VALLAT MARION
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ARCHITECTURE SPONTANÉE Nouvel enjeu urbain
Master «Architecture entre usages et paysages urbains»
REMERCIEMENTS Je souhaite remercier mon enseignant référant, Florian Golay, pour son suivi, sa disponibilité ainsi que son aide dans la construction de mon travail. Ensuite, je remercie Cécile Leonardi et Stéphanie Dadour pour leurs corrections apportées et leur aide dans l’étoffement des problématiques engagées. Enfin, je tiens à remercier ma famille pour leurs relectures et leur patience.
ARCHITECTURE SPONTANÉE Nouvel enjeu urbain
Directeur de mémoire : Florian Golay Juin 2016 E.N.S.A.G.
SOMMAIRE INTRODUCTION P.3 1 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION P.9 A travers l’étude de cas de PREVI
1.1 Quartier expérimental de PREVI : planifier l’informel p.10 1.2 Reconnaissance des barriadas comme alternative urbaine p.16 1.3 Une architecture inclusive p.21 2 LA NON INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION P.29 A travers l’étude de cas de la «jungle» de Calais
2.1 Calais : édification d’une «oeuvre collective» p.30 2.2 Une politique d’expulsion destruction p.40 2.3 Une «ville monde» p.45 3 «ARCHITECTURE SANS ARCHITECTE», NOUVEL ENJEU DE L’ARCHITECTE P.55 3.1 Hassan Fathy, «l’architecte aux pieds nus» p.56 3.2 Alejandro Aravena, Le Pritzker controversé p.58 3.3 «Habiter le campement», une nouvelle forme de ville qui fait débat p.61 CONCLUSION P.65 BIBLIOGRAPHIE P.69 ANNEXES P.73
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INTRODUCTION Avec la médiatisation du démantèlement de la zone sud de la «Jungle» de Calais, la question de l’habitat informel se situe au cœur de l’actualité. Différents discours de politiques, journalistes, sociologues, anthropologues, architectes s’entremêlent. Cette actualité remet en question la légitimité de l’habitat de campement dans la ville. Cette «œuvre collective»1 qui fait ville, questionne le statut de ces quartiers auto-construits qui échappent à la norme dans la fabrique planifiée de nos villes. L’habitat précaire tend à créer de véritables morceaux de ville dans la ville. Il s’exprime et se montre comme un véritable outil de développement urbain. «L’habitat spontané entraîne progressivement le repositionnement des acteurs de l’urbain(...)»2 , architectes et urbanistes, face à la fabrication de la ville du XXIe siècle. Alors que l’ONU-Habitat appelle à respecter cet habitat précaire, à le considérer comme un processus urbain utile et à améliorer, en France, comme ailleurs, l’habitat précaire est aujourd’hui une des grandes questions posées aux architectes. C’est un phénomène social mondial. En effet, face à la surpopulation des villes due à la croissance démographique et aux nombreuses vagues de migrants, des milliers de personnes s’établissent et s’organisent de manière durable dans ces campements pour «habiter» et «faire ville».Ce phénomène se retrouve dans les métropoles sud-américaines et dans les pays en pleine croissance urbaine mais ne demeure qu’un phénomène marginal dans les métropoles d’Europe du Nord et des États-Unis. D’après l’ONU, sur trois milliards de personnes habitant en ville aujourd’hui dans le monde, un milliard vit sous le seuil de pauvreté dans des quartiers défavorisés. En 2030 il est prévu que la population pauvre urbaine augment de 2 milliards (sur une population de 5 milliards vivant dans les villes). De ce fait, les personnes sans logement construisent par nécessité vitale. Cela entraîne le développement anarchique de quartiers composés de maisons fragiles, surpeuplées et non reliées aux réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement, et un étalement progressif des mégapoles au détriment des zones rurales. Julien Damon décrit ce phénomène de «bidonvillisation»3 du monde. Il est important de définir et de différencier les termes utilisés pour s’exprimer autour de ces quartiers. Dans chaque pays, les habitats précaires sont désignés de manière différente. La distinction de ces types de quartiers à l’intérieur d’une ville reflète les différentes situations et processus de chacun par rapport à la législation, le type de construction et son évolution. Ces termes témoignent des
1. S. Thiéry, A. Hennion, «Réinventer Calais», Le Monde, 23 février 2016. 2. C.-C. Tetropoulou, «Quartiers d’origine spontanée : Approche critique de la planification urbaine, villes d’Amérique Latine et de la Méditerranée», article en ligne consulté en juin 2016, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00201831 3. J. Damon, «Métropolisation et bidonvillisation, les deux visages de la dynamique urbaine», article en ligne consulté en février 2016, http://www.slate.fr/monde/83937/metropolisation-bidonvillisation-dynamique-urbaine
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caractéristiques de ces quartiers informels selon trois thématiques illustrées par le graphique ci-dessous. La première révèle la formation de ces quartiers précaires, la deuxième renseigne sur les matériaux utilisés et la troisième sur les conditions de vie.
ION MAT FAVELA R FO Plante envahissante-Brésil
UX ÉRIA TANAKE T MA Tôle ondulée-Liban BAIRRO DE LATA
GECEKONDU
Quartier de boîtes-Portugal
Il s’est posé cette nuit-Turquie
MUSSEQUES
INVASIONES
Invasion-Equateur et Colombie
Quartier de terre rouge-Angola
POBLACION CALLAMPA
KARTONSKO NASELIJE Ville en carton-Serbie
Population champignon-Chili
KATCHI ABADI
PUEBLOS JOVENES Jeune quartier-Perou
Maison de terre-Pakistan
AASHWA’I
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Aléatoire-Egypte
HABITAT SPONTANÉ
IONS DITVILLA MISERIA N CO Ville misère-Argentine ELENDSVIERTEL
Quartier misérable-Allemagne
ASENTAMIENTO
Campement provisoire-Guatemala
BARIO FEO
Quartier laid-République dominicaine
CIUDAD PERDIDA Ville perdue-Mexique
PRECARIO Précaire-Costa Rica
A travers ce mémoire, nous utiliserons le terme d’habitats spontanés pour évoquer les habitations précaires construites le plus souvent par les habitants eux-mêmes. Le terme spontané signifie une action «qui se fait de soi-même, sans avoir été provoquée, qui se produit sans cause apparente» ou «qui échappe aux règles établies, aux prévisions calculées»1. Cependant, les habitants des quartiers spontanés en situation d’exclusion socio-économique, n’ont pas d’autres choix que d’établir leur maison hors de la planification urbaine, hors de tous circuits classiques de production, comme le souligne Yvan Illich2. Ces quartiers n’ont pas la possibilité de choisir un autre type d’habitat. C’est à la fois un choix spontané et imposé. Ce processus renvoie au fait que l’acte d’habiter «est un trait fondamental de l’être»3. 1. Définition issue du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) 2. Penseur de l’écologie politique et figure importante de la critique de la société industrielle,. D’après lui, l’habitat informel «est vernaculaire, construit non pour le marché immobilier, mais pour habiter et avoir un foyer.» 3. Théorie apportée par le philosophe allemant M.Heidegger.
En s’inscrivant hors des plans urbains, ces quartiers sont considérés du point de vue législatif comme informels. Leur statut illégal renforce la fragilité de ces habitats qui peuvent à tout moment être expulsés et détruits pour raison de non-conformité. Cette dernière est justifiée du fait de l’insalubrité de ces quartiers auto-construits, par le non accès à l’eau potable et à la non gestion du ramassage des ordures ménagères. Le terme le plus connu pour désigner ces quartiers spontanés est celui de bidonville. Ce terme décrit les habitats à travers les termes de provisoires, précaires ou construits en matériaux de fortune. Il désigne également la construction d’un abri par nécessité de se loger pour une courte durée. Mais dans la plupart du temps, notamment à Calais, cet habitat provisoire devient pérenne, comme dans certaines villes d’Amérique latine. Seulement, ce terme est utilisé pour désigner les quartiers précaires, mais ne tiennent pas compte de leur évolution en construction en dur. Actuellement, l’ensemble des quartiers spontanés n’est pas uniquement construit en matériaux de fortune mais en d’autres types de matériaux tels que le béton, ciment, briques... (favelas au Brésil, gecekondu en Turquie). De ce fait, le terme de bidonville s’applique uniquement au statut initial du processus d’auto-construction. L’auto-construction décrit le moment où ces quartiers spontanés se mettent en place, en répondant au seul besoin naturel de se loger. Nous parlons alors de quartiers auto-construits. Ainsi, dans le cadre de ce mémoire nous privilégierons le terme de quartiers spontanés et auto-construits. Afin d’étudier le processus d’intégration du phénomène de quartier spontané dans la planification urbaine, nous allons dans un premier temps nous intéresser au quartier expérimental de PREVI (Proyecto experimental de vivienda) à Lima au Pérou. Ce projet fut réalisé dans les années 60, époque où les fondements de l’architecture moderne sont remis en cause et s’orientent vers une réflexion sociale, afin d’offrir un toit pour le plus grand nombre. L’État péruvien, dans ce contexte, a proposé un concours international afin de concevoir en ensemble de 1500 logements sociaux dans le quartier de PREVI pour «remplacer les taudis qui recouvrent les immenses bidonvilles de l’Amérique latine»1. Ce projet intègre l’architecture spontanée dans la planification urbaine de l’architecture planifiée. Nous analyserons dans un deuxième temps la «jungle» de Calais. Cette «oeuvre collective»2 qualifiée également de «ville monde»3, est présente sur le territoire français depuis 2002. A l’image d’un bidonville, bien que quelques abris furent construits par Médecins sans frontières (MSF), la «jungle» de Calais
1. G.Candilis, Le fond du problème, In Bâtir le vie : un architecte témoin de son temps, Gollion, Infolio, Archigraphy poche, 2012, pp.301-314. 2. S. Thiéry, A. Hennion, «Réinventer Calais», Le Monde, 23 février 2016. 3. S. Thiéry, A. Hennion, «Réinventer Calais», Le Monde, 23 février 2016.
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s’est organisée telle une véritable ville dans la ville. Tout comme le souligne Cyrille Hanappe en reprenant la définition de la ville d’Aldo Rossi, Calais fait ville car elle comporte en son cœur les trois permanences qui font ville : «le viaire, les monuments et les typologies d’habitat»1. Bien que ces deux études de cas soient antagonistes de part le statut des habitants concernés (pour PREVI il s’agit de ressortissants du pays et pour Calais de migrants), l’objet de ce mémoire consiste à décrire comment l’architecture spontanée est intégré ou pas dans la planification urbaine, à travers deux pays aux politiques différentes. Enfin, il s’agit de rendre compte comment l’architecte se positionne et fait de l’architecture spontanée son objet d’étude à travers deux figures d’architectes, Hassan Fathy, «l’architecte aux pieds nus» des années 60 et Alejandro Aravena, le Pritzker 2016 controversé, .
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Dans ce contexte, ne s’agit-il pas de repenser le statut de ces quartiers spontanés, leur trouver l’espace et le temps dans la fabrique de nos villes planifiée, apprendre à leur être utile dans nos pratiques d’architectes? Dès lors, si l’architecte agit dans ces espaces auto-construits, comment se mobilise-t-il face à cette architecture spontanée ?
