Construire en terre crue en Afrique Subsaharienne | Perception et influences étrangères

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Construire en terre crue en Afrique Subsaharienne La mauvaise réception de la terre crue en Afrique de l'Ouest est-elle due à une influence continue de l'étranger ?

Mémoire mention recherche Sous la direction d'Aline Barlet

Marine Supiot Février 2019 École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Bordeaux


Fig. 1. Figures 1867, Atlas élémentaire, Malala ANDRIALAVIDRAZANA.


Il y a tout juste trois ans, je partais grâce à l’association Soli’raid au Togo, pour y construire des toilettes sèches. À la demande de deux associations, togolaise et française, notre association d’étudiants en architecture est venue apporter son aide durant les phases de conception et de construction. De cet aperçu, aussi furtif soit-il, de la pratique architecturale et de la construction au Togo, un aspect en particulier m’a marqué. Il s’agit de la forte dévaluation de l’architecture en terre face à la construction en béton et les fortes conséquences que des idées reçues ont sur la qualité de vie de la population, sur les pratiques traditionnelles et leur impact environnemental. J’ai souhaité aborder ce sujet dans le mémoire de licence afin de mieux comprendre les problématiques en jeu autour de cette question et tenter d’approcher sa solution. Il évoquait alors l’architecture vernaculaire, sa conservation et sa disparition, puis les problématiques sociales soulevées par ces évènements. Il décrivait également les techniques employées dans le passé mais aussi celles d’aujourd’hui, mises en œuvre dans le cadre de projets contemporains. Ce travail m’a permis d’avoir une vision d’ensemble de la construction en terre crue en Afrique de l’Ouest, et avec plus de recul, de faire évoluer ma réflexion autour des pratiques architecturales sur ce territoire. Aussi j’ai souhaité dans le mémoire de master, revenir sur ce sujet qui m’a marqué, mais en l’abordant d’un point de vue plus critique. Il interroge notamment l’implication de l’occident dans le développement de ces nouvelles techniques... qui ne font pas encore l'unanimité.



Je tiens tout d'abord à remercier Aline Barlet pour sa disponibilité, ses conseils précieux et ses encouragements qui m'ont accompagnés tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je remercie également Alain Klegbe, NEJ, Déka-Éwe et le comité de village de Damadé ainsi que Safiata Yerbanga, Simon Nacoulma et les membres d'ICCV-Nazemse pour leur engagement et pour avoir répondu à mes questions malgré le contexte actuel difficile au Burkina-Faso et au Togo. Merci à Nathalie Giraud et Rolande Konou pour leur investissement dans ce mémoire et pour avoir partagé avec sincérité leur expérience d'architecte en Afrique de l'Ouest. Merci à Antoine Dzamah et aux membres du Centre Sichem, au Père Benoît, à Abalo Yolou, Wiyaou Takpeke et aux maçons du CCL, à Koffi Francis et à Benoît Agbeve pour avoir pris le temps de me faire visiter leur lieu de travail et de partager leur expérience. Enam, Philomène, Clara, Joséphine, Paolo, Justine merci de m'avoir accueillie à Lomé et fourni de précieux conseils. Je porte enfin une attention particulière à AVID-Afrique, École secours et leurs volontaires, pour m'avoir donné la chance de participer à la mission de l'été 2015, d'y rencontrer des personnes formidables et de découvrir la construction en terre crue.


Sommaire Introduction 1. Quelle relation la société africaine entretientelle avec la terre crue ? 1.1. Vecteur historique de symboles et de repères

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Retour sur l’origine de la construction en terre crue Architecture populaire et vernaculaire, formes pures d’architecture ?

1.2. Bouleversements et remise en question

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Remise en question de l’usage de la terre De la terre au ciment, une évolution des techniques ?

1.3 Initier sa réintroduction

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Années 70’s, construction d’une pensée durable en Europe Retour de la terre crue, (ré)intégration des traditions ?

1.4. Rural et urbain, deux conceptions

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Dans les capitales, des bâtiments emblématiques Collaboration avec des architectes étrangers Une échelle de projet et des programmes accessibles

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ? 2.1. Diffusion et promotion

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Un cadre associatif encore bien présent Des organismes gouvernementaux en développement

2.2. Production et conception Création d’entreprises spécialisées Quel rôle pour la maîtrise d’œuvre ?

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2.3. Structuration de la filière terre crue, exemple de Lomé

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Présentation des acteurs Rôle et poids Freins et dysfonctionnements

3. Réalisations : Influences et bilans 3.1. Détail de la démarche

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Note méthodologique Trois bâtiments en terre crue Présentation des projets

3.2. Chantier et matière

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Matérialité et choix constructifs Rassembler autour de la terre

3.3. Maîtrise d'usage

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Sensibilisation et participation Quelle influence sur la réception du bâtiment ?

3.4. La figure de l'architecte

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Un parcours singulier Quelles interactions avec les autres acteurs ?

Conclusion

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Iconographie

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Bibliographie

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Annexes

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Introduction Les premiers projets en terre crue utilisant des techniques « nouvelles » en Afrique subsaharienne ont commencé à émerger dans les années 2000. Il est donc possible aujourd’hui d’analyser leur impact sur le territoire et leur réception et acceptation par la population. Bien que ces constructions présentent de nombreuses qualités, conjuguant capacités techniques, minimisation de l’impact environnemental, emplois de matériaux locaux et traditionnellement utilisés, l’écho auprès des locaux tarde à se montrer réellement enthousiaste. Aussi se pose une question : pourquoi une architecture pourtant dite « située » provoque la réticence des personnes de la « situation » en question ? Exprimé d’une autre manière : comment une population donnée peut-elle rejeter la nature de constructions apparemment idéales pour répondre à leurs besoins ? Peut-être faut-il étudier cette question en parallèle d’un autre phénomène. En analysant de plus près les projets concernés, il apparaît qu'ils entretiennent dans leur majorité des liens plus ou moins étroits avec l’occident, que ce soit par le financement, l’organisation, les concours architecturaux… D’autres aspects, liés à la pratique, rentrent également en compte : la culture d’origine des architectes, leur formation, les lieux où se concentre leur pratique. Ainsi, les origines et les expériences acquises par un architecte peuvent-elles avoir une influence sur l’acceptation de la production architecturale ? Si oui, dans quelles mesures ? Le refus des constructions en terre crue en Afrique de l’Ouest peut-il s’expliquer par l’influence continue de l’étranger ? Pour comprendre ce phénomène, il faudra dans un premier temps revenir sur l’histoire et les processus qui ont mené d’un usage courant de la terre crue à l’abandon progressif de sa mise en œuvre.

L’architecture vernaculaire subsaharienne a prouvé les qualités de ce matériau d’un point de vue durabilité : ressource locale, qualités d’ambiances, liberté d’expression plastique… Néanmoins certains facteurs sont venus sérieusement remettre en question son utilisation, puis la revaloriser dans des projets contemporains. Nous chercherons à montrer comment ces changements se sont inscrits, ou non, dans un processus cohérent d’évolution des techniques traditionnelles et à identifier le rôle joué par le fantôme occidental. Ensuite, nous nous pencherons surles dynamiques actuelles autour de la construction en terre. Il sera intéressant d'analyser sa revalorisation et sa montée en puissance au sein de la filière du BTP, et notamment d'identifier les acteurs à l’origine de ces actions. Cela nous permettra ensuite observer et analyser les conditions actuelles de mise en œuvre et d’utilisation dans le cadre de projets contemporains. Nous pourrons alors questionner la place de l’architecte dans ces projets et notamment son rôle en tant que maître d’œuvre dans la perception de la terre crue par les populations. Enfin, pour comprendre l'impact de l’architecte dans la réaction de la population à ces projets, nous viendrons prendre appui sur des exemples concrets au Togo et au Burkina-Faso. L’architecte agit à la manière d’un filtre, un filtre teinté par sa culture, ses valeurs, ses convictions. Les exemples choisis témoigneront alors principalement de trois éléments : son origine, sa formation et sa pratique. Nous ferons des allers-retours entre Afrique et Europe afin de comprendre l’impact de ces éléments sur la réponse apportée. Nous chercherons alors à recueillir les témoignages de leur architecte mais aussi de leurs utilisateurs afin de mesurer la bonne ou la mauvaise réception du matériau terre crue. Introduction

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1 . Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?

Fig. 2. Évolution des techniques constructives en territoire rural, Ykpa, Togo.

Dans l’évolution de la relation entre la société africaine et la terre crue, il est possible d’identifier trois phases majeures. Principal matériau de construction, elle est encore très présente dans les régions rurales qui conservent aujourd’hui des témoignages de constructions vernaculaires (fig.2). On peut y voir le reflet de traditions et symboles modelés dans la matière, ainsi qu’un ajustement précis aux conditions climatiques du territoire concerné. La période coloniale a ensuite favorisé les échanges entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe, notamment la circulation des grands principes modernes. C’est à cette période de l’aprèsguerre que la culture de l’architecture «hors-sol» s’est enracinée dans les capitales africaines,

amenant avec elle le culte du béton et le rejet des constructions traditionnelles. La troisième phase s’est amorcée dans les années 70, où s’est posée la question du réemploi de ce matériau dans une logique durable. Accessible, facile à mettre en œuvre, qualitative en matière de confort, elle est aujourd’hui présentée comme un matériau d’avenir qu’il est nécessaire de mettre en avant pour former la « nouvelle architecture africaine ». À partir de cette trame historique, nous chercherons à développer les notions d’architecture vernaculaire, de renouvellement des traditions mais aussi à questionner la place qu’a joué l’occident dans ces changements ainsi que la légitimité de son influence.

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?

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1.1. Vecteur historique de symboles et de repères Présente dans la grande majorité des constructions, la terre crue est un matériau indissociable du territoire africain. Son omniprésence s’explique par la grande accessibilité de la matière première : gratuite, la terre présente sur chaque terrain est susceptible d’être employée par son propriétaire. C’est cet usage d’une ressource locale qui a permis l’émergence de différentes techniques constructives. En effet, la constitution de la terre varie énormément en fonction des régions et se prêtera plus ou moins, selon son comportement, à telle ou telle mise en œuvre. Cette variabilité lui permet ainsi de s’adapter à chaque contexte, chaque région d’Afrique, utilisant la bauge, le pisé, le torchis …. À ce premier filtre « technique » vient se superposer le filtre « symbolique », lié à l’expression du peuple qui met en œuvre la matière. Au-delà des différences liées au contexte géographique, le très grand nombre d’ethnies en Afrique subsaharienne se reflète alors dans la diversité des architectures rencontrées. Elles sont d’autant plus importantes qu’elles sont le témoin de valeurs, de traditions, exprimées dans la terre. Ce patrimoine n’a pas uniquement une valeur historique ou archéologique, il révèle également des pratiques actuelles de la vie quotidienne.

1.1.1. Retour sur l’origine de la construction en terre crue Reflet du territoire Le premier intérêt que représente l’étude de techniques vernaculaires est la connaissance et le respect de l’environnement dans lequel elles ont été mises en œuvre. Propres à une région, elles ont subi peu d’altérations liées à des interventions extérieures et sont donc en totale adéquation avec les ressources disponibles. Les populations indigènes ont au fur et à mesure du temps développé leurs connaissances du milieu, de la terre, des climats… qui se retrouvent dans un savoir-faire transmis de génération en génération. La terre se fait reflet du territoire selon plusieurs critères : l’utilisation et l'optimisation d’une ressource locale et l’adaptation au contexte climatique. On peut alors citer l’exemple de l’architecture Batammariba1, qui utilise la technique de la bauge2 grâce à une terre très riche en argile. L’utilisation de cette technique est très courante en Afrique de l’Ouest, notamment au Togo, au Bénin et au Ghana. Ceci s’explique par une composition du sol particulièrement argileuse. Simple dans sa mise en œuvre, la bauge met alors à profit la qualité plastique de la terre apportée par l’argile et consiste à « façonner » directement des murs, parois… de la même façon qu’on le ferait avec une poterie (fig.3). Le peuple Batammariba, installé au Nord-est du Togo jusqu’au Bénin, utilise cette technique dite « Atakwa » pour former ses Takientas (fig.4) (habitations et temples). Ils plaquent les masses de terre les unes à la suite des autres, « en

Fig. 3. Façonnage d’un mur en bauge, technique traditionelle de construction des Takientas, Bénin.

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1 N’KEGBE FOGÂ Tublu Komi. Koutammakou ou le pacte entre le Batammariba et la nature. 2 HOUBEN Hugo, GUILLAUD Hubert. Traité de construction en terre.

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cordon » sur plusieurs strates superposées. Ainsi utilisée, la terre permet de former des parois que l’on peut qualifier de monolithique et assurant une plus grande stabilité. L’utilisation de cette technique, la bauge, donne ainsi une très grande liberté d’expression formelle au concepteur et l’argile vient ici au service des Batammaribas. En effet, par leur forme conique, le centre de gravité des murs d’enceinte se déplace progressivement vers le centre de l’habitation. Elle leur permet d’exprimer cette importance accordée à la cellule familiale par l’articulation en plan de tours rondes, pouvant s’ajouter ou se détacher de la maison mère. Les habitations traditionnelles batammaribas ne sont qu’un des nombreux exemples d’architecture vernaculaire en terre faisant lien entre matière, technique, symbolique et paysage. Mais au-delà de l’utilisation de la terre pour ses propriétés intrinsèques, elle est également bien adaptée aux conditions climatiques dans lesquelles elle est mise en œuvre. En effet, sa capacité à stocker la chaleur accumulée lors de la journée et de restituer les

Fig. 4. Une Takienta récemment construite.

calories absorbées la nuit montre que la terre est parfaitement adaptée aux pays d’Afrique subsaharienne, dont le climat présente une forte amplitude thermique. L’inertie que l’on retrouve dans les constructions en terre varie ensuite selon la technique utilisée3, apportant plus ou moins de masse aux éléments constructifs. Ainsi, le torchis, élément de remplissage, forme des murs fins et contient une proportion importante de paille ; on obtient alors un déphasage plus faible que dans des constructions en pisé, composées de murs épais et très denses. En effet, la masse volumique des mélanges terrepaille varie entre 300 et 1300 kg/m3 alors que celle du pisé approche les 2000 kg /m3. Lorsque nous avions l’occasion d’être invités chez eux par les habitants togolais, nous avons trouvé des habitations fraîches et un air sec alors que nous étions beaucoup plus exposés dans notre logement construit « à l’occidentale » à la chaleur et à l’humidité. Notre hôte nous avait alors expliqué que cette qualité de l’air avait été un argument en faveur de la terre, au même rang que l’argument économique et traditionnel.

3 GLOBAL ARCHICONSULT. La terre crue en architecture.

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Cet échange dynamique permanent du mur avec son environnement a donc également des répercussions sur l’humidité en excès dans l’air, qui est ainsi absorbée, stockée et restituée, permettant le maintien d’une hygrométrie constante. Cette inertie hydrique, couplée à l’inertie thermique a une action incontestablement bénéfique sur le confort et la santé. Expression d’une identité propre C’est également le symbole que représente l’architecture vernaculaire qui souligne l’importance de ces traditions et les repères qu’elles représentent. Cette architecture guidée par une qualité de terre ou un climat particulier, est également le fruit des croyances et traditions des différents groupes ethniques et participe pleinement à l’expression de leur identité.

Fig. 5. Plan et coupe types d’une Takienta.

Fig. 6. Grande terrasse commune de la Takienta.

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Elle est ainsi modelée par la vie quotidienne : l’habitat, témoin de la vie du foyer ou les lieux de vie collective, fondements de vie de la communauté. Les Takientas sont constituées de tourelles, reliées entre elles par des murs d’enceinte. Chacune de ces tourelles a au premier étage un accès à une grande terrasse commune située au centre de cette cellule familiale (fig.5 et 6). Espaces où se déroulent les activités communes, ces terrasses sont essentielles à la vie de famille et leur configuration et position centrale n’est donc pas due au hasard. L’architecture vernaculaire véhicule également des valeurs à travers la fonction ou l’orientation d’un édifice religieux, le rite de passage à l’âge adulte ou encore leur expression plastique (inscription, motifs…). Reprenons l’exemple du peuple Batammariba. La construction marque l’émancipation d’un des enfants du foyer, ainsi une nouvelle Takienta est construite à chaque nouveau foyer créé. La maison mère, sera la seule reconstruite systématiquement sur les mêmes fondations, impliquant l’abandon des autres tourelles. Ainsi, par le lien fort existant entre l’habitation et leurs traditions, le cycle de vie de la Takienta intègre sa construction jusqu’à sa destruction. Un

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?


édifice vit le temps d’une génération et seuls des travaux d’importance mineure seront effectués : une fois abandonnées, les ruines retrouvent leur état « initial » ou seront réutilisées pour les prochaines constructions.

Ainsi l’espace est simplement signifié par un niveau de sol surélevé et couvert par une canopée de bambou. C’est un lieu de rassemblement, où les visiteurs sont invités à s’arrêter, s’asseoir sur le rebord de la plateforme, profiter de l’ombre …

Consciente ou inconsciente, cette transcription dans l’espace d’un certain mode de vie a également une valeur universelle. Il a été demandé à l’architecte burkinabé Francis Diébédo Kéré en 2016 de concevoir le pavillon d’accueil d’une exposition dans le cadre de la Triennale del design à Milan. S’inscrivant dans le thème de l’exposition « Tradition and Technology », il choisit de réinterpréter la configuration typique de la place du village africain. L’architecte dira à propos de son village natal : « My home village is a benchmark for the public architecture I design, where you feel part of the community and the surrounding landscape »4.

Cette organisation spatiale est la traduction d’une organisation sociale et d’usages particuliers. Elle s'assimile par exemple à la place de l’église en France, élément repère lors de la formation des bourgs. Celle-ci traduisait le désir des instances religieuses de créer un espace de représentation afin d’affirmer son pouvoir. Ainsi, tant dans la forme de l’objet architectural que dans son organisation spatiale, les constructions traditionnelles en terre crue cristallisent symboles et usages. Sur ce même territoire, les sociétés ont évolué, les traditions sont conservées, abandonnées, reconstituées. Ces changements sont-ils à l’origine de l’abandon de la terre crue ou à l’inverse l’utilisation de nouveaux matériaux est-elle à l’origine de l’abandon de traditions liées à la matière ? Nous essaierons de répondre à cette question par l'analyse de l’architecture vernaculaire et du « vernaculaire contemporain ».

La forme mais également la fonction du pavillon s’assimilent à celles des lieux de vie commune au sein des villages (fig.7 et 8), des lieux de rencontre et de repos.

Fig. 7. Lieu de rassemblement dans un village togolais. 4 Francis Diébado Kéré. Programme de l’exposition « A Matter of perception», DAMn Magazine, avril 2016.

Fig. 8. « Village Néo-Africain», Kéré-Architecture, pavillon d’accueil de l’exposition Tradition and Technology, DAMn.

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1.1.2. Vernaculaire et architecture populaire, formes pures d’architecture ? Définitions Le terme vernaculaire est un dérivé du mot latin vernaculus qui signifie indigène ; on définit alors comme vernaculaire « une caractéristique culturelle propre à un pays, une région, une communauté parfois restreinte »5. Ce terme peut s’appliquer à grand nombre d’expressions culturelles, aux langues, à la musique, mais évidement aussi à l’architecture. Une architecture vernaculaire sera donc : « propre à un pays, une région» où elle est située et « propre à […] une communauté » à laquelle elle est destinée. Ce sont deux orientations de définition que poursuit Paul Oliver, professeur à l’université d’Oxford, dans l’introduction de l’Encyclopedia of vernacular architecture of the world6. Il y décrit les critères définissant une architecture vernaculaire, permettant de réunir plusieurs constructions au sein du même mouvement. Il évoque dans un premier temps des notions géographiques, les conditions climatiques et ressources matérielles. Croisés avec la technologie et les systèmes constructifs mis en oeuvre, ces éléments sont moteur de la forme architecturale. Ces dernières mettent l’accent sur l’interaction de l’Homme avec son environnement, sur le développement de technologies répondant à des singularités régionales et à des besoins spécifiques de confort. L’auteur précise à ce sujet que les constructions vernaculaires « are required to protect their occupants from environemental extremes and to create a micro-climate compatible with human physical comfort »7.

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systématique liée à son contexte, l’architecture vernaculaire est également modelée par la culture d’un groupe. Elle est à la fois témoin et vecteur d’expression d’une identité propre. Ceci est d’autant plus perceptible que « vernacular builders are customarily from the communities which use the structures and are frequently ownerbuilder-occupiers »8. Cette triple casquette de propriétaire-constructeur-usager conduit à une implication de l’usager dans la totalité du processus de construction. Cela signifie aussi la réalisation d’une architecture directement issue des choix de son occupant, sans intermédiaire. De plus, la définition d’architecture vernaculaire ne peut pas être complète sans un volet historique. Souvent associés, vernaculaire et histoire sont deux mots qui entretiennent une relation ambiguë : le terme vernaculaire appartient-il uniquement au passé ? Christian Lassure9 aborde ces thématiques dans un essai de définition de l’architecture vernaculaire. Le volet historique définit un bâtiment vernaculaire comme « appart[enant] à un ensemble de bâtiments surgis lors d’un même mouvement de construction ou de reconstruction »10. Il associe alors un mouvement vernaculaire à une période de temps, pouvant être plus ou moins courte. Ainsi les maisons en pisé et toit de chaume encore construites aujourd’hui sont qualifiées de vernaculaires au même titre que les maisons à pièce unique, caractéristiques de la première moitié du XIXe siècle en France, qui ont aujourd’hui disparu. Cet exemple souligne l’importance de la temporalité dans la définition d’une architecture vernaculaire, car il prend en compte les mouvements au sein des sociétés.

La typologie d’un bâtiment, sa fonction et sa signification seraient, quant à elles, guidées par une organisation sociale, des croyances et des usages. Aussi, au-delà d’une réponse

Issue de la rencontre entre le territoire et une communauté, elle est forcée à évoluer lorsque l’une de ces deux données change, que ce soit un dérèglement climatique ou une modification des rythmes de vie.

5 Définition. Le grand Larousse illustré, édition 2017. 6 COLLECTIF. Encyclopedia of vernacular architecture of the world. 7 OLIVER Paul. Ibid, Introduction, p.22.

8 Ibid. 9 Fondateur du Centre d’Étude et de Recherche sur l’Architecture Vernaculaire (CERAV). 10 LASSURE Christian. L’architecture vernaculaire : essai de définition.

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Ainsi, les architectures en terre crue, telles que décrites précédemment, remplissent ces critères : utilisation de matériaux locaux, qualités d’ambiance, liberté formelle et mise en œuvre témoin de traditions et de croyances ... Le milieu du XXe s représente néanmoins pour certaines d’entre-elles un tournant important, la fin d’un cycle ?

Comme le décrit Bruno Zévi, dans Dialogues architecturaux 12 , elle traduit directement des besoins, des envies qui se matérialisent par différents moyens, selon les ressources disponibles. L'auteur compare cette architecture à des adjectifs appliqués aux ressources locales. Il y oppose les grands mouvements, des phrases toutes faites où des noms sont bien identifiés et portent tel ou tel adjectif.

Auto construction, forme actuelle de vernaculaire ?

Là où l'architecture est codifiée, reproduite sans

« Vernacular builders are customarily from the

communities which use the structures and are frequently owner-builder-occupiers »11

En écrivant que les artisans de l’architecture vernaculaire sont le plus souvent propriétaire, constructeur et habitant, Paul Oliver souligne le lien fort entre auto-construction et architecture vernaculaire. Celle-ci est en effet une architecture spontanée.

appropriation elle n'a plus la capacité d'évoluer. L'auto-construction, parce qu'elle se pratique encore grâce à la transmission d'un aîné et non par l'application de modèles, répond à ces critères. En Afrique de l'Ouest, cette tradition est encore forte sur les territoires ruraux, ce qui peut expliquer une plus grande continuité dans l’architecture produite, toujours qualifiée de vernaculaire. Mais elle se perd de plus en plus dans les grandes villes, où les bidonvilles (fig.9) sont les principaux lieux où les organisations spatiales échappent au plan quadrillé et sont le fruit d’organisations sociales.

Fig. 9. Bidonville d'Amoutivié, Lomé, Togo. Au fur et à mesure des arrivées une porte d'entrée du quartier s'est dessinée.

11 OLIVER Paul. Ibid, Introduction, p.22.

12 Dialogues architecturaux, Bruno Zévi, 1996.

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1. 2. Bouleversements et remise en question

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Matériau le plus répandu dans les bâtiments de l’Afrique de l’Ouest, la terre crue n’est aujourd’hui plus la référence en matière de construction. Actuellement, c’est plus l’utilisation de parpaings ou de béton qui est plébiscitée avec une utilisation de plus en plus systématique en contexte urbain qui commence à s’installer dans les villages (fig.10). Ce basculement est apparu dès les années 1940 dans cette région, où seul le Libéria est un pays indépendant. Il est possible alors de faire le parallèle entre cette forte valorisation du béton en Afrique et les évolutions dans le domaine de la construction en Europe pendant l’après guerre. Cette tendance a ensuite été appuyée par l’acquisition de l’indépendance d’un bon nombre de ces pays dans les années 1960. Alors confrontés à une société en cours de mondialisation et déterminés à y trouver leur place, ces états ont longtemps promu ces nouveaux matériaux « internationaux », semblant mieux adaptés à de nouveaux modes de vie. Reprises d’enduit, reconstructions après les saisons des pluies ... les travaux chronophages liés à la terre sont de moins en moins acceptés. Ces changements ont pourtant un impact important sur une grande partie de la population, principalement d'un point de vue économique. Il est alors légitime de se demander si ces nouveaux matériaux dont l’utilisation a explosé brutalement, peuvent trouver leur place dans une évolution des techniques constructives que certains appelleront « modernisation ».

1.2.1. Remise en question de l’usage de la terre

Fig. 10. Nouvelles habitations en parpaings en construction ou abandonnées à Lomé, Togo.

13 CONTAL Marie-Hélène. Réenchanter le monde, Ed. Alternatives, 2014, p57.

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Impact de la période coloniale et des idées du mouvement moderne Apparu dans la première partie du XXème siècle avec le développement du Bauhaus, le mouvement moderne marque un tournant dans l’histoire de l’architecture européenne. Il prône la rupture avec le passé et ce qui était la ville historique pour créer une ville nouvelle et « moderne ». Cette rupture dans le temps s’accompagne également d’une rupture du lieu. Ainsi, on cherche à produire une architecture rationnelle, pure et universelle ne prenant pas en compte le contexte géographique ou social. De même, il exclut toute possibilité d’adaptation de l’environnement bâti à l’évolution des usages et des pratiques. On peut alors parler « d’architecture hors-sol »13, d’architecture déssituée, dont les principes de conception sont applicables partout dans le monde. Après la théorisation de la Charte d’Athènes en 1933, très peu d’expérimentations verront le jour pendant l’entre-deux guerres. C’est à la fin de la seconde guerre mondiale que les théories modernes prennent une plus grande ampleur, elles accompagnent alors la reconstruction. On cherche à construire vite, moins cher afin de reloger les sinistrés. Face à cette situation très tendue l’efficacité prime. Il s’agit alors d’une opportunité, notamment pour le gouvernement français, de relancer le secteur du bâtiment. Il soutient le recours à de nouvelles techniques, aux éléments standardisés et préfabriqués et à l’utilisation de nouveaux matériaux tel que le béton. Celui-ci offre de nouvelles possibilités aux concepteurs, et représente une avancée technologique majeure.

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Il est alors employé massivement dans la construction, notamment des grands ensembles, à l’image de l’unité d’habitation de Firminy. Appartements modernes, facilité d’entretien, création d’une communauté dans les grands ensembles, ce modèle est perçu comme un grand pas en avant dans le temps14 (fig.11). À cette période, bon nombre de pays africains de l’Ouest sont encore sous l’égide européenne et le contexte colonial y a favorisé la diffusion des théories modernes. De plus, les problématiques présentes en Europe se retrouvent dans les ambitions projetées sur le territoire africain : doter le pays de grandes infrastructures, d’équipements... Bénéficiant d’un contexte géographique et administratif réglementairement moins stricte, l’Afrique subsaharienne était alors un réel terrain d’expérimentation. Elle aura été le lieu d’implantation d’un nombre important de réalisations modernes, aujourd’hui assimilées au patrimoine colonial. Le centre d’Asmara, capitale de l’Érythrée est symptomatique de ce phénomène, apparu dans une grande part de l’Afrique. Inscrite en 2017 au Patrimoine mondial de l’UNESCO15, Asmara est un témoin de l’urbanisme moderne et radicaliste italien : tracé urbain, formes rationalistes visibles sur des édifices publics comme privés (cinéma, banques, équipements industriels...). Le Fiat Tagliero (fig.12), avec sa grande aile en porte-à faux, est un exemple de bâtiment placé sous un régime de protection. La reconnaissance de ce patrimoine par les organisations internationales souligne le caractère non anecdotique de ces bâtiments.

Fig. 11. Unité d’habitation de Firminy, affiche illustrant le passage du modèle ancien de la ville vers les grands ensembles modernes.

Fig. 12. Le Fiat Tagliero, Giuseppe Pattazzi, 1938, Asmara, Érythrée.

Véhiculant une image, à juste titre, de « modernité », les grands principes modernes se sont principalement appliqués dans les capitales et grandes villes (fig13). 14 COUSIN Olivier, POUVREAU Xavier. Firminy, le maire et l’architecte, Pirouette Films, 2007. 15 UNESCO, Asmara : une ville moderniste d’Afrique.

Fig. 13. Palais des Congrès, aile du musée national, Lomé, Togo.

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L’innovation technologique a, quant à elle, rapidement été assimilée à une architecture en phase avec son temps. De par leur coût et leur proximité avec l’occident, on appelle ces habitations construites en béton « les maisons du riche » par opposition à « la maison du pauvre » en terre crue. Leur développement sur le territoire a fortement marqué les esprits et reste encore d’actualité. Intégration de la société mondialisée et nouveaux modes de vie Avec l’entrée brutale du continent Africain dans l’ère mondialisée et l’expansion explosive des villes, l’architecture en terre conçue par et pour un environnement particulier n’a pas su s’adapter à de tels changements. L’évolution des modes de vie joue un rôle important dans le rejet actuel de cette architecture. Née dans des contextes ruraux, où la construction de la maison représentait un acte symbolique fort, la transition vers le secteur tertiaire et la vie urbaine est venue remettre en question ces priorités. Construire en terre crue selon les techniques traditionnelles demande en effet un entretien quasi-journalier. Cela nécessite, selon le type d’architecture, des travaux de plus ou moins grosse ampleur chaque année après les dégâts occasionnés par la saison des pluies. Cet aspect était auparavant complètement intégré aux traditions et mœurs de ces habitants. Les travaux de consolidation pouvaient être une occasion pour rassembler la communauté, à l’image de la fête annuelle du crépissage à la grande mosquée de Déjénné, au Mali. La destruction récurrente des habitations pouvait être acceptée car intégrée à la religion comme chez les Batammariba qui laissent volontairement leur Takienta à l’abandon jusqu’à son retour à la terre. Aujourd’hui pourtant, alors que ces pratiques persistent dans les régions préservées de la pression urbaine ou grâce à des organismes de protection du patrimoine, la place qui leur est réservée dans la vie de tous les jours est de plus en plus réduite. La majeure partie du temps des

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actifs est consacrée aux activités professionnelles et la population est de moins en moins prête à en accorder à des rénovations astreignantes (fig. 14) lorsqu’il est possible de les réduire considérablement avec d’autres matériaux. Apparaissent également les conséquences liées à la professionnalisation de la construction. Alors qu’auparavant chacun avait la responsabilité de sa propre habitation, le domaine est aujourd’hui majoritairement représenté par des professionnels. Cela permet aux maçons de bénéficier d’une formation plus complète mais explique également une diminution de la transmission des savoirs chez les particuliers, qui doivent alors se ranger aux choix constructifs de ces premiers. Ils ne sont plus en mesure de comprendre et maîtriser la construction de leur propre habitation et faire appel à un entrepreneur s’accompagne le plus souvent d’un coût supplémentaire. La question de la formation joue également un rôle clé dans la proportion de nouvelles constructions utilisant la terre. Au vu de l’importance toujours croissante que prennent les « nouvelles façons de construire », la grande majorité des maçons n’est formée qu’à ces techniques. Cela explique le recours de plus en plus automatique au béton. Si ce savoir reste présent chez les individus encore impliqués dans la vie des territoires plus ruraux et dans leurs régions d’origine, la connaissance des techniques vernaculaires est de plus en plus approximative. Les nouvelles générations, qui n’ont pas été sensibilisées à ce patrimoine, n’auront plus le bagage technique pour considérer la terre crue comme une alternative. Des faiblesses techniques incompatibles avec « la modernité » Au-delà de la promotion importante faite de l’architecture béton et à cette notion d’image de modernité qu’elle renvoie, l’abandon de la construction en terre est aussi dû à certaines lacunes techniques.

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Comme nous venons de le dire, l’architecture vernaculaire imposait à ses habitants un entretien régulier et une attention toute particulière à la réaction du bâtiment aux agressions extérieures. Cette problématique est liée à une région concernée par les climats tropicaux et équatoriaux. Ceux-ci sont marqués par l’alternance entre saisons des pluies avec de très fortes précipitations et un taux d’humidité élevé et saisons sèches où les températures peuvent atteindre les 40 degrés. Des conditions climatiques difficiles qui mettent à rude épreuve les structures. Bien qu’aujourd’hui les nouvelles constructions en terre aient fait leurs preuves, les techniques employées dans l’architecture vernaculaire montraient des faiblesses. Le principal facteur de dégradation des constructions en terre est l’eau, qui se manifeste autant par les pluies battantes intenses des saisons des moussons que par les infiltrations par capillarité du fait de l’humidité ambiante. L’enduit est la principale protection des parois lorsque celles-ci ne sont plus sous couvert de la toiture (fig.15). Sa qualité est relative aux adjuvants utilisés dans sa composition et bon nombre d’entre-eux, utilisant par exemple l’essence néré, perdent leur caractéristique imperméabilisante avec le temps. Ainsi, après érosion et décollement, majoritairement dus au ruissellement des eaux pluviales, il ne protège alors plus les éléments porteurs des autres agents atmosphériques, dont le soleil. Étroitement liées aux facteurs d’humidité, les variations de températures impactent également le comportement des parois. Le matériau terre n’étant pas inerte, il réagit aux modifications de l’atmosphère dans laquelle il se trouve. Ainsi un changement brusque de température modifiera sa densité et la cohésion de ses constituants. Selon les moyens de mise en œuvre utilisés (terre projetée, terre compressée…), ces changements de volume seront plus ou moins homogènes et feront apparaître des tensions au sein des structures. Celles-ci augmentent fortement les risques de déformation, de fissures et de désolidarisation du mur (fig.16). Enfin, les faiblesses des résistances mécaniques auront, elles aussi, un rôle dans la dégradation

des constructions. Une mauvaise répartition des charges, une gestion des ouvertures mal effectuée, un système porteur mal organisé pourront à long terme mener à l’effondrement des bâtiments. La réaction à ces sollicitations dépend néanmoins en grande partie de la technique de construction utilisée et chacune a alors un comportement différent face à ces efforts.

Fig. 14. Construction laissée à l'abandon, Ykpa, Togo.

Fig. 15. Érosion du torchis dû à l’écoulement de l’eau, Ghana.

Fig. 16. Désolidarisation des murs aux angles, Wétropé, Togo.

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Les possibilités techniques de la terre s’opposent aux prouesses que permet le béton. Ainsi, s’il résout les problèmes précédemment évoqués, il permet également lorsqu’il est armé, de travailler en flexion et en traction. Cela rend alors possible l’utilisation du système poteau poutre, la réalisation d’éléments horizontaux, de franchir de plus grandes portées... Il permet aussi de produire des formes nouvelles, « modernes » : larges baies vitrées, toit terrasse...

1.2.2. De la terre au ciment, une évolution des techniques ? Conséquences importantes sur le paysage et le confort de vie La légitimité de cette remise en question brutale de l’usage de la terre pose dans un premier temps la question des conséquences négatives qu’elle a sur le paysage et le confort de vie. En effet, abandonner la possibilité de construire soimême, avec un matériau facilement disponible et

peu coûteux au profit de techniques « modernes » pose problème aux populations les plus fragiles, qui sont pourtant les plus attirées par l’image renvoyée par ces nouveaux moyens de construction. Les foyers s’endettent pour commencer des travaux rapidement forcés à l’arrêt faute de moyens. Dans le meilleur des cas, ces ébauches d’habitations sont laissées en attente, mais elles sont en majeure partie à l’abandon à l’image de certains quartiers de Lomé, cimetières à ciel ouvert. Cela mène alors trop souvent de nombreuses familles à vivre pendant un temps indéfini dans des conditions de vie désastreuses, qui mis à part la présence de quatre murs à peine montés sont semblables à celles des bidonvilles. Yao , impliqué dans la vie du village et son développement, me disait avoir conscience de cette situation dangereuse. Il expliquait avoir choisi de construire sa maison en pisé (fig.17) car il s’agissait pour lui de la meilleure façon d’assurer rapidement un toit à ses enfants, de montrer et préserver ces modes de construction traditionnels.

Fig. 17. La maison en pisé de Yao, Wétropé, Togo.

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Cela aura néanmoins nécessité quelques modifications par rapport aux constructions traditionnelles, notamment concernant sa résistance à l’eau et à un entretien jugé trop important. Dans son cas, mais comme il est possible de le voir durant la traversée du pays, les couvertures en tôle tendent à remplacer les toits de chaume. Enfin, qu’elle soit brutale comme en ville ou en cours dans les campagnes, la transition vers ces nouveaux modes de construction a pour conséquence la déconnexion du bâtiment à un contexte auquel il n’est plus adapté. Les manifestations d’architecture vernaculaire sont le résultat d’une connaissance pointue de l’environnement dans lequel elles sont incluses. Les substituer par un modèle de construction importé, équivaut à perdre tous les avantages développés par la construction en terre crue. Ceux-ci sont indissociables à un bon confort de vie et regardent les notions de thermique, d’hygrométrie mais aussi d’écologie, liée à une construction à faible impact environnemental. Nous noterons les perturbations provoquées par des techniques de construction plus invasives, impactant par exemple la perméabilité et la pollution des sols. Les conséquences lors des saisons des pluies, si elles ne sont pas anticipées, peuvent être dramatiques. En effet, les inondations sont fréquentes dans les grandes villes, à l’exemple de Lomé. L’imperméabilisation des sols couplée à une mauvaise gestion de la lagune y a causé de grosses inondations en 2015 (fig.18). Les modifications inévitables des paysages sont apportées par le changement typologique des édifices construits. L’image et les silhouettes des paysages ruraux et urbains caractéristiques disparaissent. C’est d’ailleurs dans le but de sa conservation, que le Koutammakou, pays des Batammariba a été récemment inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. La note de l’organisation précise à ce sujet que pour la conservation de ce « paysage évolutif vivant »16, la protection dite traditionnelle nécessite le soutien d’une protection juridique minimisant l’impact des éléments extérieurs. 16 UNESCO. Koutammakou, le pays des Batammariba.

Légitimité des facteurs extérieurs Comme nous l’avons vu précédemment l’impact d’un apport étranger dans la constitution de traditions constructives serait malhonnête ou du moins erroné. Néanmoins, Christian Lassure évoque les échanges entre régions et l’impact que ceux-ci ont eu sur les architectures vernaculaires : « Si l’on tient compte des décalages survenant d’une zone à une autre, ces éléments [diffusion de plans, de techniques de construction et de décors stylistiques] permettent de dater, à quelques décennies près, les bâtiments où qu’ils se trouvent »17. Nous avons rapproché plus haut cette définition du cas en Afrique de l’Ouest, qu’il est plus juste de considérer, par son histoire, comme une grande région dans laquelle ont évolué et évoluent encore aujourd’hui un très grand nombre d’ethnies. Mais qu’en est-il d’une influence extracontinentale, non choisie et sélectionnée par les locaux mais importée par des étrangers dans un contexte local ? Deux aspects méritent d’être étudiés afin de déterminer la bonne ou mauvaise influence de ces évolutions : les aspects sociaux et environnementaux.

Fig. 18. Inondations de 2015 à Lomé, Togo. 17 LASSURE Christian. L’architecture vernaculaire : essai de définition, supplément n°3, L’architecture vernaculaire.

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D’après la définition considérée, un type vernaculaire est caractérisé par « une époque donnée mais aussi de la classe sociale qui l’a fait construire et l’a utilisé »18. C’est ici l’illustration parfaite de la fracture visible dans beaucoup de capitales africaines : des maisons abandonnées en cours de construction, faute de moyens. Les personnes souhaitant construire leur habitation par le biais de ces nouvelles techniques « modernes » se sont heurtées à une forte différence en matière de prix par rapport à la construction en terre dont ils avaient l’habitude. En effet, la matière première étant importée de l’occident, son prix est lui aussi indexé sur le pouvoir d’achat occidental, bien éloigné de celui d’une grande part de la société africaine. Aussi, si nous ne parlons plus ici de classe sociale à proprement parler, Christian Lassure met le doigt sur un fait : ne peut être définie vernaculaire une architecture que les usagers et constructeurs n’ont pas les possibilités de développer et de s’approprier. Ceci est un premier argument, expliquant l’illégitimité de ces constructions dans une évolution logique des traditions constructives. Dans un second temps, c’est le contexte dans lequel a été développé le béton qui pose problème. En effet, les échanges survenant « d’une zone à une autre » impliquent un rayon géographique. Si celui-ci ne se compte pas en kilomètres, s’adaptant aux situations et contextes géographiques, il implique une diffusion « de proche en proche » ; ce sont les similarités entre deux régions, entre deux communautés qui vont expliquer le partage de tel ou tel caractère. On trouvera par exemple une similarité entre les habitations sévillanes et les riads marocains tous deux organisés autour d’un patio central. Dans notre cas, ce sont deux climats complètement différents que celui d’origine et celui d’implantation de l’architecture béton. Le premier se caractérise par un climat relativement sec, avec une différence de température entre le jour et la nuit relativement faible, le second est marqué par de fortes variations diurnes et annuelles de températures et une très forte humidité, 18 Ibid.

