les mauvais choix, ils vont contre leurs intérêts et ceux de la révolution en se refusant à la guerre. Le Figaro qualifie les prises de positions des Russes de « caprices et fantaisies », et les journalistes s'interrogent sur les raisons de ces manquements à l'alliance. Est ce par « aveuglement » ou par « fainéantise 166 » ? Le Figaro ne veut comprendre ces élans de pacifisme qui se répandent dans les consciences russes. Elles ne peuvent qu'être funestes à la France, et à la Russie elle-même. « Est-ce que l'Allemand aurait raison de dire que ce qu'il faut au soldat russe, ce n'est pas la liberté, mais la nagaïka 167 ? 168 » Le mal qui ronge la Russie vient d'une propagande aux néfastes objectifs : leur « délire pacifiste 169 », trouble l'esprit d'un petit peuple russe qui ne sait pas comment profiter de la liberté sans risquer de la perdre. Le Petit Parisien du 2 septembre formule une question qui n’est autre qu'une accusation à l'encontre du gouvernement : Est-ce une faute seulement ou le crime conscient d'un parti qui n'a pas hésité, au cœur de la guerre, face à l'ennemi, à ruiner l'armée qui défendait la Russie, de peur qu'elle ne se retournât contre la Révolution ? Des hommes, ayant à choisir entre leur patrie et leur parti, ont-ils de propos délibéré, trahi celle-là au profit de celui-ci ? 170

L'Illustration, 8 septembre 1917, op.cit. Le Figaro, 4 juin 1917, « En Russie : le dualisme persiste » 167 « Nagaïka » : fouet utilisé par les soldats de l'armée russe. 168 Le Figaro, 27 juillet 1917, op.cit 169 L'Illustration, 1er septembre 1917 : « Le miracle Kerensky » 170 Le Petit Parisien, 2 septembre 1917, op.cit. 165 166

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III. AU CŒUR DES TROUBLES RÉVOLUTIONNAIRES, UNE ANALYSE POLITIQUE INÉVITABLE La déroute militaire de la Russie laisse la France sous le choc. À partir de cette date, la confiance dans l'armée Russe et sa révolution s’effrite. Un discours de plus en plus critique se met en place au sein de la presse française, c’est le tournant à partir duquel une réelle analyse politique se dessine au sujet de la révolution Russe. À partir de septembre la montée des maximalistes et du pacifisme est l'occasion d'une virulente critique de la révolution. Nous verrons ensuite que le discours au sujet du tsar évolue avec cette seconde phase, il est tantôt décrié, tantôt regretté, en fonction des aléas politiques de la Russie et de l'alliance franco-russe.

3.1 « L'ANARCHIE RUSSE" ET LA MONTÉE DU PACIFISME Un peuple manipulé par la propagande maximaliste. C'est après l'échec du coup d'état de Kornilov, à partir de septembre, que les agissements des maximalistes prennent un réel poids dans l’échiquier politique ; la presse française se montre de plus en plus critique. C'est aussi à partir de cette date que le désaveux de la révolution russe est consommé dans la presse française. Le repli de l'armée russe est une « humiliation », qui vient prouver que les russes sont « indignes de la liberté 171 ». Par deux fois le Figaro emploie l’image de « l'aurore » pour parler de la révolution russe. Elle a été, dans les premiers temps, si belle qu'elle a été saluée par les démocraties du monde, mais à présent elle montrerait son vrai visage. Dès le 14 mai, le Figaro prédit « l'une des plus noires tempêtes de l'histoire.

172

» Henri Lavedan 173 dans l'Illustration décrit la révolution comme une

« invasion » et un « fléau » : Elle fauche et détruit tout sans discernement, à tort et à travers, coupant le bois verts avec le bois mort et n’abattant ce qui méritait d'être supprimé que pour s'offrir la mauvaise joie d'anéantir tout ce qui était bon à conserver. Même si elle fait quelque bien, elle fait toujours plus de mal et frappe plus d'innocents que de coupables ; elle étouffe le droit en étranglant

Le Figaro, 12 septembre 1917, « Kornilov contre Kerensky » Le Figaro, 14 mai 1917, « être ou ne pas être ou la question russe » 173 Henri Lavedan (1859-1940) est un journaliste et dramaturge français. Il écrit pour Le Figaro, Gil Blas, l'Échos de Paris et l'Illustration. Dans cet extrait on reconnaît davantage le dramaturge que le journaliste. 171 172

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

l'abus. C’est une folle qui, avec des lueurs de raison, s'imagine être supra-lucide et n'apporte la lu ­ mière qu'en mettant le feu 174 .

Avant septembre, les allusions au désordre en Russie sont plus rares. Le 26 mars, le Petit Parisien explique que le gouvernement provisoire a l'intention de « mettre tout à fait hors d'état de nuire la réaction russe. » Le 19 mai, il condamne « les tentatives de contre-révolution », « les actes d'anarchie », ainsi que la « violence qui désorganisent le pays et créent un terrain favorable à la contre-révolution. 175 » Au sein de ces citations, le gouvernement provisoire semble maître de la situation et garant de l’ordre public. Progressivement, de plus en plus d'allusions évoquent l'agitation politique qui ruine le bon ordre du pays. L'Illustration met en cause le gouvernement provisoire et les soviets, qui n'accordant pas leur politique, ne trouvent pas de légitimité auprès de la population : En pleine guerre, les ouvriers n'hésitent pas à réclamer la journée de huit heures. Les paysans, dé ­ routés par l'entre-croisement des propagandes contradictoires, enferment leur blé. La famine com ­ mence à frapper aux portes des villes ; la ruine aux portes de l'usine. Les ouvriers refusent tout crédit au gouvernement provisoire et n'accordent leur confiance qu'au Soviet. Les paysans refusent à croire au Soviet comme au Gouvernement 176 .

Deux pouvoirs se contredisent et perturbent ainsi la population. Le grand tourment de la révolution russe est de ne pas trouver un peuple suffisamment conscient pour ne pas se faire manipuler. Le peuple ne comprend pas tous les enjeux de cette révolution : « On leur a fait cadeau de la liberté c'est un beau joujou. Ils s'amusent avec lui à toutes heures et dans toutes les circonstances les plus bénignes comme les plus tragiques. 177

» Le

drame de cette révolution est d'être survenue dans un pays où elle est incapable d’éclore, car son peuple n'est fait que « de grands enfants soudainement émancipés 178 ». Avec condescendance, c'est « l'idéalisme slave 179» qui est mis en cause, il serait bien moins efficace que le pragmatisme français pour mener à bien une révolution. L'image de l’enfant revient constamment : Le Figaro du 7 août évoque « ingénuité » et les « enfantillages », le 4 juin ce sont de « grands enfants », le 10 juillet une « foule d'hommes simples », et le lendemain, les russes sont présentés comme de « si bons garçons ». En juillet, le Figaro voit toutefois d'un œil attendrit ces russes bonhommes : « sans comprendre exactement ce qui arrive, [ils] sentent obscurément que quelque chose L'illustration, 15 septembre 1917, « Autorité et révolution » Le Petit Parisien, 19 mai 1917, « Le cabinet russe est constitué » 176 L'Illustration, 28 juillet 1917, op.cit 177 Le Figaro, 7 août 1917, « Dans le vent de la révolution : les ébats de la liberté nouvelle » 178 Le Petit Parisien, 3 août 1917, « le général Kornilof est nommé généralissime à 179 Le Figaro, 25 juillet 1917, op.cit 174 175

la place de Broussilof »

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d'immense et de bienfaisant passe sur eux. 180 » Robert de Flers 181 décrit dans cet article les assemblées servant à éduquer les russes, et en particulier son armée. Il conclut son article en expliquant qu'ils se séparent en « citoyens conscients ». Ce témoignage est positif, il croit en la possibilité d'une révolution s'accomplissant sans heurts et sans réaction. Toutefois d'autres articles du même journal restent sceptique quant à la capacité du peuple à comprendre les enjeux de la révolution. Ils sont les spectateurs d'un événement qui dépasse leur « esprit simple » et « rêveur». Le simple moujik, quoique sincère dans sa nouvelle indépendance, n'est pas capable de tout à fait comprendre la réalité de la révolution en marche. Cette idée véhiculée notamment par le Figaro est bien résumée par cette anecdote tenue de Robert de Flers, alors en voyage en Russie : Les principes n'est-ce pas plus beau que tout au monde pour l'infortuné moujik qui, après s'être égosillé à acclamer la Liberté, demande doucement si la Liberté est aussi grande que la Russie et s'il s'y trouve de la neige 182 .

Pour que les Russes saisissent les événements comme sont capables de le faire les Français, il faut les éduquer, leur expliquer, « le tout en termes simples, clairs, à la portée de leur esprit de grands enfants 183 », explique le Petit Parisien. L'Illustration du 31 mars ne désespère pas des capacités du peuple russe : « le bon sens du peuple, inculte sans doute et facile à abuser, mais aussi foncièrement bon, et capable de subir les heureuses influences non moins facilement que les délétères. 184 » On craint ailleurs que les Russes, dans leur naïveté, se laissent manipuler par le discours des agitateurs. Ils sont qualifiés le plus souvent de « maximalistes » par la presse, ce qui les associe aux mouvement anarchistes et terroristes de Russie. Or, il est en réalité question des bolcheviques, qui sont affiliés au parti social-démocrate, bien qu'ils ne participent pas à l’exécutif. Durant l'année 1917, le Petit Parisien fait référence aux « maximalistes » 100 fois, pour 44 usages du terme « bolchevique ». Le Figaro 120 pour 31, et l'Humanité 62 pour 26. Seul le Figaro se risque à un résumé des différentes tendances politiques en Russie ; les termes de « maximaliste » et « minimaliste » est ici encore privilégié à ceux de « bolchevik» et « menchevik » : Le Figaro, 10 juillet 1917, op.cit Robert de Flers (1872-1927) est un homme de lettre français. Il écrit pour le Figaro, dont il devient le directeur littéraire à partir de 1921. Il lui arrive de signer ses articles « Robert de Lezeau », celui-ci étant marquis de La MotteLézeau, comte de Flers 182 Le Figaro, 28 décembre 1917, « la comédie scélérate » 183 Le Petit Parisien, 3 août 1917 ibid. 184 L'Illustration, 31 mars 1917, op.cit 180 181

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

Les deux grands courants en présence dans la lutte électorale qui vient de s'ouvrir assez brusque ­ ment en Russie sont les constitutionnels démocrates, (cadets) et les socialistes, qui se subdivisent eux-mêmes en deux tendances les socialistes révolutionnaires et les socialistes démocrates. Ces derniers se partagent à leur tour en minimalistes et en maximalistes 185 .

