He Disappeared into Complete Silence

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Il y a plusieurs niveaux d’évocation dans les neuf gravures de Louise Bourgeois qui constituent la présente série. Comme l’artiste en indique un, elle-même, avec les titres et les paraboles qui accompagnent ces dessins, on peut supposer qu’il s’agit là du niveau le plus conscient et le plus actif durant le processus de création. En faisant le lien entre les paraboles et les gravures (et mieux vaut le faire de manière très générale), il faudra s’abstenir de toute interprétation psycho-inquisitrice et s’en tenir au sujet et au ton de ces histoires. Cela dit, ces fables sont à peine assez grandes pour supporter l’intrigue, et c’est toujours la même intrigue qui se répète à chaque fois sur un mode différent. Elles évoquent toutes ces petites tragédies de la frustration humaine : au début, quelqu’un est heureux à la perspective d’un événement ou à l’idée de posséder quelque chose de plaisant. À la fin, son bonheur est détruit, que ce soit quand il cherche à le communiquer ou, au contraire, à en nier la nécessité. Les protagonistes sont malheureux car ils ne peuvent échapper à l’isolement qui est devenu une part constitutive de leur identité, ni encore l’accepter comme quelque chose de parfaitement naturel. Leurs tentatives pour se soustraire à leur condition, ou l’accepter, aboutissent invariablement au désastre, car dans un cas c’est impossible, et dans l’autre c’est

There are several evocative levels in the nine engravings by Louise Bourgeois which comprise the present series. Since she has indicated one level herself by the titles and parables which accompany the plates, presumably this was the one at which her conscious awareness was most active during the creative process. ln relating the parables to the engravings (and it had better be done in a very general way), it will be better to avoid any psycho-inquisitorial session, and confine one’s self to the obvious pattern and tone of the stories. Now these fables are just barely big enough to carry the plot, and it is always the same plot, repeated in a different way each time. They are all tiny tragedies of human frustration: at the outset someone is happy in the anticipation of an event or in the possession of something pleasing. ln the end, his own happiness is destroyed either when he seeks to communicate it, or, perversely, seeks to deny the necessity for communication. The protagonists are miserable because they can neither escape the isolation which has become a condition of their own identities, nor yet accept it as wholly natural. Their attempts to free themselves, or accept their situation invariably end in disaster, for the first is impossible,


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anormal. Un homme devient une figure tragique lorsqu’il découvre qu’il ne peut pas dire aux autres pourquoi il est heureux. Il essaie, mais personne ne le comprend. Dans un ascenseur, un autre, soucieux d’entretenir de bonnes relations, adresse désespérément de grands signes à son ami, en bas, et se retrouve décapité pour la peine. Une jeune femme qui aime un homme met sa plus belle robe pour aller le retrouver, mais il ne vient pas au rendez-vous, et le bonheur qu’elle en attendait reste verrouillé et perdu en elle. Un ancien soldat, à cause de sa surdité partielle, pense qu’une barrière s’est érigée entre lui et le monde. Mais après qu’une opération lui a rendu toutes ses facultés auditives, il découvre que le genre de communication auquel il aspirait n’est pas simplement une question d’intégrité physique, mais quelque chose de plus difficile à atteindre. Le monde des valeurs spirituelles s’éloigne encore plus de lui, car il s’est trompé dans les moyens de s’en rapprocher. Les deux dernières histoires décrivent la défaite de ceux qui ne luttent pas contre leur isolement mais cherchent le bonheur uniquement dans la possession. Il y a cette petite fille qui aime tellement le sucre que pour rien au monde elle ne le partagerait avec quelqu’un ; alors elle l’enfouit dans le sol, oubliant que l’humidité le détruira certainement. Et, à l’instar de la fillette possessive, il y a cette mère qui cherche à emprisonner son fils dans les rets d’un amour égoïste, seulement pour le voir partir plein de ressentiment. Cette difficulté à communiquer qui vient de l’isolement de l’individu a toujours existé dans la société, à un degré ou à un autre, mais le XXe siècle avait à se confronter à sa fureur spécifique. Pendant bon nombre d’années, cela a été la question esthétique qui a mobilisé le plus les artistes, mais s’en tenir à une stratégie visuelle ou verbale est à la fois la sous-estimer et se tromper sur sa nature. C’est réellement un problème de dessiccation culturelle et spirituelle, lequel est apparu en raison de la faillite progressive des postulats à partir desquels, depuis le début de la Renaissance, les hommes se sont évalués eux et leurs perspectives d’avenir. L’accent mis sur l’individualité, par exemple, a été si manifeste, au