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amplifiée lors de la saison des pluies. Cela montre une incompatibilité entre le climat tropical humide et l’utilisation systématique pour tous les éléments constitutifs des constructions du béton. D’autres pourront rétorquer que malgré ces contre-sens, la demande de la population envers ces moyens de construction suffit à expliquer leur intégration dans les traditions. L’architecte français Fernand Pouillon, évoque la « filiation inversée » : « Nous choisissons ce par quoi nous nous déclarons déterminés, nous nous présentons comme les continuateurs de ceux dont nous avons fait nos prédécesseurs »19. Une citation que nous pouvons compléter par celle de Gérard Lenclud « L’utilité en général d’une tradition est de fournir au présent une caution pour ce qu’il est : en l’énonçant, une culture justifie d’une certaine manière son état contemporain »20. Voilà qui résume les évènements actuels : une société qui pour l’image qu’elle souhaitait donner, peut-être pour laquelle les traditions constructives en terre ne semblaient pas capables d’évoluer, a montré la volonté radicale d’en changer. Nier le passé pour se construire un autre avenir.

19 POUILLON Fernand, en 1951. Cité par LENCLUD Gérard, La tradition n’est plus ce qu’elle était..., Terrain. (Septembre 1987), P100-123. 20 Ibid.

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1.3. Initier sa réintroduction Pourtant, alors que le marché du parpaing se développe de plus en plus, certaines voix se lèvent pour défendre la construction en terre crue.

1.3.1. Années 70’s, construction d’une pensée durable en Europe Prise de conscience de la perte des savoirfaire L’origine du retour de la terre crue tient à une prise de conscience de certains architectes, intellectuels africains d’une perte des savoir-faire issus de l’architecture vernaculaire. L’un des premiers à souligner ce fait et à militer pour le maintien de l’utilisation de la terre crue dans la construction est l’architecte Hassan Fathy. Il revendique une opinion très tranchée face à ces nouveaux moyens de construction, qui se retranscrit dans ses projets et le poussera à mettre en œuvre le maximum pour montrer et démontrer les avantages que présente la terre crue. Sa démarche ne se replace pas dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest, mais en Égypte et est symptomatique de ces premiers mouvements. Il est pertinent de la souligner par l’importance qu’elle a eue, par l’influence que ses publications auront eu sur l’éveil des consciences à ce sujet. Il publie en effet son ouvrage « Construire pour le peuple »21 en 1969 au Caire et il sera disponible en France dès 1970. Il est rapidement devenu après sa distribution en dehors de l’Egypte un ouvrage de référence et reste aujourd’hui un des premiers témoignages d’architecte africain tirant la sonnette d’alarme. Peut-on se demander si la date de cette sortie coïncide avec un engouement européen pour ces sujets ?

Développement d’une pensée En 1964, Bernard Rudowsky présente une exposition au MoMA. Il y essaie de (re)mettre à la lumière du jour les qualités d’une architecture construite par les habitants pour les habitants. « Architecture without architects » présente alors une série d’architectures vernaculaires. Elle démontre l’impact écologique positif et l’intégrité d’une architecture issue des traditions locales. Cette exposition et les publications qui y sont liées ont eu par la suite un impact important sur la pratique et le regard porté sur ces constructions. Ces préoccupations vont rapidement prendre en compte l’importance d’une action à échelle globale. En effet, des échos se font également ressentir dans le monde de la culture et de l’architecture. On pourra citer à titre d’exemple cette autre exposition tenue au MoMA en 2010, avec pour thème : « Small scale, big change : new architectures of social engagement ». L’exposition cherchait alors à démontrer l'importance des tendances dans l’architecture contemporaine, notamment celles concernant la dimension sociale dans la construction. Ce même débat se poursuit aujourd’hui et s’est notamment ressenti au cours de la biennale d’architecture de Venise en 2016. Avec l’ajout de la dimension culturelle aux trois piliers fondamentaux originaux du développement durable, nous évoluons vers un mode de gestion tenant à protéger des traditions et savoirs, valeurs et aspirations régionales. Dans ce cadre, nous reviendrons sur les premières classifications reconnaissant l’importance de la sauvegarde du patrimoine bâti, leur origine (majoritairement internationale), leur importance dans la prise de conscience d’une perte des savoir-faire.

21 FATHY Hassan. Construire avec le peuple. Histoire d’un village d’Egypte : Gourna. 1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?

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Premiers projets En parallèle des préoccupations concernant les enjeux du développement durable, certaines structures ont commencé à intervenir en Afrique subsaharienne dans le but de valoriser les nouvelles techniques utilisant la terre crue. Elles sont poussées par une envie de construire avec un impact environnemental réduit, séduites par l’image véhiculée par un matériau traditionnel ou encore par les subventions accordées pour de tels projets. Ce sont ainsi les associations déjà implantées sur le territoire qui ont, dans un premier temps, soutenu le développement de constructions contemporaines en terre crue. Cette période des années 1970 coïncide en effet avec l’émergence de certaines initiatives pour le renouveau et l’utilisation de matériaux locaux. Nous prendrons dans un premier temps l’exemple de l’Association pour le Développement d’une Architecture et d’un Urbanisme Africain (ADAUA) et de sa tentative de création d’ensembles de logements en terre crue. Dans un second temps, nous pourrons revenir sur l’implantation de filières du laboratoire CRATerre.

1.3.2. Retour de la terre crue, (ré)intégration des traditions ?

C’est notamment ce que l’on retrouve en Afrique de l’Ouest, où le territoire est partagé par un grand nombre de peuples. Et, malgré la persistance d’un nombre « infini » de groupes ethniques, la formation des grands empires africains a marqué les premières tentatives d’harmonisation entre royaumes. Ils ont vu le développement de certains axes marchands, la circulation de biens, des populations et de ce fait des traditions constructives. La richesse ethnique qui en est issue a créé un maillage de peuples, plus ou moins proches les uns des autres.

L’auteur écrit : « un type vernaculaire se rencontre dans une fourchette chronologique marquée par une date avant laquelle il n’existe pas et par une date après laquelle il cesse d’être construit » avant d’ajouter : « [il est] alors soit détruit[s], soit modifié[s], soit incorporé[s] à d’autres bâtiments » 22. Ainsi se dit architecture vernaculaire une architecture particulière à une période de temps donnée.

Cela rejoint un autre point de la définition : l’architecture vernaculaire est « soumise à la diffusion de plans, de techniques de construction et de décors stylistiques transcendant le cadre de la région »23. Chaque peuple présent sur ce même territoire a construit sa propre définition de l’habitat, soulignant le caractère évolutif de l’architecture vernaculaire et l'interprétation de codes communs. Ainsi si l’on considère le développement d’une architecture vernaculaire propre à un peuple, à une situation géographique, il serait faux de la restreindre à un contexte isolé de toute relation avec l’extérieur. Une fois ceci établi, qu’est-il conservé ? Qu’estce qui ne l’est pas ? Comment évoluent les traditions ?

22 LASSURE Christian. L’architecture vernaculaire : essai de définition, supplément n°3, L’architecture vernaculaire, 1983

23 Ibid.

Renouvellement des systèmes traditionnels Reprenons la définition donnée par Christian Lassure, dans laquelle la notion de temporalité est abordée.

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Une fois celle-ci passée, la tradition n’étant plus adaptée « à son temps », elle serait nécessairement abandonnée ou subirait des modifications, formant un « nouveau vernaculaire ». Il évoque ici le propre des traditions, qui étant le fait de l’homme, évoluent au rythme de sa propre évolution. En effet pour beaucoup, les typologies vernaculaires sont une permanence du passé dans le présent, un témoignage « pur » d’une architecture élaborée par une communauté protégée de tout contact extérieur. Pourtant, celles arrivées jusqu’au XXIe siècle sont elles-mêmes le fruit d’échanges et se sont transformées par ce biais.

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« L’essentiel de la conservation traditionnelle ne se trouve pas dans la lettre […] mais dans l’esprit, soit dans le contenu sous-jacent aux manifestations de la tradition. » 24 Ainsi d’après Gérard Lenclud, « ce qu’il y aurait de traditionnel dans une maison traditionnelle serait moins son architecture exacte ou les matériaux dont elle est faite que l’idée ayant présidé à sa construction, le complexe de sens cristallisé en elle et ayant survécu identique à la transformation éventuelle de ses éléments constitutifs »25. Cette extrait décrit parfaitement l’exemple du pavillon d’accueil de l’exposition « Tradition and Technology », de Francis Kéré évoqué précédemment. Ce n’est donc pas la répétition d’une forme, d’un matériau, qui définit la conservation de caractères traditionnels mais l’expression de valeurs et la manière de répondre à un contexte donné. Entrée du béton dans les pratiques Qu'en est-il alors de l'architecture béton ? Nous avons conclu ci-avant que, telle qu’elle est proposée actuellement, elle ne semble pas répondre aux besoins de confort et aux conditions économiques d’une grande majorité de la population. Nous n’y retrouvons pas non plus les schémas d’organisation spatiale présents dans les maisons traditionnelles. Pourtant celleci continue aujourd’hui à être utilisée et répétée. Nous pouvons alors nous demander si il s'agit d'une « répétition consciente d’actes reposant sur un système de pensée ou la simple répétition d’actes liée au devoir social de conformité »26. Le parallèle avec l’acceptation du béton et son entrée dans les habitudes constructives est facile à faire. Implanté tel quel sur le continent, le modèle a ensuite été répliqué une, deux, trois fois jusqu’à devenir une norme. Outre le changement 24 LENCLUD Gérard, La tradition n’est plus ce qu’elle était..., Terrain. (Septembre 1987), P100-123. 25 Ibid. 26 Ibid.

de matériau ces modèles ont également amené des changements dans l’organisation spatiale, alors différente de celles présentes à l’origine. De plus, la simple appellation de « maison du riche » et « maison du pauvre » traduit cette injonction à construire en béton pour l’image renvoyée, celle d’un statut social élevé. On peut alors conclure que cette reproduction de construction en béton se place en rupture avec les systèmes de pensée et de constructions traditionnels. Cela s'explique par le modèle de renouvellement des traditions, que l’on peut séparer en deux catégories : notions de « créativité-cyclique » et « créativité-rupture ». La créativité cyclique se caractérise par un système historique où les évènements sont récurrents et se renouvellent sur eux-mêmes. Le système de renouvellement des traditions est basé principalement sur une mémorisation et transmission des savoirs par l’oral. La parole permet une réelle interaction entre l’information et la production et laisse plus de place à l’interprétation, la réinterprétation. C’est ce modèle de créativité qui prévaut dans une grande partie du continent africain. L’évolution des traditions par créativité-rupture est, elle, plus courante en occident. Elle se trouve dans une conception temporaire linéaire, avec un avant et un après clairement identifiés, qui servent alors de repères. Celle-ci serait notamment présente dans les sociétés où l’écriture et le dessin l’emportent sur la parole. Les traditions sont donc consignées, renseignées, précisées en détail. Cela a alors un impact sur l’évolution des traditions : « en apparence, ce sont nos sociétés, non pas les sociétés à tradition orale, qui vont cultiver l’art de la mémoire, ériger la reproduction conforme (la copie) en vraie fidélité »27. On parlera alors de « copie », construite par des individus suivant les mêmes règles tacites, sans reconsidération, ou alors de différences franches, qui par leur éloignement du modèle sont considérées nouvelles. Les questions de dépôt de brevet sont assez symptomatiques de ce mode de conception. 27 Ibid

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Ce que l’on a pu voir lors de la colonisation est la rencontre, le choc, entre ces deux conceptions. Ce sont des bouleversements liés à l’introduction de l’écriture dans des sociétés dont ce n’était pas le moyen majeur de transmission. Ces éléments peuvent expliquer la reproduction du modèle de la maison en parpaings les cinquante premières années, n’en maîtrisant pas les tenants et aboutissants, le modèle importé était simplement reproduit, selon le « cahier des charges ». L’arrivée de l’empire colonial et des traditions françaises a inséré la notion de créativité-rupture qui n’était pas présente auparavant sur ce territoire, ce qui a mené à la cohabitation actuelle entre deux modèles d’évolution qui se démarquent clairement l’un de l’autre. Les nuances dans sa réalisation s’échelonnent ainsi de l’urbain au rural. Dans le premier cas, la reproduction du modèle est liée à l’affichage d’un certain statut social. Dans le second, bien que voulant revendiquer ce même statut élevé, les populations moins aisée n’ont pas la résilience leur permettant de s’adapter aux changements que représente l’architecture en béton (économie, acheminement de matériaux, main d’œuvre qualifiée…) . Il faut alors aussi se demander comment se sont développées les nouvelles techniques de construction en terre crue? Sont-elles assez proches des habitudes constructives pour être réinterrogées ou sontelles aussi le fruit de l’innovation radicale ?

Mettre en avant l’expérience vécue Revenons sur les différentes manières dont les caractéristiques vernaculaires ont inspiré les concepteurs dans l’histoire pour mieux comprendre les objectifs et préoccupations des architectes contemporains, promoteur de la terre crue en Afrique de l’Ouest. La première réaction face à la disparition d’un patrimoine vernaculaire et au besoin de constructions nouvelles a été de reproduire cette architecture.

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Par l’utilisation d’archétypes régionaux, l’objectif premier était d’exprimer une identité locale et « authentique », souvent en contraste avec le développement de nouveaux mouvements architecturaux. Aussi, formes évocatrices, éléments de composition de façade, détails décoratifs étaient réemployés, et les matériaux et technologies traditionnels recherchés. Les technologies nouvelles lorsqu’elles sont utilisées sont camouflées. Ce que Eleftherios Pavlides28 appelle « Iconic evocation of symbolic identity »29 peut s’apparenter à une forme de résistance face à des changements trop importants, à une volonté de préserver une image, repère dans une société chamboulée. L’auteur illustre cette tendance par le travail d’Hassan Fathy à New Gourna en Égypte (fig.19), qui par l’utilisation de voûte nubienne, en allant chercher les artisans porteurs du savoir-faire jusqu’à l’ancienne Nubie, n’a cessé de lutter pour reconstruire comme le faisaient les anciens, pour proposer une alternative à l’esthétique moderne. La relation du mouvement moderne au vernaculaire est en effet totalement différente. La rationalité et la logique mécanique recherchées par le mouvement a invité les architectes à s’intéresser à l’architecture vernaculaire. Celle-ci mettant en effet en relation problématique et réponse, face au climat, aux questions d’économie et matériaux locaux adaptés, travail des masses et des volumes … En témoignent les célèbres croquis de Le Corbusier, compilés dans Voyages d’Orient (fig.20). Néanmoins l’architecture vernaculaire était reconnue comme purement « pratique » et seuls les éléments compatibles avec les aspirations au renouveau du mouvement ont été réinvestis, par le biais d’un vocabulaire moderne. Enfin, c’est la dynamique engagée par Bernard Rudofsky en 1964 par la publication de l’ouvrage Architecture without architects30 à la suite de 28 Docteur en philosophie de l’architecture à l’université de Pennsylvanie. 29 COLLECTIF. Encyclopedia of vernacular architecture of the world., p 12. 30 RUDOFSKY Bernard. Architecture without architects, University of New Mexico Press, 1987.

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l’exposition tenue au MoMA de la même année, qui se développe aujourd'hui. C’est dans ce mouvement que se replacent les nouvelles constructions en terre crue d’Afrique de l’Ouest, notamment illustrées par l’architecture de Francis Diébédo Kéré. En réaction aux idées modernes, c’est ici l’expérience, l’émotion, l’expression d’interactions sociales qui sont remises en avant pour une plus grande qualité d’habitat. Rudofsky disait à ce sujet que l’étude du vernaculaire devait « enrich architecture in the industrial countries and help them with their architectural plight »31. Il s’agit d’aller chercher dans cette architecture directement issue des besoins et usages de leurs habitants les réponses à des problématiques toujours d’actualité. Dans cette attention portée au « fond » et non à la « forme », les matériaux sont choisis pour leurs qualités intrinsèques (structurelles, économiques, locales…) ou parce qu’ils participent à l’expérience ciblée, non comme évocation obligatoire. C’est ce que l’on peut remarquer dans l’école primaire de Gando (fig.21), Burkina-Faso, où les éléments porteurs verticaux sont en BTC32, poutres en béton armé, toiture en tôle. Aussi, il convient de se demander si la continuité par l’expérience suffit à légitimer les nouvelles constructions en terre crue ? Sont-elles assez proches des habitudes constructives pour être réinterrogées et facilement appropriables ? Représentent-elles par un développement externe au territoire elles aussi une rupture ?

31 RUDOFSKY Bernard. Cité dans l’Encyclopedia of vernacular architecture of the world., p 14. 32 Brique de Terre Comprimée.

Fig. 19. Mosquée du village de New Gourna, Hassan Fathy, Égypte.

Fig. 20. Croquis de Le Corbusier, vue de l’Aventin, voyages d’Orient.

Fig. 21. École primaire de Gando, Burkina-Faso, Francis Kéré.

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1.4. Rural et urbain, deux conceptions « Les gens en ville pensent que c’est un matériau de riche, dans la brousse ils en ont marre de la terre et veulent changer, ils pensent qu’on veut leur refourguer ça .»33, Abalo Yolou, directeur du CCL. Nous nous trouvons actuellement plus de quarante ans après les premières recherches et applications des techniques contemporaines de construction en terre crue en Afrique de l’Ouest. Il est donc possible d’observer avec un certain recul l’évolution des pensées autour de celles-ci. L’urbanisation explosive des capitales et le délaissement des territoires ruraux ont définitivement eu un impact sur leur perception. Ces deux processus conduisent aujourd’hui à la coexistence de deux opinions opposées : la terre, toujours matériau du pauvre en territoire rural, maintenant matériau du riche dans les capitales. Afin d’illustrer cette ambiguïté, nous prendrons appui sur l’exemple de Lomé, capitale du Togo, et sa périphérie. De nombreuses discussions avec les loméens mais également la visite des principaux bâtiments en BTC de la ville ainsi que des entretiens avec leurs utilisateurs, les concepteurs et artisans ayant travaillé sur les chantiers, ont permis de saisir quelques raisons de cette ambiguïté.

« Les catholiques c’est eux qui ont vraiment amené ça »35, Alain Klegbe. Les bâtiments en terre bénéficiant de la plus grande visibilité peuvent être classés selon trois catégories : bâtiments religieux, gouvernementaux, de représentation étrangère.

Cette remarque est souvent faite lorsque les personnes rencontrées apprennent les coûts de construction en terre crue. Mais la remarque de Clément souligne également une des raisons

Pour certains, le matériau terre est associé aux congrégations religieuses importantes installées à Lomé et dans la périphérie. Ce sont en effet parmi les premiers à avoir fait confiance à ces nouvelles techniques. Ainsi, le père Benoit nous confiait que la première construction en terre crue de sa communauté, la communauté SaintJean a été construite dans les années quatrevingt en Gambie. Les religieux étant satisfaits des qualités d’ambiances, du prix et de l’esthétique du bâtiment, les établissements construits par la communauté en Afrique de l’Ouest l’ont été en terre, jusqu’à la paroisse universitaire de Lomé (fig.22-25) construite en 2004. L’association par la population de la communauté à la terre est autant plus importante que le complexe représente un équipement majeur à l’échelle de la ville. Ouverte à tout public, la médiathèque et les espaces de travail sont des lieux rares permettant aux étudiants de bénéficier gratuitement de ressources informatiques. Il s’y trouve également le plus grand amphithéâtre de ville, l’Agora Senghor, où se déroulent de grands évènements dont les discours publics du président togolais.

33 Entretien du 4 octobre 2018 avec Mrs. Yolou et Takpeke. 34 Entretien du 1 octobre 2018 avec Antoine Dzamah.

35 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe.

1.4.1. Dans les capitales, des bâtiments emblématiques

« Les gens pensent ça parce que à Lomé il y a quelques ouvrages remarquables ... mais en fait c’est pas cher ! »34, Clément, chanteur à Lomé.

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principales des a prioris sur le prix du matériau : la nature des constructions en terre que l’on trouve dans la ville de Lomé. En effet, l’architecture particulière, d’habitation est en réalité très peu représentée. Lorsqu’elle l’est, ce sont souvent de grandes villas cachées derrière leurs murs de clôture. Celles-ci utilisent bon nombre de matériaux importés (menuiseries, couverture …) et donnent une image « luxueuse » de la construction en terre.

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Paroisse Universitaire SaintJean Apôtre

Interlocuteur : Père Benoît, usager.

Date de réalisation 2004

Lieu Avenue de la Paix, en face du collège

St-Joseph, Lomé.

Lomé

Maîtrise d’œuvre Architecte allemand Maîtrise d'ouvrage Communauté St Jean Entreprise connue Maçonnerie terre

P.U. St Jean GHANA

SICHEM (Tg)

Programme Médiathèque (salle informatique, salles de travail, bibliothèque), cafétéria et salle de réception. Église, logement des pères et séminaristes, chapelle

Fig. 22. Vue extérieure de la chapelle, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé.

Fig. 23. Bâtiment d'étude des séminaristes, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé.

Fig. 24. Vue intérieure de la chapelle, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé.

Fig. 25. Entrée de l'Agora Senghor, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé.

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Cinq ans plus tard, un autre complexe emblématique sera construit à une vingtaine de kilomètres au Nord de Lomé, le couvent de Notre-Dame du Cénacle (fig.26-29). Bien qu’étant situées en dehors de la ville, les sœurs sont très présentes dans Lomé et organisent des formations et retraites au sein du couvent. Pour d’autres, ce sont les bâtiments en terre crue liés au gouvernement qui marquent. À ce titre, nous pouvons évoquer le nouveau palais du Gouverneur, en construction dans le quartier administratif. Bien qu’actuellement en chantier, il est difficile de ne pas remarquer, au croisement entre le front de mer et le boulevard circulaire, les sept-cent mètres d’enceinte en briques rouges. N’ayant fait l’objet de publications que dans quelques médias spécialisés, il est prévu que cet ancien vestige colonial soit transformé en centre « d’art et de culture » 36 et comprenne une galerie d’art, une boutique ainsi qu’un restaurant gastronomique. Les murs d’enceinte, ainsi que les nouveaux pavillons, restaurants et kiosques seront construits en BTC. Le projet est porté personnellement par la présidence de la République et financé à hauteur de deux milliards de francs CFA par l’État togolais. Il s’agit alors du plus important chantier de réhabilitation de pays. Par les sommes engagées et le programme prévu, nous imaginons facilement le décalage ressenti avec le quotidien des habitants des périphéries loméennes. Enfin, nous trouvons parmi les constructions en terre à Lomé, les bâtiments construits par des établissements ou institutions étrangères. Nous pouvons notamment évoquer l’école maternelle française Charles De Gaulle ainsi que l’Institut Français au Togo (IFT). Dans le premier cas, il s’agit d’une école privée, fréquentée principalement par les enfants des membres du gouvernement et des européens expatriés au Togo. Voitures avec chauffeur, contrôle d’identité et demande d’autorisation pour entrer dans l’enceinte de l’établissement, sont autant de circonstances qui en exclue en grande partie de la population. 36 Le Togo inaugurera en avril 2019 le Palais de Lomé, centre d’art et de culture, le quotidien de l’art.

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À l’inverse, l’Institut Français au Togo se veut plus inclusif. À l’image de la paroisse universitaire Saint-Jean, il met à disposition une bibliothèque, des ressources informatiques, un espace d’exposition et organise régulièrement des évènements pour ouvrir ses portes. Néanmoins, parce qu’il faut passer ce même contrôle à l’entrée, parce que c’est un établissement étranger, l’IFT est pour beaucoup intimidant et conserve cette image inaccessible. Ainsi, les communautés religieuses, qui sont moteurs de développement dans le pays, possèdent des moyens qui laissent penser que les bâtiments construits sont hors de prix. Dû fait du contexte politique et du manque de transparence dans la gestion des fonds publics, lorsque le gouvernement investit personnellement pour construire en terre c’est inévitablement une image de richesse qui en ressort. Enfin, les derniers bâtiments construits en terre crue à Lomé sont fortement liés à l’étranger, à l’Europe notamment et contribuent malgré eux à entretenir ces a prioris sur le matériau. 1.4.2. Collaboration avec des architectes étrangers Dans cette implication de l’étranger, il est difficile d’ignorer l’origine des architectes ayant travaillé sur les projets cités. Il s’agit dans la majorité des cas d’une équipe d’architectes européens et d’un ou plusieurs architectes locaux, qui par leur connaissance du contexte local, prennent souvent en charge le suivi administratif et le suivi de chantier. Ainsi, la paroisse universitaire Saint-Jean Apôtre a été dessinée par un architecte allemand, appuyé par un des frères en charge du patrimoine bâti de la communauté. C’est une agence basée à Lyon, Bordeaux, Paris, Bâle et Montréal, Patriarche Office of Architecture, qui a été mandaté pour concevoir le couvent de Notre-Dame du Cénacle. Ils ont travaillé avec un architecte togolais, Jean-Phillippe Kahni durant la phase de chantier (fig.28). Par leur implantation sur différents continents, l’internationalisation de

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?


Diocèse de Vogan, Notre-Dame du Cénacle

Diocèse de Vogan

Interlocuteur : Koffi Francis, électricien.

Date de réalisation 2009-2014

Lieu Pedakondji, 40 km au Nord de Lomé Lomé

Maîtrise d’œuvre Patriarche (Fr) et Kahni (Tg). Maîtrise d'ouvrage Diocèse de Vogan Entreprise connue Maçonnerie terre

GHANA

SICHEM (Tg)

Programme Logements sœurs et visiteurs, cafétéria et préau de réception, une chapelle et un oratoire.

Fig. 26. Vue depuis les cellules des soeurs, Diocèse de Vogan, Pedakondji.

Fig. 27. Coffrage de arcades, Diocèse de Vogan, Pedakondji.

Fig. 28. Réunion de chantier, J.-P. Kahni, Architecte OPC, Diocèse de Vogan, Pedakondji.

Fig. 29. Appareillage des briques, séparation et gardecorps, Diocèse de Vogan, Pedakondji.

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l’agence s’est faite « assez naturellement lorsque la moindre opportunité se présentait » comme le précise Damien Patriarche, directeur général de Patriarche and Co, « nous avons décidé de les suivre pour aller s’enrichir d’autres cultures ou savoir-faire... »37. Ce n’était pas la première fois que cette agence travaillait pour la congrégation, qui avait eu l’occasion de les connaître sur un projet de centre d’accueil et une maison des sœurs à Madagascar. Plus petite par sa taille, l’agence bordelaise Thomas Hus Architecte a réhabilité l’Institut Français au Togo (fig.30-33). De la même manière le suivi de chantier a été confié à GEPAV architectes, une agence locale. Thomas Hus était déjà familier avec les problématiques ouestafricaines grâce à son parcours universitaire, un stage de plusieurs mois à Saint-Louis du Sénégal puis par son projet de diplôme. Il sera amené à « poursuivre des réflexions initiées dans [ce] travail […] et d’en expérimenter certaines »38 lorsqu’il sera chargé du projet du lycée français Jean Mermoz de Dakar au sein de l’agence parisienne Terreneuve Architectes. Après la phase d’étude menée entre les deux pays, il s’installera à Dakar pendant les trois ans de chantier. Enfin, la maternelle du lycée français de Lomé ainsi que le projet du Palais du Gouverneur ont été dessinés par l’agence lyonnaise SegondGuyon Architectes. Ils ont été épaulés par les agences togolaises Sara consult pour le premier chantier et de GE Architects & Partners pour le second. Parmi la grande diversité de projets traités par l’agence, la moitié sont des projets à l’étranger dont certains en Afrique de l’Est et Afrique du Nord. Ces deux dernières agences ont toutes deux été en contact avec l’association AFEX. En effet, le projet du lycée français de Dakar a été récompensé par un prix décerné par l’association en 2002. De plus, les agences Terreneuve Architectes et Segond-Guyon en sont membres depuis 2005 et 2007. 37 WaMe, When Architects meet Engeneers Magazine, p. 9, #13, décembre 2013. 38 http://thomashusarchitecte.com/agence/

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L’AFEX, Architectes Français à l’EXport, est une association loi 1901 qui œuvre à la « promotion de l'architecture française dans le monde ». Elle a pour but de créer un cadre, d’offrir un soutien à la pratique à l’étranger et d’animer débats et réflexions autour de ces pratiques. Mais elle a également un rôle de mise en relation entre partenaires, la formation de réseaux, ainsi que la mise en place d’aides à l’export. Les objectifs annoncés expriment une certaine ambiguïté qui se retrouve dans l’approche de ses membres face à la question d’une « approche française ». Certains parlent de « modernité située culturellement très française »39, ils expliquent que « être ailleurs c’est être dans un monde neuf et c’est le travail de l’architecte de fabriquer un monde neuf »40. D’autres estiment cette notion désuète dans un contexte d’évolution des pratiques, où « les nationalités s’effacent derrière certaines compétences particulières »41. Sur ce même sujet, nous pouvons noter une double impression donnée par les architectes étrangers. Aussi, à Damadé, un village à une heure et demie de Lomé, les habitants ont dans un premier temps accueilli le projet d’école en terre crue avec méfiance42. Si la construction financée ou conçue par des personnes extérieures au contexte fait planer des doutes à Damadé, c’est au contraire une image de confiance mais aussi d’un certain « prestige » qui ressort à Lomé. Lors d’une interview (menée par l’agence Patriarche), le directeur de ETOPEB, entreprise de peinture et revêtements muraux sur le chantier de Vogan confie : « Le dossier a été très bien constitué par rapport à une agence locale »43. Bien qu’à prendre avec recul, cette remarque souligne la différence de considération qui peut porter préjudice aux architectes locaux dans leur propre pays.

39 Thomas Richez, Agence Dubus_Richez, Témoignages des pères fondateurs de l'AFEX, Afex 2007, 06 :50min. 40 Ibid. 41 Jean-Paul Viguier, Viguier SA, Témoignages des pères fondateurs de l'AFEX, Afex 2007, 06 :15 min. 42 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe. 43 Fernand Tchiakpe. WaMe, When Architects meet Engeneers Magazine, p. 16, #13, décembre 2013.

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?


Institut français au Togo

Interlocuteur : Koffi Francis, électricien.

Date de réalisation 2012-2014

Lieu Avenue du Général de Gaule, Lomé Maîtrise d’œuvre Thomas Hus Architecte (Fr). Maîtrise d'ouvrage Ambassade de France de

Lomé

GHANA

Lomé Entreprises connues Maçonnerie Terre : SICHEM (Tg), Gros oeuvre : Groupement ICO/ Sotec/Batimex/Etopeb/AfriTech (Tg et CI), Fluides : SEEE, (Tg), Menuiserie : BM2G, (Tg).

IFT

Programme Bâtiment accueil, médiathèque, bâtiment administration.

Fig. 30. Bâtiment d'accueil et cour intérieure, Institut français au Togo.

Fig. 31. Extension en BTCs et bâtiment ancien en arrièreplan, Institut français au Togo.

Fig. 32. Le poisson du développement durable, vue sur la médiathèque, Institut français au Togo.

Fig. 33. Grille en fer à béton, vue depuis la médiathèque, Institut français au Togo.

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?

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1.4.3. Une échelle de projet et des programmes accessibles Expérimenter, des structures du quotidien Beaucoup moins nombreux, certains projets proposent des architectures à une échelle ou avec des programmes accessibles à une plus grande partie de la population. Certaines s’intègrent au quotidien des loméens à l’image de la vitrine de produits locaux FAO (fig. 38-41), un petit pavillon sur la route de la plage à Place de l’Indépendance. Il a été dessiné par l’architecte togolaise formée à Lomé, Rolande Akpedze Konou. Destiné à accueillir un espace de commerce de produits locaux, le choix de la terre crue a été une évidence pour l’architecte. C’est un lieu où il est possible de venir trouver des produits de la région maritime et des plateaux à tous les prix. Des quelques échanges avec les clients ressort tout d’abord un sentiment d’étonnement puis ensuite de la curiosité. Néanmoins, ils déplorent sa situation en hypercentre, loin de leur quartier, plus populaire. À plus grande échelle, nous pouvons citer le centre SICHEM (fig. 34-37), situé à une vingtaine de kilomètres au Nord de Lomé. Il s’agit d’un centre pour la promotion du développement en milieu rural, qui s’est développé au fur et à mesure de rencontres. Comprenant à l’origine quelques habitations et enclos, il s’agissait d’une ferme école orientée vers l’agroécologie. La ferme a ensuite été complétée par un local pour une couturière du village voisin puis de quelques classes de primaire. Trente ans après la création du centre, sa fréquentation a permis de construire un atelier de transformation des produits vendus au marché ainsi que des logements pour les stagiaires. Ces deux programmes touchent par leur usage et leur modestie. Voilà ce que disait un des visiteurs du centre SICHEM : « ce que je viens de voir là, que vous n’avez pas de gros moyens mais vous avez construit tout ça, je ne pensais pas. Pour ma prochaine construction là je vais utiliser ça »44, Clément, chanteur à Lomé.

Se renseigner, des centres de production et de recherche Grâce à l’expertise acquise lors de la construction des différents bâtiments du centre SICHEM, une unité de production de Briques de Terre Compressées a été créée. Permettant à l’origine de former ses maçons puis les jeunes de la région, elle participe aujourd’hui à la majorité des chantiers en BTC de Lomé. Cela leur donne les compétences pour parler de ce mode de construction aux villageois mais aussi aux visiteurs et curieux. De plus, leur implication locale et les nombreuses actions menées dans la région de Lomé rendent ses membres facilement accessibles. Enfin, nous pouvons évoquer la réhabilitation du Centre de la Construction et du Logement (fig.42-45) et ses dépendances. Centre national de recherche sur les matériaux de construction locaux, il se concentre sur la construction en terre depuis une vingtaine d’années. Construit dans les années quatre-vingt en structure béton et façade en mur rideau, ses dirigeants ont souhaité plus de cohérence entre leur activité de recherche et le bâtiment. Ils ont alors engagé des travaux depuis quelques années afin de remplacer les surfaces vitrées par un remplissage en BTC. On trouve également au sein du centre des logements pour les stagiaires et apprentis construits de cette même manière. Construits en voûtes, en rez-de-chaussée, en R+1… ils ont pour but de démontrer les possibilités offertes par le matériau. Des échantillons et divers tests construits par les chercheurs autour des aires de production du CCL poursuivent le même objectif. Situé au Nord de Lomé, le centre est connu principalement dans le milieu professionnel et des quartiers environnants où quelques bâtiments en BTC sont sortis de terre. Wiyaou Takpeke, dessinateur du CCL, expliquait souvent recevoir et faire visiter le centre à des habitants intrigués par la nouvelle couleur du centre.

44 Entretien du 1 octobre 2018 avec Antoine Dzamah.

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1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?


Centre SICHEM

Interlocuteur : Antoine Dzamah, fondateur du centre. Centre SICHEM

Date de réalisation De 1986 à aujourd’hui Lieu Dzogblakopé, à une vingtaine de kilomètres au Nord de Lomé.

Lomé

Maîtrise d’œuvre Centre SICHEM, ingénieur belge Maîtrise d'ouvrage Centre SICHEM. Entreprise connue Maçonnerie Terre : Centre SICHEM.

GHANA

Programme Plusieurs paillotes, 3 salles de

classe, bâtiment accueil et logements visiteurs, logements stagiaires, salle de réunion, bâtiment de conditionnement et de réserve des produits, enclos animaux

Fig. 34. Bâtiment de logement, Centre SICHEM.

Fig. 35. Salles de classe, Centre SICHEM.

Fig. 36. Une des paillotes disséminées dans la ferme, Centre SICHEM.

Fig. 37. Porcherie, Centre SICHEM.

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?

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Vitrine FAO

Interlocutrice: Rolande Konou, architecte.

Date de réalisation 2015 Lieu Avenue de Nîmes, Lomé Lomé

GHANA

Vitrine FAO

Maîtrise d’œuvre Rolande Akpedze Konou (Tg). Maîtrise d'ouvrage Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA), Food and Agriculture Organization des Nations Unies (FAO)

Programme Magasin et réserve de produits locaux

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Fig. 38. Accroche de l'enseigne, Vitrine place FAO.

Fig. 39. Vue depuis l'avenue de Nîmes, Vitrine place FAO.

Fig. 40. Rayonnages à l'intérieur du magasin, Vitrine place FAO.

Fig. 41. Affiche publicitaire pour le magasin, Made In Togo.

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1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?


Centre de la Construction et du Logement Interlocuteurs : Mrs. Yolou, directeur du centre

Date de réalisation 2015-2018 (réhab.) Lieu Cacavelli, Nord du rond point GTA, Lomé Maîtrise d’œuvre et du Logement.

Centre de la Construction

CCL

Lomé

Maîtrise d'ouvrage État togolais. Entreprise connue Maçonnerie Terre : Centre de la Construction et du Logement.

GHANA

Programme Centre de recherche, 2 bâtiments

de logement pour les stagiaires, aires de productions et d’entraînement.

Fig. 42. Centre de la Construction et du Logement.

Fig. 43. Remplissage BTCs de la structure béton, Centre de la Construction et du Logement.

Fig. 44. Bâtiment de logement en R+1, Centre de la Construction et du Logement.

Fig. 45. Bâtiment de logement, Centre de la Construction et du Logement.

1. Quelle relation la société africaine entretient-elle avec la terre crue ?

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2 . Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?

Fig. 46. Construction d’une voûte par l’Association La Voûte Nubienne, Bénin.

L’histoire a montré que la terre, matériau phare de l’architecture vernaculaire africaine, délaissée pendant longtemps et enfin remise en avant par les mouvements actuels, aura été un sujet particulièrement clivant jusqu’à aujourd’hui. Sur « la pente ascendante », les nouvelles techniques de construction en terre crue suscitent l’intérêt des architectes travaillant en Afrique de l’Ouest et le nombre de projets les mettant en œuvre est en augmentation. Il est alors intéressant de se pencher sur les dynamiques actuelles autour de son utilisation, tout d’abord en étudiant les moyens mis en œuvre en faveur de sa promotion et de sa diffusion. Initié par des structures telles que CRATerre ou La voûte nubienne (fig.46), le retour de la terre crue sur

ce territoire est dû à un travail actif d’explication et de démonstration. Depuis les années 80-90, ce mouvement est suivi par des organismes gouvernementaux, qui prennent conscience de l’importance de cette nouvelle filière dans la reconstruction d’une identité locale. Pour comprendre son fonctionnement nous prendront l'exemple de Lomé, au Togo. Un séjour sur place ayant permis de rencontrer différents acteurs intervenant sur les phase de conseil, formation, fabrication et construction. Nous questionnerons alors l’influence de ces institutions sur la pratique. Ceux-ci ont-il permis le soutien ou la création de filières locales? L’image de la terre a-t-elle un impact sur la volonté des professionnels de se spécialiser, si oui comment ?

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?

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2.1. Diffusion et promotion Les allers-retours entre terre et béton, entre traditionnel et modernité ont laissé des traces. Perte des savoir-faire, mauvaise image de la terre crue, sont autant d’obstacles à la réintégration de ce matériau dans le quotidien de la population. Afin de préparer dans un premier temps, puis d’accélérer le développement d’une nouvelle filière, il a été nécessaire d’agir sur la perception du matériau auprès des particuliers comme des professionnels. De nombreux projets ont donc vu le jour. Ils étaient le résultat de l’implication d’associations, (principalement étrangères), qui, convaincues des qualités des nouvelles constructions en terre crue ont commencé à développer leur activité en Afrique de l’Ouest. La prise de conscience des états africains des enjeux autour de la terre a également motivé la création d’institutions publiques ou parapubliques avec pour mission la recherche et la promotion des matériaux locaux.

2.1.1. Un cadre associatif encore bien présent Si l’Afrique est un territoire en plein développement, montrant en 2016 une croissance économique de 5,2% contre seulement 1,7% pour le continent européen, plus de la moitié de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. L’augmentation des taux d’inflation, la dévaluation monétaire, l’instabilité politique sont entre autres les raisons d’un développement à deux vitesses, qui lèse toute une partie de la population. Cette situation place l’Afrique de l’Ouest dans les régions ciblées par les programmes d’aide au développement des organisations internationales. Aussi il y a une forte présence d’associations ou d’organismes internationaux, seuls ou le plus souvent en partenariat avec une structure locale. Bénéficiant de facilités d’accès aux

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financements, aux ressources humaines et à une expertise multiple, celles-ci se sont emparées de problématiques pour lesquelles se désintéressaient certains gouvernements africains. Elles œuvrent dans un grand nombre de domaines avec des objectifs souvent communs : garantir l’accès à l’éducation, améliorer les conditions de vie, valoriser la culture… et parmi lesquels l’habitat prend une place très importante. Petite association ou organisme international, agissant à l’échelle locale ou nationale, nombreux sont ceux qui sont encore présents sur le territoire. Ils représentent aujourd'hui une référence en matière de construction « durable » et « locale », en terre crue.