Les socialistes révolutionnaires, explique le journal, veulent le partage des terres par socialisation. Parmi eux les « minimalistes » revendiquent l’autogestion ouvrière et la journée de huit heures, tandis que les « maximalistes » vont jusqu’à « nier l'idée de patrie qu'ils déclarent utile seulement à la bourgeoisie et déclarent se désintéresser de l'émiettement de la Russie 186. » « Tcheidze, Tseretelli 187 et Dan » sont identifiés comme les dirigeants des minimalistes, et « Lénine, Trotsky et Kalontaïa » ceux des maximalistes. En juillet, le Petit Parisien qualifie ces derniers de « minorité d'agitateurs actifs rompant avec les campagnes ». L'Illustration du 15 septembre reproche aux bolcheviques de ne pas participer au pouvoir qu'ils critiquent : ils « boudent le pouvoir et le combattent par tous les moyens 188 » ce qui a pour conséquence de diviser le pays, dans des temps de guerre où l'unité nationale devrait prévaloir sur les opinions politiques de chacun. En criant leurs désaccords, « les bolchéviki organisent l'émeute 189». Dès le mois de mai, L'Illustration critique le programme politique des maximalistes, et ses « perspectives les plus fantasmagoriques de l'âge d'or socialiste 190 ». Le Figaro fait également référence aux « rêveries socialistes 191» s’emparant de l'opinion russe. Ces idéaux sont la cause de la dégénérescence de cette révolution, car les dirigeants russes manquent de « bon sens », et de « sang-froid 192». Leurs utopies semblent si « naïves », que le Figaro soupçonne ces « agitateurs qui paralysent toute action utile » d'avoir en réalité pour objectif « de ramener l'Empire et le réhabiliter 193 ». Pour venir soutenir cette thèse, le Figaro du 27 novembre explique : Un grand nombre d'agents de la police secrète impériale (Ochrana) et des agitateurs de l'ancien ré ­ gime bien connus sous le nom des « cent-noiristes » font une active propagande en faveur des maximalistes 194 .

Le Figaro, 27 novembre 1917, « La salente léniniste » Le Figaro, ibid 187 Irakly Tsereteli (1882-1959) est un social démocrate russe de Georgie. C'est un menchevik centriste durant la première guerre mondiale. Membre du comité executif du soviet de Petrograd en 1917, il devient ministre du gouvernement provisoire de coalition. 188 L'Illustration, 15 septembre 1917 : « Comment Berlin compte « télescoper » la Russie. » 189 L'Illustration, ibid. 190 L'Illustration, 19 mai 1917, op.cit 191 Le Figaro, 8 octobre 1917, « le cabinet de coalition » 192 Le Figaro, ibid 193 Le Figaro, 14 mai 1917, « manœuvres pacifistes » 194 Le Figaro, 27 novembre 1917, op.cit 185 186

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Alors, le caractère insensé du programme maximaliste prend un nouveau sens, ces hommes seraient les nouveaux bureaucrates, ceux qui usent de la démagogie pour prendre le pouvoir 195. Leur programme parvient à recruter des adeptes 196, et ainsi sèmeraient l'anarchie dans tout le pays, manipulant les masses ignorantes. Le Figaro utilise l'image du « troupeau » pour parler des Russes se laissant notamment entraîner dans la voie de la paix : « les meneurs ont dit au troupeau que la Révolution, c'était la paix, et le troupeau les a crus, désertant les tranchées 197 ». Contrairement à la révolution française, en Russie « la révolution n'a pas pris racine dans un terrain aussi solide ». Le problème vient du peuple russe, qui « compte dans ses couches profondes beaucoup de rêveurs et d'esprits simples. 198» L'illustration s'inquiète ainsi des Russes trop prompt à « répéter les formules toutes faites des journaux extrémistes 199.» Les agitateurs pacifistes et leurs suiveurs ne sont pas considérés comme étant l'émanation des désirs du peuple. D'après le Petit Parisien et le Figaro, il s'agit d'une partie de la population peu représentative de l'ensemble des russes. L'opinion, selon le Figaro se divise en deux catégories, d'un côté « une masse informe, inculte, où des émissaires allemands encadrent ou excitent des pauvres gens », et de l'autre « la grande majorité de la nation (…) qui n'attend que de la victoire le règne de la liberté, et qui a le sens de l'honneur 200 ». Dans ce même article, le Figaro s’inquiète du fait que cette majorité de patriote voulant continuer la guerre ne se fasse pas entendre, et n'ait pas force de décision. En France, au fil des mois, on commence à craindre que la naïveté des Russes conduise la révolution et la guerre à sa perte. La vue de ces grands enfants font « se plisser les lèvres dans un amer sourire 201 » à l'observateur français qui voyait en eux le salut de la guerre. Durant les révoltes de mai, le Figaro s'insurge de la facilité avec laquelle la révolution russe tombe dans l'anarchie, à causes de quelques éléments isolés : Quoi!il suffira de quelques centaines d'énergumènes et de suspects pour ruiner la Révolu ­ tion russe, comme il a suffi de quelques centaines de névrosés et de corrompus pour ruiner l'Empire des tsars 202 ?

Le Figaro, 6 août 1917, « En Russie : la nuit du 4 août » L'Illustration, 15 septembre 1917, ibid. 197 Le Figaro, 8 juin 1917, « M. Kerensky vers le front » 198 Le Figaro, 7 août 1917, op.cit. 199 L'Illustration, 28 juillet 1917, op.cit 200 Le Figaro, 8 juin 1917, op.cit 201 Le Figaro, 4 juin 1917, « le dualisme persiste » 202 Le Figaro , 14 mai 1917, op.cit 195 196

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

Résolument, le discours français manque de confiance dans la capacité des russes à mener à bien leur révolution. Ils sont incapables d'en comprendre les enjeux, ils se dispersent en discours et laissent ainsi la voie libre aux agents de la propagande germanophile.

Lénine, premier des maximalistes, au service de l'Allemagne L'ennemi du dedans, l'ennemi du dehors, pour la Révolution russe est le même : l'Allemand 203 .

Une grande part de l'analyse politique des événements de Russie est dictée par une haine de l'ennemi allemand. L'argumentaire est très simple, il en est même simpliste: les troubles intérieurs sont néfastes à la Russie et ses alliés, et font le jeu de l'Allemagne. Il est donc fort possible que ce soit l'Allemagne elle-même qui les cause, grâce à des agents infiltrés venant exciter les conflits intérieurs dans tout le pays. Le 20 juin, le Petit Parisien affirme que « le rôle des agitateurs allemands et agents provocateurs de l'ancien gouvernement est certain ». À l’œuvre, une propagande semant le doute parmi les civils et les militaires russes : ils « surexcitent les masses ouvrières » avec des discours socialistes-révolutionnaires, éloignant la masse du bon sens et de leurs devoirs patriote : Après la révolution russe, les propagandistes allemands, modifiant leur tactique, prirent des appa ­ rences ultra-démocratiques. La consigne générale donnée par Berlin à ses agents, afin d'empêcher les Russes de continuer la guerre, a été : prendre chacune des aspirations fondamentales de la Ré ­ volution russe et en faire une cause puissante d’anarchie, en suggérant à l'opinion publique son ap ­ plication la plus compliquée, la plus utopique et surtout la plus immédiate 204 .

Les revendications, devenues absurdes et sans lien avec la réalité, font fantasmer les Russes sur le « paradis rêvé du communisme et de la paix universelle 205 ». Et cela n'a pour conséquence que de provoquer le chaos. La propagande révolutionnaire est favorable à l'Allemagne car elle affaiblit le front russe. Le 3 août, l'Humanité explique que c'est cette propagande qui a facilité la percée ennemie en Galicie, le journal qualifie donc cette propagande d'« irresponsable 206 ». L'Illustration affirme que les émigrés allemands s'organisent sur le sol russe pour diffuser cette propagande. Le 15 septembre, cette idée est exposée sur plus de deux pages, et corroborée cartes et graphiques à l'appui 207. Un exemple et un extrait de cet article est présenté page suivante.

203 204

Le Figaro, 14 mai 1917, op.cit

L'illustration, 15 septembre 1917, op.cit

Le Petit Parisien, 20 juin 1917, « La révolution russe au jour le jour » L'Humanité, 3 aout 1917, op.cit 207 L'Illustration, ibid. 205 206

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Le premier de ces propagandiste allemand serait bien sûr Lénine. Il est très vite repéré par le Figaro, qui dès le mois de mai le soupçonne d'être un traître à la solde des Allemands. La rumeur ne vient pas de France mais de Russie, et constitue l'un des principaux arguments visant à discréditer Lénine et les bolcheviques. L'épisode est raconté sous le titre du « mois de la grande calomnie » par Trotski dans son Histoire de la révolution russe 208. Ces dénonciations, commençant au début du mois de juillet, se basent sur les accusation d'un dénommé Ermolenko, qui s'est avéré être un agent du contreespionnage tsariste entre 1904 et 1913. C'est ainsi que le Petit Parisien du 20 juillet relègue le bruit d'une perquisition au sein des bureaux de la Pravda 209, où aurait été trouvé une lettre d'un baron allemand félicitant les maximalistes de leur influence à Petrograd, et de l'importance de leur travail pour la victoire allemande 210. Ces récits, largement enjolivés par la presse, manquent en réalité de bases solides, aussi les accusations cessent au début du mois d'août, dans la presse russe du moins. Car dans la presse internationale, la rumeur continue de se répandre, de manière diffuse mais dont l'impact sur l'opinion est sans doute non négligeable. Ce ne sont alors plus des faits qui sont reprochés à Lénine, mais une somme d'accusations insidieuses car non vérifiable. À la base de ces bruits, une rengaine bien connue : Lénine, qui se trouvait en Suisse au début de la révolution, a traversé l'Allemagne pour rejoindre la Russie. Ce voyage sans encombre est pour les journalistes français, une preuve accablante de son double jeu. Le 15 mai, le Figaro insiste sur son « passeport allemand », le 25 juillet, le journal fait référence au « train de luxe allemand » dans lequel il est venu de Suisse, ainsi qu'à « un compte ouvert sur des banques allemandes 211».

208

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe, t1 p.339-341 et t2, p.99-128

209

Journal bolchevique dont Joseph Staline est le responsable éditorial.

Le Petit Parisien, 20 juillet 1917, « la révolution russe mate la contre-révolution défaitiste » 211 Le Figaro, 25 juillet 1917, op.cit 210

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

Illustration

5:

« Comment

Berlin

compte

« télescoper »

la

Russie. » :

L'illustration, 15 septembre 1917 : Comme les points noirs de notre carte ethnographique de la Russie d'Europe permettent de le constater, ces Allemands y forment de très nombreuses colonies, installées en diagonale, de la Po ­ logne au Caucase. Ces Allemands, depuis fort longtemps organisés, ont des journaux quotidiens ou périodiques et des sociétés de toute nature qui leur ont permis, malgré leur dissémination géogra ­ phique, de maintenir leur caractère germanique et une étroite union entre eux. Ces Allemands, su ­ jets russes, ont l'audace habituelle des Boches (…)Quand on considère l'action combinée de si nombreux colons allemands, installés depuis si longtemps en Russie et la connaissant à fond, de ces agents spéciaux expédiés de Berlin et des traîtres russes maximalistes ou léninistes, alors seulement on comprend quelle a pu être la puissance extraordinaire de la propagande allemande en Russie. LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 61 -


Le Figaro compare également Lénine à des personnages influents de Russie soupçonné de germanophilie, et qui marquent les heures sombres de la fin du règne de Nicolas II. Le Figaro fait le parallèle entre Raspoutine et Lénine, le 14 mai ainsi que le 28 juillet : Dès que parut Lénine, nous avons reconnu Raspoutine. L’habit seul avait changé L'un grimé en moine, l'autre en socialiste. Tous deux prophètes de la paix. Tous deux jargonnant en mystique 212 .