and the second is abnormal. One man becomes a tragic figure when he discovers he cannot tell other people why he is happy. He tries, but nobody can understand his speech. Another man in his anxiety to maintain a human relationship waves desperately from an elevator to his friend below, and is beheaded for his pains. A girl who is in love with a man puts on her best dress to meet him, but he fails to keep the appointment, and the happiness she had to share remains locked and wasted in herself. An ex-soldier, because of partial deafness, believes that a barrier has grown up between himself and the world. But after an operation has restored his hearing, he finds the kind of communication he hoped to insure is not simply a matter of physical integrity, but of something more difficult to achieve. The world of spiritual values withdraws from him farther because he has mistaken the means of approaching it. The two last stories describe the defeat of those who do not struggle against their isolation, but seek their happiness in private possession only. There is the little girl who loves sugar so much she would willingly not share it with anyone else; so she buries it in the ground, forgetting that the dampness will certainly destroy it. And like the possessive little girl, there is the mother who seeks to imprison her son in her selfish affection for him, only to have him break resentfully away. This difficulty of communication that springs from the individual’s isolation in himself has always been present in society in some degree, but it remained for this century to confront its special fury. For a good many years it has been the esthetic concern with which artists have been most occupied, but to let it rest on a plane of verbal or visual strategy is both to underestimate and misunderstand it. It is really a problem of cultural and spiritual desiccation which has occurred because of the progressive failure of asumptions on which men have been evaluating themselves and their


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moins dans les pays profondément dominés par l’esprit de la Renaissance, que chacun est devenu un individu en soi, à tel point qu’à présent seuls les problèmes politiques les plus flagrants et les idées d’association collective les plus arbitraires peuvent les réunir dans quelque chose de vaguement homogène. Le cœur de la société est perdu, et l’unité se superpose, un enjolivement qui vient de l’extérieur. En tant que substitut intégratif de la culture, la politique ne peut adoucir la solitude, ni nous ramener à notre espèce commune, de laquelle nous nous sommes détournés nousmêmes par la violence de notre ambition et une curiosité éparpillée. Dans de telles circonstances, il n’est guère surprenant que la difficulté des hommes à communiquer entre eux se soit accrue. S’ils partagent la même langue, et les quelques points de référence que la société a encore à leur offrir, ils ont si peu en commun qu’en général ce qu’ils disent a nécessairement une signification étroitement personnelle, à un niveau peut-être sans précédent — pour autant qu’ils aient quelque chose à dire. Il apparaît inévitable que notre art doive porter, directement ou indirectement, un commentaire sur cet épuisement culturel et sur la situation qui en résulte pour l’homme, car c’est l’affaire de l’art de représenter une expérience dans sa totalité organique. Tout cela est bien connu, même si pas nécessairement admis, et peut-être des excuses sembleraient de rigueur au début d’une brève introduction de cette nature, avec des observations qui peuvent paraître prétentieuses à ceux peu enclins à en reconnaître la validité. Mais l’expérience sensible et les sentiments qui forgent une telle conviction me paraissent opérer dans ces gravures, et constituer même le fondement de leur efficacité. Je ne sais pas si Louise Bourgeois pensait comme ça, de manière aussi explicite, lorsqu’elle a exécuté ces gravures, ni s’il est important de le savoir. Les paraboles peuvent être considérées comme marquant un point de départ pour l’artiste, et cela suffit à nous éclairer. Les gravures commencent par un problème de relations humaines, avec quelque chose qui se résout en frustration, mais laissant cela aus-