1. C.Hanappe, «Les leçons urbaines de la jungle», Libération, 6 mars 2016
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1. STRATÉGIE D’INTÉGRATION
DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION A travers l’étude de cas de PREVI
Le Pérou fait partie des plus importantes populations vivant en bidonvilles. 68,1% de la population urbaine, soit 13 millions d’habitants, vit en bidonville1. Du fait de cette forte concentration d’habitants occupant des habitations précaires, des «mégabidonvilles» voient le jour. C’est le cas à Lima, où la plupart des habitants pauvres vivent dans ces «mégabidonvilles» s’étirant en rayon depuis le centre-ville1. Dans les années 60, pour remédier à la concentration de bidonvilles, l’État est intervenu afin de lancer un projet pour reloger les habitants en situation précaire afin de favoriser leur ascension sociale. Ce projet, nommé PREVI permet de concilier ainsi architecture planifiée et spontanée.
1.1 QUARTIER EXPÉRIMENTAL DE PREVI : PLANIFIER LES QUARTIERS SPONTANÉS 10
ORIGINES DU PROJET PREVI /
En 1965, le gouvernement péruvien et les Nations Unies ont invité l’architecte britannique Peter Land afin de concevoir une stratégie de logements de masse pour remédier à la prolifération des quartiers informels, barriadas, due à la crise du logement dans les années 60 au Pérou.
Situation côtière de Lima - source EqA
Barriadas, quartiers spontanés - source EqA
Dès 1966, des discussions commencent avec le gouvernement péruvien sur le PREVI (Proyecto Experimentale de Vivienda) qui prend forme suivant quatre projets pilotes : PP1 : création d’un ensemble de logements comportant neuf typologies différentes 1. Source : M.Davis, Le pire des mondes possibles, De l’explosion urbaine au bidonville global, Paris, La Découverte, 2006, p.27
PP2 : Renouvellement des secteurs résidentiels détériorés et de leur environnement PP3 : Projet de logements et équipements urbains fondé sur l’auto-construction PP4 : Projet de recherche sur les systèmes constructifs en zones sismiques
Plan directeur Peter Land comportant les projets pilotes - source EqA
UN PROJET INTERNATIONAL /
Situation du Projet PRECI PP1 par rappor à Lima - source EqA 1.«Entre los conceptos propuestos por el concurso estaban la racionalización, modulación, tipificación, crecimiento progresivo, flexibilidad y función, PREVI LIMA : 35 Anos Después», ARQ, n°59, Marzo 2005, pp. 72-76
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Nous nous focaliserons sur l’étude du premier projet pilote PP1. Ce dernier s’est organisé autour d’un concours international afin de concevoir un ensemble de 1500 logements sociaux dans le quartier PREVI, sur un terrain de 40 hectares au nord du centre-ville de Lima. Treize architectes internationaux ont été invités à participer : Christopher Alexander, Georges Candilis - Alexis Josic et Shandrach Woods, James Stirling, Toivo Korhonan, Charles Correa, Iniguez de Ozono et Vazquez de Castro, Esquerra et Samper, Aldo van Eyck, Kikutake - Kurokawa et Maki, Svenssons, Hanson et Hatloy, Herbert Ohl, Atelier 5.
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Un concours national fut organisé pour sélectionner treize architectes péruviens. Le concours exigeait de créer un ensemble de logements à partir de la typologie de clusters, comprenant l’aménagement d’équipements éducatifs (trois crèches, trois écoles maternelles et primaires, deux établissements du secondaire), sociaux et commerciaux ainsi qu’un centre sportif. Les projets devaient répondre à la diversité des usages des habitants. Le programme insistait sur la prise en compte des différents modes de vie et de leurs évolutions dans le temps : «Parmi les concepts proposés pour le concours se trouvaient la rationalisation, la modularité, standardisation, flexibilité et fonctionnalité ».1
Le quartier PREVI se situe au Nord de Lima près de l’autoroute, facilitant l’accès au centre économique. Ce site fut choisi car il offrait la possibilité d’une future extension du quartier. Peter Land fut l’architecte directeur du projet de 1968 à 1971 avec la coordination du groupe de développement de PREVI. Il dessina un plan directeur qui comprenait les quatre phases du projet avec l’organisation des 26 tissus parcellaires différents de la phase PP1. Le quartier PREVI était expérimental, dans la mesure qu’il répondait dans un premier temps à une vraie problématique, celle de remédier à l’habitat spontané et dans un second temps, en proposant une architecture qui différait des logements modernes construits à l’époque. En effet, le quartier propose des vivienda progresiva, c’est-à-dire des «logements progressifs», qui permettent de créer des quartiers hétérogènes, dans la mesure où l’auto-construction est intégrée dans les habitations. i1 James Stirling, Royaume-Uni i2 Knud Svenssons, Danemark i3 Esquerra, Samper, Saenz, Urdaneta, Colombie i4 Atelier 5, Suisse i5 Toivo Korhonen, Finlande i6 Herbert Ohl, Allemagne i7 Charles Correa, Inde i8 Kikutake, Maki, Kurokawa, Japon i9 Iniguez de Ozono, Vazquez de Castro, Espagne i10 Hansen, Hatloy, Pologne i11 Aldo van Eyck, Hollande i12 Candilis, Josic, Woods, France i13 Christopher Alexander, Etats-Unis
Par ticipants pér uviens
Pa r t i c i p a n t s i n t e rn a t i o n a u x
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En 1969, trois projets sont primés : celui du groupe Kikutake Kurokawa et Maki, Atelier 5 et Herbert Ohl. Finalement en 1974, tous les projets voient le jour mis à part deux en raison de leur complexité technique et matérielle. C’est dans ce contexte que le quartier de PREVI voit le jour, où 500 logements seront construits au lieu des 1 500 prévus pour des raisons politiques et économiques.
p5 Miguel Alvarino p6 Ernesto Paredes p7 Luis Miro-Quesada, Carlos Williams, Oswaldo Nunez p9 Juan Gunther, Mario Serminario p12 Carlos Morales p16 Juan Reiser p18 Eduardo Orrego p20 Luis Vier, Consuelo Zanelli p21 Franco Vella, José Bentin, Raul Quinones, Luis Takahashi p22 Manuel Llanos, Elsa Mazzari p24 Frederick Cooper, José Garcia-Bryce, Antonio Grana, Eugenio Nicolini p25 Fernando Chaparro, Victor Ramirez, Victor Smirnoff, Victor Wyszkowsky p27 Jacques Crousse, Jorge Paez, Ricardo Perez Leo,
1. Source : M.Davis, Le pire des mondes possibles, De l’explosion urbaine au bidonville global, Paris, La Découverte, 2006, p.27
1978
Jardin d’enfants
Ecole
ININVI
13 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
2003
Maison originale Extension Commerces Ateliers Source ; EqA
Centres éducatifs
Juan Reiser, Pérou
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Vier, Zanelli, Pérou
Miro-Quesada, Williams, Nunez, Pérou
Esquerra, Samper Saenz, Urdaneta, Colombie Intégration du spontané dans les projets initiaux - Évolution des projets de 1978 à 2003 Source : EqA
Esquerra, Samper Saenz, Urdaneta, Colombie
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Candillis, Josic, Woods, France
Kikutake, Maki, Kurokawa, Japon
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Aldo van Eyck, Holanda
1.2 RECONNAISSANCE DES BARRIADAS COMME ALTERNATIVE URBAINE
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POLITIQUE DE RE-LOGEMENT /
Dès l’apparition des bidonvilles à Lima, plusieurs urbanistes et architectes ont voulu définir et qualifier les bidonvilles. Au Pérou, les quartiers autoconstruits spontanés se nomment «barriadas», ce qui signifie quartier ou cité. De ce fait, ils définissent une typologie d’habitation populaire qui diffère de l’urbanisme des capitales. Le développement des quartiers spontanés est dû à la croissance démographique qui s’ajoute à une faible offre des terrains à bâtir, responsable de la densification de certaines zones de la ville. La population du centre historique de Lima et de sa périphérie est constituée de couches sociales d’un niveau moyen et bas. Les classes aisées se sont déplacées vers de nouvelles aires résidentielles entre le centre et les périphéries comme Miraflores et San Isidro. 1
Callao
San Isidro Miraflores
Noir et blanc - Légende image et crédit photo en 8
Les premiers bidonvilles de Lima datent des années 1918. En 1940, lors de la destruction de Callao (ville côtière à l’Ouest de Lima) et d’une grande partie de Lima en 1940, due à un tremblement de terre. El Callao comptait 640.000 habitants, sur une population de 7 millions d’habitants à Lima Métropolitaine. En réponse à une solution d’urgence de relogement, le gouvernement a proposé le premier bidonville massif de la ville («Barriada 27 de Octubre» 1948-1956). Cette démarche reconnaît le bidonville comme solution alternative du développement urbain. 1. «La mobilité urbaine pour tous», Edité par X.Godard et I.Fatonzoun, Lome, novembre 2002, p.324.
Dans certains autres pays d’Amérique du Sud, les bidonvilles sont tolérés comme processus urbain. Comme nous l’avons évoqué précédemment, le Pérou défend une politique de relogement, à travers le quartier PREVI. Le Brésil, quant à lui, met en place une politique de réhabilitation des favelas, par le programme Favela Bairro (ce qui signifie bidonville quartier).
POLITIQUE DE RÉHABILITATION /
Au Brésil, 36,6% de la population urbaine vit en bidonville, ce qui représente 51,7 % de la population qui vit dans des favelas1. La plupart des mégabidonvilles a commencé à émerger dans les années 1960, bien que l’apparition des premières favelas date de 1880. La frontière entre ville formelle et ville informelle au Brésil a tendance à s’estomper : «Cela ne veut pas dire que l’on ne peut plus distinguer la ville des pauvres de la ville des riches, mais qu’une stricte division de l’espace urbain entre formel et informel (...) n’est plus applicable, pour autant qu’elle l’ait été un jour»2. Dès le XIXe siècle, le Brésil a été confronté à la généralisation de la ville informelle. A partir de 1964, la stratégie adoptée vis-à-vis des favelas consiste à leur éradication, en regard de la constitution du nouvel État de Guanabara 1. Favela signifie plante envahissante 2.A.Paillard, «Le destin différent des bidonvilles de Buenos Aires et Rio de Janeiro», Urbanisme, n°399, janivier 2016, p.23 3.Issu De l’article 66 de la Constitution
17 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
La politique de la ville du gouvernement de 1962 à 1965, considérait la problématique des bidonvilles comme un problème lié à l’usage du sol. De ce fait, une loi fut mise en place en 1961 «Ley de barriadas» afin de contrôler la prolifération des quartiers informels au sein du pays. Cette loi fut très vite limitée et proposait diverses solutions pour remplacer les bidonvilles. La première était de créer des villes satellites et l’autre de planifier ces quartiers informels laissant une part d’appropriation par les habitants (c’est le cas du quartier expérimental de PREVI). En finançant des logements sociaux, l’État donne la possibilité aux habitants en situation de précarité de bénéficier d’une ascension sociale. Le gouvernement reconnaît les bidonvilles comme modèle d’extension urbaine pour les populations en situation précaire et délègue par la suite toute responsabilité de l’édification des barriadas à ses habitants. Ainsi, l’État était réduit à la reconnaissance légale de ces quartiers informels et à l’aménagement de services sanitaires. Cette non prise en charge de l’organisation des quartiers informels, est le résultat d’une ville développée frénétiquement sans cohérence. Bien que l’État reconnaisse ces habitations, la société traditionnelle de Lima n’a jamais réussi à accueillir et à considérer les barriadas comme extension de la métropole. Les barriadas constituaient à la fin des années 80, 70% de la ville de Lima. Une image négative était alors associée à ces habitants.