Lénine est également comparé à Boris Strümer, ancien ministre de Nicolas II, qui en 1916, négociait secrètement une paix séparée avec l'Allemagne, avant d'être remercié par le tsar en novembre de la même année. Le rapprochement est ici encore élémentaire: La presse allemande célèbre Lénine ; elle célébrait Strümer. Celui-ci avait un secrétaire al­ lemand ; celui-là voyagea avec un passeport allemand 213 .

D'autre part, Lénine et son mouvement trouvent divers qualificatifs, toujours dépréciatif, dans la presse française de 1917. Il n'est que peu décrit en tant qu'individu, mais est toujours présenté comme la gangrène de la révolution, par ce qu'il prône la paix séparée. Il est d'ailleurs important de constater que ces deux arguments sont les deux facettes d'une même pièce. L'un ne va pas sans l'autre, dans l'argumentaire anti-léniniste, comme le monte le tableau suivant :

Travaille pour la paix séparée Le Figaro, 14 « l'homme mai 1917.

de

la

paix

Travaille contre la révolution

séparée » « saboteur des libertés russes »

« traître »

L'Illustration « Prêche (…) la conclusion d'une paix « prêche la guerre civile, le partage : 2 juin 1917 Le

immédiate. »

des trésors des banques »

Figaro : « agents du pacifisme à la mode « la fraction des outranciers »

26 juin 1917

allemande »

Le Figaro, 25 « la trahison avait mis le masque de la « se réclamait des ouvriers, qu'il juillet 1917.

212 213

liberté »

vendait »

Le Figaro, 28 juillet 1917, « le gouvernement à Moscou » Le Figaro, 15 mai 1917, op.cit

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

Cet argumentaire est circulaire : Lénine échafaude la guerre civile par ce que c'est un agent allemand, c'est un agent allemand par ce qu'il prône la paix séparée, il prône la paix séparée car il veut la guerre civile. Le 1er septembre l'Illustration s'inquiète du « délire pacifiste » en Russie, et le qualifie de « contagion zimmerwaldisme 214 » Ces temps troubles sont considérés comme étant l'apogée de la propagande maximaliste : elle prouve que ces révolutionnaires ne sont bons qu'à semer le chaos. l'Illustration du 24 novembre ne propose qu'une image pour traiter de la révolution d'octobre, celle de « l'étendard de Lénine », portant la devise « Prolétaires de tous les pays unissez vous ». Les mots d'ordres d'union de classe internationalistes vont en complet désaccords avec les politiques d'unité nationale et patriotique contre l'étranger, prônés par les pays en guerre. Avant le mois de septembre, la France attend avec impatience l'offensive russe. Aussi la presse française n'a de cesse de rappeler que la diplomatie française a accordé sa confiance à la Russie. Celle-ci se doit donc d'honorer sa parole au lieu de se tourner vers la paix. L’Humanité appelle à « ne pas rompre l'union dans la lutte pour la paix, la liberté et le bonheur commun. 215 » L'illustration en appelle au patriotisme russe qui seul saura sauver la Russie de ses vicissitudes. Le Petit Parisien met en garde : « Cette voie ne nous conduira qu'à la perte de la révolution russe, dont le salut n'est pas dans une paix ou une armistice séparés 216» Le Figaro du 8 octobre critique le mot d'ordre « pas d'annexions » des bolcheviques, qui irait à l'encontre du « secours tant attendu » des « races martyres » de Pologne, Alsace-Lorraine, Tchéquie et Roumanie 217. Le Figaro explique que l'anarchie russe vient de « l'inaction dans les tranchée mêlée à d'indécentes fraternisations 218». Le risque est celui d'une révolution mettant fin à la guerre, ou d'une contre-révolution violente conduisant les Russes à vouloir régler leurs problèmes intérieurs au détriment de l’extérieur. Dans cette optique, la guerre permettrait de rétablir l'ordre, et de cesser les fraternisations entre le peuple et les soldats. Le Figaro confirme en novembre ses méfiances à l'égard de ces fraternisations, considérées comme l’œuvre des agents allemands, qui ont permis aux maximalistes de s'emparer du pouvoir :

L'Illustration, 1er septembre 1917 : « Le miracle Kerensky » L'Humanité, 25 juin 1917 « les déclarations de Kerensky au soviet » 216 Le Petit Parisien, 16 mai 1917, « l'accord semble se faire à Petrograd 217 Le Figaro, 8 octobre 1917, op.cit 218 Le Figaro, 4 juin 1917, op.cit 214 215

entre gouvernement et comité »

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Ce mouvement révolutionnaire aurait pu être étouffé. Il suffisait, pour cela, de se servir des troupes, au lieu de les faire parader devant la foule, comme une menace. Dans les cas comme ceux-là, il ne faut pas laisser les soldats se mêler au peuple: ils fraternisent 219 .

La prise de pouvoir des maximalistes et la paix séparée Le tour de force des maximalistes est présenté comme état inévitable. Le Figaro du 10 novembre dresse un bilan très négatif du gouvernement provisoire : Le gouvernement de M Kerensky et M. Kerensky lui-même dans leur courte carrière, ont commis tant de fautes et se sont montrés tellement au-dessous des nécessités de l'heure que leur incapacité 220

Cette politique était menée par des « orateurs inagissants », les discours n'ont mené qu'à la déroute militaire et à l'affaiblissement du moral général. Mais si le Figaro critique l'ancien gouvernement, ce n'est pas pour acclamer le suivant, qu'il juge au moins aussi contre-productif. La prise du pouvoir par les bolcheviques est critiquée par l'ensemble de la presse française. Peu d'informations précises arrivent de Russie lors de la révolution d'octobre. Pour exemple, le Figaro du 10 novembre explique ne pas savoir si Kerenski est arrêté ou mort, s'il organise la résistance ou s'il a fuit à l'étranger. Le même article explique toutefois ne pas se passionner des derniers rebondissements de la révolution russe: On s'intéresse peu, hors des frontières russes, à ces morceaux d'éloquence et moins encore aux épisodes de la Révolution en marche 221 .

L’Allemagne elle-même, qui devrait se réjouir du tour de force de ses agents infiltrés, ne salue pas la révolution maximaliste. Le Figaro s'étonne de la « méfiante réserve » de la presse allemande sans pour autant remettre en cause sa thèse des agitateurs maximalistes au service de l'Allemagne : Après avoir travaillé, avec une persévérance détestable, à favoriser le mouvement révolu ­ tionnaire défaitiste, le gouvernement du Kaiser n'a l'air, dans les journaux du moins, qu'assez peu satisfait de son œuvre. Les maximalistes ne lui inspirent pas complètement confiance 222 .

Ce qui est certain par contre, c'est que la Russie court à sa perte, elle « n'a jamais été plus proche des pires destinées 223 ». L'Humanité du 14 décembre qualifie les 219

Le Figaro, 10 novembre 1917, « les maximalistes triomphent »

220

Le Figaro, ibid Ibid. 222 Ibid. 223 Ibid. 221

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

mesures

du

nouveau

gouvernement

de

« dictatoriales »,

elles

soulèvent

le

mécontentement général en Russie, puisque le nouveau pouvoir « a anéanti toutes les libertés », « ressuscitant les pires époques du tsarisme 224.» Plusieurs articles font référence à l'illégitimité du pouvoir nouvellement en place, « ne s'appuyant que sur les baïonnettes 225.» Le Petit Parisien du 27 novembre transmet un communiqué de « citoyens russes » refusant d'accepter le nouveau pouvoir : Nous citoyens russes, appartenant aux différents partis politiques, socialistes et démocratiques, dé ­ clarons que les gens qui détiennent actuellement le pouvoir à Petrograd sont des traîtres à la Rus ­ sie, à la révolution russe, aux alliés et même à la cause du prolétariat international dont ils se vantent d'être les champions. Nous estimons que la lutte par tous les moyens contre cette bande est le devoir sacré de tous ceux à qui importe le triomphe de la liberté et de la démocratie 226 .

L’illégitimité du pouvoir, affirme le Figaro, l'empêchera de conclure une paix durable : le pouvoir actuel ne serait pas « le véritable interprète du pays », il n'aurait pas « l'autorité nécessaire » pour signer un accord international 227. La paix séparée tant redoutée, malgré ces affirmations, va être apportée par les bolcheviques qui la revendiquait depuis le début de la révolution. Le Figaro explique alors qu'il ne faut plus rien espérer des russes de la guerre étrangère, qu'ils s’apprêtent à tomber dans la guerre civile. Le Figaro précise par ailleurs que la « juste paix » avancée par les maximalistes ne sera pas signée si elle n'est pas favorable aux Empires centraux 228. À la fin du mois de décembre, le rapprochement entre la Russie et la triplice est actée par le début des négociations de paix. Le Figaro décrit alors les basses aspirations des bolcheviques et des ennemis de la France, discutées au sommet : Les Centraux ont un aussi grand besoin de Lénine et Trotsky, que Trotsky et Lénine ont besoin des Centraux, Lénine et Trotsky pour se perpétuer au pouvoir dont ils ont la gloutonnerie, et pour mettre la main sur les milliards des banques publiques et privées, et les Centraux pour que se continuent le démantèlement du front russe et l'anarchie destructrice de toutes les forces vives d'une malheureuse nation 229 .

3.2 IMAGE DU RÉGIME TSARISTE : 1905 ET 1917 Le « tournant maximaliste » de la révolution nuance progressivement l'enthousiasme que la révolution de février avait fait naître. Les Russes avaient balayé l'autocratie des Romanov, pourtant louée tout au long de l'alliance franco-russe. Le discours de la presse L'Humanité 14 décembre 1917, « La politique maximaliste : ordre d’arrestation des chefs cadets » L'Humanité, ibid 226 Le Petit Parisien, 27 novembre 1917, « Retour de Russie » 227 Le Figaro, 10 novembre 1917, « les maximalistes triomphent » 228 Le Figaro, 9 novembre 1917, « les maximalistes triomphent » 229 Le Figaro, 28 décembre 1917, « La comédie scélérate » 224 225

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populaire française dresse un portrait ambiguë de ce roi déchut. Le Figaro le Petit Parisien et L'illustration ne renient que partiellement l'ancien régime, et ne jugent pas Nicolas II pour responsable de la chute du régime. Avec la seconde phase de la révolution, ils se mettent à clairement regretter la puissance tsariste. Il en va autrement de l'Humanité, qui depuis 1905, entretien un discours très critique sur la politique du tsar, que l'entrée en guerre a du mal à passer sous silence. La révolution de février suffit à enterrer ce tsar anachronique.

