La lettre, un corps vivant

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Arrivées bien après l’être humain, environ 106 500 ans après,

dans leur forme les plus primaire, les lettres de l’alphabet sont depuis leur origine nos compagnes du quotidien. Balisant le début comme la fin de nos vies ; elles nous survivent bien après notre départ.

Côte à côte, à notre naissance, elles s’alignent pour approuver notre exience. Dès lors, on les côtoie tout jeune et bon

nombre d’entre nous, tente de les apprivoiser avec notre main la plus habile. En grimaçant parfois, on se rapproche d’elles pour les cerner. Finalement c’e un peu comme au zoo, on met nos doigts dessus pour essayer de les comprendre et les retenir. Gare à la grille où elles sont renfermées … cette grille que l’on doit reeer et d’où elles ne doivent pas sortir ! Haut de casse et bas de casse, on leur donne rendez-vous et on cherche toujours à en découvrir des nouvelles ; celles que l’on avait encore jamais vues. Il ne ree plus qu’à connaître toute la famille pour réussir à les identifier en groupe les unes après les autres. Joyeuses, elles dansent en duo, en trio, tentant à chaque fois de nouvelles combinaisons. Kyrielles de poures et d’enchaînements elles nous donnent alors la vision d’un mot, d’une phrase, d’un texte, puis d’un paragraphe etc.. Les lettres rentrent ainsi dans nos vies. Minuscules ou majuscules, on les voit tous les jours et partout ; libérées de leurs barreaux. Ne vous apercevez-vous pas qu’elles nous aident à nous repérer dans le temps, dans l’avancement des jours, des semaines, des mois, des années. Oui, elles savent nous indiquer notre chemin quand on e perdu ou que l’on ne reconnaît pas la route ; elles permettent de nommer, de diinguer une chose de l’autre. Par le passé, dans la noblesse, à deux d’entre elles, elles marquaient le linge pour sceller l’union d’un jeune couple.


Quoiqu’on en dise ce sont un peu nos confidentes : elles servent d’intermédiaires pour garder des pensées secrètes. Rassurez-

vous, elles sont de plus, de très bonnes gardiennes sur les hioires passées, auelles, fiives ou réelles, sachant qu’elles font voyager une mémoire impressionnante. Souvent, elles permettent de ne pas oublier les erreurs qui ont pu être commises dans le temps. Tour à tour, elles se réunissent pour révéler des sentiments amoureux, de haine, de colère, de compassion... Un ae, un accord, un échange, un engagement : dans les moments importants, elles nous suivent aussi pour les approuver. Vous les voyez s’associer à chacun de nos biens, pouvant se rassembler avant notre mort pour faire le partage de ces derniers et la répartition à nos proches. Wagon de première classe s’il vous plaît !, lorsqu’elles savent que l’on doit partir et ne jamais revenir, elles se mettent généralement sur leur 31, en tenue d’or pour accompagner notre absence. X, Y, Z ou n’importe quelle autre, les lettres nous ont toujours accompagnées, du début à la fin de notre vie et aussi aux moments clés. Y avez-vous été sensible, dans le passage ci-dessus on en vient parfois à se demander s’il ne s’agit pas d’une personne dans la description et si elles n’auraient pas elles aussi une part d’humanité? Zélée ou non, cela soulève donc la queion suivante : en quoi la lettre e-elle un être vivant ayant à la fois un corps physique et une âme?


Arrivées bien après l’être humain, environ 106 500 ans après,

dans leur forme les plus primaire, les lettres de l’alphabet sont depuis leur origine nos compagnes du quotidien. Balisant le début comme la fin de nos vies ; elles nous survivent bien après notre départ.

Côte à côte, à notre naissance, elles s’alignent pour approuver notre exience. Dès lors, on les côtoie tout jeune et bon

nombre d’entre nous, tente de les apprivoiser avec notre main la plus habile. En grimaçant parfois, on se rapproche d’elles pour les cerner. Finalement c’e un peu comme au zoo, on met nos doigts dessus pour essayer de les comprendre et les retenir. Gare à la grille où elles sont renfermées … cette grille que l’on doit reeer et d’où elles ne doivent pas sortir ! Haut de casse et bas de casse, on leur donne rendez-vous et on cherche toujours à en découvrir des nouvelles ; celles que l’on avait encore jamais vues. Il ne ree plus qu’à connaître toute la famille pour réussir à les identifier en groupe les unes après les autres. Joyeuses, elles dansent en duo, en trio, tentant à chaque fois de nouvelles combinaisons. Kyrielles de poures et d’enchaînements, elles nous donnent alors la vision d’un mot, d’une phrase, d’un texte, puis d’un paragraphe etc. Les lettres rentrent ainsi dans nos vies. Minuscules ou majuscules, on les voit tous les jours et partout ; libérées de leurs barreaux. Ne vous apercevez-vous pas qu’elles nous aident à nous repérer dans le temps, dans l’avancement des jours, des semaines, des mois, des années. Oui, elles savent nous indiquer notre chemin quand on e perdu ou que l’on ne reconnaît pas la route ; elles permettent de nommer, de diinguer une chose de l’autre. Par le passé, dans la noblesse, à deux d’entre elles, elles marquaient le linge pour sceller l’union d’un jeune couple.


Quoiqu’on en dise ce sont un peu nos confidentes : elles servent d’intermédiaire pour garder des pensées secrètes. Rassurez-

vous, elles sont de plus, de très bonnes gardiennes sur les hioires passées, auelles, fiives ou réelles, sachant qu’elles font voyager une mémoire impressionnante. Souvent, elles permettent de ne pas oublier les erreurs qui ont pu être commises dans le temps. Tour à tour, elles se réunissent pour révéler des sentiments amoureux, de haine, de colère, de compassion... Un ae, un accord, un échange, un engagement : dans les moments importants, elles nous suivent aussi pour les approuver. Vous les voyez s’associer à chacun de nos biens, pouvant se rassembler avant notre mort pour faire le partage de ces derniers et la répartition à nos proches. Wagon de première classe s’il vous plaît ! , lorsqu’elles savent que l’on doit partir et ne jamais revenir, elles se mettent généralement sur leur 31, en tenue d’or pour accompagner notre absence. X, Y, Z ou n’importe quelle autre, les lettres nous ont toujours accompagnées, du début à la fin de notre vie et aussi aux moments clés. Y avez-vous été sensibles, dans le passage ci-dessus on en vient parfois à se demander s’il ne s’agit pas d’une personne dans la description et si elles n’auraient pas elles aussi une part d’humanité? Zélée ou non, cela soulève donc la queion suivante : en quoi la lettre e-elle un être vivant ayant à la fois un corps physique et une âme?


La lettre e-elle un être vivant, doté d’un corps et d’une âme? p 4-13 Introduction p 8-9 Sommaire p 10-13 Avant-propos p10-66

I - La lettre a-t-elle été formée à l’image du corps humain? A- La ruure de la lettre e-elle conruite comme un organisme vivant tel que l’Homme?

p 17-39

p 17-19 p 20-25 p 26-30 p 31-35 p 36-39

p 40-49

B- Comment la lettre vit-elle? A-t-elle des besoins vitaux pour fonionner? a- Comme l’Homme, la lettre a-t-elle des besoins alimentaires? A-t-elle soif, faim? b- La lettre se reproduit-elle pour assurer sa pérennité? Que pensez alors du phénomène des ligatures? E-ce une reproduion ou plutôt une alliance, une union?

p 41-43 p 44-49

C- La lettre exie-t-elle toute seule ou a-t-elle une parenté?

p 50-64 p 52-53 p 54-64

p 65-66

a- La lettre a-t-elle un arbre généalogique? La lettre e-elle issue d’une descendance? b- Exie-il des ressemblances entre les différents caraères qui témoigneraient d’un air de famille?

D- La vie d’un être humain se définit sur la période de la naissance jusqu’à la mort de cet être, une lettre peut-elle mourir? p 65-66

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a- La lettre e-elle sexuée? b- La lettre a-t-elle un squelette commun? c- La lettre ne serait-elle pas formée sur les proportions du corps humain? d- La lettre possède-t-elle des articulations, des muscles? Pourrait-elle alors se mouvoir? e- La lettre se conruit-elle autour d’organes vitaux?

a- La lettre e-elle un être immortel? E-ce un être qui peut traverser le temps?


II- La lettre e-elle habitée d’une âme?

p 69-77

A- La lettre e-elle dotée d’une pensée? Samuel Johnson affirme que « le langage e l’habit de la pensée ». Le langage écrit, aurait une âme?

p 72-77

a- La lettre a-t-elle une personnalité, une force de caraère? b- Des voyelles qui représentent l'âme. c- La lettre transmet-elle un message, communique-t-elle des émotions, une sensibilité? d- La lettre peut-elle avoir des sentiments? Peut-elle tomber amoureuse?

III- Une faiblesse physique et morale

p 73 p 73-75 p 75 p 76-77

p 79-91

A- La lettre peut-elle être blessée physiquement? p 81-87 a- Lettres lacérées b- Lettres démembrées c- Lettres écorchées d- L’arrachement et les membres fantômes

p 82-83 p 84-85 p 86 p 87

B- La lettre peut-elle être malade psychologiquement? p 88-91 a- Perte de cohésion et d’unité de la personnalité b- Entre Majuscule et minuscule c- La lettre peut-elle avoir des crises de folie? d- La lettre confusion, indécision?

Entrevues François Weil Olivier Nineuil Conclusion Bibliographie Remerciements

p 88 p 89 p 90 p 91

p 92-119 p 92-98 p 100-118 p 120-121 p 123-127 p 129

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AVANT - PROPOS

La lettre ? Lorsque j’ai commencé à exposer mon sujet de mémoire à différents interlocuteurs, pour eux le terme lettre n’e pas clair ou du moins il ree à définir et à préciser. En effet on peut parler de la lettre que l’on écrit et que l’on adresse à quelqu’un par courrier, on peut aussi penser à la lettre de l’alphabet et enfin lettre tout court, d’un point de vue de la phonétique, peut être confondu avec l’être qui e son homonyme. Tous ces termes sont tous liés mais ont pourtant un sens bien différent. Cet homophone que nous offre la langue française serait-il un hasard ou alors un bien fondé ? Mon mémoire va rapprocher et interroger ces deux notions lettre et l’être. 1. Littré, «alphabet» [En ligne], http://littre.reverso.net/ diionnaire-francais/ alphabet [Consulté le 21/02/2013].

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Avant toute chose, il e donc important de définir le terme de lettre sur lequel repose tout mon mémoire. Pour moi, la lettre e un concept. C’e le « a », le « b », le « c », le « d » et toutes les autres lettres qui suivent dans l’alphabet, qu’elle soit minuscule ou majuscule. L’alphabet se définit juement comme : « l’ensemble des lettres d’une langue rangées suivant un ordre convenu. »1. Il e également nécessaire de préciser les limites géographiques auxquelles je cantonne les réflexions portées sur la lettre. C’e uniquement au sein de la culture latine que j’étudierai ce concept de lettre. Plusieurs termes vont graviter autour de la lettre : la calligraphie, le lettrage, les lettrines, la graphie, la typographie issue de l’imprimerie, la typographie numérique... qui vont donner corps à la lettre. Chaque terme mérite d’être défini pour être bien compris. La calligraphie e l’art de bien former les caraères d’écriture à la main. Le lettrage e le fait de marquer par des lettres avec quelque matière que ce soit. Les lettrines sont des grandes initiales souvent ornées, qui débutent un chapitre ou un paragraphe. La graphie e la manière dont un mot e écrit. Par le terme de typographie issue de l’imprimerie, j’entends un procédé de composition et d’impression sur formes en relief (caraères mobiles, gravures, clichés) , qui vient du latin du XVIe siècle typographia « art d’imprimer ». La typographie numérique comprend quand à elle, le fait de manipuler des caraères reproduibles.


AVANT - PROPOS

Joseph Moxon, hydrographe du XVIIe siècle, donne d’ailleurs une définition assez claire sur le métier de typographe. Par typographe, je n’entends pas imprimeur, ainsi qu’il e communément admis ; pas plus que le Dr Dee ne soutient qu’un charpentier ou un maçon e un architee. Par typographe, j’entends celui, qui, par son propre jugement, par un solide raisonnement intérieur, a la faculté de procéder à des travaux manuels et opérations physiques en relation avec la typographie de la conception à la fabrication ou de diriger d’autres hommes à cette fin.(Moxon (1683) 1962, p.11-12)2

Joseph Moxon exprime le fait que la diinion entre l’imprimerie et la typographie n'e survenue qu’à partir du moment où l’on a su définir le métier de typographe. Le langage, quant à lui, e décrit par : « l’emploi de la langue pour l’expression des pensées et des sentiments3 ». Tout d’abord, on pourrait s’interroger sur ce choix que j’attache particulièrement à la lettre. Pourquoi s’intéresser à la lettre? Je ne m’étais jamais vraiment rendu compte que la lettre et tous les termes qui la définissent, et sa forme pouvaient être étudier comme une science et plus que cela : une science humaine. En BTS communication visuelle, j’ai commencé à être initiée à cette science. J’en ai aperçu la complexité et la rigueur que cela demandait. En découvrant, le nom de certains dessinateurs de caraères et typographes je me suis rendu compte que le travail de la lettre pouvait être pris comme un jeu pour donner du sens, par la forme de la lettre. Une certaine forme d’intelligence pouvait alors émaner de la lettre, captée uniquement par un œil sensible. L’écriture de ce mémoire me permet d’aller plus loin dans cette confrontation entre le fond et la forme de la lettre. En revisitant l’hioire de l’écriture, j’ai petit à petit compris la force de la lettre et de son dessin. Le jeu entre la forme d’une lettre et celui qui la manipule e peut être amusant parce que la lettre peut être aussi mouvante et changeante que l’individu en face. Comme un jeu ratégique, pour gagner et

2. Robin Kinross, La Typographie moderne, Un essai d’hioire critique, traduit par Armarante Szidon, Paris, 2012, p 19.

3. Littré, «langage» [En ligne], http://littre.reverso.net/ diionnaire-francais/ langage [Consulté le 13/02/2013].

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AVANT - PROPOS

contrôler la lettre il faut en connaître les secrets. C’e ce qui à mon avis permet aux dessinateurs de caraères d’être aussi performants dans leur réponse. La lettre en effet, e au cœur du mot, de la phrase d’un discours, et donc d’un certain message. Elle e atome, que je vais analyser avec un microscope. Dans ce sens, ce mémoire va disséquer la lettre dans son fond et dans sa forme. Dans cette recherche, l’analogie au corps humain sera fréquente et sera le fil condueur. Je vais chercher à savoir ce qui sépare l’humain de la lettre ; peut être uniquement un miroir... Ce mémoire va donc établir une relation forte entre la lettre et l’humain. Ces deux éléments seront comparés sur tous les points de vue : à la fois sur le corps et sur l’erit. Les rapprochements que je vais tisser entre la lettre et le corps pourront être extraits de divers auteurs, mais j’intègre également des analyses et des comparaisons qui sont riement personnelles. De nombreux ouvrages ont déjà été écrits et font déjà la démonration qu’il y aurait une corrélation entre la lettre et le corps humain. Cette relation entre l’Homme et la lettre peut sembler pour certains, plutôt évidente puisque l’homme e le créateur de la lettre. Ce mémoire cherche alors à aller plus loin dans les rapprochements entre l’homme et la lettre, allant même dans le détail extrême et peut être même l’exagération. Il e alors amusant pour moi de déployer l’apanage de l’humain pour le transcrire à la lettre. Comme à la venue d’un être humain, on se demandera d’abord, si on peut déterminer un sexe masculin ou féminin à la lettre ? E-ce qu’elle ressemble au corps humain en terme de ruure, de squelette, de proportions, d’articulations, d’organes humains? Lorsque que l’on comprend que ce corps exie, on se demandera alors, si lui aussi a des besoins vitaux ? La lettre vit-elle en groupe, en clan comme l’être humain ? A-t-elle une famille? E-ce que la lettre

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AVANT - PROPOS

e mortelle? D’autre part, la lettre e-elle habitée d’une âme, d’une pensée, d’une personnalité? Enfin, tout comme l’homme a-t-elle des faiblesses physiques et mentales ?

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un corps



I - La lettre a-t-elle été formée à l’image du corps humain? A- La ruure de la lettre e-elle conruite comme un organisme vivant tel que l’Homme? La lettre a de nombreuses analogies avec le corps humain. Certaines parties sont nommées à l’identique que celles de l’Homme. Cette partie mène alors la réflexion sur tous les plans cherchant à bien définir le corps vivant de la lettre.

a- La lettre e-elle sexuée? Poser la queion si la lettre e sexuée ou non, revient à poser la queion si certaines lettres sont de sexe masculin ou de sexe féminin. Pour cela il e intéressant de s’interroger sur ce qui détermine un homme et une femme? La dualité du masculin et du féminin serait l’articulation entre : « le creux et le plein, le concave et le convexe, le dedans et le dehors. »4 Hioriquement, aucun genre n’a été attribué aux lettres. En français, le pronom qui précède chaque lettre e masculin, on dit : « un a », « un b », « un c ». Le V pourrait pourtant être automatiquement associé au sexe féminin, par sa forme qui prononce un creux, une cavité. Dans l’hioire de l’écriture, on retrouve ce graphème pour désigner la femme. Cette association n’e pas dénuée de sens. Le O, par sa forme ronde e également une lettre qui pourrait être qualifiée de lettre plutôt féminine. En effet, symboliquement la femme e très souvent représentée par des formes rondes de part son anatomie au niveau des rondeurs de sa poitrine et de son ventre. Aucune autre lettre n’a à priori été qualifiée de genre masculin ou féminin.

4. Madeleine Valette-Fondon, « Le fourgon et la pelle », Discours sur les femmes et discours du féminin, Essais, Montaigne 10-2003. [En ligne] http://www.sens-public.org/ article.php3?id_article=53 [Consulté le 21/01/2013].

V O 17


UN CORPS - SEXUÉ

Cette non diinion des sexes rejoint les propos auels tenus par certains mouvements revendicateurs sur la queion du genre homme et femme.

5. Madeleine Valette-Fondon, « Le fourgon et la pelle », Discours sur les femmes et discours du féminin, Essais, Montaigne 10-2003, [En ligne] http://www.sens-public.org/ article.php3?id_article=53 [Consulté le 21/01/2013].