Un grand nombre d’associations présentes sur le territoire Cela peut faire penser à un élan de solidarité ou bien à un sentiment de devoir envers des pays qui ont autrefois été sous leur juridiction : l’implication des états européens en Afrique de l’Ouest se ressent entre autre dans ses engagements « humanitaires ». Dans certains cas il s’agit d’initiatives individuelles, de petites structures seules ou le plus souvent qui entrent en contact lors de forums spécialisés avec des associations ou des maîtres d’ouvrages locaux porteurs de projets. Ces échanges peuvent être facilités par une langue commune, dans le cas de la France-Afrique par exemple, ou encore par la réactivation d’anciens réseaux. Dans d’autres cas, ce sont des organisations internationales (ONU, UNESCO), qui après avoir identifié un besoin, mettent en place un plan d’action précis afin d’agir sur la cible identifiée. Dans cette dernière configuration, ce sont des spécialistes de chaque domaine d’intervention qui sont mobilisés pour élaborer et encadrer les programmes sur place. Dans une situation comme dans l’autre, la recherche de qualité est de plus en plus présente. En effet, que ce soit

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?


volontaire ou pour l’obtention de subventions, il est nécessaire de justifier des choix de conception et de mise en œuvre lors du montage de projet. Aussi, les questions d’intégration, de valorisation des savoir-faire locaux, de faible impact environnemental sont de plus en plus évoquées. L’angle d’approche de ces organismes travaillant dans le domaine de la construction est également influencé par les mouvements de pensée actuels en matière d’architecture. Un certain nombre s’inscrit ainsi, consciemment ou inconsciemment, comme réaction à l’architecture vernaculaire de « troisième génération » que nous avons évoqué plus tôt. Ce n’est donc pas la répétition d’une forme, d’un matériau, qui définit le respect de caractères traditionnels mais la réponse à un contexte et à un besoin. C’est tout d’abord par éthique que beaucoup d’associations se renseignent sur les traditions constructives du pays dans lequel elles agissent, il y a pour certaine le choix de ne pas vouloir s’imposer dans un contexte étranger. Une des conséquences de cette préoccupation est de faire travailler une main d’œuvre locale, qui est déjà implantée sur place. Ensuite, parce que les problématiques environnementales sont omniprésentes dans leur quotidien, elles sont également étudiées sur des projets africains, par réflexe ou pour décrocher des financements. Enfin, de la même manière que le béton est actuellement dévalué sur le continent européen, il y a chez certains un refus de cette architecture en Afrique ainsi qu’une fascination pour les techniques anciennes. De ce fait, la construction en terre, qui est de plus en plus présente dans nos médias, est de plus en plus sollicitée. Elle permet de traiter trois thématiques clés : projet social, faible impact environnemental et sensibilisation d’une population au patrimoine architectural. Parmi les mouvements agissant sur le continent africain, certains ont développé leur activité autour de la terre dans leur pays avant de s’y investir, pour d’autres cela a été un point de départ. Certains agissent à grande échelle au sein d’institutions internationales, d’autres, plus petits, se développent principalement au niveau local. Nous allons prendre des exemples appartenant à chacune de ces catégories pour illustrer leur méthodologie de travail.

Il s’agit dans un premier temps de CRATerre, spécialiste de la matière et l’Association de la Voûte Nubienne, ambassadeur de la technique. Ils bénéficient grâce à leur expertise d’une réelle reconnaissance de la part des acteurs impliqués dans ces projets : architectes, maîtres d‘ouvrages, ouvriers, autorités locales et nationales… CRATerre, Centre de Recherche et d’Application en Terre, est fondé en 1979 par Patrice Doat. L’équipe de recherche est aujourd’hui réunie au sein d’un laboratoire de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. Convaincus des qualités de la terre, Patrice Doat, qui a étudié l’utilisation de la terre crue en Rhône-Alpe lors de son diplôme, et ses collègues souhaitent démontrer l’intérêt de ce matériau dans la construction en Europe, à l’image d’Hassan Fathy45 à son époque en Égypte. C’est en France que se montent les premiers projets. Le Domaine de la Terre, quartier expérimental d’habitation en terre, voit le jour dans la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau entre 1983 et 1985. Au-delà de la démonstration de mise en œuvre de la terre crue, ces bâtiments ont permis d’effectuer des mesures et de constater une consommation en énergie liée au chauffage46 inférieure de 10 à 40% par rapport aux autres constructions de la commune. Toujours sur le territoire français mais à Mayotte, CRATerre a participé au développement de la filière terre crue afin de palier à un besoin important de logements. Le sable du lagon étant indispensable à l’équilibre de l’île et l’importation de ciment trop chère, la terre crue a été la solution pour construire rapidement et à faible coût des logements en dur. Bien que 50% de la population habitent dans des constructions en terre, il existe très peu d’institutions dédiées à ce matériau. CRATerre devient alors rapidement une référence internationale en la matière, répondant aux sollicitations de nombreux pays et d’organisations internationales. Ils sont également acteurs de la chaire UNESCO « Architectures de terre, cultures constructives et développement durable ». 45 Architecte égyptien engagé pour l'utilisation des matériaux locaux et techniques traditionnelles. 46 LaRevueDurable. CRATerre tourne l’architecture en terre vers l’avenir, n°19, p36-44.

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?

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Fig. 47. Déploiement territorial du programme AVN.

La technique de la voûte nubienne permet de couvrir un bâtiment grâce à des briques de terre crue, sans aucun besoin de tôle, ciment ou bois. Grâce à sa forme en chaînette et à la pose particulière des briques, il est possible de franchir jusqu’à 3,50 mètres de portée, en voûte ou en dôme, sans aucun soutien. Originaire de Nubie, actuel Nord Soudan et Sud de l’Égypte, cette technique a été popularisée par l’architecte égyptien Hassan Fathy pour sa simplicité et son faible coût. L’association de la Voûte Nubienne (AVN) formée en 2000 par deux maçons français et burkinabé place la voûte nubienne au centre de son dispositif avec un objectif : « développer un marché de l’habitat adapté en Afrique de l’Ouest »47. Cette association est présente dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest (fig.47) où se déroulent 2500 chantiers avec 720 ouvriers en formation. De taille moyenne, elle compte 30 membres et 70 salariés entre la France et l’Afrique. Une action locale

Fig. 48. Répartition des chantiers d’AVN par client, septembre 2017.

« Bien sûr on ne va pas donner du poisson mais apprendre à pêcher… mais en plus on va apprendre à réparer le filet et à vendre le poisson »48.

Thomas Granier, fondateur et directeur générale d’AVN. Cette phrase résume les principes d’action de l’association. Avec la volonté de développer la filière terre crue en Afrique de l’Ouest, elle concentre son action autour de la technique de la voûte nubienne en utilisant la sensibilisation, la formation et l’accompagnement des autorités. Utiliser le chantier comme support, générer de l’emploi en créant de nouveaux métiers, faire revivre des traditions constructives qui se perdent, voilà les principaux enjeux de la formation. Pour atteindre ces objectifs, la méthodologie d’AVN s’organise en deux phases qui se sont développées et affinées au fur et à mesure des chantiers.

Fig. 49. Répartition de l’offre de formation d’AVN, septembre 2017.

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47 Association de la Voûte Nubienne. Rapport d’activité 2015-2016, p.6. 48 Association de la Voûte Nubienne. Construire autrement en Afrique de l’Ouest, p.2.

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La première phase, engagée dès les premiers projets d’AVN, est une phase d’amorce. Les premières voûtes construites avaient pour but de montrer et faire connaître le système mais également de démontrer leur solidité. Elles ont été construites par les membres de l’association et quelques maçons déjà intéressés par la formation. D’après AVN, il s’agit de la meilleure façon de convaincre les professionnels et maîtres d’ouvrage : 76% des nouveaux chantiers sont issus des sensibilisations menées dans les villages pilotes49. Ces campagnes de sensibilisation ciblent trois groupes : les populations des zones rurales en priorité, les populations urbaines ensuite et enfin les acteurs institutionnels (fig.48). Pour cela, des échanges se font en amont avec les autorités villageoises qui formulent la demande. Ce sont eux qui feront le relais entre l’association et la communauté, ils facilitent la création d‘une relation de confiance. En ce qui concerne la formation, les chantiers d’AVN permettent d’obtenir les niveaux de qualification d’apprenti, de maçon, d'artisan et d'entrepreneur. Les débouchés sont multiples : qualification supérieure, possibilité de devenir formateur pour AVN, création d’entreprise… Ces offres s’adaptent au contexte socioéconomique du pays concerné, où les besoins et les difficultés rencontrés ne sont pas les mêmes. Ainsi, la cohésion au sein des communautés des territoires ruraux maliens explique un taux de croissance de 44% de l’activité d’AVN en 2016. Au contraire, un prix très élevé de la main d’œuvre au Ghana complique l’accès à cette technique pour la population qui lui préfère l’autoconstruction. En présence de ces difficultés, l’association modifie sa méthode. Lorsque la clientèle rurale n’est pas sensible à la question, au Sénégal par exemple, les actions ont été réorientées vers un public plus institutionnel, par lequel le développement du marché était plus efficient. De même, lorsque les formations ont de la peine à convaincre, il est beaucoup plus long de constituer une équipe de formateurs qualifiés. Les maçons AVN burkinabés, sont 49 Association de la Voûte Nubienne. Rapport d’activité 2015-2016, p.27.

ainsi régulièrement mobilisés hors du pays pour combler les manques de maçons AVN dans d’autres pays, représentant une trentaine de personnes expatriées en 2016. La rencontre de ces problématiques a enclenché une phase plus récente, la phase de « densification du marché ». Elle comprend une densification et une diversification des formations dispensées, un soutien plus important au développement entrepreneurial et la sensibilisation directe des acteurs du domaine de l’habitat. Il s’agit d’une part de transformer la formation dispensée uniquement lors du chantier « sur le tas » et de la compléter par une formation théorique afin de réduire le temps d’apprentissage (fig.49). D’autre part, des primes sont mises en place pour les maçons formés, une aide pour construire leur propre maison en VN ainsi que des indemnisations financières pour les premiers clients. Ces actions ont pour but d’accélérer le nombre de chantiers et de toucher une plus grande partie de la population. Elles arrivent en réponse à la mauvaise réception de la terre crue, qui est toujours bien présente malgré les démonstrations de sa solidité. L’association explique la difficulté de fidélisation de la clientèle par les appréhensions en matière de confort et de solidité. Aussi, si elle a longtemps souhaité mener son activité sans ces mesures d’incitation, AVN les utilise afin de « valider la pertinence du concept et les capacités de croissance de son marché »50. La densification se met également au service de l’émergence de la filière en développant l’entrepreneuriat chez les maçons formés, une formalisation du métier qui est encore très peu courante et difficile à mettre en place dans les milieux ruraux dont ce n’est ni l’habitude, ni la culture. Elle offre également un soutien à la maitrise d’œuvre locale et régionale (conseils régionaux, mairies, ONG…) et favorise l’émergence de nouveaux métiers (architectes, bureau d’études, assistant à la MO…). Dans cet objectif, sont mis en place la diffusion de livrets, de référentiels techniques pour certaines typologies de bâtiment et de documents types (cahier des charges, appels d’offre…). 50 Ibid. p.40.

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La phase de densification comprend également le développement d’un réseau. En effet, ces activités ne peuvent avoir lieu sans partenaire : réseaux, promotion, financements, ils permettent à l’association de se faire connaître et de monter des projets pertinents sur chaque territoire touché. En 2016, un seul partenariat à long terme avec des acteurs locaux avait été concluant, avec un groupe de maçons Wendpenga de Doulougou, au Burkina-Faso. Cela peut s’expliquer par un nombre encore assez faible de groupes intéressés par la construction en terre crue, ou parce que leur création est trop récente pour porter de tels projets. Ainsi, deux partenariats, avec l’organisation paysanne UGN-B au Burkina-Faso et la coopérative agricole UACT, n’ont pas mené à terme leurs actions en 2016 pour cause de « troubles internes et d’instabilité ». Dans son rapport d’activité de 2016, AVN écrit souhaiter renforcer le travail de coopération internationale mais aussi adapter des modèles de partenariats aux capacités de chaque interlocuteur. Nous pouvons alors nous poser la question de ce choix. Pourquoi favoriser le partenariat à l’international pour développer une filière localement ? Quels avantages cela présente-t-il ? Des projets de coopération internationale, objectifs environnementaux et patrimoniaux Lorsque ces relations sont sollicitées, les projets se jouent généralement à une autre échelle : intégration d’enjeux globaux, vision à long terme… Les sujets de travail sont également plus diversifiés, parfois plus approfondis grâce à l’expertise que de grosses structures peuvent solliciter. Nous trouvons parmi ceux-ci le domaine de la conservation et de la valorisation du patrimoine, qui était extrêmement faible il y a une vingtaine d’année. Ainsi, c’est en collaboration avec CRATerre que la direction du patrimoine au Mali a préparé la candidature à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO du Tombeau des Askia, à Gao, obtenue en 2004 (fig. 51). Conscient de l’enjeu patrimonial de l’architecture en terre et de sa fragilité, la chaire UNESCO « Architectures de terre, cultures constructives et développement durable » a été créée en 1998 à l’initiative de ce laboratoire et de la

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Division pour l’Enseignement Supérieur de l’UNESCO. Elle a pour but de faciliter la diffusion des savoirs liés à la construction en terre crue au sein de la communauté internationale et compte aujourd’hui 40 partenaires dans 23 pays dont cinq sur le continent africain. Son action touche d’une part le monde universitaire, avec la rédaction de contenus pour les cycles licence, master et post-master spécialisés et le soutien de recherches doctorales. Mais c’est également un moyen de multiplier les activités d’enseignement, de communication, de recherches scientifiques et de formations professionnelles au sein des pays concernés. Dans ce cadre, CRATerre a pris part à de grands projets phares, à l’image de Africa 2009, Conservation of immovable cultural heritage in sub-saharian Africa, en partenariat avec l’UNESCO, l’École du Patrimoine Africain (EPA), le Center for Heritage Development in Africa (CHDA) et le Centre international pour l’étude et la préservation et restauration des biens culturels (ICCROM). Son objectif premier était de renforcer la gestion et la conservation du patrimoine bâti en Afrique Subsaharienne, en soutenant et accompagnant le développement des institutions locales. Cela entendait alors le développement des connaissances et savoirfaire en matière de conservation et contribuer à la création d’un réseau de professionnels de la conservation dans cette région de l’Afrique. Il s’agissait également d’un moyen d’améliorer la perception de cette architecture ancienne et de montrer l’importance de sa sauvegarde auprès des professionnels, des institutions et des communautés. Dans ce but, certains principes guides ont été établis au début du projet, tel que l’engagement des communautés locales dans la protection de leur patrimoine, la priorité donnée aux savoir-faire, à la main d’œuvre, aux matériaux locaux. La présence temporaire des équipes sur place a également été anticipée par la mise en place de programmes durables, dont les coûts et l’organisation seraient facilement pris en charge par les institutions locales à la fin du programme. Le comité de pilotage du projet était quant à lui composé de 6 professionnels du patrimoine africain ainsi que d’un membre de chaque institution partenaire.

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?


Ce projet, engagé en 1996, s’est développé sur quatre phases, semblables à la méthodologie employée par AVN. Les deux premières regardent le recensement des institutions et partenaires locaux ainsi que l’organisation de quelques évènements pilotes à l’échelle de la région et du site. Ensuite, une phase de multiplication des activités et de consolidation des partenariats est mise place, puis la préparation au retrait des organismes internationaux pour la poursuite des mouvements engagés. Sur site, des formations ont été dispensées et les « projets situés » menés par CRATerre, répartis sur 23 pays (fig.50), auront touché maçons, membres de communautés et autorités locales. Concernant la théorie, des formations et des séminaires ont été programmés, touchant plus d’un millier de professionnels de la conservation du patrimoine. Plusieurs livres ont été publiés et une banque de données communes a été créée. A l’issue de ces actions, sept sites ont pu effectuer les démarches et être inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Avec ce travail de sensibilisation, l’UNESCO souhaitait en effet encourager la reconnaissance du patrimoine bâti africain en terre par les autorités, qui ne représente que 5% de la totalité des sites inscrits. Les mesures mises en place à la suite de cette inscription ont pour but de protéger mais aussi d’informer et peuvent jouer un rôle dans la relation de la population à l’architecture en terre crue.

Des « ateliers multi-acteurs », invitant décideurs et professionnels du patrimoine ont également été organisés. Cette demande émanant de l‘ACP, montre ainsi l’intérêt que commencent à porter ces pays à cette question.

Fig. 50. Carte de situation des projets Africa 2009 et AfriCap 2016. Africa 2009 AfriCap 2016 Pays couverts Projets Projets situés Projets inscrits

Avec des objectifs similaires mais d’autres leviers d’action, AfriCAP 2016 est un projet soutenu par le Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique51 et financé par l’Union Européenne. Souhaitant « sensibiliser concrètement les décideurs et les populations locales sur les multiples apports possibles du patrimoine au développement territoria l » 52. Des projets ont été mis en place dans trois villes d’Afrique de l’Ouest, Nikki au Bénin, Grand Bassam en Côte d’Ivoire et Télimélé en Guinée. Ils ont vocation à être support de formation, des chantiers école. 51 Groupe ACP, Organisation intergouvernementale regroupant 79 pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dont le siège se trouve à Bruxelles. 52 CRATERRE. Fiche projet AfriCap2016.

Fig. 51. Tombeau des Askia, Gao, Mali.

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2.1.2. Des organismes gouvernementaux en développement

Comment se manifeste et se concrétise cet intérêt

Dans cette même dynamique, des structures publiques ont été crées par certains états. Ce sont tout d’abord les enjeux climatiques qui expliquent ce nouvel intérêt. Aussi, l’utilisation de la construction en terre, pour son faible bilan carbone et les ambiances de qualité qu’elle produit, a joué un rôle important lors de la préparation de leurs engagements dans les Accords de Paris53. Lors de ce travail, la terre crue a été plusieurs fois mentionnée comme solution à l’adaptation énergétique du secteur du bâtiment. Ce sont donc en partie les autorités étatiques en charge de l’environnement qui ont été indiquées pour prendre en main la question du retour de la terre crue et sa promotion.

« Nous devons faire face à une explosion démographique avec des moyens limités. Qui dit grande disponibilité dit faible coût : nous n’avons pas à importer des matériaux chers. De plus, c’est une technique de construction [n.d.r. la construction en terre crue] qui réduit l’utilisation du bois et comme tous les pays du Sahel, nous sommes touchés par la désertification »54, Adam Abou.

Ensuite, le regain d’intérêt récent pour ce matériau et l’enthousiasme qu’il déclenche sur tous les continents en fait un matériau de plus en plus populaire. Si la terre a longtemps été écartée des chantiers africains, les nombreux évènements de sensibilisation ainsi que la réalisation de bâtiments en terre récompensés et primés permet de refaire parler d’elle dans les médias. Sa popularité naissante est d’autant plus légitime qu’elle fait partie de l’héritage et de la culture constructive de ce territoire. Construire en terre crue c’est revaloriser un patrimoine en voie de disparition. Sa valeur est de plus en plus reconnue grâce aux différentes protections et inscriptions UNESCO. Ces bâtiments et paysages inscrits deviennent alors un atout dans le développement du tourisme dans la région. Mais construire en terre c’est aussi retisser des liens avec le passé, avec les époques précoloniales. C’est un moyen pour ces pays de déconstruire l’image instable et incertaine de la fin des années 60 pour se reconstruire une identité d’Afrique dynamique et assumée. En effet, bien qu’elle soit utilisée sur une grande partie du globe, la terre crue est indissociable du continent. Une spécialisation dans ces nouvelles techniques et le développement de la filière lui offrirait une place sur l’échiquier international. 53 Association de la Voûte Nubienne. Rapport d’activité 2015-2016, p.44.

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Voilà ce que dit Adam Abou, directeur général du développement et de la prospective à la ville de Niamey, Niger. Il illustre ici la préoccupation de plus en plus de responsables africains. Le développement durable prend ainsi une importance non négligeable dans les stratégies de développement mises en place ces dernières années et les ministères dédiés s’intéressent à un renouveau dans le secteur du bâtiment. Nous pouvons citer le Ministère de l’environnement et du développement durable au Sénégal ou l’Agence de l’Environnement pour le Développement Durable (AEDD) au Mali qui portent des projets AVN avec le soutien respectivement du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et de la Banque Mondiale. La formation est également un domaine qui reconnait à la terre crue un potentiel. Aussi, AVN a rencontré le Ministère de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi et du Ministère de l’Économie et des Finances pour discuter de son habilitation en tant qu’opérateur au sein de la formation professionnelle au Burkina-Faso la FAFPA55. Ces soutiens marquent l’intérêt que portent les gouvernements à la construction en terre crue. Mais lorsque celui-ci se concrétise par une réelle action, deux orientations sont privilégiées. Certains renforcent des organismes déjà existants vers la promotion d’une nouvelle architecture, 54 TULLET Amélie. L’architecture en terre, une solution pour le Sahel, RFI Afrique. 55 Fonds d’Appuis à la Formation Professionnelle et à l’Apprentissage.

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à l’image de Centre de la Construction et du Logement (CCL) à Lomé, Togo, d’autres créent des branches dédiées à ces problématiques comme la MIssion de PROmotion des MAtériaux Locaux (MIPROMALO) au Cameroun. Les actions de ces centres sont principalement orientées selon quatre axes majeurs. Les deux premiers, plus techniques, regardent la recherche sur la qualité et le développement des matériaux, le conseil en architecture et les études de marché. Les deux autres misent sur la communication et la promotion à destination du grand public ainsi que sur des formations à destination des étudiants en architecture, en ingénierie et à tous les acteurs du BTP. Prenons l’exemple du CCL, un organisme parapublic créé par décret en 1967. Établi à Cacavelli, le centre dispose de près de 6 hectares pour ses expérimentations et essais en tout genre, avec entre-autres la réalisation des prototypes étudiés et la production de matériaux locaux améliorés (fig.52). Afin de promouvoir la construction locale, permettre l’accès de tous à la connaissance, le CCL agit ainsi sur deux terrains. D’une part il développe une offre spécialisée envers les professionnels, avec une formation, la vente de licences et les brevets déposés sur les BTC. D’autre part, il met à disposition gratuitement de la documentation et des « recettes » simples pour permettre à la population d’utiliser elle-même ces techniques. Pour mener à bien ces différentes missions, le centre est organisé par pôles. - Le bureau d’étude du centre. Dirigé par un architecte, il regroupe architectes, dessinateurs et géomètres. Ils ont pour mission l’étude de plans types (logement, établissements publics, installations agricoles…), l’élaboration de plans d’urbanisme, la prospection architecturale dans le domaine de la construction traditionnelle. Ils ont également été dans les premières années à l’origine de réalisations concrètes à l’exemple d’une opération d’une centaine de logements à Kara, pour le compte de la Banque Togolaise de Développement ou des logements de la Cité Ouvrière de CIMAO à Tabligbo.

- Une unité de recherche, Composée d’ingénieurs et d’opérateurs, elle propose des analyses chimiques et essais sur la terre crue. Elle contrôle la fabrication du matériel utilisé pour de nouvelles unités de production et travaille à l’élaboration de normes dans le domaine de la construction. Certaines recherches portaient par exemple sur l’utilisation de substances recyclées de la production d‘huile de palme, afin d’imperméabiliser les murs en banco. - Une unité de documentation. Elle assure la diffusion des résultats de recherche, regroupe par le biais de sa bibliothèque les ouvrages et revues significatifs et produit des fascicules à thème tels que « Le guide pratique de la construction ». En collaboration avec cette dernière, la division formation initie ouvriers, techniciens et ingénieurs à l’utilisation des matériaux locaux (fig.53).

Fig. 52. Expérimentation, mur en BTC réalisées en 1975 à partir de déchets de production de chaux.

Fig. 53. Presse à BTC au CCl, Lomé.

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Entre frilosité et revendication d’une nouvelle identité

« Bien sûr [...], les ministres de ce pays sont presque tous nés dans des maisons en terre ! »56, Elhaj Abdou Ali.

Fig. 54. Signature d'une convention de partenariat entre la MIssion de PROmotion des MAtériaux LOcaux et le Ministre camerounais de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, 2010.

Voilà ce que répond le Ministre nigérian du Logement à la question : pouvons-nous imaginer des logements de fonctionnaires en terre ? Cela montre l’enthousiasme du gouvernement nigérian envers la construction en terre. Pourtant malgré une envie affichée (fig.54), les actions concrètes des états africains peinent quelques fois à suivre. En effet, au Togo le CCL doit sa création à une demande directe du gouvernement togolais au fond spécial des Nations Unies, dont il a bénéficié de 1967 à 1975. Il émanait alors une réelle volonté de développer et promouvoir l’utilisation de matériaux locaux dans la construction. Ainsi, dès 2007, le CCL organise en partenariat avec l’EAMAU (École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme), l’URMA (Unité de Recherche sur

Fig. 55. Essai mené au CCL sur les briques avec ajout de son de riz.

Fig. 56. Laboratoire de chimie du CCL.

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les Matériaux et les Agro-ressources de l’université de Lomé) et le LERMPS (Laboratoire d’Études et de Recherches sur les Matériaux, les Plasmas et les Surfaces) de l’Université de Technologie de

Belfort-Montbéliard une préparation au master professionnel et de recherche sur la conception et les techniques de construction en terre crue. Ces partenariats sont la preuve d’une volonté de déclencher des échanges entre les différents intervenants dans le développement d’une filière terre crue. Les échanges entre le département spécialisé en agro-ressources et le centre permettant par exemple de développer de nouveaux matériaux bio-sourcés, utilisant la paille ou du son de riz (fig.55) dans la construction. Placé sous la tutelle du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, le centre continue d'exister grâce à un financement de l’État togolais et de la vente de matériaux et des prestations proposées par le centre. 56 Fonds d’Appuis à la Formation Professionnelle et à l’Apprentissage.

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« Faire de la RD [n.d.r. recherche et

développement] avec les moyens du bord résulte finalement d’une contrainte plus qu’une réelle orientation souhaitée. L’idée est de faire de ce manque de moyens technologiques un atout, pour revisiter et remettre au goût du jour des pratiques et des méthodes de fabrication plus artisanales et traditionnelles »57. Seth Atiode Amogou, directeur du CCL en 2015. Pourtant, peu d’investissements ont été faits depuis sa création : une grande partie des instruments et machines servant au laboratoire (fig.56) et à l’expérimentation datent de 1967. Rolande Konou, architecte togolaise, expliquait lors d’une conférence tenue à la maison écocitoyenne de Bordeaux58 que les documents mis à disposition par le CCL bien qu’utiles, sont en réalité difficiles d’accès pour des non professionnels et que la visibilité nationale de l’établissement, pour ce public, reste en réalité très faible. Ainsi, le manque de moyens et de suivis de la part des autorités limite les possibilités d’expansion et de développement des activités du centre bien que ses dirigeants fassent bon grès contre mauvaise fortune. Ce genre d’ambiguïté se retrouve également dans d’autres pays. Ainsi, il existe au Cameroun une circulaire59 signée en 2007 par le premier ministre, prescrivant l’utilisation des matériaux locaux dans les projets immobiliers publics. Ce n’est pas un acte anodin : construire les bâtiments publics en terre c’est garantir un nombre de chantiers suffisants pour justifier la création d’unités de production, mettre en place des chantiers-formations. Mais c’est aussi se (re)créer une nouvelle identité par l’usage du matériau en s’affranchissant des bâtiments construits à l’époque coloniale, où travaillent actuellement les pouvoirs publics. 57 GRELLIER Caroline. Chronique d’une makeuse en matériaux #6, juin 2015. 58 Retour sur la construction d’une école écologique au Togo, rencontre, janvier2017. 59 Circulaire n°002/CAB/PM du 12 mars 2007.

Malgré la création en 2014 d’un comité de pilotage et de suivi de cette même circulaire, elle n’est toujours pas appliquée. Un responsable de la MIPROMALO déplorait qu’« aussi longtemps que l’Etat ne s’assurera pas que les matériaux locaux sont privilégiés dans le cadre de ses propres projets, il sera difficile pour les Camerounais de s’approprier à leur tour les dits matériaux »60. Cet avis est également partagé par Abalo Yolou, nouveau directeur du CCL. L’absence d’encouragement franc de la part du gouvernement et une certaine frilosité pourraient-elle expliquer la difficulté d’émergence de la filière ? Avec l’arrivée en 2017 d’un nouveau directeur général, nommé par le Président de la République, ces objectifs ont pourtant été publiquement rappelés par Madeleine Tchuinté, la Ministre de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI). Elle annonçait « Vous devrez donc œuvrer inlassablement, en partenariat avec les opérateurs économiques, pour l’opérationnalisation rapide de cette directive [n.d.r. l’utilisation des matériaux locaux dans la construntion de bâtiments publics] au moins en R+1., Notamment, par la promotion de la maîtrise de l’utilisation des matériaux locaux dans le bâtiment, ainsi qu’une production de masse permettant de réduire le coût d’accès au logement décent dans notre pays »61. Une convention avec le Ministère camerounais en charge de l’Emploi et de la Formation Professionnelle devrait permettre dans le futur d’équiper les centres publics de formation en outils de production. Elle prévoit également de renforcer les capacités des formateurs de la MIPROMALO et élaborer des référentiels de formation.

60 BANHANE N. Félicité. Matériaux locaux, de nouvelles mesures pour la promotion, Camroon tribune, novembre 2014. 61 Actu Cameroun. MIPROMALO : Likiby Boubakar, le nouveau DG prend fonction, Actu Cameroun, juillet 2017.

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Une indépendance pas encore acquise Malgré un certain intérêt, beaucoup de gouvernements peinent à apporter durablement leur soutien, par manque de volonté ou par manque de moyens. Les organismes nationaux sont alors pour beaucoup dépendants d’aides internationales, lors de leur création mais aussi dans le développement des plaquettes pédagogiques, dans l’apport de matériel… En effet, nombreux sont ceux qui ont bénéficié à leur création du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ou du soutien de l'AFD ou de la Banque mondiale, apportant assistance financière, matérielle et technique. C’est notamment le cas du CCL qui en a bénéficié pendant deux ans pour accompagner son lancement. L’établissement de partenariats, nationaux et internationaux (CRATerre, CSTB, Institute for Housing Studies and Urban Development…) lui permet de continuer à se faire connaître à l'international. À plus petite échelle, ce sont également les associations qui agissent depuis de nombreuses années sur le territoire qui apportent leur expertise. C’est le cas de l’Association de la Voûte Nubienne, qui se propose en tant que consultant auprès des ministères des pays dans lesquels elle agit. Nous pouvons citer la rencontre avec le Ministère du Renouveau Urbain, de l‘Habitat et du Cadre de Vie dans le cadre du Plan Sénégal Émergent62. Dans ce cadre, AVN propose son aide pour développer la construction de logements en voûte nubienne par les promoteurs. De même, ils ont été en discussion avec l’Office Malien de l’Habitat (OMH) pour étudier la prise en compte des propositions de l’association dans son plan de travail de 2017. Lorsque l’État peine à agir seul, ce sont des groupes qui portent une demande au plan international. Aussi le projet « Une industrie culturelle en développement : l’architecture en terre » a été soumis en juillet 2011 à un appel à proposition du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). 62 PSE. Regroupe projets et réformes touchant à un grand nombre de domaines (agriculture, éducation…).

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Il s’agit un projet porté par le CISP63, qui avec des ONG ouest-africaines et la ville de Niamey va réaliser un inventaire des savoir-faire du pays en matière de construction en terre. Grâce au financement des pays ACP et de l’Union Européenne, des prototypes de maisons et de bâtiments collectifs seront réalisés avec des architectes nigériens. Le Musée National a été doté d’un pavillon de l’architecture en terre et Niamey a accueilli en 2014 un colloque international sur ce thème. À cette occasion trois prototypes d’habitats ont été construits et de nombreux évènements organisés dans la ville. Il est toutefois nécessaire d’observer ces coopérations avec recul pour comprendre les réelles motivations de chaque partie. En effet, il arrive que les conditions de collaboration entrent en opposition avec l’objectif premier, le développement du territoire. Aussi, la MIPROMALO a fait part en 2016 de sa volonté de développer un partenariat avec deux entreprises italiennes, afin de mettre en place des unités de production de briques au Cameroun. Nous ne parlons pas ici d’un séjour à court terme de structures bénévoles qui transmettent un savoir-faire. Il s’agit de l’implantation de ces deux entreprises étrangères sur le sol camerounais pour produire des éléments de construction à partir de matière première locale. C’est une posture assez surprenante de la part d’une « MIssion de PROmotion de MAtériaux LOcaux ». D’autant plus que sa directrice générale, Uphie Chinje Melo, ne désespérait pas de trouver d’autres entreprises européennes pouvant s’installer dans le pays afin de « défier le mythe selon lequel le Cameroun doit rester dépendant de matériaux de construction importés »64. C’est peut-être ici l’image que renvoient les entreprises européennes qui a motivé ce choix, une image surévaluée au détriment des entreprises locales qui commencent pourtant à se développer. Cet exemple démontre une certaine inégalité entre les pays, et une indépendance pas encore acquise. 63 Comitato Internazionale per lo Sviluppo dei Populi. ONG italienne bassée à Niamey. 64 INVESTIR AU CAMEROUN. La MIPROMALO rêve de l’installation au Cameroun, d’entreprises européennes produisant des matériaux de construction, mars 2016.

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2. 2. Production et conception Ces tendances ont alors des répercussions dans le monde du BTP. La maîtrise d’œuvre se forme à ces nouvelles techniques et fait de plus en plus le choix de la terre. En réponse à cette demande, des entreprises spécialisées dans la construction en terre se développent.

1.2.1. Création d’entreprises spécialisées Fig. 57. Plan masse de l’Opera Village, croquis de Francis Kéré.

Depuis les année 70, nous pouvons observer une redécouverte du potentiel du matériau terre crue dans la construction grâce à la promotion faite par les ONG et les gouvernements. Petit à petit ces évènements font parler d’eux et les professionnels commencent à se former. Les maçons qualifiés travaillent ou deviennent formateurs dans les instituts où ils ont appris les techniques de construction en terre. Ils peuvent travailler en indépendants lorsque d’autres montent des sociétés spécialisées. On retrouve souvent à l’origine de la création de ces entreprises une formation auprès de centres spécialisés ou de chantiers-écoles, notamment grâce à CRATerre « qui est l’un des meilleurs formateurs en matériaux locaux dans le monde »65, comme le décrit une entreprise béninoise.

Fig. 58. L’Opera Village en construction, Burkina-Faso.

Grands projets et collaboration avec la maîtrise d’œuvre Les projets en terre les plus médiatisés sont des projets qui permettent à certaines sociétés de sortir du lot. Ainsi, si beaucoup d’entre eux ont intégré dans leur démarche un chantier école, au fur et à mesure que se développe la filière, ce sont des entreprises spécialisées qui sont sollicitées. C’est ce qu’a fait Francis Kéré lors de la construction de l’Opera village, actuellement en construction au Burkina-Faso. Fig. 59. Ancien hôtel le Djoloff et son extension en terre crue, Dakar.

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65 Art Décors. Projet Clientèle, 28 janvier 2015.

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Ce dernier devait être à l’origine un centre du théâtre et du cinéma africain. Après de grosses inondations ayant touché le site du projet et les villages alentours, de nouveaux équipements ont été inclus : un centre de santé, des logements... L’Opera village regroupe également des salles de classe pouvant accueillir jusqu'à 500 étudiants, des ateliers et espaces de restauration. L’architecte a fait le choix d’organiser ces différentes fonctions en petits modules en rez-de-chaussée gravitant autour du théâtre et de la scène (fig.57). Depuis ses premiers projets, l’architecte d’origine burkinabè souhaite démontrer les nombreux avantages de la brique de terre crue, qu’il utilise sur la grande majorité de ses projets en Afrique. C’est donc le cas ici : les murs porteurs des modules sont en terre, la charpente en bois et la couverture en bac acier (fig.58). L’entreprise choisie pour produire les briques sur ce chantier est ZI-Matériaux, créée en 1996 à Ouagadougou. Elle concentre actuellement sa production autour des BTC, Tuiles de Mortier Vibrées (TMV) et pavés béton. On trouve parmi ses réalisations des entrepôts, comme des villas ou encore des établissements publics. La reconnaissance et l’expertise gagnées au cours de ces chantiers lui permettent aujourd’hui de se démarquer. Sa spécificité tient surtout dans l’organisation de stages de formation sur commande, concernant la production et la construction en briques de terre compressées. Ainsi, au-delà des organismes internationaux et des centres de formations publics, c’est aussi au sein de certaines entreprises du BTP comme celle-ci que les maçons peuvent se former à la construction en terre. Un autre exemple de réalisation en terre est l’extension de l’hôtel le Djoloff à Dakar (fig.59), appartenant à un couple franco-ivoirien. Il s’agissait alors pour les architectes de l’atelier KOE et David Guyot de construire un autre corps de bâtiment délibérément contemporain face à l’hôtel ancien, une extension en brique de terre face à la maison de style colonial. Celleci comprend douze chambres, une salle de séminaire, un espace réservé aux évènements et deux terrasses. Pour les maîtres d’œuvre, il était très important de réduire au maximum l’impact environnemental

de ce nouveau bâtiment. Cet objectif se ressent dans sa conception : murs épais à forte inertie, pièces ouvrant sur des patios (fig.60), production d’eau chaude sanitaire par des capteurs solaires placés en toiture. Mais cela a également guidé le choix de matériaux locaux et d’une entreprise locale. Le bâtiment est en effet construit en BTC porteuses sur ses trois niveaux, le soubassement et les chaînages sont eux en béton armé. Il a été construit par Element’erre, une SARL créée en 2010 par Amadou Doudou Dème. Après l’obtention en 2005 d’un master en génie civil Ingénierie et Urbanisme à Grenoble, il sort l’année suivante diplômé CRATerre du DSA Architecture en terre de l’ENSAGrenoble. Il décide alors de retourner s’installer dans son pays d’origine pour construire en terre. Conscient des enjeux autour de la construction en terre, son fondateur a choisi la BTC car : « on obtient une régularité de la qualité des produits. Cette qualité favorise l’acceptation sociale d’un renouveau de la construction en terre »66. L’entreprise s’est spécialisée dans la réalisation de briques de terre, disponibles en plusieurs formes et tailles et se prête à des commandes spéciales si besoin. Elle propose également les services de bureau d’étude technique et de conseils en matière de conception et de mise en œuvre de la terre. Par la grande diversité des prestations qu’elle propose et les nombreux partenariats qu’elle entretient, cette entreprise jouit déjà d’une certaine reconnaissance dans le domaine de la construction et chez les architectes.

Fig. 60. Hôtel le Djoloff, vue du patio, Dakar. 66 Élément'erre. Les avantages du bloc de terre.

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Petites entreprises et marché de l’habitat De petites structures commencent également à prendre leur indépendance et petit à petit à diversifier leur production. Bien souvent, ces entreprises se spécialisent en « matériaux locaux », c’est-à-dire des matériaux disponibles sur le territoire, moins chers et dont la terre crue fait partie. Ce choix n’est pas anodin : la matière première est très facile à obtenir, peu chère et les services proposés sont des services à Haute Intensité de Main-d’œuvre (HIMO). Il est alors possible de proposer des prix compétitifs tout en valorisant le travail des artisans. De plus, si se lancer dans la construction en terre aux balbutiements de la filière peut comporter des risques, à cause d’une demande encore faible, c’est également un moyen de se démarquer et de profiter des premières opportunités. Ces sociétés peuvent prendre plusieurs formes mais elles regroupent en général plusieurs services. Nous trouvons parmi ceux-ci la production des matériaux de construction, de BTC ou de BTC autobloquantes67, qui est un des rares éléments dont la production est régie par une norme expérimentale68. Ils prennent alors en charge les analyses de terre, l’extraction ainsi que la fabrication des briques. Celles-ci peuvent être vendues telles-quelles. Art-Décors, une entreprise béninoise, vend par exemple ses briques par lot de 60 à 150/175 francs CFA, soit 25 centimes d’euros69. L’offre peut également être complétée par des services de bureau d’étude, et par un suivi lors de la phase de réalisation, pour accompagner les maîtres d’ouvrage, dont les connaissances dans ce domaine sont encore limitées. Ces structures cherchent principalement à toucher les privés aisés qui souhaitent construire leur maison bien que les chantiers actuels sont assez hétéroclites. Les arguments avancés sont alors le confort, les retombées économiques locales… 67 Briques dont la mise en œuvre ne nécessite pas de mortier. 68 Norme AFNOR XP13-901 : Blocs de terre comprimée pour murs et cloisons : définitions - Spécifications Méthodes d’essais - Conditions de réception. 69 En matière de comparaison, au Bénin le kilo de riz est à 600 francs CFA au kilo.

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« Alors tout africain, de par son développement dans son territoire doit avoir dans ses gènes le développement culturel liés à la terre et le rayonnement de la construction terre »70, Art Décors. En élargissant leur champ de compétences, ces entreprises du BTP se font également constructeurs et peuvent proposer des prototypes de maisons et villas. C’est le cas de LEA BENIN SA, partenaire de la société Sud Africaine Hyfraform, les premiers à installer une usine de production de BTC au Bénin. Le projet « ma maison sur ma parcelle » propose à ses clients plusieurs plans, allant du T3 (fig. 62) au T6 duplex avec une promesse de construction entre trois et six mois. L’abandon de la terre au profil du parpaing de béton était en partie dû à un besoin de construction rapide, de faible entretien, pour ne pas « [passer sa] vie à construire [sa] maison mais habiter [sa] maison en construisant [sa] vie »71, comme le dit la brochure de l’opération (fig.61). C’est également ce que permet la BTC et son émergence est concomitante à ces nouvelles pratiques, car les futurs clients souhaitent s’économiser le temps de chantier. De plus, construire en terre, avec des techniques encore peu maîtrisées les orientent directement vers des entreprises spécialisées. Celles-ci s’emparent du phénomène et proposent à leurs clients d’être « directement » concepteurs de leur maison grâce à des plans modifiables. De cette manière, ils s’assurent tout de même une prise en charge complète, de la conception à la livraison.

« Loin d’être un aboutissement des acteurs directs de la construction : Architectes, Techniciens… Mais surtout des clients, les habitants, qui valorisent par leur manifestation ou désirs à travers ses œuvres »72, Art décor.