Du discours anti-tsariste et pacifiste à l'effort de guerre. Depuis

la

révolution

de

1905,

L'Humanité décrie l'alliance, le tsar, ainsi que son régime. Il faut attendre le début de la guerre pour voir son discours s’aligner à celui du Petit Parisien ou du Figaro. Il convient de reprendre le déroulement chronologique du regard porté sur le tsar. Depuis l'échec de 1905, les socialistes français n'apportent plus aucun crédit à un

régime

qui

émancipatrices

face de

son

aux volontés peuple

n'a

proposé que « l'insultante comédie de son Rescrit 230» et qui a organisé la répression dans le sang, avec le « le Illustration

6:

Le

tri-centenaire

Romaof. L'Humanité, 3 juin 1913

des

guet-apens du 9/22 janvier 231 ». Les mécanismes du discours révolutionnaire et anti-autocrate de l'Humanité durant

l'année 1905 à été détaillé dans La révolution russe de 1905 d'après la presse française. Les années suivantes ne font que prolonger la logique de ce discours. En y ajoutant une aigreur que le temps a fait naître chez les révolutionnaires déçus de la tournure des événements. La déception de l'échec pousse l'Humanité à la continuation d'un discours critique face au rapprochement des pays de l'Entente. Les références à 230 231

L'Humanité,19 février 1905, Jean Jaurès, « La révolution russe et la France » L'Humanité,op.cit

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

1905 sont constantes. Lors du tri-centenaire des Romanof, un portrait détaillé est dressé du rapport entre le tsar et la Russie, celui-ci joue largement sur le misérabilisme : La Russie est tenue dans un étau de fer. À la fois opprimée et dépouillée, saignée à blanc et pillée, en proie à l'incompétence, au désordre et à la concussion, elle redoute la ruine. La même main qui lui refuse les plus modestes concessions détruit sa puissance : la même tyrannie qui torture les meilleurs enfants de la nation mène à la défaite et à la mort les plus grandes armées. (…) Un dé ­ luge de sang a noté l'effort libérateur. Bagnes et prisons rengorgent de condamnés dont tout le crime est d'avoir cru à la parole du tsar et d'avoir voulu leur pays libre et à l'égard desquels l’État viole la légalité. Un vent de découragement souffle sur cette nation qui a donné tant de héros et de martyrs à la cause du droit (…) Le tsar autocrate peut dire : la Russie, c'est moi ! Il est la loi, la force, tout. Et cette insolente, outrecuidante prétention, il ne l'excuse même pas d'une foi intrépide en son peuple. Ce maître tout-puissant se cache. (…) Il n'ose braver le contact de ce peuple qu'il dit incarner. Grave aveu. Une dynastie qui a besoin, plante délicate, d'une atmosphère de serre chaude, se proclame bien malade. (…) Dans un vis-à-vis farouche , tragique, irréconciliable, de ­ meurent la Russie qui souffre, qui espère et qui veut et le tsar qui persécute, qui torture et qui re ­ fuse 232 .

Cet extrait est un concentré des éléments du discours critique de l'Humanité face à l'alliance franco-russe entre 1905 et 1913 ; l'ensemble est conçu comme un vis-à-vis, à l'image de la dernière phrase. D'un coté une Russie qui subit, avec des tournures passives, de l'autre un tsar qui agit à l'encontre de son peuple. Les agissements du pouvoir sont d'autant plus condamnables qu'ils touchent aux russes s'étant soulevés contre le régime pour plus de liberté. D'où l'idée que la « tyrannie (...) torture les meilleurs enfants de la nation ». Il est également intéressant de noter l'idée selon laquelle cette oppression du peuple ne peut que « mène[r] à la défaite et à la mort les plus grandes armées. 233» Nous y reviendrons.

232 233

L'Humanité, 3 juin 1913 : « Le Tri-centenaire des Romanof » Voir aussi partie II, 1 : « Une guerre pour la liberté »

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La Russie, les meilleurs enfants de L'état, La main, le tsar autocrate, la la nation, héros et martyrs. adjectif

opprimée,

dépouillée,

saignée

blanc, pillée, décourag[é] verbe

tyrannie, une dynastie à Incompétent,

malade,

insolente,

outrecuidance prétention

avoir cru à la parole du tsar. avoir refuse les plus modestes concessions, voulu leur pays libre.

torture, viole la légalité,

n'ose

braver le contact [avec son peuple] Vis-à-vis

« effort libérateur »

« déluge de sang »

« la Russie qui souffre, qui espère « le tsar qui persécute, qui torture et et qui veut »

qui refuse »

Le blâme est généralement adressé à l'encontre des autorités, qui bafouent les libertés élémentaires. Malgré l'échec de la révolution de 1905, l'Humanité continue d'aller dans le sens d'une critique ouverte à l'égard du tsar et de l'absence de contrôle démocratique de sa politique. Le 12 février 1907, un article relate avec irritation une séance de la Douma durant laquelle a été discutée de la nature du régime, que les cadets ont la « prétention de qualifier (...) de « monarchie constitutionnelle »234. » Il ne fait pourtant aucun doute pour les socialistes français que le régime tsariste est autoritaire et à l'encontre de l'émancipation des peuples. C'est dans cette logique qu'un « appel pour les prisonniers politiques russes » est lancé par le quotidien en décembre 1913. Il y est fait une critique des « crimes commis », qualifiés de « sadisme barbares » : La conscience humaine saura exiger la fin de ces tortures morales et physiques, dont la res ­ ponsabilité pèse sur les ministres Kokovtzof, Maklakof, Chtcheglovitof et sur leur chef, le tsar Nicolas II 235 .

Le tsar est considéré par la rédaction de l'Humanité comme le responsable direct de l’oppression de son peuple. Depuis le « dimanche rouge » qui déclencha la révolution de 1905, il est régulièrement nommé « tsar rouge 236 » par ses opposants. C'est aussi un « tsar assassin » le 6 septembre 1913, ou un « tsar demi-fou » le 18 mars 1914. Ces expressions sont si courantes que la figure du tsar devient en ellemême un symbole d’oppression. Pour exemple, un incident féministe à Londres, a priori sans lien avec la Russie, est relaté comme suit : L’Humanité, 12 février 1907, « En Russie : La pression électorale » L'Humanité, 4 décembre 1913, « L'appel pour les prisonniers politiques russes est poursuivi en Russie » 236 L'Humanité, 8 juillet 1907, op.cit 234 235

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

L'outrage qui a le plus impressionné les Londoniens a eu lieu cet après midi, au Théâtre de sa Majesté. Le roi, la reine et la princesse Mary allaient assister à une pièce (…) lorsqu'une femme se leva et cria au souverain « vous êtes un tsar russe ! » Il faut croire que cette appella­ tion est regardée, outre-Manche, comme une insulte 237 .

Ce leitmotiv contre l’autocratie tend à une moindre mise en valeur de l'alliance francorusse. Il faut la remettre dans le contexte global d'un argumentaire pacifiste en période de consolidation des alliances militaires. Dans un premier temps, l'Humanité regarde d'un œil particulièrement critique toute tentative de renforcement des liens entre France et Russie, car les socialistes voient en elle un plus grand risque d'entrée en guerre. Le tsar n'est pas présenté comme un allié naturel de la France. Son appui militaire n'est d'ailleurs que peu considéré : le 6 novembre 1913 André Morizet 238 explique que « sa valeur est voisine de zéro 239 », il insiste surtout sur le coût démesuré de cette alliance, la Russie finançant ses chemins de fer russes, si bien que l 'Humanité parle de « nouvelle rançon que le tsar exige » au sujet des emprunts. À la fin de 1913, l'Humanité espère un rapprochement franco-allemand « voie infiniment plus sure et moins coûteuse 240 » Le discours semble varier sensiblement avec la politique d'union nationale en France. L'effort de guerre devient la priorité du discours de propagande, et vante les bienfaits d'un effacement des rivalités politiques pour pouvoir vaincre efficacement l’ennemi de l’extérieur. Dans ce contexte, le schéma français se calque sur le discours porté sur la Russie : la critique du tsar est amoindrie au profit d'une mise en avant de l'unité nationale Russe. Ainsi, le 8 décembre 1913, la politique agressive des socialistes russes est critiquée par le journal socialiste français : Au moment où en France, en Belgique, en Angleterre, le danger national fait oublier les divisons et appelle au pouvoir nos camarades Sembat, Guesde, Vandervelde (…) au moment ou la manifeste du tsar lui-même fait appel à la trêve des luttes politiques, le pouvoir occulte de l'Okhrana 241 ne désarme pas et transforme en criminels les vaillants citoyens qui veulent jouir de leurs droits de ci ­ toyens. Pourvu que la défense nationale ne se ressente pas de ses intrigues criminelles 242 .

La rupture quant au discours sur le tsar lui-même se fait en août 1914, lorsque celui-ci

promet la reconstitution d'une Pologne autonome, sous la souveraineté de l'empire Russe. L'Humanité rappelle que la promesse n'est pas désintéressée, elle a pour objectif de rallier l'opinion polonaise aux Russes plutôt qu'aux Allemands et autrichiens. Nicolas L'Humanité, 23 mai 1914, « Les suffragettes anglaises multiplient leurs exploits André Morizet (1876-1942) est un homme politique socialiste français. 239 L'Humanité, 6 novembre 1913, « M. Kokovtzof, président du Conseil des ministres de Russie, est en France. Combien cela nous coûtera-t-il ? » 240 L'Humanité, ibid. 241 Abréviation d''Okhrannoye otdeleniye, nom de la police politique secrète russe d'ancien régime. 242 L'Humanité, 8 décembre 1913, « En Russie » 237 238

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II a déjà prouvé qu'il ne tenait pas toujours ses promesses, mais L'Humanité affirme que cette proclamation obligera le tsar pour l'avenir : Nous sommes, certes, peu disposés à nous porter garants d'une promesse du tsar: Seulement, dans le cas présent, la promesse porte en elle-même le gage de sa réalisation (…) Le gou ­ vernement russe s'est lié les mains pour l'avenir 243 .

Le tsar, par cette déclaration, a prouvé qu'il allait dans le bon sens. En rejoignant l'Entente, il s'est rapproché de ses idéaux. L'Humanité sous-entend que la Russie ira vers son changement de régime, et que c'est l'entrée en guerre qui le lui permettra. L'avancée du tsar vers le progrès de son peuple est d'ailleurs la garantie de la cohésion d'une alliance dont on fait si constamment l'éloge. On pouvait, à bon droit, craindre que le tsarisme ne recule, effrayé, devant la perspective de l'unité politique de la Pologne. (…) Mais la grandiose ampleur de la guerre européenne a déjà créé, qu'on ne l'oublie pas, une atmosphère vraiment révolutionnaire dans tout ce qui touche aux problèmes nationaux. Pour la Russie, c'est le grand conflit millénaire entre Slaves et Germains qui est en jeu 244 .

