Chef d'un soir

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Les chefs à la carte Édith Andremont & Claude Eschalier . . . . . . . . . 86 Gilles Avisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 Claude Bagoë-Diane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Philippe Baudot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 Rémy Birambeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Hervé Bleton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 Michel Boujut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Claude Braunstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Serge Deslandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 François Fabrizi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196 Blandine Guihot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Serge Haguenauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 Georges London . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 Michel Marchand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Étienne Marty . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216 Claude Mussou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Serge Philippon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Cécile Poyer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Claire Seban . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 Diane Vanier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 Jannick & Étienne Vilfroy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106


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ENTRE BONs AMIS


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Jannick & Étienne Vilfroy « J’avais plus envie que maman de vivre l’expérience de Chef d’un Soir. Mais, finalement, on a décidé de se lancer. J’étais intrigué de savoir si on allait être au niveau et pouvoir passer d’une cuisine familiale à de la cuisine “ pro ”. Ça a marché et une dame dans la salle a dit que son fils ne serait jamais capable d’en faire autant. » Il serait simplificateur de dire qu’Étienne Vilfroy est le plus jeune chef accueilli par Claire et Serge car il a su, par son talent, les convaincre de le recruter pour un stage. Âgé de 20 ans, Étienne est le fils de Jannick, surnommée ‘‘ Schoum ’’, styliste et architecte d’intérieur. « Moi, j’ai toujours aimé faire la cuisine et je suis très gourmande. Mais je ne me plonge pas assez dans les bouquins, je n’ai pas de modération et je suis capable de tout faire brûler. » Étienne a dit vrai, Schoum a tenté l’expérience pour lui. « Lui ouvrir des univers, lui faire découvrir une certaine réalité, je l’ai toujours fait. C’est pourquoi il était avec moi dans la cuisine quand il était petit. » Étienne raconte que la nourriture ne l’a pas intéressé avant l’âge de 6 ans. Ce n’est que vers sa dixième année qu’il a eu un ‘‘  déclic ”  : « Le weekend, en observant ma mère, j’ai eu soudain envie de faire les gestes à sa place : monter les œufs en neige, c’était comme un jeu. Depuis, j’aime faire de la cuisine simple dans notre maison de famille, en baie de Somme. » Le lieu compte beaucoup pour toute la famille Vilfroy, puisque le père d’Étienne, Hubert, vient d’y ouvrir une boutique de décoration. Il avait été question qu’Étienne y installe une sandwicherie : « Je fais des études d’histoire et je n’ai jamais eu le courage de dire “ je veux faire de la cuisine ”. Mais Serge et Claire sont l’exemple qu’on peut avoir plusieurs vies professionnelles. Un jour, j’ouvrirai peut-être un restaurant où je ferai de la cuisine comme à la maison. »

« Le travail du cuisinier est certes de transformer, mais j’aime conserver toutes les qualités du produit dans la simplicité », poursuit-il. C’est exactement l’esprit de Jannick : « Depuis que je me suis tournée vers la mer, je fais du poisson, des légumes, des choses simples, moins décoratives qu’autrefois, et surtout j’achète du “ bio ”. Nous n’ajoutons que de l’huile d’olive et du citron sur la plupart des mets que nous préparons. » Pour Étienne, il y a aussi un grand plaisir à organiser des dîners avec ses amis. « Pour moi, je fais la cuisine de tous les jours. Je fais avec peu de moyens, par exemple du maquereau ou des pâtes avec une bonne sauce tomate. Les filles sont admiratives, certaines ne savent même pas les faire cuire ! » Le goût de mélanger le beau et le bon est sans doute ce que Jannick lui a transmis : « Pour un anniversaire, j’ai apporté un cocktail dans une pastèque que j’avais gravée au cutter. C’est maman qui m’a donné cette idée. » Jannick, après les Arts déco, entre à Cent idées où elle anime la rubrique cuisine, « mais côté déco des plats, avec une autre vision entre la tradition et l’innovation, l’humour, le charme et la douceur. » Dans la cuisine de Claire, Étienne était comme un poisson dans l’eau selon Jannick : « Je l’ai observé et c’était agréable, pour une mère. Il a pris les choses en main sans timidité. » Étienne conclut : « Maman était parfois dans la lune, mais si je l’avais fait seul, ça aurait été sûrement moins réussi et moins amusant. » Cent idées et mille baisers !

Le goût de mélanger le beau et le bon est sans doute ce que Jannick lui a transmis.


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Un duo de produits Le poisson

« C’est lié à notre histoire, voilà vingt-cinq ans que nous vivons en baie de Somme et consommons tous les poissons qu’on y trouve » (Jannick).

Le chocolat « Pour moi, un dessert sans chocolat n’est pas vraiment un dessert : il manque quelque chose. Je l’aime sous toutes ses formes et je joue souvent avec les différents pourcentages de cacao. Le chocolat est encore plus appétissant lorsqu’on le fait fondre et il se marie très bien avec des fruits rouges. Et bien sûr, avec le vin rouge » (Étienne).

Deux tours de main

Inventer des recettes « Ce n’est bien sûr pas toujours le cas. Mais à La table de Claire, j’ai fait pocher des cosses de petits pois ouvertes. Il y avait à la fois le goût du produit et la petite touche de beauté qui m’est nécessaire. » (Jannick).

Détourner « Ce côté détourné, je l’apprécie dans tout : dans la mode, dans les meubles. Le siège tracteur, j’aime bien. Il y a de l’intelligence dans le détournement et il exprime une certaine distance vis-à-vis de la chose. Je ne cuisine pas avec détournement, mais je simplifie les recettes » (Étienne).

deux mots

La tendresse « C’est-à-dire la douceur des rapports entre les gens et la douceur que procure l’harmonie d’un plat » (Jannick).

La subtilité « J’aime la finesse qui vaut pour l’esprit et le geste. Un des plus beaux compliments que l’on puisse faire à un cuisinier est de dire que sa cuisine est subtile » (Étienne).

Menu Blanc de seiche en écailles et petite salade de pousses fraîches Brochette de sole roulée servie avec son bouillon et rattes du Touquet Madeleines au chocolat fondant et fruits rouges


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Entrée • Yannick & Etienne Vilfroy 111

Blanc de seiche en écailles et petite salade de pousses fraîches Pour 6 personnes Temps de préparation : 30 min + 2 h (marinade) Temps de cuisson : 5 min

Une recette « bluffante » et délicieuse, où la ciselure en surface et en damier est très importante car c’est elle qui donne l’aspect « en écailles »… Le plat est par ailleurs extrêmement simple à réaliser. • Lavez et épongez les seiches. Séparez le corps et les tentacules. Découpez

Ingrédients 3 seiches avec leur tête (1 pour 2 personnes) 5 cl d’huile d’olive Le jus de 2 citrons 1 pincée de baies roses grossièrement concassées 1 pincée de safran en poudre ou en filaments 200 g de pousses fraîches (épinard, roquette ou mesclun) Vinaigre balsamique ou de xérès Sel, poivre

les têtes à la hauteur des yeux. Ouvrez le corps dans la longueur. Incisez-le en diagonale avec un couteau fin et plat : tenez-le bien à plat pour ne pas traverser la seiche et dessinez un damier qui se dressera en écailles à la cuisson. • Disposez les blancs de seiche incisés ainsi que les tentacules dans un

mélange d’huile d’olive et de citron. Salez, poivrez, assaisonnez de baies roses et de safran. Laissez mariner 2 heures. • Ce temps passé, transférez le tout dans une poêle et faites cuire à feu

moyen pendant 5 minutes, selon l’épaisseur des seiches ; les seiches sont cuites lorsque la chair devient blanche et légèrement dorée. Ne les laissez pas plus longtemps, elles risqueraient de durcir. Retournez-les en cours de cuisson dès que les écailles se sont redressées. Les tentacules s’écartent et s’ouvrent en bouquet. • Accompagnez le blanc de seiche de ses tentacules et d’une poignée de

pousses fraîches, légèrement vinaigrée.