Une dualité dont l’hioire montre qu’en s’affranchissant du biologique, elle a du même coup cessé de se définir comme essence pour devenir processus. En effet, si grâce à l’effort de la psychanalyse et plus précisément de Lacan pour diinguer sexe biologique et sexe symbolique, il e possible de penser que le sexe e une queion de langage plutôt que d’organe, le féminin d’abord écifiquement attribué aux femmes, devient par suite d’un glissement d’interprétation, une catégorie fondamentale de l’humain, catégorie partagée autant par les hommes que par les femmes.5

Dans cette citation, on diingue tout d’abord deux notions : le sexe biologique du sexe symbolique. C’e à dire le sexe qui diingue seulement d’un point de vue anatomique : déterminé par des chromosomes, le syème hormonal et l’anatomie interne et externe, selon la définition des « Gender udies ». L’association « Gender », qui se définit comme lieu de réflexion, de recherche, mais également comme lieu d’influence auprès des pouvoirs publics, queionne la notion du genre. C’e Judith Buttler, féminie philosophe américaine qui e l’auteur de « Gender Trouble », un essai philosophique, traitant de la théorie « queer ». Il s’agit d’une critique sur la fixation du genre et de l’orientation sexuelle. Cet ouvrage a marqué un tournant dans les réflexions préétablies sur la queion du genre et de la détermination du sexe de manière uniquement biologique. D’après la citation précédente, la notion mise en opposition avec le sexe biologique e celle du sexe symbolique qui inclurait plutôt la notion du caraère masculin et féminin. On peut rapprocher cette notion, de celle donnée par « Gender » qui utilise la notion de : sexe psychologique, illuré par sa propre manière de se vivre dans le genre masculin, féminin ou androgyne à partir de la prise de conscience d’être un garçon, une fille ou dans une position incer-

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UN CORPS - SEXUÉ

taine. À cela l’association « Gender », détermine un troisième sexe : le sexe de rôle qui apparaît comme la manifeation du comportement en concordance avec les éréotypes, les codes socio-culturels sur le groupe sexuel auquel chacun appartient. Ces définitions établies par « Gender » mettent en valeur que ce n’e pas la société qui détermine « le genre » de l’être, mais c’e l’être lui même qui s’affirmera en tant qu’homme ou femme ou entre les deux, selon son ressenti et non son sexe biologique. Il n’e donc plus aussi facile de diinguer le genre féminin du genre masculin, surtout que la citation du dessus induisait que l’on a tous une part de féminin en nous. Cette réflexion conduit même la Suède à s’interroger sur l’usage d’un pronom neutre comme le « hen » à la place du il et elle. Quoi qu’il en soit, la jouissance autre e contemporaine d’une notion qui, elle, se diffuse à toute vitesse et semble faite pour dire la réalité d’aujourd’hui : le « pas-tout ». On ne peut pas parler de « la femme », dit Lacan en 1973, car il n’y a pas de la, elle e pas-toute. Aujourd’hui, malgré les prétentions mondialies, plus rien n’e tout. Il e devenu évident qu’aucun principe unitaire ne subsume quelque ensemble que ce soit.6

6. Danièle Lévy, « Lacan, le féminisme et la différence des sexes », Cités 4/2003 (n° 16), p. 79-85.

Dans cette même idée, cette autre citation qui traduit les propos de Lacan, insie sur la problématique qu’un être serait plutôt pluriel que singulier le « pas-tout », et donc peut être un pluriel : avec un peu de féminin et un peu de masculin. Lacan voit dans la conception d’un être une équation mathématique et donc une certaine logique qui inclut la pluralité mais exclut le nombre de deux. D’ailleurs Richard Millet, écrivain et éditeur français, utilise même le terme de « fémininmasculin », pour traduire l’idée que le masculin a quasiment toujours une part de féminin en lui. Une même lettre pourrait donc être à la fois de sexe masculin ou féminin, et aurait même peut être une part des deux à la fois en elle. Le contexte dans lequel elle serait présentée, et habillée serait alors peut être un indicateur pour traduire son genre.

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UN CORPS - DES ORGANES

b- Comment la lettre se conruit-elle, a-t-elle des organes, un squelette? 7. Larousse, «corps», [En ligne] http://www.larousse.fr/ diionnaires/francais/ corps/19404, [Consulté le 18/01/2013].

Le terme corps e le premier qui met sur la pie que la lettre e bien un être vivant. En effet, la définition e communément utilisée pour désigner la partie matérielle d’un être animé, considérée en particulier du point de vue de son anatomie.7 Cette notion e mise en opposition avec la notion d’âme et d’erit. Pour la lettre, le corps se définit en ces termes :

C 8. David Alliot, Chier dans le cassetin aux aporophes. Horay 2004.

9. L. Van Den Bruwaene, Les idées philosophiques de Montaigne (suite et fin) In: Revue néo-scolaique de philosophie. 35° année, 2ème série, N°40, 1933. p. 489-515.

10. Giovanni Dotoli, La Voix de Montaigne : Langue, Corps et Parole Dans les Essais, 2007 Éditions Lanore.

Corps (Ty) : Désignait à l’origine le caraère en plomb lui même, à l’extrémité duquel on trouvait le dessin inversé et en relief de la lettre. Par extension, il a rapidement désigné la grosseur du caraère. Les corps hétéroclites désignaient les corps de taille impaire (3,5,7, etc.), les corps syématiques, les corps de taille paire (2,4,6, etc.).8 Sur la notion de corps il e intéressant de citer Montaigne. Il accorde au corps la gouvernance sur l’erit : « notre pensée n’e conçue que par l’entremise de nos sens. ». Il semble nous dire que le monde ne peut être mesuré par l’arologie, ni par la science de la langue, mais uniquement par la narration du corps.9

Je trouve que cette citation fait écho avec le propos global de ce mémoire. La lettre e bien un corps vivant du fait de son anatomie, mais également dans le fait que ces corps mis bout à bout forment une narration pleine de secrets et de révélations sur le monde qui nous entoure. Pour Montaigne, le monde et le livre sont à l’image de l’architeure et de ses lois, de la façade, aux piliers, aux fondements, « au corps », aux murs, aux vides et aux pleins.10

Cette description s’applique aux livres et par extension aux mots, et en finalité aux lettres.

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UN CORPS - DES MEMBRES

Ainsi, la notion de corps e reée un terme majeur concernant la lettre et utilise le même mot qui désigne la partie matérielle de l’être humain. Il exie encore de nombreuses dénominations qui se réfèrent direement à l’humain. Œil de la lettre : Hauteur du caraère bas de casse, à l’exclusion des jambages inférieurs et supérieurs, dit aussi : Hauteur d’X.11 Oreille : Appendice à la droite de la panse d’un « g » ou du fût d’une lettre, comme le « r » ou le « f ». L’oreille se retrouve sur le côté de la lettre comme elle se retrouve sur le côté de la tête d’un être humain. 12 Épaule : Partie courbe qui relie le fût et la jambe d’un « h » ou d’un « n » par exemple. L’épaule se présente de la même manière sur le corps humain.12 Panse : Boucle, ronde ou ovale, ouverte ou fermée, qui entoure le contrepoinçon (eace blanc) d’une lettre, par exemple le « O » ou le « e ».12 Jambe : Fût descendant, oblique ou courbe, d’une lettre par exemple le « k ».12 Jambage supérieur : Partie supérieure d’une lettre bas de casse qui s’élève au-dessus de l’œil. 11 Jambage inférieur : Partie inférieure d’une lettre bas de casse qui descend sous la ligne de pied. 11 Ligne de pied : Ligne imaginaire sur laquelle s’alignent les caraères. Les pieds d’une lettre sont donc par déduion la partir inférieure de la lettre, la partie basse « qui pourrait tenir au sol ». 11. Typographie & Civilisation, http://caracteres.typographie.org/ description/anatomie.html, 1999, 2006.

12. David Alliot, Chier dans le cassetin aux aporophes, Horay 2004.

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UN CORPS - DES MEMBRES

Par opposition aux pieds, on pourrait donc définir la tête qui serait la partie supérieure de la lettre. 12 D’ailleurs l’expression « Prendre au pied de la lettre » quelque chose, reprend cette nomination morphologique accordée à la lettre. Cela signifie qu’il ne faut pas reer fixé sur le sens ri des mots, mais plutôt chercher une interprétation différente. Dans cette lignée, d’autres expressions personnalisent la lettre comme un être humain ou à l’inverse qualifie un individu par un terme typographique. Ces expressions sont toutes extraites du livre Chier dans le cassetin aux aporophes de David Alliot et relèvent du temps des débuts de l’imprimerie et de la typographie. Elles étaient utilisées par les professionnels de l’imprimerie tels que les typographes, les imprimeurs, les éditeurs...

A

Avoir les jambes en Italique (Ty) : Être bancal, penché, le plus souvent après un ala. Un caraère italique en plomb e un caraère écifique, mais avec un air plus incliné que les caraères romains, qui eux, sont droits.

,

Bonhomme (Faire) (Ty) : au jeu des cadratins, faire bonhomme, c’était un caraère qui reait debout. Le jeu des cadratins ressemblait beaucoup à celui des osselets. Point à queue (Ty) : Ancien nom de la virgule. Danser (Ty) : Les ouvriers typographes disaient des caraères qu’ils dansaient lorsqu’ils n’étaient parfaitement alignés. Ainsi, la lettre e un corps qui répond en certains points aux caraériiques du corps humain. Les analogies sont nombreuses, ce qui appuie l’idée que la lettre e bien un corps fonionnel. De plus, l’expression du verbe danser appliquée aux lettres témoigne non seulement de l’atteation du corps d’une lettre mais aussi de son ae mouvant et donc vivant.

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UN CORPS - UN SQUELETTE

La lettre a donc emprunté au corps humain son vocabulaire. Pour parler de squelette de la lettre, un extrait du Graphê 47 illure cet emploi pour la lettre. Au moyen de deux projeeurs de diapos, il superposait sur l’écran mural (par exemple) un « a » minuscule Plantin dans une certaine teinte et un « a » minuscule Garamond dans une autre, et déplaçait les deux images l’une sur l’autre, ce qui fait que les parties communes à chaque alphabet (ce qu’Adrian Frutiger appelle « le noyau dur de la silhouette de la lettre ») étaient de suite mises en évidence car apparaissant dans une troisième teinte composée de la superposition des deux premières.13

a 13. Yves Perrousseau Graphê 47, Hioire de l’écriture typographique, Pendant la leure, novembre 2010.

Il relate une expérience réalisée sur des lettres de deux typographies différentes. Ceci a permis de prouver assez simplement qu’il exie un noyau commun aux lettres. En biologie, le noyau représente un organisme cellulaire qui contient les chromosomes et un ou plusieurs nucléoles. Si l’on s’en tient à cette définition du noyau, la lettre aurait donc une partie centrale vivante autour de laquelle elle se conruit. L’ADN e aussi présent dans le noyau, c’e ce qui permet de déterminer le matériel génétique. Cette partie renferme de plus, l’ensemble des informations nécessaires au développement et au fonionnement d’un organisme pour son autonomie en terme de croissance et de reproduion. Ces définitions expliqueraient alors peut être pourquoi la lettre passe de l’état de minuscule à l’état de majuscule? Les lettres minuscules seraient peut être les lettres à taille enfant et les majuscules seraient l’état des lettres à l’âge adulte? Ce noyau commun serait reé malgré le temps et l’évolution qu’a subi la lettre tout comme il en a été pour celle de l’Homme en terme de physionomie. Cerise Heurteur fait elle aussi des expériences graphiques sur « la silhouette » des lettres qui permettent la leure et la compréhension du signe, du mot ; en référence au travail de Stanislas Dehaene. Stanislas Dehaene e un psychologue cognitif et neuroscientifique

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UN CORPS - UN SQUELETTE

français. Il e l’auteur de l’ouvrage Les Neurones de la leure, 2007. Cerise Heurteur s’attache surtout sur la forme extérieure de la lettre. Elle cherche à connaître les limites de lisibilité sur la silhouette de la lettre, allant d’une minceur presque anorexique de la lettre à une obésité démesurée. « Protolettre » : formes élémentaires qui nous permettent la diinion du signe. Cerise Heurteur confirme bien la présence d’un squelette suite à ses expériences de superposition de typographies différentes. D’un point de vue biologique la lettre se construit donc de façon similaire au corps humain.

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UN CORPS - AUX PROPORTIONS HUMAINES

Bruno Caiero, Alphabet en fil de fer [En ligne] http://www.caeiro.ch/ typographie/ [Consulté le 08/12/2012] .

Guiseppe Mitelli, Illurations de corps [En ligne] http://www.spamula.net /blog/2005/01/figurative_ alphabets.html [Consulté le 08/12/2012].

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UN CORPS - AUX PROPORTIONS HUMAINES

c- On peut tout de même se demander si en plus des parties du corps communes qu’elle a avec l’être humain, elle n’adopterait pas les proportions du corps humain? De nombreux arties, designers et typographes associent la lettre et le corps : Bruno Caiero avec son alphabet en fil de fer de corps humain dans une version assez contemporaine ou, les lettrines de Guiseppe Mitelli ou de Peter Flötner ; les exemples sont nombreux. Cette intuition fréquente de confrontation entre le corps et la lettre e-elle anodine? Par sa démonration, Geofroy Tory a juement cherché à trouver des correondances entre les proportions du corps humain et celles de la lettre. Tory e : d’abord imprimeur ou libraire, il e aussi un penseur de la langue française et un artie. Il participe au mouvement propre à son temps, celui de la Renaissance où l’Homme e placé au centre de toute chose. Cet humanie français, a créé de nombreux caraères d’imprimerie propres à la transcription du français. Le Champ Fleury, e un ouvrage conséquent qui réunit son travail porté sur le lien entre la lettre et l’Homme. Il s’inscrit dans le champ des explorations philosophiques et artiiques du XVIe siècle. À la période de la Renaissance, les arties, au conta de la médecine et des naturalies cherchent à établir des vérités interdépendantes, entre nature et produion humaine. Les lettres sont si naturellement bien proportionnées que, à la ressemblance du corps humain, [elles] sont composées de membres, c’e-à-dire de nombre de points et de lignes consiant en égale partition...14

14. Geoffroy Tory.

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UN CORPS - AUX PROPORTIONS HUMAINES

Geoffroy Tory, Champ Fleury, XVIe s. [En ligne] http://paris.blog. lemonde.fr/2007/06/28/ champ-fleury-pargeofroy-torynumerisation-catarophede-la-bnf/, 28 juin 2007, [Consulté le 14/01/2013].

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UN CORPS - AUX PROPORTIONS HUMAINES

Ainsi les conruions alphabétiques de Tory mêlent le corps humain au corps typographique. Selon Geoffroy Tory, le A a la même largeur que celle des bras mis à la perpendiculaire du corps. Sa pointe se cale sur le haut de la tête. La barre horizontale se place à la hauteur des yeux sur le visage lorsque la lettre e mise en comparaison au visage et à la hauteur du sexe lorsque la lettre e superposée sur le corps entier de l’homme. Le I e associé au corps humain debout et droit et donne de plus, l’axe symétrique du visage. Le O ferait alors référence au corps humain avec les bras et les jambes écartés de 45 ° du corps. Il e amusant de remarquer que la lettre a puisé de nombreuses ressources dans le corps humain pour se former elle même. Le lien fort qui unit la lettre et le corps s’affirme d’autant plus dans le fait que l’on tranose souvent aujourd’hui la morphologie de la lettre à celle de l’Homme. On dit par exemple « un homme ou une femme taillé en V». Ces différentes citations associent une lettre à la description morphologique au niveau des épaules, de la poitrine et des hanches sur le corps humain. La morphologie en A : épaules étroites, petites poitrines et belles hanches. La morphologie en X : poitrines généreuses, fine taille, hanches prononcées. La morphologie en V : épaules prononcées, poitrines généreuses, hanches étroites. La morphologie en I : silhouette fine, petites poitrines, hanches étroites. La morphologie en H : épaules prononcées, taille droite, silhouette ortive.15

15. Morphologie des lettres [En ligne] http://www.modetendance-by-helline.fr/ guide-morphologie-mode [Consulté le 2/02/2013].

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UN CORPS - UNE MORPHOLOGIE HUMAINE

Une dernière citation montre encore une fois que la lettre a forcément un lien avec le corps humain de par sa formation et finalement de sa ruure même. 16. Roger Druet, Préface à La civilisation de l’écriture, Ed. Fayard, Dessain et Tolra, 1976. Silhouettes « Morphologie : je suis un A ou une poire » [En ligne] http://mybeauty.over-blog. com/categorie-1 2182692.html mercredi 20 février 2013.

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Tout livre e donc utile qui nous apprend à diancer la simple leure et nous donne l’idée de voir dans la lettre, à l’égal des anciens calligraphes, la projeion énigmatique de notre propre corps.16


UN CORPS - DES ARTICULATIONS

d- La lettre possède-t-elle des articulations, des muscles? Pourrait-elle alors se mouvoir? Catherine Zask e une graphie, typographe et artie française qui occupe aujourd’hui une place importante dans le design graphique. Les lettres sont sa matière, ses signes. Elle les décompose ou les ordonne comme pour mieux en révéler le sens, en faire des images. Elle conruit une grammaire, ruure la création en la décomposant méthodiquement pour s’exprimer par le signe, laisser une trace, diiller un message. Elle prend toujours la lettre comme point de départ.17

17. Guillaume Frauly, Les lettres sont sa matière... [En ligne] http://www.catherinezask. com/whoszask/?page_ id=1832 , 02/2004 [Consulté le 2/02/2013].

Par ses différentes décompositions de la lettre, elle montre que la lettre e un signe articulé, et désarticulable. Elle passe du signe connu aujourd’hui au tracé, à la ligne. Ces expérimentations témoignent que la lettre e bien dotée d’articulations qui lui permettent de se transformer et d’être, un être mouvant. Catherine Zask a fait un travail méticuleux de chirurgien avec Alfabetempo, elle cite d’ailleurs : « Si, avec Alfabetempo, j’ai dépecé la lettre jusqu’à l’os (les temps du tracé) », extrait d’une interview pour Lure. Cette typographie a été créé en 1993, lors de son séjour à l’Académie de France à Rome. Dans les photographies de son atelier sur place, on observe de grandes feuilles blanches étendues au sol ou au mur avec des signes graphiques noirs qui semblent issus de la lettre. En effet, elle fragmente les temps du tracé de la lettre R au pinceau à l’encre noire. Sous cette forme, les fragments de la lettre ont parfois des allures humaines ou des hiéroglyphes. Les irrégularités du tracé forment des renflements qui pourraient prétendre à des muscles de la lettre. Dans cette idée, on y voit presque des membres dansants sur la feuille, qui elle, figurait la scène. On pourrait donc peut être assimiler les rythmes du tracé d’une lettre avec les points d’articulation. Un signe attire particulièrement l’attention, celui qui semble être

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UN CORPS - DES MUSCLES

Catherine Zask, «Alfabetempo », Rome 05, [En ligne] http://www. catherinezask.com/ #alfabetempo/rome/05 [Consulté le 16/11/2012].