(créée à la suite du déménagement de la capitale vers Brasilia) : «La création d’habitat ouvrier sera stimulée (...) afin d’éradiquer les favelas irrécupérables».3 Par la suite, en 1968, un projet de réhabilitation des favelas est lancé à Rio de Janeiro : passage de l’éradication à l’intégration. Dans la même année est créée la Compagnie de développement de communautés (Codesco en portugais) qui urbanise une zone d’habitats informels, la favela de Bràs de Pina. Dans ce contexte c’est une politique de réhabilitation qui voit le jour. A la fin de la dictature au Brésil en 1985, apparaît le projet Favela Bairro, «bidonville quartier» qui vise à transformer et normaliser la ville informelle. «A la fin de la première phase, en 1999, le programme avait été mis en place dans plus de 90 favelas. (...) L’aménagement de places publiques a constitué une grande amélioration pour la vie dans les favelas, la plupart des habitants passant beaucoup de temps à l’extérieur parce que les logements sont trop exigus.»1
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Seulement ce projet est adopté sur les sites les plus visibles des favelas. Des moyens policiers, nommés Unidades de Policia Pacificadora (Unités de Police Pacificatrice) ont été développés pour pacifier les favelas au lancement du programme Favela Bairro (source de nombreuses violences). Certaines favelas, par leur implantations en flanc de colline, sont visibles et furent donc emmurées ou détruites lors d’événements internationaux comme la coupe du Monde de Football et les Jeux Olympiques 2016 (expulsion et destruction de la favela de Metro située près du stade Maracana). En 2009, l’État de Rio a ainsi lancé un vaste programme de construction de murs (près de 15 kilomètre), autour de 13 favelas de la zone sud, zone la plus touristique.
Favela Santa Marta emmurée Source : perspectivesgeopolitiques.wordpress
Destruction de la favela de Metrô-Mangueira Source : fotospublicas
Cette «politique de la visibilité»2 tend à nuancer la politique d’intégration des favelas, qui se situe toujours entre éradication et intégration. 1. A.Paillard, «Le destin différent des bidonvilles de Buenos Aires et Rio de Janeiro», Urbanisme, n°399, janivier 2016, p.23 2. A.Paillard, «Le destin différent des bidonvilles de Buenos Aires et Rio de Janeiro», Urbanisme, n°399, janivier 2016, p.25
POLITIQUE
DE VALORISATION /
A la différence du Brésil qui défend une politique «d’intégration», la Colombie défend une politique de valorisation de ces quartiers informels. En 2010, l’architecte Giancarlo Mazzanti et son équipe sont lauréats du Glbal Award for Sustainable pour leur projet Biblioteca Espana de Medellin en Colombie. Cet équipement, construit en 2007 sur la colline qui domine la ville, a la particularité de se situer dans l’une des favelas les plus pauvres et les plus violentes de Medellin.
Surplom sur Medellin, métrocable Source : wondermelon
Mise en place d’infrastructures Source : Wikipédia
Serge Fajardo, maire de Medellin, initie dans cette perspective une stratégie de rénovation qui parie sur un réseau d’équipements associant transports et culture, mais aussi sur la force fédératrice de l’architecture elle-même. 1 M.-H. Contale, «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 127 2.M.-H. Contale, «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 127
19 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Cet équipement comprend une grande bibliothèque, des salles de cours et un auditorium. La municipalité préfère considérer cette ville dans la ville comme «une ressource foncière et urbaine, de qualité médiocre certes, mais disponible et transformable»1, plutôt que de l’éradiquer pour la reconstruire selon des critères de confort et de salubrité, l’investissement étant jugé démesuré. Comme le souligne Marie-Hélène Contal, de nombreux États sud-américains tendent à reconsidérer la ville spontanée comme une ressource urbaines : « [La favela], cet habitat précaire, considéré comme clandestin, est devenu un patrimoine construit qu’on n’a plus les moyens d’éradiquer face à la pression foncière et démographique. Ce sont donc les favelas qu’il va falloir patiemment amender, consolider, assainir et équiper pour les transformer en quartiers d’habitat populaire»2.
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Marie-H Comtale décrit cette stratégie en ces termes : « La première [de ces actions] est le « Métrocable », un réseau de tramways-funiculaires lancé sur les collines qui a désenclavé ces zones de non-droit et de non-ville. Ses stations ont servi de point d’appui pour mener un travail d’irrigation attentif et continué, créant des places, sécurisant des voies, offrant aux habitants des espaces publics commodes et sûrs. La seconde [de ces actions] est la création des « Parcs-Bibliothèques », réseaux d’équipements culturels placés à des nœuds stratégiques, souvent en lien avec le métrocable, pour ranimer la vie collective. Outre des salles de lecture, ces parcs bibliotecas offrent des lieux de spectacle, des ateliers, des jardins publics sécurisés. Ces interventions ne relèvent plus d’un contrôle de la croissance urbaine mais plutôt de sa régulation. Elles n’ont pas d’influence directe sur l’habitat mais utilisent les équipements comme leviers d’action sociale et économique, de désenclavement. Le pari est la création d’un cercle vertueux de revalorisation des tissus qui finira par atteindre l’habitat lui-même.»1. Le projet initié par Giancarlo Mazzanti pour la Biblioteca Espana, valorise la ville informelle et transforme ainsi l’image de la favela, en créant des espaces publics, un paysage et un équipement public. «Aujourd’hui, ce lieu a transformé l’image de la favela en requalifiant son paysage vécu et en offrant à la jeunesse locale un espace où elle peut travailler sereinement à sa propre qualifica-
Intétégration dans le paysage - Biblioteca Espana - Source : Archdaily
1.M.-H. Contale, «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 127 2. C. Leonardi et F. Golay, «Vers une ville ressource, penser l’avenir de l’urbain sous l’angle d’une économie de l’usage»
1.3 UNE ARCHITECTURE INCLUSIVE Afin d’analyser la politique d’intégration de l’habitat informel dans la planification urbaine, nous allons étudier un cas d’étude de logement à PREVI. Il est intéressant d’étudier le projet initial et les modifications apportées spontanément par la population locale. Ajout d’un étage, d’un balcon, d’un toit, qui révèle des logiques diverses de l’informel. Pour cela, nous allons étudier le projet de Kikutake, Kurokawa et Maki, qui faisait partie des trois lauréats. Pour se faire, je me suis appuyée sur l’ouvrage réalisé par EquipoArchitectura (EqA) El tiempoconstruye, Times builds1. EqA retrace l’évolution des habitations depuis l’attribution des logements aux habitants en 1978 jusqu’à leur évolution en 2003, par un travail de relevé. L’analyse d’un projet a pour objectif de comprendre comment un cercle vertueux s’établit entre architecture formelle et informelle.
Le projet se compose de deux cubes distincts séparés par le patio. L’un comprend les chambres, l’autre les espaces communs (salon et cuisine). Le projet initial comportait deux escaliers, un dans chaque volume. Ainsi, les deux volumes étaient complètement isolés à l’étage. Pour des raisons économiques, un seul escalier fut réalisé, en face du patio dans une bande servante qui permet de desservir les deux espaces distincts. Ce volume-couloir va devenir par la suite, l’axe structurant du projet en renfermant les espaces communs. Cette axe s’ouvre sur la rue. Les volumes des chambres restent identiques à l’étage. La toiture de ces volumes se transforme en toiture terrasse. La plupart des éléments structurels sont préfabriqués. Ce choix permet une mise en œuvre et une extension rapide du logement. La structure est réalisée en panneaux béton préfabriqués. La construction du projet prévoit uniquement la construction d’un seul étage. Cette contrainte a généré des complications lors des extensions réalisées par les habitants.
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Le projet d’habitation est organisé en deux typologies, une pour une famille de quatre personnes (parents et deux enfants), une autre pour une famille de huit personnes (parents et six enfants). Les parcelles du projet s’inscrivent dans le plan général. La particularité de ce projet repose sur la configuration d’une parcelle en longueur avec une largeur de 6m. Un patio central permet ainsi d’éclairer la totalité des espaces.
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1978 Plans originaux Plan RDC
Plan R+1 1 salon 2 salle à manger 3 chambre 4 cuisine 6 buanderie 7 patio 8 jardin 9 terrasse / toit terrasse 10 salon 11 bibliothèque 13 cellier A commerce B maison à louer
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2003 Transformation apportées Plan RDC
(source : EqA)
Plan R+1
Plan R+2
Plan R+3
Afin d’étudier l’évolution de ce projet, nous allons nous intéresser à la famille Fernandez, depuis leur arrivée en 1978 jusqu’en 2003. Au moment d’arriver dans le logement, la famille se composait des parents et six enfants. Il leur a éé attribué un logement de 97m². La proposition d’organisation que proposait le projet ne convenait pas aux modes de vie péruviens. En effet, dans le projet initial, les chambres étaient valorisées au détriment des lieux de vie communs, ce qui a nécessité des transformations intérieures. Pour se faire, la famille Fernandez a mis en œuvre un système poteau-poutre pour construire deux étages supplémentaires. La famille a réussi à densifier en hauteur, jusqu’à transformer sa maison en R+3 (une extension de la surface originale de presque 340 %). Nous pouvons analyser l’évolution du projet par la famille Fernandez en six étapes.
Etape 0 97m² 1979 Maison d’origine
Parents Enfants adultes Enfants Locataires
(source : EqA)
Etape 1 : L’évolution de la maison s’est faite suivant la logique anticipée par l’équipe japonaise. Deux chambres supplémentaires sont construites à l’étage. Le volume-couloir devient l’espace de circulation et de lieu de vie des espaces communs. Par la construction de deux chambres supplémentaires, une chambre en rezde-chaussée est libérée pour devenir un espace de vie partagé qui s’ouvre sur le patio et la rue. Etape 1 124m² Pas daté Chambres (source : EqA)
1. M.-H. Contale, «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 12 2. C. Leonardi et F. Golay, «Vers une ville ressource, Penser l’avenir de l’urbain sous l’angle d’une économie de l’usage»
23 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Etape 0 : acquisition de la maison en 1978. La Famille Fernandez s’installe avec ses six enfants.
Etape 2 : La famille Fernandez souhaite développer une activité économique au sein de leur logement. De ce fait, ils investissent le jardin frontal aligné à la rue comme espace commercial, qui deviendra par la suite une épicerie. Ce nouveau programme nécessite la création d’espaces de stockage. De plus, les enfants grandissant, la surface des chambres nécessite d’être plus importante. Etape 2 138m² 1988 Commerce (source : EqA)
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Etape 3 : Ces premières modifications se sont déroulées durant les douze premières années. Les enfants étant de jeunes adultes, les surfaces habitables nécessitent d’être plus importantes. Ainsi, la moitié de la surface du patio est construite. Il en va de même pour le jardin à l’arrière de la parcelle et au dessus de l’épicerie. L’édification de ce front bâti à l’étage, a fait preuve d’une attention particulière du point de vue esthétique. En effet cette extension est réalisée avec une fausse toiture à deux pentes pour le décor de la façade sur rue. Cet élément décoratif témoigne de la culture constructive «Chicha», une réinterprétation de l’architecture andine en milieu urbain. Ces extensions permettent de doubler la surface habitable du projet initial (de 97 à 209 m²) Etape 3 209m² 1991 Chambres (source : EqA)
Etape 4 : Un deuxième étage est construit. Cette réalisation a nécessité de mettre en place une nouvelle structure poteau-poutre. Un escalier extérieur fut mis en place pour faciliter l’accès aux espaces de vie à l’étage et permettre dans le futur, de louer une partie du logement. Un escalier intérieur a également était aménagé afin d’offrir une plus grande flexibilité à l’intérieur. Le pignon du deuxième étage, à l’image du premier, fut orné d’une fausse toiture à deux pentes. A la fin de cette extension, trois des enfants déménagent, ce qui réduit le besoin d’espace habitable.