prospects since the Renaissance began. Their insistence on individuality, for example, has been so conspicuous, at least in those countries which were most thoroughly worked over under the direction of Renaissance attitudes, that everyone became so individual that now only the most flagrant politics, and the most arbitrary ideas of collective association can bind them into anything like homogeneity. The heart of culture is lost, and unity is superimposed, an embellishment from the outside. As an integrating substitute for culture, politics cannot ease loneliness, or return us to our common species from which we have wrenched ourselves by the violence of ambition and uncentred curiosity. Under such circumstances it is not remarkable that the difficulty of communication between men has become intensified. If they share a language together, the other points of reference which a culture should offer them they hold so little in common that their meaning must usually remain, to a degree perhaps unprecedented, a private one—that is, if they really have anything to say at all. It is inevitable that our art should offer, either directly or indirectly, a comment on this cultural exhaustion, and on the human situation which arises from it, for it is the business of art to present an experience in its organic totality. All this is well enough known, even if not believed in, and perhaps an apology might seem in order for beginning a brief introduction of this nature with observations which, to those who are disinclined to accept their validity, may seem pretentious. But the recognitions and the feelings which attend such a conviction seem to me to be operative in these engravings, and to constitute the foundation of their effectiveness. I do not know if Louise Bourgeois explicity thought like this when she executed the plates, nor is it important to know. The parables may be taken as marking her point of departure, and it is indicative enough. The engrav-


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sitôt, elles entreprennent une exploration visuelle du contexte qui encadre la défaite personnelle. En tout état de cause, le contexte est culturel. Et autant le dire d’emblée, le succès de ces eauxfortes réside, selon moi, dans la façon dont Louise Bourgeois révèle la disposition d’esprit qui s’attache à chaque épisode en particulier jusque dans ses implications impersonnelles et plus larges. Les personnages des paraboles n’apparaissent pas, en fait, dans les gravures. Puisqu’ils ont perdu la capacité à communiquer, leur attribut humain le plus fondamental, ils ne sont plus vraiment des personnes, et là est leur tragédie. Une tragédie invisible, un acte de violence qui se joue en coulisse, mais nous savons ce qui se passe, car les bâtiments qui dissimulent l’action sont le symbole de ce qu’ils cachent. Ils symbolisent tout à la fois la tragédie particulière et ce qu’elle signifie plus largement. Les événements et les expériences humaines, même l’architecture, ne sont jamais de simples objets en soi. Ils sont soulignés en contre-point par le mouvement culturel qui les accompagne et les entoure, et qui transforme leur signification propre en quelque chose d’autre. Dans une certaine mesure les buildings, dans ces gravures, illustrent ce motif complexe, mais de telle manière que c’est l’individu qui prime. Plus on regarde ces gravures, plus on se rend compte combien liés sont les édifices et les paraboles — étroitement et même douloureusement liés. Ces buildings sont probablement les gratte-ciel de Manhattan, et pourtant le doute s’introduit dans notre esprit. On se souvient de ces tours de défense carrées que la noblesse florentine a érigées à la fin du XIIe siècle, au cours de la première période de la guerre civile. Pendant un temps, Florence étincelait avec ses tours, et du haut de celles-ci, les gens passaient la matinée à tirer des flèches sur leurs voisins d’à-côté, ou à transpercer leurs amis dans la rue, comme si c’étaient des sangliers. On songe plus particulièrement à ces tours désertées et à moitié en ruines, quand la guerre fut finie. Mais elles évoquent tout autant la scène américaine elle-même, d’un certain point de vue. Ces structures équivoques