Rome 03.

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UN CORPS - DES MUSCLES

allongé à l’horizontale sur sa feuille blanche. Ce signe très certainement réalisé lui aussi à l’encre, a des épaisseurs plus ou moins importantes, qui marquent comme un décalage entre les différents membres. D’après ce visuel on pourrait diinguer de ces sur épaisseurs comme des muscles à la lettre décomposée. Ne pourrait-on pas alors voir de ce tracé une lettre en train de faire des abdominaux? Une autre typographie, la Cousu-Zask permet d’amorcer une seconde idée. Cette typographie élaborée par des modules aux bouts arrondis s’alignent à plusieurs, pour conituer une lettre. Sur le site de Catherine Zask, chacun des modules de la lettre e animé et se fixe pour révéler la lettre. D’une certaine façon on pourrait considé-

Rome 02.

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UN CORPS - DES ARTICULATIONS

rer que chaque module e comme un os du squelette qui ruure la lettre. En allant plus loin, on pourrait imaginer en développant cette idée que ces modules pourraient s’emboîter plus finement comme sur le corps humain. Le croisement des tracés déterminerait alors l’articulation de la lettre. Ces deux typographies montrent que les créations contemporaines de typographie reviennent d’une certaine façon à leur essence du fait qu’elles reviennent à un tracé, comme une entaille. Elles posent également des queions propres au corps de part leur conception. C’e ainsi que le travail de Catherine Zask s’inscrit dans la réflexion établissant le lien entre le corps humain et la lettre. Catherine Zask, «Cousu-Zask », typographie 01, [En ligne] http://www. catherinezask.com/ #cousu-zask/ typographie_01 [Consulté le 16/11/2012].

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UN CORPS - DES ARTICULATIONS

Catherine Zask, «Cousu-Zask », étude de K, [En ligne] http://www.catherinezask. com/#cousu-zask/etude_ de_k_02 [Consulté le 16/11/2012].

typographie 3.

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UN CORPS - DES ORGANES VITAUX

e- La lettre se conruit-elle autour d’organes vitaux?

18. Larousse « organe».

L’organe vital se définit comme un organe qui a la nécessité d’être présent dans l’organisme pour que l’être puisse vivre. Pour bien comprendre, un organe e considéré comme : « une partie du corps d’un être vivant nettement délimitée et exerçant des fonions particulières. ».18 Cette définition retranscrite à la lettre pourrait revenir à se poser la queion de la lisibilité. Jusqu’à quel point peut-on réduire la lettre pour qu’elle exie encore en tant que telle ? Suite à différentes expérimentations sur la lisibilité de la lettre, on a remarqué que lorsque l’on cachait une partie de la lettre, celle-ci était plus lisible en général sur sa partie supérieure que sur sa partie inférieure. On peut le vérifier avec l'affiche de Gabor Palotai, graphie suédois, ayant déjà reçu de nombreuses diinions telles que le Red Dot en 2007 et le prix design de la République fédérale allemande. En effet, sur la troisième ligne, on peut encore deviner le mot eonia. Les lettres que l'on diingue le mieux malgré une amputation d'une partie d'elle sont le a minuscule, le s, le t, le o et le i. Mais pour aller plus loin, serait-elle plus lisible dans un rond, dans un carré, un triangle ? Ceci déterminerait alors la forme de son organe vital ? Je mets à présent en comparaison deux affiches suplémentaires, une seconde de Gabor Palotai et une de Fons Hickmann m23, un udio berlinois, composé de graphies, musiciens et théoriciens. La direion du udio e menée par Gesine Grotrian-einweg, Markus Büsges et Fons Hickmann, qui e professeur à l'Université des beaux-arts de Berlin. Prenons, les différentes vues en coupe du A majuscule que nous offre ces affiches. Dans celle de Gabor Palotai, on conate que le A e lisible même s'il e rereint par le haut de sa tête, c'e à dire par sa pointe. Dans celle de Frons Hickmann m23, le A a été coupé en sa moitié verticale en diagonale, ce qui lui supprime une jambe. Celui-ci arrive encore à vivre. L'expérience qui

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UN CORPS - DES ORGANES VITAUX

Gabor Palotai, poer pour l'exposition Eonia, au musée maritime de Stockholm Sjöhioriska, en Suède, en 2005.

e faite sur le B dans l'affiche de Fons Hickmann m23 montre que la lettre e largement reconnaissable par ses deux arrondis verticaux, qui font croire que cette lettre attend des jumeaux. Pour le E, ce qui e étrange c'e qu'il arrive à exier même si aucune partie de son corps n'e reliée. Les trois barres horizontales permettent d'imaginer sa présence. Le D, le I, le S reent lisibles autant sur leur moitié

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UN CORPS - DES ORGANES VITAUX

supérieure que sur leur moitié inférieure. Le H, le M, le N, et le T illurent quand à eux le fait que leur organe vital se trouve très certainement sur leur partie supérieure, c'e à dire en tête de leur corps. Le G majuscule e un individu à part, son organe se situerait plutôt au pied de la lettre au niveau de son bras qui revient vers sa panse.

Gabor Palotai, 111 Posters, livre, World Graphic Design #1 le Graphisme à travers le monde, Maia Francisco, 2009, p197.

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UN CORPS - DES ORGANES VITAUX

Fons Hickmann, Touch Me there, livre, Fons Hickmann m23, World Graphic Design #1 le Graphisme à travers le monde, Maia Francisco, 2009, p 183.

Ainsi, les différents usages de la lettre par les graphies, typographes et dessinateurs de caraères, permettent en effet de définir quelle partie du corps de la lettre e la plus vitale pour elle, soit le cœur de la lettre.

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UN CORPS - DES BESOINS VITAUX

B- Comment la lettre vit-elle? A-t-elle des besoins vitaux pour fonionner? Si la lettre e un corps vivant comme il a été démontré précédemment alors celle-ci a-t-elle des besoins nutritifs?

Stefan Sagmeier, Richard The, & Jœ Shouldice Self-Confidence produces fine results, for Deitch Projects, 2008.

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UN CORPS - DES BESOINS ALIMENTAIRES

a- Comme l’Homme, la lettre a-t-elle des besoins alimentaires? A-t-elle soif, faim? Les besoins alimentaires de l’Homme sont les différents éléments qu’ils ingèrent et qui permettent au corps de fonionner et d’exier. Ils peuvent être solides ou liquides ; d’origine végétale ou animale. Si l’on adapte cette définition à la lettre, alors elle se serait tout d’abord nourrit de pigments, lorsque ses premières traces reposaient dans les grottes de la pré-hioire. Puis, c’e le manque qui a permis de la conruire, le retrait de matière dans la roche, la pierre, l’argile qui l’a fait vivre. Plus tard, comme la décrit Rémy Peignot dans son ouvrage De plomb, d’encre et de lumière, elle s’e fortifiée grâce au plomb et se couchait régulièrement sur le papier. Lors de l’invention de l’imprimerie au XVe siècle, elle a changé son alimentation pour se nourrir essentiellement de liquide : d’encre. Puis à l’heure du numérique vers 1940, quand le premier ordinateur a fait son apparition elle s’e conruite grâce à des matrices, avec comme unité des bits. Ensuite, c’e le veoriel qui lui a permis d’exier sous différentes formes sur les écrans. La télévision, l’ordinateur, l’i-pad, sont ses nouvelles demeures. La lettre ne se contraint pas au régime imposé par l’État français avec le slogan « ne manger pas trop gras, trop sucré, trop salé » et ingère une quantité trop importante de sucre avec Stefan Sagmeier et Marian Bantjes comme cuisiniers. En ce qui concerne les « 5 fruits et légumes par jour », Stefan Sagmeier va presque à l’overdose de bananes pour la lettre dans sa recette de “Self-confidence produces fine results.” Stefan Sagmeier concoe des mets plus classiques pour la lettre comme : de la saucisse, de l’oignon, mais parfois cela devient très intrigant : avec des brindilles, du fil, des vêtements, des chaises et meubles, de la paille et même du caus! Les enfants aiment souvent lui préparer des pâtes d’ailleurs.

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Stefan Sagmeier, Trying to look good limits my life, Things I Have Learned in my life so far, 2005.

Marian Bantjes for Stefan Sagmeister, If i want to explore a new direction professionally, it is helpful to try it out for myself first, Things I Have Learned in my life so far, 2005.

Stefan Sagmeier, comes, Things I Have Learned in my life so far, 2005.

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Stefan Sagmeier, Trying to look good limits my life, Things I Have Learned in my life so far, 2005.

Marian Banjes, I want it all, [En ligne] http://g2410.blogspot. fr/2010/10/typobjets.html [Consulté le 16/01/2013].

typo-pates [En ligne] http://franckrivoire. free.fr/NUP/index. php?2008/07/07/66typo-pates [Consulté le 23/02/2013].

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UN CORPS - DES UNIONS

b- La lettre se reproduit-elle pour assurer sa pérennité? Que penser alors du phénomène des ligatures? E-ce une reproduion ou plutôt une alliance, une union? 19. Jacques André, Cahier Gutemberg, n°22 (1995), p. 1-4.

#

Le mot « ligature » vient de ligatura, du latin ligare : « lier ».19

Selon Jacques André, il exie plusieurs type de ligature : les abréviations, les lettres à combinaison, les caraères « per se », les ligatures ehétiques, les ligatures techniques, les ligatures linguiiques et les ligatures contextuelles. Les abréviations datent de l’antiquité, on les retrouve sur les inscriptions lapidaires, dans les notes tironiennes etc... Très nombreuses au XVe siècle, elles diaraissent au cours des siècles car elles rendent difficiles les compositions. On peut citer une abréviation qui subsie encore aujourd’hui, surtout sur nos claviers d’ordinateur, c’e le signe « # ». Les lettres à combinaison peuvent être considérées comme des lettres voisines, qui sont soudées plutôt que liées. Pour exemple, on peut se référer à la bâtarde bourguignonne redessinées par Thierry Gouttenègre. Les caraères « per se » se réfèrent aux digrammes et aux trigrammes.

20. Littré, «digramme» et «trigramme».

Un digramme e : un groupe de deux lettres dont la valeur pourrait s’exprimer par un seul caraère.20 Un trigramme e : un sigle composé de trois caraères réunis.

Ces glyphes peuvent émerger de graphies manuscrites très anciennes dont on ne reconnaît pas toujours l’origine. Ces caraères sont devenus pour certains, des caraères à part entière. Celui que l’on rencontre le plus fréquemment e l’eerluette « & », qui e la graphie du digramme latin « et » et le signe @, dit « à commercial », plus connu sous le nom erroné d’arrobace, qui e la graphie

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UN CORPS - DES LIGATURES

@

contemporaine de l’onciale « ad » du latin. Faisons un zoom sur le formation du couple e et t. e et t La rencontre du e et du t e aussi vieille que le romain cursif et le capital. Elles se sont d’abord données rendez-vous sur la pierre. Puis les moines calligraphes du Moyen-Âge ont entremis encore plus fréquemment leur alliance. Cette hioire d’amour e si célèbre qu’on lui a attribué le nom : d’eerluète ou eerluette en France. Leur confrontation a donné naissance à la 27e lettre de l’alphabet qui s’appelle « ète » mais qui n’e plus reconnue aujourd’hui. Cette hioire s’e produite sur tout le continent européen et notamment en Angleterre. Bizarrement, il e dit que leur fusion e due à un manque de place, mais il e vrai que leur union a aussi une forte part d’ehétique. D’ailleurs, les ligatures ehétiques ou dites « traditionnelles », issues des manuscrits anciens, traduisent, quant à elles, le duus de lettres traditionnellement liées par les copies. Les plus fusionnelles sont les «  » et les «  » du Garamond, que l’on retrouve dans les ouvrages de la Pléiade. Cette union des lettres serait donc plus une union d’attirance physique. Les ligatures techniques réfèrent à des problèmes mécaniques survenus lors de l’usage des caraères en plomb. Les lettres fl, fi, ff, ffl, ffi, sont fondues ensemble, parce que la bouclette supérieure en saillie de la lettre f rencontrant le point de la lettre i ou l’extrémité supérieure de la lettre l occasionnerait par pression latérale la rupture d’une de ces deux parties, peut-être des deux, et conséquemment, outre un ae fâcheux, la perte de ces lettres mutilées 21.

&   fi

21. Émile Leclerc, Traité de typographie, [8, page 92], 1947.

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UN CORPS - DES LIGATURES

En imprimerie, certaines lettres avaient tendance à rentrer en confrontation. Elles n’arrivaient pas à s’accorder les unes aux autres. Pour éviter le conflit et la rupture, les imprimeurs les ont donc incitées à se réunir et même à fusionner. Ce type de relation pourrait donc correondre à un mariage arrangé.

22. Jérôme Peignot, Petit traité de la ligature, In: Communication et langages. N°73, 3ème trimere 1987, pp. 20-36.

Sous les empereurs romains, des lettres comme N et E, N et O, M, H et N étaient souvent réunies dans les inscriptions grecques appliquant à l’épigraphie des ligatures qui foisonnaient dans les manuscrits. À Rome, bien entendu, on n’était point en ree et, souvent, pour gagner de la place, on soudait AR, CO, PI, MAE, etc. 22

Il exiait donc déjà des relations à deux ou trois partenaires, pour gagner de la place.

Les ligatures linguiiques sont selon Yannis Haralambous des « caraères per se » comme ci-dessus, mais contrairement à ceuxci, on les retrouve encore aujourd’hui, par exemple le « œ ». o (O) et e (E)

Œ

La lettre Œ / œ, dite « o e liés », « o e entrelacés », « o e collés », « o e mêlés », « o e bouclés », « e dans l’o » e de part son appellation un exemple de pénétration entre deux lettres. On pourrait y voir d’une certaine façon un ae de reproduion qui engendrait non seulement un nouveau signe, un digramme, mais aussi la naissance d’un nouveau son : un phonème. Dans ce signe, on retrouve une part équivalente des deux précédentes lettres. Ce couple s’e formé dans le latin médiéval et moderne, ainsi qu’en français, en anglais et en vieux norrois. En allemand, certaines ligatures se doivent de reeer des contraintes morphologiques : les ligatures en f ne se font que si

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UN CORPS - DES LIGATURES

les deux lettres appartiennent au même radical du mot. Pour ce contexte le terme qui conviendrait, serait un mariage de raison. Aujourd’hui encore certaines lettres s’embrassent cachées dans la page comme : Æ, Œ, æ,œ, ffi, ffl, fl, , , ft... V et V = W Le graphème W e une hioire de jumeaux. Leur alliance a la légitimité d’une lettre de l’alphabet. Hioriquement, c’e la ligature de deux v d’où son nom, le « double v ». Ce seraient les scribes médiévaux anglais qui, étant dépourvus de graphème pour noter le w de leur langue, auraient liés les deux « u » ou les deux « v » (puisque ce n’e qu’au XVIe siècle que la diinion commence). Pour les Romains c’était moins difficile puisque le u et le w s’écrivaient dans leur langue avec la lettre V.

W

Les scribes normands suite aux vioires consécutives de Guillaume le Conquérant ont réintroduit le digramme uu sous une forme liée au XIe siècle. La lettre w e née et se dit d’ailleurs en anglais "double u". La ligature serait donc originaire d’Europe continentale. Ainsi, la lettre s'accole, se soude, s’accouple avec ses plus proches compagnes. Ces liaisons reent très fortes et sont toujours visibles aujourd’hui. Suite à l’énumération de ces entrelacements de lettres, il e intéres-

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UN CORPS - DES LIGATURES

sant de porter un regard sur le travail de Julien Priez. Julien Priez e un calligraphe, typographe et graphie. Un des ses principes de création typographique e d’envisager la ligature de n’importe quelles lettres. Un «a» par exemple peut être choisi sous la forme ouverte ou fermée selon s’il veut accueillir une autre lettre. Chaque lettre e éditable sur ordinateur sous ce principe. Il s’agit donc bien d’une réflexion de ligature entre les lettres. Ses typographies brisent donc les règles pré-établies pour que chaque lettre puisse s’unir librement même si la graphie de la lettre n’e pas issue d’une scripte.

23. Maximilien Vox, Nouvelle Classification des caraères, École Eienne, 1954.

Aucune n’e inféconde, elles engendrent sans cesse, se croisent comme des lapins. Ce sont des êtres vivants depuis que nous leur avons donné des noms, à la façon du démiurge de la Genèse. […]23.s

Cette citation de Maximilien Vox, conclut cette partie, en affirmant de nouveau cette capacité qu’a la lettre de se reproduire et de se perpétuer et à cette issue fait notamment le pont avec le fait de donner des noms de famille pour les lettres.

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UN CORPS - DES LIGATURES

Julien Priez [En ligne] www.julienpriez.com [Consulté le 10/02/2013].

Julien Priez, Le Montreuil et Run, Boogypaper [En ligne] www.julienpriez.com [Consulté le 10/02/2013].

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UN CORPS - UNE PARENTÉ

C- La lettre exie-t-elle toute seule ou a-t-elle une parenté? L’être humain e automatiquement intégré au sein d’une famille quand il naît, qu’en e-il pour la lettre? 24. Raymond Gid, De plomb d’encre & de lumière, Essai sur la typographie & la communication écrite, Typo-Sensibilité de lettre à lettres, 1982.

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Et, jour après jour, ces vingt-six signes renaissent de leurs aînés, images des civilisations, des siècles ou des tempéraments. 24

Cette citation atteerait que la lettre a bien une parenté de laquelle elle e issue.


Pierre Abrioux, Hioire de l’alphabet, 1975.

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Tableau de Claude Médiavilla, De plomb d’encre & de lumière, Essai sur la typographie & la communication écrite, Typo-Sensibilité de lettre à lettres, 1982.