1.M.-H. Contale, «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 12 2. C. Leonardi et F. Golay, «Vers une ville ressource, Penser l’avenir de l’urbain sous l’angle d’une économie de l’usage»
Etape 4 309m² 1997 Chambres, deux escaliers (source : EqA)
Etape 5 : C’est la dernière extension verticale avec l’édification d’un troisième étage. Pour se faire, la famille Fernandez construit un autre escalier et utilisent la surface de la toiture du deuxième étage pour aménager une buanderie et une terrasse couverte. La mise en place de portes au premier étage et la mise en place de l’escalier extérieur, permet à la famille Fernandez de détacher le rez-de-chaussée et de le mettre en location. Etape 5 344m² 1997 Toit terrasse, salle de bain
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Etape 6 : La famille se réduit suite au décès du père de famille. Les enfants, qui ont désormais fondé une famille viennent investir les différents étages de la maison familiale. Au rez-de-chaussée, l’épicerie ferme pour se transformer en chambre. Chaque étage est investi par un membre de la famille. Les modifications architecturales restent minimales. Les grandes ouvertures de l’ancienne épicerie deviennent des murs infranchissables pour accueillir les chambres.
1985 (source : EqA)
2003 (source : EqA)
2015 (source : Google Maps)
1.M.-H. Contale, «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 12 2. C. Leonardi et F. Golay, «Vers une ville ressource, Penser l’avenir de l’urbain sous l’angle d’une économie de l’usage»
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
(source : EqA)
1985
26 2003
2015
Évolution des façades du projet de Kikutake, Maki et Kurokawa, rue Pariahuanca (source : EqA - 1985, EqA - 2003, Google Maps-édition Marion Vallat - 2015 )
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STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
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2. LA NON INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION A travers l’étude de cas de le «jungle» de Calais
Bien que ce soit dans un tout autre contexte que celui évoqué précédemment, en France, l’architecture spontanée occupe l’actualité. En effet, l’augmentation des flux de population -économiques et politiques- suscite un déploiement considérable de bidonvilles et de camps. Ces architectures précaires font débat, notamment par la médiatisation de la «Jungle» de Calais. Ces habitats, d’origine temporaire, se pérennisent. En effet, pour des raisons géopolitiques l’informel s’organise en France. Dès lors, il s’agit de savoir quels espaces sommes nous capables d’offrir face à ces situations d’urgence. De ce fait, nous allons étudier à travers l’étude de cas de Calais, la formation de cet informel non-intégré dans l’urbanisme planifié de la ville.
2.1 CALAIS : L’ÉDIFICATION D’UNE «ŒUVRE COLLECTIVE»1 30
TENSIONS MIGRATOIRES /
Depuis plus de quinze ans, la ville de Calais est synonyme de tensions migratoires. Les réfugiés qui fuient leurs pays pour passer en Angleterre sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à occuper cette ville du nord de la France. De l’ouverture du centre de Sangatte en 1999 au démantèlement de la zone sud en avril 2016, une véritable ville dans la ville s’est établie à Calais. C’est entre 1998 et 1999 que les premiers réfugiés arrivent à Calais. Ils fuient alors la guerre du Kosovo. Ils sont environ 200, «très peu par rapport à aujourd’hui»2. Des lieux d’accueil sont créés mais ils ne permettent d’accueillir qu’une petite partie de la population. De ce fait, en 1999 le gouvernement ouvre le centre de Sangatte, un hangar désaffecté d’Eurotunnel, accueillant 700 à 800 migrants. Selon les chiffres de la Croix Rouge qui gère le centre, Sangatte représentera le point de départ de 67 000 exilés vers la Grande-Bretagne. La médiatisation de ce centre a mis en exergue les conditions précaires des exilés dans ce camp. Cela a mené, trois ans plus tard en 2002, à la fermeture du centre de Sangatte par le ministre de l’Intérieur. Deux tiers des exilés qui s’y trouvaient sont autorisés à s’installer en Angleterre, tandis que l’autre tiers demande l’asile en France. Des migrants, notamment kurdes et afghans, continuent d’arriver. Chassés des blockhaus où ils s’étaient installés, ils investissent les forêts alentours. C’est alors que le terme de «jungle» apparaît. Cette nomination provient du mot jangal qui signifie «forêt» en persan et en pachtoun. Au départ le mot ne comprenait aucune connotation négative. Cette nomination sera donnée
1. S.Thiéry, A. Hennion, «Réinventer Calais», Le Monde, 23 février 2016 2. H. Saberan, «1999-2016 : Calais, de Sangatte aux bidonvilles de la «jungle»», Europe 1, 4 février 2016
Source : ACTED
aux nouveaux camps émergents. Cette première «jungle» sera démantelée en 2009 par l’ancien ministre de l’identité nationale. En 2015, un nouveau camp émerge, la «new jungle», près du centre d’accueil de jour Jules Ferry (où sont servis les repas, 3000 par jours, où sont installés des points de douches et un accueil pour les femmes). Situé à l’écart de Calais, cet espace est destiné à soulager le centre-ville de ces quartiers informels. Le camp ne cesse d’accueillir de plus en plus de candidats au passage en Angleterre, et se baptise tout simplement «jungle». Suite aux nombreux heurts et aux manques d’équipements sanitaires au cœur de la Jungle, la préfecture du Pas-de-Calais ordonne aux occupants de la zone sud du camp (800 à 1000 selon la préfecture et 3450 personnes selon les associations) de quitter les lieux avant le 23 février 2016.
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De ce fait, le 29 février 2016, le démantèlement de la partie sud commence. Le refus de certains migrants de se loger loin de la frontière britannique, a favorisé l’émergence de nouveaux camps.
LES MINI-JUNGLES /
D’autres «jungles» se sont formées de part leur situation géographique proche des noeuds routiers. Nous pouvons noter celle de Norrent-Fontes, à 60km en amont de Calais dans les terres, qui accueille 200 à 250 réfugiés à majorité éthiopiens, soudanais et érythréens. Ce camp se compose de plusieurs cabanes en bois. Grande-Synthe, près de Dunkerque est un grand camp kurde de 1200 à 1500 personnes qui longe une zone pavillonnaire, noyée sous la boue. Ce camp a pris l’appellation de «new camp» ou camp de la Linière depuis que Médecins sans frontières (MSF) ont bâti avec le soutien de la municipalité un camp de 6 hectares pour accueillir 2500 migrants. Le lieu est conforme aux normes onusiennes : des cabanes en bois avec plancher équipées de chauffage, pas de portail de contrôle d’identité à l’entrée, quatre blocs sanitaires avec de l’eau chaude, des espaces de distribution de nourriture, un hôpital de campagne. Les habitants se sont appropriés ces cabanes en créant eux-mêmes des extensions.
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Grande-Synthe, Appropriation des cabanes Msf Source : passeurs d’hospitalité - des exilais à Calais
LA NON INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
«jungle» de Calais Source : le Figaro
UNE VILLE DANS LA VILLE /
Dans les mÊdias, Calais se dÊfinie comme une jungle. Ce terme, à connotation nÊgative, tend à dÊcrire Calais comme un amas de tentes disposÊes de manière anarchique. Cependant, elle s’apparente à une ville. Afin de justifier le terme de ville, Cyrille Hanappe s’appuie sur la dÊfinition du thÊoricien italien Aldo Rossi qui dÊfinissait l’architecture de la ville par trois permanences : le viaire, les monuments et les typologies d’habitat. Ces trois ÊlÊments se sont fixÊs dès le dÊbut de son existence1. (LibÊration, les leçons urbaines de la jungle, lundi 7 mars 2016). En prenant le statut de ville, la jungle de Calais tend à questionner l’habitat spontanÊ comme une manière de fabriquer la ville du XXIe siècle.
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(Calais) (...)est une œuvre collective, tentaculaire, dressÊe malgrÊ les barbelÊs et la boue. Ce n’est pas une marge contenue, immonde, que les machines nettoieraient, c’est une ville-monde, l’identitÊ même de ce qu’est devenue notre ville2. (RÊinventer Calais, libÊration, 23 fÊvrier 2016.) Les termes de oeuvre collective et ville monde ÊnoncÊs par Antoine Hennion, sociologue et Sebastien ThiÊry politologue directeur de PEROU (Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines), tendent à reconsidÊrer le statut de cette jungle. C’est pour ces raisons que nous choisirons le terme de quartier auto-construit pour qualifier ces habitats informels. En parlant d’œuvre, il s’agit de reconnaÎtre l’ensemble des ouvrages, surtout s’agissant d’une technique particulière3.Ce terme tend à reconsidÊrer ces habitations de fortune en les contextualisant dans leurD’ENSEMBLE organisation. SECTEUR AXONOMETRIE
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AxonomÊtrie ensemble Sud-Ouest - source : JungleCalaisRelevÊIntÊgral 1. C.Hanappe, Les leçons urbaines de la jungle, LibÊration, 6 mars 2016 2.S. ThiÊry, A. Hennion, RÊinventer Calais, Le Monde, 23 fÊvrier 2016. 3. DÊfintion issue du Larousse
Le quartier auto-construit de Calais s’est organisée suivant les différentes ethnies. De ce fait, différents quartiers ont immergé selon les différentes nationalités qui se lisent par les différentes typologies d’architecture. La représentation en carte de ce quartier spontané témoigne d’une organisation réelle.
35 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Carte d’organisation interne - source mediapart
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Monuments, lieu de culte - source l’Express
Voierie, un jeune se rendant à un point d’eau - source Quentin Bruno
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Ecole laĂŻque - source entraidescitoyennes
Economie, commerce sur l’axe principal - source Quentin Bruno
Désormais baptisé «jungle», des violences éclatent entre migrants. Le camp compte alors autour de 2000 habitants.
1er juin 2015 Violences dans la «jungle»
Intervention des policiers malgré les protestations de militants.
22 sept.2009 Premier démantèlement de la «jungle»
Un dispositif policier est mis en place pour «protéger» les calaisiens de la «jungle»
9 au 11 nov. 2015 Heurts entre migrants et force de l’ordre
Un nouveau camp se forme près du centre d’accueil de jour Jules Ferry, à l’écart de Calais.
Avril 2015 «New Jungle»
Centre de la Croix Rouge qui accueillait 700 à 800 migrants. A sa fermeture, ils se regroupent au nord-est de Calais, près des axes routiers. La zone est rapidement surnommée «jungle».
FERMETURE DU CENTRE DE SANGATTE
Nov. 2002
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L’opération est prévue pour durer un mois. Démantèlement débute par des heurts entre policiers et migrants.
19 fév. 2016 Démantèlement de la zone sud
La Préfecture du Pas-de-Calais ordonne aux occupants de la zone sud de quitter les lieux avant le 23 février.
19 fév. 2016 Ultimatum pour l’évacuation
Le port de Calais est bloqué après l’intrusion de plus d’une cinquantaine de migrants sur un ferry.
23 janvier 2016 Intrusion de migrants dans le port
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
La décision du tribunal administratif sur arrêt préfectoral ne doit pas être rendu avant le 24 ou le 25 février.
23 fév. 2016 Ultimatum repoussé
Une vingtaine de personnes sont arrêtées au cours d’un regroupement hostile aux migrants.
6 fév. 2016 Manifestations contre les migrants
Le Conseil d’État oblige l’État à réaliser des aménagements sanitaires dans la «jungle» au terme d’une procédure juridique entreprise par les ONG.