70 Art Décors. Projet clientèle, janvier 2015. 71 Lea Benin SA. L’opération immobilière ma maison sur ma parcelle, 2017. 72 Art Décors. Projet clientèle, janvier 2015.

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En faisant cela, ces sociétés vendent à leur client un pouvoir de décision aussi important qu’en construisant sa maison soi-même, les soucis en moins. Ils mettent en avant les rapports directs entre maitrise d’ouvrage et exécutant, sans intermédiaire extérieur : architectes, techniciens… De manière encore plus importante qu’en France, le recours à l’architecte pour de l’habitat individuel est très peu répandu, pour des raisons très diverses : coût, habitudes, a priori… C’est pourtant un professionnel à l’écoute, pouvant se placer en conseil et capable de répondre à des besoins de manière individualisée, ce que ne font pas ces entreprises. L’habitat en terre pourrait alors être un challenge pour les architectes convaincus de ses qualités, et un moyen d’influencer sa réception.

Fig. 61. Planche publicitaire de LEA BENIN SA.

2.2.2 Quel rôle pour la maîtrise d’œuvre ? Une profession de plus en plus formée Rolande Konou, architecte togolaise, nous expliquait avoir reçu à l’école d’architecture de Lomé une formation en construction, mais qui restait encore peu approfondie, notamment concernant la construction en terre et les questions énergétiques. Elle disait alors avoir plus appris seule, grâce aux livres et à internet, puis en expérimentant les choses plutôt que par la théorie. Un dizaine d’années plus tard nous pouvons tout de même remarquer une évolution des programmes, les établissements s’étant appropriés ces problématiques. Parmi ceux-ci, nous trouvons l’EAMAU, l’École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme, une institution inter-états d’enseignement supérieur et de recherche. Elle a été fondée suite à un sommet des chefs d’état de l’Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM) en 1975. Celui-ci faisant lui-même écho à une publication de l’UNESCO, appuyant la nécessité d’un établissement de formation aux métiers de l’architecture et de l’urbanisme pour les pays africains en pleine croissance urbaine. Basée à Lomé, capitale du

Fig. 62. Ma Maison ma parcelle, typologie type T3, plan.

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Togo, elle regroupe actuellement quatorze pays d’Afrique francophone du Sud du Sahara. Depuis sa création, elle a formé un peu moins d’un millier d’étudiants au grade de licence et master en architecture, urbanisme et gestion urbaine. L’école propose également une formation continue aux professionnels et encadre des projets de recherche. L’institution annonce qu’elle a « orienté ses diverses activités de formation et de recherche vers cette thématique transversale [n.d.r. le changement climatique et la transition énergétique] ». Ainsi, un master de recherche « architecture et développement urbain » a été ouvert à la rentrée académique 2017-2018. Afin de former les professionnels de l’aménagement du territoire et de la construction aux enjeux de la transition énergétique, l’école propose en partenariat avec l’Institut de l’Énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF) et l’Institut de la Francophonie pour le Développement Durable (IFDD) une formation intitulée « Transition énergétique, ville et habitat ». Il prend la forme de modules d’une dizaine de jours recouvrant plusieurs thèmes : Enjeux et défis des territoires face à la transition énergétique, Construction et bâtiment / Matériaux traditionnels et ressources locales…

« Je pense qu’il est grand temps que les architectes africains prennent des mesures idoines pour que la construction de nos espaces ne soit pas calquée sur les villes occidentales »73, Rolande Konou Akpedze. « Moi, c’est ça qui m’intéresse, c’est pour ça que j’ai intégré l’école. Je veux pouvoir gérer les villes en Afrique. Comme notre continent est en voie de développement, tout reste à faire »74, Claude, un étudiant tchadien. 73 LECAM Morgane. À l’école d’architecture de Lomé, défense de copier les villes occidentales, 2017. 74 Ibid.

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Avec ces nouvelles formations, on voit en Afrique de plus en plus de jeunes architectes convaincus par l’intégration de la durabilité dans les processus de conception. Ils souhaitent participer au renouveau d’une architecture africaine affirmée et en phase avec son territoire. Ce mouvement s’accompagne également de la reconnaissance de la valeur du patrimoine bâti.

« Son cours préféré s’intitule « Espaces africains ». On fait des exposés sur les peuples d’Afrique, leurs modes de vie, leurs habitats. On apprend leurs techniques de construction et ça nous donne des idées »75, Grace, étudiante burkinabè. « Ceux qui font la ville, et qui, faute d’une formation en la matière, ne sont pas forcément sensibles au patrimoine »76, École du Patrimoine Africain. Lorsqu’en 1990 une enquête est menée sur la gestion et la conservation du patrimoine africain, la situation est catastrophique. Plusieurs actions sont menées afin « d’établir un réseau de professionnels africains capables d’assurer la conservation des collections des musées africains au sud du Sahara et de prendre en charge la formation de leurs collègues »77. En 1998, une convention entre l’ICROM et l’Université Nationale de Bénin signe la création de L’École du Patrimoine Africain. On trouve notamment parmi les différents pôles qu’elle regroupe le domaine « Territoires et Patrimoines ». Celui-ci a été créé en 2002 pour l’Etude pour la réhabilitation du patrimoine historique de Porto-Novo, commandée par le Gouvernement béninois et la Banque Mondiale. On compte parmi ses activités la participation au projet Africa 2009 précédemment évoqué. Ses missions s’organisent autour de quatre axes : l’information, la sensibilisation, le conseil et la formation. Cette dernière concerne plus particulièrement les professionnels : architectes, 75 Ibid. 76 EPA, Présentation du pôle architecture et territoires. 77 Ibid.

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urbanistes, ingénieurs… Ce sont des formations qui ont pour but de sensibiliser la profession à la valeur de ces architectures anciennes, aux techniques de construction anciennes et à sa restauration. Il s’agit de mieux connaître son passé pour le comprendre, le valoriser et le réinventer.

sont prêtes à avoir recours à un architecte, dont les missions se concentraient principalement sur de grands bâtiments (bureaux, écoles, institutions…) ou villas à gros budget. Alors qu’aujourd’hui ces pratiques changent, quelle est sa place ?

La place de l’architecte

L’architecte, par sa formation complète, par son rôle d’intermédiaire entre chaque acteur du projet, par son habileté à communiquer peut jouer un rôle dans le renouveau de la construction en terre crue et son acceptation. Au-delà d’une relation de clientèle, c’est en tissant des liens avec les futurs utilisateurs qu’ils expriment leurs envies, leurs craintes et que le dialogue se crée. Aussi, les intégrer pleinement au processus de conception et au chantier peut permettre de toucher le plus grand nombre.

Pourtant, la place et le rôle de l’architecte en Afrique de l’Ouest restent assez flous. En effet, ce n’est que depuis quarante ans que l’EAMAU forme des architectes locaux. Quarante ans et un millier d’étudiants toutes filières confondues cela correspond en moyenne à vingt-cinq diplômés par an pour quatorze pays. Ceci explique en partie pourquoi la profession est encore assez peu reconnue, peu chez les professionnels, encore moins chez les particuliers. Du côté des artisans, peu ont déjà eu l’occasion de travailler avec des architectes et beaucoup ne comprennent pas son rôle. Aussi, ce sont les maçons qui prennent en charge la conception et la réalisation. Influencé par la tradition du « faire », par l’apprentissage par la transmission orale, le bâtiment se fait et se défait alors au fur et à mesure de l’avancement du chantier. La rencontre entre l’oral et l’écrit, voir et prévoir n’est alors pas toujours évidente. Car l’architecte, lui, construit avec un crayon. Il dessine, préfigure et anticipe. Il est capable de prévoir la position d’un escalier en fonction de la hauteur à franchir par la coupe, la quantité de matière première nécessaire grâce aux métrés… Cette approche permet ainsi de réduire les délais de construction, le temps de travail de chaque corps de métier sur le chantier et donc le coût de construction. Du côté des particuliers, l’incompréhension est plus forte. Elle est en partie due à une tradition forte d’auto-construction : construire « son chai » représente encore aujourd’hui pour beaucoup un acte symbolique fort. Émancipation familiale, construction à faible coût, moyen d’échapper au système locatif c’est une évidence dans les territoires ruraux, de moins en moins en secteur urbanisé. Dans ce contexte, peu de personnes

Rassembler pour discuter

Francis Diébédo Kéré fait partie des architectes qui ont fait évoluer l’image de la terre en Afrique. Nous retrouvons dans sa démarche l’importance de la participation notamment dans ses premiers projets au Burkina-Faso, à Gando, le village où il a grandi. Fort de ses connaissances en matière de construction, Francis Kéré voulait faire de l’utilisation de la terre crue l’enjeu central de son projet d’école primaire ; c’est la première difficulté à laquelle il s’est confronté. En effet, son retour à Gando après cinq ans d’étude en Allemagne pour y construire une école a levé une vague d’enthousiasme dans la communauté. Enthousiasme pourtant rapidement retombé lorsqu’il a proposé de construire l’école tant attendue en terre crue. Il s’est alors retrouvé face à un rejet net du projet. Il rapportait d’ailleurs leur réaction lors d’une interview pour le Global Award for Sustainable Architecture : « Non, Francis ignore notre réalité, il ne sait pas qu’un bâtiment en terre ne tient pas plus de deux années, ne résiste pas à deux saisons pluvieuses »78. Les premières inquiétudes des villageois concernaient en effet la tenue dans le temps de la terre, préjugés nés de leur propre expérience avec le matériau et relayés par certaines autorités (préfecture …). 78 Francis Kéré. Architecture is a Wake-Up Call, 2014.

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Soucieux de leur accord et afin de favoriser leur appropriation de ces techniques, l’architecte a proposé en concertation avec les villageois la construction de modèles témoins et la formation d’ateliers de fabrication. Après avoir construit une petite structure à base de briques en terre, il a proposé aux habitants d’en vérifier la solidité en montant dessus. Ces tests les ont convaincus et ont signé le début du chantier. Cette étape « d’avant-projet » a été ici fondamentale pour prendre le temps de démontrer les avantages que propose ce matériau traditionnel. Projet social par sa future fonction, il le sera également durant tout le processus de chantier. Il vise en effet à donner à la population les compétences nécessaires pour réutiliser les techniques apprises, sans aucun support extérieur ; c’était une des conditions sine qua non de l’opération. Des jeunes du village ont participé à la construction bénévolement, d’autres dans le cas de chantiers de formation. Accompagnées de chants, les femmes sont venues tasser la terre battue en dansant. Complètement ouvert, le chantier était un lieu de vie en lui-même. Il a permis aux habitants de se l’approprier dès la première brique posée, de venir voir et comprendre la construction de l’école au fur et à mesure que les assises se montaient. La sensibilisation au matériau terre crue s’est donc faite avec le temps, par la démonstration et l’implication de la communauté. C’est également un exemple de la sensibilisation par l’exemple : deux villages voisins ont été séduits par cette initiative et ont demandé au village de Gando son aide pour construire leurs écoles sur le même principe. Le projet et surtout le chantier, selon la manière dont il est pensé et adapté à son contexte, peut devenir un facteur de formation et toucher les professionnels du BTP. Certains projets, à l’image du Central Market de Koudougou79 par Laurent Séchaud, se sont ainsi construits autour de la re dynamisation du territoire.

79 Sechaud Laurent. Formulaire de l’architecte, Le prix Aga Khan d’architecture, 2007

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Entrant dans le cadre du Programme de Développement des Villes Moyennes (PDVM), la reconstruction du marché de Koudougou concentrait de forts enjeux pour le territoire. Si l’objectif premier était de construire un marché plus sûr, mieux organisé, c’était aussi un moyen de relancer l’activité des commerçants qui y exposent. Les 30 000m² et 125 bâtiments construits ont permis de relancer le secteur de l’emploi en sollicitant 97 petites et moyennes entreprises et en créant 2500 emplois. De plus, le chantier est un lieu de rencontre, un lieu où beaucoup de corps de métier se suivent et se croisent. Au-delà des maçons, principal corps touché par l’émergence de ces nouveaux modes de construction, ce sont tous les autres acteurs du chantier qui vont se confronter à la terre. Nathalie Giraud, une des architectes de la maison du livre de l’association ICCV-Nazemse à Ouagadougou, nous expliquait que pour beaucoup (électriciens, plombiers, menuisiers…) ce chantier était le premier en terre. Bien qu’ils ne soient pas toujours présents lors de sa mise en œuvre, ils observent, expérimentent et se familiarisent avec le matériau. Cela a été un point de départ à de nombreuses discussions et débats sur le sujet. C’est aussi quelque chose qui a surpris les ingénieurs béninois, principalement des ingénieurs dont la formation orientée béton préconise systématiquement le surdimensionnement, par sécurité : « c’est dur face à eux de défendre ce type d’architecture parce qu’ils ne sont pas qualifiés pour ça et ils en ont peur […] et toi tu rassures tu vois ». Nous parlons ici de (re)démocratiser un matériau dont l’usage est intimement lié à l’histoire d’un pays, qui a été aimé puis rejeté au gré des influences extérieures. Il est légitime de se demander dans quelle mesure le pays d’origine et le pays de formation de l’architecte peuvent avoir une influence sur la capacité à écouter, à comprendre et à convaincre. En quoi cela influe-t-il sur sa compréhension des besoins de l’utilisateur et des enjeux présents autour de la construction en terre crue ?

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2. 3. Structuration de la filière terre crue, exemple de Lomé 2.3.1. Présentation des acteurs La présentation des acteurs principaux de la filière terre crue à Lomé permettra de comprendre leur histoire et origine. Le Centre de la Construction et du Logement Le CCL fait partie des institutions d'État, avec les missions de promotion des matériaux locaux, présentés précédemment (fig. 63). Créé dans les années 1970, le centre concentre depuis vingt ans son activité sur le matériau terre. Aujourd'hui, bien que ses membres souhaiteraient se concentrer sur les activités de recherche et de conseil, il est nécessaire de conserver au sein du centre une unité de production (fi. 64) afin de compenser les faibles financements de l'État. Cela permet également de palier au faible nombre d'initiatives privées, à l'image du centre SICHEM ou de maçons indépendants80.

Fig. 63. Logo du centre, reconnaissable depuis la route.

Réalisation/Participation : Réalisation d'une école primaire avec l’Asso Akpé à Gblinvié, École maternelle Charles De Gaule à Lomé. Le Centre SICHEM Le Centre SICHEM s’est formé à l’initiative d’Antoine Dzamah, son frère et d’un ami. Ils se sont rapprochés de l’association de groupement rural AGRO-DR81 afin de former les plus jeunes à l’agroécologie et proposer une alternative à la mono-culture intensive qui se développe au Togo. Il s’agit alors au départ d’une « ferme familiale » où habitent et vivent leurs familles, les stagiaires et les élèves en formation (fig.65). Le centre s’est développé au fur et à mesure du temps pour proposer un grande diversité d’activités visant à valoriser et à encourager l’autonomie de la population locale. 80 Entretien du 4 octobre avec Mrs. Yolou et Takpeke 81 Association de groupement rural pour le développement des villages

Fig. 64. Commande de BTCs au séchage.

Fig. 65. Bâtiment d'accueil, Centre SICHEM.

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Fig. 66. Salle de réunion et d'apprentissage théorique, Centre SICHEM.

Aujourd’hui, le site comprend tout d’abord un centre d’accueil, qui prend en charge la mission de communication, des formations, l'organisation des stages et la gestion de chambres d’hôtes. S’y trouvent également la ferme-école qui regroupe la production végétale et animale, la transformation et la vente de produits locaux ainsi qu’un volet de formation entrepreneuriale (fig. 66). Le centre a également créé une branche liée à la construction en matériaux locaux, c’est-à-dire la promotion, la formation et la construction en maçonnerie terre.

« Pas besoin d’enduit, pas besoin de peindre, c’est juste un peu de technique et beaucoup de main d’œuvre… et ici on en a beaucoup de la main d’œuvre ! On a trouvé que ça convenait au milieu »82, Antoine Dzamah, co-fondateur du centre.

Fig. 67. Bâtiment des séminaristes, Paroisse universitaire St Jean Apôtre, Lomé.

La découverte de la BTC stabilisée s’est faite par la rencontre avec un assistant technique belge qui est venu se former au centre dans les années 1980. La technique les a rapidement intéressés. Les premiers bâtiments en dur ont été construits avec cet assistant et un maçon, qui ont eux-mêmes formé trois jeunes du village. L’interrogation et l’intérêt portés à ces bâtiments les ont convaincus de continuer à former les jeunes à cette technique, puis à les organiser en équipe pour les aider à entrer dans le monde du travail. Aujourd’hui, un tiers des élèves formés continue à travailler sur des chantiers du centre dans la région maritime et les deux tiers restants travaillent pour leur compte, au Togo mais le plus souvent au Nigeria, au Mali et au Bénin. Réalisation/Participation : Le centre SICHEM la paroisse universitaire Saint Jean Apôtre de Lomé (fig.67), le couvent des Sœurs du Cénacle de Vogan.

Fig. 68. Première promotion de maçons de l'Éco-centreTogo, 2014-2017.

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82 Entretien du 1 octobre 2018 avec Antoine Dzamah.

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ECO-Vision Togo

Maçons indépendants

L’Éco-Centre-Togo est une association créée par Benoît AGBEVE. Togolais d'origine, il reçoit une bourse pour étudier en Belgique, où il obtient son CAP Soudeur et Serrurier-Métallier. Il enseigne ensuite quelques années la serrurerie avant de travailler pour la ville de Liège comme formateur en réinsertion professionnelle. Pendant 7 ans, il est en contact avec tous les corps de métier du BTP et suit des formations en écoconstruction (fabrication de parpaings chaux-chanvre, enduits à la chaux …). Fort de cette expérience, il crée son entreprise ECO-Vision en Belgique, qui propose des services de formation, de conseil, de recherche et de construction à faible impact environnemental.

Les offres de formation proposées par les structures présentées ci-avant commencent à porter leurs fruits. Des maçons spécialisés dans la construction en terre se mettent aujourd’hui à leur compte. Il faut également compter sur les professionnels qui, habitués à des modes de constructions plus « classiques », se forment « sur le tas », au fur et à mesure des informations récoltées et des chantiers réalisés. Le plus souvent, ils travaillent sur de plus petits projets. Les plus gros nécessitent en effet une équipe organisée et il est rare de voir des maçons se regrouper. Dans ces situations, la construction est rarement suivie par un architecte et c’est le maçon qui va conseiller la maîtrise d’ouvrage, de la conception à la réalisation. Son rôle est donc important dans la communication sur la technique auprès d'une grande part de la population.

Après 5 ans, il songe à rentrer au Togo pour développer des modes de construction plus respectueux de l’environnement et mettre son savoir-faire au service des jeunes. Il commence tout d’abord par contacter le CCL avec lequel il développe de nouvelles compositions de briques, enrichies en fibres de coco… Pourtant le manque de dynamisme au sein du centre et la limite des financements le pousse à recommencer et recréer une entreprise de construction : ECOVision Togo. Son activité est principalement orientée vers la construction de maisons et villas en terre. Grâce au réseau créé par ECOVision, il monte une association, l’Eco-CentreTogo, qui a pour objectif de former à « l’éco-bioconstruction ». Le centre travaille alors avec des structures telles que l’Association des Jeunes pour proposer des formations gratuites (financées par les droits d’adhésions, les associations partenaires, les dons). Il existe plusieurs modules de formation : maçonnerie, menuiserie, charpente. La formation en maçonnerie comprend la fabrication des BTC, les techniques d’application, des règles de sécurité et des cours de remise à niveau en mathématiques et en français. La première promotion (fig.68) est actuellement en stage et a été diplômée l’année dernière. Le centre est aujourd’hui en stand-by et en recherche de financements pour l’année prochaine.

Autres corps de métier

« Au début je préférais le béton parce que si ça ne va pas on peut facilement recommencer. Mais la brique de terre te pousse à être un meilleur technicien, à être très précis »83, Koffi Francis, électricien chez Afritech (CI). Si la plupart des acteurs déplorent le manque de maçons formés et de structures de formation, la sensibilisation des autres corps de métier est également primordiale pour la réussite du projet. De prime abord ils ne semblent pas les premiers concernés par ces changements, pourtant la construction en terre change de manière significative le déroulement des chantiers. Le plombier, l'électricien interviennent en effet dès le gros œuvre pour fixer leurs installations au fur et à mesure du calepinage des briques. La terre demande alors une plus grande disponibilité mais également une plus grande rigueur ainsi que la maîtrise de la lecture des plans, du niveau... 83 Entretien du 25 septembre 2018 avec Koffi Francis.

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2.3.2. Rôle et poids Les acteurs cités précédemment jouent des rôles différents, parfois complémentaires au sein de la filière terre crue. Afin d'étudier ces rôles ainsi que l'impact de leur pratique, nous prendrons appui sur les différentes phases qui précèdent la construction d’un bâtiment en terre crue. Nous prendrons alors en compte la formation, le conseil, la fabrication des BTC84, puis la construction. La formation Les trois structures prenant part à la formation sont le CCL, le centre SICHEM et l'Éco-CentreTogo. Ce dernier n'a pour l'instant accueilli qu'une seule promotion d'apprentis et ne pourra pas proposer de nouvelle formation avant un ou deux ans, faute de financements. Lors de la première formation, il accueillait tout type de public, mais principalement des jeunes en difficultés afin de les amener vers un travail. Toutefois, les deux plus gros centres de formation se complètent en ce qui concerne le public touché.

Le conseil Du fait de la relative nouveauté des techniques et de la faible information accessible aux populations, chaque acteur doit intégrer le conseil dans sa pratique. Ainsi, avec plus ou moins de connaissances en conception, en mise en oeuvre, le professionnel orientera les choix de la maîtrise d'ouvrage et/ou maîtrise d’œuvre.

Le Centre SICHEM, privé, travaille plutôt sur du long terme afin de permettre le développement local et l’émancipation des populations rurales.

À Lomé, le CCL reste la référence en la matière. Dans un premier temps, car ils disposent de l'infrastructure nécessaire : espaces dédiés à la démonstration (unité de production, échantillons, bâtiments témoins, etc.), le centre de documentation, le laboratoire. De même, la prise de rendez-vous, pour les professionnels comme pour les particuliers est très accessible et gratuite. Les architectes, ingénieurs, dessinateurs du centre mettent alors leur expertise au service de tous ces publics pour les accompagner dans chaque étape du projet. Pourtant, malgré tous les services proposés le centre reste assez peu connu des loméens, en dehors des habitants du quartier et des professionnels du domaine. Une faible visibilité qui est d'autant plus regrettable que certaines personnes, à l'image du comité de village de Damadé85, déploraient de leur côté le manque d'accompagnement technique.

84 Principale technique de construction en terre utilisée à Lomé.

85 Entretien du le 5 octobre 2018 avec les autorités villageoises.

Le CCL agit plus sur des objectifs à court terme : le besoin important de maçons formés pour développer la construction en terre. Ils orientent alors plus leurs formations vers des maçons de métier, pour des temps plus courts d'apprentissage. Pour répondre à ces objectifs, ils proposent également des sessions intensives pour permettre la réalisation de chantiers de grande ampleur, principalement sur les chantiers publics. Ce type de formation permet de décrocher des financements de programmes tels que le Front National d’Apprentissage, de Formation et de Perfectionnement Professionnel (FNAFPP).

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Les formations proposées sont alors à destination des jeunes et sont de plus longue durée. Elles s'intègrent également dans un processus lié au fonctionnement du centre. Aussi, ils proposent aux apprentis de rejoindre les chantiers du centre après leur formation, et accompagnent ainsi leur entrée dans le monde professionnel. La formation, plus complète comprend également un volet entrepreneurial, pour les maçons qui souhaitent travailler à leur compte. De même, cette réflexion sur le processus les pousse à étendre leurs programmes à des jeunes post-BAC. La création de la formation de technicien est en effet très récente et émerge du besoin de conducteurs de travaux sur les chantiers terre.

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Difficultés

Débouchés

Post-BAC

Aprentissage

Formation intensive

Apprendre à des personnes qui ont pris des habitudes avec un autre matériau et acceptent peu de réapprendre à utiliser le niveau, à être très précis

Activité indépendante

Durée libre Stage pour les étudiants en génie civil ou en architecture

Au centre sur 1 an Environ 30 apprentis/an

Sur le lieu de chantiers importants en général publiques. Sur 10 jours. Entre 10 et 20 maçons Financements par le Front National d’Apprentissage, de Formation et de Perfectionnement Professionnel (FNAFPP) ou la Chambre Régionale les Maçons (CNM)

Accompagnement des clients dans la conception et choix des modes constructifs

Départ à l'étranger des jeunes, plus d'opportunités de travail et meilleure rémunération

Activité indépendante ou intégration des chantiers du centre

Sur 18 mois Formation de technicien

Au centre sur 2 à 3 ans Environ 40 apprentis/an

x

Jeunes

Centre SICHEM

x

Accompagnement des clients dans la conception et choix des modes constructifs

Départ à l'étranger des jeunes, plus d'opportunités de travail et meilleure rémunération

Activité indépendante

x

Au centre sur 3 ans Environ 10 apprentis

x

Réinssertion pro.

ÉCO-Vision et Éco-centre-Togo

x

Accompagnement des clients dans la conception et choix des modes constructifs

x

x

x

x

x

Maçons indépendants

x

x

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x

x

x

x

Autres corps de métier

Centre de la Construction et du Logement (CCL) Phase 1 : Formation et conseil Formation Public Professionnels

Conseil Accompagnement de la MO et MOE dans la conception et des entreprises dans la réalisation

x

Public

De l’APS jusqu’au dossier de consultation des entreprises.

Intervention

x

x

x

x

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Conseils de mise en œuvre : visite et démonstration, assemblages, différents moules, solutions pour les points sensibles de la construction

Conseils de mise en œuvre : visite et Conseils de mise en œuvre : visite et démonstration, assemblages, différents démonstration, assemblages, différents moules, solutions pour les points moules, solutions pour les points sensibles de la construction sensibles de la construction

Conseils de mise en œuvre : visite et démonstration, assemblages, différents moules, solutions pour les points sensibles de la construction

x

Estimation du nombre de briques grâce Estimation du nombre de briques grâce Estimation du nombre de briques grâce Estimation du nombre de briques grâce aux plans et aux plans et coupes ou simplement de la aux plans et coupes ou simplement de la aux plans et coupes ou simplement de coupes ou simplement de la surface de murs surface de murs surface de murs la surface de murs Aide à la rédaction du dossier de consultation des entreprises, détails techniques et demandes particulières

Fig. 69. Tableau comparatif : formation et conseil.

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La fabrication L’obtention des briques peut se faire de deux manières, déjà façonnées ou fabriquées sur le lieu de construction. La première, est l'achat direct des BTC chez un fournisseur qui se charge de leur fabrication. À Lomé, il n'existe actuellement que deux structures proposant ce service : le CCL et le Centre SICHEM. Tous deux proposent des BTC standards de différentes dimensions ainsi que des modèles spéciaux (briques en U, coffrages perdus, angles arrondis, etc.). Il est également possible de créer avec le CCL des moules particuliers répondant à un besoin précis. La terre provient dans les deux cas de « carrières » au Nord et à une vingtaine de kilomètres de Lomé. La principale différence entre ces deux possibilités est le prix des briques déjà confectionnées. D'après le directeur du CCL, une brique coûte environ 75 francs CFA86 à la fabrication. Afin de permettre au centre de fonctionner en conservant son rôle de médiateur, le CCL vend ses briques à « prix social », soit 95 francs CFA. Le Centre SICHEM quant à lui revend ses briques à 125 francs CFA. Une faible différence à l'unité, qui a pourtant une influence sur le prix de revient d'un bâtiment. On peut estimer le prix, pour trois salles de classe de 40 m², respectivement à 790.020 francs CFA87 et 1.039.500 francs CFA88. Ce sont des coûts auxquels il faut ajouter les frais de transport jusqu'au chantier, qui peuvent rapidement s’envoler selon sa localisation. Le camion du CCL a une capacité de 1.500 briques, ce qui correspondrait à dix trajets pour notre petit bâtiment de 3 salles de classe. De plus, acheter des briques déjà prêtes peut influencer les choix de finition. En effet, le risque de briser des arrêtes lors des chargements et du transport est important. Il sera alors impossible de laisser les briques apparentes comme le souhaite la majorité des clients. 86 Soit 11 centimes d'euro. À titre de comparaison, le SMIC local est à 53,4 euros. 87 Soit 1204 euros. 88 Soit 1584 euros.

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Le principal avantage de cette option est le gain de temps qu’elle permet ainsi que l’assurance de la qualité des BTC utilisées. La seconde possibilité est la fabrication des briques sur le site de chantier, avec la terre disponible sur place. Il est nécessaire dans un premier temps d’analyser la terre présente sur place afin de connaître ses propriétés. La seule structure habilitée à analyser les qualités de terre est le Centre de la Construction et du Logement. Dans son laboratoire, les chimistes sont capables de déterminer la proportion de stabilisant à ajouter ainsi que d'autres matières, comme la quantité de sable si la terre est trop argileuse. D’un point de vue logistique, le CCL propose un accompagnement et la mise à disposition de moyens pour la fabrication. Il loue en effet des presses mécaniques (pour 3.000 francs CFA89 par jour) et peut si besoin affecter ses maçons sur le chantier (11 francs CFA par brique). Ainsi, la production de briques pour trois salles de classe de 40 m² reviendrait à 416.520 francs CFA90, une nette différence par rapport à l'achat direct. Afin d'obtenir un meilleur rendement, les équipes sont généralement composées de 4 maçons pour une presse. Cela leur permet de produire environ 1.100 BTC par jour. Toujours pour notre exemple de trois salles de classe, il faudrait environ sept jours de production ainsi que deux semaines de séchage, soit environ trois semaines pour entamer la maçonnerie les murs. Les maçons indépendants, au même titre que le SICHEM ou Eco-vision proposent ce service, qui peut être compris dans la prestation de construction. En fonction de leur taille et de leurs moyens, le coût ainsi que le temps de production peuvent varier. Néanmoins, la gratuité de la matière première ainsi que l’absence de frais de transport rendent cette solution beaucoup plus économique. 89 Soit 4.60 euros. 90 Soit 635 euros.

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?


Professionnels Prix "social’’ : 95 Fcfa/brique

Aide à la rédaction du dossier de consultation des x entreprises, détails techniques et demandes particulières

Stock prêt directement au début du chantier

915.500 Fcfa

Analyse au CCL x

Jeunes Prix : 125 Fcfa/brique + Transport

Centre SICHEM

Au centre sur 3 ans Environ 10x apprentis

x

x

x x

Réinssertion pro. x

ÉCO-Vision et Éco-centre-Togo

x x

x

x

x x

x

Maçons indépendants

x

x x

x

x

x x

x

Autres corps de métier

Sur 18 mois Formation de technicien x Activité indépendante ou intégration des chantiers du centre

Propres maçons

Entre dans le prix de construction

Analyse au CCL ou mélange personnel

Haute intensité de main d'œuvre « Des fois des maçons qui maitrisent se font débaucher pour travailler à leur compte » , Koffi Francis x

x x

x

x

Activité indépendante

Maisons et villas, x particuliers

Maisons et villas, x particuliers

Tous x

x

x

xx

x

x x

x

x

x

x

Départ à l'étranger des jeunes, plus d'opportunités de travail et meilleure rémunération Analyse au CCL

Besoin d'être minimum deux Accompagnement des un clients dans la Deux maçons avec ou deux conceptionapprentis et choix des modes constructifs

x

Départ à l'étranger des jeunes, plus d'opportunités de travail et meilleure rémunération x

Accompagnement clients dans la Équipe de des 4 maçons conception et choix des modes constructifs

sur 2arrêtes à 3 anslors des RisqueAu de centre briser des Environ 40 apprentis/an chargements, influera sur le type de finition choisie

x Location de machines, peu ont les moyens d'avoir leur propre machine dès le début x

Accompagnementxdes clients dans la conception et choix des modes constructifs

Gros chantiers, bâtiments publics, religieux, institutionnels x

x Donnée inconnue Donnée inconnue De l’APS jusqu’au dossier consultation des 416.520 Fcfa +de mortier x x x entreprises. Économie x Conseils de mise en œuvre : visite et Conseils de mise en œuvre : visite et Conseils de mise en œuvre : visite et Conseils de mise en œuvre : visite et démonstration, assemblages, moules, démonstration, assemblages, différents démonstration, assemblages, différents démonstration, assemblages, différents Utilisation des terres excavéesdifférents fondations… pas Utilisation des terres excavées Utilisation des terres excavées x pour les points solutions pour les points sensibles de la moules, solutions moules, solutions pour les points moules, solutions pour les points besoin d’évacuer fondations… pas besoin d’évacuer fondations …pas besoin d’évacuer construction sensibles de la construction sensibles de la construction sensibles de la construction Temps x Temps Temps Estimation du nombre de briques grâce Estimation du nombre de briques grâce Estimation du nombre de briques grâce Estimation nombre de briques aux plans Si saisondu sèche, besoin d'un lieugrâce de stockage à et aux plans et coupes ou simplement de la auxSiplans saison d'un lieu de Si saison besoin d'un lieu dede etsèche, coupesbesoin ou simplement de la aux plans etsèche, coupes ou simplement x coupes ou simplement de la surface de murs stockage à l'ombre stockage l'ombre l'ombre surface de murs surface de murs la surfaceàde murs

Une équipe de 4 maçons/machine Accompagnement de la MO et MOE dans la conception et des entreprises dans la réalisation

Possibilité de fournir la main d'œuvre : 11Fcfa/brique Apprendre à des personnes qui ont pris des habitudes avec un autre matériau et acceptent peu de réapprendre à utiliser le niveau, à être Possibilité d'analyser de la composition de latrès terre au laboratoire du CCL :précis détermine la proportion de stabilisant à utiliser et le besoin de moduler la granulométrie

Activité indépendante

Durée libre Stage pour les étudiants en génie civil ou en architecture Prix : 3000 Fcfa/jour

Au centre sur 1 an Risque de briser des arrêtes lors des chargements, Environ 30 apprentis/an influera sur le type de finition choisie

Possibilité de définirpubliques. en amont la taille des briques 10réalisation jours. pour la commandeSur et la de moules sur Entre 10 et 20 maçons demande Financements par le Front National d’Apprentissage, de Fcfa Formation et de 713.540 Perfectionnement Professionnel (FNAFPP) ou la Chambre Régionale les Maçons (CNM) Stock prêt directement au début du chantier

+ Transport Sur le lieu de chantiers importants en général

Centre de la Construction et du Logement (CCL) 2 : Formation Fabricationet conseil Phase 1 Achat au centre Formation Public Prix à l'unité

Formation intensive Prix pour 3 salles de 40 m² Avantage Aprentissage Inconvénient

Analyses

Difficultés

Main d'œuvre

Location machine Débouchés

Fabrication sur chantier Post-BAC

Conseil Déroulement Public

Avantage

Prix pour 3 salles Intervention de 40 m²

Inconvénient

Phase 3 : Construction Type de chantiers

Fig. 70. Tableau comparatif : fabrication et construction.

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2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?


État Formation Maîtrise d’oeuvre

Maîtrise d’ouvrage

Contrôle qualité

Conseil Auto-formation

Ecovision

CCL

Centre SICHEM

BTC Matériel Maçons indépendants

Maçons du centre

Particuliers Construction

Petits projets Maison individuelle - École primaire Damadé - Pavillon vitrine place FAO

Gros projets - Palais du gouverneur - IFT, école maternelle CDG - Paroisse universtaire St Jean

Fig. 71. Schéma récapitulatif : fonctionnement de la filière terre crue à Lomé.

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2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?


2.3.3. Freins et dysfonctionnements Communication et visibilité Tout d’abord, ce sont les questions de communication et de visibilité des structures qui entravent le développement de la construction contemporaine en terre crue. Naturellement, nous pensons dans un premier temps à la sensibilisation et à l’information du public. Tout au long de mon séjour à Lomé, beaucoup de personnes ont fait part de leurs interrogations face à la construction en terre crue. Mais étonnamment, il ne s’agissait pas uniquement du grand public, assez éloigné de ces problématiques. Aussi, Koffi Francis, électricien pour Afritech qui a travaillé sur deux chantiers en terre dans la région nous confiait que le couvent Notre Dame du Cénacle de Vogan, construit en 2009 était « le premier chantier en terre comme ça en Afrique ». De même, Alain Klegbe, loméen, président de l’association NEJ et à l’origine d’un projet d’école primaire à Damadé en BTC ne connaissait ni le CCL, ni le Centre SICHEM. Lors de nos discussions, le directeur de l’école nous confiait même : « [à retrouver] Le problème c’est qu’on ne sait pas dire si les choses sont bien faites il faudrait une référence, une aide »91. Ces remarques expriment bien la faible visibilité des structures travaillant dans ce domaine. Yalou Abalo, directeur du CCL nous faisait remarquer au sujet de la fracture entre Lomé et le reste du pays : « le problème c’est aussi que l’on ne soit pas décentralisé même s’il y a un autre centre à Kara »92. Dès que l’on s’éloigne de la capitale, on voyage sur les quelques routes goudronnées qui traversent le pays du Nord au Sud sans traverser les villages alentour. Ainsi, bien que certains projets en BTC soient construits dans l’hinterland, ils ne sont connus que par les habitants du village et ceux des alentours.

91 Entretien du 5 octobre 2018 avec les autorités villageoises. 92 Entretien du 4 octobre 2018 avec Mrs. Yolou et Takpeke.

Le Centre SICHEM apporte une réponse intéressante à ces problématiques. Bien que situé à une heure de route de Lomé, il est en réalité bien plus connu des loméens que le CCL. Cette visibilité est due d’une part aux chantiers menés par le centre dans la capitale, mais surtout à la diversité de leurs activités et du public touché. En effet, parce qu’il regroupe une ferme école, un centre de construction, des chambres d’hôtes beaucoup de personnes gravitent autour du centre : agriculteurs, maçons, maîtres d’œuvre, d’ouvrage, stagiaires, scolaires, « éco-touristes », locaux comme étrangers. Il est également bien intégré dans le village et la communauté : chacun peut venir profiter des salles mises à disposition, un local est réservé à la couturière du village, beaucoup de jeunes agriculteurs des alentours viennent se former à l’agro-écologie. Enfin, au-delà de la polyvalence du centre, il doit sa notoriété naissante à l’utilisation de moyens de communication très divers. Le premier et le plus important est le bouche-à-oreille. Dans une ville où il n'y a pas de nom de rue, on indique sa destination par des directions, des repères. Aussi, même avec des indications et en demandant le chemin, nous avons eu beaucoup de mal avec le chauffeur de moto à trouver le CCL. Le centre SICHEM organise, lui, régulièrement des évènements qui font venir du monde sur place (démonstrations, activités pour les enfants, séminaires, conférences…) et font connaître le lieu. C'est également un endroit de rencontre, où tous les publics se croisent.

« Des fois des maçons qui maîtrisent se font débaucher pour travailler à leur compte »93, Koffi Francis, électricien Afritech. Le manque de communication se ressent également entre les acteurs de la filière euxmême. 93 Entretien du 25 septembre 2018 avec Koffi Francis.

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?

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Aussi, si certaines choses sont actées, l’expertise du CCL pour analyser la terre par exemple, la coordination des actions reste timide. Nous pouvons citer la tentative d’ÉCO-Vision de développer de nouvelles techniques avec le centre qui a échoué, à cause du manque de réactivité de ses dirigeants. Mais, dans le domaine professionnel de la construction comme dans le milieu associatif, ce sont souvent les questions de concurrence et de défiance qui entrent en jeu et freinent la communication entre les différents acteurs. Ainsi, si certaines associations locales sont fières de décrire le nouveau bâtiment en terre qu’ils ont fait construire, il existe une certaine résistance à en parler à des confrères travaillant dans la même région, de donner les contacts du maçon… L’exclusivité de la « nouveauté » des BTC en fait un secret jalousement gardé. Cadre de développement

« On devrait faire comme le Bénin qui impose que 25% de ses bâtiments publics soient construits en terre »94, Wiyovou Takpeke dessinateur au CCL. Pour pallier à ces problèmes, le fondateur du Centre SICHEM comme le directeur du Centre de la Construction et du Logement souhaiteraient voir un cadre défini accompagner la filière terre. Dans un premier temps, ce dernier souligne que l’investissement de l’État aurait un impact important sur la population : « qu’il [n.d.r. l’État] s’investisse, leur montre que ça doit être une bonne solution »95. Ainsi, que les institutions togolaises qui véhiculent une image de « réussite » fassent ce choix pourrait changer l’image de la terre. Mais c’est également montrer une assimilation de ce matériau par le gouvernement togolais, local, et atténuer les doutes liées aux influences occidentales. Comme évoqué précédemment, certains pays d’Afrique de l’Ouest ont inclus dans leur législation des mesures en faveur de la construction terre, allant de l’incitation aux quotas. 94 Ibid. 95 Entretien du 4 octobre avec Mrs. Yolou et Takpeke.