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UN CORPS - UNE PARENTÉ

a- La lettre a-t-elle un arbre généalogique? La lettre e-elle issue d’une descendance? Le tableau de Claude Médiavilla détaille l’Évolution de l’écriture, et donc des lettres, du Ier siècle après Jésus Chri jusqu’au XXe siècle. Ce tableau e l’arbre généalogique des familles qu’a pu intégrer la lettre de «a» à «z» de l’alphabet. La Ruica, la Cursive romaine et la Quadrata sont les ancêtres les plus anciennes de la Scripte, la Linéale, la Gothique de Koch et la Fraktur Grasse du XXe siècle. Au IVe siècle, une branche de l’Onciale Latine e apparue. Au VIIIe siècle, la Caroline primitive e née du mariage entre la Semi Onciale et la Cursive du VIIe siècle. La Mérovingienne s’établit comme cousine de la cursive au VIIe siècle. Par la suite, la Caroline traversa les siècles pour engendrer au XVe siècle l’Humanie. La Gothique née au XIIe siècle s’e engendrée par la Batarde, la Rotunda et la Textura du XVe siècle. La Textura enfanta la Fraktur au XVIe siècle que l’on retrouve encore au XXe siècle sous une forme plus grasse avec comme cousin germain: la Gothique de Koch. La Garalde du XVIe siècle se renouvela par le biais de la Réale du XVIIIe siècle, la Didone au XIXe siècle et la Linéale du XXe siècle. Du XVe siècle au XXe siècle, on assie un peu à un baby boom car les familles se sont multipliées considérablement. L’Humanie du XVe siècle généra consécutivement au fil des siècles : la Cancellaresca, la Batarde, la Ronde, l’Anglaise et la Scripte du XXe siècle.

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UN CORPS - UN AIR DE FAMILLE

b- Exie-il des ressemblances entre les différents caraères qui témoigneraient d’un air de famille? Morgane Rébulard, Le Polyglot, 2012, [En ligne] http://www.pointypo. com/morgane-rebulard-enconference-a-paris-viii/ [Consulté le 10/02/2013].

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UN CORPS - UN AIR DE FAMILLE

Morgane Rébulard e graphie, dessinatrice de caraère et éditrice. Elle e diplômée de l’École Eienne (DMA option Typogra­ phie – 2008) et de l’ÉSAD d’Amiens (DNSEP – 2010). Son travail sur le caraère le Polyglot, illure le fait que l’on peut parler « d’air de famille » entre différentes typographies. En effet, le Polyglot e une famille de 5 caraères typographiques : The Polyglot, El Poligloto, Le Polyglotte, Il Poliglotta, Der Polyglotte. Des frères et sœurs ou des cousins, cousines, ces caraères ont été dessinés selon son ressenti personnel suite à une étude hiorique des yles typographiques « nationnaux » de pays voisins. L’Angleterre, l’Eagne, la France, l’Italie et l’Allemagne sont les pays auxquels elle associe un yle de dessin de caraère. Ce caraère a été créé dans le but d’offrir une solution aux ouvrages multilingues sans qu’ils aient recours au bold ou à l’italique pour signaler une traduion du texte en anglais, en eagnol, en français, en italien ou en allemand. Sur l’image ci-jointe on remarque que les variations de dessin sont minutieuses et propres à chaque culture du pays. Dans Der Polyglotte par exemple, on reconnaît certaines cassures de la Fraktur. Ainsi le squelette de chaque lettre e commun à l’ensemble des variations du caraère Polyglot, cependant la diinion se joue sur des inclinaisons, des pentes, des arrondis, des ouvertures différentes. Audin remarque aussi que c’e vers 1850, que l’on commença à donner aux lettres des noms diinifs.25

25. René Ponot, Classification typographique, In: Communication et langages. N˚81, 3ème trimere, 1989. pp. 40-54.

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UN CORPS - FAMILLE DE THIBAUDEAU

26. Théorie Design graphic, Classifications typographiques [En ligne] http:/www.theorie designgraphique. org/?p=134 [Consulté le 5/01/2013]

Francis Thibaudeau (1860-1925), imprimeur parisien, publie en 1921 La lettre d’imprimerie, ouvrage dans lequel il présente le premier syème de classification typographique, établi d’après la forme des empattements des lettres. Connue sous le nom de « Classification Thibaudeau », cette typologie diingue 4 grandes familles : les élzévirs, les didots, les antiques et les égyptiennes.26

La classification de Francis Thibaudeau (1921) 1

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1- Elzévir : empattement triangulaire. 2- Didot : empattement filiforme ou dit trait fin horizontal. 3- Antique : sans empattement. 4- Égyptienne : empattement quadrangulaire. La classification de Maximilien Vox e une extension de la classification Thibaudeau, elle s’appuie sur les caraériiques formelles, l’hioire et le yle. Elle fait les différences hioriques et morphologiques nécessaires pour diinguer plus précisément trois familles (Humanes, Garaldes, Réales) au lieu du seul groupe Elzévir, et de deux familles (Scriptes et Manuaires) au lieu du seul groupe Ecriture chez Thibaudeau. Pour Vox, il en va de la vie même de la lettre, au sens de la biologie :

27. Maximilien Vox, Biologie des caraères d’imprimerie, dans Cahier Vox, Rencontres internationales de Lure, 1975.

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Chaque famille de caraères, selon la classification de Lure, possède son passé, son présent, son avenir. Chacune de ces familles correond à la fois à un yle graphique, à un moment de l’hioire, à un fait intelleuel.27


UN CORPS - FAMILLE DE THIBAUDEAU

Classification Thibaudeau bas de casse [En ligne] http://www.theoriedesign graphique.org/?p=134 [ConsultĂŠ le 5/01/2013]

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UN CORPS - FAMILLE DE VOX

Maximilien Vox, Classification des caraères, 1952.

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UN CORPS - FAMILLE DE VOX

La classification de Maximilien Vox (1952) 1-Manuaires : iniration des lettres dessinées au Moyen-Âge, avant l’imprimerie. 2-Humanes : iniration de la lettre romaine rénovée à la Renaissance. 3-Garaldes : iniration des créations classiques italiennes ou françaises. 4-Réales : iniration des caraères de labeur d’iniration du XVIIIesiècle. 5-Didones : iniration des typographies pures du début du XIXe siècle. 6-Mécanes : formes géométriques qui rappellent l’ère de la mécanique. 7-Linéales : types de caraères bâton, sans empattement de la typographie moderne. 8-Incises : iniration des inscriptions monumentales de l’antiquité (terminales élargies). 9-Scriptes : imite l’écriture courante ou manuscrite. Ces familles ont été déterminées d’un point de vue, c’e-à-dire selon les caraériiques réelles présentées par les modèles de lettres employées en imprimerie, et en tenant compte du fait que chaque être vivant procède de deux parents et présente des traits héréditaires qu’il suffit de savoir reconnaître. Le défaut, à notre avis, des classifications trop savantes ou trop subtiles proposées jusqu’ici, e de ne pas s’être appuyées sur cette notion essentielle de filiation ou de l’avoir réduite à une simple notion chronologique ou ehétique.28

28. Maximilien Vox, Nouvelle Classification des caraères, École Eienne, 1954.

Cette citation de Maximilien Vox ne trompe pas. Le terme famille employé pour les lettres e bien équivalent à la famille que l’on cite pour les humains, avec le lien de filiation qui unit des parents à leurs enfants. Sa réflexion suit la logique suivante :

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UN CORPS - FAMILLE DE NOVARESE

28. Maximilien Vox, Nouvelle Classification des caraères, École Eienne, 1954.

Comme la nature, la typographie crée des apparentements. […]Un enfant e toujours issu de deux parents, telle e la découverte à laquelle j’ai fini par aboutir. Une évidence d’ordre biologique […], c’e que chaque être vivant a deux parents. Un caraère demande donc à être considéré selon les lois de l’hérédité : arbre généalogique, pedigree officiel, illégitimités clandeines, surprises du génie, dégénérescence de l’in-brinding.28

Aldo Novarese, typographe italien contemporain, créateur de nombreux caraères pour la fonderie Nebiolo à Turin, propose une classification en 10 familles à partir de la forme des empattements. La classification de Aldo Novarese (1956) 1-Lapidaires : empattements triangulaires qui réfèrent à l’inrument qui permettait de tailler les lettres dans la pierre. 2-Ornées : empattements décoratifs. 3-Médiévaux : empattements marqués par l’outil de la plume, comme au Moyen Âge. 4-Égyptiennes : empattements reangulaires. 5-Vénitiennes : empattements triangulaires affinés par des courbures sur les côtés de l’empattement. 6-Linéaires : sans empattements, caraère dit « bâton ». 7-Transitionnels : empattements triangulaires plus fins et droit au pied de la lettre. 8-Fantaisies : terminaison de la lettre par une coupe diagonale au pied de la lettre.

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UN CORPS - FAMILLE DE JACNO

9-Bodoniens : empattement filiforme ou dit trait fin horizontal. 10-Écritures : scriptes, écriture plus manuelle. Marcel Jacno, graphie français considère que tous les alphabets sont ruurés de la même façon, c’e l’absence ou la différence de certains éléments d’alignement et décoratifs, qui détermine leur appartenance à l’un des quatres yles définit ci-dessous : La classification de Marcel Jacno (1978) 1-Linéale. 2-Romain Ancien. 3-Romain Moderne. 4-Égyptienne. Jean Alessandrini e un maquettie et illurateur de presse. Il réalise des couvertures pour les éditions Gallimard et collabore à la revue Pilote. Il s'inire de la classification biologique des eèces animales (dans laquelle préfigure l'homme comme mammifère). Il décrit les caraères par une succession de termes qualificatifs qui vont du général au particulier. Il propose 19 classes. La classification d’Alessandrini (1979)29

29. Jean Alessandrini, [En ligne] http://rocbo.lautre. net/illus/alessandrini/ codex80.htmorg/?p=134 [Consulté le 6/01/2013].

1-Les simplices : Simplices e le nom qu’il donne aux caraères bâton en remarquant que le nom de « linéales » se réfère à des lignes alors qu'en fin de compte, tous les caraères sont faits de lignes, sans être des linéales pour autant. 2-Les emparees : Le mot emparees e tiré des mots « empattement » et « reangulaires ». Il s’agit donc des égyptiennes que Vox appelle « mécanes » à un détail près : Alessandrini précise qu’il s’agit de caraères à empattements purement reangulaires.

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UN CORPS - FAMILLE D'ALESSANDRINI

3-Les emparees à congés : Le terme « à congés » e emprunté de l’architeure, il signifie que l’on a un effet d’arrondi entre le fût et l’empattement. 4-Les deltapodes : Être deltapodes signifie avoir les pieds en forme de delta. Il s’agit d’un type de caraère non prévu par Vox qui a des empattements purement triangulaires. 5-Les deltapodes à congés : Les empattements de ces deltapodes sont ronds. Difficile de diinguer cette classe de celle des filextres à congés ou celle des romaines. 6-Les filextres : Le mot « filextre » vient de « extrémité en forme de fil ». Ce sont donc des caraères à empattements filiformes. 7-Les Filextres à congés : Ce sont des caraères avec des empattements très fins mais « remplis ». 8-Les claviennes : Alessandrini fait un bras d’honneur à toutes les classifications en mettant tous les yles de caraère romain dans la même classe. Humanes, garaldes et réales, tout n’e donc que clavienne, dont le nom vient du latin clavis « clou » (les empattements ayant la forme de tête de clou). 9-Les romaines : Les romaines d’Alessandrini n’ont rien à voir avec les caraères romains. Ce sont les incises de Vox, autrement dit les caraères dont le dessin e iniré de la gravure sur marbre.

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UN CORPS - FAMILLE D'ALLESANDRINI

10-Les geuelles calligraphiques : Le terme « geuelle » désigne les scriptes qui se réfèrent à l’écriture soignée à la plume, ce qu’on appelle communément les écritures calligraphiques. 11-Les geuelles brossées : Contrairement aux calligraphiques, les geuelles brossées sont brossées au pinceau et se réfèrent plutôt à l’écriture manuscrite quotidienne qu’au travail des calligraphes. 12-Les onciales : C’e pratiquement la seule fois ou Alessandrini n’invente pas de nouveau terme. Les onciales désignent tout simplement les écritures inirées de l’écriture onciale. Cela inclut également les écritures dites « celtiques ». 13-Les germanes : L’écriture gothique a été « élue » aussi bien par les Allemands qui l’appellent deutsche Schrift, que par les Anglais qui l'appellent Old English. Alessandrini se laisse peut être influencer par des clichés culturels et appelle les gothiques germanes. 14-Les aliennes : E alienne toute écriture non latine. Aussi latino-centrie que l’ATypI quelques années avant lui, Alessandrini met, lui aussi, toutes les écritures du monde dans une seule classe . 15-Les exotypes : Une exotype e un caraère latin qui simule une écriture non latine, le plus souvent orientale. Ce type de caraères très amusants e souvent utilisé par la publicité pour créer une certaine ambiance et faire croire au leeur qu’il e capable de lire dans l’écriture simulée.

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UN CORPS - FAMILLE D'ALESSANDRINI

16-Les machinales : Il s’agit de caraères typiques des années soixante-dix, inirés des caraères de reconnaissance optique que l’on utilisait sur les chèques et les documents adminiratifs. Ces caraères symbolisaient alors l’informatique, la science-fiion, la robotique, bref, tous les fantasmes technologiques de cette décennie. 17-Les ludiques : E ludique tout caraère de « divertissement » donc, tout caraère dessiné dans le but de divertir, plutôt que d’être lu. 18-Les hybrides : Un caraère e hybride s’il présente des caraériiques de plusieurs classes. Les classes d’Alessandrini sont définies de telle manière que le fait d’être hybride ne peut être qu’un choix conscient du dessinateur. Ainsi, le Dynamo e une hybride simplice-emparee. 19- Les transfuges : Caraère à cheval sur plusieurs classes mais cette fois-ci ce sont les différentes graisses du caraère qui le font basculer d’une classe à l’autre. Sur l’exemple, le maigre e une clavienne alors que le gras devient une emparee. C’e donc une transfuge clavienne-emparee à congés. Ainsi le besoin de classification et d’identification de l’Homme, s’e opéré sur la lettre. Ceci témoigne une fois de plus le lien fort qui unit l’Homme et la lettre et accentue sa personnification.

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UN CORPS - IMMORTEL

D- La vie d’un être humain se définit sur la période de la naissance jusqu’à la mort de cet être, une lettre peut-elle mourir? Chaque être vivant voit une même finalité : la mort. La lettre peutelle vraiment mourir?

a- La lettre e-elle un être immortel? E-ce un être qui peut traverser le temps? La lettre e née après l’homme mais n’en a pas pour autant moins de résiance ; au contraire. Lorsque la lettre, à ses débuts, a marqué la pierre de son passage, il y a environ 6 000 ans, elle s’y e inallée pour une durée presque indéfinissable. Il e étonnant de conater encore sa présence sur les monuments tels que les temples égyptiens. Leur grandeur et leur valeur n’en sont que plus considérables. Les hiéroglyphes, qui érigent encore ces somptueux palais reent des écritures immortelles. Elles ont déjà vécu de 2000 ans avant J-C jusqu’à nos jours et ne sont pas prêtes de diaraître. Il e intéressant de remarquer que la lettre a d’abord voulu imprégner son support de façon durable puisque la pierre était une matière dans laquelle elle vit le jour en premier. Puis les livres lui ont assuré de circuler, de voyager et d’exier de façon étendue. Le plus vieux livre connu à ce jour date de 1800 ans avant J-C sur papyrus. Mais la lettre e-elle si immortelle que cela? Les termes d’orpheline et de veuve typographiques ne se rapportent-ils pas à la perte et à la mort? En typographie, une ligne veuve e la dernière ligne d’un paragraphe apparaissant isolée en haut d’une page, et une orpheline e la première ligne d’un paragraphe apparaissant isolée en bas d’une page.

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UN CORPS - MORTEL

30. http://www. orthotypographie. fr/volume-II/ langue_etrangere-lune. html#Ligne_creuse

Une orpheline n’a pas de passé, une veuve n’a pas d’avenir (l’orpheline e la première ligne d’un paragraphe, et la veuve la dernière). On peut aussi se souvenir que dans l’expression « Veuves et orphelines », la veuve e en premier (donc haut de page), l’orpheline en second (donc bas de page).30

Une ligne e une suite de lettres. Si cette suite de lettres e qualifiée veuve alors elle aurait perdu son mari, autrement dit elle a perdu le lien entre les différents groupes de mots qu'elle l’accompagnait. Si la perte et donc en quelque sorte la mort s’établit selon ces définitions qui se fixent soit en début ou en fin de phrase, alors le point serait-il l’incarnation de la mort? Lorsque l’on parle de point final, c’e la fin d’une narration, d’un récit, d’un propos écrit. C’e à dire que le discours e clos et s’arrête là. Dans ce sens, le point final pourrait être considéré comme une finalité et donc comme une mort.

Exemple d'une veuve.

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une 창me


Simon Page typography is everything #1 [En ligne] http://www.typographicposters.com/ simon-page/ [ConsultĂŠ le 01/03/2013].


II- La lettre e-elle habitée d’une âme? L’âme e un principe de vie, de mouvement et de pensée de l’homme, différent de l’erit, conçu comme aivité intelleuelle et fréquemment opposé au corps, du moins dans la tradition judéo-chrétienne.31

31. Larousse, « âme ».

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UNE ÂME - UNE PENSÉE

A- La lettre e-elle dotée d’une pensée?

32. Larousse, « langage ».

Samuel Johnson affirme que « le langage e l’habit de la pensée ». Le langage e la capacité, observée chez tous les hommes, d’exprimer leur pensée et de communiquer au moyen d’un syème de signes vocaux et éventuellement graphiques (la langue).32

Les lettres, conituant le langage écrit auraient-elles une âme? 33. R. Marichal, De plomb d’encre & de lumière, Essai sur la typographie & la communication écrite, L’erit des lettres par Rémy Peignot, 1982.

Tout se tient dans les œuvres de l’homme et l’écriture, au delà d’un simple mode de fixation des pensées, e aussi un autre langage - un langage qui met en forme les pensées en les transcrivant. Il n’e donc pas surprenant que des changements apparaissent dans la morphologie et le yle d’écriture, qui révèlent ou même annoncent des changements dans la mentalité ou le climat intelleuel.33

Sur cette citation, on pressent qu’il y a bien une connexion à faire entre la manière dont la lettre e écrite et une certaine mentalité, une forme d’intelligence qui émane de son auteur et donc par conséquent qui traverse la lettre. L’auteur dessine une lettre avec une intention. On dit souvent que l’intention de cet auteur e révélé dans l’ensemble de l’écrit mais cela va plus loin, c’e au cœur de la lettre qu'on retrouve également sa personnalité et son âme.