Une nostalgie tsariste au cœur de la révolution Les autres journaux ne se posent pas de tels cas de conscience, et l'alliance francorusse est vantée depuis de nombreuses années lorsque l'entrée en guerre valide la nécessité de celle-ci. Le régime autocratique à été dépeint durant des années à travers la personne du tsar, bon et soucieux de son peuple. Entre 1905 et 1914, les allusions au tsar dans le Petit Parisien comme le Figaro viennent systématiquement louer les bienfaits de l'alliance, et la consolider à travers le prestige d'une figure souveraine. On narre avec grande pompe ses voyages à l'étranger, et notamment sa visite diplomatique en France, en 1909. La rencontre entre Nicolas II et le président Armand Fallières à Cherbourg est reléguée par le Figaro qui en fait une « nouvelle consécration de l'alliance francorusse245 ». Le Figaro propose sur deux jours un compte-rendu détaillé de l'entrevue publique. Il est narré les échanges de cadeaux et courtoisies, et une insistance particulière est portée sur le faste des cérémonies : « L'arrivée de l'escadre russe qui portait l'empereur Nicolas et l'impératrice Alexandra-Feodorovna fut un spectacle d'une prestigieuse magnificence 246. » L'Humanité, 10 aout 1914, « La Russie unie contre l'ennemi » L'Humanité, ibid. 245 Le Figaro, 2 août 1909, « L'entrevue de Cherbourg » 246 Le Figaro, 1er août 1909, « L'entrevue de Cherbourg » 243 244

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

Dans le Figaro et le Petit Parisien, Le portrait du tsar est dans la droite lignée de celui esquissé en 1905. Les Romanov ont étés bons pour la Russie, et quoique leur politique n'ait pas suffit à l'émancipation de celle-ci, Nicolas II a joué son rôle dans son développement. Il en va de même pour Alexandre III, Le Figaro rappelle que ses décisions politiques, pour l'époque, pouvait être « considérées comme tutélaires et libératrices 247». Or, Nicolas II est soudain destitué de son pouvoir réel et symbolique. Face à ce virage politique, la presse officielle française adapte son discours : si la révolution est arrivée, c'est par ce que le peuple demandait plus de liberté, mais Nicolas II n'en était pas conscient. Il « n'a pas cessé d'être d'accord avec l'âme profonde de son peuple 248 », d'après le Figaro. Si le tsar avait su les malheurs de la Russie, et surtout s'il n'avait pas eu les mains liées par la bureaucratie, il aurait davantage agi en faveur du progrès. Le Figaro considère d'ailleurs les promesses officielles du tsar en 1905 comme la preuve de sa bonne volonté, mais considère que l'avortement de ses projets n'est pas du fait de Nicolas II. « D'obscures influences (...) finissaient par lui rendre irréalisables ses propres desseins et gênait sa volonté 249. » Durant la révolution de février, la rapide abdication du tsar est encore considérée comme un gage de bonne volonté face à la poussée révolutionnaire : Le souverain qui renonce ainsi au pouvoir absolu et au trône (…) avec ce désintéressement et avec cette tendresse, domine ses sujets et jusque dans son malheur il reste le maître de leurs âmes 250 .

Comme en 1905, c'est une bureaucratie sans visage 251 qui est accusée d'avoir été de mauvais conseil au tsar. Et même si les idées libérales pouvaient arriver jusqu'à lui, elles n'étaient pas choisies face au conservatisme de quelques mauvais administrateurs : Autour de Nicolas II, des hommes d'un esprit plus ouvert suggéraient une réforme profonde, d'autres se prononçaient pour le maintien de la coercition pure et simple Sasonof fut sacrifié, parce qu'il défendait la solution libérale. 252

La dynastie Romanov n'est pas à blâmer du sort de la Russie. Ils sont de nature bonne et magnanime, comme le prouve le tsar qui, en bon père de famille, abdique en faveur de son frère, et non du tsarévitch, trop jeune et en trop mauvaise santé. L'illustration explique que l'abdication du tsar prouve qu'il est un homme éclairé :

Le Figaro, 12 juin 1917, « Impératrices de Russie ». Le Figaro, 17 mars 1917, op.cit 249 Le Figaro, ibid. 250 Le Figaro, 18 mars 1917, « Abdication du tsar en faveur de son frère ». 251 LEOCMACH Marie, La révolution russe de 1905 d’après la presse française, op cit. 252 Le Petit Parisien, 1er avril 1917, « Les actes de la Russie rénovée » 247 248

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L'enfant perd un trône mais sa vie est sauve (…) c’est lui l'élu non d'un peuple mais d'un père. Et c’est une révolution qui nous vaut ce spectacle d'idylle ! Si les révolutionnaires ont fait des progrès, les empereurs les ont suivis 253 .

Le tsar est présenté par la presse française comme le produit de sa lignée, il aurait été élevé dans une tradition qu'il n'avait pas eu la capacité de surmonter. Cet état de fait est indépendant de ses qualités morales. Tout ce qu'il a entrepris, ou qu'il a refusé d'entreprendre, c'était pour le bien de son peuple : Le tsar, doux et bon, manquait de cette envolée imaginative qui lui eût permis de critiquer les principes de la religion autocratique dans laquelle il avait été élevé. » (…) Il ne croyait point que son pays fût assez avancé en civilisation pour supporter l'ivresse de la liberté 254 .

Dans un portrait de Maria Féodorovna, dressé le 12 juin par Ernest Daudet 255, est résumée la faiblesse de la famille impériale aux derniers temps de leur règne : l'impératrice est « le témoin impuissant et désespéré des fautes irréparables qui ont entraîné la chute de la dynastie impériale 256. » Le tsar également est à cette image. Il est parfois décrit comme un être fragile et sans volonté. C'est un « souverain faible, tiraillé entre des courants contraires 257 », il « était fatigué et paraissant, indifférent à tout 258». L'influence de Raspoutine sur l'impératrice est également évoquée comme une manière d'illustrer la démission du tsar dans son rôle de souverain d'empire, car même au sein de sa famille il n'avait plus force de décision. Cette image d'un tsar manipulé, récurrente en 1917 comme en 1905, est pourtant en inadéquation avec quelques nouvelles de Russie diffusées dans la presse entre les deux révolutions. Le 19 juin 1907 notamment, un article du Figaro relate la bonne entente entre le tsar et l'Union du peuple russe, une organisation conservatrice et monarchiste. En pleine dissolution de la Douma, le tsar se félicite du « ferme soutien » que l'Union du peuple russe lui a manifesté, et en fait « un exemple de loyalisme et d'ordre 259 ». La même dépêche traitée par le Petit Parisien met par contre en garde contre « l'esprit réactionnaire » de cette organisation. Il est dans ce contexte décrit comme un monarque accompli, et tout à fait responsable de ses actes.

L’illustration, 24 mars 1917 : « La révolution russe : l'ancien régime » L’illustration, ibid. 255 Ernest Daudet (1837-1921) est un écrivain et journaliste français. 256 Le Figaro, 12 juin 1917, op.cit 257 Le Figaro, 17 mars 1917, op.cit 258 Le Petit Parisien, ibid. 259 Le Figaro, 19 juin 1907, « L'union du peuple russe et le tsar ». 253 254

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III. Au cœur des troubles révolutionnaires, une analyse politique inévitable

Les nouvelles du tsar se font plutôt rares dans la première phase de la révolution. Ici et là on évoque sa retraite du pouvoir, notamment dans l'Illustration du 18 août, qui présente une image pleine page du « prisonnier de Tsarkoié-Selo : L'empereur déchu et ses gardiens dans le parc de l'ancien château impérial d'où il vient d'être transféré, le 14 août, dans une autre résidence ». L'Illustration présente le portrait d'un homme en costume de caporal sans galons, assis sur une souche d'arbre. Le commentaire du journal précise qu'il est « vieilli, les traits tirés, les yeux fatigués ». Le Figaro évoque quant à lui les rares nouvelles de Nicolas II renommé sous le titre d' « ex-tsar ». Le 29 août, Régis Gignoux pour le Figaro titre en éditorial : « leçon de tact » où l'on revient sur cette expression. Dans cet article il décrit son entretien avec un russe royaliste, Wladimir G. lui ayant reproché le manque de délicatesse de la presse française à l'égard du tsar : Je ne comprends pas vos journaux, ni vos agences d'information. Ils ne prennent plus la peine de traduire en français les dépêches de Russie. (...) Ils écrivent « L'ex-Tsar est arrivé à Tobolsk ». Voilà ce que je ne puis comprendre. L'ex-Tsar! Est-ce français, l'ex-Tsar ? Cela ne vous semble-t-il pas odieux? (…) II me semble que votre politesse doit lui garder son titre impérial en ce moment où il est accablé par les soucis les plus vulgaires dont peut souffrir un petit bourgeois expulsé par son propriétaire 260 .

L'Ilustration du 19 mai décrit les révoltes du peuple en s’inquiétant du « mysticisme » et des « accents délirants de triomphe » des revendications. Dans les cantiques scandés par la foule, « la haine frémit, inséparable, contre le « tsar vampire » et les riches 261 ». Le Figaro plaint le tsar de son sort : « Tant de malheur sur un homme qui n'a pas été préparé à souffrir 262 ! » Le 1er avril, le Petit Parisien cite Sasanov ayant déclaré « qu'il ne suivra pas l'exemple des grands-ducs qui ont donné à la presse leurs sentiments sur l'empereur et la famille impériale il a déclaré qu'on ne frappait pas un ennemi à terre. 263 » Un autre témoignage, celui du général Gourko, cherche à redorer le blason des Romanov, en rappelant l'antigermanisme de la famille impériale : « L’impératrice avait les Allemands en horreur, et traitait Guillaume II de « saltimbanque »264. » Nicolas II et Guillaume II, dont la politique est similaire, et qui d'ailleurs, sont cousins, sont pourtant traités de manière bien différente par la presse française, en 1917 comme antérieurement. Le Figaro du 18 mars 1917 affirme que Guillaume II, s'il était forcé d'abdiquer, serait incapable de réagir avec autant de solennité que Nicolas II avec son Le Figaro, 29 août 1917, « Leçon de tact » L'Illustration, 19 mai 1917, op.cit 262 Le Figaro, ibid. 263 Le Petit Parisien, 1er avril 1917, op.cit 264 Le Figaro, 10 novembre 1917, « le général Gourko à Paris ». 260 261

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rescrit 265. Lorsqu'en juillet 1917 l'Allemagne crée un nouveau sous-secrétariat d'état, le Petit Parisien précise que cette concession est « de pure forme », et qu'elle est « sans aucun péril pour la couronne ». Pourtant, lors des réformes russes de 1905, elles aussi de pures formes, la presse française de saluer la magnanimité de ce souverain soucieux du bonheur de son peuple. Ce qui semble différencier l'un de l'autre, c'est que Guillaume II méprise son peuple, tandis que Nicolas II s'en préoccupe comme un père de ses enfants. A partir des défaites militaires et de la montée des bolcheviques, la presse française, de plus en plus régulièrement, fait des allusions à la grandeur que la Russie a perdue en reniant son souverain. La Russie est désormais « privée du lien puissant du tsarisme qui assurait son unité et la maintenait en grande partie en raison du prestige religieux dont bénéficiait 266 ». La ruine de la nouvelle Russie est inévitable : La Russie est maintenant comme un navire désemparé, comme un corps sans âme. Mais avant de songer à organiser chacun des membres de ce corps et à lui donner l'autonomie, il faut commencer par remettre d'aplomb le corps lui-même et l'empêcher de s'effondrer 267 .

Le Figaro étant nettement défavorable aux maximalistes, il est logique d'affirmer que le tsar constituait un allié bien plus puissant et fiable que ces dangereux révolutionnaires. Ce discours clairement conservateur n'est toutefois revendiqué qu'une fois la Russie clairement affaiblie et sa « trahison » de plus en plus certaine. Nous avons déjà démontré que le discours est bien différent lors des premiers jours de la révolution, quand on espère que celle-ci soulèvera l'effort de guerre des russes.