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Dans un second temps, c’est le manque de professionnels formés qui pose problème. On trouve à Lomé deux structures qui proposent de la formation et sont complétées de manière ponctuelle par des initiatives comme l’ÉcoCentre-Togo. À cause de la faible valorisation de la main d’œuvre au Togo, les chantiers terre où la matière première est quasiment gratuite induisent une faible rémunération des maçons. Benoît Agbeve nous expliquait alors que la majorité des jeunes diplômés de l’Éco-Centre sont en stage à l’étranger et souhaitent y travailler. Malheureusement, ce manque de formation amènes certains à s’improviser maçon terre. Ne maîtrisant pas les proportions de stabilisant, les réglages de compressions, la régularité des assises, les briques s’effritent, des fissures surgissent rapidement. Cela peut alors avoir un impact fort sur la confiance de la population en ce matériau. Enfin, l’absence de cadre, le manque d’artisans formés amènent à une exclusivité du marché. Aussi, sur les projets de grand envergure, ce sont principalement des grands groupes qui répondent aux appels d’offre. De même, sur les cinq derniers gros chantiers en BTC de Lomé nous retrouvons les mêmes entreprises sur les lots maçonnerie, plomberie, électricité... Comme le souligne Koffi Francis, ce sont les architectes, d’autant plus lorsqu’ils sont européens et connaissent moins bien le marché togolais « qui demande[nt] à celui qui a déjà fait avec qui il avait travaillé »96. Les plus petits, maçons indépendants qui travaillent très rarement en regroupements, ont alors des difficultés à se faire connaître et acquérir la confiance de la maîtrise d’ouvrage. Manque de confiance, volonté de maîtriser le produit fini, cela pousse également le Centre SICHEM notamment, à vouloir regrouper le plus de compétences au sein de sa structure : « On essaye de plus en plus d’avoir nos électriciens, nos plombiers … regrouper le plus de compétences… sinon ils abîment »97. Néanmoins, cette situation restreint également l’accès aux chantiers terre aux autres corps de métier, limitant par ce fait la sensibilisation et la formation nécessaire pour intervenir sur ce genre de construction. 96 Ibid. 97 Entretien du 1 octobre 2018 avec Antoine Dzamah.

2. Aujourd’hui, quelles dynamiques autour d’un sujet promu et délaissé à la fois ?


3. Réalisations : influences et bilan

Fig. 72. Adolescents aidant à la construction de la bibliothèque d’ICCV à Ouagadougou, Burkina Faso.

Nous avons pu étudier plus en détail dans la première partie la relation ambiguë qu’entretient la société africaine avec le matériau terre. Ainsi, nous avons vu comment l’usage de ce matériau a été remis en question dans les années 40. Pourtant inscrite dans une tradition constructive forte et indissociable de l’expression culturelle et symbolique des différents peuples, la terre a laissé sa place au règne absolu d’une « architecture universelle béton ». Encore d’actualité aujourd’hui, les idées du mouvement moderne en Europe ont, consciemment ou non, fortement marqué les esprits et c’est toujours « moderne » de construire en béton. Pourtant le retour à la terre initié depuis les années 60 prend aujourd’hui plus d’ampleur et tend à devenir de plus en plus courant.

Extrêmement divers dans leur mise en œuvre mais également dans leurs conditions d’élaboration, les projets contemporains en terre crue suscitent appréhension, enthousiasme ou encore indécision mais ne convainquent toujours pas le grand public. Afin de mieux comprendre les tenants et aboutissants pouvant influer sur ces réactions, mais aussi comprendre en quoi le fantôme occidental y aurait un rôle à jouer, nous analyserons trois projets significatifs. Il s'agit de la bibliothèque d’ICCV à Ouagadougou (Burkina Faso)(fig.72), de l’école primaire de Damadé (Togo) et de l’école primaire de Gando (Burkina Faso).

3. Réalisations : influences et bilan

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3.1. Détail de la démarche 3.1.1. Note méthodologique Influence de la participation et de la sensibilisation, utilisation et mise en forme du matériau, sensibilité de l’architecte… sont autant d’éléments qui peuvent influencer la réception d’un bâtiment. Les études de cas proposées ici ont pour objectif de mettre en perspective et vérifier les informations et hypothèses émises dans les premières parties de ce mémoire. La proposition est d’étudier ces exemples par le filtre d’une grille d’analyse, qui servira par la suite de support aux entretiens. Celle-ci reprenait dans un premier temps les questionnements évoqués précédemment, puis s’est affinée au fur et à mesure des entretiens et des remarques de chaque interlocuteur. Ce sont tout d'abord les recherches documentaires, la lecture de revues et les contenus publiés par la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage sur des médias internet (réseaux sociaux, plateformes vidéo…) qui ont permis de décrire les projets. Mais au-delà de la compilation d’éléments factuels, il s’agissait ici d’approfondir l’influence des facteurs culturels et sociaux sur la conception, la réalisation et l’expérience de l’objet architectural. Pour ce faire, il est apparu important de fonder ces études sur des témoignages et des entretiens. L’approche consistait à recueillir deux visions complémentaires, celle des personnes qui conçoivent ces espaces et celle des usagers qui les vivent au quotidien. En effet, il était intéressant de s’arrêter sur la figure de l’architecte afin de mieux connaître son parcours personnel et professionnel. C’était également l’occasion de le questionner sur sa démarche et sur la manière dont il a abordé le projet. Quel rôle et quel niveau d’implication a-t-il eu/choisi ? Comment a-t-il envisagé la participation des futurs usagers ? Quels réseaux ont été sollicités ?

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3. Réalisations : influences et bilan

L’entretien est également un moyen d’avoir un retour critique sur le projet terminé, de connaître les obstacles et les questionnements qui sont apparus au cours de sa préparation, de sa mise en œuvre comme de son usage. De même, il était indispensable de se pencher sur l’utilisation de ces constructions et sur l’appréciation de leurs utilisateurs afin d’évaluer l’impact et l’acceptation de ces nouveaux projets en terre crue. Quelle opinion ont-ils de la construction en terre ? Quelle a été leur réaction face à ce matériau au début du projet ? Celle-ci a-t-elle changé pendant le chantier et à l’usage ? Dans un premier temps et du fait de mon impossibilité de se rendre sur place, les échanges avec l’Afrique ont été permis par les relations nouées lors de ma propre expérience au Togo mais également grâce aux associations présentes dans la région, qui ont pu servir d’intermédiaire. L’échange direct a été privilégié pour recueillir les impressions de ces différents interlocuteurs, afin de minimiser l’influence d’un tiers dans ces échanges. Ils se sont déroulés sous la forme de rencontre pour les personnes présentes en France, par entretiens téléphoniques ou par écrit pour les interlocuteurs africains. Ces différents moyens ont été utilisés afin de s’adapter aux possibilités de chacun et de s’adapter aux conditions actuelles difficiles au Togo et au Burkina-Faso. Néanmoins, la médiatisation des projets de Francis Kéré et sa notoriété ont rendu difficile d’établir des contacts, l’analyse critique du contenu produit à son sujet est venue pallier ce manque. Par la suite, prolonger l'étude de ce sujet lors du projet de fin d'étude a permis d'organiser un séjour au Togo, afin de rencontrer en personne les structures de formation, architectes, usagers et porteurs de projets dont il est question dans cette analyse.

3.1.2. Trois bâtiments en terre crue Par

l’histoire

et

les

processus

qui

ont


progressivement réintroduit la terre sur le territoire africain, les projets qui émergent depuis ces vingt dernières années sont le résultat de conjonctures extrêmement diverses. Origine associative, gouvernementale, privée, d’initiative locale ou internationale… Tant de critères qui peuvent influer sur le caractère de l’architecture produite mais aussi sur la façon de mener le projet et enfin sur sa réception. L'architecte, en tant que chef d'orchestre, joue également un rôle important dans sa définition. Concepteur, il sera amené à intégrer des besoins exprimés par la population, pour ensuite les retraduire formellement. Il aura à solliciter, interagir avec les différents acteurs du projet et suivre la construction du bâtiment. Les exemples choisis témoignent principalement de trois de ces éléments : l’origine de l’architecte, sa formation, et sa pratique. Nous ferons des allers-retours entre Afrique et Europe afin de comprendre l’impact de ces influences sur la réception du projet. L’analyse de cet impact s’observe alors sur différents domaines : le chantier et la matière (choix des matériaux, communication sur le chantier, formation), l’intégration des futurs usagers (sensibilisation, participation) et les relations établies avec les différents acteurs. Les projets contemporains de construction en terre crue se développant de plus en plus depuis une vingtaine d’années, il a fallu effectuer un choix permettant de répondre au mieux à la problématique. Afin de rendre la comparaison plus pertinente les trois projets choisis sont de la même typologie, c’est-à-dire des équipements scolaires ou parascolaires. Il s’agit de la typologie la plus représentée parmi les projets en terre ; l’habitat est encore marginalisé et réservé à une certaine catégorie de la population. De plus, les écoles, les bibliothèques sont des établissements fréquentés quotidiennement, par les jeunes comme par les parents. Elles font partie des évènements centraux de la vie des communautés et accueillent fréquemment des réunions publiques, fêtes de village… De plus, la construction d’une école de proximité, offrant de meilleures conditions d’étude, est pour tous un sujet de préoccupation et une occasion de recueillir un plus grand nombre de témoignages. Les trois projets sont également nés, comme

beaucoup de projets contemporains en terre crue, grâce à des mouvements associatifs. Ce fut également un moyen de faciliter la prise de contact avec les architectes et la population, car les structures sur place pouvaient jouer le rôle d’intermédiaire dans nos échanges. Ces exemples sont pourtant différents par leur contexte : rural ou urbain, et par leur date de construction : début des années 2000 ou 2016/2017. Il s’agit là de vérifier si les a priori face à ce matériau de construction sont toujours les mêmes vingt ans après et si la promotion, menée principalement depuis les grandes villes a un impact sur cette opinion. Néanmoins, la principale singularité de ces projets est le parcours des architectes : français, burkinabè, togolais, formé en Afrique de l’Ouest ou en Europe, pratiquant en France, en Afrique ou sur ces deux continents. Il s’agit pour le premier exemple de la bibliothèque d’ICCV-Nazemse à Ouagadougou, conçue par l’association Villages Verts, une association étudiante de l’ENSAPBx. Dans un premier temps support de leur travail de PFE, les deux étudiantes décident de concrétiser bénévolement ce projet après avoir obtenu leur diplôme. Les deux architectes françaises ont donc conçu la bibliothèque après plusieurs déplacements et échanges avec ICCV . Avec la volonté de promouvoir l’égalité à l’accès à l’éducation au Togo et l’interculturalité, Nouvel Espoir pour la Jeunesse (NEJ-Association) et Déka-éwé se sont retrouvés autour d’un projet d’école éco-responsable à Damadé. La conception et le suivi de chantier ont été confié à une architecte togolaise particulièrement sensible au développement durable et formée à l’EMEAU, Akpedze Rolande Konou. Enfin, le dernier exemple est celui du projet de l’architecte burkinabè Diébédo Francis Kéré à Gando, son village d’origine. L’architecte a commencé, au cours de sa formation à la TU Berlin en Allemagne, à récolter des fonds avec une idée en tête : pouvoir retourner dans son village natal pour y construire une école primaire. C’est ce qu’il fera en 2001 après l’obtention de son diplôme avec l’aide de la Fondation Schulbausteine für Gando.

3.1.3. Présentations des projets 3. Réalisations : influences et bilan

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La Maison du Livre

Fig. 73. Vue de la bibliothèque depuis les gradins, Ouagadougou.

Date de réalisation Lieu Contexte Maîtrise d’ouvrage Maîtrise d’œuvre Maîtrise d’usage Destination Programme

2013-2016 Ouagadougou, Burkina-Faso Contexte urbain ICCV-Nazemce (asso. burkinabè) Villages Verts (asso. française), par Nathalie Giraud et Manon Borie Gestionnaires : bibliothécaires et membres d’ICCV-Nazemse Visiteurs : Enseignants et écoliers, particuliers

Bibliothèque Un espace lecture et de travail, une salle de jeux, des bureaux (regroupant l’association et les bibliothécaires), des sanitaires, un espace extérieur servant de cour.

Traduction architecturale

Le bâtiment est organisé autour d’un patio central, qui relie le rez-de-chaussée à l’étage et à la terrasse. Celui-ci s’ouvre sur la rue grâce à de grands gradins publics.

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3. Réalisations : influences et bilan


Fig. 74. Après-midi de lecture à la bibliothèque pour les ados d’ICCV, Ouagadougou. Fig. 75-76. Coupe longitudinale. Plan du rez-de-chaussée, du R+1 , de la toiture.

3. Réalisations : influences et bilan

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École primaire de Gando

Fig. 78. Vue de l’école depuis le Sud, Gando.

Date de réalisation Lieu Contexte Maîtrise d’ouvrage Maîtrise d’œuvre Maîtrise d’usage

2001 Gando, Burkina-Faso Contexte rural Comité de village de Gando, Schulbausteine für Gando (fondation Kéré) Kéré Architecture Gestionnaires : tatas (institutrices) Bénéficiaires : Écoliers

Destination École primaire Programme Trois salles de classe et espaces extérieurs couverts. Traduction architecturale Le bâtiment se décompose en trois pièces de 7x9m en briques de terre crue, couvertes par un toit commun en structure métallique et tôle.

Reconnaissance 78

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Aga Khan Award for Architecture 2004 Global Award for Sustainable Architecture 2009

3. Réalisations : influences et bilan


Fig. 79. À l’intérieur d’une salle classe, Gando. Fig. 80-81. Coupe longitudinale et plan de rez-de-chaussée.

3. Réalisations : influences et bilan

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Verdissons nos cahiers

Fig. 82. Fin de chantier de l’école de Damadé.

Date de réalisation Lieu Contexte Maîtrise d’ouvrage

2017

Maîtrise d’œuvre Maîtrise d’usage

Akpedze Rolande Konou, Ayih Arnold Ayih-Akakpo, Sonya Fifonsi Tomegah

Damadé, Togo Contexte rural Comité de pilotage de Damadé, Nouvel Espoir pour la Jeunesse (asso. togolaise) et Deka-Ewé (asso. française) Gestionnaires : tatas (instituteurs) Bénéficiaires : Écoliers

Destination École primaire Programme Trois salles de classe Traduction architecturale Au Sud, une coursive extérieure couverte dessert les salles de classe organisées en bande.

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3. Réalisations : influences et bilan


Fig. 83. Inauguration de l’école avec le chef de village. Fig. 84-85. Façade Sud et plan du rez-de-chaussée.

3. Réalisations : influences et bilan

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3. 2. Chantier et matière 3.2.1. Matérialité et choix constructifs Choisir de construire en terre n’est pas anodin, choisir comment construire en terre ne l’est pas non plus. Comme le montrent nos trois exemples, ces choix peuvent être déterminés par une recherche de confort intérieur, par la disponibilité des matériaux et mais aussi par la façon dont le matériau est perçu. Priorité à la conception bioclimatique À Gando (fig. 86), d’une part parce que le terrain est en pente, d’autre part pour anticiper les infiltrations d’eau lors des saisons des pluies, il était nécessaire de surélever le bâtiment. L’école est alors construite sur un système de fondations peu profondes : des semelles filantes d’un mètre de profondeur ont été réalisées

en béton non armé ; leur coffrage en briques d’adobe est permanent. Les espaces laissés vides par les semelles sont ensuite remplis par un mélange de pierres sèches et d’argile. Selon la tradition burkinabé, le sol a été battu à la main au fouet de paille par les femmes afin de compresser et aplanir le sol, l'architecte y fait référence en tant que « béton de terre ». La plateforme est complétée en périphérie par une bande d’un mètre de large réalisée en maçonnerie de pierre, sur laquelle reposent les murs. Cette surface est entièrement pavée pour venir créer la terrasse. Pour les raisons évoquées plus haut, une légère pente formée par le pavement et un drain ont été intégrés à ce sous-bassement afin de faciliter l’évacuation et la récupération de l’eau. Les éléments porteurs, les murs des salles de classe et les poteaux sont réalisés en BTC.

Fig. 86. École primaire de Gando, vue de la sous-face de la toiture, murs et poteaux en BTC, poutres en béton.

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3. Réalisations : influences et bilan


La terre a été extraite directement dans le village, séchée et préparée sur le site de chantier. Compte tenu de sa qualité et des conditions de mise en œuvre, c’est la chaux qui a été utilisée comme stabilisant dans ce cas, à environ 8% du produit final. Le chaînage ainsi que les poutres soutenant la toiture ont été réalisés en béton armé. Bien que les matériaux diffèrent légèrement, le processus de construction de l’école de Damadé est semblable à celle de Gando. Les fondations sont des semelles béton (fig.87) et le sous-bassement créé en parpaings et dalle béton. Les murs sont composés de BTC (fig. 88), dont la terre a été prélevée dans un village à proximité. Elles servent ici uniquement de remplissage d'une structure en béton armé, organisée selon une trame de 2,50m. C’est sur celle-ci que repose la charpente en bois « issu du milieu »98 (fig.89) couverte par un bac aluzinc.

Fig. 87. Les fers des poteaux en attente, Damadé.

Fig. 88. Montage des murs en briques, Damadé.

Fig. 89. Pose de la charpente à l’école de Damadé. 98 Mediaterre. Vert Damadé, n°106, 2016, p44. 3. Réalisations : influences et bilan

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« Wir müssen Querlüftung garantieren, denn ich habe selber in der Klasse gesessen und wo wir über 120 waren mit so kitze kleine Öffnungen, […] mit 40 Grade im Schatten »99, Francis Kéré. Pour le confort des écoliers, le travail sur le comportement thermique, la ventilation et le travail des ouvertures est primordial. Francis Kéré le répète fréquemment, il a voulu éviter aux écoliers la situation qu’il a lui-même connue plus jeune, de petites salles, où la chaleur et le manque d’air étaient étouffants. La construction en terre apporte de nombreux avantages thermiques et hygrométriques mais il est nécessaire de les associer à une conception éclairée. L'architecte a donc particulièrement étudié l’orientation, les ouvertures et la toiture de son bâtiment.

À Gando, les murs longitudinaux, non-structurels, ont pu être percés de hautes et fines ouvertures. Face au besoin d’allier une bonne ventilation dans des salles de classe surchargées, un apport de lumière et un minimum d’entrée de chaleur, l’architecte a dessiné des fenêtres sur-mesure. Cherchant à réduire leur surface au maximum, il a fait le choix d'un système d’occultation à lamelles basculantes, permettant de faire varier ombre et ouverture en fonction des besoins. Il a également conçu pour cette école une double toiture permettant d’éviter la stagnation de l’air chaud entre le plafond des salles de classe et la couverture. La première structure présente audessus des salles de classe fait effet de « fauxplafond ». Elle a été réalisée en briques de terre crue de petite taille, posées sur un maillage de tiges métalliques encastrées dans les murs transversaux (fig.90).

Fig. 90. École primaire de Gando, vue de l’intérieur d’une salle de classe, faux plafond et systèmes d’occultation. 99 Nous devons garantir une bonne ventilation, car j'ai moimême été assis dans une classe où nous étions plus de 120 avec de toutes petites ouvertures [...] et 40 degrés à l'ombre. OpendorfAfrika, Francis Kéré Schulbau in Gando, juin 2010.

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3. Réalisations : influences et bilan


La disposition des briques forme un espace de cinq centimètres à intervalle régulier, afin de permettre l’évacuation de l’air chaud présent dans les salles vers l’extérieur (fig. 91). La seconde toiture, surélevée bien au-dessus des murs, est en tôle et de ce fait très légère. Avec de larges débords, elle permet de protéger le bâtiment des rayons du soleil et du ruissellement de l’eau pendant les moussons. Sa forme convexe a été dessinée en tenant compte de la direction des vents et du mouvement ascendant de l’air chaud : cela créé un effet d’aspiration qui renouvelle l’air intérieur et la couche d’air présente entre les deux toitures est donc en circulation constante. Pour réduire les coûts au maximum et utiliser des matériaux facilement accessibles, elle a été construite simplement à partir de fers à béton de section courantes et de tôle (fig. 92). Considérer « les vents dominants et la course du soleil »100 a fortement influencé l’esthétique finale de l'école primaire de Damadé. Rolande Konou et son équipe ont en effet choisi d’aligner les trois salles de classes sur l’axe Nord-Sud, afin de traiter chaque orientation de manière différente. Les entrées se font au Sud sous une coursive couverte, qui permet de s’abriter lors des moussons mais également de jouer le rôle de protection solaire. La façade Sud est dessinée par des moucharabiehs à partir de 1,20m de haut et jusque sous la toiture. On trouve au contraire de grandes ouvertures au Nord, qui représentent un tiers de la façade. De cette manière, il est possible de créer une circulation d’air dans chaque salle de classe (fig.93).

Fig. 91. Détail de la double toiture, Gando.

Fig. 92. Structure treillis de la seconde toiture, Gando.

Ces deux exemples montrent que l’intérêt des architectes pour le matériau terre s’inscrit pleinement dans une démarche bioclimatique. Utilisée pour ses qualités intrinsèques, elle fait également partie d’un dessin global qui privilégie le confort dans ses aspects techniques et visuels. 100 Mediaterre. Vert Damadé, 2016, n°106, p44.

Fig. 93. Répartition des ouvertures sur les façades Nord et Sud, Damadé. 3. Réalisations : influences et bilan

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Contraintes en milieu urbain ICCV achète le terrain de la bibliothèque en 2006 et lance un appel d’offre en 2007. En attente depuis quelques années ils ont dans un premier temps été contactés par un architecte local. Il proposait une architecture caractéristique du centre actuel de Ouagadougou, utilisant béton armé et tôle ondulée. Le président de l’association, sensible à la construction en terre refuse le projet et attend une proposition répondant à ses attentes. Fig. 94. Mise en place des coffrages et fers des fondations, Ouagadougou.

Fig. 95. Coffrage des gradins, Ouagadougou.

Construire en terre est la principale demande faite aux deux architectes de Villages verts, mais le choix des techniques utilisées va être amené à évoluer de nombreuses fois. Elles commencent en effet à concevoir le bâtiment en banco, souhaitant utiliser la terre crue sans adjuvant modifiant son comportement. Vouloir démontrer le potentiel de la terre les pousse également à considérer la voûte nubienne pour couvrir le rez-de-chaussée et soutenir la terrasse. À cet instant, les architectes se sont confrontées à l’appréhension que générait cette technique traditionnelle. D’après les services de l’urbanisme de la ville, de grandes voûtes nubiennes sous un toit accessible ne semblent pas garantir la sécurité des usagers et le permis, déposé par une architecte locale, est rejeté. En modifiant la technique de construction des voûtes, la portée initiale ne peut plus être atteinte et la trame de construction est réduite à 3.50m. À la demande de la ville et au vue de la charge prévue sur le toit, l’épaisseur des murs est également revue à la hausse (50/60cm), contraignant alors fortement l’espace intérieur. Afin de conserver la terrasse et d’offrir de plus grands espaces, elles sont contraintes d’utiliser une structure mixte : poteau-poutre béton, remplissage en terre et plancher terre/ métal. Les briques de banco sont également remplacées par des briques de terre taillées, (latérite) pour les murs et par des BTC pour le plancher.

Fig. 96. Montage des briques de latérite sur la structure béton, Ouagadougou.

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3. Réalisations : influences et bilan

Sous ces conditions, le projet est accepté.


La bibliothèque est fondée sur des pieux et longrines armés en béton (fig.94), sur lesquels est coulée une dalle béton. La structure porteuse, l’escalier central autoportant et les gradins sont également en béton (fig.95). Le remplissage des murs ainsi que les contremarches sont en latérite taillée (fig.96). Les voûtes ayant été abandonnées, deux IPN métalliques viennent redécouper la portée de 3.50m en trois voûtains (fig.97). Des sacs de sable servent à leur donner leur forme avant d’être décoffrés par le bas afin de laisser la sous-face apparente (fig.98). La dalle béton de la terrasse peut ensuite être coulée. Choisie et construite par l’association ICCV-Nazemse, une structure métallique en treillis vient supporter des plaques de tôle et polycarbonate pour venir abriter la cour (fig.99). Ainsi, si l’appréhension face au matériau est la même en milieu rural qu'en ville c'est dans les villages que la liberté d'expérimenter avec le matériau semble plus importante. Cela peut paraître surprenant, car ce sont dans les capitales et les grandes villes que se concentrent la sensibilisation et la promotion des matériaux locaux. De plus, si la présence d’architectes africains a pu faire la différence dans les négociations avec la chefferie, le dépôt du permis de construire de la bibliothèque par une architecte locale éloigne la possibilité d'un refus lié à des architectes étrangers. Au contraire, Rolande Konou nous disait : « le blocage n'est pas le même à la simple évocation du matériau, car le public a tendance à prendre pour parole d'évangile ce que dira l'architecte européen. »101

101 Entretien du 7 mai 2018 avec Rolande Konou.

Fig. 97. Construction des voûtains sur coffrage en sac de sable, Ouagadougou.

Fig. 98. Vue intérieure de la bibliothèque, sous-face apparente des voûtains en BTC et IPN metalliques, Ouagadougou.

Fig. 99. Mise en place de la structure treillis sur la terrasse, Ouagadougou. 3. Réalisations : influences et bilan

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3.2.2. Rassembler autour de la terre La phase de chantier n’est pas uniquement l’exécution des plans, d’un dessin. C’est une période du projet, pendant laquelle le bâtiment est visible par tous, où il est possible de l’apercevoir pour la première fois à échelle réelle. C’est à ce moment que les usagers peuvent commencer à imaginer leur futur lieu de vie, en voyant au fur et à mesure de l’avancement de travaux comment il se construit (fig. 100). Évènement intriguant pour les particuliers, les chantiers en terre crue ont également un impact sur les professionnels qui y participent. Ingénieurs, responsables du gros œuvre, électriciens, plombiers... beaucoup de corps de métier différents s'y croisent. Tous se retrouvent alors confrontés à la terre, pour installer des prises, faire passer une évacuation d'eau...

« Donc quand tu appelles un technicien, quand tu lui parles de ces techniques de

construction, c’est lui premièrement qui va te décourager. Parce qu’il sait qu’il ne peut pas le faire, qu’il ne peut pas réussir »102, Alain Klegbe. Au sein des professionnels, les premiers concernés par ces nouvelles techniques sont les maçons qui la mettent en œuvre. Du fait d'une offre réduite de formation officielle dans ce domaine, chacun apprend à sa manière et les connaissances sur le matériau sont aujourd’hui encore très inégales selon les entreprises. À Damadé les architectes et les deux associations partenaires se sont confrontés à la difficulté de trouver un entrepreneur volontaire pour réaliser leur projet. Alain Klegbe, directeur de NEJ nous expliquait que la plupart des maçons ne sont pas formés au montage des briques, qui demande des précautions particulières. Il est alors d’autant plus compliqué de trouver un entrepreneur maîtrisant les proportions de stabilisant, la maintenance et le réglage des presses.

Fig. 100. Le chantier ouvre ses portes pour faire essayer les nouveaux gradins aux enfants, Ouagadougou. 102 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe.

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3. Réalisations : influences et bilan


De ces lacunes provient une certaine frilosité de leur part : ils savent construire en béton, ils savent que cela fonctionne, pourquoi s’engager à construire en terre ? Ce sont donc eux qui participent à entretenir la culture du béton et à véhiculer certains a priori sur la construction en terre, car elle ne fait pas partie de leur culture constructive. Rolande Konou évoque dans une interview donnée au magazine Médiaterre « la difficulté de l’entrepreneur à s’adapter aux nouvelles méthodes adoptées »103. Leur choix s’était porté sur un entrepreneur local « qui était censé connaître »104, créant vingt emplois. Les machines à moteur utilisées lors de ce chantier ayant un prix assez conséquent, l’entreprise a fait appel à un organisme parapublic pour s’en procurer deux. Ce n’est qu’après quelques temps que l’association s’est rendue compte d’une différence de poids entre les briques produites par les deux machines. Certaines étaient beaucoup plus légères et friables que les autres (fig.101). Après vérification il s’est avéré qu’une des deux machines avait été mal réglée et produisait des briques moins denses que l’autre (fig.102). Élément de construction principal des murs, leur malformation aurait pu avoir des conséquences importantes sur la résistance des murs aux intempéries. Cela aurait également « pu faire douter les villageois de la durabilité [ndr. des constructions en terre], mais on a réussi à arrêter l’hémorragie à temps » nous a rapporté Alain Klegbe. Voilà qui met en lumière une autre raison pouvant expliquer le scepticisme de la population envers ces nouvelles techniques : des chantiers non maîtrisés.

Fig. 101. Certaines briques s'effritent dans l'angle de l'école, Damadé.

Fig. 102. Le temps différent de séchage traduit une densité différente, Damadé.

Afin d’éviter cet écueil, les architectes de la Maison du Livre de Ouagadougou se sont tournées vers des maçons déjà formés par l’Association de la Voûte Nubienne (fig.103). C’est au cours de leurs recherches sur la construction en terre qu’elles ont été amenées à visiter certains chantiers de l’association. 103 Mediaterre. Vert Damadé, 2016, n°106, p45. 104 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe.

Fig. 103. Des maçons AVN préparent les voûtains pour couler la dalle de la terrasse. 3. Réalisations : influences et bilan

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Elles les ont ensuite recontactés en phase de conception lorsque le projet intégrait la VN, puis ont continué à travailler avec eux lorsque cette technique a été abandonnée. Le Burkina-Faso est en effet un des pays dans lequel l’Association de la Voûte Nubienne s’est le plus développée. Ils y sont présents depuis 2000 et comptent aujourd’hui 28 salariés locaux et 370 apprentis et maçons actifs. Au début du chantier de la bibliothèque, ce nombre était d’environ 166 personnes. L’embauche de ces maçons par une clientèle extérieure est en cohérence avec les objectifs de l’association qui souhaite développer l'entrepreneuriat chez les nouveaux formés. Ce genre de démarche permet aujourd’hui de rendre ceux-ci plus indépendants, aussi 18% du marché est trouvé directement par les maçons, sans intervention des équipes d’AVN. Pourtant, nous pouvons nous poser des questions sur ce rapprochement. Il est difficile d’ignorer qu’il a été facilité par l’implantation en France de l’association et par la notoriété dont elle bénéficie. Cela est-il problématique dans la mesure où il s'agissait pour les architectes d'une assurance de travailler avec une main d’œuvre qualifiée ? Surtout dans les conjonctures actuelles où celle-ci est difficilement disponible. Le travail de ces associations présentes sur le territoire depuis de nombreuses années est important car comme l’expliquait le directeur de NEJ, trop peu de techniciens sont formés à la construction en terre. Le chantier de l’école primaire de Gando de Francis Kéré s’est déroulé une douzaine d’années plus tôt. À cette époque, peu de projets en BTC avaient déjà été réalisés ; il était encore plus complexe de trouver des maçons maîtrisant les techniques nécessaires. L’architecte souhaitait faire de ce projet un chantier école. D’une part pour agir à son échelle contre le chômage des jeunes, très important dans cette région. D’autre part c'était un moyen de donner aux habitants du village les clés pour entretenir le bâtiment et continuer, seuls, à construire en dur de manière économique. Francis Kéré précise ainsi : « Zugleich wurde die soziale und wirtschaftliche

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3. Réalisations : influences et bilan

Nachhaltigkeit gesichert »105. Il décide alors de s’affilier au projet LOCOMAT en cours au Burkina-Faso. Ce projet a été créé en 1991 par le gouvernement et était alors porté par le Ministère des Infrastructures, de l’Habitat et des Transports. Il s’agissait de mener des recherches et des expérimentations sur l’utilisation de matériaux locaux dans la construction. En 2008, un rapport préfigure la transformation du projet LOCOMAT en agence pour « travailler à la valorisation des savoir-faire et des technologies d’utilisation des matériaux locaux mais aussi à l’identification et à la promotion des matériaux locaux les plus économiques »106. Avec le soutien de ce projet et le déplacement de formateurs, quinze jeunes volontaires de Gando ont pu être formés aux techniques de construction mises en œuvre sur le projet. Leur opinion sur ces techniques s’est donc forgée sur le chantier, en manipulant directement la matière. Il s’agissait également d’un moyen d’aller au-delà de la participation, jusqu’à la qualification. Temps de rencontres, la construction d’un bâtiment ne se fait pas uniquement par la succession des corps d’états. Ils se croisent, se recroisent et sont souvent complémentaires. Alors, ce ne sont pas seulement les responsables du gros œuvre qui se retrouvent au contact de la terre. Nathalie Giraud explique que beaucoup de professionnels ont été surpris et intrigués par cette nouveauté et ont posé de nombreuses questions relatives à son fonctionnement. Rolande Konou quant à elle, nous rapportait que par le bouche à oreille, certains artisans du village et des environs ont voulu s’impliquer pour se familiariser avec ce type de chantier. L’émulation que peuvent susciter ces projets montre l’intérêt d’utiliser le chantier comme support de médiation auprès des professionnels du bâtiment, tout métier confondu, afin de faire 105 De cette manière la durabilité sociale et économique est garantie. Radically simple, p35. Citation de Guy Trangos Respected, responsible, rooted, 2014 , p54. 106 Politique Nationale de l'Habitat et du Développement Urbain, Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, mars 2008.


évoluer les mentalités au sein du BTP. Kodjo Mawussé ADOUKPO, technicien supérieur en génie civil et membre du bureau d’étude mandaté sur le projet d’école à Damadé disait à ce sujet : « Le projet Damadé a été un défi pour nous, sur le plan technique et humain […] C’est un type de projet qui est à encourager car il permet de valoriser nos produits locaux et il est une source de revenus pour les jeunes. »107.

Ouvrir le chantier aux usagers C’est également un temps pendant lequel peuvent venir se greffer de nombreux évènements liés à la construction mais à portée plus large. Ces activités à destination des habitants et des futurs utilisateurs ont pour objectif de sensibiliser, de faire participer, de faire vivre le chantier. Parmi les trois projets étudiés, c’est la bibliothèque de Ouagadougou qui a le plus profité de ce moment. ICCV-Nazemse, l’association qui investira le futur bâtiment, a organisé de nombreuses activités notamment destinées à ses jeunes. Sensibilisation à l’écologie, culture des plantes qui feront de l’ombre sur la terrasse de la bibliothèque, ils ont également proposé une semaine de participation au chantier avec les adolescents. Afin de mieux communiquer l’avancement des travaux, le chantier a également ouvert ses portes à plusieurs reprises, aux partenaires et aux habitants. Un des plus gros évènements associés au projet a été la création de caniveaux dans une des rues attenantes à la bibliothèque (fig.104105). L’absence de chaussée et de système d’évacuation des eaux sont en effet de réels problèmes dans les capitales africaines. Les fortes pluies et l’eau stagnante posent d’autant plus de problèmes dans les rues très polluées, car il n’existe aucun système de collecte des déchets. Il a donc été proposé par les architectes de profiter de la construction de la bibliothèque pour rassembler des volontaires et creuser une tranchée pour contenir l’eau et l’amener jusqu’à un petit bassin. 107 Médiaterre. Vert Damadé, 2016, n°106, p45.

Ces actions permettent non seulement de faire parler du projet mais aussi de faire du bâtiment un point de repère pour ses futurs utilisateurs, avant qu’il ne soit officiellement livré. De la même manière, Francis Kéré nous montre que dans un village, la construction peut également devenir une fête et s’intégrer à la vie quotidienne de la communauté. Aussi, après avoir coulé les fondations de son bâtiment, le sol a été battu à la main au fouet de paille par les femmes du village au rythme des tamtams. Tout Gando était présent et a pu participer par sa présence.

Fig. 104. Avant la construction du caniveau, Ouagadougou.

Fig. 105. Pendant la construction du caniveau, Ouagadougou. 3. Réalisations : influences et bilan

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3. 3. Maîtrise d’usage 3.3.1. Sensibilisation et participation Au-delà de la maîtrise d’ouvrage, lorsque le projet est accepté et approuvé, c’est vers la maîtrise d’usage qu’il faut se tourner. Les futurs utilisateurs du bâtiment ne sont peut-être pas familiers des constructions en terre, ils peuvent en avoir une mauvaise image, mais ce sont eux qui vont habiter le bâtiment au quotidien. Le succès de ce dernier, la fréquentation de l’école par les enfants, l’accès à la lecture peuvent être impactés par le rejet du matériau. Pour ces raisons, il est important de démystifier le fonctionnement de ces édifices, leur construction, leurs avantages : convaincre avant de construire. Des actions de sensibilisation peuvent permettre d’effacer certains a priori et d'anticiper la participation des habitants, qui est un premier pas vers l’appropriation. Celle-ci peut intervenir dès la conception ou lors du chantier, elle peut être encadrée ou spontanée. Ainsi, au même titre que le rejet de la terre peut influencer la fréquentation du bâtiment, son appropriation peut faire découvrir et accepter le matériau. Sensibilisation À Ouagadougou, les architectes ont été grandement épaulées par l’association burkinabée à l’origine du projet. Ce projet de bibliothèque était en attente depuis sept ans, en attente d’un architecte proposant de la construire en matériaux locaux. ICCV-Nazamse compte parmi ses membres des personnes convaincues du potentiel de la terre et ils ont eu à cœur de faire partager leur enthousiasme. En effet, Simon Naculma, coordinateur de l’association vit lui-même dans une maison construite en BTC et souhaitait par ce projet faire changer les mentalités. Aussi, par leur implication sur le territoire depuis de nombreuses années, les membres de l’association ont été des intermédiaires privilégiés pour échanger avec leur communauté. Nathalie Giraud disait à ce sujet : « là on a eu la chance d’avoir Simon, qui s’y

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3. Réalisations : influences et bilan

connaissait et qui du coup lui chapeautait ça »108. Elle expliquait également que « ça a sensibilisé par le bâtiment au fur et à mesure que ça se construisait »109. Sensibiliser par le bâtiment cela continue encore aujourd’hui. Juliette, qui ne connaissait pas les constructions en terre et qui est actuellement en stage à la bibliothèque nous dit « j’ai appris des connaissances sur ces constructions au fur et à mesure de mon stage »110.

« Il a été nécessaire d’adopter une approche hautement participative à travers plusieurs réunions et séances de sensibilisation, pour convaincre de la supériorité de la construction écologique »111, Rolande Konou. À Damadé, la sensibilisation a eu lieu bien en amont du projet, pour que le projet soit accepté par le comité de village (fig.106). Le choix de la terre était porté par les associations française et togolaise, mais celles-ci n'étaient qu'un intermédiaire et ne seraient pas les futurs utilisateurs de l’école. Il a alors fallu convaincre la maîtrise d’ouvrage ainsi que le comité des parents d’élèves, le comité des femmes… Dans ce but, les architectes sont venus au village à la demande de NEJ et de Déka-Ewe afin de présenter leur projet et les techniques de construction. Leur intervention, de professionnel du bâtiment a fait la différence : « C’est surtout le passage de Konou qui a aidé, ça a vraiment aidé. Parce que pas mal d’informations leur [ndrl. les villageois] sont données, ils ont eu confiance en ses explications, et les clichés qu’on leur a montrés les ont finalement convaincus »112 disait Alain Klegbe. 108 109 110 111 112

Entretien du 5 avril 2017 avec Nathalie Giraud. Ibid. Questionnaire adressé aux membres d'ICCV. Mediaterre. Vert Damadé, 2016, n°106, p45. Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe.


Lors de la construction, le président de NEJ nous expliquait que cette confiance en les techniciens s’est confirmée dans les échanges avec les maçons : « le maçon et l’entrepreneur les ont encore plus instruits sur les techniques puis tout au long du projet ils ont observé et participé »113. En outre, la mission 2016 de Déka-Ewe et NEJ, appelée « Verdissons nos cahiers » n’avait pas pour unique objectif la construction d’une école mais la sensibilisation des enfants aux problématiques environnementales. Elle s’intégrait dans un projet global qui avait déjà vu la construction de latrines sèches et d’un système de récupération d‘eau en 2014. Durant la présence de Deka-Ewe et de NEJ à Damadé, les après-midis des enfants étaient consacrés à de nombreuses activités liées au traitement des déchets, à la gestion de l’eau… Ils ont par exemple organisé une course aux déchets pendant laquelle les enfants sont allés collecter les objets abandonnés et « mauvais pour la Nature » pour leur donner une seconde vie. Convaincre le village est également un exercice auquel s’est prêté Francis Kéré. Il a choisi pour cela de privilégier le « faire » à de longues explications. Ainsi, soucieux de leur accord et afin de favoriser leur appropriation de ces techniques, l’architecte a proposé en concertation avec les villageois la construction de modèles témoins et la formation d’ateliers de fabrication. Cette étape menée en amont a été fondamentale pour démontrer les avantages que propose ce matériau traditionnel. C’est ensuite les représentants du projet LOCOMAT, qui ont profité de leur présence sur place pour organiser quelques réunions d’information. Ils ont alors décrit les utilisations possibles des matériaux locaux dans des constructions contemporaines ainsi que leurs avantages en termes d’ambiances et de confort.

À Gando, les circonstances sont différentes. L’architecte avait cette proximité presque familiale, amicale avec les habitants, avec qui une relation de confiance existait déjà. De plus, les connaissances techniques acquises en Europe lui donnaient la légitimité du technicien. Pourtant c’est peut-être cette expérience longue dans le BTP à l’étranger qui lui valut cette remarque du village : « mais Francis ignore nos réalités »114. Nous remarquons à l’inverse que l’intervention des architectes togolais a été déterminante à Damadé. Familiers des techniques de construction locales, ce sont également des experts dans leur domaine. C’est cette image de « sachant » qui a convaincu les habitants. Nous remarquons également que dans les trois exemples, la phase de construction a elle-même été vecteur de sensibilisation, elle a intrigué et a permis de déclencher des discussions

Fig. 106. Présentation du projet par les architectes, Damadé.

À Ouagadougou, bien que Manon Borie et Nathalie Giraud aient animé des ateliers, des visites de chantier (fig. 107), elles se sont placées légèrement en retrait dans l'interaction avec les locaux. En laissant à l’association le rôle de médiateur, elles souhaitaient faciliter les échanges et ne pas faire débat avec « un projet d'étrangers ».

Fig. 107. Visite de chantier par les architectes, Ouagadogou.

113 Ibid.

114 Louisiana Chanel. Archietcture is a wakeupcall, 2005 3. Réalisations : influences et bilan

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Participation

Fig. 108. Participation du village à l'acheminement de matériaux, Damadé.

Fig. 109. Organisation par les architectes d'un atelier avec les adolescents d'ICCV-Nazemse.