34. Rémy Peignot, L’erit des lettres, De plomb d’encre & de lumière, Essai sur la typographie & la communication écrite, 1982.

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De même que nos gees nous révèlent, l’écriture reflète notre personnalité et notre yle, la science graphologique l’a bien compris. L’écriture, c’e donc le sillage d’un mouvement figé désormais sur le papier, un peu comme les courbes laissées sur la glace par des patineurs. Le gee d’écrire e rythmique, aussi l’écriture suit-elle une cadence dont les lettres pourrait être les notes d’une partition musicale; des notes liées les unes aux autres suivant des formes, les ligatures, qui reent marquées par la personnalité de leur auteur. 34


UNE ÂME - LA GRAPHOLOGIE

La graphologie e l’interprétation de l’écriture considérée comme une expression de la personnalité. Pour accompagner l’expressivité des lettres la ponuation marque également des sentiments, des ressentis.  Point d’admiration (Ty) : ancien nom du point d’exclamation.   Point de réticence (Ty) : Nom donné aux trois petits points... 35

Ces deux exemples tirés du livre de David Alliot, Chier dans le cassetin aux aporophes, qui énumèrent les différents termes et expressions propres aux métiers du livre témoignent du fait que la ponuation transmet elle aussi des sentiments, des ressentis.

35. David Alliot, Chier dans le cassetin aux aporophes. Horay 2004.

Le point d’admiration qui e aujourd’hui le point d’exclamation, montre une forme d’enthousiasme du propos de l’auteur. Le point de réticence qui désignait auparavant les trois petits points traduit l’hésitation, une fin feinte, douteuse. La ponuation fait partie d’un ensemble expressif, dont les lettres font parties puisqu’elles sont inclues dans des mots. L'auteur fait ensuite le choix d'exprimer ses sentiments de manière plus ou moins démonrative.

a- La lettre a-t-elle une personnalité, une force de caraère? Par ailleurs, cette étude permet de se rendre compte qu’avec les mécanes, du fait de la personnalité dont ces lettres sont pourvues[...]36

Cette courte citation amène l'idée que chaque famille de caraère e bien pourvue d'une personnalité.

36. Jérôme Peignot, Petit traité de la ligature. In: Communication et langages. N°73, 3ème trimere 1987. pp. 20-36.

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UNE ÂME - DANS LES VOYELLES

37. Livre du Bahir, ouvrage de cabale juive. Le titre de cet ouvrage signifie Livre de la lendeur. C’e une œuvre hioriquement importante, parce qu’elle e le premier monument de la littérature cabaliique de l’occident et qu’elle a répandu les dorines de la philosophie myique, encore toutes jeunes et renfermées jusque-là dans quelques rares écoles. (I. Lœb). 38. La Torah e selon le judaïsme et le chriianisme, l’enseignement divin transmis par Moïse au travers de ses cinq Livres, ainsi que l’ensemble des enseignements qui en découlent. 39. e un hiorien et philosophe juif, écialie de la kabbale et de la myique juive. 40. matériel. 41. Dérivé de Hurufisme : mouvement panthéie (dorine philosophique selon laquelle tout e Dieu) qui divinise les nombres et les lettres.

graphie de la lettre alif 42. Désigne les cinq premiers livre de la Bible.

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b- Des voyelles qui représentent l'âme. Il e intéressant de conater la puissance qui e accordée aux lettres dans certaines cultures. Dans la myique juive, la séparation entre voyelles et consonnes e forte. L’un représente l’âme et l’autre le corps, soit le signifié et le signifiant. Dans le livre Bahir37, qui se présente sous la forme d’un midrash (recueil de sentences), se trouve une théorie des voyelles et des consonnes concernant la langue hébraïque. Les voyelles de la Thora38 sans les consonnes sont comparables à l’âme de la vie dans un corps de l’homme. Ce propos du livre Bahir se trouve pour la première fois chez Judas Halévi. Selon Gershom G. Scholem39 les voyelles représentent le psychique par opposition à l’hylique40 figuré sans les consonnes. Les voyelles apparaissent comparables à des points, donc à des cercles, et les consonnes sont de forme carrée. D’où l’on peut établir des corrélations : Dieu-âme-voyelle-cercle et tribus-corps-consonnes-carrés. Pour les Houroufis41, adepte de cette science, le nom* n’e autre chose que l’essence même de la chose nommée; or les noms sont tous enfermés dans les lettres du discours. Tout l’univers e le produit de ces lettres, mais c’e dans l’homme qu’elles se manifeent. Les lettres que Dieu a enseignées à Adam sont au nombre de 32. Certaines se sont perdues. De ces 32 lettres, une grande partie se retrouve dans les livres révélés. C’e ainsi que l’on retrouve 22 dans le Pentateuque42, 24 dans l’Évangile, 28 dans le Coran.43 Ainsi, l’alif44, première lettre de l’alphabet arabe, symbolise l’Unique qui seul e. Or, l’unité e aussi un attribut de Dieu : c’e pourquoi on voit cette lettre figurer en tête du nom d’Allah, et de celui d’Adam, car il embrasse toutes les choses (Coran, 41, 54) (HUAH, 9).

43. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Diionnaire des Symboles, Mythes, rêves, coutumes, gees, formes, figures, couleurs, nombres. p 564.

44. à ne pas confondre avec aleph qui e la première lettre de l’alphabet hébreux.


UNE ÂME - UN MESSAGE

Il e intéressant de notifier que certaines cultures et certaines croyances accordent à la lettre une symbolique forte. Le A dans l’alphabet arabe, qui s’emploie en début de mot, dans Allah pour désigner Dieu et dans Adam qui a été le premier homme créé sur terre, a une valeur d’unicité, de sacré. C’e de plus la première lettre de l’alphabet qui introduit toutes les autres. Cet exemple illure la croyance panthéie qui attribue en toute chose la présence de Dieu. De toute manière, les lettres de l’alphabet ont été conçues très tôt comme une matérialisation de la Parole divine (MASH, 589).

La éculation ésotérique musulmane s’e donné libre cours dans ce domaine. Elle a, par ailleurs, conduit à toute une science, la divinisation fondée sur les lettres et leurs correondances.

c- La lettre transmet-elle un message, communique-t-elle des émotions, une sensibilité?(en comparaison aux animaux) « Ces caraères servent à l’expression du message dont vous êtes le deinataire visé. »45 Secrets phonétiques, donc. Le K du T n’e pas le cas du café. Une déesse, à ne considérer que les consonnes, e une voiture pour mots croisés, et LN une belle et fatale Grecque. J’M les T ne veut pas dire que je détee l’I vert. JV peut indiquer un départ imminent, GCDOPDG une soumission de grévie. Il suffit d’y ajouter une petite barre à l’Hioire d’O pour avoir une hioire de Q. Qui sera d’ailleurs classée X.46

45. De plomb, d’encre & de lumière, essai sur la typographie & la communication écrite, 1982

46. Gilbert Salachas, préface de Jean-Claude Carrière, Lettres d’humour.

La lettre a une certaine puissance dans sa graphie, mais elle a également un phonème, un son propre, qui mêle un sens à la lettre. Le phonème de certaines lettres correond à des mots de la langue française. Dans ce sens, un jeu peut s’établir dans la leure des lettres et du sens phonétique qu’elles ont.

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UNE ÂME - UNE SENSIBILITÉ AMOUREUSE

d- La lettre peut-elle avoir des sentiments? Peut-elle tomber amoureuse? Dans un petit livre nommé « Chier de le cassetin aux aporophes », se trouve une multitude de trésors du discours des imprimeurs, des typographes, des relieurs, des papetiers, des éditeurs, des libraires, et des bouquinies. Dans celui-ci e caché un mot qui nous e familier et qui e couramment usagé, c’e le mot : Amour. Pour les personnes qui sont les amis les plus proches de la lettre ce terme a une définition bien particulière. Amour : (Imp) : Porosité de l’encre sur un papier. Les ouvriers imprimeurs disaient qu’il y avait de l’amour quand la feuille de papier acceptait bien l’encre. Un papier qui avait de bonnes qualités d’impression était qualifié d’amoureux. ÉTYM. Comme dans beaucoup de choses il faut qu’il y ait deux «partenaires» pour que cela se réunisse...

47. Raymond Gid, De plomb d’encre & de lumière, Essai sur la typographie & la communication écrite, De lettre à lettres, 1982.

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La lettre pourrait donc entretenir une relation privilégiée avec son support. C’e la réunion de deux êtres d’eèces différentes, qui s’acceptent de façon à ce que chacun ait la place de s’exprimer. Les lettres sont liées pour un certain temps et vivent côte à côte. En reprenant l’exemple de l’encre qui forme la lettre, qui crée son exience ; il devait être essentiel que le papier ne domine pas la lettre, sa visibilité. Sous cette condition, l’union était parfaite telle un mariage d’amour. Il e d’ailleurs amusant de relever cet extrait : « il y avait, en typographie, ce plaisir quasi physique de la frappe du papier. »47. Cette citation évoque la confrontation entre les caraères en plomb et le papier. On pourrait croire qu’il exie une certaine attraion entre la lettre et le papier. La lettre a alors eu de nombreux partenaires et amants dans l’hioire : la pierre, le bois, l’argile, l’os, le cuir, le métal, le papyrus, le tissu, l’ardoise, le bambou, le papier...


UNE ÂME - UNE SENSIBILITÉ AMOUREUSE

Elle a même fréquenté des prétendants très séduisants comme : la soie, l’ivoire, l’or, l’argent, le cuivre, le bronze, le lapis-lazuli, la cornaline, l’agate, la dioùte noire ou l’albâtre. Le sable quant à lui e l’un de ses prétendants le moins fidèle. Il tient moins à elle. Néanmoins le marbre, lui a offert la folie des grandeurs, et aussi un amour éternel.

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des faiblesses


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III- Une faiblesse physique et morale A- La lettre peut-elle être blessée physiquement? Les blessures fragilisent le corps. La faiblesse d’un corps pour Nietzsche n’e que la preuve qu’il e bien vivant. « Faiblesse (Imp) : Impression moins prononcée sur une partie de la feuille. Le receveur disait alors que l’impression avait une faiblesse. Cf. Feinte. »48

48. David Alliot, Chier dans le cassetin aux aporophes. Horay 2004. Mikser Festival 2012, Michael Mayer.

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FAIBLESSES - PHYSIQUES

a- Lettres lacérées Jacques Villeglé e un plaicien français né en 1926, appartenant au nouveau réalisme. Depuis 1949, sa démarche s’exécute dans la répétition de lacération d’affiches publicitaires, de cinémas de quartier d’avant la crise, d’affiches de théâtre ou de concert provenant des anciennes colonnes Morris, du métro ou des rues. C’e de son gee qu’il forme son art et offre une nouvelle leure de l’affiche. Par son gee primaire de dégradation d’objets publiques du quotidien, il exprime sa propre « guérilla des images et des signes », « d’un gee rageur, le passant anonyme détourne le message et ouvre un nouvel eace de liberté ». Sur le visuel ci-joint, cette lacération porte sur une affiche uniquement textuelle. Chaque lettre e différemment blessée par le passage féroce de Jacques Villeglé. La détérioration de la lettre endommage la leure, la hache. Seul le prénom « JEAN » et « ÉCHAPP » survivent à l’attaque. La terminaison du sous entendu verbe échapper n’a pas réussi à fuir à l’arrachement de Jacques Villeglé. La lettre e déchirée, séparée de certains de ces membres. Dans cet exemple, on peut comprendre que la lettre peut être affaiblie et blessée physiquement. Le passant doit alors déchiffrer le message, comme un archéologue. Les multiples couches de papier sont comme des bandages qui protègent, conituent la lettre, et la momifient. La lettre n’e donc pas un être inébranlable. Elle peut aussi vieillir avec le temps selon l’endroit où elle e exposée et aussi subir des violences corporelles.

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FAIBLESSES - PHYSIQUES

Jacques Villeglé, « La lettre lacérée » [En ligne] http://www.galerievallois.com/arties/ jacques-villegle.html++/ image/villegle_02_lettre_ lacree_03_64 metro_sentier.jpg/ [Consulté le 21/01/2013].

Christof Nardin, agcn, affiche, Cuts : Fashion/ Graphics/Theory , Université des arts appliqués de Vienne World Graphic Design # 1 le Graphisme à travers le monde, Maia Francisco, 2009, p 124.

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FAIBLESSES - PHYSIQUES

b- Lettres démembrées Cette couverture de magazine présente plusieurs lettres dont le corps a été démembré de 4 à 5 fois, selon une logique verticale. Les mots de The La Magazine, le titre de l’ouvrage, reent lisibles mais on ressent que les lettres ont été accidentées. Fro Design l’auteur de cette création graphique, a coupé en bandes reangulaires et verticales le corps de la lettre pour le décaler, le décomposer. Dans ce travail, on retrouve une certaine mécanique dans le sytème de produion de la lettre. Cette déconruion de la lettre pourrait rejoindre le terme de « La » pour marquer une fin ravageuse, apocalyptique, qui détruit et qui ferait trembler la lettre.

Gabor Palotai, Leucocyte, [En ligne] http://www.rawtype. co.uk/general/gaborpalotai-design [Consulté le 01/03/2013].

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FAIBLESSES - PHYSIQUES

Fro Design, The la magazine, couverture de livre de David Renard, World Graphic Design # 1 le Graphisme à travers le monde, p 190.

Les lettres ont donc la capacité de prendre une forme pour matérialiser une idée, un concept fort au service du sens des mots qu’elles engendrent. Pour cela, leurs corps se décomposent et s’abîment au service de l’idée dont elles témoignent.

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FAIBLESSES - PHYSIQUES

c- Lettres écorchées Le théâtre la Tempête a fait le choix d’utiliser une typographie numérique qui présente la lettre de manière hétérogène, comme si elle avait été écorchée. Des ruptures à certains endroits se marquent au niveau de la taille du fût de la lettre, et semblent quelque peu aggressives. On dirait que la typographie a été épluchée. Lorsque son corps e plus fin, la lettre semble être fragilisée. La lettre peut donc apparaître sous des traits meurtris. Ce choix de typographie numérique s’associe-t-il avec le mot tempête du théâtre? Serait-ce le ree des lettres ayant résié à une violente perturbation atmohérique? C’e le lien que l’on peut établir entre le logo du théâtre et le choix de la typographie. On peut donc bien affirmer que la lettre e un corps vivant, en suivant la logique de Nietzsche qui juge un corps vivant sur la caraériique de sa faiblesse corporelle.

Programmation, Théâtre de la Tempête, [En ligne] http://www.la-tempete. fr/index.php5?menu=5& saison=saison+2012+20 13&fiche_eacle=143 8&presentation=1&diap orama=1 [Consulté le 01/03/2013].

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FAIBLESSES - PHYSIQUES

d- L’arrachement et les membres fantômes Le travail sur les lettres de cette affiche du film de Joaquin Phœnix avec Casey Affleck, insie sur le fait que la personne e toujours là. Les lettres sont alors partiellement effacées. Le membre fantôme e un membre qui n'exie plus et pour qui le propriétaire ressent encore la présence. La lettre peut alors figurer ce ressenti et aurait elle aussi éprouver la présence d'un membre diaru.

Joaquin Phœnix, I'm still here. [En ligne] http://www.kellerhouse. com/#/?item=33 [Consulté le 01/03/2013].

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FAIBLESSES - MENTALES

B- La lettre peut-elle être malade psychologiquement? La maladie psychiatrique révèle d'un mal intérieur qui se traduit par des symptômes qui se lisent sur l’être touché. En quoi une typographie peut présenter des troubles de la personnalité? (le syndrome dissociatif : la schizophrénie )

a- Perte de cohésion et d’unité de la personnalité Dans la typographie de la Dead Hiory de P. Scott Makela conçu en 1990, la logique de conruion de la lettre diffère de ces ancêtres. La formation d’une lettre se fait généralement dans un souci, d’unité, de cohérence et aussi donc d’une certaine symétrie. La Dead Hiory combine plusieurs caraériiques de différentes typographies issues de l’imprimerie et du numérique. Tout d’abord, on remarque qu’elle associe des empattements fins avec des terminaisons parfois arrondies. Lorsque l’empattement e manquant on se demande alors s’il ne s’agit pas d’une amputation du pied de la lettre. La variation de graisse e aussi un élément qui visuellement interroge puisque la lettre forme ensuite un mot très hétérogène. Dans ce sens et dans ce manque d’unité on pourrait croire que la lettre e affeée d’une maladie psychiatrique telle que la schizophrénie.

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FAIBLESSES - MENTALES

b- Entre Majuscule et minuscule (Entropy et Orey) Au croisement d’une elzévir majuscule et d’une minuscule à empattement égyptien tel que la mécane, Entropy de Stephen Farell de 1993, se conitue sur un dédoublement de typographie d’imprimerie. La lettre dans un état assez déruuré e parfois asymétrique, bancale, penchante... Sa poure diffère de l’équilibre que va chercher ses ancêtres. De nombreuses ruptures de formes apparaissent donnant la sensation d’une lettre éclatée, totalement hybride. Cet assemblement ne témoignerait-il pas d’une bipolarité de la lettre? Orey, créée en 1993 par Stephen Farell e un exemple intéressant qui comme Entropy, témoigne d’une indécision de la lettre à se fixer en tant que majuscule et ou minuscule, on pourrait dire entre sa forme adulte et enfant. Sa ruure s’établit en sa base par la lettre minuscule et en sa tête par sa forme majuscule. C’e comme si on assiait à la mutation de la lettre de son état d’enfant à celui d’adulte. Cette typographie serait-elle alors la représentation de l’adolescence pour la lettre? Ou s’agirait-il d’un état maladif des personnes qui n’arrivent pas à se situer entre son comportement d’enfant et celui d’adulte? Cette typographie e plus nerveuse que sa sœur qui e ci-dessus et qui présente le même trouble.

Entropy, http://www.myfonts. com/search/Entropy/ fonts/

Orey, http://www.myfonts. com/search/orey/ fonts/

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FAIBLESSES - MENTALES

c- La lettre peut-elle avoir des crises de folie? Les lettres de cette affiche pourrait se rapprocher d'un comportement de tétanie. Les membres des lettres semblent être tous raidis, comme si les muscles de la lettre était pris de convulsion. Le K et le T marquent plus particulièrement cette poure, les bras ou les jambes se tendent et se recroquevillent.