23 nov. 2015 L’ État sommé d’agir
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2.2 UNE POLITIQUE «D’EXPULSION-DESTRUCTION»1
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UN CENTRE D’ACCUEIL PROVISOIRE /
La situation de Calais, pose la question de gérer une situation d’urgence et met en exergue la difficulté, voire l’impossibilité d’intégrer l’informel dans la planification de la ville. La réponse apportée pour reloger les migrants de la zone sud, consiste à la mise en place de conteneurs. Le centre d’accueil provisoire (CAP) fut inauguré le 11 janvier 2016. Il s’organise en 125 conteneurs. Chaque conteneur d’une quinzaine de mètres carrés accueille jusqu’à douze personnes d’une même nationalité. A l’intérieur se trouve le confort de base, des lits superposés, des radiateurs, une armoire par personne, un sèche linge. Chaque conteneur respecte l’intimité de chaque famille, comme le souligne Stéphane Duval, directeur du centre d’accueil Jules Ferry et de l’association Vie Active, association choisie par l’état pour gérer les lieux. C’est le premier camp de migrants en dur qui s’est construit au milieu de ces quartiers auto-construits afin de mettre fin à leur prolifération. Il s’agit d’héberger de manière provisoire et dignement les habitants dans des conditions salubres, en le défendant comme un lieu de répis. La particularité de ce CAP, qui a fait débat, est la forte sécurité mise en place. Seulement, ces «logements temporaires» ne s’adaptent pas aux manières de vivre de chaque ethnie. Aucun espace de vie commun n’est aménagé à l’intérieur : pas de cuisine, pas de douche ni de robinet. La capacité d’accueil de ce CAP est sous-dimensionné, conçu pour accueillir 1 342 réfugiés2.
Camp de conteneurs - source Quentin Bruno 1. P.Joffoy, «Pour les bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, p.34 2. Source : M.Henry et F. Durupt, «Des conteneurs comme abris d’infortune», Libération, 6 mars 2016
La politique française d’expulsion, (avec relogement dans les conteneurs blancs) et de destruction de ces quartiers spontanés, semblent s’inscrire dans une logique ««d’invisibilisation» du phénomène migratoire»1 comme le souligne Michel Agier. D’après lui, cette résolution du problème par les fermetures répétitives des camps et leur expulsion/destruction, ne fait que déplacer le problème et «répond au seul but de rendre invisibles les exilés»2. Pascale Joffroy partage cette position, «Sur le sol français, la vie en bidonville est l’une des plus instables et donc l’une des plus difficiles du monde»3. Elle justifie ce constat par la vision normative de l’habitat qui exclut toutes architectures spontanées : «moins l’État sait résoudre la crise du logement, plus il fait appliquer des normes d’une conformité stricte et détruit ce qui n’y répond pas. (...) D’un côté, il (le bidonville) doit être démoli pour non-conformité, de l’autre, il ne pourrait être remplacé que par des logements sociaux normés, donc chers, dont la construction à l’échelle des besoins est reportée sin die. Ainsi, la légitimité de détruire devient plus grande que celle de (re)construire».4 Ce constat, tend à mettre en exergue la position des politiques publiques qui visent à contrer ces quartiers spontanés.
LES ROMS : RESSORTISSANTS EUROPÉENS /
«Les Roms, citoyens européens, sont numériquement les premières victimes de cette politique rarement débattue (...)».6 L’expulsion du bidonville de la petite ceinture installé dans le 18e arrondissement, tend à se questionner sur le place de ces quartiers informels illégaux. Contrairement, à Calais, il se situe en centre métropolitaine et est occupé par des ressortissants européens. (Cf. tableau). D’après la Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’accès au logement (Dihal), dans le cadre du suivi de la circulaire du 26 août 2012 sur l’évacuation des campements illicites, près de 17 000 personnes, dont 4300 enfants, vivent dans 400 bidonvilles en France8. Parmi ces 17 000 habitants vivant dans des bidonvilles, 13 000 vivent dans des campements ne disposant pas de gestion de déchets et 3700 ne disposent pas d’accès à l’eau. Le nombre le plus important de campements illicites se trouvent en Ile-de-France (41%). A lui seul, le département de Seine-Saint-Denis abrite un cinquième des habitants de bidonville à l’échelle nationale. Viennent ensuite les régions du NordPas-de-Calais, des Pays de la Loire et de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. 1. M.Agier, Un Monde de Camps, Paris, La Découverte, 2014, p.327 2. M.Agier, Un Monde de Camps, Paris, La Découverte, 2014, p.327 3.P.Joffoy, «Pour les bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, p.34 4.P.Joffoy, «Pour les bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, p.36 5. Propos de la mairesse de Calais dans l’émission «Calais : des conteneurs pour loger les migrants de la «jungle»», France Info, 11 janvier 2016 7. P.Joffoy, «Pour les bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, pp.34-35 8. données collectées pendant l’été 2013 par les correspondants en région de la Dihal
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
C’est une solution provisoire dans la mesure, où les personnes qui viennent ici n’ont pas vocation à y demeurer éternellement. Comme le souligne la mairesse de Calais «on va essayer de leur expliquer que leur avenir n’est pas à Calais, qu’il est possible de déposer une demande d’asile pour la France»5. Mais qu’en est-il des Roms, ressortissants européens ?
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Les données ne rensignent pas sur l’origine ethnique des personnes dans les campements illicites. Cependant, une majorité de ces personnes viennent de pays d’Europe de l’Est. L’expulsion du bidonville de la Petite Ceinture en ce février 2016 témoigne de la limite de cette politique française. C’est le long de la rue Belliard entre la Porte de Clignancourt et le Pont des Poissonniers dans le XVIIIe arrondissement de Paris, que quelques familles Roms, au nombre de 300, d’après les associations, ont posé leur vie au début de l’été dernier. Tous sont issus de camps récemment expulsés aux alentours. Les conditions de vie sont très précaires. Il n’y a ni électricité, ni eau, ni toilettes. Les maisons, nommées «baraques», sont disposées de part et d’autre des voies ferrées. Le bidonville s’organise en deux parties. Seule une passerelle en bois permet l’accès au camp. La passerelle ainsi que «la maison des enfants marquent une limite tacite entre «ceux de la ville et ceux de la campagne». D’un côté se trouvent ceux «de Bucarest», de l’autre, ceux «de Filiasi», petite commune près de Craiova dans le sud-ouest de la Roumanie.»1 Le bidonville de la Petite Ceinture est expulsable car le Réseau Ferré de France (RFF), propriétaire du terrain demande l’évacuation de ce quartier auto-construit. C’est le plus grand bidonville de Paris qui compte 300 personnes majoritairement des Roms. Une alternative au relogement dans des hôtels est proposée mais s’avère radicale selon Olivier Leclercq, de l’agence Air Architectes. C’est pour cela qu’il a imaginé un «contre-projet» avec les habitants «Notre projet concerne 250 personnes, une soixantaine de familles, qui se sont organisées en association, baptisée «Les bâtisseurs de cabanes». Il s’agit de l’autoconstruction d’un village de maisons écologiques démontables, en lien avec une entreprise de réinsertion. L’idée, c’est que les habitants soient acteurs de leur relogement. Ce ne sont pas des cabanes, mais bel et bien des maisons aux normes, isolées, chauffées avec un système de pompes à chaleurs, et construites avec des matériaux fidèles au développement durable.»2. La construction d’un camp de transition permet selon lui une meilleure insertion. Mais l’évacuation de La Petite Ceinture a mis fin à ce projet. Celui-ci fut tout de même présenté lors du mouvement Archi Debout. L’illégalité de ces quartiers auto-construits justifie leur expulsion car ils s’établissent dans une zone de non-droit et où règnent l’insalubrité et l’insécurité. Avant toute expulsion, un diagnostic social est réalisé par de nombreuses associations «un diagnostic et la recherche de solutions d’accompagnement, dans les différents domaines concourant à l’insertion des personnes (scolarisation, santé, emploi, logement/mise à l’abri...).»3 Il permet d’évaluer le nombre de logements à offrir aux personnes délogées de préférence à proximité de leurs logements initiaux. Mais cette politique d’évacuation déplace le problème ; les bidonvilles se reforment un peu plus loin et leur nombre ne faiblit pas. 2. M.Dehimi, «Sortir enfin du bidonville», article en ligne consulté en février 2016, https://social. shorthand.com/mathildedehimi/n2fSOFnb7Nc/sortir-enfin-du-bidonville 3.Propos De O. Leclerc issus de l’article «Le contre-projet d’un architecte pour éviter l’expulsion d’un bidonville», Libération, 2 février 2016 4.Circulaire du 26 août 2012 demande au préfet d’anticiper et d’accompagner l’évacuation des bidonvilles par une concertation publique.
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LES SANS ABRIS /
La situation en France devient préoccupante, notamment en Ile-deFrance où il s’agit de reloger 400 à 500 personnes. De nombreuses associations agissent pour leur insertion notamment comme PEROU (Pôle d’Exploration des ressources urbaines) qui défend qu’«il faut construire pour sortir du bidonville»1 Le relogement en cas d’expulsion ne concerne pas uniquement les Roms ou les «camps officiels de migrants en transit, régulièrement déplacés», comme nous l’avons évoqué précédemment, mais également «(...) d’autres occupants du terrain - français, réfugiés, migrants, gens du voyage, SDF, travailleurs précaires-subissent dans l’indifférence cette chasse à la visibilité publique (...)»2. L’association «les enfants du canal» œuvre dans le repérage de personnes vivant sur les bas côtés, les interstices et les terrains délaissés du périphérique parisien . L’équipe a dénombré plusieurs centaines de personnes vivant à proximité directe de cet axe réputé être le plus fréquenté d’Europe. Le recensement de ces «invisibles» a pu être communiqué par le travail de Diane Grimonet, photographe. Également, le journaliste Claude-Marie Vadrot a exploré les environs fin 2012, et estime que le périphérique était habité par plus d’un millier de personnes : Roms, roumains, bulgares, maliens, somaliens, afghans, français. 1.S.Thiéry , «La France des bidonvilles, comment les résorber ?», France Culture, 13 juin 2014 2.P.Joffoy, «Pour les bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, pp.34-35
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
La Petite Ceinture - source France bleu
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France 2015, Porte d’Orléans, Joseph 50 ans habitant du périph’ source Diane Grimonet À la Défense, existe le monde d’en haut et celui d’en bas. Une vie dans les sous-sols s’organise, «une centaine de sans-abri ont trouvé refuge dans les locaux techniques, les parkings ou les issus de secours des tunnels.»1 Seule la maison de l’amitié, unique centre d’accueil du quartier, permet de faire le lien entre ces deux mondes parallèles.
Marius, migrant polonais, a réussi à installer un télévision dans un coin du parking de la Défense - source Le Parisien 1. O.Corsan, «EN IMAGES. La Défense : misère en sous-sols», Le Parisien, article consulté en ligne en mars 2016, http://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/en-images-la-defense-misereen-sous-sols-25-01-2016-5484067.php
2.3 UNE ÂŤVILLE MONDEÂť1
ORGANISATION INTERNE /
Les habitats de la jungle Calais se sont Êtablis au cours du temps en fonction des matÊriaux disponibles et des aides des nombreuses associations et bÊnÊvoles du monde entier. Les diffÊrentes typologies d’habitats sont Êtroitement liÊes aux origines des habitants : tous ont inventÊ des architectures, des modes d’habiter spÊcifiques, liÊs à leurs dÊfinitions et à leurs modes de vivre ensemble1.