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Plat • Jannick & Étienne Vilfroy 113

Brochette de sole roulée servie avec son bouillon et rattes du Touquet Pour 6 personnes (12 brochettes) Temps de préparation : 30 min Temps de cuisson : 45 min

Dans la baie de Somme se pêchent de grosses soles qui conviennent

Ingrédients 2 à 3 filets de sole par personne, selon la taille 600 g de rattes du Touquet

peuvent convenir, il faut simplement que les filets ne soient pas trop épais

Pour le fumet 1 échalote 1 vert de poireau 1 cuillerée à soupe d’huile de tournesol, d’arachide ou de pépins de raisin Les parures des soles 1 bouquet garni Pour le court-bouillon 1 échalote 3 poireaux effilés dans la longueur 1 petit bouquet de persil 1 cuillerée à soupe d’huile de tournesol, d'arachide ou de pépins de raisin 50 cl de vin blanc sec 3 grains de poivre Gros sel

parfaitement à cette mise en brochettes, mais vous pouvez remplacer ce poisson par un autre moins onéreux, qui se tienne bien : rascasse, julienne pour pouvoir être roulés et embrochés. • Demandez à votre poissonnier des grosses soles (800 g à 1 kg) dont il retirera la

peau et lèvera les filets. Gardez les parures pour corser votre fumet. • Préparez le fumet : pelez l’échalote, rincez le vert de poireau, ciselez-les

et faites-les revenir dans l’huile, puis jetez les parures de poisson dans la casserole et gardez-les à feu moyen 5 minutes, en les tournant de temps en temps. Couvrez d’eau, ajoutez le bouquet garni et maintenez sur feu doux 20 à 30 minutes. Au bout de ce temps, passez le fumet au chinois et réservez. • Préparez le court-bouillon : épluchez et émincez l’échalote, lavez les poireaux et

émincez-les en lanières dans la longueur, lavez le persil. Faites revenir l’échalote et les poireaux dans l’huile, puis mouillez avec le vin blanc. Ajoutez le bouquet de persil, quelques grains de gros sel et le poivre. Ajoutez le fumet et réservez. • Selon la taille des soles, gardez les filets entiers ou coupez-les en deux dans

la largeur. Roulez les filets de sole, côté peau vers l’extérieur (c’est-à-dire le côté portant la trace de la peau) et piquez-les sur des brochettes de bois. Comptez 2 brochettes par personne. • Faites cuire les pommes de terre à la vapeur, 10 à 15 minutes pour qu’elles

restent entières. • Juste avant de passer à table, réchauffez le court-bouillon sur feu très doux.

Mettez-y les rattes pour les réchauffer et les brochettes de sole de façon à les immerger. Couvrez et laissez 3 à 5 minutes selon la taille des filets : dès que la chair des soles devient blanche, c’est cuit. • Retirez délicatement les brochettes du bouillon, posez les rattes autour des

brochettes et versez une louche de court-bouillon au fond du plat. • Servez 2 ou 3 rattes par personne, 2 brochettes de sole et un peu de court-

bouillon avec les poireaux émincés.


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Madeleines au chocolat fondant et fruits rouges Pour 6 personnes Temps de préparation : 10 min Temps de repos pour la pâte : si possible 1 h ou même une nuit Temps de cuisson : 10 min

Beauté des madeleines brunes avec le chocolat noir coulant et le rouge foncé

Ingrédients 600 g de fraises 10 cl de vinaigre balsamique 10 g de sucre en poudre

• Préparez les madeleines : faites fondre le beurre et le chocolat au bain-marie,

Pour les madeleines 100 g beurre + 1 noix pour les moules 180 g de chocolat + quelques morceaux 3 œufs 100 g sucre en poudre 100 g de farine 1 cuillerée à café de levure alsacienne

des fraises dans leur sirop. Moelleux de la madeleine et croquant de la fraise… Une merveille ! • Préchauffez le four à 180 °C (th. 6).

ou au four à micro-ondes pendant 2 minutes à la puissance maximale. • Battez les œufs au fouet rapidement, sans les faire mousser. Ajoutez le sucre,

puis la farine avec la levure, mélangez. • Incorporez petit à petit le mélange au chocolat refroidi. Si possible, laissez

reposer la pâte à madeleine 1 heure au moins, et même jusqu’au lendemain (c’est encore mieux) pour laisser à la levure le temps d’agir. • Remplissez de cette préparation des moules à madeleines beurrés, aux trois

quarts. Enfoncez un demi-carré de chocolat dans chaque madeleine. Faites cuire 8 à 10 minutes au four préchauffé, puis laissez refroidir sur une grille. • Coupez les pédoncules des fraises au couteau afin de pouvoir disposer les

fruits bien droits dans une casserole, pointes vers le haut. • Chauffez fort 1 à 2 minutes, puis versez le vinaigre et poudrez de sucre.

Maintenez sur le feu quelques secondes pour épaissir le sirop. La pointe de la fraise doit être encore croquante alors que la base est légèrement cuite. • Débarrassez les fraises dans un plat avec leur sirop. • Servez les fraises avec un peu de sirop, accompagnées d’une ou deux

madeleines, selon leur taille. Le conseil de Claire : les madeleines, qui sont souples en sortant du four, durcissent et sèchent très vite. Il ne faut donc pas les cuire trop longtemps. Si vous voulez les conserver 1 ou 2 jours, rangez-les dans une boîte métallique hermétiquement fermée dès qu’elles sont refroidies.


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Parfums

d’ailleurs


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Georges London Le Nouvel An chinois est la fête la plus importante pour les communautés chinoises du monde entier, et on en profite pour faire bombance. L’occasion pour La table de Claire de confier ses feux à Georges London. Qui mieux que ce physicien de l’infiniment petit pour concocter un menu exceptionnel qui fasse entrer avec plaisir dans l’année du Rat de terre ? Pour composer le menu, Georges a surtout un problème de choix, il connaît en effet cinquante plats de la cuisine du Sichuan, une des quatre grandes familles de cuisine chinoise, réputée pour son goût relevé et épicé. « Cette cuisine a des saveurs très différentes, assuret-il. La région du Sichuan, les quatre rivières en chinois, a un climat très chaud et humide l’été, froid et humide l’hiver. Selon la tradition, les épices pallient les effets de l’humidité sur la santé. Cette cuisine, pas toujours appréciée dans les autres contrées, emploie, en plus du poivre du Sichuan, des piments rouges très forts. Elle n’est pas simple à réaliser, mais je l’aime particulièrement. » Georges London l’a découverte aux États-Unis, où il a grandi et vécu trentecinq années de sa vie : « À New York, la cuisine était 100 % cantonaise. Mais il y a eu, à la fin des années 1960, un grand boom sur cette cuisine très différente et qui m’a plu. » Arrivé dans la Babel américaine à l’âge de 15 mois, Georges habite un quartier très mixte. C’est là qu’il commence à apprécier la nourriture de tous les pays. Curiosité, et bien sûr gourmandise, avec une maman française grande cuisinière, adorant expérimenter et faire expérimenter. « Elle exploitait tous les produits possibles, se rappelle Georges. Si, en famille, nous étions critiques, elle avait une grande réputation dans notre cercle d’amis. J’idéalisais la France, grâce à cela. » À 12 ans, lorsque sa mère fait un voyage en France, il réalise

pour son retour son premier gâteau « raté, pas présentable, je n’ai jamais eu de chance avec la levure », plaisante Georges London. « Ce doit être un problème psychologique ! » Ce n’est pourtant pas la cuisine qui le ramène en France au début des années 1970 : « J’ai senti qu’il y avait une baisse d’intérêt pour l’infiniment petit aux États-Unis ; tandis qu’en Europe, il y avait un grand programme. » Et voilà comment il revient sur le vieux continent avec une épouse française et un petit garçon. Il n’aime pas seulement cuisiner, mais « être à la cuisine pour regarder et entendre les mets s’exprimer. C’est en lisant le récit d’un banquet qui se déroule au xvie siècle en Chine que j’ai appris que tous les plats ont une raison d’être ; celle du riz grésillant est d’être agréable à l’oreille. Mais à La table de Claire, toutes les traditions n’ont pu être respectées, notamment celle de servir tous les plats à la fois. Là-bas, tout le monde mange ensemble, c’est communautaire, ça a un prolongement dans la culture et la société. Pourtant, je ne peux écouter la musique, c’est trop difficile ; mais la peinture m’intéresse beaucoup, et je commence à déchiffrer à peu près un menu en chinois. » Rapportera-t-il de son prochain voyage en Chine du poivre du Sichuan et des piments ? « Non, les épices sont très éphémères », mais en attendant « je fais le tour de la Chine en cuisinant une fois par semaine un plat différent qui vient de Canton, Beijing ou Shanghai. »

« La cuisine du Sichuan a des saveurs très différentes. »


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Un produit

Le poivre du Sichuan « Le poivre est l’unique épice dans la nourriture du Sichuan. Il possède beaucoup de saveur, un parfum puissant et produit un curieux effet au niveau des lèvres. Il s’agit presque d’une anesthésie. Ce poivre n’est pas vraiment aromatique, il procure une sensation physique spéciale. » Le poivre du Sichuan est aussi appelé Fagara, il entre avec la badiane, le fenouil, la cannelle et le girofle dans la composition du mélange des cinq parfums.