Aleksandra Niepsuj, Affiche [En ligne] http://www. typographicpoers.com/ aleksandra-niepsuj/ [Consulté le 01/03/2013].

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FAIBLESSES - MENTALES

d- La lettre confusion, indécision? Sur cette affiche les lettres se croisent et s'emmêlent. On a l'impression d'avoir à faire à un erit confus, indécis. Progressivement, cette torture d'erit s'éteint et se meurt jusqu'au «Dead» final. Anna Jordan, [En ligne] http://www. typographicpoers.com/ anne-jordan/ [Consulté le 01/03/2013].

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ENTREVUE FRANÇOIS WEIL Transcription de l'entretien avec François Weil du dimanche 24 février 2013 au café Zimmer, place du Châtelet, Paris : Portrait François Weil, [En ligne] http://etapes.com/lisibleillisible [Consulté le 23/02/2013].

François Weil : F.W Marine Chauvat : M.C M.C : Quel e votre métier ? F.W : Ça s’appelle graphie. C’e un mot volontairement très vae et très vague. Les graphies peuvent être des illurateurs, des créateurs de caraère, des typographes, tout ce qui touche à la communication visuelle. La finalité peut porter sur de la signalétique, sur des livres ou des logos. On peut faire tout cela en même temps. M.C : Quelles sont vos écialisations dans ce métier? F.W : Je n’ai pas de écialité. C’e un peu comme un médecin généralie. On e l’intermédiaire entre différents intervenants. Quand on conçoit un objet, si l’on a besoin d’une illuration écifique alors on contae un illurateur qui correond au yle demandé, il en e de même pour des photographies. Au dessus de nous, il y a toujours des décideurs. Il faut toujours agir en tant que partenaire des décideurs. M.C : Qu’e ce qui vous a conduit à faire ce métier ? F.W : La passion pour le dessin, certainement. Après le service militaire, j’ai rencontré un type, qui m’a montré ce qu’il faisait, cela m’a plu, et je suis rentré chez lui pour apprendre. Il avait un atelier de mise en page. J’ai appris à faire des livres. M.C : Dans votre carrière, quel e le projet qui vous a le plus tenu à cœur ?

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F.W : Alors là il y en a beaucoup. Ce qui e intéressant dans ce métier, c’e la rencontre avec des gens d’un métier totalement différent et de leur expliquer ce que l’on fait et qu’eux nous explique ce qu’ils font. C’e un échange. C’e ça le cœur de notre métier. Ce qui e formidable, c’e quand la personne entre dans le jeu et propose des idées qui sont parfois meilleures que les miennes. M.C : À présent, je vais vous interroger sur des problématiques qui me sont personnelles. Je me queionne sur la lettre, à savoir si elle peut être considérée comme un corps vivant? F.W : Vous saviez qu’au départ, il y a eu des choses bien avant notre alphabet. Cela représentait des êtres. Par exemple, l’origine du A c’e la lettre hébraïque Alef qui veut dire un bœuf, donc on dessinait une tête de bœuf. Le B le Beth, c’e une maison. Dans ce cas ce sont des représentations. Mais pour moi, c’e un code. La lettre e un signe. Ce n’e qu’une manière de s’exprimer et de se comprendre. Je pense que si je prends un crayon papier, je trace un rond. C’e un rond, c’e un simple rond. Si Toulouse-Lautrec, Tony Wogover, André François prennent le même crayon, avec le même bout de papier, trace le même cercle du même diamètre, cela devient un soleil. C’e une eèce de magie qui émane de ces gens. C’e comme des enchanteurs. Moi quand je prends un crayon c’e simplement un rond. Eux, cela devient quelque chose de formidable. Là il y a un myère. Maintenant si on prend une calligraphie, une plume ou un crayon, n’importe quel outil, trace quelque chose sur un papier, ou une autre matière, effeivement il y a une vie qui sort de ce qui a été tracé. Si on se sert d’alphabet typographique pour moi ce qui e vivant c’e l’eace autour de la composition typographique, c’e à dire les marges, les interlignes, tout ce qui e complémentaire, appelons ça le blanc par rapport au noir, le vide par rapport au plein. Pour moi, c’e la mise en page qui e vivante, mais la lettre en elle même, à mes yeux, c’e une petit signe. Bien sûr, ils sont plus ou moins lisibles, d’une part par leur dessin de la lettre. La personne créée un caraère typographique, le dessine avec son erit, avec sa manière de faire. Les courbes sont différentes suivant

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ENTREVUE FRANÇOIS WEIL chaque créateur d’alphabet, là il y a quelque chose de vivant, de tout à fait irituel. Mais e-ce que c’e comme ça que vous le voyez ? M.C : C’e un peu en ce sens. Quand on étudie l’hioire des écritures, on voit que chaque dessin de caraère correond à une mentalité. Hioriquement, on peut se placer selon des modes et des… F.W : et des climats… M.C : oui même des cultures, et dans ce sens là, on peut dire que la lettre e en soi un peu humaine et vivante puisqu’elle se fonde sur ce type de caraères, et caraériiques. F.W : Tout à fait, mais pour moi ce sont des traces et des traces sont quelque chose de vivant, évidemment. Mais quelqu’un qui fait une calligraphie, il y a toute la sensibilité de la personne qui fait la calligraphie. On le voit. On appuie plus ou moins sur le crayon. La lettre, il y a toute la sensibilité du créateur mais une fois que c’e fait c’e figé. Pour moi c’e un outil de leure, mais c’e uniquement ça. On ressent en voyant des textes, on peut se dire oui, là il y a l’erit d’un tel et c’e plus agréable à lire ici que là. Le petit signe en lui même, vous vous le voyez comme quelque chose qui vibre ? M.C : Je le vois comme une unité, comme le chromosome qui conitue un être tout entier, comme une cellule. F.W : On parle du caraère typographique ou de calligraphie ? M.C : Je considère la lettre comme concept, cela peut réunir des typographies issues de l’imprimerie, des typographies numériques, la calligraphie, le lettrage, les lettrines. F.W : Oui tout le matériel typo ? J’étais tout à coup en train de penser à un jongleur qui jongle avec des massues et avec des balles et qui fait à chaque fois des figures différentes. Mais avec les mêmes massues, avec les mêmes balles, avec les mêmes objets et qui créé un

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eacle chaque fois en balançant en l’air de toutes les manières possibles et qui créée des figures. La typographie c’e un peu ça. Mais vous vous allez beaucoup plus loin. M.C : C’e un point de vue amusant et c’e vrai qu’il y a pleins d’exemples qui permettent d’atteer cette vision et sur ces exemples, je pousse encore plus loin la comparaison. F.W : Mais alors les lettres de toutes les langues ? De l’alphabet latin, de l’alphabet arabe ? M.C : Mon champ de recherche se contraint sur l’alphabet latin. F.W : Ce sont donc les 26 lettres. M.C : Oui c’e ça. F.W : D’abord, capitale ou bas de casse ? M.C : Les deux. F.W : Donc ça fait 26 et 26. 52 c’e ça ? Et les chiffres ? M.C : Après on peut se dire que la minuscule e l’état enfant de la lettre et la majuscule l’état adulte. F.W : C’e une belle hioire, c’e de la poésie. Mais alors je me disais aussi ce même organisme vivant, il va servir de la poésie, des beaux textes. Il va servir à écrire des textes très généreux mais aussi des textes écrits par des fascies, des gens épouvantables, et c’e le même caraère, le même être vivant qui va servir à tous les discours. Alors il doit pas être toujours content? M.C : C’e vrai il se fait manipuler je pense des fois. F.W : Alors e-ce qu’il se rebelle ? ça serait marrant, qu'il soit pas

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ENTREVUE FRANÇOIS WEIL d’accord et qu'il se retourne. Il rue dans les brancards, il ne reee plus les interlignes, il sautent. E-ce-qu’il a une intelligence ? M.C : Oui, je pense en tout cas, elle transcrit bien celle ou celui qui l’a créé. F.W : Alors il faudrait que vous fassiez de l’animation. Je trouve ça une belle idée, mais dans la mesure ou elles peuvent se rebeller. Non ? E-ce que ce sont des esclaves ? Ou e-ce que ce sont des êtres qui ont une personnalité ? Lorsque l’on regarde un texte c’e comme si on regarde une foule alors ? M.C : Oui, c’e ça. Elles s’organisent aussi en famille. Il y a bien une notion de société aussi. F.W : Je trouve ça bien. Mais c’e la même lettre qui écrit un mot et puis un autre, et son contraire ? E-ce que c’e ça ? Ou je dévie complètement ? M.C : C’e vrai qu’il y a aussi la notion du sens qu’elles peuvent produire quand elles s’assemblent. Cela à presque un double sens. Je me suis intéressée à la typographie, parce que juement j’avais plein de lacunes, l’hioire de la lettre, des écritures, je les avais vu rapidement. Je trouve que lorsqu’on lit un texte on ne se rend pas compte parfois du sens, de l’indication qu'une lettre peut donner sur le temps, de comment elle a été conçue. On peut donc allier à une lettre une personnalité. C’e comme si elle révèle un secret. Et ça tout le monde n’en e pas informé. F.W : Je trouve cela très joli. C’e à dire que vous vous servez de la typographie pour écrire un compte de fée. Pourquoi pas. e-ce que ce sont comme des fleurs ? Comme des animaux ? Des êtres ? M.C : Juement je me demande si dans toutes les créations auelles de lettre, la ruure n’éclate pas un peu? Quand on va composer une lettre de manière géométrique. Toute l’hioire qu’une lettre va

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contenir. Je ne sais pas si la manière dont elles sont faites aujourd’hui e autant chargées d’hioire. Peut être que l’on ne peut pas le juger auellement ? F.W : Non je pense que la personne qui créée un caraère a une certaine culture. Donc connaît l’hioire de la lettre, ce qui se faisait au XVIe siècle, au XVIIIe siècle. Avant on dessinait la lettre sur la carte à gratter, on remplissait la lettre, c’était très très long. Aujourd’hui, avec les différents logiciels, ça va beaucoup plus vite. Une fois que la conception e faite, l’erit e le même, c'e celui de son créateur. L’erit e le même à telle époque ou à telle autre. On en parle en calligraphie, on dit que la lettre a comme un squelette, c’e un eèce de duus, et autour du squelette il y a des muscles. Donc tout ça e très vivant on parle de l’œil de la lettre de caraère. Alors que pour moi c’e uniquement des petits trucs dont on se sert, et la manière dont on les diose fait qu’il y a un erit. Mais vous allez plus loin, plus profondément. M.C : Moi je prends une loupe. F.W : Oui un microscope, vous vous voyez l’ADN de la lettre. M.C : C’e presque comme une science humaine. F.W : Oui mais ça l’e un peu pour la manière dont on diose. Si on emploie tels caraères plutôt que tels autres, c’e une manière très vivante. Mais vous allez un ade plus loin. Alors moi je trouve que ce serait bien que les lettres se révoltent, non ? Qu’elles disent je suis pas d’accord avec ce que tu dis, qu’elles fassent la grève. M.C : Dans le fait que la lettre ne s’imprime pas ce serait peut être une façon de se révolter, je ne sais pas. L’encre se dissiperait. F.W : Pour moi l’erit de la lettre, c’e l’erit de son créateur et c’e l’erit aussi de son utilisateur. On parle de la lettre typographique, c’e à dire de petits éléments, qu’on prend et qu’on utilise

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ENTREVUE FRANÇOIS WEIL d’une manière ou d’une autre. Mais je ne voyais pas jusqu’à il y a cinq minutes, que la lettre était un organisme vivant, mais pourquoi pas. Mais quand vous écrivez, les lettres que vous avez écrites vous l’analysez comme quelque chose de vivant mais pour moi c’e une trace de vous. Donc ça quelque chose de vivant bien sûr. Mais peut être pas de la même manière. Pour moi c’e une partie de vous. Et une composition typographique, la manière dont c’e composé c’e une partie de vous. Pour moi cela s’arrête là. Mais vous vous avez ouvert une porte. F.W : Donc tous les jours il en naît des milliards d’êtres qui naissent, parce que les gens écrivent, c’e ça ? M.C : Oui tout à fait. F.W : Et quand les lettres deviennent des chiffres romains ? Quand on met des I et des X ? Des nombres et des dates ? M.C : Après ce que compose les chiffres c’e différent. Les lettres composent un mot. Je ne me suis pas interrogée là-dessus. F.W : Mais je pense que c’e un rêve. Moi je trouve cela très joli.

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL Transcription de l'entretien avec Olivier Nineuil du lundi 11 mars 2013 au Globe, Reuilly Diderot, Paris : Olivier Nineuil, e un dessinateur de caraère, membre des rencontres de Lure. Il allie à la fois le travail de typographie de commande officielle pour des grands groupes et réalise en parallèle un travail de recherche conant sur un dessin de caraère plus libre et créatif. Il travaille notamment pour les éditeurs jeunesse. Olivier Nineuil, Portrait, [En ligne] http://delure.org/Rencontres-2012-.html [Consulté le 23/02/2013].

Olivier Nineuil : O.N Marine Chauvat : M.C O.N : En marge de ces aivités de typos de commande, depuis une quinzaine d’années, j’ai le projet d’inventer un langage. L’idée de départ c’e de s’éloigner de l’indurialisation, du côté un peu froid qui e arrivé dans la typo et qui e devenu un objet presque induriel, un objet de design, comme une chaise. Je suis attiré et j’ai envie d’inventer un langage qui remette dans la typo, des choses vivantes, aussi bien organiques que végétales. L’idée de départ c’e de remettre de la personnalité, du personnel. Le travail sur la forme des lettres rentre évidemment en compte mais pas uniquement, insérer des personnages, insérer des objets, cela deviendrait presque des hiéroglyphes. Mais je veux qu'il y ait une part de lisibilité. Toutes ces démarches, je les travaille dans des carnets, et je tourne donc complètement autour du vivant. Mettre du vivant dans de l’écriture serait également pour moi ma problématique. L’écriture arabe ? Tu t’y es intéressé ? M.C : Oui, rapidement, j'évoque le fait que certaines cultures divinisent la lettre et fait la séparation entre voyelle qui correond à l'âme et les consonnes qui seraient liées au corps. C’e impressionnant, cette symbolique qu’ils ont.

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O.N : C’e une partie que tu as approfondie ? M.C : J’ai cité cette notion en exemple, mais je ne l’ai pas développée. O.N : C’e curieux c’e un pan très important que je n’ai pas encore abordé, je n’ai pas encore fait des recherches là-dessus. Mais j’ai l’impression que c’e un peu décrété. Cela m’a l’air très culturel. D’ailleurs l’écriture arabe, on ne peut pas faire n’importe quoi avec car elle a quelque chose de sacrée. Mais je ne connais vraiment pas bien. M.C : Il y a déjà une différence entre Alif et Alef entre l'alphabet arabe et hébreux. Le fait qu’il y ait Adam qui commence par cette première lettre de l’alphabet et Allah, cela a aussi une portée symbo-

Olivier Nineuil, Carnet de recherche, [En ligne] http://www.http://delure. org/Olivier-Nineuil.html [Consulté le 23/02/2013].

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL lique dans le placement de la lettre. O.N : Je me demande si cet ae fiionnel rajouté sur les lettres avait peut être une vocation mnémotechnique, dans une culture orale et puis peut être à l’écrit aussi. Quand tout le monde a eu accès au texte, ce qui n’était pas forcément le cas au Moyen Âge et bien avant. Ce qui e très intéressant, puisque cela touche à la mémoire, c'e savoir comment on mémorise et une façon aussi peut être de sacraliser les écrits, parce que c’étaient des écrits religieux, des guides irituels, des guides de vie. Cela avait donc une fonion de rendre sacré la parole divine, il me semble. Cela me fait penser aussi à la religion, c’e un champ que je n’explore pas trop. Dans l’analyse des vitraux par exemple. Une fois j’ai fait une visite dans une église avec un théologien écialie, il faisait des commentaires et cela devient une bande dessinée et c’était à vocation mnémotechnique aussi. M.C : Ce qui e particulier c’e que l’on connaît les grandes religions comme le chriianisme, et là c’e une dorine qui e venu imposer cette pensée par une seule personne. Je voudrai, à présent vous interroger sur le ressorti de ma conclusion. Après avoir étudier l’hioire de l’écriture, on a commencé avec des piogrammes et des idéogrammes, et je trouve que dans tout ce qui émerge en ce moment dans le travail de la lettre, on revient à quelque chose qui e très imagé au final. Donc on revient à l’essence même de la lettre, de ce qu’elle était. Qu'en pensez-vous? O.N : Oui complètement et pour plein de raisons je pense. Tout d’abord l’image a envahi notre culture visuel, l’apprentissage, la connaissance, les manuels scolaires, etc. Le visuel a pris énormément d’importance, sans refaire l’hioire. Depuis la photo, tous les médias interaifs où on a un accès plus rapide à l’image, donc elle e omniprésente, c’e indiscutable. Je suis assez d’accord que les piogrammes, les langages de smilley etc sont peut être des accès plus rapides au contenu et donc prennent beaucoup de place dans le langage. Il y a certainement une voie qui se développe où le langage

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vient réunir l’image et le texte. À côté de cela, moi j’observe toujours une très grande séparation entre l’image et le texte, par exemple dans les livres jeunesse au début, il y a que des images pour les petits, et l’objeif suprême c’e de lire sans images et ça c’e toujours omniprésent. C’e pas sérieux de mettre des images. Je pense que cela e très français, il y a une eèce de présence de la littérature. La bande dessinée ne serait pas sérieuse, ce qui e une erreur monrueuse, car cela e hyper formateur. Je trouve qu’il y a une eèce de dorine, de climat, qui e très pesant où le atut de l’illuration e très en de ça du texte. La photo cela e différent, c’e le choc de l’image, la presse. L’illuration je trouve qu’elle e soit documentaire, les infographies, d’ailleurs il y a un grand boom de la data visualisation, mais ça c’e pour du documentaire. M.C : Aurais-tu déjà envisagé ou connais-tu des typographes qui traiteraient dans leur dessin de lettre le dédoublement de personnalité ou la maladie psychiatrique? O.N : Oui, dans l’art brut il y a Dubuffet, qui a inventé un langage, mais qui e plus un jeu d’écriture, d’inverser les syllabes, de découper les mots autrement qu’il a écrit d’une façon manuscrite. Donc au niveau formel, il n’y a pas vraiment d’invention, après il y a des arties d’art brut, qui étaient plus ou moins malades ou déréglés, ou qui n’étaient pas considérés comme normaux. Il y en a un qui a écrit toute une hioire sur un planché. J’ai des exemples d’appropriation de l’écriture, par des personnes qui sont dans leur bulle. Je pense aussi à un autre artie qui fait des partitions. M.C : Par ton expérience, et ces différentes années de pratique de ce métier quel e ton point de vue sur cette problématique ? O.N : Je suis absolument persuadé. M.C : À la fois on sait que ce n’e pas vrai mais ce n’e qu’une vision.