ings begin with a problem in human relations, with something that resolves itself to a basic frustration, but leaving that at once, they undertake a visual exploration of the context which frames the individual defeat. ln the nature of the case, the context must be a cultural one. And I had better say right now that the success of these etchings seems to me to lie in the way Louise Bourgeois unfolds the personal mood which adheres to the particular episode behind each title into the impersonal and wider implication in which it always ends. The people in the parables do not actually show up in the engravings. Since they have lost the power of communication, the most essential of their human characteristics, they are not really persons any longer, and that is their tragedy. It is an invisible tragedy, a classic act of violence performed behind the scenes, but we know about it because the buildings which conceal the action are themselves the symbols of what they hide. They symbolize both the particular tragedy and its farthest meaning. Human events and experiences, even architecture, are never merely things-inthemselves. They are counterpointed with a cultural movement which accompanies and surrounds them, and transforms their private meanings into something else. To some extent the buildings in these engravings describe this complex pattern, but in such a way that it is the individual rather than the historical value that counts for most. The more one looks at these engravings the more one realizes how closely, even how poignantly connected, the buildings and the parables really are. The buildings are probably skyscrapers in Manhattan, and yet they somehow implant an uncertainty in one’s mind. One remembers those square defensive towers which the nobles of Florence erected during their first period of civil war at the close of the twelfth century. For a time Florence was bristling with towers, and from their tops neighbours


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nous rappellent une de ces grues sur les quais de chargement, les ascenseurs sur les chantiers, toute cette activité industrielle incessante qui, finalement, ne rime à rien. La solitude est aussi douce que dans une ville fantôme de l’Ouest américain et possède sa propre charge poétique. En Amérique, les circonstances ont contribué à accélérer le processus par lequel les postulats de la Renaissance, brillamment, dans une ultime flambée, ont commencé à se consumer partout ailleurs, presque depuis le tout début. En Amérique, ce feu destructeur, magnifique, a pris plus tard, et par contraste, a paru plus éclatant. Il s’est éteint de luimême plus vite. On peut objecter qu’il reste encore beaucoup d’optimisme, d’espoir. Mais c’est l’espoir de quelque chose d’autre, quelque chose de bien moindre, qu’on le veuille ou non. Les tours solitaires de ces gravures, si on songe à elles comme à des tours américaines, trahissent cela, d’un point de vue émotionnel. Elles sont plutôt comme le souvenir d’une grandeur déclinante entretenu par quelque enfant prodige consumé par son génie. Mais que ce soit les tours pré-Renaissance ou les gratte-ciel postRenaissance que l’artiste avait en tête, peu importe, car l’état émotionnel dans lequel on les perçoit est un solvant qui détruit leurs différences. Elles restent le lieu où se produisent les cages d’ascenseur, les rendez-vous galants des paraboles. Et elles parlent de frustration, de peur, et de la solitude qui croît à mesure que tourne la grande aiguille du temps avant que la boucle ne soit bouclée. Quand nous regardons la planche I, nous savons que la roue à rayons au sommet de la tour ne tournera jamais, comme elle est traversée par trois lignes verticales qui la maintiennent immobilisée, et ce n’est pas sans stupeur que nous voyons le feu brûler sans combustible dans la planche IV. Le plus triste de tout, c’est la corde qui pend mollement de l’échafaudage de l’artiste, ou encore la grue mobile — on ne sait pas très bien — dans la planche V, car on sent que jamais plus une main ne la saisira pour la tendre. Ces symboles illustrent la solitude qui envahit la conscience humaine quand l’énergie humaine est au plus bas.