Un Tour de main Stir and fry

« Cette expression américaine est en général traduite en français par “friture rapide”. C’est en cherchant des recettes chinoises sur Internet que je l’ai découverte. Il s’agit de plonger les aliments dans une petite quantité d’huile très chaude, ce qu’on fait souvent dans la cuisine chinoise. Pour les légumes comme les haricots verts, c’est parfait : la saveur est conservée et la cuisson est très rapide. »

La cuisine du Sichuan est une cuisine raffinée et épicée qui se pratique avec un wok. Ce mode de friture très rapide nécessite peu d’huile et conserve aux aliments leur croquant. Il faut donc une bonne préparation des ingrédients et un taillage un peu minutieux de manière à pouvoir mener les cuissons à vive allure et conserver ainsi un maximum de saveur. Nous avons conçu ce menu dégustation avec deux amuse-bouche pour commencer, une entrée un peu spectaculaire (le grésillement), un plat de bœuf, mariné et saisi au wok, associé à deux légumes condiments, avec pour terminer une salade de fruits exotiques et quelques friandises : nougat chinois et gingembre confit. Vous pouvez proposer une bière chinoise pour accompagner ce menu ou un thé au jasmin ou fumé.

Un mot Quark

« Ce mot fut inventé par James Joyce pour son livre Finnegans Wake. Il se trouve que les physiciens de mon espèce ont mis en évidence des particules élémentaires dans la nature et qu’ils ont décidé de les appeler ainsi. Joyce avait inventé ce mot pour tout autre chose et il n’a aucun rapport avec la cuisine, mais un rapport certain avec mon identité de physicien... »

Menu Gousses d’ail caramélisées et noix sucrées-salées Crevettes au riz grésillant Bœuf à l’écorce de clémentine, Aubergines aux saveurs étranges et concombres aigres-doux Salade de fruits exotiques


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Amuse-bouche • Georges London 153

Gousses d’ail caramélisées Pour 6 personnes Temps de préparation : 10 min Temps de cuisson : 50 min Ingrédients 12 grosses gousses d’ail (environ 1 tête d’ail) 3 cuillerées à soupe de sauce soja foncée 2 cuillerées à soupe de vin de riz 25 cl de bouillon de poulet 3 cuillerées à soupe de « Golden Rock Sugar »

Comme les noix sucrées-salées, cette recette est à servir en amuse-bouche…

• Séparez soigneusement les 12 gousses d’ail en conservant leur pelure. • Mélangez la sauce soja foncée, le vin de riz et le bouillon de poulet. • Versez le mélange de liquides dans une casserole et faites chauffer jusqu’au frémissement. • Plongez-y les gousses d’ail et laissez cuire 5 à 10 minutes. • Faites fondre le « Golden Rock Sugar », écrasé au marteau, dans le liquide bouillant. Réduisez le feu et laissez frémir pendant 40 minutes en vérifiant régulièrement qu’il ne manque pas de liquide, qui doit cependant se réduire à un sirop. • Versez dans un récipient et conservez au froid.

Noix sucrées-salées Pour 6 personnes Temps de préparation : 10 min + 30 min (trempage) Temps de cuisson : 30 min Ingrédients 18 cerneaux de noix 1 cuillerée à soupe d’huile d’arachide 1 pincée de gros sel 2 cuillerées à soupe de cassonade

• Placez les cerneaux de noix dans un plat creux. • Mettez 50 cl d’eau à bouillir. Versez l’eau bouillante sur les noix et laissez

reposer 30 minutes. • Mettez les noix à sécher au four à 150 °C (th. 5), pendant 30 minutes environ. • Versez l’huile d’arachide dans un wok bien chaud, et faites frire les noix

rapidement sans les brûler. • Ajoutez le gros sel en remuant soigneusement. • Versez lentement la cassonade. Remuez bien et goûtez pour vérifier

l’assaisonnement. • Transférez dans un récipient et conservez au sec.


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Crevettes au riz grésillant Pour 6 personnes Temps de préparation : 30 min Temps de cuisson : 5 min

Une recette « miraculeuse », lorsqu’on entend bien, au moment de servir, le

Ingrédients 18 crevettes roses crues, fraîches ou congelées (soit 250 g environ) 12 galettes de riz 100 g de pois gourmands 1 poivron rouge 1 cuillerée à soupe de gingembre jeune frais haché 1 cuillerée à soupe d’ail haché 1,5 cuillerée à soupe de cives, émincées en fins bâtonnets 1 litre d’huile d’arachide + 1 cuillerée à soupe pour le wok 1 cuillerée à soupe de Maïzena

de la queue et découpez-les partiellement en deux, en partant de la partie la

Pour la sauce 15 cl de bouillon de poulet 1 cuillerée à soupe de vinaigre de riz noir 1 cuillerée à soupe de sauce soja foncée 1 cuillerée à soupe de sauce « chile bean » 2 cuillerées à soupe de concentré de tomate 1 cuillerée à café de sauce soja légère 1,5 cuillerée à soupe de vin de riz 1 cuillerée à café de cassonade

doux grésillement du riz ébouillanté par sa sauce. • Après décongélation, retirez la carapace des crevettes en conservant l’extrémité

plus charnue, de façon à former un papillon à la cuisson (lorsque la crevette est ouverte). Rincez à l’eau froide et séchez au papier absorbant. • Coupez les pois gourmands en lamelles de 1 cm. Puis lavez, égrainez et taillez

le poivron rouge en dés d’environ 1 cm de côté. Mélangez tous les ingrédients de la sauce. Ajoutez lamelles de pois et dés de poivron, réservez. • Pour la friture rapide, versez 1 cuillerée à soupe d’huile d’arachide dans

un wok et faites frire rapidement le gingembre (10 secondes), l’ail et les cives (10 secondes), ajoutez les crevettes (1 minute), puis la sauce que vous chaufferez jusqu’à ébullition. Retirez du feu, ajoutez la Maïzena délayée dans 1 cuillerée à soupe d’eau froide, remuez et réservez au chaud. • Pendant ce temps, faites chauffer l’huile d’arachide dans une friteuse à

180-200 °C. Testez la température en y plongeant un petit morceau de galette de riz : il doit remonter à la surface, doré sans être brûlé. • Versez doucement les galettes de riz et maintenez-les 1 à 2 minutes dans

l’huile après qu’elles sont toutes remontées à la surface. Égouttez-les au fur et à mesure sur du papier absorbant. • Réchauffez vivement la sauce jusqu’aux premiers bouillons. • Servez les galettes dans des bols devant vos convives, puis versez tout de

suite la sauce sur les galettes de façon à provoquer le craquement du riz. Le conseil de Claire : vous pouvez aussi vous amuser à réaliser une présentation à l’assiette plus élaborée, les galettes de riz et les crevettes s’y prêtent très bien.


156 Georges London • Plat

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Bœuf à l’écorce de clémentine Pour 6 personnes Temps de préparation : 1 h (sur 3 jours) + 12 h (macération) + 45 min (repos) Temps de cuisson : 45 min Ingrédients 600 g d’aiguillette de rumsteck 4 clémentines non traitées 15 bouquets de brocoli 300 g de riz parfumé de Thaïlande 2 litres d’huile d’arachide + 2 cuillerées à soupe pour le wok 2 gousses d’ail 2 cives 3 piments rouges frais Pour la marinade 4 cuillerées à soupe d’huile d’arachide 135 g de farine de châtaignes Sel Pour la sauce 2 cuillerées à soupe de Maïzena 1 piment rouge frais 12 cl de bouillon de bœuf en cube 4 cuillerées à soupe de vinaigre de riz blanc 8 cuillerées à soupe de cassonade 3 cuillerées à soupe de vin de riz 3 cuillerées à soupe de sauce soja foncée 1 cuillerée à café de sauce aux huîtres 25 g de gingembre jeune frais haché finement 4 gousses d’ail hachées finement 4 cives hachées finement 2 cuillerées à café de poivre du Sichuan

Les concombres aigres-doux et les aubergines aux saveurs étranges, qui se servent à température ambiante, complètent ce plat par leurs textures fondantes et croquantes, acidulées et douces. • L’avant-veille, lavez les clémentines, épluchez-les en morceaux d’environ

2 x 2 cm et laissez sécher leur peau (gardez les quartiers pour la salade de fruits). • La veille, préparez la marinade : découpez la viande en petits cubes de

2 x 1 x 1 cm. Versez 15 cl d’eau, l’huile et une pincée de sel dans un plat, saupoudrez de la farine de châtaignes. Enrobez les cubes de viande de marinade et laissez reposer le tout au froid pendant la nuit. • Le jour même, faites blanchir les bouquets de brocoli 1 minute à l’eau bouillante. • Préparez la sauce : délayez la Maïzena dans 2 cuillerées à soupe d’eau et réservez.