La superficie du camp est de 33.5 km² (soit près du tiers de Paris). La zone de Calais se situe en pÊriphÊrie de la ville, dans une ancienne dÊcharge à l’Êcart de la ville, près d’usines classÊes SEVESO. La rocade et les barrières dÊlimitent l’emprise de la jungle. Une seule entrÊe contrôlÊe dessert l’accès dans le camp de Calais. Une zone tampon entre l’ A26 et la jungle a ÊtÊ crÊÊe pour des raisons de sÊcuritÊ : c’est la bande de 100 m. Le terrain est sablonneux L’entrÊe situÊ en zone inondable et marÊcageuse particulièrement exposÊ au vent et aux Un noeud commercial intempÊries. FrÊquentation essentiellement masculine. Affluence à partir de 11h, heure d’ouverture des magasins et des restaurants avec un pic en fin d’après midi.
Toute une activitÊ Êconomique s’est organisÊe de part et d’autre de l’axe structurant. Des commerces, des restaurants,une boite de nuit, des lieux de culte, des Êcoles ainsi qu’une librairie se sont dÊveloppÊs. C’est à l’entrÊe du camp que se retrouve ces activitÊs. Des services furent amÊnagÊs par la municipalitÊ de Calais : Êclairage public, points d’eau, toilettes, douches, point de distribution de nourriture au centre d’accueil Jules Ferry. Tous donnent sur l’axe principal. La plupart des magasins et restaurants sont ÊquipÊs d’Êlectrogènes. Seul un groupe d’habitations dans la forêt s’est ÊquipÊ de groupes Êlectrogènes. Axe structurant - point d’eau près de l’entrÊe
Frise des restaurants et magasins à l’entrÊe
Frise de l’axe structurant - source JungleCalaisRelevÊIntÊgral
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1.Entre los conceptos propuestos por el concurso estaban la racionalización, modulación, tipificación, crecimiento progresivo, flexibilidad y función, PREVI LIMA : 35 Anos DespuÊs, ARQ, n°59, Marzo 2005, pp. 72-76
45 STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
La Jungle s’organise en deux zones, zone Sud et zone Nord. La zone Sud fut dÊmantelÊe en fÊvrier 2016. De ce fait, nous allons Êtudier trois typologies d’habitats de la zone Nord d’après le relevÊ architectural, urbain et humain effectuÊ par les Êtudiants de l’École Nationale SupÊrieure d’Architecture de Paris-Belleville dans le cadre du DSA architecture et risques majeurs encadrÊ par Cyrille Hanappe.
MAS SE D E L A JUNGLE AU 1 2 M A R S 2016 5 ) & +6 / ( -&Ã4 1 - " / 5 ) & . " 3 $ ) 12 MA RS 2 0 1 6 5 )& +6/(-&Ã4 1 -" / 5 ) & . " 3 $)
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(FOFSBM 1MBO
Camp de conteneurs
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Axe structurant
N 0
50
100
0
50
100
200 m
200 m
Architecture de la résil
Plan
Architecture de la résilience
Rue
Coupe AA
Coupe BB
Coupe CC Camp de carvanes
Camp de conteneurs
Bande des 100m
Mosquée
Mosquée
Butte de sable
Camp de conteneurs
source RelevéJungleMars2016
Kitchen in Calais
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Tour de contrôle
e principale Commerces et restaurants
Bande des 100m
Maison chapiteau
Maison à 2 étages Camp de Conteneurs
Coupe DD
WC
Commerce
Rue passante
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
Axonométrie zone Nord-Est
TYPOLOGIES D’HABITATS /
Nous allons étudier trois typologies d’habitats distinctes selon leur organisation. Tout d’abord, nous allons aborder la typologie d’habitat située près de l’entrée Nord-Ouest à l’arrière de la rue commerçante. C’est une zone peu dense d’habitations bédouins orientée vers les étangs. Les habitats s’organisent autour des zones non-constructibles, c’est-à-dire en dehors des zones sablonneuses et inondables. Les habitats semblent être disposés de manière aléatoire. En effet, les entrées des habitations ne se font pas face et ne donnent ni sur une cour ou ni sur une allée. Ces habitats s’apparentent à des cabanes en bois sobres. De l’extérieur aucune décoration singulière .
48
Plan masse
Plan axonométrique
La cuisine demeure la pièce centrale. Elle s’ouvre sur une petite cour, lieu de rencontre avec les autres habitants de la «jungle». La cuisine collective
5IF DPMMFDUJWF LJUDIFO
La cuisine,lieu social source RelevéJungleMars2016 32
Architecture de la résilience
2m
N
31
Les chambres sont recouvertes de couvertures afin de s’isoler du froid. La petite superficie (environ 6 m²) nÊcessite un rangement minutieux pour optimiser l’espace. L’ensemble de la structure de ces habitations est lÊgère, montant et travers bois, qui permettent un assemblage rapide. La toiture est en tôle ondulÊe. L’isolation est confectionnÊe par des couvertures et des couettes. Des bâches plastiques assurent l’impermÊabilitÊ.
TF aison 1/33e
1
BO PG B IPVTF
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N
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Actes & CitĂŠs - 2016
2m
Plan axonomĂŠtrique intĂŠrieur
31
Coupe 30
Etude suivante study Maison duNext chef leader’s shed
Maison du chef
Etude suivante Next study
*O UIF JOUFSJPS PG UIFJS SPPNT XF DBO TFF B MPU PG DPWFSMFUT PWFS UIF GMPPS UIF XBMMT BOE UIF DFJMJOH UP QSPUFDU GSPN UIF OJHIUĂƒT DPME &WFSZ PCKFUT BSF JO UIFJS QMBDF *U JT WFSZ DMFBO BOE XBSN
3FHVMBS 1MBO PG B IPVTF
Plan type d’une maison 1/33e
Maison du chef leader’s shed
L’intÊrieur de leurs chambres est recouvert de couvertures afin de se protÊger du froid pendant la nuit. Cela donne un effet très chaleureux à la pièce. De plus, tout est bien rangÊ et très propre.
Le chef des bÊdouins habite le cabanon le plus haut, (qui par sa position n’est jamais inondÊ) et se dÊtache du reste des habitations. Afin d’Êviter que le reste des habitations s’inondent, une rigole a ÊtÊ creusÊe pour permettre l’Êvacuation des eaux.
leville - Actes & CitĂŠs - 2016 Coupe au 1/100e 4FDUJPO
1
ENSA Paris Belleville - Actes & CitĂŠs - 2016
Coupe au 1/100e
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5m
2
Architecture de la rĂŠsilience
1
2
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STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
S SPPNT XF FS UIF GMPPS QSPUFDU GSPN JPS PG UIFJS SPPNT XF PWFSMFUT PWFS UIF GMPPS S QMBDF *U JT DFJMJOH UP QSPUFDU GSPN
Ensuite, nous allons analyser un campement Soudanais situé au Nord de la butte. Une quinzaine de soudanais cohabitent dans ce campement. Ce dernier se compose de trois espaces de nuit, un espace de stockage, un espace de cuisine intérieur et une zone de rassemblement extérieure. Les soudanais ont créé des limites externes par des ficelles, des morceaux de bois et de lits de camp. Ces limites offrent des espaces partagés plus intimes. L’entrée s’effectue sous le passage d’une bâche. Un seuil, constitué de bois et de bâche, est aménagé à l’entrée des différents abris. Ces derniers sont parfois regroupés par deux. Tous s’organisent autour de la cuisine commune près du feu.
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Plan masse
Plan axonométrique
Ce regroupement d’habitats s’organise autour d’une zone inondable. Contrairement au regroupement d’habitats bédouins, les entrées se font face. Les habitations s’organisent autour de la cuisine sous tente et constituent un véritable noyau de solidarité.
Vue d’ensemble source RelevéJungleMars2016
u 1/33ème QFSTQFDUJWF QMBO
DUJWF QMBO
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N
2m
Ils sont deux à dormir dans les abris. Ces soudanais leur Architecturedéfendent de la résilience emplacement de choix en hauteur en bordure de la butte. De part cette position, ils se protègent des intempéries. La hauteur leur permet également d’avoir une vue d’ensemble sur le camp et de l’observer. N
Coupe
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
2m
1
Architecture de la résilience
1
Plan axonométrique intérieur
Enfin nous terminerons par l’étude d’un groupement d’habitations iraniennes situé au Nord, dans une zone beaucoup plus dense. Les Médecins Sans Frontières (MSF) sont intervenus pour construire des cabanes en bois, montants et traverses bois avec panneaux OSB isolés par une bâche. Les cabanes s’organisent selon le terrain. Ce groupement de cabanes se retrouvent près du chemin principal. Contrairement aux organisations étudiées précédemment, aucun espace commun partagé n’est pensé. Les habitats se regroupent par deux face à face et sont reliés par une bâche qui sert également d’isolation créant ainsi un espace intermédiaire.
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Coupe 1/50
Plan masse CC
Plan
DD
Chacune des cabanes, équipée d’une cuisine, est aménagée pour accueillir deux à trois personnes.
Vue d’ensemble source RelevéJungleMars2016 60
Reza - 42 ans - commerçant - Iran Reza - 42 - shopkeeper - Iran
Archit
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elleville - Actes & Cités - 2016
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és - 2016
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N
1
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N
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Chaque habitation est surélevée par des palettes de bois. L’imperméabilité est assurée par des bâches assemblées par des clous et morceaux de bois. La structure des traverses en bois, sert de mobilier pour disposer les affaires personnelles. D
C
D
C
Coupe 1/50
CC
Coupe
DD
Elévation
STRATÉGIE D’INTÉGRATION DE L’ARCHITECTURE SPONTANÉE DANS LA PLANIFICATION
N
Plan axonométrique intérieur
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3. «ARCHITECTURE SANS ARCHITECTE»1, NOUVEL ENJEU POUR L’ARCHITECTE
1. Nom De l’exposition «architecture sans architecte» au Musée d’art Moderne de New York en 1964
La cité de l’Architecture et du patrimoine, présente l’exposition «Habiter le campement» du 13 avril 2016 au 29 août 2016. Cette exposition propose une réflexion sur la notion d’habitat, qui implique une certaine pérennité, et celle du campement, qui suggère un état provisoire. Elle a pour originalité d’aborder une question d’actualité, à travers le prisme de son architecture. Ainsi, cette nouvelle forme de ville «off»1 qui dessine la ville du XXIe siècle, devient le nouveau débat qui anime le monde de l’architecture. Dès lors, comment se positionne l’architecte face à cette architecture sans architecte ? Des architectes, en des époques et des circonstances différentes, ont fait de l’architecture spontanée leur terrain d’étude. C’est pour cela que nous allons nous intéresser plus particulièrement aux travaux de Hassan Fathy, connu sous le nom de«l’architecte aux pieds nus» dans les années 70 et d’Alejandro Aravena le Pritzker 2016 controversé.