Le Figaro 18 mars 1917, « Abdication du tsar en faveur de son frère » Le Figaro, 5 octobre 1917, « La nouvelle Russie » 267 Le Figaro, op.cit 265 266

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CONCLUSION D'après la presse française, la révolution russe est un événement aux enjeux moins politiques que diplomatiques. Ce constat se fait dès l'analyse des sources : il est difficile d'isoler les articles ne traitant que de la révolution, car ceux traitant de la Russie évoquent systématiquement le front russe. L'inverse est également exact : pour exemple, de nombreux articles sur la situation militaire d'avant juillet affirment que la révolution russe a galvanisé ses troupes. Les sources imbriquent systématiquement les thématiques principales les unes aux autres, ce qui rend le plan complexe à concevoir sans risquer les répétitions. Pour résumer le rythme de l'année 1917 d'après la presse française peut se diviser en trois phases, qui correspondent aussi à des thèmes principaux : de la révolution de février à la fin du mois de juin, la presse française se remet rapidement de l'étonnement pour annoncer l’ordre rétabli. Dès le début de la révolution, on espère une rapide offensive de la Russie, qui se solde en juillet par un recul du front à l'avantage de la triplice. Il faut attendre la montée en puissance des bolcheviques, passant de 80 000 à 240 000 membres entre avril et juillet 1917 268, pour que la presse commence à critiquer ouvertement la tournure des événements en Russie. S'en suit un désaveux de la révolution russe et des bolcheviques qui, après avoir pris le pouvoir, négocient avec l’Allemagne la paix séparée tant redoutée. Pour mieux comprendre les nuances de ces trois phases et discours, il convient dans un premier temps de reprendre l'histoire longue durée de l’alliance francorusse : elle a débuté en 1892 sur des bases économiques, consolidant par la suite son aspect militaire avec un pacte défensif. C'est l'entrée en guerre de l'Allemagne qui provoque la solidarité militaire franco-russe. En 1917, on trouve donc une presse dont le discours belliqueux est en place depuis trois ans. La Russie est alors un allié militaire avant tout ; le thème de la continuation de la guerre est primordial au sein de la presse française, c'est la seule chose qui inquiète réellement la France. Le mouvement révolutionnaire est par conséquent décrit pour qu’il paraisse en adéquation avec les aspirations belliqueuses françaises : la révolution russe devient un acte patriotique de la part d'un peuple qui voyait l'incapacité de son souverain à mener la guerre à la victoire. D'après les chiffres de la VII e conférence des organisations bolcheviques, débutant le 24 avril 1917, et ceux de la VI e conférence du POSDR, débutant le 26 juillet de la même année. 268

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Les rumeurs d'un tsar sur le point de trahir la guerre par une paix séparée auraient mis le feu aux poudres. On présente également une révolution venue de la guerre, comme en 1905 avec la guerre contre le japon, la mobilisation du pays a cristallisé le mécontentement général. La Russie en faisant sa révolution se réclame de la révolution française. Cette analogie idéologique ne fait que consolider la solidarité militaire franco-russe, car les Français en 1792 ont pris les armes pour étendre la liberté nouvellement acquise. C’est l'enthousiasme révolutionnaire qui insufflera l'air nouveau dont le front des alliés de la France avaient besoin. Les événements politiques du début de la révolution ne sont évoqués par la presse que de manière anecdotique. Le gouvernement provisoire et le soviet sont mal compris en tant qu'institutions rivales. La plupart des articles relatent les appels à une collaboration du Soviet au gouvernement, ce dernier étant légal et légitime. Si la majorité des débats politiques sont passés sous silence, c’est essentiellement par ce que l'on craint que la virulence des oppositions poussent la Russie à se détacher de la guerre pour régler ses problèmes internes. La presse française s'évertue donc à présenter une Russie acclamée, où le bon ordre a été rapidement retrouvé, car on s’inquiète seulement de la stabilité politique de l'allié. La révolution ne doit pas être un frein pour la continuation de la guerre, aussi la presse française va chercher à prouver que ce changement de régime en Russie est exactement ce qu'il manquait à la motivation de l'Entente. La guerre est présentée aux Français comme un acte salvateur : il s'agit d'apporter aux empires centraux, dirigés par des autocrates, la liberté dont jouit la France. Par cette guerre, l es Russes se battent pour la sauvegarde de leur liberté nouvellement acquise. L’Allemagne est présentée comme l’ennemie héréditaire des pays libres. C'est d'ailleurs elle qui a déclenché une guerre tandis que l'Entente ne fait que se défendre pour sauver sa liberté. Dans ces conditions, aucun rapprochement entre Russie et Allemagne n'aurait de sens d'un point de vue idéologique, tandis que l'alliance franco-russe, plus que jamais, montre le chemin vers le progrès de l'humanité. Afin de rappeler la solidarité de buts entre France et Russie, la presse fait allusion au soutien mutualisé de leurs armées : les garnisons russes en France, et les officiels français en visite sur le front russe. La presse française propose d'ailleurs LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 76 -


Conclusion

de nombreux témoignages de politiques français sur la révolution Russe : ils saluent les bienfaits de la démocratie sur leur allié, et positivent sur l'avenir de l'offensive. En France, on attend avec impatience un dégel militaire qui apportera la victoire. Avant juillet, la presse insiste sur le moral des soldats et sur l'effort de guerre à l'arrière, aussi c'est avec stupeur qu'est décrit le recul des armées russes : l'ordre numéro 1 est rapidement accusé d'avoir aboli toute hiérarchie au sein de l'armée révolutionnaire Avec la montée en puissance des maximalistes, la presse française débute une analyse plus critique de la situation politique en Russie. C’est l'occasion de décrire l'anarchie que les maximalistes font naître, surtout à cause du caractère naïf et facilement manipulable des slaves. La propagande de décrédibilisation des bolcheviques commencée en juillet en Russie trouve un large écho dans la presse française, Lénine en est la cible privilégiée : il est présenté comme un agitateur allemand, comme le prouve ses revendications pacifistes. La prise de pouvoir des léninistes est un coup de force sur lequel la presse française a peu d'information, le nouveau pouvoir est quoiqu'il en soit considéré comme illégitime, la paix séparée avec l'Allemagne, affirme la presse française, ne peut que s'en trouver fragilisée. Le tsar, rapidement écarté après la révolution de février, est de plus en plus regretté par la presse française avec la montée en puissance du parti bolchevique. Le discours sur le tsar ne souffre d'aucune faille avant 1917 : Nicolas II est un bon roi qui aide au développement de son pays, son rapprochement avec la France permet d'ailleurs aux thèses libérales d'avoir une influence croissante sur sa politique. Il est à noter que le discours sur Guillaume II est bien moins conciliant, alors que celui-ci est tout aussi autocrate que son cousin. Si on ne critique pas la politique intérieure du tsar, c'est par ce qu'elle se ferait au détriment de l’alliance. À la chute du régime, l'argumentaire est semblable à celui avancé en 1905 : le bon tsar était le témoin impuissant de l'écroulement de son empire. Les réels responsables est une bureaucratie agissant dans l'ombre. Le discours sur le tsar dans l'Humanité souffre d'autres incohérences. Il a été contraint de s'ajuster au fils des aléas de l'alliance. Après 1905, Nicolas II est un autocrate fanatique et tout puissant, les perspectives de la guerre poussent dans un premier temps le journal pacifiste à insister sur l'aberration d'une alliance entre l'empire de russe et la République française. Mais avec la guerre et l'union sacrée, l'Humanité se range derrière le discours commun de la presse, passant sous silence les critiques formulées contre LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 77 -


l'autocratie tsariste. L'Humanité de 1914 affirme d'ailleurs que c’est par la guerre que viendra l'émancipation des peuples. Il faut sortit du cadre de 1917 pour constater de réelles discordances entre les discours des différentes feuilles, pourtant d'opinions politiques différentes. Les sources de 1917 s'avèrent trop homogènes pour constituer un terreau d'analyse aussi fertile que 1905 269. Les mécanismes du discours de propagande étant suivi par l'ensemble de la presse, il a surtout été question de pointer les contradictions et les choix de couverture médiatique. Sortir de l'analyse de la seule année de la révolution a donc permis d'approfondir l'analyse en pointant les évolutions du discours sur douze ans. Il a constitué un travail de collecte des sources par recherche thématique 270, complétant le caractère systématique de l'analyse de 1917. Nous pouvons constater qu'il existe quelques thèmes de 1905 transposé à 1917, tous ceux qui ne concernent pas directement l'effort de guerre, dont voici une liste non exhaustive : le discours sur la bonté du tsar, le thème de la naïveté du peuple, la crainte des démagogues d’extrême gauche, la critique a posteriori de l'ancien régime, et l'idée d'une Russie en progrès, se rapprochant de l'occident civilisé. Pour ces deux mémoires, la diplomatie a été un axe principal de l'analyse, mais entre 1905 et 1917, la presse française passe d'un organe puissant de diffusion d'opinions politiques à un instrument privilégié de la censure et de la propagande au service de l'État en guerre.

Les seules différences notables sont sur le regard porté sur le Soviet : L'Humanité le trouve légitime, à la différence de l'Illustration, du Figaro et du Petit Parisien 270 Rendu possible grâce au travail de numérisation de la presse entreprit par la Bnf. 269

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Sources Archive de presse271 : Le Petit Parisien : 20 janvier 1905 – 22 janvier 1906 ; 31 juillet 1909 ; 4 août 1914 ; 9 septembre 1915 ; 14 mars 1917 – 14 décembre 1917. L'Humanité : 20 janvier 1905 – 22janvier 1906 ; 12 février 1907 ; 8 juillet 1907 ; 3 juin 1913 ; 24 juin 1913 ; 10 août 1913 ; 5 septembre 1913 ; 6 novembre 1913 ; 8 décembre 1913 ; 4 décembre 1913 ; 20 mai 1914 ; 23 mai 1914 ; 10 août 1914 ; 17 août 1914 ; 15 février 1916 ; 24 mars 1916 ; 14 mars 1917 – 14 décembre 1917. Le Figaro: 20 janvier 1905 – 22 janvier 1906 ; 19 juin 1907 ; 1 août 1909 - 2 août 1909 ; 25 février 1916 ; 14 mars 1917 – 14 décembre 1917 ; 28 décembre 1917. L'Illustration: 28 janvier 1905 – 20 janvier 1906 ; 24 mars 1917 – 22 décembre 1917.

271

B : Certains extraits de document sont présentés en détail dans l'annexe 2.

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Sources complémentaires : Témoignages sur la révolution russe. ANET Claude, La Révolution russe: chroniques 1917 – 1920, Paris, éd. Phébus, rééd. 2007 858 p. BENES Edvard, Souvenirs de guerre et de Révolution, 1914-1918, la lutte pour l'indépendance des peuples, Paris, lib. Ernest Leroux, 1929. BROUSSILOV Alexeï, Mémoires du Général Broussilov : guerre 1914-1918, Paris, Hachette 1929 GRONDIJS Lodewijk, La guerre en Russie et en Sibérie, Paris, Brossard, 1922. KERENSKI Alexandre, La révolution russe, 1917, Paris, Payot, 1928. KERENSKI Alexandre, La Russie au tournant de l'histoire, Paris, Plon, 1967 NOULENS Joseph, Mon ambassade en Russie soviétique : 1917-1919, Paris, Plon, 1933. PALÉOLOGUE Maurice, Le crépuscule des tsars : journal, 1914-1917, Paris, Mercure de France, rééd. 2007. PALÉOLOGUE Maurice, La Russie des tsar pendant la grande guerre, 3 Juin 1915-18 Août 1916, Paris Plon-Nourrit 1921-1922 REED John, Dix jours qui ébranlèrent le monde, Paris, Éd. Sociales internationales, [1917] RECOULY Raymond, Chez les Moujiks en capote grise : souvenirs de guerre et de révolution en Russie, Paris, ed. De France, 1942. RIVET Charles, le Dernier Romanof, Paris, Linraires-êditeurs, 1917, 336 p. LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 80 -


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Table des annexes ANNEXE 1 : ÉVOLUTION DE LA MISE EN PAGE DES QUOTIDIENS ENTRE 1905 ET 1917.................................................................................................95 ANNEXE 2 : LA GUERRE DE LA LIBERTÉ.......................................................97

ANNEXE 1 : ÉVOLUTION DE LA MISE EN PAGE DES QUOTIDIENS ENTRE 1905 ET 1917 LE PETIT PARISIEN, L'HUMANITÉ ET LE FIGARO

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L'Humanité, 29 juin 1905 L'Humanité, 29 juin 1917

Le Figaro, 27 octobre 1905

Le Figaro, 27 octobre 1917

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Table des annexes

ANNEXE 2 : LA GUERRE DE LA LIBERTÉ SOURCES FAISANT RÉFÉRENCE À LA LIBERTÉ RUSSE EN 1917. Usage du terme « liberté » au sein du discours de la guerre révolutionnaire : présentation d'un tiers des sources référencées, soit 92 occurrences, organisées par catégories thématiques. Il est à noter que 3 des 92 occurrences sont présentes dans deux catégories à la fois. Les occurrences en italique le sot pour pointer des similitudes avec des extraits d'autres journaux (sur la même ligne). 1) Défense de la révolution et de ses idéaux.