Coupez le piment rouge dans la longueur et enlevez-en les pépins. Mélangez ensemble tous les ingrédients de la sauce, sauf la Maïzena. • Lavez le riz quatre à cinq fois jusqu’à ce que l’eau soit claire, puis égouttez-le.

Versez-le dans une casserole. Ajoutez 25 cl d’eau et laissez reposer 30 minutes. Couvrez la casserole et chauffez jusqu’à ébullition, puis laissez cuire à petit feu pendant 20 à 25 minutes. Il ne faut ni saler, ni remuer. Après avoir éteint le feu, laissez reposer avec le couvercle 15 minutes environ. • Chauffez l’huile dans une friteuse à environ 200 °C, puis plongez-y une

partie de la viande pendant environ 5 minutes, pour que l’extérieur devienne croustillant. Égouttez les morceaux frits sur du papier absorbant. Entre deux fritures, réchauffez l’huile. Faites frire toute la viande en deux ou trois fois. • Faites cuire rapidement (2 à 3 minutes) le brocoli à la vapeur pour qu’il soit

tendre mais ne se défasse pas. • Pelez l’ail, hachez-les grossièrement, ainsi que les cives. • Faites chauffer un wok avec 2 cuillerées à soupe d’huile d’arachide et faites-y

frire rapidement les 3 piments, les écorces sèches de clémentine et les cives hachées pendant 30 secondes. Ajoutez l’ail haché, faites frire encore pendant 30 secondes. • Remuez la sauce et ajoutez-la dans le wok pour 1 à 2 minutes. Ajoutez le bœuf

et mélangez bien le tout. Mélangez à nouveau la Maïzena et l’eau, et ajoutez-les à la sauce pour l’épaissir. Servez sur le brocoli. Proposez le riz à part.


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Plat • Georges London 159

Aubergines aux saveurs étranges Pour 6 personnes Temps de préparation : 15 min Temps de cuisson : 40 min

• Étalez les aubergines sur la plaque du four et enfournez-les 20 minutes à

Ingrédients 600 g d’aubergines 4 gousses d’ail 25 g de gingembre jeune frais 1 cive 1/4 ou 1/2 cuillerée à café de piment séché (selon intensité) 1/2 bouquet de coriandre 1 piment 2 cuillerées à soupe d’huile d’arachide 1 cuillerée à café d’huile de sésame

obtenir des formes irrégulières et allongées.

Pour la sauce 3 cuillerées à soupe de sauce soja foncée 3 cuillerées à soupe de cassonade 1 cuillerée à café de vinaigre de riz blanc

250 °C (th. 8). Puis, sortez-les et laissez-les refroidir avant de les déchirer en crayons : fendez-les au couteau, puis séparez-les en deux à la main pour • Pelez et hachez finement ensemble les aromates : gousses d’ail, gingembre et cive.

Écrasez le piment, réservez. Effeuillez et hachez la coriandre. • Versez les ingrédients de la sauce dans un bol ; ajoutez 1 cuillerée à soupe

d’eau chaude et mélangez. • Faites chauffer l’huile d’arachide dans un wok. Jetez-y le mélange d’aromates

hachés (ail, gingembre et cive), puis le piment écrasé ; versez la sauce et chauffez jusqu’à ébullition. • Ajoutez les aubergines, mélangez délicatement et laissez cuire 20 minutes. • Hors du feu, ajoutez l’huile de sésame (attention, elle ne doit pas cuire !) puis

la coriandre hachée.

Concombres aigres-doux Pour 6 personnes Temps de préparation : 25 min + 2 à 3 h (macération) Temps de cuisson : 1 min Temps de réfrigération : 2 h

• Lavez le concombre. Coupez-le en deux, sans le peler, et égrainez-le. Coupez

Ingrédients 1 grand concombre 1 cuillerée à soupe d’ail, haché finement 1/2 piment rouge séché, haché 1 cuillerée à café de poivre du Sichuan 2 cuillerées à café d’huile d’arachide Gros sel

• Dans un bol, mélangez la sauce soja, la cassonade et le vinaigre de cidre.

Pour la sauce 1 cuillerée à soupe de sauce soja légère 1 ou 2 cuillerées à soupe de cassonade 1/2 cuillerée à soupe de vinaigre de cidre

chaque morceau en bâtonnets de 4 x 1 cm. Salez les bâtonnets au gros sel et laissez-les dégorger quelques heures. • Mélangez l’ail, le piment haché et le poivre du Sichuan. • Faites chauffer l’huile dans un wok, ajoutez le mélange d’aromates (ail, piment et poivre du Sichuan), puis les bâtonnets de concombre. Mélangez vivement pendant 30 secondes, ajoutez la sauce et laissez cuire pendant 15 secondes. • Goûtez, rectifiez l’assaisonnement, transférez dans un récipient et conservez au froid.


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Georges London • Dessert

Salade de fruits exotiques Pour 6 personnes Temps de préparation : 30 min Temps de cuisson : 7 min Temps de réfrigération : 3 h Ingrédients 1 citron vert non traité 100 g de cassonade 1 sachet de sucre vanillé ou 1 gousse de vanille fendue et grattée 1 citron jaune 1 grande papaye 1 mangue 4 clémentines (celles du Bœuf à l’écorce de clémentine) 6 petites bananes 2 kiwis 18 litchis

Vous pouvez accompagner cette salade de fruits frais d’une boule de glace, d’une tranche de gingembre confit ou de petits nougats chinois. • Prélevez le zeste du citron vert. Détaillez-le en très fines lamelles et faites-le

blanchir 2 minutes à l’eau bouillante. • Dans une petite casserole, versez 15 cl d’eau, ajoutez la cassonade. • Pressez le citron vert et ajoutez son jus ainsi que son zeste blanchi au contenu

de la casserole. Portez à ébullition pendant 5 minutes pour faire épaissir. Ajoutez le sucre vanillé et laissez refroidir. • Pressez le citron jaune. Pelez les fruits (sauf les litchis) et détaillez-les en

tranches. Citronnez-les légèrement au cours de la préparation pour leur éviter de noircir. Décortiquez les litchis. • Disposez joliment tous les fruits dans un compotier. Recouvrez-les du sirop

encore tiède et laissez macérer au moins 3 heures au réfrigérateur avant de servir. Le conseil de Claire : vous avez compris qu’il ne faut pas vous lancer dans ce menu chinois au dépourvu. Par contre, si vous avez le temps, l’énergie et un peu de curiosité culinaire, alors n’hésitez pas. Ce n’est pas compliqué et vous étonnerez à coup sûr vos amis.

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Blandine Guihot « Ce qu’une femme du Nord comme moi pense du film Bienvenue chez les Ch’tis ? Qu’il y a de bons acteurs sur place qui auraient tout aussi bien défendu le film que certaines têtes d’affiche, pas toujours très authentiques. Mais on y raconte vraiment bien le caractère heureux et pas compliqué des gens du Nord. » Blandine Guihot a été élevée à Lille dans un milieu bourgeois. « Je passais toutes mes vacances à Boulogne dans le Pas-de-Calais, face aux Anglais. Je mangeais assez local, on avait une tradition autour de la pomme de terre, et il n’y avait pas encore les produits du Midi. » La famille de Blandine emploie des personnes qui font de la cuisine flamande, et elle est ainsi restée extrêmement attachée à ces traditions culinaires. Comme elle l’est viscéralement à l’immense maison de famille, harmonieuse et belle, qui regorge de tableaux, d’objets et de meubles choisis par ses parents, tous deux amateurs éclairés et peintres à l’occasion. « Je me suis mise aux fourneaux par obligation, mais tout a changé quand j’ai travaillé à la télé pour C’est encore mieux l’aprèsmidi, l’émission de Christophe Dechavanne. » Blandine est chargée, pour cette quotidienne, de concevoir les rubriques littérature et cuisine. Chaque jour en plateau, elle rencontre des cuisiniers et des grands chefs qui lui proposent des recettes. « C’est là que je me suis passionnée pour cet échange entre les amateurs de cuisine. Leur générosité a décuplé mon envie, car je suis très gourmande, j’aime faire plaisir, régaler la famille. » Grâce aussi à ces rencontres, Blandine apprend à faire ses courses, à bien organiser sa semaine et ses placards. « Depuis, tout est fait à l’inspiration. Je fais le marché et j’ai ma réserve de produits fétiches : cassonade, bière, lait de