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3.1 HASSAN FATHY : «L’ARCHITECTE AUX PIEDS NUS»
«L’HABITAT POUR LE PLUS GRAND NOMBRE»2/
Dans les années 50-60, le logement social demeure une des grandes préoccupations de l’architecture moderne. Cependant la priorité ne repose pas sur la question des habitats précaires. Certains architectes se sont toutefois intéressés à cette architecture spontanée ainsi que sur leurs modes de constructions. C’est lors du IXeme Congrès International de l’Architecture moderne (CIAM) tenu à Aix-en-Provence en 1953 sur le thème de «l’Habitat pour le plus grand nombre», que des analyses sur les bidonvilles furent réalisées, notamment celle de Roland Simounet. Lors du Congrès suivant, la Team X remet en question les tenants de l’architecture moderne et propose une nouvelle réflexion sur le logement. Le but est de loger le plus grand nombre de personnes, en développant la participation et l’architecture vernaculaire. Candilis, Josic et Woods, fascinés par cette architecture spontanée, firent des projet dans le quartier expérimental de PREVI. Par la suite, l’exposition de Bernard Rudofsky en 1964 au Musée d’art Moderne de New York «architecture sans architecte» remet en question les fondements de l’architecture et urbanisme savant. Cette exposition témoigne d’une réaction contre l’excès rationaliste de l’architecture moderne. C’est la première fois qu’est reconnue l’architecture spontanée, vernaculaire, anonyme. Ainsi, l’architecture non codifiée et singulière propre à l’architecture 1. Propos De O. Leclerc issus de l’article «Le contre-projet d’un architecte pour éviter l’expulsion d’un bidonville», Libération, 2 février 2016 2. Nom de la thématique du CIAM en 1953
spontanée devient un nouveau terrain d’étude. Cette remise en question de l’architecture moderne se traduit par la nécessité de créer de nouvelles missions de l’architecte de manière à travailler avec les contraintes qu’imposent l’habitat informel.
«CONSTRUIRE AVEC LE PEUPLE»1 /
Le 3 juin 1976 au forum non gouvernemental de la conférence de Vancouver, Hassan Fathy définit le portrait de «l’architecte aux pieds nus» : « l’architecte est un missionnaire ; nous devons créer une classe d’architectes qui, avant de rechercher un profit, s’occuperont en priorité d’aider les familles à faible revenu à construire leur propre abri. » Hassan Fathy, d’origine égyptienne, est un des premiers architectes à avoir pris conscience que le peuple pouvait participer à l’élaboration de projet simple ou ambitieux. En reprenant comme base l‘architecture traditionnelle de terre, il fait l’expérience de la construction d’une ville entière, celle de Gourna en Égypte en 1945.
Ainsi, l’architecte se voit doter de nouvelles compétences. Il met ses connaissances et son savoir faire au service des quartiers précaires en intervenant activement dans la construction et les décisions. De ce fait, «l’architecte aux pieds nus» doit avoir à la fois des compétences d’ingénieur, d’architecte, de sociologue et de coordinateur d’équipe pluridisciplinaire. Il doit se mettre en totalement immersion en adoptant le mode de vie des habitants et acquérir les savoirs faire locaux en prise directe sur ces quartiers.
1. Nom de l’ouvrage de H.Fathy Construire avec le peuple ,Paris, Sindbad, Actes Sud, 1996
«ARCHITECTURE SANS ARCHITECTE» : NOUVEL ENJEU POUR L’ARCHITECTE
Plan nouvelle ville de Gourna - source occasionalyarchitectural
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Ainsi, Hassan Fathy défend une architecture vernaculaire portée sur une démarche participative qui inclut les habitants dans le processus constructif. Il est persuadé que les architectes doivent apprendre à «construire avec le peuple» en donnant la possibilité aux habitants de revaloriser leur conditions de vie. Il défend une architecture «pour les êtres humains» qui replace la culture de l’individu et des savoir-faire locaux au coeur du processus architectural. Son ouvrage Construire avec le peuple en 1973 illustre ses idées et ses ambitions, bien que son expérience dans la ville de Gourna soit peu concluante.
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Nouvelle ville de Gourna - source occasionalyarchitectural
3.2 ALEJANDRO ARAVENA : «LE PRITZKER CONTROVERSÉ»
VERS DE L’AUTO-CONSTRUCTION GUIDÉE /
Le 13 janvier 2016, l’architecte chilien Alejandro Aravena, connu sous le nom d’Elemental Team, reçoit le prix Pritzker, le «Nobel» d’architecture. Reconnu pour ses projets de «demi-maison», il défend une architecture qui répond aux besoins que posent l’urbanisation mondiale et plus particulièrement celle en Amérique latine : « Afin d’apporter une réponse à la croissance urbaine qui se produira d’ici à 2030, nous devons être capables de bâtir, dans les seuls pays en développement, une ville pour 1 million d’habitants par semaine avec 10000 dollars par unité dans le meilleur des cas. La plupart du temps, la solution disposera de fonds ne pouvant pas même payer la moitié d’une maison, comme au Chili, et à peine suffisants pour l’infrastructure et les installations sanitaires. »1
1. Alejandro Aravena et Andés Iacobelli, « Des maisons pour tout le monde ? L’habitat incrémenté et la conception participative », in Ré-enchanter le monde sous la direction de Marie Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, p.109
X=
1 ville x 1 000 000 personnes x 1 semaine $10 000 x 1 famille x 20 ans
A travers cette équation, Elemental Team énonce une problématique économique (faire d’une dépense nécessaire, la maison, un investissement pour le futur) qui s’incarne architecturalement à travers un système «d’habitat incrémenté». Au Mexique et au Chili, l’habitat social se développe sous le double effet de la réduction des surfaces d’habitation et de l’éloignement de l’implantation des quartiers sociaux des centres économiques. Aravena constate que « pour remédier au manque d’espace, les gens agrandissent leur maison en bâtissant eux-mêmes tant bien que mal, [...] au mépris des risques structurels ultérieurs, de la dégradation du quartier et du surpeuplement. Il n’y a en revanche pas grand chose à faire pour remédier à l’éloignement. »1
Ainsi, Elemental Team propose de synthétiser plutôt que de réduire. Ils avancent donc l’idée suivante : « si l’argent ne peut payer qu’environ 40m2 au lieu de penser que c’est la taille d’une petite maison, pourquoi ne pas y voir la moitié d’une bonne maison ? Quand on considère que 40m2 est la moitié d’une maison confortable, la question clé devient : quelle moitié construisons-nous ? Il nous a semblé que le mieux était de construire la moitié de la maison qu’une famille aurait du mal à bâtir elle-même ».2
Villa Verde, Elemental source AMC
Quinta Monroy, Elemental source AMC
1. Alejandro Aravena et Andés Iacobelli, « Des maisons pour tout le monde ? L’habitat incrémenté et la conception participative », in Ré-enchanter le monde sous la direction de Marie Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, p.109 2. Alejandro Aravena et Andés Iacobelli, « Des maisons pour tout le monde ? L’habitat incrémenté et la conception participative », in Ré-enchanter le monde sous la direction de Marie Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, pp.109-110
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Ainsi ce système de demi-maison permet d’introduire l’habitant dans le processus de construction à travers de l’auto-construction guidée, un processus appelée «do tank». Les habitants participent à la totalité des étapes du projet, de la phase de la conception à la construction. Ce concept d’incrémentation offre une forme d’émancipation sociale aux populations concernées qui s’impliquent dans l’élaboration de leur maison. Le «do tank» architectural, permet de penser le logement comme un investissement. Ce processus permet l’émergence d’une classe moyenne et des perspectives de développement local par le biais d’une maîtrise et d’un design spécifique encadrant le phénomène d’urbanisation. « Si ceux qui reçoivent une subvention deviennent propriétaires de leur logement, comme au Chili, il serait souhaitable que le plus gros transfert d’argent public - et de loin - dans le patrimoine familial se comporte comme un capital, susceptible de prendre de la valeur avec le temps. L’habitat pourrait ensuite servir de garantie pour demander un prêt permettant à la famille de monter un petit commerce, aux enfants de faire des études ou simplement accéder à la mobilité sociale. Si le logement était considéré comme un investissement et pas seulement comme une dépense sociale, il pourrait être un outil pour lutter contre la pauvreté et pas seulement servir de refuge. »1 Aravena est l’un des rares architectes qui prétend qu’en cas de catastrophe, les abris temporaires présentent un gaspillage d’argent. Il préconise plutôt de construire rapidement des structures simples et efficaces mais qui durent plus longtemps. Des constructions qui forment la base architecturale que les familles peuvent étoffer par la suite. «UN
PRITZKER INDIGNE ?» /
Toutefois, Aravena ne fait pas l’unanimité après avoir remporté le Prix Pritzker 2016. Le journaliste Olivier Namias, remet en cause l’attribution du prix à Alejandro Aravena et souligne que ce dernier est un architecte «en rupture avec les précédents lauréats (du Prix Pritzker), connus pour leur production d’objets spectaculaires et dispendieux, Aravena est-il ce héros que les architectes attendaient désespérément ?» 2 Il lui est reproché entre autre, de ne pas citer ses prédécesseurs chiliens qui ont mené une réflexion dans les années 70 sur l’habitat incrémenté pour résorber les bidonvilles, bien que ce dernier s’exprime en ces termes lors de l’interview dans l’ouvrage Ré-enchanter le monde : «L’habitat incrémenté n’est pas nouveau ; ce type de construction évolutive date des années 1960»3. De plus, les parts de son agence Elemental Team sont détenues par le groupe pétrolier COPEC et l’Université privée catholique ((Pontifica Universidad Católica de Chile, dite UC ou PUC), connue pour ses orientations néolibérales. Mais comme le souligne Rodrigo Cattaneo Pineda(géographe spécialiste du logement chilien) «l’appel au mécénat des entreprises n’est pas rare dans ce pays (Chili)(...)».4 En effet, le statut des architectes européens diffère de 1. Alejandro Aravena et Andés Iacobelli, « Des maisons pour tout le monde ? L’habitat incrémenté et la conception participative », in Ré-enchanter le monde sous la direction de Marie Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, p.111 2. O. Namias, «Qui est vraiment Alejandro Aravena, lauréat 2016 du Pritzker Prize ?», in D’a, article consulté en ligne en mars 2016, http://www.darchitectures.com/qui-est-vraiment-alejandro-aravena-laureat-2016-du-pritzker-prize-a2848.html 3. Alejandro Aravena et Andés Iacobelli, « Des maisons pour tout le monde ? L’habitat incrémenté et la conception participative », in Ré-enchanter le monde sous la direction de Marie Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, p.110 4. Interview de R.Cattaneo dans l’article de B.Durand, «Alejandro Aravena : un Pritzker indigne ?», Architectures à vivre, mars 2016, p.26
celui des architectes internationaux. En France, c’est la loi MOP, qui met en relation la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre pour les marchés publics. A l’international, notamment en Amérique du Nord et du sud c’est la culture du mécénat qui fait état. Ce sont de gros investisseurs qui subventionnent leurs projets. Toutefois, ces attaques justifient-elles- de ne plus prendre en considération le travail d’Alejandro Aravena ? Ne risquent-elles pas de ternir l’image sociale de l’architecte humanitaire ?
3.3 «HABITER LE CAMPEMENT»1, UNE NOUVELLE FORME DE VILLE QUI FAIT DÉBAT FASCINATION /
La fabrique des quartiers auto-construits a toujours fait preuve d’une certaine fascination. Cet «art de la débrouille», met en exergue la capacité des habitants à créer de véritables quartiers auto-gérés avec des matériaux de récupération. Les habitants sont les architectes de leurs propres espaces de vie. Les propos de Friedensreich Hundertwasser potentialisent cette fascination : «L’inhabitabilité matérielle des bidonvilles est préférable à l’inhabitabilité morale de l’architecture utile et fonctionnelle. Dans ces quartiers misérables, qu’on appelle des bidonvilles, l’homme ne peut sombrer que physiquement, alors que l’architecture planifiée qu’on prétend faite pour lui, le fait sombrer moralement. C’est donc le principe du bidonville, c’est-à-dire du foisonnement architectural sauvage, qu’il faut améliorer et prendre comme base de départ et non pas l’architecture fonctionnelle».2 Comme nous l’avons évoqué précédemment, cette citation renverse les codes de l’architecture moderne et défend l’oeuvre collective des bidonvilles. Il prône cette architecture non codifiée qui doit servir de base à l’architecte et à l’urbaniste, les deux bâtisseurs de la ville.