Le Petit Parisien 29/ Une

propagande

L'Humanité pour 26/ Ils savaient qu'ils ne

Le Figaro 24/ La grande majorité [des

03/ activer la guerre jusqu'à 03/ poursuivaient que des

03/ socialistes français] est

17 la victoire finale, qui, 17

17

seule, assurera la liberté.

buts nobles et hauts et

convaincue que

que leur victoire serait la

l'impérialisme prussien

victoire du droit, de la

est l'adversaire le plus

liberté et de la

dangereux de la

démocratie pour leur

démocratie russe et que

propre pays, mais aussi

la victoire de l'ennemi

pour tous les autres pays.

serait la défaite des libertés russes.

31/ Si la Révolution russe

23/ La victoire sur

03/ aboutit, en protégeant

03/ l'Allemagne consolidera

17

13

contre l'ennemi de

encore davantage la

l'extérieur la liberté

liberté intérieure de la

qu'elle a conquise sur

Russie.

l'ennemi de l'intérieur, la démocratie sera demain la maîtresse du monde.

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18/ Notre victoire sera

14/ La Russie entra dans

04/ l'affranchissement, la

04/ cette guerre pour la

17

17

réconciliation. des

liberté de la Serbie, du

hommes par la Liberté,

Monténégro et de la

par le Droit. Notre

Bulgarie

victoire sera la victoire des idées, des principes, des espoirs qu'enferme en lui le mot de République. 20/ Qu'arrivera-t-il, demain,

24/ Je

vous

adjure

de 24/ Sauvegarder la liberté

04/ lorsque toutes les

04/ maintenir intégralement 04/ contre tous les attentats

17 puissances de liberté se

17

la discipliné dans vos 17

de l'ennemi intérieur et

seront levées contre les

rangs pour sauvegarder

pour délivrer la patrie de

puissances de proie et

la liberté contre tous les

l'ennemi extérieur.

d'esclavage

attentats

de

l'ennemi

intérieur et pour délivrer la patrie de l'ennemi extérieur. Maintenant plus que jamais, nous forgeons notre bonheur et le sort de nos libertés est entre nos mains.

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Table des annexes

02/ Le triomphe de la liberté 14/ En Russie, en ce 05/ sur le dernier rempart du 05/ moment, le drapeau 17

militarisme et le dernier

17

rouge est l'emblème de

autocratisme subsistant

ceux qui voient le salut

encore on Europe, pour

du monde dans la liberté

assurer d'une manière

des peuples, acquise

définitive de la Russie

seulement par la guerre

libre.

menée jusqu'à la victoire. Les révolutionnaires pacifistes ont arboré le drapeau noir.

19/ Le gouvernement

17/ Le gouvernement

21/

05/ provisoire (…) déclare

06/ provisoire (…) déclare

05/ que d'une défense active

17 qu'il cherchera

17

17

qu'il cherchera

Il ne peut être question dans le but de

énergiquement à réaliser

énergiquement à réaliser

sauvegarder

les grandes idées de

les grandes idées de

l'indépendance nationale

liberté, d'égalité et de

liberté, d'égalité et de

et la liberté.

fraternité, sous le

fraternité, sous le

[l'armée russe] comprend

drapeau desquelles la

drapeau desquelles la

aussi que la défaite

Grande Révolution russe

Grande Révolution russe

anéantira cette liberté,

est née 272.

est née273.

cette vie nouvelle, et cela doit être le seul but qui l'anime.

11/ La Russie sait que la

28/ N'oubliez pas que si vous

06/ débâcle de ses alliés

05/ ne défendez pas

17 serait aussi celle de la

17

l'honneur, le liberté et la

Russie et la fin de sa

dignité de la patrie, vos

liberté politique 274.

noms seront maudits.

Extrait de déclaration officielle. Extrait de déclaration officielle. 274 Extrait d'une dépêche Havas. 272 273

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12/ la Russie doit maintenant

12/ la Russie doit

06/ consolider et garder la

06/ maintenant consolider et

17 liberté nouvellement

17

garder la liberté

acquise pour cela, il faut

nouvellement acquise

la défendre contre les

pour cela, il faut la

attaques de l'ennemi

défendre contre les attaques de l'ennemi

28/ Mobiliser toutes les

25/ Après avoir rappelé les

02/ Il y a la Russie, sans

06/ forces vives du pays pour 06/ horreurs de l'ancien

06/ doute, et le Comité des

17 la sauvegarde de sa

17

17

régime et dit que la

ouvriers et soldats. Ceux-

liberté et le

Russie est actuellement

là ont conquis la liberté,

développement de sa vie

le pays le plus libre du

et c'est la guerre qui la

économique,

monde, Kerensky invite

leur a donnée.

subordonnant les désirs

à la lutte sacrée pour

de paix du peuple russe à

cette liberté-là.

des conditions nettement déterminées. 03/ La Russie, ayant brisé les 07/ chaînes de l'esclavage, a 17 résolu fermement de défendre à tout prix ses droits, son honneur et sa liberté. 04/ Un combat décisif a 07/ commencé, qui doit 17 décider du sort de la liberté russe

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Table des annexes

25/ Vous voulez que votre

27/ Est-ce que vous ne savez

07/ pays jouisse de la liberté

07/ pas qu'une pareille paix

17 vous devez donc savoir

17

serait le déshonneur de la

que ce n'est que par une

Russie et la mort de la

lutte acharnée que vous

liberté ?

conquerrez la paix pour la Russie 28/ Pour sauver la liberté de

11/ la Russie sait que la

07/ la Russie et (…) pour

06/ débâcle de ses alliés

17 conjurer l'opprobre qui

17

menace le pays.

serait aussi celle de la Russie et la fin de sa liberté politique.

31/ Si l'armée meurt, mourra

03/ Le triomphe de la liberté

07/ aussi la liberté. Un

08/ dirigera contre l'ennemi

17 ennemi perfide la

17

menace.

qui menace la patrie toute la force invincible de la révolution.

30/ [De la guerre]

17/ De nouveau, un danger,

08/ dépendaient la liberté des

09/ mortel menace la patrie

17 peuples et l'avenir de la

17

et sa liberté. Le soldat russe, fils d'une

civilisation

grande et noble nation qui ne doit et ne peut périr dans la lutte mondiale des nations pour le droit et la liberté. 15/ défendre l'honneur de la

08/ la Russie

25/ Devoir de l'armée

10/ patrie et les grandes

10/ révolutionnaire,

09/ révolutionnaire de

17 traditions de la liberté et

17

17

de la révolution

sauverait le pays de l'invasion et assurerait le

donner la liberté au, monde entier

succès de la liberté.

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03/ L'ennemi orgueilleux, 11/ grâce à la félonie et à la 17 trahison, s'introduit partout chez nous, apportant la ruine pour la liberté, menaçant l'existence même du peuple russe 29/ Dans une Europe où la 12/ Russie redeviendrait 17 tsariste, la liberté ne saurait exister

2) L'offensive pour la liberté :

Le Petit Parisien 15/ C'est

L'Humanité

une

04/ bataille,

Le Figaro

nouvelle 02/ Le vent de liberté qui a 16/ Il

formidable

apparaît

clairement

et 04/ soufflé à Petrograd sera- 04/ (…) que la Russie n'est

17 décisive, pour la liberté 17 des peuples

t-il

arrêté

par

les 17

plus

contrainte pour

de

tranchées et les fils de

combattre

la

fer barbelés ?

défense de ses territoires et de la liberté de ses peuples

16/ Le renforcement de la 24/ « Je 05/ puissance

militaire

adjure

de 07/ L'offensive leur donnera

du 04/ maintenir intégralement 04/ la victoire et affermira la

17 front pour la défense de 17 la liberté russe

vous

la discipliné dans vos 17

liberté conquise

rangs pour sauvegarder la liberté contre tous les attentats

de

l'ennemi

intérieur et pour délivrer la

patrie

de

l'ennemi

extérieur. 275 »

275

Discours de Kerensky

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Table des annexes

30/ Ne pas avancer, ce serait 21/ Précipiter

contre 14/ Le drapeau rouge est

05/ consommer la perte de la 05/ l'ennemi pour l'honneur 05/ L'emblème de ceux qui 17 Russie, et la ruine de la 17 liberté dans le monde.

et pour la liberté de là 17

voient le salut du monde

Russie

dans

la

liberté

peuples,

des

acquise

seulement par la guerre menée jusqu'à la victoire. 21/ La France et la Russie, 29/ La

destruction

de 21/ Il ne peut être question

06/ entraînées vers un idéal 06/ l'armée, l'affaiblissement 05/ que d'une défense active 17 commun de liberté et de 17

de son équilibre, de sa 17

dans le but de

justice, sont obligées de

force et de sa capacité

sauvegarder

préparer sa réalisation en

d'opérations

l'indépendance nationale

poursuivant avec énergie

serait un coup terrible

la funeste guerre

pour l'œuvre de la liberté et

pour

actives,

les

et la liberté.

intérêts

vitaux du pays. 04/ Vous luttez pour la liberté 19/ La marine russe, comme 18/ La Douma estime-t-elle 07/ et

le

bonheur

de

la 07/ l'armée, est animée du 06/ que le salut de la Russie

17 Russie, pour une paix 17 générale et prochaine

seul désir de défendre la 17

et le maintien des libertés

Révolution et l'idéal de

conquises résident en une

démocratie contre leurs

offensive immédiate en

ennemis

étroite union avec les Alliés

22/ Au nom de la patrie, de la 12/ Toutes

les

mesures 25

Vous voulez que votre

07/ révolution, de la liberté, 09/ seraient prises pour la 07/ pays jouisse de la liberté 17 (...) je vous appelle à 17 parer aux coups terribles

défense de la patrie et de 17

vous devez donc savoir

la liberté

que ce n'est que par une

de l'ennemi extérieur

lutte acharnée que vous conquerrez la paix pour la Russie

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03/ Il leur parle de La liberté 08/ gagnée, mais aussi de la 17 patrie, des droits qu'ils ont, mais de l'ennemi qui est là, près d'eux, et qu'il faut battre

3) Contre l'ennemi de la liberté Le Petit Parisien

L'Humanité

Le Figaro

02/ La nécessité, si l'on veut 21/ la guerre pour la liberté 04/ sauver la liberté, d'abattre 03/ des nations, pour le droit 17 le militarisme prussien

17

des peuples, ne pouvait être que la guerre des démocraties contre l'esprit militariste

22/ Maintenant, la 04/ Révolution ayant libéré 17

la Russie, il s'agit de défendre la liberté conquise contre les Hohenzollern.