coco et un fonds de cuisine varié en provenance des Antilles, des épices, de la vanille. » Blandine aime le côté sucré-salé et les plats conviviaux et chaleureux du Nord. Comme le fameux potchevleesch – veau, poulet, lapin marinés – doucement cuit à la cocotte. Il se sert froid avec sa gelée et ses frites : «  Chez nous, on le mettait en bocal, on en avait des quantités en réserve. On le mangeait en pique-nique, avec des cornichons et de la salade. » Quant au pudding, «  tout le monde le faisait à Boulogne. Je l’ai fait découvrir à la famille de mon mari : pas de bûche à Noël ! Désormais, il est réclamé à cor et à cri. On fait le noir dans la pièce, on fait flamber le pudding devant tout le monde, les enfants sont aux anges. » Pourtant, le pudding de Miami, la grand-mère de Blandine, n’est pas venu simplement à elle. «  Miami ne donnait pas ses recettes, mais elle m’a transmise celle-ci bien volontiers, avant sa mort, quand je la lui ai demandée. Elle la tenait d’une des nurses anglaises qui élevait ses huit enfants. » Désormais, c’est par ses voyages de productrice que Blandine retrouve un intérêt pour la cuisine créative. «  Où que j’aille, je vais tout de suite dans les cuisines des femmes et je les fais parler. La cuisine, c’est une porte ouverte sur le monde qui me permet de connaître les autres. C’est ainsi qu’aujourd’hui, le lait de coco m’est devenu presque aussi cher que la bière. »

« Où que j’aille, je vais dans les cuisines des femmes et je les fais parler. La cuisine, c’est une porte ouverte sur le monde... »


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Un produit

La vergeoise «  C’est un sucre de betterave cuit et finement moulu que, dans le Nord, on appelle cassonade. C’est un produit très humide et, pour le préserver, on l’emballe toujours dans un papier glacé. On fait les spéculoos avec la vergeoise, et je l’utilise dans le pudding, les hochepots, le chou rouge à la flamande... Dans tous les plats où l’on met un peu de sucre ! Enfant, je m’en régalais dans les yaourts. C’est un peu ma madeleine de Proust. »

Un tour de main

Tapisser un moule de caramel « J’aime la saveur brute du caramel fait maison. Comme je prépare beaucoup de flans, de gâteaux de riz, je suis passée maîtresse dans l’art de tapisser des moules. Bien sûr, j’utilise de vieux moules à charlotte en tôle, bien culottés, surtout pas neufs. Je surveille le caramel et, quand il est doré, il faut tournicoter ! Il doit napper les parois, le plus près possible du bord… Pour arrêter la cuisson, je passe le moule sous l’eau froide. »

Un mot

Bière ‘‘ de garde ’’ « J’aime cuisiner à la bière, qui travaille encore dans la bouteille. La fermentation secondaire des sucres et des levures se prolonge. Donc, le bouchon peut sauter un peu vite ! “ De garde ”, c’est une expression qui me plaît, cela signifie qu’on l’a toujours sous la main, chez soi. Cela a un sens, comme tout ce que l’on garde, par exemple des bocaux de conserves faits maison. »

Menu Soupe à la bière Chou rouge à la flamande et cannette rôtie Plum-pudding


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Plat • Blandine Guihot 169

Chou rouge à la flamande et cannette rôtie Pour 6 personnes Temps de préparation : 30 min Temps de cuisson : 3 à 4 h

Cette recette de chou rouge associant saveurs sucrées et salées est

Ingrédients 1 cannette désossée 1 beau chou rouge 1 oignon 4 cuillerées à soupe d’huile de colza 2 ou 3 pommes Royal Gala ou reinettes, selon la taille du chou 1 litre ou 1,5 litre de vin rouge, selon la taille du chou 1 belle branche de thym frais 3 à 4 feuilles de laurier 4 cuillerées à soupe de cassonade 50 g de raisins secs 2 cuillerées à soupe de gelée de groseille 1 trait de genièvre de Houlle, ou à défaut de dry gin Sel, poivre

Détaillez-le en fines lamelles en éliminant les grosses côtes. Épluchez et hachez

délicieuse avec de la volaille ou du gibier. • Coupez le chou rouge en quatre. Enlevez les premières feuilles et lavez-le.

l’oignon et faites-le revenir dans une cocotte avec l’huile, pendant 5 minutes. • Épluchez et évidez les pommes, coupez-les en fines lamelles et mettez-les

dans la cocotte avec le chou. • Couvrez de vin rouge, assaisonnez avec la moitié du thym et le laurier,

la cassonade, du sel et du poivre, les raisins et la gelée, puis le genièvre. • Faites mijoter à tout petit feu pendant 3 à 4 heures : il faut que le chou fonde

sous la dent. • Préchauffez le four à 200 °C (th. 7) pendant 15 minutes. Couvrez la plaque

du four d’une feuille d’aluminium. Déployez la cannette désossée, côté peau contre la plaque. Salez et poivrez, parsemez du reste de thym frais. • Mettez au four pendant 45 minutes, en arrosant la cannette à mi-cuisson avec

son jus. Vérifiez que la température n’est pas trop forte, auquel cas réduisez-la à 150 °C (th. 5). Arrosez à nouveau la volaille une à deux fois pendant la fin de la cuisson. La cannette doit être bien dorée et la viande, tendre au toucher ; si elle n’est pas suffisamment cuite, remettez-la au four pour quelques minutes. • Déposez la cannette sur une planche à découper ou dans un plat. Servez avec

le chou, éventuellement dans sa cocotte pour qu’il reste bouillant. Le conseil de Claire : vous pouvez réaliser une présentation à l’assiette en découpant la cannette et en la disposant en carrés remplis de chou.


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Serge Philippon « Franchement, je ne m’attendais pas à ce que les gens applaudissent comme pour un musicien. » Ce que raconte Serge Philippon avec un tendre sourire est véridique : quand, après avoir servi les desserts, le Chef d’un Soir rejoint la salle, les clients lui font une ovation. Un plaisir inédit pour ce professeur d’automatisme dans un lycée technologique. Cuisiner dans une cuisine de ‘‘ pro ’’ avec Claire — toujours d’un si grand calme — et cuisiner pour des inconnus, c’était déjà franchir un cap. Serge et son épouse Nadia ont commencé à cuisiner ensemble, et pour leurs amis, dans le minuscule studio de leurs débuts. Ragoût de mouton, petit salé aux lentilles, pot-au-feu ont jalonné une période que Serge qualifie d’initiation à l’autonomie. Depuis, ils ne se sont pas arrêtés, ni dans la découverte mutuelle ni dans l’exploration de la cuisine française ou internationale. Découvrir des restaurants, des produits, des pays et des livres, la cuisine, ils y consacrent de plus en plus de temps. Serge a le goût des bonnes choses, que sa mère préparait simplement, chaque jour, pour une famille nombreuse. Elle aimait aussi faire plaisir à d’autres convives avec des plats plus élaborés. Petit dernier, il traîne souvent à la cuisine avec elle. Quand il faut écosser les petits pois, il est là et plonge avec délices ses mains dans le saladier plein. Des sensations inoubliables qu’il recherche encore et qui ont coloré sa relation à la cuisine, puisqu’elle passe d’abord par un rapport étroit avec la nature. De son père, pêcheur et chasseur, il a hérité le goût de partir le long des chemins ou dans les sous-bois pour les champignons. Avec Nadia qui s’est initiée à la botanique, il apprivoise un nouvel univers de saveurs et s’intéresse au tra-

vail de Marc Veyrat. Depuis dix ans, ils ont un potager et mangent leurs légumes. Le point de départ d’une évolution et d’une réflexion. « Il y a une philosophie liée à la cuisine  », commente Serge. C’est en tout cas la sienne. D’abord, regarder la nature, et prendre, cueillir, ramasser ce qu’elle a à offrir. Puis, apprendre à s’en servir et se souvenir d’où l’on vient… Petite place, que celle de l’homme dans la Nature. Mais, ensuite, vient la phase de préparation. Moment magique où l’on met des intentions dans ce que l’on prépare, avec, comme objectif, des instants de bonheur à partager. Quel moment est plus humain que le partage d’un bon repas ? «  Je ne peux pas dire comme ça aux gens que je les aime tous, sans les connaître, alors je cuisine, et je fais de la musique. » Ces moments de bonheur ne sont pas à sens unique, ni dans le privé ni à La table de Claire. «  Chef d’un Soir, je suis resté dans l’idée d’offrir et, en retour, j’ai reçu tellement plus que ce que j’attendais.  » S’il n’a pas de projet précis depuis cette expérience, Serge a envie de se lancer dans des plats plus compliqués et pense qu’elle le conforte dans son désir de continuer son petit bonhomme de chemin dans la cuisine.