shot crossbows at each other all morning, or speared their friends in the streets below as if they were boars. One thinks particularly of the towers when the fighting ended, deserted and half in ruins. But they are equally suggestive of the American scene itself, considered from a special point of view. These ambiguous structures remind one of the cranes on loading docks, the elevators in building yards, all the endless industrial activity which, in the end, adds up to nothing. The loneliness is as smothering as in a western ghost town, and carries its peculiar charge of poetry. ln America, conditions conspired to accelerate the process by which the assumptions of the Renaissance brilliantly began to burn out everywhere else almost from the very beginning. ln America the destructive, beautiful fire was later, and by contrast, brighter. It also consumed itself at a greater rate of speed. It may be objected that there is still much optimism, much hope left. But it is hope of something else, and something much less, whether the difference be admitted or not. The lonely towers in these engravings, if thought of as American, betray that difference, in emotional terms. They are rather like the souvenirs of a receding greatness cherished by some exhausted, aging child prodigy. But whether pre-Renaissance towers or post-Renaissance skyscrapers are intended does not matter, for the emotional condition in which they are perceived is a solvent that destroys the difference between them. They are still the buildings where the elevator shafts and the assignations in the parables occur. And they speak of a frustration, fear, and loneliness that grew up through a wide curve of time that has not come full circle yet. When we look at Plate I we know that the four spoked wheel at the top of the tower will never turn, because it is crossed by three vertical lines that hold it stationary, and we look with amazement at the bonfire in Plate IV which is burning without fuel. Saddest of all is the slack rope that hangs from the artist’s scaffold or the movable crane —one is not sure what


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Une émotion comme celle représentée dans ces gravures n’est jamais simple, ni directe. De toute évidence, cela n’a rien à voir avec ces besoins humains primaires, propriétés qu’une certaine critique, aujourd’hui, attribue à ce qu’elle appelle « l’art premier ». Il est tout aussi évident que cela a peu à voir avec les sens. Je ne sais absolument pas si elle commence ou finit avec l’intellect, mais quoi qu’il en soit, c’est une émotion proche d’un type particulier d’intellectualisation. Elle s’exprime elle-même selon une logique visuelle sensible, et elle est parfaitement à l’aise avec les règles de cette logique. Il y a, par exemple, une qualité explicative dans le trait incisif des lignes qui se rejoignent à queue d’aronde comme les points d’une argumentation discursive, et l’on remarque comme les structures de tour tendent à être divisées en trois parties, presque comme les termes d’un syllogisme. Mais avant tout, on note que, bien que la ligne d’horizon soit généralement donnée, elle est toujours placée bas. Elle peut presque être le plancher d’une pièce assez grande pour renfermer les structures plus petites. Cette impression d’enfermement est renforcée par la texture uniforme du fond, qui évoque un mur plutôt que l’air atmosphérique. Même l’introduction d’une étoile dans une des gravures échoue à dissiper entièrement cette illusion. L’idée est de représenter un univers dénué de romantisme, logiquement confiné dans les limites d’une définition rationnelle. L’œil ne va pas au-delà de la ligne d’horizon, et donc en dehors pour aller vers l’infini. Il reste à affronter le problème qui est clairement posé par ce qui pourrait être décrit comme une manière de voir et de dessiner essentiellement cognitive. Le problème, cela a déjà été dit, est celui de la solitude et de l’isolement présentés en termes d’échec culturel, en tant qu’il affecte l’individu. Et comme le problème survient à l’intérieur d’un cadre culturel, l’œil est guidé — on pourrait presque dire que la réponse est à chercher là — dans les limites de ce cadre. Et peut-être qu’il est possible d’y trouver quelque réponse. Ces gravures sont nostalgiques et solitaires, mais la note dominante n’est pas celle d’un désespoir oppressant. On regarde les gratte-ciel submergés, dans la dernière gravure, si