10/ Le gouvernement entend

17/ Les Alliés ne furent pas

05/ fonder sa politique

05/ les agresseurs dans la

17 extérieure sur son refus

17

guerre de 1914. Ils n'ont

d'attenter à la liberté des

pas cessé d'affirmer

peuples, de mener une

qu'ils se battent pour la

guerre de conquête,

liberté

d'entrer en lutte avec des démocraties avancées, afin d'atteindre à une paix solide basée sur l'indépendance des peuples. LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 104 -


Table des annexes

20/ Nous

trahissons

notre 16/ En refoulant

06/ devoir envers la patrie en 06/ révolutionnairement les 17 fraternisant soldats

de

Guillaume,

avec

tes 17

l'empereur ce

forces de réaction et d'autocratie qui

grand

s'opposent à la liberté

ennemi de la liberté.

intérieure des peuples, comme elles s'opposent à une paix dont les conditions seront dictées par la seule justice, les prolétaires des empires centraux rendront immédiate la possibilité de la paix.

28/ Continuer la lutte contre 17/ « Le facteur décisif de la 06/ l'ennemi de toutes les 06/ guerre a été le fait que, 17 libertés

17

politiquement, nous sommes- arriérés. Il n'existe pas chez nous de liberté véritable. Nos ennemis et les neutres veulent éviter de tomber sous le même régime que nous et nous comprenons parfaitement leur répugnance. 276 »

276

Citation d'un « journal libéral allemand »

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04/ Soutenu

par

une 25/ la domination

07/ démocratie soucieuse de 06/ germanique sur les 17 vivre

dans

intérieure

la et

liberté 17 dans

la

leurs espérances dans un

liberté extérieure, et qui savait

la

victoire

peuples qui avaient mis régime de liberté.

des

idées nouvelles liée à la défaite

des

autocraties

impériales

et

du

militarisme germanique. 19/ S'ils [les alliés] se sont

03/ Le triomphe de la liberté

07/ dressés le fer au poing,

08/ dirigera contre l'ennemi

17 c'est qu'une agression

17

qui menace la patrie

sauvage menaçait leur vie

toute la force invincible

et leur liberté

de la révolution.

08/ Seule la volonté funeste

08/ Ce n'est pas autre chose 08/ Ce n'est que la volonté

09/ des agitateurs criminels

09/ que la volonté criminelle 09/ néfaste d'ennemis

17 ennemis nous força à

17

d'agitateurs ennemis qui 17 criminels, désireux de la

entrer dans cette guerre

nous ai entraînés dans

guerre, qui nous a forcé

défensive pour notre vie

cette guerre pour la

d'entrer dans une lutte

et notre liberté.

défense de notre vie et

sanglante pour la défense

de notre liberté

de nos vies et de notre liberté

11/ Aucune paix ne sera 08/ satisfaisante qui 17 n'assurera pas la liberté complète des peuples et ne les délivrera pas du cauchemar du militarisme agressif

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Table des annexes

03/ L'ennemi

orgueilleux,

11/ grâce à la félonie et à la 17 trahison, partout

s'introduit chez

nous,

apportant la ruine pour la liberté, l'existence

menaçant même

du

peuple russe

4) l'Alliance : Le Petit Parisien

L'Humanité

Le Figaro

15/

24/ Adressons des vœux

Le Congrès a affirmé

04/ que la démocratie russe

03/ fraternels à ses héroïques

17

17

devait mobiliser toutes

armées. Que la Russie

les forces vives de la

nouvelle soit heureuse et

nation pour la cause de

puisse-t-elle bientôt,

la liberté

nous ayant envié, la liberté, partager avec nous la victoire

19/ [Les alliés] n'ont pas

19/ Le gouvernement croit

05/ cessé d'affirmer qu'ils

05/ qu'il trouvera dans cette

17

17

sont les champions du

voie l'appui énergique de

droit et de la liberté. Ils

tous ceux à qui la liberté

ne peuvent pas se

de la Russie est chère.

soustraire à l'obligation (…)

LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 107 -


03/ La nation a besoin de

12/ Nous avons gagné la

06/ l'aide et de l'appui de tous

06/ liberté et pour que vous

17 ceux qui veulent le salut

17

puissiez cueillir la

et de la liberté et de la

moisson de la révolution,

Russie.

les démocraties de France et de GrandeBretagne ont retenu et repoussé les forces principales de l'Allemagne la Russie sait que la débâcle de ses alliés serait aussi celle de la Russie et la fin de sa liberté politique. [les soldats français] versent leur sang non seulement pour la défense de leur patrimoine national, mais pour sauvegarder les libertés de la Russie 18/ la Douma estime-t-elle 06/ que le salut de la Russie 17

et le maintien des libertés conquises résident en une offensive immédiate en étroite union avec les Alliés

LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 108 -


Table des annexes

23/ Ils sont allés au combat

19/ l'union de deux grandes

23/ Que son plan perfide, qui

07/ avec des bannières

07/ démocraties est un gage

07/ consiste à simultanément

17 rouges, vous appellent à

17

17

se joindre à eux pour

certain de la victoire prochaine de la liberté

rompre le front et porter un coup à l'arrière, rallie

lutter ensemble pour la

davantage tous ceux pour

défense de la liberté

qui la Russie et sa liberté ne sont pas de vains mots lutter ensemble pour la défense de la liberté, et pour des conditions équitables d'une paix, durable.

28/ Nous combattons tout

01/ la France, luttant à la

12/ Une paix honorable et la

07/ autant que les russes eux- 08/ fois pour son existence

08/ liberté du monde seront

17 mêmes pour la liberté

17

russe

17

et pour la liberté du

le prix des efforts des

monde, avec la Russie

Alliés. Je n'ignore pas

libérée qui tend à un

tous les sacrifices que la

idéal de paix universelle

Russie est appelée à consentir 25/ La solidarité avec tous 09/ ceux qui combattent pour 17

la liberté du monde

13/ Les soldats alliés, qui 12/ marchent avec la 17

Victoire, marchent aussi avec la Liberté et la Justice

LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 109 -


Index Pour la plupart des personnes citées, une biographie succincte est proposée en note de bas de page à la première occurrence.

Index des noms cités Alexandre III..........................................23 Moutet, Marius...................16, 18, 36, 49 Anet, Claude..............................27, 28, 52 Nicolas II....................................62, 66-74 Cachin, Marcel.......................................18 Noulens, Joseph.....................................18 Capus, Alfred...................................19, 45 Plekhanov, Gueorgi...............................47 Cipriani, Amilcare.................................35 Poincaré, Raymond.........................33, 34 Destrée, Jules................21, 37, 41, 44, 45 Pressensé, Francis de......................33, 34 Ermolenko..............................................60 Raspoutine.......................................62, 72 Fallières, Armand............................33, 70 Reinach, Joseph (Polybe)......................49 Flers, Robert de.....................................56 Roditchev, Fiodor..................................42 Gignoux Régis.......................................73 Sembat, Marcel......................................36 Guillaume II........................23, 44, 73, 74 Strümer, Boris........................................62 Kerenski Alexandr. 18, 30, 46, 51, 52, 64 Thomas, Albert..........................16, 18, 49 Kornilov, Lavr..............14, 15, 16, 29, 54 Trotski, Léon...................................57, 65 Lafont, Ernest............................18, 26, 27 Tseretelli, Irakly.....................................57 Lénine...5, 18, 28, 48, 57, 59-65, 77, 115 Vandervelde, Emile.........................38, 53 Maria Feodorovna...........................23, 72

LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 111 -


Table des illustrations Index des illustrations Illustration 1: "Groupe d'élèves artilleurs portant la pancarte: "Guerre pour la liberté jusqu'à la victoire" L’Illustration, 19 mai 1917...........................................................................................22 Illustration 2 : "Soldats se dirigeant vers la Douma en arborant l'inscription : « La victoire sur Guillaume II est le gage de la liberté »" L’Illustration, 19 mai 1917...........................................................................................43 Illustration 3 : : "Les volontaires de la Russie: Tandis que l'armée régulière russe se désagrège, on a eu, en juin et juillet, le spectacle réconfortant de jeunes gens de 16 à 19 ans s'engager dans les « bataillons de la mort » pour aller donner l'exemple à leurs aînés(...)" L'illustration, 11 août 1917...........................................................................................46 Illustration 4 : "Un exemple des effets de l'indiscipline dans une armée" L'Illustration, 8 septembre 1917..................................................................................51 Illustration 5 : "Comment Berlin compte « télescoper » la Russie." L'illustration, 15 septembre 1917 :..............................................................................61 Illustration 6 : "Le tri-centenaire des Romaof." L'Humanité, 3 juin 1913................................................................................................66

Index des tableaux Tableau 1 :Couverture annuelle de la guerre et de la Révolution Russe dans l'Illustration ...................................................................................................................15 Tableau 2 : Références à « l'alliance franco-russe » : 1892-1920.............................35 Tableau 3 : Part de chaque thématique dans les références à la « guerre pour la liberté »...........................................................................................................................39

LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 113 -


Table des matières SIGLES ET ABRÉVIATIONS.....................................................................................7 INTRODUCTION..........................................................................................................9 I. LA RÉVOLUTION AU PRISME DE LA GUERRE..........................................14 1.1 L’alliance et la révolution patriote...........................................................19 1.2. Méconnaissance et indifférence de l'actualité politique russe............24 Le Gouvernement provisoire et le Soviet.....................................................25 Les partis politiques et les réformes en Russie...........................................28 II. L'EFFORT DE GUERRE EN PLEINE RÉVOLUTION................................32 L'alliance franco-russe : 1892-1917..........................................................32 2.1. Une guerre pour la révolution..................................................................35 La guerre de la liberté..................................................................................38 2.2. L'armée de la Russie révolutionnaire....................................................46 La désorganisation de l'armée.....................................................................50 III. AU CŒUR DES TROUBLES RÉVOLUTIONNAIRES, UNE ANALYSE POLITIQUE INÉVITABLE.......................................................................................54 3.1 « L'anarchie russe » et la montée du pacifisme......................................54 Un peuple manipulé par la propagande maximaliste................................54 Lénine, premier des maximalistes, au service de l'Allemagne..................59 La prise de pouvoir des maximalistes et la paix séparée..........................64 3.2 Image du régime tsariste : 1905 et 1917...................................................66 Du discours anti-tsariste et pacifiste à l'effort de guerre..........................66 Une nostalgie tsariste au cœur de la révolution.........................................70 CONCLUSION.............................................................................................................75 SOURCES.....................................................................................................................79 Archive de presse :........................................................................................79 Sources complémentaires :...........................................................................80 BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................83 Presse et propagande sous la IIIe République...........................................83 Révolutions russe, 1905 et 1917..................................................................86 Diplomatie internationale............................................................................89 LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 115 -


TABLE DES ANNEXES.............................................................................................95 INDEX..........................................................................................................................111 TABLE DES ILLUSTRATIONS.............................................................................113 TABLE DES MATIÈRES.........................................................................................115

LEOCMACH Marie | Diplôme national des master | mémoire de recherche | août 2013 - 116 -


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