« Je ne peux pas dire comme ça aux gens que je les aime tous, sans les connaître, alors je cuisine, et je fais de la musique. »


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Un produit

La reine des prés « La reine des prés pousse dans les endroits humides comme les fossés. Je l’ai découverte grâce au livre de Marc Veyrat. Dans la crème brûlée, cette fleur fait merveille. Son parfum est proche de celui de l’amande. Je fais aussi de la glace à la reine de prés. J’adore son goût floral et je la respire avant de la cuisiner. Cet univers, un peu médicinal pour moi, c’est fabuleux. »

Un tour de main

Pour la pâte brisée « Ma méthode personnelle repose sur le pliage, comme pour une pâte feuilletée, mais sans trop la travailler. Lorsque je mélange des ingrédients dans un saladier, et que petit à petit ils s’agrègent, je prends cette masse qui se forme et je l’aplatis, puis je la plie et je recommence. Le résultat donne une pâte croustillante légèrement feuilletée, particulièrement adaptée à la tarte aux pommes. »

Un mot

Partage « Le mot savoureux et qui fait sens pour moi en matière de cuisine, c’est le partage des moments de bonheur. La cuisine, c’est accessible à tout le monde. Il suffit de se documenter et, si l’on veut s’éduquer en la matière, on peut être un petit peu artiste… Tant de gens désirent être artiste d’un soir... à la télé. Chez soi, avec ses amis, avec l’intention qu’on y met, on peut vivre un moment important. C’est exactement le principe artistique : tu donnes et tu reçois en retour. »

Menu Pressé de pommes et de boudin, sirop de crapaudine et jus de pomme Ravioles de chou-rave Paupiettes d’huîtres au bouillon de coquillages Soufflé aux fruits secs, glace aux marrons glacés


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Amuse-bouche • Serge Philippon 189

Pressé de pommes et de boudin, sirop de crapaudine et jus de pomme Pour 6 personnes Temps de préparation : 40 min Temps de cuisson pour le sirop : 20 min + 15 min pour la réduction Temps de cuisson pour le pressé : 20 min + 15 min + 10 min au four

Youcef, le fils de Serge, a été à bonne école chez son père : patience et

Ingrédients Pour le sirop 150 g de betterave rouge Crapaudine 20 cl de vinaigre de cidre (ou de framboise) 40 g de sucre en poudre

pour récupérer le jus de cuisson. Faites réduire ce jus en sirop épais pendant

Pour le pressé 4 pommes Royal Gala, reinettes ou Golden 200 g d’oignons 30 g de beurre 300 g de boudin noir 1 grande tranche de pain de campagne de 8 mm d’épaisseur Sel, poivre

1 cuillerée à soupe d’eau. Écrasez-les grossièrement à la fourchette. Réservez.

6 emporte-pièces ou cercles métalliques de 45 mm de diamètre

méticulosité ont été parfaitement intégrées à son apprentissage de la cuisine. Voici donc une recette du grand Michel Bras, qui est gourmande de temps, mais saura provoquer surprise et plaisir à la dégustation ! • Préparez d’abord le sirop de crapaudine : épluchez la betterave et râpez-la.

Faites-la cuire 20 minutes avec 20 cl d’eau, le vinaigre et le sucre. Égouttez-la 15 minutes, à feu vif au début, puis à feu plus doux pour mieux contrôler la réduction. • Pour le pressé : pelez et évidez les pommes. Coupez leur chair en morceaux.

Faites-les cuire 20 minutes à feu moyen dans une casserole à couvert avec • Pelez et émincez finement les oignons. Faites-les cuire 15 minutes dans le

beurre à feu doux. Pendant ce temps, ôtez l’enveloppe du boudin et écrasez grossièrement la chair à la fourchette. Mélangez avec les oignons bien fondants. Salez et poivrez légèrement. • Faites griller le pain. À l’aide d’un cercle métallique, découpez 6 disques dans

la mie. Placez chaque disque dans un cercle. Remplissez d’une couche de boudin, puis d’une couche de pommes (2/3 de boudin, 1/3 de pommes). • Au dernier moment, passez les pressés 10 minutes au four préchauffé à

150 °C (th. 5). Démoulez chacun d’eux dans une petite assiette. Décorez à votre guise avec le sirop de crapaudine. Servez aussitôt.


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François Fabrizi Graphiste d’origine italienne, François Fabrizi s’intéresse depuis des années aux produits de terroir et au mouvement Slow Food. « Mais tout est arrivé par le vin, précise-t-il. J’aime le goûter et le reconnaître sans suivre les conseils des spécialistes, me forgeant moi-même un avis. » François a suivi des cours de dégustation et s’est inscrit dans un club de quartier avec des amis. « Je dois préciser que, durant la guerre, l’Exode avait conduit mes parents à Saint-Émilion ; cela a peut-être son importance », sourit-il. Cet intérêt pour le vin l’a mené vers les crus naturels, sans engrais ni soufre. Il s’attache également à la qualité des fruits et légumes, qu’il achète volontiers bio  logiques : « Si les arômes du vin sans soufre sont plus présents, je suppose qu’il en est de même pour les légumes. » Depuis dix ans, le plaisir de déguster le vin lui a donné l’envie de recevoir en faisant la cuisine. « J’aime préparer des nouveautés, j’ai fait mon goût comme cela, et en fréquentant des restaurants, en France et en Italie.  » Ses recettes ? Il les glane dans des livres et des revues, mais aussi auprès de ses amis, de sa voisine à la campagne. « Je ne néglige jamais l’avis des commerçants, ce qui me permet d’étonner mon entourage  », comme avec l’ananas confit servi avec une crème au mascarpone... François aime profondément les choses faites à la maison, mais ce n’est pas la nostalgie qui l’anime. De sa mère native du Nord, il garde en mémoire la polenta, les saucisses ou le lapin, de son père natif des Abruzzes, les haricots rouges et le safran. « Je me suis affranchi de cela  », commente-t-il, et d’évoquer la recette

récente de bania cauda d’une amie turinoise, cette sauce faite avec beaucoup d’ail et des anchois frais. « Mon goût de l’Italie, c’est celui du pays d’aujourd’hui. » C’est par défi qu’il accepte d’être Chef d’un Soir. En effet, « il faut y mettre suffisamment de prétention, car les gens viennent pour un peu d’exceptionnel. C’est ta production culinaire qui est jugée, pas ton amitié. D’ailleurs, c’est amusant de voir qui sont les amis qui répondent à l’invita  tion. » À son menu, François inscrit des plats qui portent la marque de son originalité. « La délicatesse, la discrétion, la petitesse des choses font aussi l’exceptionnel. En typographie par exemple, l’intervention est parfois infime, mais elle fait la qualité. C’est un peu présomptueux, tant pis. Dans la communication, l’important c’est la mémoire qu’on a de ce qu’on vient de lire. En mangeant, il faut atteindre le même résultat : laisser une trace mnésique, une image qui persiste. » L’œil doit être satisfait aussi. Ainsi, pour dresser le pavé de foie de veau, la patte de Claire a contribué à ce que ce soit joli : «  C’était construit et désinvolte. Et le travail en cuisine avec elle s’est accompli comme du temps où l’on travaillait ensemble dans la communication. Je n’étais pas intimidé. C’est sympa de faire et d’apprendre, d’ailleurs, c’est le secret de la vie… »

« La délicatesse, la discrétion, la petitesse des choses font aussi l’exceptionnel. »


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Un produit

Le safran des Abruzzes «  Cultivé depuis le xve siècle, il est le meilleur, et en octobre sa floraison empourpre les Abruzzes. Dans chaque corolle, trois longs filaments rouge sang qui deviendront l’épice la plus chère du monde. Ce petit truc ‘‘ minusculissime ’’à l’arôme incroyable venu de ma région paternelle me relie au pays. Je l’utilise pour le risotto et le pamplemousse poché infusé au safran. »