En territoire rural, l’implication de la chefferie dans l’élaboration des projets était indispensable. Et par ce biais, c’est toute la communauté qui était sollicitée. Ainsi, à la différence de l'administration complexe des capitales, la relation de la population aux chefs de village est beaucoup plus forte. Leur statut est issu de la multiplicité d’organisations politiques et sociales traditionnellement présentes sur le territoire africain. À l’époque coloniale, le statut de chef de village est codifié par les pouvoirs en place, ce sont des représentants de la collectivité, qu’ils soient élus ou nommés selon les règles coutumières115. La chefferie se place ainsi au carrefour des instances reconnues par les citoyens : traditionnelles, administratives et religieuses. En cela, elle est éminemment respectée et son avis une fois prononcé n’est pas contesté. De ce fait, l’aval des chefs et différents comités nécessaire aux projets d’écoles, à Damadé comme à Gando, sont les premiers signes d’intégration de la population dans le processus. Cette proximité, l’implication des autorités villageoises et le statut public de la future construction facilite également la participation spontanée (fig. 108). À Damadé, les habitants se sont présentés comme main d’œuvre non qualifiée. Ils ont alors participé au travail de fouilles et de remblais. Le village a également fourni certains matériaux, le sable ramassé sur le terrain, l’acheminement de l’eau nécessaire au maçon. « Comme c’est des trucs peu techniques, ils ont proposé de nous assister »116 nous explique le président de NEJ.

Fig. 110. Fabrication des gardes corps, Ouagadougou.

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3. Réalisations : influences et bilan

115 Dr. Christian TRIMUA, Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences politiques, Université de Kara, LE STATUT JURIDIQUE DE LA CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU TOGO : INCERTITUDES ET AMBIGUÏTES, Mars 2007, Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA TOGO. 116 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe.


De même, il nous expliquait au sujet de la participation villageoise : « on ne leur a pas demandé d’argent mais ils ont participé à la hauteur de leurs moyens »117. C’est une remarque intéressante qui a sa place dans l’étude de l’appropriation. En effet, les trois projets étudiés ont été financés par des dons et des subventions. Pour les projets d’écoles, les fonds ont été trouvés par des personnes extérieures au village. Dans ce cas, il est important d’introduire la notion d’échange. S’il ne s’agit pas d’argent, on construit en échange d’apport de matériaux, d’un coup de main au sens littéral. Ce n’est donc pas un « don », le bâtiment construit est aussi le fruit du travail de la communauté, ce qui lui permet d’identifier le bâtiment comme « le sien ».

« L’idée d’un espace planté dévoilant les hauteurs de Ouagadougou a surgi grâce aux ateliers que nous avons réalisé avec les adolescents d’ICCV »118, Villages verts. Le contexte dans lequel s’est développée la Maison du Livre était différent. Tout d’abord parce qu’il ne s’agit pas d’un bâtiment public mais associatif, ensuite parce qu’il se trouve dans une ville de plus de deux millions habitants, où la notion de quartier est moins forte que la cohésion d’un village. Ce sont les adhérents et les enfants inscrits aux activités de l’association qui étaient alors principalement touchés par les activités de sensibilisation et qui étaient susceptibles de participer au projet. Ils ont été impliqués dès la conception du projet. Les deux architectes ont ainsi animé des ateliers pour recueillir les idées des futurs utilisateurs de la bibliothèque en manipulant le dessin, la maquette (fig. 109)… De nombreuses idées et envies ont guidé la conception du bâtiment : un espace planté, des gradins pour organiser des spectacles et projections de films, la présence de tableaux noirs. C’est ensuite au cours du chantier que l’association suivant la construction s’est emparée de certains éléments : « entre deux visites on remarquait que certaines choses, couleurs, peintures avaient changé et c’est ce 117 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe. 118 Villages Verts. La Maison du Livre.

qu’on voulait »119 explique l’architecte. ICCV s'est également chargée du dessin et de la réalisation des gardes corps en fer à béton (fig. 110), ils ont choisi et réalisé la structure de couverture en treillis … Toutefois, les architectes précisent que l’échelle du projet et sa complexité technique (plusieurs étages, gradins, escalier autoportant…) a été un frein à une plus grande participation sur le chantier. Un plus petit projet, avec un temps de construction réduit leur aurait peut-être permis de rester sur place et de faire ce travail avec les habitants. La différence de statut du bâtiment, de milieu dans lequel il est construit peuvent ainsi jouer un rôle dans la forme que prend la participation. Elle est identifiée par tous les acteurs comme une condition sine qua non à la réussite du projet.

3.3.2. Quelle influence sur la réception du bâtiment ?

« Nous avons toujours construit nos maisons avec de la terre, des pierres, du bois et de la paille, ce que les gens qualifient d’habitats de pauvres. Maintenant que nous vous demandons de nous construire une école moderne pour nos enfants, vous voulez utiliser ces mêmes matériaux, en avançant la raison d’une architecture écologique ? Nous avons du mal à comprendre »120, un des seniors de Damadé. Cette remarque d’un habitant de Damadé illustre bien la mauvaise image de la terre crue. Elle est également révélatrice de l’incompréhension de la population face aux nouvelles constructions en terre, qu’ils connaissent peu. D’après Alain Klegbe, c’est ce qui explique les craintes du comité de pilotage lorsque le projet leur a été présenté pour la première fois. « Ils ont vu la façon dont les briques seront fabriquées, que ce n’est pas comme leurs habitations, que quand même ce n’est pas la terre 100 %, les poteaux sont faits au moins avec du fer »121. 119 Entretien du 5 avril 2017 avec Nathalie Giraud. 120 Mediaterre. Vert Damadé, 2016, n°106, p45. 121 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe. 3. Réalisations : influences et bilan

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Ainsi, une fois les explications données par les architectes, le projet a été approuvé à l’unanimité. Pourtant c’est la présence du chaînage et des poteaux en béton armé, le fait que la terre ne soit pas structurelle qui les ont convaincus. Rencontrant les mêmes appréhensions, lorsque Francis Kéré propose de construire en BTC porteuse, les explications ne suffisent pas et il est nécessaire d'en faire la démonstration. Le projet fini comportera lui aussi une part de béton. Il explique lors d’un congrès de l’Union Internationale des Architectes à Durban : « Je ne suis pas puriste je suis à la recherche de solutions qui sont acceptées par la population et qui vont faire évoluer ma société »122. Ainsi, si les explications portent leurs fruits, il reste encore du chemin vers une confiance totale dans le matériau. Aujourd’hui, les retours sont plutôt positifs. À Damadé, « les parents, ayant connaissance par leurs enfants de ces nouvelles conditions de travail scolaire, sont rassurés »123. Le projet a suscité de la curiosité et de l’enthousiasme, et « peut-être même de la fierté cachée, à la fin de chacun »124. Aussi bien de la part des utilisateurs, que des autorités publiques qui étaient là pour son inauguration. Afin de s’assurer du bon fonctionnement de l’école et d’effectuer un suivi, le comité créé au début du projet continue de se réunir tous les deux mois. Ainsi, si des remarques particulières sont émises ou si des modifications doivent être apportées, NEJ est en capacité de répondre rapidement. De ces réunions ressort une prise de conscience de l'importance de valoriser un héritage local et une certaine fierté de participer à l’innovation de techniques au Togo. Suite aux importantes grèves nationales au Togo, l’école a fermé pendant 5 mois mais a rouvert en octobre 2018. Elle servait toutefois lors de réunions publiques et évènements particuliers car le village n’a pas de salle ni de paillote pour les accueillir. 122 Interview de l’architecte burkinabé Francis Kéré réalisé au Congrès de l’UIA à Durban, 2015. 123 Entretien du 10 mai 2018 avec Alan Klegbe. 124 Entretien du 7 mai 2018 avec Rolande Konou.

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3. Réalisations : influences et bilan

À Gando, la construction de l’école aura servi de test. Le bon fonctionnement du bâtiment a encouragé le village à développer ce type de construction. Francis Kéré a continué à y construire en terre et six autres projets sont sortis de terre entre 2004 et 2014 (fig.113). Les habitants ont également continué à construire seuls en BTC et ont accompagné un village voisin dans la construction de leur propre école.

« La fréquentation du bâtiment m’a conforté sur l’utilité d’un tel matériau de construction »125, Abdulaye Ouesdraogo, encadrant à la Maison du Livre À Ouagadougou, les responsables d’ICCVNazemse connaissaient déjà les bâtiments en terre. Pour certains sous leur forme contemporaine, d’autres car ils y ont vécu enfant ou parce que leurs grands-parents au village y vivent encore. Pour les bibliothécaires, il s’agissait d’une nouvelle expérience, les retours sont néanmoins tous positifs. Les personnes travaillant dans le bâtiment au quotidien soulignent la fraicheur que permet la terre et le confort que cela implique. Leur image du matériau s’est donc confirmée, même si certains reprochent à la latérite son coût et sa difficulté d’extraction. De 950 en 2012, le nombre d’adhérents est passé à 11 000 en 2017. L’association a pu développer ses activités grâce à ce nouveau bâtiment, organiser des ateliers de danse sur la terrasse, du soutien scolaire au sein de la bibliothèque et des fêtes, projections de films grâce aux gradins (fig.111-112). Cette partie du bâtiment, qui a été conçue pour être publique et accessible à toute heure de la journée, est utilisée par tous les enfants du quartier, incluant ceux qui ne participent pas aux activités et ne possèdent pas d’abonnement. Ces trois bâtiments semblent aujourd’hui acceptés et avoir changé l’image de la terre aux yeux de leurs utilisateurs. Mais qu’en est-il de ceux qui découvrent ces constructions sans bénéficier de cette même sensibilisation, sans avoir l’occasion de les expérimenter ? 125

Questionnaire adressé aux membres d'ICCV.


Lors de notre entretien, le président de NEJ nous a confié que dans la construction d’un bâtiment public, financé par Déka-Ewe, les habitants voyaient le choix de la terre crue comme un moyen pour l'association de faire des économies : « Pourquoi ces blancs vont-ils faire quelque chose qui n’est pas pour durer ? »126. Cela signifie que, dans un premier temps, les habitants pensaient que l'association avait fait le choix de la terre sans connaître le matériau, sans connaître le climat ni le pays dans lequel elle construit. C’est également ce qui a été reproché à Francis Kéré lorsqu’il propose de construire en terre crue à Gando. Mais plus largement, il peut s’agir d’une des conséquences de la surreprésentation des étrangers au sein des projets contemporains en terre crue.

Fig. 111. Projection de films en face des gradins, Ouagadougou.

Fig. 112. Du soutien scolaire dans le patio, Ouagadougou.

Collège

École primaire

Logements enseignants

Bibliothèque

Extension école primaire

Centre Songtaaba

Atelier Gando

Fig. 113. Répartition des projets de Francis Kéré à Gando. 126

Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe. 3. Réalisations : influences et bilan

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3. 4. La figure de l’architecte 3.4.1. Un parcours singulier Parmi les trois bâtiments présentés, aucun architecte n’a le même parcours. Ils se différencient par leur culture, par leur formation et par leur pratique. Ces origines et expériences ont forgé les professionnels qu’ils sont aujourd’hui, elles peuvent aussi influencer la réponse qu’ils apportent aux problématiques soulevées par chaque projet.

Fig. 114. Nathalie Giraud, Manon Borie et une bénévole devant les murs de la maison du Livre, Burkina-Faso.

Fig. 115. Francis Kéré dans l'extension de l'école primaire de Gando, Burkina-Faso.

Fig. 116. Rolande Konou sur un de ses chantiers en BTC, Togo.

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3. Réalisations : influences et bilan

« Voir où est-ce que tu extrais la matière […] pour se rendre compte du matériau, des entreprises qui fabriquent les briques »127, Nathalie Giraud. Le projet de bibliothèque à Ouagadougou est né de la volonté de l’association ICCV Nazemse de construire une nouvelle bibliothèque, l’ancienne ne répondant plus aux besoins de ses 3 000 adhérents. Ce sont deux étudiantes françaises qui répondent à cet appel d’offre, qui sera le support de leur Projet de Fin d’Étude à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux. Une fois diplômées et après plusieurs voyages et rencontres sur place avec l'association, elles acceptent de réaliser le projet bénévolement. Il s’agissait ainsi de leur premier projet en tant qu’architecte DE, leur expérience professionnelle n'était alors constituée que de stages effectués dans des agences françaises. Leur sensibilité à l’architecture durable s’est développée pendant leur cursus à l’école d’architecture de Bordeaux. Il s’agit d’un sujet qui est abordé au sein de différents enseignements et qui est actuellement indissociable de la pratique du projet. Elles se sont également orientées vers un master « Architecture, Ville et territoire », où sont abordées des problématiques liant identité locale et développement territorial. Ce domaine d'étude leur a permis de se confronter à ces enjeux en France comme à l’étranger, dans des contextes totalement différents. 127 Entretien du 5 avril 2017 avec Nathalie Giraud.


Le choix de la terre était en premier lieu une demande du maître d’ouvrage et ce matériau était peu familier aux deux architectes. Elles ont alors mené leurs propres recherches, ont rencontré à plusieurs reprises les membres du laboratoire CRATerre. Nathalie Giraud explique que c’est en allant au Burkina-Faso qu’elles en ont le plus appris sur la construction en terre. Grâce au réseau de NEJ, de CRATerre, de AVN, elles ont pu visiter de nombreux bâtiments construits en pisé, en banco et en BTC, entre autres les écoles de Francis Kéré. Lorsqu’il a fallu faire un choix quant à la technique à utiliser, elles sont également allées visiter des carrières d’extraction, des unités de fabrication de briques.

« Depuis les temps, depuis que l’Homme existe, on construit en terre au BurkinaFaso »128, Francis Diébédo Kéré. Francis Diébédo Kéré est un architecte originaire de Gando, au Burkina-Faso. Charpentier de formation, il travaille quelques années à Ouagadougou pour une ONG allemande. Grâce à celle-ci, il obtient en 1985 une bourse d’excellence du Ministère de la Coopération Économique et du Développement allemand. Il restera alors trois ans en Allemagne pour y passer son Abitur. Celui-ci lui permet d’intégrer la Technische Universität Berlin en 1995, dont il ressortira avec un diplôme en Architecture et Ingénierie. Animé tout au long de ses études par l’envie de réinvestir ses connaissances pour son village d’origine, il fonde alors encore étudiant, la fondation Schulbausteine für Gando dans le but de récolter des fonds et retourner à Gando pour y construire une école primaire. Il commence à élaborer les plans de son école pendant son Projet de Fin d’Étude, qu’il réalisera deux ans plus tard et sort diplômé de la TU Berlin en 2001. Sa volonté de pratiquer une architecture différente est motivée par le souvenir des conditions très 128 Interview de l’architecte burkinabé Francis Kéré réalisée au Congrès de l’UIA à Durban, 2015.

dures de l’école qu’il fréquentait, des difficultés à étudier dans de telles conditions : classes en surnombre, portes fermées, peu de circulation d’air… Cela le pousse à approfondir ce sujet lors de sa formation à la TU. Il y suit également un enseignement intitulé « Architecture et identité » par Peter Herrle129, dont il restera proche et deviendra en 2004 l’assistant. Il a alors à cœur de réinvestir les traditions locales dans une architecture pérenne et durable. Sa proximité avec la terre, Francis Kéré la doit principalement à ses origines. À Gando, village situé au Sud-Est de Ouagadougou, beaucoup d’habitations sont encore en terre et les techniques constructives sont encore employées. Accueillant environ cent étudiants lors de sa construction, l’intérêt suscité par l’école primaire a permis de multiplier par huit sa fréquentation. Il s’agit du premier projet construit par l’architecte ; il faisait alors office de projet pilote. Gando a ensuite pu augmenter les capacités d’accueil de son école en construisant son extension en 2008. La confiance acquise au fur et à mesure de ces projets a motivé la construction par le village d’un centre pour les femmes et d'un atelier, exploitant de différentes manières la terre crue. Ses projets se partagent alors entre Afrique et Occident. Il a récemment été approché par le Parlement burkinabé pour concevoir le nouveau bâtiment de l’Assemblée Nationale et développe de nombreux projets à l’international, à l’image du Serpentine Pavilion à Londres en 2017 ou de la réhabilitation de baraquements militaires à Mannheim, en Allemagne.

« Le développement durable, en particulier, étant un point commun à toutes ces techniques [ndr. construction en terre], est un sujet qui m’a beaucoup touché très vite »130, Rolande Akpedze Konou. 129 Auteur de Archietcture and Identity, professeur depuis 1995 à la TU Berlin et à la tête de l’unité Habitat et depuis 2002 à Shagai a été consultant pour des agences internationales de développement notamment en Asie et en Afrique. 130 Entretien du 7 mai 2018 avec Rolande Konou. 3. Réalisations : influences et bilan

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Pour concevoir l’école de Damadé, Akuto Akpedze Rolande Konou s’est entourée de deux autres architectes togolais, Ayih Arnold AyihAkakpo et Sonya Fifonsi Tomegah, de deux étudiants en architecture et d’ingénieurs en génie civil. Originaire d’Agome Tomegbe, dans la région des plateaux, l’architecte a suivi le cursus proposé par l’École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme à Lomé. Rolande Konou nous expliquait y avoir découvert la construction en terre et certains projets bioclimatiques à travers des cours, séminaires et soutenances. Particulièrement sensible au développement durable et à son application dans le contexte togolais, elle s’est beaucoup renseignée sur le sujet grâce à la bibliothèque de l’école d’architecture et à internet. Dans le cadre de son Travail Personnel de Fin d’Étude l’architecte a approfondi cette thématique. Intitulé « Un pôle de compétence touristique autour du Mont Kloto à Kpalimé – TOGO », il propose d’articuler patrimoine local et développement urbain. Dans ce mémoire, elle y décrit et analyse la façon dont l’architecture traditionnelle peut être revalorisée et servir de pilier au développement des communautés. Celui-ci a mené à l’élaboration de stratégies de planification à diverses échelles et de la réhabilitation d’un bâtiment de l’époque coloniale. Aujourd’hui, l’architecte est très active dans ce domaine. Elle a travaillé sur certains projets en tant que consultante auprès du Ministère de la Prospective et de l’Évaluation des Politiques Publiques, avec l’INstitut Africain pour le Développement Economique et Social (INADES) et le PNUD. Elle dirige également une agence d’architecture, d’urbanisme, de design et de green-tech, AXE DURABLE et la start-up AfriK Durabiliterre. En parallèle de ces activités libérales, Rolande Konou est depuis octobre 2017 chercheur au Laboratoire « Architecture et Développement urbain » de l’EAMAU. L’école primaire de Damadé n’était alors pas son premier projet en terre. Son agence avait déjà réalisé une villa, un espace de commerces, mini-marché place FAO à Lomé. Une maison de campagne appelée « Château écolo », dans les montagnes de Kloto est actuellement en cours.

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3. Réalisations : influences et bilan

3.4.2. Quelles interactions avec les autres acteurs ? Au-delà de la mise en place du projet, de la façon dont les utilisateurs sont intégrés au processus, c’est aussi par les relations humaines que l’architecte, en tant qu’individu, peut influencer la perception du matériau qu’il souhaite revaloriser. S’exprimer, faire comprendre ses idées, inspirer confiance, la coloration que prennent les échanges avec les autres acteurs du projet est la dernière (ou la première) manière de convaincre. Aussi, les problèmes évoqués plus tôt au sujet du déroulement du chantier à Damadé, fait dire à Rolande Konou que s’il fallait recommencer le projet : « on aurait insisté de prendre une autre entreprise de construction, qui maîtriserait mieux les techniques et en serait passionnée »131. Cette dernière avait été choisie par l’association NEJ, qui avait l’habitude de travailler avec elle. Mais connaissant mieux le domaine de la construction en terre crue, Rolande Konou nous explique qu'elle se serait orientée vers des structures reconnues comme le centre Sichem ou le CCL. Sur le chantier de Ouagadougou, la présence d’architectes européennes a surpris et aurait pu mener à un conflit silencieux. Les occidentaux étant souvent associés à un monde privilégié, peu habitués à la négociation et souvent loin des réalités du marché, les « des prix de blanc » dans le domaine du BTP sont très courants. Ce rapport à l'argent pouvait devenir un sujet sensible et impacter l'avancée du chantier. Aussi, les premières semaines chaque remarque des architectes était débattue et pour chaque modification du travail déjà fait, les maçons demandait une compensation. Pour éviter ce genre de situation, ICCV avait pris soin de manipuler les budgets seul : « ils l’appelaient tonton Simon tu vois, parce que c’est le grand frère et du coup la relation à l’argent était différente »132. Cela leur a permis d’évacuer les questions d’argent des discussions et d’avoir un rapport plus franc et libre avec les artisans, d’expliquer qu’eux comme elles, travaillent ensemble pour la même personne. 131 Ibid. 132 Entretien du 5 avril 2018 avec Nathalie Giraud.


D’après l’architecte ils pouvaient alors plus facilement exprimer leurs incompréhensions et leurs doutes, dans un cas comme dans l’autre. Ainsi, à Ouagadougou, la relation entre maîtrise d'ouvrage et maîtrise d’œuvre a pris la forme d’un partenariat entre les deux associations. Elles ont travaillé main dans la main tout le long du projet. Lorsque les architectes n’étaient pas au Burkina-Faso, c’est ICCV qui s’occupait de la communication avec les adhérents, avec le quartier et représentait un réel soutien. Nathalie Giraud le précise : « [Il faut] vraiment vérifier qu’ils jouent le jeu […] et il faut que tu t’entendes bien avec eux, étant donné les moments de stress »133. Pourtant, des « moments de stress » il y en a eu au cours des trois ans de chantier. En effet, ne pouvant pas être sur place, c'est l'association qui prenait en charge la logistique du chantier. Du fait de l’arrivée sporadique des fonds, il est arrivé plusieurs fois aux architectes de faire des déplacements inutiles car les matériaux n’avaient pas été commandés manque d’argent ou à l’inverse de devoir venir à la dernière minute car leur aval était nécessaire pour commencer à monter les murs. Au-delà des modifications qu’il a fallu apporter au projet suite à ces évènements, les arrêts de chantiers successifs auraient pu avoir des répercussions sur l’image du futur bâtiment. Des répercussions sur les habitants, mais aussi sur les entreprises : ça « fatiguaient les gens, parce que c’est comme ici, les ouvriers ils ont besoin d’un boulot, alors ils vont sur d’autres chantiers et alors pour qu’ils reviennent ils n’ont pas envie tout de suite »134. La gestion de la distance, entre la France et le Burkina-Faso, a ainsi été problématique sur ce projet. Mais c’est également le statut indéterminé du contrat entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre qui a pu poser problème. Les architectes expliquent cela par un manque d’expérience : « on s’est lancées dedans, on sortait de l’école, on ne savait pas que ton rôle aussi, c’est ça. C’est de dire au client d’attendre [d’avoir tous les fonds], s’il veut un bâtiment bien terminé »135. 133 Ibid. 134 Ibid. 135 Ibid.

Il arrive également que parmi la maîtrise d’ouvrage se trouvent les voisins, la famille... La relation très forte qui liait Francis Kéré, fils du chef du village, aux habitants de Gando lui a permis de construire un projet réellement « sur mesure ». Cela n’a pourtant pas empêché dans un premier temps la chefferie de s’opposer au projet en terre crue, mais la confiance qui liait les deux parties a facilité les négociations. L’architecte dit à ce sujet : « Moi je viens de ce milieu et j’ai puisé des savoir-faire de ce milieu pour créer ce que j’ai fait avec les gens »136. Il explique notamment l’importance des femmes dans sa communauté : « il suffit de les écouter et elles vous montreront des pratiques, des techniques incroyables. C’est ainsi que j’ai appris à utiliser un béton de terre dans une maison et c’est ainsi que j’ai réussi à les convaincre avec toute la communauté d’utiliser cette technique dans nos classes »137. Les objectifs du projet « Verdissons nos cahier » était d’améliorer le cadre de vie et d’étude des enfants mais aussi d’expérimenter une nouvelle manière de construire. Voulant promouvoir la terre crue, NEJ et Deka-Ewe se sont mis à la recherche d'un architecte capable de répondre à cette demande. C’est par internet et en réactivant certains réseaux que Déka-Ewe est entré en contact avec Rolande Konou. À l’inverse de la Maison du Livre et de l’école de Gando, les relations entre les architectes et la maîtrise d’ouvrage étaient uniquement professionnelles. Extérieure au village de Damadé, Rolande Konou est entrée en contact avec les villageois au travers du travail de sensibilisation, « animée par [eux], munis d’affiches imprimées, de mégaphone, et de la musique traditionnelle jouée par le village lui-même »138. Comme à Gando, d’après elle sa présence en tant qu’architecte togolaise a permis de rassurer les bénéficiaires, et de favoriser les échanges avec la population.

136 137 138

Ibid. Ibid. Entretien du 7 mai 2018 avec Rolande Konou. 3. Réalisations : influences et bilan

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Conclusion Est dit vernaculaire une réponse à un milieu et à une société. L’architecture traditionnelle en terre présente en Afrique subsaharienne répond à ces deux paramètres. Elle est à la fois modelée par les conditions climatiques, les ressources présentes sur le territoire et assure à ses habitants des ambiances adaptées, offrant un bon niveau de confort à l’Homme. Construite par les communautés qui y vivent, elle est également le reflet de croyances, d’une organisation sociale et la traduction dans la matière d’un mode de vie quotidien. L’architecture vernaculaire se trouve ainsi au croisement entre milieu et société et perd de son de sens lorsque ceux-ci évoluent. Elle est forcée à muter, pour se retrouver en phase avec son contexte. Une architecture vernaculaire n’est donc pas liée à un passé lointain et coupée de toute influence extérieure. Les exemples qui nous viennent instinctivement en tête sont des témoignages de certaines époques, mais tous, anciens comme récents, sont l’expression d’une société particulière. En Afrique de l’Ouest, la colonisation, la décolonisation ont fortement marqué le développement et l’identité des pays concernés. Ces évènements ont eu des répercussions importantes sur la production architecturale. La décolonisation a marqué la brusque entrée de cette partie du continent dans une société mondialisée et a lancé une réelle course à la modernité. Celle-ci se manifeste par l’expansion explosive des villes et le rejet de la construction en terre au profit d’une architecture internationale, hors-sol. Elle est plus facile à entretenir, plus résistante face aux intempéries, permet une plus grande liberté formelle. Néanmoins, l’utilisation du béton en construction a pourtant des impacts négatifs sur le paysage et le cadre de vie. Aussi, l’imperméabilisation des sols pose actuellement

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Conclusion

de gros problèmes dans l’évacuation des eaux de pluie en période de moussons. Le prix de ces nouvelles constructions est responsable de beaucoup d’arrêts de chantier, notamment chez les particuliers, qui n’ont plus les moyens de finir leurs habitations. Est dit vernaculaire une réponse à un milieu et à une société. Que dire alors de l’architecture du tout béton, dont le développement sur le continent a été fortement influencé par l’Occident ? Elle ne répond pas à la demande de confort recherchée dans les climats africains. Témoin d’une réelle fracture sociale, elle ne répond pas non plus aux besoins de la société et trouve difficilement sa place dans une évolution « cohérente » des traditions constructives. Aussi, parallèlement à la construction d’une pensée durable en Europe, la prise de conscience de ces incohérences, a poussé certains architectes à questionner cette architecture importée. Le matériau béton, par sa mise en œuvre différente de celle de la terre, ne permet pas les mêmes formes et supprime les particularités développées par les différents groupes sociaux. Parce qu’elles ne sont pas le fruit d’une évolution, d’une adaptation lente à des modes de vie, les techniques importées ont amené avec elles des formes préconçues. Devenue injonction, la reproduction de ces modèles s’est faite de manière inconsciente et gomme petit à petit les singularités locales. De l’architecte égyptien Hassan Fathy au tchèco-américain Bernard Rodowsky, beaucoup déplorent la perte des savoir-faire et militent pour le retour d’une architecture issue des traditions locales, d’une architecture située et soutenable. La nouvelle génération d’architectes se détache d’une première approche « pastiche » faisant table rase des soixante dernières années et souhaite reconsidérer les savoirs traditionnels.


En effet, au-delà de la technique, il s’agit de favoriser l’expérience vécue. Cette nouvelle architecture va en effet chercher dans des constructions traditionnelles, directement issues des besoins et des usages de leurs habitants, les réponses à des problématiques toujours d’actualité. Sont alors étudiées les notions de symbole, de confort, d’économie et de durabilité. Dans la pratique, ces nouvelles constructions semblent plus adaptées à leur contexte et souhaitent entrer en résonance avec les constructions traditionnelles. Il n’en reste pas moins que ces nouvelles architectures peinent à faire l’unanimité. Serait-ce dû à une implication continue de l’étranger ? Cadre humanitaire, solidaire, associatif, ce sont des mouvements européens dans leur majorité qui ont dans un premier temps été moteurs de formation dans ce domaine. Ce sont également eux qui, les premiers, ont généré la demande. Ce n’est que dans un second temps que les gouvernements, confrontés aux problématiques environnementales et intrigués par le coup de projecteur soudain porté sur la terre crue, se sont saisis de la construction en matériaux locaux. Pourtant, cet engagement est encore instable et ne permet pas aux différents centres et projets publics de développer leurs actions à la hauteur de leurs attentes. Ce sont la formation et l’information qu’ils souhaiteraient développer. En effet, beaucoup de maîtres d’œuvre déplorent la difficulté à trouver des techniciens et entrepreneurs qualifiés, une difficulté qui pourrait décourager des porteurs de projets pourtant intéressés. Le constat est le même du côté de la maîtrise d’œuvre, bien que l’EAMAU oriente de plus en plus ses programmes vers le développement

durable et l’utilisation de matériaux locaux. Rolande Konou nous précisait en effet : « Nous ne sommes pas beaucoup d’architectes au Togo à vouloir travailler dans le domaine du bioclimatique et de la construction en terre crue. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour conscientiser »139. Du fait de cette implication locale en dents de scie, aux typologies de bâtiments construits, la terre crue est pour beaucoup de citadins associée à une certaine classe sociale. De plus, trop peu d’informations sont partagées sur sa mise en œuvre. La méconnaissance de ses qualités laisse penser aux villageois que son retour est promu par des professionnels qui sont ou qui ont appris leur métier à l’étranger, qui ne connaissent ni le matériau, ni le climat. Voilà d'où pourrait provenir la réticence de la population à une architecture pourtant adaptée au milieu. Enfin, il s’agit d’une idée largement appuyée par le monde du BTP, qui est depuis de nombreuses années structurée par l’architecture béton. « Ils te disent que : « Ah ces choses-là, c’est pour les blancs, ces choses-là ça ne dure pas hein »140. Ainsi, il semble que l’absence d'engouement franc pour les nouvelles constructions en terre crue soit due à la présence de l’étranger. Mais il apparait que ce soit « l’image » du blanc qui lui porte préjudice et non les questions de forme ou d'organisation de l’architecture produite. Aussi, lorsque les projets ont la chance d’aboutir, les retours sont globalement positifs. C’est dans la relation et la confiance établie avec les entrepreneurs, la maîtrise d’œuvre et les habitants que se jouent la réception et l’accueil du projet. Lorsque la présence d’un blanc peut

139 Entretien du 7 mai 2018 avec Rolande Konou. 140 Entretien du 10 mai 2018 avec Alain Klegbe. Conclusion

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faire douter, celle de l’architecte africain rassure, car il se confronte au quotidien aux enjeux locaux. Mais en se mettant au service et en collaboration étroite avec la maîtrise d'ouvrage locale, l’architecte étranger peut alors remplir son rôle. Il représente un savoir, des savoirfaire en matière de construction. Comme dans n’importe quel projet dans son pays d’origine, c’est en faisant preuve d’une écoute attentive et grâce aux échanges avec la maîtrise d’usage, qu’il pourra apporter une réponse adaptée, en questionnant les représentations de celle-ci. Intégrer les futurs utilisateurs au processus de projet est alors indispensable pour offrir une réponse adaptée aux besoins d’une population d’une culture peut être différente. Alors, l'origine ou la formation à l'étranger de l’architecte peut avoir un impact négatif sur les premières réactions des habitants. Néanmoins, les projets étudiés montrent que celles-ci ont évolué plus positivement une fois le bâtiment construit et habité. Pourtant, en milieu rural ce sont actuellement les bâtiments publics ou associatifs, engagés par une maîtrise d’œuvre déjà convaincue par le matériau, qui se construisent en terre. Ces initiatives restent relativement isolées et ne permettent pas au plus grand nombre d’expérimenter les bénéfices des nouvelles constructions en terre crue. En milieu urbain, la majorité des témoins de l'architecture en terre sont situés dans les centres-villes. De Dakar à Lomé, leur nature ne les rend accessibles qu'à une partie de la population, accentuant les a prioris à son sujet. D'après le directeur du Centre de la Construction et du Logement, Abalo Yolou, les particuliers ne sont pas prêts à choisir la terre pour construire leurs habitations. Un temps d'adaptation est encore nécessaire pour faire connaître le matériau, permettre son expérimentation et déconstruire les préjugés. À l'image du centre SICHEM à Lomé, ce sont des projets pris en main par la communauté qui pourront convaincre.

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Conclusion

Des bâtiments modestes, du quotidien, qui par l'usage, l'habitude finissent par devenir invisibles... acceptés. Ce sont également des programmes qui rassemblent, qui par la complémentarité de leurs usages permettent de toucher des publics différents. Enfin, ce sont des projets qui s’inscrivent sur une temporalité longue, donnant à voir et incluant les futurs usagers à chaque étape de leur développement, de la conception à la construction et l'entretien.



Iconographie Fig. 1. Figures 1867, Principal Countries of the World, Malala ANDRIALAVIDRAZANA. Fig. 2. Évolution des techniques constructives en territoire rural, Ykpa, Togo. Groupe de volontaires École Secours. Fig. 3. Façonnage d’un mur en bauge, Bénin. Extrait de la vidéo Un peuple, une histoire, Voyage en pays Tamberma, Prudencio Etse, minute 3:08. Fig. 4. Une Takienta récemment construite. <http://www.4gress.com/sights/entry/101090.html> Fig. 5. Plan type d'une Takienta. Marine Supiot. Fig. 6. Grande terasse d'une takienta. < http://agoras.typepad.fr/regard_eloigne/ batammariba/>. Fig. 7. Lieu de rassemblement dans un village togolais. Marine Supiot. Fig. 8. « Village Néo-Africain», Kéré-Architecture, pavillon d’accueil de l’exposition ‘‘Tradition and Technology », DAMn. Marine Supiot. Fig. 9. Bidonville d'Amoutivié, Lomé, Togo. Togomédia. Fig. 10. Nouvelles habitations en parpaings en construction ou abandonnées à Lomé, Togo. Marine Supiot. Fig. 11. Unité d’habitation de Firminy, affiche illustrant de passage du modèle ancien de la ville vers les grands ensembles modernes. Image extraite du film Firminy, le maire et l’architecte, Olivier Cousin et Xavier Pouvreau, Pirouette Films. Fig. 12. Le Fiat Tagliero, Giuseppe Pattazzi, 1938, Asmara, Érythrée. Asmara Heritage Projetc, Dr Edxard Edison, UNESCO. Fig. 13. Palais des Congrès, aile du musée national, Lomé, Togo. Togo Tourisme. Fig. 14. Construction laissée à l'abandon, Ykpa, Togo. Marine Supiot. Fig. 15. Érosion du torchis dû à l’écoulement de l’eau, Ghana. Palais Royal de Prempeh I, <http://historium. com/middle-eastern-african-history/67141-africanarchitecture-ashanti-vernacular-particular.html>.

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Iconographie

Fig. 16. Désolidarisation des murs aux angles, Wétropé, Togo.Groupe de volontaires École Secours. Fig. 17. La maison en pisé de Yao, Wétropé, Togo. Marine Supiot. Fig.18. Inondations de 2015 à Lomé, Togo. aLomé. Fig. 19. Mosquée du village de New Gourna, Hassan Fathy, Égypte. <wfm.fr>. Fig. 20. Croquis de LeCorbusier, vue de l'Aventin, Voyages d'Orient. Carnet n°4, p143. Fig. 21. École primaire de Gando, Burkina-Faso. Kéré-Archietcture. Fig. 22. Vue extérieure de la chapelle, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé. Marine Supiot. Fig. 23. Bâtiment d'étude des séminaristes, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre, Lomé. Marine Supiot. Fig. 24. Vue intérieure de la chapelle, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé. Marine Supiot. Fig. 25. Entrée de l'Agora Senghor, Paroisse Universitaire St Jean Apôtre , Lomé. Marine Supiot. Fig. 26. Vue depuis les cellules des soeurs, Diocèse de Vogan, Pedakondji. Notre-Dame du Cénacle. Fig. 27. Coffrage des arcades, Diocèse de Vogan, Pedakondji. Notre-Dame du Cénacle. Fig. 28. Réunion de chantier, J.-P. Kangni, Architecte OPC, Diocèse de Vogan, Pedakondji. Notre-Dame du Cénacle. Fig. 29. Appareillage des briques, séparation et garde-corps, Diocèse de Vogan, Pedakondji. Notre-Dame du Cénacle. Fig. 30. Bâtiment d'accueil et cour intérieure, Institut français au Togo. Marine Supiot. Fig. 31. Extension en BTCs et bâtiment ancien en arrière-plan, Institut français au Togo. Marine Supiot. Fig. 32. Le poisson du développement durable, vue sur la médiathèque, Institut français au Togo. Marine Supiot. Fig. 33. Grille en fer à béton,vue depuis la médiathèque, Institut français au Togo. Marine Supiot.


Fig. 34. Bâtiment de logement, Centre SICHEM. Marine Supiot. Fig. 35. Salles de classe, Centre SICHEM. Marine Supiot. Fig.36. Une des paillotes disséminées dans la ferme, Centre SICHEM. Marine Supiot. Fig. 37. Porcherie, Centre SICHEM. Marine Supiot. Fig. 38. Accroche de l'enseigne, Vitrine place FAO. Marine Supiot. Fig.39. Vue depuis l'avenue de Nîmes, Vitrine place FAO. Marine Supiot. Fig. 40. Rayonnages à l'intérieur du magasin, Vitrine place FAO. Marine Supiot. Fig. 41. Affiche publicitaire pour le magasin. Made In Togo Fig. 42. Centre de la Construction et du Logement. Marine Supiot. Fig. 43. Remplissage BTCs de la structure béton, Centre de la Construction et du Logement. Marine Supiot. Fig. 44. Bâtiment de logement en R+1, Centre de la Construction et du Logement. Marine Supiot. Fig. 45. Bâtiment de logement, Centre de la Construction et du Logement. Marine Supiot. Fig. 46. Construction d’une voûte par l’Association La Voûte Nubienne, Bénin. AVN. Marine Supiot. Fig. 47. Déploiement territorial du programme AVN. Rapport d'activité 2016-2017, AVN. Fig. 48. Répartition des chantiers d’AVN par client, septembre 2017. Rapport d'activité 20162017, AVN. Fig. 49. Répartition de l’offre de formation d’AVN, septembre 2017. Rapport d'activité 2016-2017, AVN. Fig. 50. Carte de situation des projets Africa 2009 et AfriCap 2016. Marine Supiot Fig.51. Tombeau des Askia, Bao, Mali. Amisdumali. Fig. 52. Expérimentation, mur en BTC réalisées à partir de déchets de production de chaux, monté dans les années 70, sans couverture si sousbassement. Marine Supiot. Fig. 53. Presse à BTC au CCL, Lomé. Marine Supiot Fig. 54. Signature d'une convention de partenariat entre la MIssion de PROmotion des MAtériaux LOcaux et le Ministre camerounais l'Emploi et de la Formation Professionnelle, 2010. MIPROMALO Fig. 55. Essai mené au CCL sur les briques avec ajout de son de riz, Lomé. Marine Supiot.

Fig. 56. Laboratoire du CCL. Marine Supiot. Fig. 57. Plan masse de l’Opera Village, croquis de Francis Kéré. Kéré-Architecture Fig. 58. L'opéra village en construction, BurkinaFaos. ZI-Matériaux Fig. 59. Ancien hôtal le Djoloff et son extension en terre crue, Dakar. <http://www.au-senegal.com> Fig. 60. Hôtel le Djoloff, vue du patio, Dakar. <http://www.au-senegal.com> Fig. 61. Planche publicitaire de LEA BENIN SA. Fig. 62. Ma Maison ma parcelle, typologie type T3, plan. LEA BENIN SA. Fig. 63. Logo du centre, reconnaissable depuis la route. Marine Supiot. Fig. 64. Commande de BTCs au séchage. Marine Supiot. Fig. 65. Bâtiment d'accueil, Centre SICHEM. Marine Supiot. Fig. 66. Salle de réunion et d'apprentissage théorique, Centre SICHEM. Marine Supiot. Fig. 67. Bâtiment des séminaristes, Paroisse universitaire St Jean Apôtre, Lomé. Marine Supiot. Fig. 68. Première promotion de maçons de l'Écocentre-Togo, 2014-2017. Éco-centre-Togo. Fig. 69. Tableau comparatif : formation et conseil. Marine Supiot. Fig. 70. Tableau comparatif : fabrication et construction. Marine Supiot. Fig. 71. Schéma récapitulatif : fonctionnement de la filière terre crue à Lomé. Marine Supiot. Fig. 72. Adolescents aidant à la construction de la bibliothèque d’ICCV à Ouagadougou, Burkina Faso. Villages Verts. Fig. 73. Vue de la bibliothèque depuis les gradins. ICCV-Nazemse. Fig. 74. Après-midi de lecture à la bibliothèque pour les ados d’ICCV. ICCV-Nazemse. Fig. 75. Coupe longitudinale. Villages Verts. Fig. 76. Plan du rez-de-chaussée, du R+1, de la toiture. Villages Verts. Fig. 77. Vue de l’école depuis le Sud, Gando. Kéré-Architecture. Fig. 78. À l’intérieur d’une salle classe, Gando. Kéré-Architecture. Fig. 79. Coupe longitudinale. Kéré-Architecture. Fig. 80. Plan de rez-de-chaussée. Kéré-Architecture Fig. 81. Fin du chantier à l'école de Damadé. Marine Supiot.