it is— in Plate V, for one feels that no hand will ever grasp it, or make it taut again. These symbols represent the solitude that presses in on the human consciousness when human energy is at its lowest ebb. Such en emotion as these engravings represent is neither direct nor simple. Obviously it has nothing to do with those basic human drives which a certain type of critic today predicates of what he calls "primary art." Just as obviously, it has little to do with the senses. I do not know if it begins or ends in the intellect, but however that may be, it is an emotion which approximates a peculiar kind of intellection. It expresses itself by a sensitive visual logic, and it is perfectly at home within the rules of that logic. There is, for example, an expository quality in the straight incisiveness of the lines which dovetail into each other at their intersections like the points of a discursive argument, and one remarks how the tower structures tend to be divided into three parts, almost like the terms of a syllogism. But most of all, one notes that although a horizon line is usually given, it is always lowly placed. It might almost be the floor line of a room great enough to enclose the smaller structures. This sense of enclosure is enforced by the regular texture of the background, which suggests a wall rather than aerial atmosphere. Even the introduction of a star in one of the plates fails to despel the illusion entirely. Now the effect of this is to represent an unromantic universe, logically confined within the limits of a rational definition. The eye does not race to the horizon, and so on outward to infinity. It remains to face the problem, which is clearly stated in what might be described as a primarily cognitative way of seeing and drawing. The problem, it has already been said, is simply that of loneliness and isolation presented in terms of a cultural failure as it impinges on the individual. And as the problem arises within a cultural frame, the scrutiny is con-


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étonnamment riche d’associations contradictoires. On ne sait pas si ce sont simplement des eaux destructrices qui les recouvrent (cela ne semble pas tout à fait être la signification émotionnelle voulue) ou des eaux de l’espérance, des eaux pour guérir ou accroître la fertilité. On lit la parabole qui l’accompagne et on y trouve la même ambiguïté, car si la mère est détruite, le fils est sauvé. Le problème de l’isolement et de la faillite culturelle est un problème que chaque artiste moderne a dû traiter à sa façon. S’il est particulièrement manifeste ici, c’est que ces gravures sont si simples et directes que leur insistance plaintive sur ce thème, comme la mélodie d’une flûte à bec, offre quelque chose qui sort plutôt de l’ordinaire. C’est comme si l’artiste avait examiné le problème à travers ces lunettes rétrécissantes que chaussaient parfois les peintres flamands du XVIIe siècle pour étudier un intérieur avant de le peindre avec une netteté qu’ils n’auraient pu obtenir autrement. Avec les paraboles, notre émotion reste « abstraite », puis elle s’intensifie quand elle est vue à travers les lunettes de notre crise culturelle. La tragédie personnelle n’est en aucun cas disqualifiée au cours de ce processus. Elle demeure le ressort principal, tandis que le thème de l’isolement se joue sur la plus intime, la plus civilisée des scènes avec une modestie qui, en soi, est engageante. MARIUS BEWLEY

ducted, one might almost say the answer is sought, within the limits of that frame. And perhaps there may be some kind of personal answer possible. The engravings are nostalgic and lonely, but the note is not that of oppresive despair. One looks at the submerged skyscrapers in the final plate, so effectively rich in conflicting associations. One does not know whether these are merely destructive waters over them (that does not seem quite the emotional significance intended), or waters of faith, healing, and fertility. One reads the accompanying parable, and finds the same ambiguity there, for if the mother is destroyed, the son is saved. This problem of isolation and cultural failure is one which every modern artist has had to deal with after his own fashion. If a special point is made of it here it is because these engravings are so simple and direct that their plaintive insistences on the theme, like the melody of a recorder, offers something rather out of the ordinary. It is as if the artist had viewed the problem through one of those reducing glasses that seventeenth century Dutch artists sometimes used to study an interior before painting it to a sharper focus than they could have achieved with the unaided eye. Beginning with the situations of the parables, the emotion is abstracted, and then intensified by seeng it through the diminishing glass of our cultural crisis. The personal tragedy is by no means disqualified in this process. It remains the prime motive in the final product, while the theme of isolation, performs on the most intimate, most civilized of stages with a modesty that is in itself engaging. MARIUS BEWLEY


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Plate 1 Once there was a girl and she loved a man. They had a date next to the eighth street station of the sixth avenue subway. She had put on her good clothes and a new hat. Somehow he could not come. So the purpose of this picture is to show how beautiful she was. I really mean that she was beautiful.


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