Un tour de main

La cuisson du foie de veau en pavé «  Pour réussir la cuisson parfaite d’un pavé de 180 g et de 3 ou 4 cm d’épaisseur, il faut le mettre dans la poêle quand elle est chaude et le laisser 4 minutes de chaque côté. Ce qui est alors superbe, c’est ce côté croquant de l’extérieur avec des bords assez grillés, conjugué à l’intérieur qui est à peine chaud. Il est ainsi cuit comme la viande rouge. Pour les amateurs de foie de veau, le pavé, c’est exceptionnel. »

Un mot

Mélanges « J’ai pour habitude de consommer seul, pour mieux en apprécier les qualités gustatives, le produit qui m’intéresse. De même, je consomme le vin pour le vin, et non dans l’idée qu’il accompagne un mets. Soit je bois, soit je mange. Cette façon de voir s’est transformée au contact de Claire et, désormais, j’ajoute des aromates ou des épices à la cuisson. J’ai découvert la vertu de certains mélanges. »

Menu Crème d’huîtres au citron vert, mascarpone et jambon cru Pavé de foie de veau poêlé et fenouils braisés Pamplemousse juste poché au safran des Abruzzes


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Étienne Marty « C’est affectif, la cuisine chez moi. Je suis aussi tactile, sensuel par rapport au produit. Vraiment, il y a trop de plaisir dans la cuisine… » Ainsi s’exprime Étienne Marty, accoudé au bar de La table de Claire. Le service vient de s’achever, l’homme toutefois est impeccable : pantalon sombre, veste blanche boutonnée haut, et élégantes lunettes rouges qui siéraient aussi bien à un chirurgien ou un magistrat. « C’est l’un des plus beaux hasards de la vie qui m’a fait rencontrer Serge et Claire. » Alors qu’il est venu dîner pour son anniversaire, un échange sympathique s’engage entre eux, qui deviendra une amitié. Et depuis qu’il a été Chef d’un Soir, Étienne n’a qu’un désir : faire la cuisine et en vivre. Tout a commencé par une simple gourmandise enfantine, fort aiguisée par une grand-mère qui savait recevoir, dresser des tables et offrir des choses délicieuses. Dès l’âge de 9 ans, Étienne s’amuse à faire des gâteaux. Beaucoup de gâteaux. « Pendant longtemps, ils ont occupé ma vie. C’était le seul cadeau que je faisais à Noël. » Il confectionnait principalement une gaufre sèche, comme on les aime dans le Nord. « J’aurais pu devenir industriel de la gaufre, mais je ne l’ai pas fait », s’amuse-t-il. En effet, son père étant aumônier de prison, à Noël, Étienne en réalise des kilos pour les détenus. Faire quelque chose de bon et qui se partage, voilà un important credo pour celui qui excelle aussi en matière de truffes au chocolat et reconnaît que, pour la famille, ce ne sont pas ‘‘ les mêmes ’’ auxquels il offrait les gaufres ou les truffes… Choux à la crème, financiers, visitandines, « cela a duré des années, ces gâteaux », mais Étienne est instinctif et, en pâtisserie, il faut être très rigoureux. Il se

met à cuisiner dès qu’il vit seul. Il ressent le besoin d’échapper à la routine et d’économiser pour aller dans les restaurants étoilés. C’est une envie déterminée de découvrir la cuisine, comme on découvre un continent. « Chez moi, la cuisine est un acte volontaire. Ce n’est pas se mettre face à trois tomates et attendre l’inspiration. Dans la création culinaire, c’est la transformation et l’infini des possibles. On peut tout faire avec la tomate, le chocolat ou l’œuf. C’est assez incroyable et très beau, cuit ou cru. » Avant de se coucher, Étienne lit des recettes comme d’autres lisent des poèmes, et se délecte du vocabulaire : chaque geste a son mot. Mais, selon lui, l’essentiel, c’est la pièce elle-même : « Je m’y sens toujours bien, j’aime être près d’un fourneau et tous les ustensiles sont beaux. » Après l’expérience de Chef d’un Soir qui le comble et éblouit ses amis, Serge et Claire lui confient la cuisine deux jours par semaine. « Un double moment de rencontre avec deux personnes, souligne Étienne, des échanges touchants, qui ont augmenté mon désir d’en faire une vie. » Si, par extraordinaire, il avait eu à donner la recette de cette amitié culinaire, Michel de Montaigne aurait simplement écrit : « Parce que c’était lui, parce que c’était eux. »

Avant de se coucher, Étienne lit des recettes comme d’autres des poèmes...


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Un produit

La coquille Saint-Jacques « Lorsqu’on est face à une coquille, qu’on la voit pleine de sable et qu’on en perçoit l’odeur, c’est une des choses les plus repoussantes qui soit en cuisine. Après le nettoyage, quand on voit apparaître la noix, c’est épatant. Sa finesse de goût et de chair, sa blancheur, et le fait que ce soit aussi savoureux cru que cuit ne laissent pas de m’étonner. »

Un tour de main Ciseler

« C’est le tour de main le plus nécessaire, à la fois le plus évident et le plus difficile. Ciseler des oignons se fait par dizaines. Pourtant, on peut le faire trop vite, et ce ne sera pas terrible pour le risotto ; ou le faire parfaitement et ce sera bien pour les rillettes de maquereau. On ne fait pas de cuisine sans cela. Si on enlève l’oignon de la cuisine française, on supprime 80 % des recettes salées. »

Un mot

Cuillère en bois « Cela pour deux raisons : c’est le seul objet qui rapproche la cuisine et ma chère mère et, ensuite, cela permet de goûter ! C’est un instrument qui est demeuré le même, malgré les normes sanitaires. Les cuillères en bois ne se valent pas toutes et c’est un outil que chacun s’approprie. »

Menu Chaud-froid de Saint-Jacques Thon en croûte d’épices, salade tiède de chou-rave aux câpres Fondant au chocolat et poire à la badiane


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Entrée • Étienne Marty 221

Chaud-froid de Saint-Jacques Pour 6 personnes Temps de préparation : 20 min Temps de cuisson : 5 min

• Placez la moitié des noix de Saint-Jacques au congélateur pour les refroidir le

Ingrédients 18 noix de Saint-Jacques 2 ou 3 fenouils, selon leur grosseur 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive Sel, poivre

• Effilez les 9 noix refroidies le plus finement possible et couvrez-les de la

Pour la marinade 2 cuillerées à soupe de vinaigre de xérès 2 cuillerées à soupe de jus de citron vert 4 cuillerées à soupe d’huile d’olive 2 cuillerées à soupe de pastis 2 cuillerées à soupe d’aneth ciselé

temps de préparer la marinade. Mélangez les ingrédients de la marinade, salez et poivrez. marinade. • Lavez les bulbes de fenouil, émincez-les le plus finement possible. Réservez

au réfrigérateur. • Au moment de servir, prélevez de la marinade pour assaisonner le fenouil.

Dressez au centre de chaque assiette une rosace de fenouil et quelques tranches de Saint-Jacques marinées. • Découpez en trois les noix de Saint-Jacques restantes, dans l’épaisseur.

Faites-les sauter à l’huile d’olive, salez et poivrez dès qu’elles ont une jolie coloration. • Disposez les tranches de Saint-Jacques sur chaque assiette. Arrosez d’un peu

de marinade et servez.


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Thon en croûte d’épices, salade tiède de chou-rave aux câpres Pour 6 personnes Temps de préparation : 30 min Temps de cuisson pour le thon : 12 min au maximum Temps de cuisson pour les choux-raves : 5 min environ

Recette délicate, délicieuse et surprenante par la combinaison du bouquet

Ingrédients 1 kg de thon en un seul filet 1 bouquet de ciboulette 1 petit pot de câpres 6 choux-raves 2 cuillerées à soupe d'huile d'olive

ciboulette. Rincez les câpres pour les dessaler.

Pour la vinaigrette 1 citron 2 cuillerées à soupe de sauce soja 5 cl d’huile d’olive Sel

des choux-raves et ajoutez 1 cuillerée à soupe de câpres.

Pour la sauce soja 2 cuillerées à soupe d’huile d'olive 1 cuillerée à soupe de sauce soja

épices. Le centre doit rester complètement visible et intact.