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL O.N : Je vais te dire quelque chose qui e peut être fondateur de ma pensée, sur la relation entre le corps et la lettre. Il y a un monsieur que j’avais rencontré qui s’appelle Ladislas Mandel, qui e un typographe. Tu en as entendu parlé ? M.C : Oui j’ai un livre sur lui, sur l’hioire de l’écriture, le miroir des hommes. O.N : Oui voilà, c’e exaement ça, c’e ça dont je voulais te parler. Un jour, avec quelques amis nous avons eu l’occasion de passer dans sa bibliothèque. C’était organisé par les rencontres de Lure, on e parti une semaine à 6 ou 7 et on a exploré sa bibliothèque avec lui pour comprendre le rôle que jouait sa bibliothèque. Il nous a dit qu’il avait un rêve, quand il nous montrait ses livres, il y avait de ranger devant ses livres des objets. Il y avait une multitude d’objets, de tout, des petites pierres, des sculptures, des rouleaux, mais toujours autour des écritures, c’était son obsession. Il y avait des petites atuettes, il m’a dit qu’il rêvait d’écrire, une graphologie générale des arts. C’e à dire, qu’il disait que derrière chaque expression artiique, et en l’occurrence c’e petite atuette, il y a avait des signes de l’auteur de celui qui avait dessiné, des traces. Il appelait ça une graphologie. Il explique que dans l’écriture, derrière chaque dessin de lettre, une âme, une personnalité, une façon de vivre. Il avait une façon caricaturale d’en parler lorsqu’il dessinait ses caraères pour les annuaires téléphoniques, en tout petit. Et il explique que l’on ne peut pas dessinée le même caraère pour le Portugal, pour la Belgique, pour l’Italie, parce que l’on se reconnaît. Il pense qu’il y a une identité des hommes et des cultures dans le dessin de la lettre. C’e assez subtil. Honnêtement, ce n’e pas évident à comprendre et à percevoir. M.C : Le travail de Morgane Rébulard sur le caraère le Polyglot démontre tout de même cette poure. O.N : C’e exaement le prolongement de ce que dit Mandel. Mais c’e discutable aussi. Ce qui e intéressant dans le travail de

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Morgane, c’e que je vois deux extrêmes. Il y a essayé de reituer, dans un dessin de lettre un groupe, en l’occurrence l’identité d’un pays, pourquoi pas, une identité communautaire, comme l’identité celtique, qui correond à une communauté, mais cela e un peu discutable, parce que je trouve que l’on tombe dans des clichés. Des formes sensuelles pour des pays du bassin méditerranéen et puis des formes rigides et verticales et froides pour les pays nordiques. On tombe souvent dans ces clichés. Ce n’e pas complètement faux. Certains dessinateur comme Frutiger on fait des parallèles avec l’architeure des pays nordiques, des pays latins, donc c’e bien ancré dans quelque chose. Ce que je trouve intéressant à l’opposé des groupes, c’e ce côté individuel. Je pense que l’écriture manuscrite, et c’e que j'ai senti lorsque Mandel parlait d’une graphologie manuscrite générale des arts, il disait derrière chaque objet et derrière chaque écriture, il se demandait : comment on reconnaît la personne ? Moi ce qui me frappe, prenons l’Helvetica, qui e une caricature, on a effacé tout cela. On a voulu faire un caraère qui e un dénominateur commun de tout le monde. C’e un caraère qui e une machine, un objet induriel qui e parfaitement bien lissé, soit disant parfaitement bien lisible, comme le Futura, géométrique à fond. Mais à l’opposé de géométrique il y a vivant, il y a mou, il y a un corps, une personne. Je pense qu’il y aura un retour dans la typographie de quelque chose de vivant, de presque individuel. Moi cela me frappe lorsque l’on reçoit un courrier manuscrit, il y a pas longtemps j’ai reçu une lettre de mon père et je reconnaît sur l’enveloppe son écriture, c’e fabuleux. Dans l’écriture on reconnaît donc la présence, pour ne pas utiliser l’âme, l’erit, le souffle, la présence de quelqu’un qu’il n’y a pas dans la majeur partie des caraères, en helvetica. Il y a des typographes qui seraient contre ce que je vais dire mais je trouve que c’e déchargé, désincarné, c’e devenu générique, mais c’était l’intention d’ailleurs. Le Times c’était un caraère qui convient à tous. Et donc pour revenir au terme de la présence humaine dans l’écriture, moi je pense que l’on pourrait créer des caraères pour chaque personne. Un caraère qui soit chargé, qu' il y ait des petits signes sans forcément être une écriture manuscrite mais qu’il y ait des petits signes de l’individua-

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL lité, de la personnalité. Je mets cela aussi en relation avec un philosophe qui s’appelle Albert Jacquard, dont j’aime beaucoup toutes les recherches et tous les propos. Notamment il explique, ce qui e passionnant dans la société ce sont les différences entre les personnes. Il explique qu’il n'y a même que ça qui e important, que si l’on était tous pareils ce serait ennuyeux, ce serait vraiment sans intérêt. Il pose donc toutes les queions du racisme. Il explique que c’e une aberration, qu’au contraire, on devrait s’intéresser aux différences qu’il y a chez les autres. Il rajoute que ce qu’il y a d’incroyable, c’e qu’en soit on e rien et que l’on tisse des liens avec les autres. Plus on rencontre des gens qui sont différents de soit, plus on e riche de plein de choses différentes. Quand, je fais un parallèle avec la typographie, je me dis mais quelle catarophe de composer avec un caraère et d’être envahi que des caraères universalisés, c’e dramatique. C’e comme le veimentaire, c’e comme si l'on s’habillait tous pareil, ce qui e le cas pour les hommes avec une chemise, une vee, un coume. Le coume ! c’e une aberration, l’uniforme en e une aussi par exemple. Donc là on revient encore au corps. Je trouve que dans la typographie, il y a des uniformes. On peut faire ce parallèle, où l’on pourrait dire que la typographie ce sont des coumes, des panoplies, des uniformes. Pour écrire de la littérature, on prend l’uniforme du Times, Garamond et toutes ses variantes. Pour composer de l’information, on prend un caraère bâton. Je trouve que Ladislas Mandel dans son idée de graphologie des arts posent ces queions :Qu’e-ce qui se cache ? Quel e le personnage et ses particularités, et là je pense à Jacquard, donc ses différences. Comment elles tranaraissent dans un objet, dans une sculpture ? Et moi je me pose la queion à savoir comment elles tranaraissent dans une écriture. C’e une caricature dans l’écriture manuscrite, car c’e vraiment un souffle, une reiration, une ondulation, un sismographe du corps de la personne, mais ce n’e pas que ça. C’e incroyable l’écriture manuscrite. M.C : Vous avez étudier la graphologie ? O.N : Pas trop, c’e marrant, j’ai un peu peur d’y aller, car Ladis-

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las Mandel m’avait expliqué que c’était complètement controversé. C’e curieux, car j’ai plein de bouquins sur la graphologie mais je n’y vais pas. Je ne sais pas pourquoi. C’e comme la calligraphie, j’ai jamais voulu suivre de cours, de ages. J’ai peur des règles que l’on va m’imposer tous les modèles hioriques et je sais qu’il y a beaucoup de gens qui ont appris la calligraphie et qui après font beaucoup d’efforts pour se détacher de ses modèles. Moi j’ai peur de ça, j’ai peur de l’emprise, c’e un peu idiot, si on dit ça de tous les sujets, on ree un peu dans sa grotte quoi. La graphologie je m’en méfie un petit peu. Si ce n’e que j’ai pleins de écimens. Quand je donnais des cours à la fac, j’ai gardé les photocopies de toutes les copies des étudiants. C’était jue magnifique. C’était incroyable, c’était des objets sublimes. Je me demande si l'on ne pourrait pas trouver des dénominateurs communs qui lissent toutes les différences, je trouve que la typographie, je caricature, c’e brutal, je trouve que la typographie tend, mais c’e la définition même de la typographie, d’ailleurs, c’e d’inventer des signes, des formes de caraères, pour une société qui soit bien lisibles par tout le monde, qui soit faciles à apprendre, à connaître. Moi je suis contre la facilité. Parce que la facilité, si je fais un parallèle à nouveau avec Jacquard, elle nous emmène vers ce que l’on connaît déjà, à aller vers des gens qui nous ressemblent, et ce n’e pas ça qui e intéressant. Jacquard nous explique ça, que le plus dur c’e d’aller voir des gens qui sont très différents de nous. Parce qu’ils nous font peur, et c’e ce qui crée le racisme. Jacquard dit on se trompe, il faudrait allé voir les gens qui sont le plus différent possible de nous parce que c’e eux qui vont nous surprendre, qui vont nous aider, parce que c’e eux qui vont nous apprendre des choses. On crée des communautés. Donc Mandel m’a iniré là-dessus, sur la prise en compte du corps, de la personnalité derrière la typo. Albert Jacquard m’inire complètement. Tu connaissais un petit peu ? M.C : Non je ne le connaissais pas. O.N : C’e un type incroyable, c’e un généticien de formation et il e aussi philosophe, c’e un scientifique et un penseur.

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M.C : J’ai un propos dans mon mémoire qui se rapporte à l’idée de chromosome, la vision que la lettre e un atome, du fait qu’elle puisse après conituer un mot, une phrase, et un ensemble très mouvant. O.N : Cela pause une queion qui e passionnante dans la typographie, qu’e ce que c’e la typo ? C’e un objet hyper bizarre. Comme tu dis l’idée de chromosome, d’atome e vraiment intéressante parce que c’e une particule, et on peut faire l’analogie avec la lettre. La lettre serait une particule. C’e très intéressant, j’ai jamais développé cela, ça m’inire complètement ce que tu dis là, parce que cela prend à chaque fois des formes différentes. Et puis on sait bien qu’une fois que l’on a composé un texte on remet les lettres par ordre alphabétique. On revient donc à un modèle d’atome fondamental. Un autre écrivain, un autre auteur va allé les reprendre et refaire une autre formule. C’e incroyable. Ce qui e fascinant c’e qu’il n’y a pas deux formules pareilles, en termes de composition. Même ce texte que tu as écrit e une formule unique. Cet enchaînement de mots que tu as fait, il n’y en a pas deux. C’e très intéressant, l’idée de formule. Il faut que je le note. Une chose qui m’avait touché et qui m’avait marqué aussi, c’e Mandel qui m’avait parlé de cela un jour, sous prétexte de la lisibilité on crée des caraères simplifiés, qui sont parfois complètement épurées de connotations, de sens supplémentaires, on fait un objet induriel, jusqu’à trouver l’épure, l’épure de l’alphabet. Ce que disait Mandel, « et on décrète que c’e ça la lisibilité ? ». Lui expliquait que c’était certainement la lisibilité technique, géométrique, formelle, ce qui ne prenait pas en compte, les recherches qui étaient en train de se faire par dans le domaine des sciences cognitives où là il y a des médecins, des chercheurs qui essayent de comprendre comment le cerveau lit les formes, et ça c’e assez nouveau et on ne sait pas ce que cela va nous apprendre. Mandel parlait d’une deuxième lisibilité, qui n’e pas la lisibilité formelle, mais la lisibilité culturelle. Il prenait comme exemple la lettre gothique, où il disait, la lettre gothique tout le monde dit que c’e illisible, mais qu’e

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ce que cela veut dire illisible ? On ignore complètement que des enfants apprenaient à lire de la lettre gothique en Allemagne ou en Angleterre, dans le même temps que nous avec nos caraères latins, avec nos caraères plus simplifiés au niveau des formes, mais arrivaient à lire parfaitement bien, c’e jue une queion d’habitude, la lisibilité peut être une queion d’habitude. Cela demande des efforts, et je trouve que l’on e dans un monde, je caricature, où on cherche le moindre effort, l’efficacité, la rapidité. Moi j’aime bien la lenteur, et j’ai toute une série de cahier sur la lenteur, comment on peut ralentir. Cette lisibilité culturelle e très intéressante. C’e un contexte, avec en Allemagne la gothique et c’e la même chose pour déchiffrer l’écriture manuscrite de quelqu’un. Comprendre la forme d’écriture manuscrite de quelqu’un cela fait parti du projet littéraire entre guillemets. J’avais un petit qui livre magnifique, qui était édité par l’école Eienne. L’école avait queionné une centaine de personnes pour savoir ce qu’il pensait de l’écriture. Toutes sortes de personnalités y répondaient, ils avaient tous répondu pour la plupart, par des lettres manuscrites. Le cahier des charges étaient une page A4. C’e jue magnifique parce que chacun exprime ce qu’il a dire avec une chorégraphie, un gee, qui e le prolongement de son corps, qui e vraiment une vibration, une modulation. C’e vraiment un chemin geuel on e vraiment dans du corps, dans un petit ruban qui e la ligne de texte et c’e absolument magnifique. Ils auraient édités cela en recomposant tout en futura, on aurait perdu la moitié. La présence humaine dans la typo, moi je trouve qu’il e temps, j’ai très envie de la réintégré. M.C : Il me semble que dans certains pays, ils envisagent de supprimer l’apprentissage de la langue par l’écriture manuscrite, au lieu de cela l’apprentissage se ferait direement sur clavier. C’e étonnant tout ce que cela va supprimer. O.N : C’e incroyable. Cela me fait penser à une expérience passionnante que j'ai eu ces derniers mois avec une personne qui e ergothérapeute. Elle m’expliquait qu’elle fait de la rééducation. Elles aident des enfants qui ont des problèmes de dyslexie, dysgraphie ou

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL de dyscalligraphie, pour former leur écriture. Mais elle aide aussi d’autres enfants, pour qui la correion e trop tard, ils sont au collège, donc elle les aide à taper au clavier. D’ailleurs, en parallèle, il y a pas longtemps avec des amis qui sont complètement dans un autre domaine. Ils m’ont tous dit, mais c’e incroyable tes carnets car nous, nous n’écrivons plus à la main. C’e incroyable, on était une dizaine. Des lies de course de temps en temps, mais certains les font sur leur téléphone. On écrit plus à la main. En parallèle, ce qui e étonnant c’e que l’on écrit énormément. Je ne sais pas si on n’avait pas internet, si l’on écrirait des lettres sans arrêt comme ça. Dans le boulot on envoyait des bons de commande, des faures, des bons de livraison. C’e devenu une vraie pratique. Tout le monde envoie ses documents commerciaux par mail. La correondance privée s’e amplifiée. On s’envoie sans arrêt des messages. Donc on pourrait rêver peut être que pour une correondance privée, que ce soit sur son téléphone, sur son ordinateur ou sur son mail, on puisse avoir une écriture, avoir peut être quelque chose qu’était l’écriture manuscrite d’avant, je ne dis pas qu’il faudrait la reprendre telle qu’elle. Mais on peut se poser la queion, qu’e-ce que l’on a perdu au passage ? J’ai l’impression que l’on a perdue énormément. Et c’e marrant car il y a des gens qui essayent de rattraper cela, il y a des gens qui m’envoient des mails avec une petite image, un gabarit qu’ils prennent je ne sais pas où. Ou au moment de Noël, ils envoient des trucs complètement kitsch, ils ont envi de rajouter une touche personnelle. La touche personnelle, elle e où ? C’e ça qui e compliqué. C’e paradoxal, car la touche personnelle on e aussi content de ne pas trop la mettre à chaque fois, je pense par exemple aux recherches d’emploi. C’e à double tranchant, on e comptant aussi de ne pas laisser tranaraître trop de choses de soi, on a peur d’être jugé. Il y a pas très longtemps je devais rédiger un courrier, et je me suis posé la queion si je devais l’écrire à la main ou le taper à l’ordinateur. Je voulais prendre en compte la personne à qui j’écrivais, j’avais envie de mettre un petit peu de convivialité, pas trop non plus, car c’e quelqu’un que je ne connais pas. Peut être qu’un jour sur un mail ou sur un sms, on pourra ajouter cette touche personnelle.