Iconographie

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Fig. 82. Inauguration de l’école avec le chef de village. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 84. Façade Sud. Marine Supiot. Fig. 85. Plan du rez-de-chaussée. Marine Supiot. Fig. 86. École primaire de Gando, vue de la sousface de la toiture, murs et poteaux en BTC, poutres en béton. Kéré-Architecture. Fig. 87. Les fers des poteaux en attente, Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 88. Montage des murs en briques, Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 89. Pose de la charpente à l’école de Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 90. École primaire de Gando, vue de l’intérieur d’une salle de classe, faux plafond et systèmes d’occultation. Kéré-Architecture. Fig. 91. Détail de la double toiture, Gando. Aga Khan Award for Architecture. Fig.92. Structure treillis de la seconde toiture, Gando. Aga Khan Award for Architecture. Fig. 93. Répartition des ouvertures sur les façades Nord et Sud, Damadé. Marine Supiot. Fig. 94. Mise en place des coffrages et fers des fondations, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 95. Coffrage des gradins, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 96. Montage des briques de latérite sur la structure béton, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 97. Construction des voûtains sur coffrage en sac de sable, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 98. Vue intérieure de la bibliothèque, sous-face apparente des voûtains en BTC et IPN metalliques, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 99. Mise en place de la structure treillis sur la terrasse, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 100. Le chantier ouvre ses portes pour faire essayer les nouveaux gradins aux enfants, Ouagadougou. ICCV-Nazemse. Fig. 101. Certaines briques s'effritent dans l'angle de l'école, Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 102. Le temps différent de séchage est briques traduit une densité différente, Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 103. Des maçons AVN préparent les voûtains pour couler la dalle de la terrasse. Fig. 104. Avant la construction du caniveau, Ouagadougou. Villages Verts. Fig. 105. Pendant la construction du caniveau, Ouagadougou. Villages Verts.

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3. Réalisations : influences et bilan

Fig. 106. Présentation du projet par les architectes, Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 107. Visite de chantier par les architectes, Ouagadougou. ICCV-Nazemse. Fig. 108. Participation du village à l'acheminement de matériaux, Damadé. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 109. Organisation par les architectes d'un atelier avec les adolescents d'ICCV-Nazemse. Fig. 110. Fabrication des gardes corps, Ouagadougou. Nouvel Espoir pour la Jeunesse. Fig. 111. Projection de films en face des gradins, Ouagadougou. ICCV-Nazemse. Fig. 112. Du soutien scolaire dans le patio, Ouagadougou. ICCV-Nazemse. Fig. 113. Répartition des projets de Francis Kéré à Gando. Francis Kéré, Radically simple, Hatje Cantz Verlag, 2016. Fig.114. Nathalie Giraud et Manon Borie devant les murs de la maison du Livre, Burkina-Faso. Villages Verts. Fig. 115. Francis Kéré dans l'extension de l'école primaire de Gando, Burkina-Faso. Domus. Fig. 116. Rolande Konou sur un de ses chantiers en BTC. Togotopnews.


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ZEVI Bruno. Dialectes Architecturaux, Ed. du Linteau, 1996. Bibliographie |

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Annexes La Maison du Livre, Ouagadougou, Burkina-Faso

1 Entretien avec Nathalie Giraud, le 5 avril 2017 Architecte

Intégralement retranscrit

2 Tableau récapitulatif des questionnaires Maîtrise d'ouvrage et utilisateurs, membres de l'association ICCV-Nazemse et bibliothécaires.

Synthèse de questionnaires

École primaire, Damadé, Togo.

3 Questionnaire échangé avec Rolande Konou, le 7 mai 2018 Architecte Intégral.

4 Entretien avec Alain Klegbe, le 10 mai 2018 Maîtrise d'ouvrage, président de l’association Nouvel Espoir pour le Jeunesse (NEJ) Intégralement retranscrit

5 Entretien avec les autorités villageoises, le 5 octobre 2018 Maîtrise d'ouvrage, comité de village et directeur de l'école primaire de Damadé. Intégralement retranscrit

Structures de formation et de construction en terre

6 Entretien avec Antoine Dzamah, le 1 octobre 2018 Co-fondateur du centre SICHEM

Synthèse d'entretien

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Annexes


7 Entretien avec Benoit Agbeve, le 4 octobre 2018 Fondateur de Éco-Vision Togo et de l'association Éco-Centre Togo

Synthèse d'entretien

8 Entretien avec Mrs. Yolou et Takpeke , le 4 octobre 2018 Directeur du Centre de la Construction et du Logement

Synthèse d'entretien

Artisans

9 Entretien avec Koffi Francis , le 25 septembre 2018

Intendant de l'Institut Français du Togo, ancien électricien pour Afritech sur le chantier de l'IFT à Lomé et du couvent Notre-Dame du Cénacle à Vogan.

Synthèse d'entretien

Usagers

10 Entretien avec le Père Benoit , le 27 septembre 2018 Membre de la congrégation St-Jean

Synthèse d'entretien

Annexes

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Entretien avec Nathalie Giraud, le 5 avril 2017 Architecte de la Maison du Livre de Ouagadougou Reprenons depuis le début : Comment ça a commencé tout ça avec villages verts, qui a contacté qui ? Alors villages verts ça a déjà un gros réseau depuis longtemps et si tu veux ce projet là on l’a juste réactivé, c’était une asso sur place qui avait acheté le terrain en 2006 ; donc il faut savoir que la particularité de ce type de projet euuuh t’es entre asso et compagnie c’est très lent, c’est des gens qui attendent des projets depuis hyper longtemps ou qui ne sortent pas.

Donc ce sont des associations qui font la demande et … ? Enfait c’était Charles qui est à la tête de villages verts. Lui il avait déjà des contacts là-bas et il connaissait un mec, un français qui faisait de la com pour cette asso et qui lui avait parlé de ce projet. Enfait c’est que du réseau au final. On l’a eu par ce réseau. Après je pense que moi par exemple, maintenant, si je veux activer un projet qui existe pas dans l’asso, je pense qu’il faut tout simplement regarder les assos qu’il y a sur place, les contacter, voir si ils ont des projets, par exemple. Faire la démarche inverse pour voir si les gens ont des projets tu vois. Parce que ce n’est pas forcement maintenant les mairies qui le savent

Voilà, beaucoup dépend de la manière dont se crées les contacts. Je sais qu’il y a pas mal de forum qui s’organisent aussi pour favoriser les rencontres d’associations, européennes et africaines par exemple... Oui voilà, mais je pense même tu vois qu’en tapant des fois je sais pas je prends un pays au hasard, tu tapes Burkina tu va trouver facilement des asso, qui font des trucs pour les enfants qui construisent pour les femmes, je me dis tu peux les contacter comme ça pour voir s’ils ont besoin d ‘un projet enfait. Je pense que c’est possible de faire ça aussi comme ça, d’aller les chercher. Dans un sens comme dans l’autre au final. Donc là ça venait juste de ce contact-là du coup enfait ben voilà ils voulaient une nouvelle

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Annexes

bibliothèque. Donc on n’est pas allés les chercher là. C’est eux qui étaient en attente, ils avaient déjà le terrain et ils attendaient quelqu’un pour le faire, ils avaient déjà eu des plans d’un archi sur place et là ça rejoints un peu alors c’était horrible ce qu’ils avaient dessiné, mais c’est normal, c’est qu’ils ont aussi cette culture, cette image, ce modèle de l’occidentale où ils voulaient …

Du parpaing … Voilà quoi. Tu vois un peu et puis dans des formes qui sont un peu plus basiques comme ce que fait Rolande tu vois, avec Deka-Ewe là-bas. C’est qu’ils ont aussi une culture différente de ça tu vois. Donc enfait en soit, après nous on, il faut qu’on s’adapte à la commande aussi. Je pense que quand tu rentres en contact avec un asso, faut voir la viabilité de cette asso parce que tu pars avec eux sur un projet avec eux qui va être long. Long dans le temps et il faut que les personnes soient motivées en face parce qu’il y a toujours des problèmes avec les fonds, les fonds privés ou les subventions, et donc ..

Et oui ça s’est passé comment par rapport à ça ? Ben il y a eu des moments ou le chantier s’arrêtait parce que les fonds ne venaient pas tu vois. Donc il ne faut pas que les gens… il faut que les gens soient très motivés aussi en face, donc il faut jauger avant je pense parce que tu as quand même … Tu vois la première fois qu’on est allés les voir s’était vraiment pour se mettre en confiance, pour voir leurs attentes et pour voir pour voir leur engagement et leurs motivations tu vois. Parce que ça peut vite décourager de …

D’avoir de grandes idées mais que finalement … Oui, tu vois. Et aussi l’un des trucs s’était vraiment vérifier s’ils étaient ok pour le faire en matériaux locaux etc… Parce que tu vois même lui, le président de l’asso donc qui s’appelle Simon, il était déjà dans ça, il avait déjà une maison en terre, voilà tu vois il était dans ça si tu veux. Mais au fur et à mesure du projet, tu te décourage


parce que c’est quelque chose qui est un peu, à gérer c’est de compliqué une architecture comme ça et ils voulaient réinjecter des choses. Parce que après forcément t’as plein d’ouvriers, t’as des gens qui ne sont pas du tout de cette culture [cad culture constructive en terre mais maçons formés au béton] là et qui veulent faire autrement quoi tu vois. Et il faut aussi que les personnes qui sont en face de toi soient vraiment convaincues de faire un projet comme ça.

Donc ça commence déjà par ? Voilà par voir si vraiment ils vont tenir ce projet jusqu’au bout, voilà, lui il savait que pour la sensibilisation de la communauté tout ça marcherait tu vois mais il y a des moments où on a dû défendre quand même encore le projet dans le sens-là tu vois... Parce que t’as un moment soit c’est du découragement, soit c’est de la peur, la peur que ça ne tienne pas. Du coup tu prends un ingénieur, donc nous l’idée c’était que tout le monde soit là-bas, qu’on soit juste nous les expats quoi, les étrangères on va dire. Et les ingés là-bas, c’est des ingés béton.

C’est-à-dire qu’il ne sont spécialisés que làdedans… ? Voilà et c’est en plus des trucs à l’ancienne, ils ont une formation qui date des années 50, donc tendance à sur dimensionner. Et c’était très compliqué parce que du coup tu bosses avec eux, avec les ingénieurs locaux pour la structure, et c’est dur face à eux de défendre ce type d’architecture parce qu’ils ne sont pas qualifiés pour ça et ils en ont peur. Donc, c’est tout un système ou toi tu deviens juste, enfait toi tu dois défendre et tu rassures tu vois. Donc après c’est, ça dépend un peu de ton type de projet, de ton échelle de projet tu vois. Parce que tu prends un projet beaucoup plus petit. Tu prends par exemple Tiphaine qui est au Cameroun là ; elles ont dessiné une échelle de projet qui peux être réalisé en 2 mois, 3 mois, voilà. Donc elles y sont allées 3 mois pour monter le projet. Voilà elles restent là-bas et du coup c’est plus facile. Après c’est que nous on a voulu êtres ambitieuses, on a voulu êtres ambitieuses, on a voulu faire un projet de fou, on a fait un projet de fou. Qu’il fallait tenir tu vois, mais du coup c’est une autre échelle et tu te rends compte des choses

CONSTRUIRE EN TERRE, FORMATION ET DIFFUSION

Des problèmes qui ressortent … Voilà c’est ça, qui n’ont pas les mêmes… Je pense que dans tous les cas dans ce type de projet c’est l’approvisionnement des matériaux, la grosse difficulté. De fonds, de subventions, et je dirais troisième point, c’est te tenir ce côté d’architecture en terre face à eux un modèle occidental.

C’est vrais que .. Après je m’intéressait pas mal aussi, parce que je sais qu’au Togo il y a le CCL, c’est un centre de diffusion de la terre crue. Et je me demandais quel impact avaient vraiment ces centres-là. Parce que j’avais discuté avec l’architecte togolaise qui me disait que certes il y avait des formations proposées mais qu’en réalité peu de gens en profitaient. Et donc quand tu dis que les ingénieurs ne sont pas formés, que les ouvriers sur le chantier non plus et que ça bloque la démocratisation. Oui c’est vrais. Après au Burkina tu as CRATerre aussi.

Oui justement je me demandais comment ils étaient implantés, quel statut ils ont sur ce territoire. Ba ils font des maisons, ils font des trucs en terre, ils aident des gens qui veulent monter des trucs en terre tu vois.

Dans ce cas c’est en tant qu’asso, ou plus de l’expertise ? Alors je ne saurais pas te dire exactement comment ça marche. Je pense que c’est plutôt de l’expertise, enfait ils forment des ouvriers. C’est hyper bien fait en plus, ils leur filent des classeurs avec tu vois des dessins avec il faut trois seaux de sable tu vois, deux brouettes d’autre chose. Des trucs assez ludiques enfait, assez simples. Ils forment des ouvriers à ça quoi. Et est-ce que vous avez regardé ou trouvé ou cherché des entreprises là bas qui justement qui savaient faire en terre ou est-ce que vous avez eu du mal ?

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Ce n’est pas forcément des entreprises, c’est mais t’as des, c’est des artisans qui ont étés formé à ça à la construction en terre par CRATerre, tu vois.

Et du coup sur place les gens qui venaient travailler, est-ce qu’ils ne connaissaient pas trop la terre ou est-ce que c’était des personnes familières de cette manière de construire ? Ben il y avait, ben après t’as tous les corps de métiers l’électricien, le plombier qui connaissent pas et on a pris des spécialistes pour monter les murs en terre quoi tu vois, qui avaient étés formés par ce type de trucs comme CRATerre quoi. Dans tous les cas il les faut, parce que tu ne peux pas demander à un, il faut au moins un spécialiste.

Et le fait de construire en terre comme ça, c’était de la latérite pour les murs mais par rapports aux gens sur place tout ça est-ce que convaincre ça a été difficile ? Est-ce que c’est la sensibilisation qui a fait une différence ? Là on a eu la chance d’avoir Simon, qui s’y connaissait et qui du coup lui chapotait ça. Après après ça a eu pas mal de répercussion tout autours ou les gens enfait par le bâtiment voilà, ça a sensibilisé par le bâtiment au fur et à mesure que ça se construisait. Et tous les autres, par exemple ceux qui faisait le béton sur place etc … eux aussi comme ils étaient sur le chantiers ont étés sensibilisés. On peut dire alors que ça a eu un petit impact justement sur cette vision de la terre qui est pas très très bonne. FORMATION DE L’ARCHITECTE ET CHOIX DU MATÉRIAUX/MISE EN ŒUVRE

Et donc vous plus particulièrement, vous saviez la terre comment ça se passait, comment ça s’utilisait ? Pas du tout. Non on n’avait jamais fait on s’est renseignées, beaucoup, avant sur les techniques, je pense comme toi quand tu as fait ton mémoire, au final. Et après sur place aussi on est parties … Oui, on a fait au moins deux voyages après les avoir rencontrés, pour visiter des endroits donc on nous a amené voir des carrières, voir où estce que tu extrais la matière, la pierre, tu vois pour se rendre compte du matériau, des entreprises qui font posseram je crois que ça s’appelle, un

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truc comme ça là-bas à Ouagadougou, des entreprises qui font des briques, tu vois. On est allées voir un peu tout ça sur place pour voir quels des matériaux et au final la bibliothèque on l’a dessinée quatre fois.

Oui, avec des matériaux différents c’est ça ? Voilà. On a commencé en banco, tu vois, avec des gros murs. On s’est rendues compte que le banco, on est allées visiter aussi beaucoup de maisons, de projet qui utilisaient cette technique et donc pour nous au départ on voulait le faire en banco. Parce que pour nous la sensibilisation c’est aussi cette terre crue tu vois. Celle que tu vois vraiment du coup, celle qui est le plus stressant pour les gens enfait. Parce que les briques c’est un niveau qu’ils commencent à connaitre. Donc on voulait le faire en banco. Et donc si tu veux, on s’est rendues compte qu’en banco il faut telle épaisseur de mur et que la trame elle est réduite pour que ça tienne la voûte. Donc il fait que ta trame elle soit de 3.50, donc ça te fait des couloirs tu vois, de 3.50. Après tu peux faire des ouvertures. Donc voilà du coup on a commencé à dessiner la bibliothèque sur cette trame, qu’on a gardé finalement après. Mais le problème c’est qu’après tu as les contraintes, les contraintes d’espace, et nous ça nous bouffait beaucoup de truc parce que les murs faisaient 50/60 cm. On commençait à se dire que c’était limité mais on y croyait quand même. Et après vient avec tout ça, les espaces traversantes, on a visité tous les trucs de Kéré aussi, avec les doubles toitures etc. tu vois, on a visité tous ces chantiers. Et enfait ce qui a décidé de ne pas le faire, on aurait pu je pense, mais l’innovation du projet c’était cette cour sur le toit qui bloquait. Qui bloquait en terme de charges, les enfants ils sont là tu vois, ils dansent, et le coté banco on a vu une maison, on a commencé à se dire que ça ne se faisait pas trop. Bon Kéré lui, il n’a jamais fait des trucs sur le toit. Oui ce sont des toitures métalliques légères Voilà et même lorsque lui travaille avec des briques, il n’a jamais mis des choses sur le toit tu vois. Et on a vu une maison faite en banco qui avait un toiture terrasse, accessible, sur le toit. Mais c’était une maison, ce n’était pas 500 enfants quoi. Donc là vient le moment ou bien eux sont réticents et toi ben par rapport à ta responsabilité etc. tu vois. Voilà. Du coup on ne voulait pas lâcher cette idée de cours sur le toit, clairement, à ce moment il


fallait faire ce choix, et du coup on a redessiné le projet en entier. Mais ça permet de voir les techniques, tu vois, et donc là on s’est dit ben voilà on va faire la même chose, donc on va garder cette trame mais en briques, ça existe, pour faire des grands volumes comme ça et on se rend compte que ça peut nous permettre, avec les travaux de Kéré, de faire de plus grandes portées c’est-à-dire que tu peux élargir tes trames pour faire de plus grandes portées avec les briques. On se dit bon c’est pas plus mal, on peut faire ça comme ça quoi. Et là se posait un peu quand même la question, ça fait quand même encore 3.50 m, même avec les briques et on est un peu sur le système de Kéré, qui lui ne met rien sur le toit et lui met ses grandes voûtes. On se dit bon ba on va le faire, on le fait avec une structure mixte. Poteau et poutre béton, comme ça les briques ne viennent plus qu’en remplissage et les voûtes sont encore porteuses mais euh voilà. Ce que fait Kéré d’ailleurs, il cache ses poteaux en béton mais il en met dans tous les cas.

100% terre, j’ai du mal à en trouver dans les projets, tu connais des exemples dans ce cas ? Oui c’est vrais. Et bien en 100 % terre il y a ce que lui faisait avec son collège à Gando qu’on est allées voir. Mais enfait il a fait un béton de terre donc au final, ça a la résistance du béton mais ce n’est pas de la terre pure quoi. C’est vrais que à part si c’est vraiment du vernaculaire, quand tu veux commencer à faire un truc un peu moderne et innovant, tu finis par faire ça quoi.

C’est que je me posais la question, parce que dans certains projets ils mettent beaucoup en avant cet aspect terre, d’un point de vue écologique surtout, ça peut revenir à la terre après alors que non. C’est tout stabilisé alors c’est systématiquement lié à chaux et ..Après en soi, bon t’as une structure mixte mais t’essaye de mettre moins de béton possible donc sur de poteaux-poutres au final… Et du coup ensuite pour cette problématique de la cour, des grandes voûtes on est passées aux voûtains, qui a le même principe de que le plancher hourdis, parce que ce sont de plus petites portées, on a fait trois voûtains dans les 3.50 m. Du coup là on est parties sur poteaupoutre et tu poses tes IPN.

ARCHITECTE, COMMUNICATION ET RELATIONS, PARTICIPATION

Et du coup par rapport à cette évolution, je me souviens que tu avais évoqué des problèmes avec les autorités, pour faire passer le projet ? Alors oui, c’est parce qu’on a voulu le faire dans les règles et déposer quand même un permis de construire, avec une archi sur place, parce qu’il faut une archi qui soit inscrite à l’Ordre, mais c’est vrais qu’ils étaient quand même réticent au tout terre quoi.

Cette archi vous l’aviez contacté simplement pour le dépôt du permis et … Oui voilà, c’était une fille que Charles connaissait et il y en a beaucoup sur place tu vois.

Par rapport à ça justement, par rapport aux architectes là-bas comme vous avez ressenti la place de l’architecte ? Est-ce qu’ils sont beaucoup sollicités ou pas ? Ce sont surtout des ingés qui sont sollicités … Pas vraiment les archis.

Est-ce que c’est peut-être une question de culture ? De moyens ? Eh bien même s’ils ont les moyens, ils font tout en auto construction. Et du coup ils ne comprennent pas trop son rôle. C’est une chose à laquelle on a dû faire face sur le chantier. Alors en dehors du fait qu’on était pas de là-bas. Mais le côté esthétique, le coté ambition du truc, et suivis de chantier ils ne comprenaient pas trop nôtre rôle, enfait, par rapport à l’ingé qui était là ou à eux qui pouvaient le faire tout seuls, tu vois ce que je veux dire.

J’ai eu moi-même la possibilité de participer à la conception et à suivre un chantier, au Togo notamment, et c’est vrais que c’est difficile d’expliquer pourquoi, d’expliquer ses choix et quelque part entre s’imposer et laisser le dialogue ouvert. Pas non plus dire je sais faire, je veux ça, tu fais ça. Non ça ne marchera pas. C’est qu’on a fait ça toute la première année et ça a mené à un conflit, un conflit silencieux tu vois. Ils nous disaient tout le temps pas de problème mais ils ne comprenaient Annexes

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pas pourquoi on y tenait. Parce que vient aussi le fait que comme ils font tout un peu en auto construction et aussi par ce fait qu’ils n’anticipent que très peu, et bien ils n’anticipent pas d’aller chercher les matériaux, mais ils n’anticipent pas non plus l’incidence de poser... Je donne un exemple, quand on a dessiné l’escalier du patio avec eux, ils n’anticipaient pas le nombre de marches, ils font tout un peu au moment donné, sur le chantier. Mais sans se rendre compte que si l’escalier se décale de tant et bien il n’est plus contre la paroi. Voilà donc c’est sur ça le conflit enfait. Nous c’est notre métier d’anticiper et de gérer les problèmes, de faire le cheminement, si le mur là il change, alors ça ça va changer, alors à l’étage le garde-corps est pas le même …

Et comme vous n’étiez pas tout le temps sur place, comment cela se passait ? Non mais on y allait justement pour des moments critiques comme ça. Et puis tu as la question de lire les plans aussi.

Et puis la question de la communication est pas la même dans un autre pays. Oui voilà, on dessinait beaucoup plus sur place avec et eux et on vérifiait nous sur nos plans tu vois., et les choses se faisaient et se décidaient beaucoup sur place. Et puis il y a plein de choses, au niveau des matériaux on a choisi de la terre latérite taillée mais ça aurait très bien pu être de la BTC. Nous on l’a choisi par rapport à l’esthétique, sa couleur, mais là on a vu la limite, c’est qu’on ne pouvait pas dessiner les murs. Parce que c’est leur technique à eux, ils ont leur façon de la mettre en œuvre et on ne pouvait pas calpiner les briques à l’avance. Donc on attendait qu’ils montent les murs et sur place, sur la dalle, on mettait des coups de peinture pour dire il faut qu’elle arrive là. Parce qu’on ne pouvait pas leur envoyer un plan tu vois, donc il fallait y aller pour gérer ça.

Et est-ce que dû à ça les plans ont peut-être été amenés à changer sur place ? Alors les plans pas vraiment, parce que cette trame très régulière qui se répète nous a permis de mettre d’accord dès le début sur beaucoup de choses. Après c’est plutôt sur le choix et le dessin des garde-corps … tu vois. Entre deux visites

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on remarquait que certaines choses, couleurs, peintures avaient changé et c’est ce qu’on voulait.

Est-ce que tu penses que ce sont des éléments qui leur ont peut-être permis de mieux s’approprier le bâtiment ? Je me souviens que pendant le chantier des éléments avaient étés transformés en banc pour la rue … Oui c’est ça, tout à fait. et dans les choix des éléments de couverture par exemple.

Et justement à ce sujet, quel était le rapport des habitats au bâtiment pendant de chantier, est-ce qu’il le voyait déjà comme leur future bibliothèque, est-ce qu’ils ont eu envie d’y partie, est-ce qu’il y a eu un travail de sensibilisation à mener ? Alors nous on l’a vraiment géré comme si on était les archis du truc. Après on l’habitude ici d’avoir un peu un égo sur-dimensionné, parce que c’est notre bâtiment, et t’as un engagement, une obligation de moyen que là bas tu ne peux pas avoir. Tu te mets un peu plus bas et tu essayes de voir comment faire. C’est de la négociation. CONCLUSIONS. PARTICIPATION. LOGISTIQUE. COMMUNICATION

FONDS.

Maintenant avec le recul, que ces négociations ont abouti, que le projet est construit, qu’est-ce que vous en pensez ? Par rapport à son déroulement aussi. Plusieurs choses. Déjà, déjà qu’on a été un peu folles. Et oui, le bâtiment est très innovant, avec cette cour sur le toit, avec les gradins qui font 4m de haut, c’est des choses qui maintenant si je devais le faire j’aurais moins l’ambition. C’était très compliqué parce qu’ils ne savent pas faire ce type de gradins, et c’était un très gros bâtiment pour un premier bâtiment tu vois ce que je veux dire ? Du coup on en est quand même énormément fières parce qu’on a réussi à le tenir, mais tu me dis aujourd’hui de refaire la même construction je ne la fais pas pareil. C’était un très gros projet à faire au début. Et en même temps j’en parlais avec et Charles et on se disait que c’était bien de faire plus gros au début, parce que du coup t’as un peu la naïveté et t’es dedans donc tu ne te rends pas compte. C’est après avec le recul que je me dit ah oui quand même quoi. J’aurais su tout ça,


maintenant on me propose de refaire le projet, je ne le fais pas. Si demain je reprends un projet, je prends un projet plus petit. En tout cas pour l’innovation qu’il y a tu vois je ne le fais pas pareil. Alors le projet voilà, il nous va très bien, on s’est fait au fait que qu’ils ont fait leurs structure treillis qui est un peu lourde mais on voulait le projet participatif alors voilà on ne peut pas tout tenir. Enfait ce qu’il se passe, c’est que le projet comme on l’a mené, c’est à dire : y aller sans avoir toutes les subventions, sans avoir les subventions à l’avance parce que c’est ce qu’il s’est passé. Ce qu’il s’est passé c’est qu’on a fait notre PFE, il a trouvé les premières subventions, et un mois après on y était. Voilà, ça tu vois je ne le referais pas, c’est-à-dire que je ferais un projet … on a couru après les subventions tout le temps, nous on a pas eu nos subventions pour la mission, on a tout payé de notre poche et eux les subventions venaient au compte goute. Alors on avait des arrêts de chantier qui fatiguaient les gens, parce que c’est comme ici, les ouvriers ils ont besoin d’un boulot, alors ils vont sur d’autres chantiers et alors pour qu’ils reviennent ils n’ont pas envie tout de suite… Donc on s’est un peu laissées emportée par le fait que le client était pressé, et nous notre rôle on l’a pas tenu, qui était de dire non on attend un an, on attend les subventions et ton chantier au lieu de durer trois ans il aurait fait deux ans. Parce qu’en enlevant tous les arrêts de chantier plus le temps des pluies, des moussons où on ne peut pas travailler le temps de chantier aurait été beaucoup plus court, et donc beaucoup moins fatiguant pour tout le monde. Pour la logistique je ne le referais pas comme ça, surtout pour un gros projet comme ça tu vois. Je pense que si t’es sur un projet de plus petite échelle, qui dure deux ou trois mois, déjà tu trouves les sous beaucoup plus vite, et tu le gère facilement. Sur un gros projet comme ça, voilà, il faut que tu ai tout avant. Parce qu’on est arrivés à la fin du chantier, ou pour les treillis ou ce genre de chose, c’est-à-dire le moment où on avait le temps de chercher des subventions là le chanter il était terminé. Donc les gens ne donnent pas pour un bâtiment qui est déjà habitable tu vois. Donc gros point logistique ou il faut arriver à tenir le client et nous ça on n’a pas réussi à la faire. On s’est emballées parce qu’on trouvait ça génial, et c’était un des premiers projets de l’asso depuis 89. Mais c’est aussi qu’on s’est lancées dedans, on sortait de l’école, on ne savait pas que ton rôle aussi, c’est ça. C’est de

dire au client d’attendre, si il veut un bâtiment bien terminé ect… Il va être déçu mais dans le cas contraire il sera encore plus, là il a ouvert deux ans plus tard que ce qu’il voulait.

Et peut-être vous ça a dû vous fatiguer aussi, d’y aller des fois pour rien … Oui, parce que aussi le fait de ne pas avoir les sous, et bien comme c’était au compte-goutte, il approvisionnait, le plus gros, donc souvent le sable, sauf qu’il y a un moyen du chantier ou il y a le mec qui fait le béton mais aussi le mec qui fait les briques, celui qui fait la plomberie. Et ils avaient l’argent que pour le béton, alors on ne pouvait pas avancer avec les autres corps de métier, donc ça marchait pas quoi. Et vu que c’était un gros projet, le mener comme ça c’était n’importe quoi, quoi.

Et puis pour être sûr que ça se finisse parce que effectivement vous avez dû vous dire, ça ne finira jamais. Oui c’est ça et puis il arrivait des moments où il nous disait qu’il n’y avait pas l’argent alors il y a des choses qu’on ne fera pas, les treilles on les fera pas, la clôture on la fait pas … alors la clôture elle est pas haute comme on voulait, elle est plus basse parce qu’il avait pas les sous. Voilà c’est plus à cause de cette logistique là que le projet a changé de forme enfait. Et aussi par exemple on avait électriciens sans frontière sur le projet et il y a tout un truc avec ça, c’est que comme tu demandes des subventions il faut que tu leur rendes des comptes. Ce n’est pas que t’as un temps imparti pour utiliser cet argent mais quand même, quand même, ils veulent voir l’avancée. Eux ont donné l’argent bien en amont par exemple, 10.00 euros mais l’électricité ne se fait pas tout de suite. Alors tu ne peux pas leur présenter ce que tu as fait avec leur argent parce que le reste est pas monté. Alors eux s’impatientent, et ils doivent avoir des résultats à leur niveau à eux aussi. A un moment électricien sans frontière a failli nous dire non, j’arrête je ne vous suis plus. Alors le partenariat qu’on avait avec eux c’était matériel, alors ils nous ont donné tout ce qui était prises, interrupteurs, le panneau solaire… Et on failli tout perdre, ils nous avaient contacté au début de la première année et trois ans après il n’y avait toujours rien quoi. Donc il y avait ça aussi où ils nous mettaient le couteau Annexes

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sous la gorge, qui était assez compliqué parce que du coup t’as les différents métiers à coordonner, les mecs tu peux pas leur donner de boulot, le chantier n’avance pas et il faut gérer autours tes partenaires qui eux attendent … donc ça fait beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas. En gros pour moi les choses importantes c’est : c’est le partenariat que tu fais avec l’asso, voir leur motivation, leur sensibilité à ce type de projet parce qu’il faut qu’ils le tiennent clairement, qu’ils le tiennent faxe à leur communauté, etc… Vraiment vérifier qu’ils jouent le jeu, qu’ils sont là sur toute la durée quoi, et il faut que tu t’entendes bien avec eux, parce qu’étant donné ces moments de stress.

Et vous étiez toutes seules entre guillemets ou vous aviez des gens pour vous aider face à tout ça ? Ba là il y avait eux sur place qui étaient là à rassurer, eux sur place l’asso. Ensuite nous on s’est entourées d’un bureau d’étude ici, ingé, c’était Ferran, qui vérifiait les trucs du mec là-bas, de l’ingé là-bas donc lui il nous soutenait aussi. Après nous on avait trouvé un bénévole qui était retraité d’Eiffage qui lui nous aidé pour tout ce qui était implantation, qui était sur place. Enfait il faut faire le lien entre leur culture, et leur façon de penser qui n’est pas la même dans un projet et toi avec ta façon de penser qui est pas la même, que tu peux, un peu, modifier et adapter à eux, mais où t’as quand même envie d’avoir ton résultat.

Et donc d’après toi on n’apprend pas comme ça en école à s’adapter à un nouveau contexte comme ça. Non. Non et puis tu n’es pas sur un projet qui est phasé comme ici où tu rends un APS, un APD, et après ça avance quoi. Là tout est mélangé et c’est une autre façon de gérer le truc. Donc en reprenant il y a eux, l’asso, il y a toi, avec qui tu t’entoures et il y a tes partenariats. Donc si tu veux des gens, électriciens sans frontière, tu peux très bien trouver avant, s’il faut faire des voyages avant pour trouver les gens, pour être sûr qu’ils soient libres pour ça. L’asso les aider pour faire le montage de projet, parce que nous c’était l’asso là-bas qui gérait la recherche de fonds, nous on les aidait juste pour les dossiers ou s’ils avaient, on va dire, besoin d’un appui européen pour demander des fonds en Europe.

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FINANCEMENT ET RAPPORT AUX AUTRES

Parce qu’eux demandaient où par exemple ? Alors ils demandaient d’abord localement, tu vois à la mairie, à ce genre de trucs. Lui sa femme est irlandaise alors il a demandé pas mal de fonds en Irlande, nous on a demandé des fonds ici... mais voilà. Ça c’était bien, le fait que ce soit l’asso làbas qui cherche les sous et qui a les sous pour construire et pas nous. Ça c’était très bien et si je le referais je le ferais comme ça, il vaut mieux que ce soit l’asso là-bas qui les ait parce quand on est sur le chantier du coup, l’argent, c’est lui. Parce que nous les ouvriers venaient souvent nous voir pour nous dire, oui, il nous faut l’argent, faut l’argent, faut l’argent et non. Et là on a pu instaurer avec eux le fait qu’on était comme eux, on était des ouvriers. On venait donner une expertise comme eux viennent construire un truc pour lui, et c’était lui qui avait l’argent. Donc c’était aussi quelqu’un de là-bas qui avait l’argent et pas le blanc aussi.

C’est quelque chose qui change aussi beaucoup, dans les relations qui s’installent et la confiance avec aussi du coup. Oui et à l’inverse si on était venus nous, avec les sous, on aurait eu des prix de blancs pour la construction aussi. Et ça aurait été que ça, parce qu’ils négocient tout. Genre le mec a commencé à monter à mur, ça ne va pas, il faut qu’il le refasse, eh ben oui mais aligne et je te le refais. Et là ils ne pouvaient pas parce que c’était pas nous qui avions l’argent. Nous on était là, on disait ça ça va pas et il nous le disait, moi il me faut l’argent. Et là on pouvait répondre : non non, nous on est comme toi, et en plus nous on n’est pas payés, toi t’es payé hein donc quand je te dit ça c’est pour le bien de la communauté, c’est pour que le bâtiment il soit beau, et l’argent tu vois avec lui. Et donc là on pouvait vraiment parler comme ça. Parce qu’après il y a tout un truc où avec les ethnies ben ils l’appelaient tonton Simon tu vois, parce que c’est le grand frère, et du coup la relation à l’argent était différente. Donc ça c’était hyper bien parce qu’on avait un rapport neutre avec les ouvriers où on pouvait dire les gars on est comme vous, des ouvriers au service de Simon, donc tu ne travailles pas pour nous, nous on t’aide. Toi tu sais faire ça, nous on sait faire ça, donc enfait on travaillait ensemble. Ça permettait aussi de dire, dis-nous


où t’as un problème, du coup ils réussissaient plus facilement à nous dire : oui, ça je ne peux pas le faire… Donc voilà ça c’est la meilleure chose qu’on ait réussi, c’est de ne pas toucher à l’argent de d’aider juste Simon dans la recherche. Le rapport l’argent il faut qu’il soit très loin de toi si tu veux arriver à gérer le projet.

ASSOCIATION VILLAGE VERT ET FIN DE PROJET

Et village vert en ce moment où ça en est ? Oui en ce moment c’est un peu en stand by, mais nous on peut réactiver des projets quand on veut. C’est assez libre.

ÉCHELLE ET PARTICIPATION

Et ça existe depuis longtemps aussi, 89 c’est ça ?

Voilà et enfin il y a l’échelle de projet. Ce que je disais tout à l’heure mais aussi c’est plus facile de faire participer les habitants, être présent dur les trois mois, sur un projet comme ça c’est plus un projet comme tu mènerais en agence. Ça c’est un choix après. Nous on a été super contentes de faire un gros projet, même si on ne s’en rendait pas compte sur le coup, mais on a réussi à le mener comme un projet que t’aurais fait ici quoi. Mais ça c’est une question qu’il faut se poser, parce qu’on aurait très bien pu faire une bibliothèque différente, avec des petits pavillons par exemple, on aurait très bien pu faire ça comme ils sont toujours à l’extérieur, du coup moins de fondation, pas de truc en hauteur, un matériau … tu vois. Et là du coup t’as les habitants et les enfants qui peuvent venir construire, et c’est un truc ou tu dessines moins à l’avance et tu peux tout faire sur place par exemple. Ce que fait Tiphaine au Cameroun. Elles elles font juste poteau poutre, leur projet c’est un grand auvent, et en dessous c’est des petites cases en pisée qui sont protégées.

Oui c’est pour ça qu’on ne le lâche pas comme ça, on a encore un gros réseau qu’on peut activer quand il y a besoin.

Et est-ce que vous communiquer aujourd’hui autours de votre projet, entre-autre pour faire vivre l’asso ? Ouai, ça nous a alimenté pendant pas mal de temps, pas mal de conférences pour essayer de médiatiser un peu et pour nous, pour que ça nous lance sur d’autres trucs aussi. Ça nous a permis de nus faire un réseau, aussi par rapport à l’échelle du projet. Et on a gagné des prix aussi avec, parce qu’on répondait à des appels à projets qui étaient sur ces thèmes là aussi. Et après je pense que là on arrive à la fin, c’est normal.

Et c’est donc Tiphaine … ? Tiphaine Bertom qui est partie au Cameroun, c’est une fille qui avait fait une espèce de stage avec nous à Ouaga et qui là sont au Cameroun pour lancer leur truc. Ça s’appelle VI(e)lLAGE. Et là c’est pas du tout le même enjeu, nous notre objectif c’était de faire un gros projet. Un projet qui a aussi un impact sur le quartier. C’est vrai qu’un petit projet c’est plus à l’échelle de la parcelle alors que le vôtre c’est aussi la requalification du quartier, avec ces gradins dans la continuité de la rue… Oui c’est un autre impact et c’était aussi l’occasion pour nous de passer par toutes les phases de projet qu’on connait ici aussi.

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Tableau récapitulatif des questionnaires Membres d’ICCV-Nazemse et des bibliothécaires.

Veugeois Juliette, 20 ans

Yerbamga Safiata, 31 ans

Ouesdraogo Abdulaye, 30 ans

Lderingre Nacoulma Pauline Simon, Aïcha, 27 ans 44 ans

Stagiaire Bibliothécaire Bibliothécaire bibliothécaire

Responsable bibliothécaire

Encadrant

Encadrant

Êtes vous familier avec les Non, Non, Non, constructions en terre crue ? première fois première fois. première fois Si oui, comment ?

Non, première fois

Non, Oui, première fois a vécu dans un batiment en terre en étant enfant (10 ans)

Ques pensez vous du matériau terre crue ?

Positif. Positif. Positif. Joli, solide et L'intérieur est Température ''bon pour la frais agréable planète''

Pensez-vous que cette opinion ai changé depuis que vous fréquentez la bibliothèque ?

Confirmée. Au Inchangée fur et à mesure du stage en a appris plus sur ce matériau

Positif. Positif. Positif Solide et régule Pratique et la température bon déplacement d'air Inchangée Confirmée Confirmée. Le voisinage a aprécié le bâtiment ainsi que les visiteurs

Trouvez-vous certains avantages à la consruction en terre crue ?

Nikiema Elisabeth, 41 ans

''Très pratique''

Kafando Moussa Stephane, 27 ans

Inchangée

Température stable Durabilité et durabilité

Bonne Fraîcheur température, maintennce à moindre cout

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Trouvez-vous certains inconvénients à la consruction en terre crue ?

La construction Matériau coûte cher difficile à extraire

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Kouad Sawadogo Neerbewendin, 39 ans Coordinateur à Chef de projet à ICCV-Nazemse ICCV-Nazemse Oui, vis dans une maison en terre crue

Oui, a vécu dans une maison en pierre taillée. Les grands parents qu'il fréquente régulièrement vivient dans une case faite en banco.

Positif. L'intérieur et frais, "c'est beau"

Positif. ''Doit être promu pour ses nombreux avantages" Confirmée

Confirmée. ''Conviction totale de l'efficience de la terre''

Fraîcheur, moindre coût, accessibilité des matériaux, mise en ouevre facile

Régule la température, plus résistant, contribue à l'économie nationale, valorisation des matériaux locaux Étanchéité, Coût élevé, pas difficulté pour souvent les maçons de disponible, monter les dégradation du murs bien paysage par la droits en pierre pierre taillée et problèmes de taillée sécurité pour les riverains des carrières, laisse difficilement passer les ondes (wifi…)


Questionnaire échangé avec Rolande Konou, le 7 mai 2018 Architecte de l’école primaire de Damadé FORMATION

Quelle a été votre formation ? Où s’est-elle déroulée ? Par quels moyens : école, autoformation… ? Je me nomme Akuto Akpedze Rolande KONOU, je suis Architecte Urbaniste. J’ai été formée à l’EAMAU, École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme, une école inter-états de plus de 14 Etats fondateurs. J’y ai accédé sur concours, par une bourse partielle de mon Etat, complété par mes parents, un oncle, et mes propres revenus de mes jobs dans le domaine de l’architecture, dès ma deuxième année. Je suis fondatrice du cabinet d’architecture, d’urbanisme, de design et de green tech AXE DURABLE. Je suis aussi Entrepreneure sociale et créatrice de la start-up AfriK Durabiliterre.