Pour les épices (1 cuillerée à soupe rase de chaque) Baies roses Graines de cumin Graines de fenouil Gingembre en poudre Coriandre en poudre Cannelle en poudre Muscade en poudre Poivre mignonnette

former la croûte d’épices. Terminez la cuisson au four (4 minutes) tranche

d’épices réunies. • Sortez le thon du réfrigérateur pour le laisser à température ambiante pendant

que vous préparez la salade. • Préparez la croûte d’épices en mixant ensemble les épices ; réservez. Lavez la • Épluchez les choux-raves et lavez-les. Coupez-les en six, puis faites-les cuire

à la vapeur 5 minutes (retirez-les dès qu’ils sont tendres). Gardez-les tièdes. • Préparez la vinaigrette en mélangeant le jus du citron, la sauce soja et 5 cl d’huile

d’olive. Versez-la sur les choux-raves et mélangez. Ciselez la ciboulette au-dessus • Préchauffez le four à 200 °C (th. 7). Roulez le filet de thon dans un fond

d’huile d’olive où vous aurez versé une pincée de sel, puis passez-le sur tout le pourtour dans les épices. Il ne faut pas passer la tranche du thon dans les • Chauffez 1 cuillerée à soupe d’huile d’olive dans une poêle allant au four.

Saisissez le thon dans la poêle sur le pourtour pendant 8 minutes, afin de debout. • Coupez le thon en tranches, disposez-le sur la salade tiède et servez

une petite sauce soja à part. Le conseil de Claire : cette recette est visuellement très réussie, si le thon reste cru et rouge au centre ; il ne doit blanchir que sur le pourtour au contact de l’huile d’olive chaude qui saisit les épices. C’est très beau à voir !


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Dessert • Étienne Marty 225

Fondant au chocolat et poire à la badiane Pour 6 personnes Temps de préparation : 15 min Temps de cuisson pour le fondant : 12 min Temps de cuisson pour les poires : 15 min

La particularité du fondant est que le chocolat reste souple quand on le sort du

Ingrédients 4 poires (Conférence, Comice ou Beurré Hardy, selon la saison) 2 étoiles de badiane 220 g de chocolat noir 200 g de beurre 200 g de sucre en poudre + 2 cuillerées à soupe pour les poires 5 œufs 1 cuillerée à soupe rase de farine

côté. Mettez ces derniers à cuire 15 minutes à feu doux dans une casserole

four et se raffermit en refroidissant. Il ne doit en aucun cas « monter » comme une génoise. • Préchauffez le four à 200 °C (th. 7). • Épluchez les poires, ôtez le cœur et coupez la chair en cubes de 1 cm de

avec la badiane et 2 cuillerées à soupe de sucre. • Parallèlement, faites fondre au bain-marie le chocolat et le beurre coupés en

morceaux. Hors du feu, ajoutez le sucre. Laissez refroidir, puis incorporez les œufs un à un, à l’aide d’un fouet. Ajoutez la farine et mélangez. • Versez la préparation dans des cercles individuels de 10 cm de diamètre et

mettez au four 12 minutes au maximum : le mélange reste mou au milieu, c’est normal, il va s’affermir en refroidissant. • Au moment de servir, retirez les cercles et déposez un peu de compote de

poires tiède sur chaque fondant. Le conseil de Claire : si vous utilisez un grand moule plutôt que des cercles individuels, faites cuire le fondant pendant 22 minutes.


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Le Carnet de Claire mes recettes préférées


244 Le Carnet de Claire / Dessert

Dessert / Le Carnet de Claire 245

Le blanc-manger de La table de Claire Pour 6 personnes Temps de préparation : 15 min + 3 h (réfrigération) Temps de cuisson : 5 min

Une recette très facile, légère et parfumée, qui conclut agréablement un joli repas. • Égouttez le fromage blanc et versez-le dans un récipient. Ajoutez

3 cuillerées à soupe de sucre et mélangez. Ingrédients 250 g fromage blanc en faisselle 4 cuillerées à soupe de sucre en poudre 10 cl de vin blanc sec 1 gousse de vanille 4 feuilles de gélatine 30 cl de crème liquide très froide 200 g de fruits rouges congelés (brisures de framboises, par exemple) 1 cuillerée à soupe de jus de citron

• Faites tiédir à feu doux le vin blanc avec la gousse de vanille fendue

en deux et grattée. • Faites tremper les feuilles de gélatine dans de l’eau froide. Quand

elles sont ramollies, faites-les fondre dans le vin blanc, hors du feu. Mélangez le tout avec le fromage blanc. • Battez la crème liquide comme une chantilly et incorporez-la

délicatement avec une spatule dans le fromage blanc. • Quand tout est bien mélangé, versez la crème dans 6 ramequins

que vous placerez au réfrigérateur pour au moins 3 heures. • Pendant ce temps, préparez un coulis de fruits rouges : pesez

les fruits congelés, ajoutez 1 cuillerée à soupe de sucre et le jus de citron. Laissez décongeler, puis mixez le tout et goûtez pour vérifier l’assaisonnement. Éventuellement, passez au chinois pour éliminer

il

Mon conse

déjà On dégustait ger le blanc-man ouis XIV L à la cour de et il en existe s de nombreuse -ci rece ttes. Celle urnable to n est un inco rant. de mon restau

les petites graines des fruits. • Gardez au froid jusqu’au moment de servir. Pour démouler les

blancs-mangers, passez une lame de couteau le long du ramequin pour décoller l’entremets et renversez celui-ci sur une assiette.


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Table des recettes Amuse-bouche et entrées Anchoïade sur toast Blanc de seiche en écailles et petite salade de pousses fraîches Brandade à l’antillaise servie avec petite salade Chaud-froid de Saint-Jacques Chorba à la menthe Crème d’huîtres au citron vert, mascarpone et jambon cru Crevettes au riz grésillant Croustillant d’oreilles et de pieds de cochon Crumble d’épinards Foie gras frais Gousses d’ail caramélisées Noix sucrées-salées Poêlée de tellines et couteaux à l’ail et au persil Pressé de pommes et de boudin, sirop de crapaudine et jus de pomme Raie aux poivrons bicolores et à l’huile d’argan Ratatouille de fin d’été Ravioles de chou-rave Roquette et terrine de roquefort au jambon de pays Salade de pétoncles, vinaigrette aux pignons de pin Soupe à la bière Soupe de potiron et son nuage de lard Tartare de la mer et sablés parmesan Tatin de tomates et d’aubergines et rillettes de sardines Terrine de quatre choux Trois rissoles de bonne-maman Velouté de betterave au carvi Velouté de petits pois au curry et quenelle de pintade

Plats 91 110 133 221 142 201 154 233 231 19 153 153 176 189 123 29 190 39 100 166 58 71 49 91 80 230 211

Aubergines aux saveurs étranges Blanquette de veau à la vapeur Bœuf à l’écorce de clémentine Bœuf à la ficelle Bœuf des Tavernier Boudin noir, boulgour et compotée de raisins au gingembre « Bouillon brèdes » Bourride de poissons blancs « à ma manière Brochette de sole roulée servie avec son bouillon et rattes du Touquet Cabillaud vapeur au beurre de gingembre Chou rouge à la flamande et cannette rôtie Concombres aigres-doux Curry de porc aux fruits frais Effilochée de raie et compotée de fenouils aux tomates confites Foie gras poché Joue de bœuf caramélisée Lapin à la royale Magret de canard à l’infusion d’arabica et endives caramélisées Morue lyonnaise Papillote de poisson au combawa et beurre de thym Paupiettes d’huîtres au bouillon de coquillages Pavé de foie de veau poêlé et fenouils braisés Pickel fleish de 14 jours Rascasse au citron et gingembre Risotto à l’encre de seiche et encornets Thon en croûte d’épices, salade tiède de chou-rave aux câpres

Desserts 159 124 156 83 30 40 134 92 113 236 169 159 50 103 234 241 212 61 20 145 193 202 179 72 238 222

Ananas en gâteau-flan et granité rhum-café Billes de poires et de pommes au vin doux Blanc-manger de La table de Claire Cheesecake et compote d’oranges Compote sauvage Flan dit « bicyclette » à la noix de coco Fondant au chocolat et poire à la badiane Gâteau au chocolat Glace au chèvre et mini-madeleines à l’orange Île flottante Jardinière de légumes et pain d’épices Madeleines au chocolat fondant et fruits rouges Mille-feuille à l’ananas et caramel au rhum Mousse au chocolat parfumée à la cardamome Muffins safran et cranberries Nage de pamplemousse à l’eau de rose, sorbet citron Pain d’épices Pamplemousse juste poché au safran des Abruzzes Plum-pudding Poires aux épices Salade de fruits exotiques Soufflé aux fruits secs, glace aux marrons glacés Tarte au citron d’Édith Tarte à la rhubarbe de Mano Traditionnelles profiteroles au chocolat

84 74 245 53 22 137 225 242 42 180 214 114 104 146 75 62 22 205 170 243 160 194 95 33 127


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