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M.C : Il e vrai que le message écrit à la main e souvent plus réfléchi et pensé que le message rédigé par texto. O.N : Oui c’e vrai. Il y a des écialies qui travaillent là dessus. Sur comment le mode d’écriture et les formes de l’écriture conditionnent ce que tu écrits. C’e un sujet passionnant. Quand on écrit à la main, on évite qu’il y ait trop de ratures, soit on fait un brouillon, quand on tape un mail on peut faire un brouillon aussi. Je trouve que les outils que l’on a à diosition aujourd’hui pour apporter une touche personnelle dans un mail par exemple, et qui permettraient de mettre un petit peu de présence humaine, elles se résument au Comics sans, qui e la caricature de « on va faire un truc un petit peu moins sérieux ». C’e jue misérable. On a hérité de l’hioire des induries, c’e à dire l’arrivée d’Aple, de Microsoft qui ont mis sur leur machine un certain nombre de polices et qui ont conditionné notre paysage. Mais je ne les critique pas parce que c’e fabuleux, c’e jue un conat, c’e dramatique. N’importe quelle petite affichette dans une entreprise e composée soit en Arial, soit en Comics sans. D’ailleurs ce qui e terrible, c’e que ceux qui s’intéresse, qui sont graphies, qui savent qu’il y a d’autres choses que les polices syèmes se rendent compte qu’elles sont payantes et qu’elles sont parfois un peu chères, et qu’ils n’arrivent pas à les revendre à un client et ils ne les achètent pas. Ou alors ils les piratent mais je pense que le piratage, même s’il e parfois important, e plus fréquent qu’on ne le pense. En tout cas nos outils conditionnent notre façon d’écrire, cela semble une banalité de dire ça mais c’e vraiment ça. Je vais jue refaire une parenthèse sur ce que l’on disait tout à l’heure, je n’avais pas terminé sur ce même sujet qui e l’objet particulier qu’e la typo. C’e vraiment un objet, et qui par analogie avec le corps. C’e comme une personne, une personnalité, un personnage. Cela me fascine, là on e dans un café, de voir qu’il n’y ait pas deux personnes pareille, à part des jumeaux. Alors qu’on se ressemble quand on regarde les silhouettes des gens dans la rue, ils ont tous deux jambes, deux bras, un manteau, voilà. Il y en a des petits

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL des grands. Mais quand tu les regardes de près ils ne sont que différents, cette notion me fascine, ils ont l’air pareil, mais finalement ils sont tous différents. La typographie c’e un peu la même chose, de loin ils se ressemblent tous, sauf les polices syèmes. Mais quand on regarde de près ils peuvent être tous très différents. Ce qui e fascinant, sur ce que tu évoquais tout à l’heure sur les petites unités. C’e vrai que la typo c’e vraiment un objet bizarre. Mais il exie plein de formes, il y a la lettre, l’abécédaire, le mot, la phrase, le pavé de texte, c’e un truc protéiforme. C’e un peu comme un personnage, une personnalité. On peut connaître la voix de quelqu’un, parce qu’on la connaît qu’au téléphone et puis un jour, on la connaît que sur une photo, mais on ne connaît pas sa démarche, on ne connaît pas la façon dont cette personne marche, dont elle bouge, comment elle chante. C’e un délire un peu perso. M.C : Je me pose également la queion si la lettre e un être mortel ou non ? Je dis qu’elle e à la fois les deux. Si on connaît l’hioire de l’écriture c’e que l’on connaît les lettres à travers le temps, en ce sens elle peut être considérée comme un être immortel, mais dans un autre sens la lettre peut être vu comme un corps qui subit des altérations, qui peut s’effacer ou diaraître. O.N : Ce qui e marrant dans ce que tu dis il y a plusieurs choses. Les formes de l’écriture, leur objet c’e de fixer, de figer une pensée un propos quel qu’il soit sur un support et donc par définition sauf si le support se détruit, l’idée c’e de le rendre immortel et c’e ça qui e passionnant dans l’écriture, c’e d’aller relire un texte qui date du Moyen Âge et qui paraît immortel, grâce au texte. J’aurai envie de dire il e immortel, parce que son objet même c’e de l’ancrer avec le plus de pérennité possible. C’e quand même un sujet puisque les copies laser, on peut s’imaginer que dans 50 ans elles vont s’effacer, ce qui e déjà le cas des faxs et donc peut être que l’on aura des fichiers informatiques. Il y a des polices de caraères que l’on a créées, dans 20 ans avec des logiciels, on ne sera plus les ouvrir. Il ne ree donc peut être que les sorties papier dont on ne sait

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pas combien de temps elles peuvent durer. On va sûrement perdre des caraères. C’e marrant comme notion. Cela me fait aussi penser à autre chose c’e sur l’hioire de l’écriture. Moi je me suis posé la queion comment elle va continuer l’hioire de l’écriture ? Comme elle a toujours exié, comme tu dis, qu’e-ce qu’il va y avoir dans 50 ans ? C’e curieux on a du mal à imaginer ce qu’il va y avoir comme mutations, il va bien en avoir. Puisqu’il y en a eu plein depuis le temps de l’imprimerie, Gutemberg durant XVe siècle. Qu’e ce qui va se passer en un siècle là ? M.C : Il e vrai que l’on peut remarquer que la typographie e un phénomène de mode en ce moment. Il y a beaucoup de réponses graphiques qui sont données par ce biais. O.N : Je ne sais pas pourquoi, il y a ce phénomène. Cela me fait un peu pensé quand le Macintosh e arrivé c’était en 1984, après il y a Adobe qui a inventé Illurator, qui a inventé les polices po-script, le langage po-script, et Apple a créé une imprimante po-script. Deux trois ans après, il y a eu un engouement, sauf ceux qui sont reés dans les techniques traditionnelles, alors là on a trituré les lettres, on s’e rendu compte que l’on a pu les élargir comme ça, qu’on pouvait les étroitiser, ça été le délire. J’ai l’impression que là il y a une redécouverte encore. Je ne sais pas où elle vient cette redécouverte. Du coup, on fait plein de choses. Par exemple, les lettres avec des objets, il y a 10 ans j’en ai fait plein avec des galets par exemple, j’en voyais nul part, maintenant c’e devenu un sujet classique dans les écoles, sur internet on en trouve partout. Peut être qu’internet, a changé la diffusion, quand tu vois des choses sur internet tu as envie de les créer à ta manière. M.C : Dans ce sens là on se dit mais il n’y a plus rien de neuf ? O.N : C’e compliqué. C’e ce que j'ai posé comme queion à Albert Boton quand je le vois, mais en 50 ans comment tu as fait pour te ressourcer ? Il m’a dit tu sais moi je suis autodidae, j’ai très peu de culture, j’ai fait ce que j’avais envie. Si je caricature encore un

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL peu, il a absolument pas trouvé son iniration dans les bouquins de typos et sur internet. Il a trouvé son iniration, c’e ça que je trouve fabuleux chez lui, dans sa façon d’être, dans sa curiosité, de milles chose, dans la nature, dans les fleurs, dans les plantes, dans les objets, dans l’architeure. Cela ressemble à un idéal en disant cela, mais quand je comprends le personnage c’e vraiment ça. Il était fasciné par des moteurs. Tout ça, l’a nourri pour faire de la typo. Il a suivi son petit bonhomme de chemin. Cela permet de faire des choses nouvelles, c’e à dire de pas regarder, sinon tu es anéanti si tu regardes. M.C : Même si quelqu’un a fait pareil que toi, tu l’auras toujours fait à ta façon. O.N : Exaement. Quand tu disais, e-ce qu’il y a une âme, moi j’ai envie de dire e-ce qu’il y a un souffle ? Une eèce de présence, l’âme je ne sais pas très bien ce que cela peut être, mais une présence c’e très intéressant. Un état d’erit qui serait perceptible. Je trouve que dans les typos caricatures dont on parle souvent il e difficile à sentir cet état d’erit, parce que l’on e dans la caricature : Futura, Helvetica, Le Times, se sont devenu des archétypes, des caricatures. Ok une Futura c’e du géométrique donc c’e du modernisme, donc c’e de l’induriel. On a toutes nos caricatures. E-ce que l’on e capable dans la typographie d’introduire des nuances ? Ce n’e pas le bon mot des nuances, car il en exie pleins. Il y en a avec les caraères à empattements. Il y en encore d’autres que l’on dessine. E-ce que l’on ne pourrait pas dire l’opposé de caricature ? C’e peut être le singulier, l’individuel. On revient à cette obsession que moi j’ai certainement. D’ailleurs quand je fais des typos de commande, on me demande des caricatures. Un loueur de voiture veut une typo qui fasse voiture, un tranorteur aérien veut une typo qui rassure et qui fasse tranort aérien. On e dans des caricatures. M.C : C’e sûr après c’e différent, selon le commanditaire. Il y a plein de choses qui rentrent en compte pour donné une direion au dessin de caraères. De qui va lire ce que l’on écrit…

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O.N : Dans le cas d’un alphabet Air France, il faut absolument envoyé des signaux qui soient bien compris par tout le monde. C’e vraiment l’exercice inverse, de ce que je fais à titre perso. Donc il faut faire des signes que tout le monde va comprendre. De la même manière, aucun contre sens, ce qui n’e pas toujours le cas, en tout cas il faut essayer de tendre vers ça, que tout le monde comprenne la même chose et le plus de monde possible. Dans mes travaux perso, dans mes carnets, je fais l’inverse, je me fous que beaucoup de monde puisse me lire, après il faut faire un effort pour lire et je voudrai apporter, à l’opposé des grands codes universel, par exemple, le confort aérien, là quelque chose de très personnel, une toute petite communauté. Par exemple, un personnage. Par exemple des typos qui correondent à une personne. M.C : Des écritures réelles ? O.N : Oui des écritures personnelles que j’ai scannées, j’ai fait une police. Mais sinon je suis rentré dans un petit délire, je fais la police d’une petite personne et il a son petit monde. Son petit monde c’e son lieu où il va, ses habitations. Après, il a son graphisme il e dessiné en fin, en gras ou en gros ? Je lui invente son petit monde, et c’e un peu la même chose que d’inventer le petit monde d’Air France. Sauf que le petit monde d’Air France, les données ne sont pas les mêmes. Les données c’e de dire un message clair, au plus grand nombre de personnes possibles. Là, je représente qu’une seule personne et à priori c’e un objet compliqué, c’e un humain qui a son petit monde. C’e marrant en parlant j’ai l’impression que c’e la même chose mais à l’opposé. C’e peut être d’ailleurs en réaion à toutes ces typos d’entreprise que j’ai fait, que j’ai eu envie de faire des trucs libre. Dans mes carnets de recherche, je dessine beaucoup, je prends plein de notes. J’ai fait des photos tout prêt d’ici. Il y a une passerelle sur la Coulée verte et un jour j’ai vu que c’était très joli les gens qui traversaient la passerelle. Et ensuite j’ai fait une police de caractère de tous ces personnages. Après je les ai réduit, j’ai commencé à faire des

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL petits codes, des petites ondes, ce sont des recherches. Il y a de l’analogie avec la musique. Je ne sais pas très bien ce que cela peut donner. J’ai mis au point tout un syème de calibrage pour que les personnages la typo, tout ça soit homogène en terme de graisse, je suis en train de redessiner une centaine de fonts que j’ai fait, dans la même graisse pour qu’elles soient compatibles entre elles. M.C : Pour pouvoir tout mélanger après. O.N : Exaement, toutes les notions peuvent être compatibles entre elles. J’ai fait en parallèle plein de polices de textures. La texture pour moi c’e le vêtement de la lettre, le drapé, le moiré. C’e aussi je pense la proximité d’une personne dans un texte, dans une ligne de mots. C’e la même chose pour moi, un personnage et un mot. Peut être que la texture peut créer, presque du flou, une sensation de loin, de prêt. J’en sais rien c’e vraiment un bout d’essai. Il y a une vingtaine de carrés. Après quand je les resserre, cela fait des bandes de textures. J’ai fait une typo avec un squelette de base où je plaque différentes épaisseurs. Le squelette pose la queion de comment on reconnaît une lettre. Le squelette c’e la morphologie, c’e la ruure de l’objet. Si tout d’un coup, il n’y a plus la tête ou il manque les jambes, on ne reconnaît plus l’homme, pour la lettre c’e similaire. Même sur les lettres géométriques la morphologie n’e pas loin. Ce qui e intéressant c’e que parfois elle n’e pas lisible dans une lettre, mais la morphologie on la devine dans un mot. C’e là que c’e très compliqué la typo, c’e une lettre, c’e un mot. On peut faire des lettres illisibles et finalement dans un mot ça marche. Je me suis amusé à créer des totems, des barres de texture, qui ressemblent finalement à des personnages, avec quelques éléments graphiques. Cela pose vraiment la queion du squelette. J’aimerai inventer un langage qui mélange, le texte, des illurations. On reconnaît parfois une tête un nombril. J’ai commencé à les composer et quand on les rapproche on a une eèce de foule, de scène. Là on e vraiment dans l’invention de signes. M.C : Cela pourrait être un jeu, se dire que telle phrase, produit tel

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graphisme de textures. O.N : Cela pose la queion de la figuration du langage. C’e remettre de l’image dans le texte. Qu’e ce que l’on perd de ne plus mettre de figuration dans l’alphabétique. C’e pas uniquement mettre des pios. Ce n’e sûrement pas ça. Il ne faut pas retomber dans l’indurialisation et dans le design d’objet. Disons que le pio en soi e fait pour vivre seul. Il e pas penser pour s’intégrer avec du texte, son objet d’ailleurs c’e de résumer du texte. C’e éviter d’écrire toilette. Dès lors que l’on se dit, je vais réintégrer du visuel dans un texte, cela pose la queion de comment on les marie, on les mélange ? E-ce qu’il faut les dessiner avec un outil, à la même échelle ? Comment on les compose ? Ce sont des queions qu’ont dû se poser les égyptiens avec les hiéroglyphes. J’ai participé aux rencontres de Lure sur le thème corps neuf en 2012. C'e là que j'ai rencontré Claire Hollenein. C'e une ergothérapeute, dont le père e typographe. Dans son travail elle tente de faire comprendre aux enfants que la lettre e un corps. Lorsque les enfants ont des difficultés à retranscrire cette lettre, elle se reporte à la dimension de leur propre corps pour leur faire comprendre comment fonionne le corps d'une lettre. Elle dit par exemple aux enfants de danser tes initiales et les enfants se débrouillent. Elle leur dit aussi danse ta signature. Ce sont des enfants de 8 à 10 ans. Elle donne une autre contrainte c’e de dessiner ses initiales avec son corps couché sur le sol. Elle dit en résumer pour bien écrire, il faut sentir les choses dans son corps. Son idée c’e de laisser tomber les modèles, les petites flèches qui dit tu dois dessiner dans ce sens là. Une de ses idées c’e de dire il faut sentir dans son corps les lettres pour pouvoir après les dessiner. Elle fait dessiner dans le dos. Elle prend l’enfant dans son dos, vient avec le doigt dessiner la lettre et elle doit la trouver. C’e grâce au touché du doigt. Pour un enfant qui n'arrive pas à écrire posé sur la ligne, elle se met debout avec l’enfant et avec les pieds, elle tape au sol. Elle dit à l’enfant tu ne poses pas tes lettres part terre, pourquoi elles vacillent tout le temps tes lettres ? Elle m’a montré l'enfant écrire une ligne. Ensuite, il s’arrête, il se met debout. On s'e mis tous les trois à taper

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ENTREVUE OLIVIER NINEUIL des pieds à 4 temps. C’e l’enfant qui marquait le temps fort du premier temps à chaque fois. Après on tapait dans les mains sur un temps. On faisait alors un eèce de canon. On s’e arrêté, l’enfant e allé se rasseoir. Il écrit et là comme par magie tout e posé sur le sol, toute son écriture. En plus de cela elle e parfaitement rythmée. Qu’e ce qui se passe ? Le fait de battre, et de taper du pied et de maintenir une rythmique c’e ce qu’elle explique et les faits sont là. L’enfant a enraciné en quelque sorte son écriture. Puis ensuite la régularité vient de la concentration, c’e moi qui interprète là, de la concentration de l’enfant sur la place qu’il a dans le rythme. Le résultat était incroyable. Elle fait aussi écrire les enfants avec une pelote de laine et il laisse le brin de laine tomber par terre. Ce qui e intéressant, c’e que cela aide les enfants qui n’arrivent pas à comprendre le sens dans lequel on dessine les lettres. Avec le brin de laine tu es coincé.

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Après l'avoir décortiquée, analysée; avoir demandé l'avis de différents connaisseurs et écialies, la lettre aurait donc un aect bien humain. Son corps s'e bâti à l'image de l'homme, à l'image de son créateur mais aussi du mode de vie dans lequel ce dernier e plongé. Il emprunte des qualificatifs de l'anatomie humaine. On retrouve les différents membres qui conituent le corps humain tels que la tête, l'œil, l'épaule, la panse, la jambe, les pieds... On arrive également à diinguer ses organes vitaux qui lui permettent d'exier, d'être visible et d'être lu. Selon chaque lettre, l'emplacement de l'organe vital peut différer. La multiplication de ce corps a créé des regroupements familiaux, des cousinades, des mariages, pour engendrer encore et encore de nouveaux enfants, de nouveaux êtres. Des noms sont donnés pour chaque type de famille, avec ou sans empattement etc., se complexifiant d'années en années au vu des nouveaux arrivants. Certaines catégories sont d'ailleurs hors champ puisqu'elles sont basées sur des modèles d'écritures différents de ceux des écritures latines (par exemple le fonctionnement avec des idéogrammes, dits aliennes pour la classification d'Alessandrini). La lettre a également la capacité de se coupler et parfois de se reproduire. Des attirances entre certains membres d'entre elles sont notables puisqu'elles s'accolent, se lient pour certaines occasions contraintes ou par ehétisme. La lettre e aussi un être doté d'un erit, d'un souffle, d'une présence. Elle a le pouvoir de composer des mots, des phrases, des textes qui permettent par la suite de transmettre un message qui peut traverser le temps. La communication entre le passé et l'avenir e possible grâce à elles. Dans ce sens, il n'y a pas besoin d'utiliser la machine à remonter dans le temps pour revisiter la pensée d'un être aujourd'hui diaru. La lettre e aussi un être qui peut exprimer des douleurs, des faiblesses. Son corps se tord, se fissure, s'écorche, selon les blessures qui l'atteignent. La maladie physique et psychologique peuvent alors la toucher et la marquer.

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Après l'écriture de ce mémoire, et suite aux différentes rencontres que j'ai pu faire, j'exposerai pour ouverture trois conats différents. Tout d'abord, la lettre a donc progressivement avancé et muté dans le temps pour finalement revenir à une forme qui tend à retrouver ses origines. La lettre e née du pictogramme, d'une idée, de la représentation d'un concept. Elle s'e ensuite simplifiée pour être réduite à 26 signes et phonèmes. À présent, j'ai l'impression que le conat actuel que l'on pourrait dresser sur la lettre c'e que l'on revient de plus en plus à une lettre image. La lettre ne se contente plus d'être un signe et un phonème mais elle met en avant des caractériiques physiques fortes qui permettront d'appuyer l'idée retranscrite dans le mot. D'autre part, par analyse, on se rend compte que la lettre traduit aussi fortement une norme. Il y a eu une syématisation de l'écriture, des conventions d'écritures. L'écriture manuscrite e contrainte aux normes apprises dans les cahiers d'écriture. L'écriture informatisée se contraint également au modèle exiant dans le syème des machines. Cela pose alors des questions relatives à la personnalité de la lettre défendue précédemment. Pour finir, une troisième ouverture, qui me touche particulièrement et qui appuie tout le propos de ce mémoire c'est l'évidence de ce lien au corps et à la lettre. Dans l'entretien avec Olivier Nineuil ce qui me frappe c'e que : lorsque le corps de la lettre n'e pas bien perçu par des enfants en difficulté, c'e au moyen de leur propre corps qu'ils peuvent alors comprendre la lettre. Cet exemple resserre davantage les liens entre la lettre et le corps vivant, animé. La comparaison entre ces deux entités devient alors évidente et légitime.

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Mémoire réalisé dans le cadre du maer Design Graphic en 2012-2013,

par Marine CHAUVAT, sous la direction d'Adeline GOYET Campus de la Fonderie de l'Image - 80 Rue Jules Ferry 93170 Bagnolet



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