Qu’en est-il plus particulièrement en ce qui concerne la terre crue et les projets bioclimatiques ? En ce qui concerne la terre et les projets bioclimatiques, j’ai découvert ces principes à travers certains cours, séminaires, et soutenances suivis à l’EAMAU. Le développement durable, en particulier, étant un point commun toutes ces techniques, est un sujet qui m’a beaucoup touchée très vite, et j’ai commencé par mener beaucoup de recherches dessus sur internet et dans les livres. Ceci a d’ailleurs largement influencé mon TPFE (Travail Personnel de Fin d’Études), qui a porté le thème : Articuler patrimoine local et Développement urbain: Un pôle de compétence touristique autour du Mont Kloto à Kpalimé – Togo. Dans ce mémoire, j’ai décrit et analysé comment le patrimoine local, dont l’architecture traditionnelle, peut être promue et servir de pilier endogène de développement pour les communautés des pays du tiers-monde. Cela a abouti à l’élaboration de plans stratégiques de

planification à diverses échelles, et d’un centre multifonction d’accueil, de production d’aliments bio, de gestion des sites éco-touristiques et de formation en tourisme responsable. Le site étant un vestige colonial que nous comptons réhabiliter avec des techniques de construction locales en terre, pierre, bois, paille.

Que pensez-vous de l’impact votre formation sur votre production et manière d’aborder le projet ? Je pense sincèrement que ma formation a été déterminante dans mes orientations professionnelles, et les résultats sont positifs. Il est vrai que déjà petite, j’aimais beaucoup accompagner mon père sur le terrain, dans les activités de son ONG APADEK, pour des travaux de développement communautaire, et que j’ai un peu de « naturaliste » en moi à la base, mais les acquis au cours des 6 ans de formation à l’EAMAU ont été décisifs. PRÉPARATION

Comment vous êtes-vous préparée à ce projet d’école primaire de Damadé ? En ce qui concerne le contexte, au pays, à la population, aux techniques constructives traditionnelles ? Le projet de construction de l’école primaire de Damadé s’inscrit dans le contexte de « Verdissons nos cahiers » une initiative des associations DEKA EWE (France) et NEJ (Togo) pour soutenir les habitants du village de Damadé avec une Ecole éco-responsable. Damadé, est un petit village de moins de mille habitants à soixante-dix kilomètres de Lomé la capitale du Togo, a besoin d’une école fonctionnelle et résistante aux intempéries pour les 150 apprenants. L’ancienne école est faite de matériaux fragiles ne permettant pas aux élèves de bien étudier. L’association Déka-Ewe s’est ainsi donnée pour mission de financer et de participer à l’édification Annexes

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d’un nouveau bâtiment scolaire plus idoine à l’enseignement et à l’apprentissage. Nous avons été une équipe de 3 architectes, 2 étudiants en architecture, et de techniciens géniecivile sollicités par la maîtrise d’œuvre dudit projet social. L’entrepreneur, ses ouvriers et la population ont également été d’un grand apport.

Pourquoi avez-vous fait le choix de la terre crue ? Aviez-vous déjà construit des bâtiments avec ces mêmes techniques ? Si oui lesquels Produire un édifice moderne, fonctionnel et durable, répondant à des critères d’écoconstruction et d’adaptation au milieu naturel, telle est la vision. Les éléments d’organisation spatiale et d’aménagement extérieur ont aussi respecté les dispositions bioclimatiques de la zone tropicale. Quant à l’architecture, nous l’avons voulue intégrée. Au cœur d’un espace rural modeste resté immergé dans un environnement naturel, il convenait d’implanter un projet en phase avec les réalités locales et assumant toutefois une projection vers le futur et la modernité. Afin de répondre à ce double objectif, la conception a opté pour un projet architectural à caractère écologique revendiquant une allure métissée mêlant matériaux traditionnels et naturels mis en œuvre de façon moderne et matériaux industriels disponibles à proximité : Briques de Terre Comprimées et Stabilisées (BTCS) pour apporter non seulement du confort thermique mais aussi une esthétique bien affirmée, fondations solides en pierres et béton. La terre a été prélevée dans un village non loin du site. Les fouilles et les remblais ont été faits en terre prélevée sur le site avec l’aide des habitants de Damadé. Le Principe de HIMO (Haute Intensité de Main d’Œuvre) a été respecté. Les fondations sont recouvertes en pierres de Damadé et la toiture est en charpente bois, du bois du milieu. Ce projet n’a pas été le seul réalisé en terre. Nous avions déjà réalisé dans la périphérie sud-est de la ville, une villa F4, un espace de commerce, minimarché et vitrine de produits locaux à la place FAO à Lomé, et actuellement en cours, une maison de campagne dénommée « Château écolo », dans les montagnes de Kloto.

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CONSTRUCTION ET TERRE CRUE

Quelles entreprises avez-vous contacté sur place ? Par quel biais cela s’est-il fait ? Nous avions des informations sur des entreprises pouvant nous accompagner dans la réalisation de nos conceptions, comme Sichem, le CCL, et bien d’autres, mais l’association NEJ avait déjà à disposition une entreprise, ENCOBAT, avec laquelle elle avait l’habitude de travailler. Nous avons donc composé avec elle.

Pensez-vous avoir rencontré des difficultés particulières liées à l’utilisation de ce matériau ? Comme relevé plus tôt, le projet n’a pas été sans bémol. Les principales difficultés ont été la réticence du comité de développement du village à l’utilisation de la terre comme matériau principal de construction, aux difficultés à l’entrepreneur, de s’adapter aux nouvelles méthodes adoptées. En ce qui concerne le cas du matériau terre, il a été nécessaire une approche hautement participative à travers plusieurs réunions et séances de sensibilisation, pour convaincre de la supériorité de la construction écologique : les matériaux traditionnels associés aux techniques modernes conduisent à des bâtiments confortables et durables. ASPECT FINANCIER

Quelles ont été les sources de financement du projet ? Le projet a été financé par Deka-Ewe, et on nous a dit que cela provenait d’un financement collaboratif, avec pour mission principale, la construction écolo.

La provenance de ces fonds a-t-il eu selon vous un impact sur votre ‘’liberté de conception’’, sur l’appropriation des futurs usagers ? La provenance de ces fonds a eu un impact sur notre ‘’liberté de conception’’, car cela nous a fait revoir à plusieurs reprises la technique et l’esthétique du projet. La technique de pisé que


nous aurions aimé faire, aurait aussi peut être aussi coûté plus cher que le budget disponible.

Ceux-ci ont-ils été difficiles à obtenir ? L’aspect financier a-t-il eu un rôle dans le déroulement du projet et sa réalisation ? Nous avons appris que les finances ont été difficiles à rassembler. La justesse des moyens a aussi poussé à rester dans le minimum possible de choix de techniques de réalisation. RÉCEPTION ET ACCEPTATION

Un travail de sensibilisation a-t-il été nécessaire ? Si oui pourquoi selon vous ? Comment a-t-il été fait ? Par qui ? Quelle réaction cela a-t-il suscité ? Le projet a suscité à la fin, à la fin de la curiosité et de l’enthousiasme, et peut-être même de la fierté cachée, à la fin de chacun. Aussi bien des utilisateurs, que des autorités publiques qui étaient là, pour son inauguration.

Pensez-vous que votre présence (en tant qu’architecte togolaise) a eu un impact particulier sur ces réactions ? Oui, ma présence en tant qu’architecte togolaise a permis de rassurer les bénéficiaires, de favoriser les échanges avec la population et l’entrepreneur. Un travail de sensibilisation de la population a été nécessaire pour convaincre les populations, du bien-fondé de l’architecture écologique. Cette sensibilisation a été organisée de concert avec les maîtres d’ouvrage, et animée par nous, munis d’affiches conçues et imprimées, de mégaphone, et de la musique traditionnelle jouée par le village lui-même.

Avec une meilleure connaissance de la formation, des habitudes des maçons togolais, pensez-vous pouvoir plus facilement à communiquer autour des possibilités de la terre que des architectes européens ? Le blocage est-il le même à la simple évocation du matériau ?

Avec une meilleure connaissance de la formation, des habitudes des maçons togolais, je ne pense pas pouvoir plus facilement communiquer autour des possibilités de la terre que des architectes européens. Le blocage n’est pas le même à la simple évocation du matériau, car le public a tendance à prendre pour parole d’évangile ce que dira l’architecte européen. IMPACT

Le CCL : quel impact le centre a-t-il sur la profession ? Sur le monde de BTP ? Sur la population ? Est-il facile d’accès ? Le CCL a pu former des professionnels dans l’utilisation de la Terre. Cela a renforcé les capacités des gens et a permis de réaliser certains prototypes dans le pays.

Avez-vous noté une différence dans le rapport à la construction en terre crue entre le début de votre formation et aujourd’hui (acceptation développement des techniques…) ? Êtes-vous beaucoup d’architectes au Togo à vouloir travailler dans le domaine du bioclimatique/construction en terre crue ? On remarque tout de même une légère évolution dans l’appropriation de son concept et de son application. Nous ne sommes pas beaucoup d’architectes au Togo à vouloir travailler dans le domaine du bioclimatique/construction en terre crue. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour conscientiser.

Quel rôle jouent les gouvernements dans ce développement (actif, promotion sans réelle implication, aucun, frein) ? On ne sent pas beaucoup le gouvernement dans ce développement.

Vous avez également travaillé auprès de promoteurs privés en tant que consultante, seraient-ils selon vous prêts à s’engager dans la filière de construction en terre ? Annexes

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Les promoteurs auprès de qui nous avons travaillé comme consultants, sont prêts à s’engager dans la filière de construction en terre.

AVEC LE RECUL

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le projet terminé ? Il y a-t-il des choses que vous auriez faites autrement ? Des problèmes qui auraient pu être évités ? Je suis fière du projet terminé. Malgré toutes les difficultés traversées, je suis très contente qu’il ait pu aboutir. Mais on aurait insisté pour prendre une autre entreprise de construction, qui maîtriserait mieux les techniques, et en serait passionné.

AUTRES

Quel regard portez-vous sur les architectes étrangers qui travaillent en Afrique de l’Ouest ? Connaissez-vous des projets particuliers ayant été réalisés par des maîtres d’œuvre ou d’ouvrage étrangers ? Je pense que les architectes étrangers qui travaillent en Afrique de l’Ouest partent soit à la découverte d’autres façons de faire, soit du gain.

Que pensez-vous de la pertinence de ces projets/ de leur adaptation à leur contexte/des conditions dans lesquelles ils sont/devraient être réalisés ? Peuvent-ils selon vous être vecteur de diversité ou de nouveaux questionnements ? Des projets réalisés par des maîtres d’œuvre étrangers sont surtout ceux étatiques, réalisés par la plupart du temps par des Chinois. Ces projets peuvent être vecteurs de diversité mais surtout de nouveaux questionnements, car ils sont calqués sur les méthodes totalement occidentales.

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Finalement, quelle définition donneriez-vous d’une architecture située ? Pour moi, une architecture située, est une architecture qui a de l’identité, et assume cette dernière, sur toute la chaîne de valeur.


Entretien avec Alain Klegbe, le 10 mai 2018 Président de l’association Nouvel Espoir pour le Jeunesse

Tout d’abord, est-ce que vous pourriez vous présenter rapidement ? Oui, je suis Klegbe Alain, je suis le président de Nej, Nouvel Espoir pour la jeunesse, une association pour les jeunes volontaires au Togo. C’est nous qui avec Deka –Ewe avons conçu ensemble le projet « Verdissons nos cahiers ». C’est une construction en terre qui respecte l’écologie et la Nature que nous avons fait à Damadé et nous l’avons inauguré le mois d’août 2016.

Est-ce que je peux vous demander comment l’idée du projet est venue, qui est à l’origine de ce choix de matériaux ? Nous avons voulu faire une construction bien en dur mais qui respecte les normes écologiques de la Nature, parce quton n’est pas sans savoir que la nature ça se dégrade et tous les produits chimiques constituent un frein au développement et l’harmonie de la nature. Alors l’idée est venue de faire cette construction pour donner un meilleur cadre de vie et d’étude aux enfants mais aussi expérimenter cette façon de construire que tous voulaient promouvoir car la matière première est abondante, disponible et moins chère dans nos milieux. Donc l’idée est venue comme ça et Deka-Ewe et nous avons cherché un architecte pour répondre à ces objectifs. C’est comme ça que Deka-ewe a contacté par internet des personnes interposées et c’est comme ça que nous avons trouvé l’architecte.

Le village était un peu réticent parce qu’il n’avait jamais vu, disons, leurs constructions sont faites en terre crue mais ils savent sa durée de vie, ils savent que ça ne dure pas, il faut apporter des réparations chaque fois. Alors disons pour une construction publique comme ça, surtout financé par des blancs, eux ils ont pensé que c’est une façon de faire une économie, je te parle de leurs idées. ‘’Pourquoi ces blancs vont faire quelque chose qui n’est pas pour durer ?’’ Donc c’est par des sensibilisations, on a fait venir Konou et les architectes, ils ont fait des exposés, ils les ont instruits sur la durabilité et surtout la façon dont les briques seront fabriquées, que ce n’est pas comme leurs habitations. Parce que quand les briques ne sont pas bien compressées, c’est là où elles prennent l’eau et ça se dégrade vite. Donc après mille explications et des exposés, on leur a fait voir des exemples de bâtiments publiques qui se sont fait ailleurs. Dans le village, ils ne savent pas que ça se fait ailleurs. C’est quelque chose qui peut durer tant qu’il est bien entretenu. C’est après ces explications qu’ils ont pu adopter le projet en conseil. Parce que on ne fait rien sans leur accord, il y a un comité de village et chaque chose c’est d’un commun accord qu’on le fait pour avoir vraiment leur adhésion. Si on n’a pas l’adhésion, l’entretien, disons leur part de responsabilité serait négligé.

Donc vous pensez que ce sont les explications qui ont aidé à faire accepter et comprendre le projet ?

Je m’intéresse beaucoup au matériau terre crue, j’y ai passé quelque temps et on m’a beaucoup dit que c’était le matériau du pauvre, que les gens n’aiment pas ça ? Est-ce que vous pouvez m’expliquer comment a réagi le village face à cette proposition, estce qu’ils étaient enthousiastes, est-ce qu’ils se posaient des questions … ?

Oui oui oui, ce sont les explications, surtout le passage de Konou qui a aidé, ça a vraiment aidé. Parce que pas mal d’informations leur sont données, et ils ont eu confiance en ces explications et les clichés qu’on leur a montrés les ont finalement convaincus.

Oui, c’est vraiment ce que vous avez dit. Au primo, l’idée n’était pas vraiment bien perçue.

Oui, elle sert même des fois de lieu de réunions

L’école est-elle bien utilisée ?

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publiques car le village n’a pas de salle ou de paillote pour le faire. Le village en profite comme l’école en profite.

Et maintenant qu’elle est utilisée, que les gens ont eu vos explications, est-ce que vous pensez que leur opinion a changé ? Oui, surtout ceux qui nous ont approché, ceux qui ont assisté depuis le début au projet. Vous savez ici quand vous n’avez jamais vu une technique quand vous ne l’avez jamais expérimenté, vous le voyez un peu de mauvais œil. Ils ont assisté, ils ont vu que quand même ce n’est pas la terre 100 % comme dans leurs maisons, les poteaux sont faits au moins avec du fer, avec du matériel dur tout ça là-dedans. Avec les explications de Konou et même des techniciens sur le terrain. Le maçon et l’entrepreneur les ont encore plus instruits sur les techniques. Leur opinion, des petits jusqu’aux grands a vraiment changé.

À une échelle plus large. Est-ce que ce genre de construction est commun maintenant au Togo ou est-ce encore marginal ? Ce que moi personnellement j’ai remarqué c’est ce sont des techniques qui commencent à prendre de la place. Parce que à Lomé vous allez voir des constructions, surtout des constructions catholiques. L’Église catholique a aujourd’hui cette façon de faire. Et certaines font même des constructions en dur et les peignent en couleur terre crue, on dirait vraiment que c’est de la terre quoi. Parce que ça devient un peu la mode. Je crois qu’avec le temps ça prendra un peu de la place. Surtout les villas, les gens qui ont déjà expérimenté parce que les avantages on en parle. Parce que il fait frais, il fait moins chaud alors qu’on est dans un pays chaud, il faudra qu’on soit plus informés, instruit sur la technique et je pense que ça va prendre de l’ampleur. Seulement qu’il faut les techniciens sur le terrain, parce que le problème est que la plupart de nos techniciens ne savent pas comment monter ces murs-là, utiliser la machine, le fabriquer. Ils ne sont pas sur le marché. Donc quand tu appelles un technicien, quand tu lui parles de ces techniques de construction, c’est eux premièrement qui vont

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te décourager. Parce qu’il sait qu’il ne peut pas le faire, qu’il ne peut pas réussir, donc il te dit que ‘’aaah ces choses-là c’est pour les blancs, ces choses-là ça ne dure pas hein’’. Donc il pourrait te décourager donc c’est toi seul qui sait ce que tu veux et qui va chercher les techniciens. Pour promouvoir ce genre de construction il faut des professionnels formés, parce que si ce n’est pas le cas ça amène à vouloir bricoler là-dessus et ça ne marche pas. Et on dirait que le système n’est pas bon alors que c’est la faute du technicien. Parce que quand il rate une brique-là ça commence à ne plus marcher et a dû le remarquer pour notre projet. Il avait deux machines pour régler les briques : une machine a été bien réglée, l’autre n’a pas été bien réglée. Et quand tu mets les briques en place tu verras une grande différence. Donc il faut essayer de faire la remarque et c’est un point très essentiel. Parce que quand on rate la fabrication des briques, tout le projet est raté.

Est-ce que pour le projet vous avez fait appel à des entrepreneurs qui connaissaient déjà la technique ? Oui, parce que après que l’architecte ait conçu le projet on a fait appel à un entrepreneur qui était censé connaître, il dit qu’il sait le faire. Mais vous savez nous avons dans notre pays cette façon de sous-traitance, après ses explications nous avons un peu compris. Lui n’a pas de machines pour les briques, donc il a dû faire appel quelqu’un qui en avait. Parce que c’est une machine qui est un peu énorme, je ne sais pas son coût. Donc c’est ce genre de machines qui n’ont pas été bien réglées et qui ont raté certaines briques. Enfait, le projet, la construction, tout a été bien fait mais je parle des briques mêmes. Et ça aurait pu faire douter les villageois de la durabilité, mais on réussi à arrêter l’hémorragie à temps. Vous qui êtes dans la promotion de ce genre de matériaux, vous devez vraiment le dire et faire attention à ça, le commencement c’est les briques.

À ce sujet-là, il y a à Lomé le CCL, le centre de Construction et du Logement, en avez-vous entendu parlé ?


Non je ne connais pas le CCL. Il y a pas mal de centres qui commencent à prendre jour dans le pays, pour promouvoir de ce genre de construction. Mais là où notre entrepreneur a pris la machine c’est un peu parapublique, ouai c’est peut-être ça. Parce qu’ils ont des machines peut-être plus grosses, à moteur. En tout cas il y a pas mal de ces choses-là qui commencent.

Pour revenir sur Damadé, est-ce que des gens du village ont participé à la construction ? Oui oui, nos projets on a l’habitude de les construire avec les gens du village, donc ils ont leur part de participation. Comme c’est des trucs un peu techniques, ils ont proposé de nous assister. Donc ils ont observé, ils ont participé à toute la construction. Donc ils ont fourni de la main d’œuvre non qualifié, ils ont fourni certains matériaux aussi : le sable ramassé sur le terrain, toute l’eau pour le maçon.

chaque deux mois, nous faisons le déplacement vers le village pour des réunions régulières, avec eux c’est ensemble qu’on a conçu le projet. S’il y a des modifications on les fait ensemble et on fait des feuilles de route. Maintenant que l’école est construite, c’est là où il y a un peu la réalité du projet. Vous n’êtes pas sans savoir que ces derniers temps le Togo a connu de grosses grèves donc l’école n’est plus active. Donc ça serait inutile d’aller voir l’école vide car chaque semaine il y a les grèves. Donc depuis que j’ai votre enquête on n’est pas retourné. Mais on est en train de programmer une visite dans les prochains jours. Donc en l’absence de Deka ewe on travaille avec ce comité-là, si il y a des remarques ou des urgences on le programme vite fait, on va au village et on discute ensemble. Et on met au point des solutions.

Ça permet peut être que plus s’approprier le bâtiment .. Voilà, voilà, voilà. Ils ont même promis une quantité de gravier, de concassé. Le quota n’a pas été respecté mais ils ont fait de leur mieux quand même. Ils ont participé à la hauteur de leurs moyens mais on ne leur a pas demandé de l’argent.

Et NEJ ? Comment vous rentrez en contact avec le village, pour engager le projet ? Quand on a terminé notre construction d’école dans une autre région, on a eu à faire de la prospection. Donc nous sommes partis dans des villages qui nous ont sollicités parce qu’ils ont eu écho des projets et nous ont sollicité. Nous avons pris un an pour faire des prospections et c’est là que nous avons rencontré Damadé et que nous avons conçu le projet ensembles. Avant de réaliser le projet on met en place un comité avec nous et les acteurs du village, les organisations du village : par exemple on peut voir la chefferie, le comité des femmes, et surtout comme on œuvre dans le domaine de l’éducation il y a aussi l’école, le comité des parents d’élèves. Et c’est ce comité qui se voit chaque mois ou Annexes

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Entretien avec les autorités villageoises, le 5 octobre 2018 Maîtrise d'ouvrage, comité de village et directeur de l'école primaire de Damadé. Alain Klegbe : Comme vous le voyez aujourd’hui je suis venu pour faire une réunion et fait un point sur la situation après la rentrée mais je suis aussi venu avec une invitée. Je vous en avais déjà parlé, c’est une jeune architecte qui étudie la construction en matériaux locaux ici, au Togo. Elle était beaucoup intéressée par notre école et elle a profité d’un séjour à Lomé pour nous rendre visite. Alors je vais lui laisser la parole et je continuerais après elle.

Bonjour à tous, merci de me recevoir aujourd’hui. Comme l’a dit Alain je me suis beaucoup intéressé au projet de votre école primaire. J’ai pu en discuter avec lui, avec Rolande Konou mais je voulais aussi avoir votre retour, connaître vos impressions, vos remarques sur ce chantier. Est-ce que vous pourriez me dire comment cela s’est passé, le projet, le chantier, les matériaux utilises. Avant que ça se construise qu’en pensiezvous ? Et maintenant que les enfants vont à l’école ? Avant vraiment c’était difficile. Le bâtiment est entièrement en matière locale, le sable. Seulement la toiture que vous voyez, est faite en matière industrielle. Pour la charpente, le mur c’est entièrement local on est allés le chercher ici. Alain Klegbe : Donc pour vous, comment estce que vous avez perçu la technique, ce qu’elle veut savoir aussi c’est quelle est votre remarque sur cette nouvelle technique là, comment est-ce que vous l’avez vraiment vécu, le boulot, tout le chantier ? Bon, bon elle a été bonne quand même. Mais ça reste à améliorer.

Quelle sont selon vous les points à améliorer ? La fabrication des briques certainement. Alain Klegbe : Les techniciens, il leur reste à bien maîtriser la technique. Parce que ça a été … je complète en même temps… ça a été un des problèmes pour eux. C’est à eux de mieux maîtriser.

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Oui c’était une première pour eu aussi, pour toute la région des plateaux. Il faudrait construire comme ça, entièrement en matière locale Alain Klegbe : Si vous le remarquez bien, la terre a pas été très très bien compressée. Pour que ça dure sur le temps. Parce que quand c’est pas bien compressé, quand l’eau les frappe ça les effrite un peu avec le temps. J’espère qu’avec le temps ce ne sera pas trop endommagé. Sinon on sera obligé de rajouter du ciment et c’est ce que l’on ne veut pas faire. Pour que le bâtiment reste le plus naturel possible. Mais c’est la technique qui reste à améliorer.

Est-ce que dans le village il y a eu d’autres bâtiments que vous avez construits sur cette base-là ? Oui, tu vois les cases là, elles sont toutes faite en terre. Mais tu vois les dommages que ça fait, l’eau les touche et ça casse tout. C’est pour ça que les techniques traditionnelles sont à améliorer. Il faut aussi bien enlever les grains, les cailloux dedans. Juste de la terre, pour que la compression soit bien faite. Il faut vraiment dégager l’impureté. Peut-être vous qui avez fait des études dans le domaine, c’est peut-être à vous de plus apporter aux techniciens qui sont sur le terrain. Parce que eux comme nous on est que les observateurs, on a pu observer qu’il manque cette finesse-là. Alain Klegbe : On a longuement discuté là-dessus, on a eu à faire des remarques aux techniciens, à l’architecte.

Oui, parmi les gens que j’ai rencontré c’est souvent cette remarque qui ressort. C’était la formation des professionnels, qui étaient assez peu formés, et qui essayent petit à petit à s’adapter à de nouvelles techniques qu’ils connaissent peu. Il y a assez peu de centres de formation, il y en a deux à Lomé mais ça reste localisé. Parce que il y a certains bâtiments qui ont été construit il y a 30 ans qui tiennent très bien. Alain Klegbe : Oui surtout les bâtiments des catholiques.


C’est ça, eux ils ont trouvé les bons techniciens, c’est très joli aussi. C’est la même matière hein mais ils l’ont beaucoup amélioré, avec beaucoup de finesse.

En montrant le fond de la cour : c’est la terre là qu’on a utilisé juste là. Même le sable il vient d’à côté-là. Et on badigeonne de temps en temps avec cette terre-là, pour la protection.

Je voulais vous demander aussi, à vivre comment c’est ? Oh on est plus à l’aise ! On l’apprécie, les enfants ont plus de place et il fait frais, même nous on aime y faire nos réunions. Pour l’ambiance c’est un gain, on a beaucoup gagné. Les enfants sont plutôt à l’aise et puis ils viennent très tôt par rapport à avant. Avant on rentrait à 15h30 à cause de la chaleur, maintenant, déjà à 14h ils sont là alors c’est un gain pour eux.

Et alors avant que tout cela ne commence lorsqu’on vous l’a proposé, quelle a été votre première impression ? Notre première impression vraiment était négative, parce que c’est une nouveauté, on avait peur que ça ne marche pas. Et quand l’architecte est venue nous présenter le plan, là c’est bien qu’elle soit venue. Avec des photos de grand bâtiments fait avec cette technique, ça nous a convaincu.

Et est-ce que vous voudriez continuer à construire avec ces techniques si elles étaient améliorées ? Je pense que oui, parce que c’est un gros avantage pour la chaleur. Et c’est bon, c’est joli. Moi-même pour moi je voudrais construire comme ça.

Si vous voulez, je peux vous donner quelques contacts, notamment celui du Centre de la Construction et du Logement, à Lomé. Ils sont capables de vous transmettre un grand nombre d’informations, de contact sur ce sujet. À Lomé ici ? Est-ce que on pourrait les avoir ? Estce qu’ils savent même qu’il y a un bâtiment ici ? Alain : oui elle va vous les donner, comme ça soit vous les contactez, soit vous le donnez à votre technicien qui va pouvoir aller s’informer. Parce que le premier qui est venu faire les parpaings, il n’était pas maître en la matière. On a du dégager le premier. Et on en a pris un autre pour consolider. C’est lui-même qui vraiment nous a dit qu’il y avait un problème. Annexes

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Entretien avec Antoine Dzamah, le 1 octobre 2018 Co-fondateur du centre SICHEM Travailler avec la terre, pourquoi ?

S’habituer à la technique

Découverte de la BTC stabilisée avec un assistant technique belge qui travaillait ici dans les années 80. « Pas besoin d’enduit pas besoin de peindre, un peu de technique et beaucoup de main d’œuvre et ici on en a beaucoup de la main d’œuvre. On a trouvé que ça convenait au milieu ».

« Ça c’est très dur, c’est pour ça on essaye de plus en plus d’avoir nos électriciens, nos plombiers … regrouper le plus de compétences … sinon ils abîment ». « Quand on a travaillé sur l’institut, on a eu beaucoup de difficulté parce qu’ils ne respectent pas, ils pensent qu’on va repasser, cacher … Il faut prévoir ».

Pourquoi la production ? « Déjà pour les premiers bâtiments on a fait venir un maçon ici avec l’assistant pour former deux trois personnes ». « Les gens sont venus nous solliciter quand on a fait les premiers bâtiments et à partir de là on a continué à former les jeunes. Et après il faut qu’ils travaillent alors on a commencé à les organiser en équipes ». « Ils travaillent à l’extérieur du centre mais aussi au Mali, au Nigeria, au Bénin… il y a aussi des jeunes qui sont partis là-bas et qui ne sont pas revenus ». Qui est formé ? « Il y a des personnes déjà maçons, notamment ceux du début mais on préfère travailler avec des jeunes. Parce que les jeunes ils ne connaissent rien et prennent les bonnes habitudes ». « Quand tu es déjà un professionnel, le niveau, la règle, la corde … et que tu es habitué à travailler avec le parpaing c’est dur d’accepter qu’on te réapprenne ». Durée de formation : 2 ans/2ans et demi 18 mois pour des jeunes qui ont le BAC : pas seulement une formation de maçon mais « des gens qui peuvent les encadrer, qui ont un niveau de technicien ». « La plupart partent à l’étranger parce que le togolais veut pas payer la main d’œuvre mais le matériau, ils gagnent bien leur vie dans la construction ailleurs ».

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Fabrication De 7/8 à 12% de ciment pour les ouvrages particuliers, testés au laboratoire CCL Presses mécaniques uniquement. Le centre a eu utilisé des presses mécaniques mais ce n’était pas bon pour le rendement et demandait un grosse consommation électrique. BTC : 125 F « mais si vous avez la terre sur place ça coute pas si cher »

Perception « Les gens pensent parce que à Lomé il y a quelques ouvrages ... remarquables mais enfait c’est pas cher ! ». « C’est ce que je viens de voir là, que vous n’avez pas de gros moyens mais vous avez construit tout ça, je ne pensais pas», Clément, chanteur, pendant la visite du Centre. « Pour ma prochaine construction là je vais utiliser ça ». Freins Travail de communication : « l’an dernier on a fait deux émission avec la TVT alors les gens sont intéressés, ils appellent ». « Mais il n’y a pas assez de gens formés encore c’est ça le problème » « C’est aussi le travail du maçon de sensibiliser parce que ici c’est principalement lui influe sur la construction quand il n’y a pas d’architecte ».


Entretien avec Benoit Agbeve, le 4 octobre 2018 Fondateur de Éco-Vision Togo et de l'association Éco-Centre Togo Parcours Obtient une bourse pour étudier en Belgique, il y passe son CAP Soudeur et Serrurier-Métallier. Enseigne avant de travailler 7 ans pour la ville de Liège comme formateur en réinsertion professionnelle. Formations en écoconstruction et restauration du patrimoine. Création de l’entreprise ECO-VISION en Belgique : formation, conseil, recherche, construction (5ans).

Togo Rentre au Togo, contacte le CCL pour échanger et développer de nouvelles compositions de briques, enrichies en fibres de coco… « Mais ce n’est pas allé beaucoup plus loin alors j’ai décidé de créer ma strcuture [n.d.r. Ecovision]» Association : Eco-Centre-Togo, : former à « l’écobio-construction ».

Formations gratuites Financées par les droits d’adhésions, les associations partenaires, de dons. Maçonnerie (fabrication des BTC, les techniques d’application, des règles de sécurités et des cours de remise à niveau en mathématique et en français), la menuiserie, la charpente

« La première promotion est actuellement en stage, pour beaucoup à l'étranger, et a été diplômée l’année dernière. Le centre est aujourd’hui en stand-by et en recherche de financements pour l’année prochaine ».

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Entretien avec Mrs. Yolou et Takpeke , le 4 oct. 2018 Directeur et dessinateur au Centre de la Construction et du Logement et projecteur Centre de recherche en matériaux locaux créé en 1971 avec le soutien de l’ONU et de l’État togolais. Aujourd’hui, le centre vit grâce aux financement de l’État et la vente de produits (mais ce n’est pas sa vocation première). Ils déplorent le peu d'initiatives privées, comme de Centre SICHEM, qui permettrait de répondre à cette demande. 60 personnes y travaillent à plein temps, puis s’ajoutent des vacataires quand il y a besoin d’augmenter l’effectif. Le bâtiment est en réhabilitation depuis 2ans (problèmes financier). Alors en poteau-poutre béton et façade rideau, ils ont jugé plus pertinent d’utiliser la BTC comme remplissage.

Expertise

Production

Expérimentation

BTC, Briques cuites, Décors. BTC : 95 F (prix social mais coute moins à la fabrication 75 F)

Déchets de chaux, coques de riz (pour les fauxplafonds), coques d’arachide ... Mais plus compliqué parce que non disponible en grande quantité

Location machine : 3000 F Transport : 1500 briques/aller = 45m²S : 16 m² sol 3m Main d’œuvre : 11 F/brique Dimensions standards : 29*9*14 (parfois à la commande les clients veulent de plus grandes briques pour aller plus vite au montage mais plus elles sont grandes moins la compression sera bonne) 1cm joint 1.5cm enduit : micro enduit à joints tirés, un peu plus dosé que les briques Fonctionne par équipe de 4 autours d’une presse (ne font que de mécanique) 13 paquets par jours, 85 briques par paquet : Taux de stabilisation env. 8% 1m² = 33BTC 2 semaines de séchage, sous hangar si saison sèche

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1* Conseil et devis : en phase APS > consultation des entreprises. Avec plans ou simplement surface de murs pour l’estimation du nombre de briques Aide à la rédaction du dossier de consultation Contrôle de qualité de la composition 2* Soit l’entreprise achète les briques sur place + transport Possibilité choisir moule mais risque de briser les arrêtes pdt le transport * Soit l’entreprise loue la machine + moule + Moeuvre

Origine de la terre Zones maritime : bonne terre ou un peu trop d’argile > + sable Pour s’en assurer : envoyer un échantillon au labo et ils l’analysent pour donner le bon dosage

Formation Stages pour les étudiants en génie civil ou architectes : L’EAMAU viens régulièrement visiter et des formateurs du CCL y vont Centre d’examen pour BT CFA maçonnerie Des maçons déjà établis qui viennent se former d’un peu partout Quand un grand projet (d’État) se forme en terre, ils se déplacent sur place pour former les maçons (env 10jours) et leur délivre une attestation pour continuer tout seuls.


Exemple formation Kara : 30 maçons (FNAFPP)(Front National d’Apprentissage, de Formation et de Perfectionnement Professionnel qui finance la formation) CRM : Chambre Régionale des Maçons. Assistent les particuliers qui veulent construire en terre mais aussi pour les rassurer, pour leur en parler.

Dans le centre Labo, bureaux, aire d’expérimentation, aire de tests, bains de chaux, four à chaux, four à briques, hangar (faire sécher les briques), four à planche de coffrage, aire de fabrication de BTC Habitations témoins construites par le centre en BTC, accueille les étrangers, les stagiaires, les maçons en formation …

Déploiement Un des problèmes c’est aussi de ne pas être décentralisé : présents que à Lomé. Mais des constructions se développent même jusque Kara

Freins

La faible implication de l’État : « qu’ils s’investissent leur montre que ça doit être une bonne solution » Exemple Benin : oblige à 25% de son utilisation Peu de campagnes de sensibilisation Trop peu de formation, « les maçons ne maîtrisent pas ». Le centre souhaiterait que plus d’établissement privés prennent la fabrication et la formation en charge.

Perception de la terre « Les gens en ville pensent que c’est un matériau de riche, dans la brousse ils en ont marre de la terre et veulent changer, ils pensent qu’on veut leur refourguer ça », Wiyaou TAKPEKE. Annexes

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Entretien avec Koffi Francis , le 25 septembre 2018 Intendant de l'Institut Français du Togo, ancien électricien pour Afritech sur le chantier de l'IFT à Lomé et du couvent Notre- Dame du Cénacle à Vogan. Diocèse de Vogan MO : Cenâcle Côme LeDuc MOE : Patriarche + Edaoba (architecte local) + Kogny (architecte chantier) LOTS : Peinture etopeb Couverture métallique SECMI Menuiserie Bois BMMG Plomberie, panneaux solaires SEEE-ci Courant fort courant faible Afritech Gros œuvre ICO Maçonnerie terre SICHEM Durée : 2009-2010 à 2014-2015 (4ans)

Chantier Fabrication manuelle des BTC dans les deux cas. Dimension : 30*14*9.5 et des plaquettes pour coller sur les poteaux. Composition : 1 paquet de ciment pour 3 brouettes de terre rouge : 100 briques « Des fois on ajoute de la fibre de coco » « Ils tournaient à 2, 3 équipes avec les machines. On est payé à la quantité alors certains veillent pour en faire plus »

La Terre L’architecte qui a choisis « C’est le premier projet en terre d’Afrique ». « Ici, des murs sont vraiment structurels mais pour le palais du gouverneur il y a un mur banché à l’intérieur. » La terre provient Dde la région de Vogan (1h), pratique pour le couvent, amenée à Lomé pour l’IFT

Une première expérience Il s’agissait d’une première pour les autres corps de métier, qui eux aussi ont dû s’adapter.

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« Nous tous on n’avait jamais travaillé avec la terre, le Sichem eux ils avaient déjà la main ». « Dans ces chantiers, tout le monde est lié à la terre : le menuisier, le plombier… » Une méthode différente, beaucoup plus appliquée pour les techniciens. Il faut savoir bien lire les plans, maîtriser la lecture du niveau, … les reprises sont facile à faire sur du béton, beaucoup moins avec la brique de terre. « Au début je préférais le béton parce que si ça ne va pas on peut facilement recommencer. Mais la brique de terre te pousse à être un meilleur technicien, à être très précis » Mais aussi il faut moins de force, de machines … parce que c’est prévu, il y a les gaines. Mais il faut passer plus de temps sur le chantier : être là dès le début au lieu d’enchaîner les périodes rapides Pour passer les fils, il faut placer le boitier en creusant petit à petit la briques, puis creuser les trous briques par brique avec une tige de fer pour passer les fils. « On m’a dit de ne pas scier le mur. D’intervenir en même temps que le gros œuvre. »

Encadrer et former les autres corps de métier « Avant [n.d.r. à l’époque du diocèse], ils [n.d.r. Sichem] ne faisaient que les murs terre puis pour l’Institut Français ils ont eu tout le gros œuvre » . « Sur l’Institut comme le Sichem a pris en charge tout le gros œuvre ils sont intervenu dès le début de la construction, pour être là à chaque instant ». Une opinion « C’est très bon, grande fraîcheur ». Au couvent, la climatisation n’a pas été installée dans toutes les pièces, uniquement dans le secrétariat et le bureau de la directrice. Avec la ventilation et la terre ça suffit. C’est aussi plus


économique. En me montrant les photos de chantier de la construction : « on a envie de revenir voir les bâtiments qu’on a construit, voir comment ça vit ». Il y a eu des visites d’étudiants de l’EAMAU ; « Ils se demandaient où passent les câbles, il y avait beaucoup de surprise. » « L’esthétique, ça compte aussi, souvent on fait une teinte avec de l’eau, de la terre rouge et de la colle pour enduire les bâtiments. »

Quelle sélection pour les entreprises Se fait par appel d’offre mais aussi par contact, « quand l’architecte demande à celui qui a déjà fait avec qui il avait travaillé. » Des fois des maçons qui maîtrisent se font débaucher pour travailler à leur compte.

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Entretien avec le Père Benoît , le 27 septembre 2018 Membre de la congrégation St-Jean, habitant de la paroisse universitaire La première expérience de la congrégation en BTCs était en Guinée, 19808-1990, et avait été beaucoup apréciée. Il y en aura bientôt une nouvelle à Kara, encore plus grande.

Programme Deux parties autonomes, la paroisse et la médiathèque. Médiathèque (salle informatique, bibliothèque, salles de travail en mezzanin) Cafétéria (cuisines, mezzanine et salle de restaurant, terrasses haute et basse) Amphithéâtre, salles de cours, logements pour les séminaristes Bureaux et cellules des prêtres Église et chapelle

Site Autrefois appelé le « bas-fonds St-Joseph », « c’était une décharge sauvage au bord de la lagune où se déroulaient des activités vaudou ».

Projet La congrégation avait la mission de formation des étudiants, qui manquent d’endroit et de structures pour étudier. « Motivé par Frère Etienne qui a beaucoup discuté avec l’architecte allemand » Construit en 2004.

La terre Sortir de l’ordinaire, moderne, confortable, utilisant les matériaux locaux. « C'était une évidence pour nous ». Regette que les briques soient de moins bonnes qualités que dans d'autres bâtiments en terre qu'il connaît. Mais ils ne voulaient pas les enduire pour laisser les briques vraiment visibles.

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« Les sœurs nous ont alors copié pour de couvent du Cénacle ». Visibilité L'Angora Sanghor (amphithéâtre le plus grand de la ville) amène beaucoup de monde dans le complexe. Beaucoup d'évènements sont organisés et permettent de découvrir le matériau. Souvent les visiteurs, les étudiants sont supris. Mais ça fait aussi parler du lieu, une bonne chose.

Inconvénients « Il faut faire attention pendant la conception où on met les box wifi parce que ça ne passe pas à travers les murs ». « Ça a été fait rapidement et sans enduit et donc ça s’abîme un peu dans les angles »


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