MÉDIATISATION /
La médiatisation du démantèlement de la «jungle» de Calais témoigne de cette architecture informelle qui fait ville Cette actualité, aux enjeux sociologiques, met en exergue l’importance de la collaboration étroite de l’architecte avec des sociologues, anthropologues, ethnologues. C’est la façon 1. Intitulé de l’exposition «Habiter le campement» à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris du 13 avril 2016 au 29 aoüt 2016 2. Issu de son Manifeste de la moisissure contre le rationalisme en architecture
«ARCHITECTURE SANS ARCHITECTE» : NOUVEL ENJEU POUR L’ARCHITECTE
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d’habiter qui interroge les débats. En effet, la cité de l’architecture et du patrimoine propose une exposition sur «Habiter le campement», sur les manières d’investir, d’habiter, de subir et de transformer l’habitat spontané. Cette exposition ouvre les nouvelles frontières de l’architecture savante. Le commissaire de l’exposition a déterminé un corpus composé de six typologies de campements, nomades, voyageurs, infortunés, réfugiés, conquérants et contestataires. Ces architectures hétérogènes, hors de toute planification urbaine, sont traitées sur le même plan. Il est important de préciser que ce monde nomade s’avère choisi ou subi.
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Les architectes se sentent concernés par cette actualité et animent les débats. Ils se sont exprimés, ont écrit et mené des actions dans le cadre de leur champ de compétences. Cyrille Hanappe avec ses étudiants a construit des aménagements dans la «jungle» de Calais dans le cadre du DSA Risques Majeurs. De plus, Cyrille Hanappe oeuvre avec l’association Actes et Cités et son agence Air architectes en association avec Olivier Leclerc sur des projets sociaux : le projet des Bâtisseurs de Cabanes lors de l’expulsion de la Petite Ceinture ou encore l’édification d’un centre juridique à Grande-Synthe.
Centre juridique à Grande-Synthe Affiche exposition «Habiter le campement» Source ActesetCités Source citechaillot S’exprimer sur l’habitat spontanée tend à devenir une question éthique. Le blog Demain la ville, tenu par Bouygues immobilier, un des plus grands promoteurs, consacre un article sur cette architecture informelle «De l’homme mobile au mobile home»1 : «L’occasion d’interroger la notion d’habitat et de campement dans le monde et ce qui « fait » la ville aujourd’hui.»1 Malgré l’intérêt que suscite cette architecture informelle, cette dernière est rejetée. Une nouvelle mission de l’architecte se dessine, celle de composer avec le spontané.
1. «De l’homme mobile au mobile home», article en ligne consulté in Demain la ville, en mars 2016, http://www.demainlaville.com/de-lhomme-mobile-au-mobile-home/
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«ARCHITECTURE SANS ARCHITECTE» : NOUVEL ENJEU POUR L’ARCHITECTE
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CONCLUSION
1. P.Joffroy, «Pourles bidonvilles en France», D’a, mai 2016, p.34 2. P.Joffroy, «Pourles bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, p.35-36 3. P.Joffroy, «Pourles bidonvilles en France», D’a, mai 2016, p.25
65 CONCLUSION
NOUVEL ENJEU DE L’ARCHITECTE / Comme nous l’avons énoncé tout au long de ce mémoire, il n’existe pas une solution unique pour répondre à la problématique des quartiers autoconstruits. Dans les pays sud-américains les quartiers spontanés tendent à être reconnus comme une alternative urbaine ; leur statut demeure cependant fragile. Différentes politiques sont défendues face à ces quartiers : une politique de réhabilitation au Brésil, nuancée par l’exclusion ou la destruction des favelas lors de manifestations internationales, une politique de valorisation en Colombie et une politique de re-logement à Lima au Pérou dans le quartier expérimental de PREVI. Ce dernier, reconnaît les habitants comme acteurs de leur logement et intègre l’auto-construction dans la planification. Ces politiques défendent un développement urbain inclusif soutenu par des interventions architecturales favorables à l’intégration sociale. En France, en revanche nous constatons l’absence de réflexion et de propositions sur l’habitat précaire. Cependant le sujet sur le mal logement s’amplifie dû aux mouvements croissants des migrations et à la fragilité des parcours de vie, «les bidonvilles et les « camps » de migrants seraient un sujet trop politique pour être du ressort de l’architecture et lui donner « prise »».1 Toutefois, la reconnaissance de ces architectures spontanées ne peut se faire que par le biais d’une prise de conscience des pouvoirs publics et des municipalités concernées. Le droit au logement opposable et la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement de lutte contre l’exclusion, obligent les pouvoirs publics à fournir un logement pour tous et construire davantage de logements sociaux. Seulement, « ni les hôtels sociaux (...) ni les quelques villages d’insertion ouverts temporairement, ni les logements vacants (…) ne sont des solutions ciblées et réalistes ». Il en est de même quant aux « (…) dispositifs d’urgence mobilisés à la fin de l’été 2015 pour répondre à ce que l’on appelle « la crise des migrants » », « (…) des solutions d’hébergement existent alors qu’elles sont saturées. On prévoit de mobiliser des logements vacants, mais à quelle échelle et pour quel coût ?(…) »2. Aujourd’hui l’État résout ce problème d’un coté par la destruction de ces quartiers informels pour des raisons de non-conformité, sans pouvoir de l’autre, proposer des solutions de remplacements ; le coût de construction de logements sociaux normés étant trop élevé. Il devient urgent de penser « ces quartiers en tant que phénomène urbain » de prendre conscience que « le progrès aujourd’hui n’est pas de loger plus performant, plus grand, il est de loger tout court». 3
C’est pourquoi nous ne défendons pas l’opinion de Rem Koollhas lorsqu’il prétend qu’ « il est illusoire de prétendre changer la société par l’architecture». Bien au contraire, l’architecte occupe une place majeure dans l’instauration « d’un droit à habiter », dans sa capacité à interroger notre rapport à l’auto-construction.. C’est l’occasion de « travailler à l’émergence de nouvelles opportunités sociales et culturelles ». Teddy Cruz considère également l’habitat comme « un système interactions économiques et culturelles, et la densité comme une somme d’échanges par hectare»1. L’architecte doit faire preuve de créativité, oser proposer « des solutions provisoires et des aménagements progressifs, intégrant toutes sortes de bricolages réversibles »2 afin d’offrir un toit à moindre coût. Cela se rapproche étroitement du concept de PREVI, abordé précédemment. Il appartient désormais aux architectes et urbanistes de favoriser ce «droit à la ville» en associant ces quartiers spontanés à la planification urbaine. Donner un sol et un statut aux quartiers spontanés dans la ville, demeure la nouvelle mission de l’architecte.
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1. P.Joffroy, «Pourles bidonvilles en France», D’a, octibre 2015, p.38 2. P.Joffroy, «Pourles bidonvilles en France», D’a, mai 2016, p.26
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BIBLIOGRAPHIE Livres : -AGIER Michel, Un monde de camps, Paris, La Découverte, 2014. -BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Paris, Broché, Actes Sud, 2006. -CANDILIS Georges, Le fond du problème, In Bâtir le vie : un architecte témoin de son temps, Gollion, Infolio, Archigraphy poche 2012, pp.301-314. -CONTAL Marie-Hélène, Ré-enchanter le monde : L’architecture et la ville face aux grandes transitions, Paris, Gallimard, 2014. -DAVIS Mike, Planète bidonvilles, Paris, Ab Irato, 2005. -DAVIS Mike, Le pire des lmndes possibles. De l’explosion urbaine au bidonville global, Paris, La Découverte, 2006. -FATHY Hassan, Construire avec le peuple, Paris, Sindbad, Actes Sud, 1996. -FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie : Une philosophie de la pauvreté, Paris, l’Éclat, 2003,2016. -GARCIA-HUIDOBRO Fernando, TORRES TORRITI Diego, TUGAS Nicolas, El tiempoconstruye, Times builds !, Barcelone, Editorail Gustavo Gill, 2008 -LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage : Manifeste pour une architecture située, Paris, Sextant, 2010. -MARCHAL Hervé et STEBÉ Jean-Marc, «Le bidonville sera-t-il la forme urbaine domainante du XXIe siècle ?», dans La ville : Territoires, logiques, défis, Paris, Ellipses, 2008, pp.131-136. -MARCHAL Hervé et STEBÉ Jean-Marc, «Les formes contemporaines du ghetto ou les risques de la concentration de la misère», dans La ville au risque du ghetto, Paris, Lavoisier, 2010, pp.19-35. -MARCHAL Hervé et STEBÉ Jean-Marc, Les lieux des banlieues : de Paris à Nancy, de Mumbaï à Los Angeles, Paris, Le Cavalier Bleu, 2012, pp.75-94. -MONGIN Olivier, La ville des flux : L’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine, Paris, Fayard, 2013. -ONU Habitat, The Challenge of Slums : global report on human settlements,, Earthscan publications, Londres, 2003. -REVEDIN Jana, La ville rebelle : démocratiser le projet urbain, Paris, Gallimard, 2015. -RUDOFSKY Bernard, Architecture sans architecte, Academy Edition, Londres, 1974. Articles de revues : -CONTALE Marie-Hélène «Culture = espoir. Bibloteca Espana, Medellin, Colombie», Ecologik, n°18, Décembre 2010/Janvier 2011, p. 127-DURAND Béatrice, «Alejandro Aravena : un Pritzker indigne ?», Architectures à vivre, mars 2016, pp.23-31 -JOFFROY Pascale, «Pour les bidonvilles en France», D’a, octobre 2015, pp. 34-40
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Films / Reportages : -BARATIER Jacques, La Ville Bidon, 1976. -BRIANTAIS Éric, Métropoles en mutation : 21 villes du monde en regard, 2000 -DUNCAN Daniel, «Voyage aux Amériques : Brésil : favelas et samba», Arte+7, 01-30 janvier 2016 -MOREAU Yolande, Nulle part en France, 2016, http://info.arte.tv/fr/nullepart-en-france-de-yolande-moreau -«Apartheid territorial : peut-on forcer les gens à habiter ensemble ?», Arte+7, in 28 minutes, mardi 12 avril 2016 -ORHON Jean-Nicolas, Bidonville : Architectures de la ville future, 2013 Cours : -GOLAY Florian et LEONARDI Cécile, Vers une ville ressource, Penser l’avenir de l’urbain sous l’angle d’une économie de l’usage, 2015
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Rapports : -«La mobilité urbaine pour tous», Edité par GODARD Xavier et FATONZOUN Innocent, Lome, novembre 2002, p.324. -Sous la direction de HANAPPE Cyrille, Architecture et réduction du risque : Plan guide d’intervention dans la jungle de Calais, Janvier 2016. -Sous la direction de HANAPPE Cyrille et HASSAN Albert, Relevé de la Jungle de Calais-10 mars 2016, ENSA Paris Belleville-Actes & Cités.
ANNEXES Calais, France
Quartier Expérimental de PREVI, Lima Pérou
CONTEXTE Localisation
Nord de la France, à Calais, ville frontalière avec l’Angleterre.
Nombre d’habitants 72 589 habitants (source Libération, lundi 7 mars 2016) Situation économique Par sa situation géographique frontalière, Calais est une région d’échanges, un carrefour de communication entre l’Europe du Nord-Ouest, le reste du pays, l’Espagne et le Portugal. Présence de trois grands ports, le port de Boulogne, le port de Calais (premier port pour le nombre de voyageurs transmanche) et le port de Dunkerque.
Au Pérou à Lima sur la Côte ouest. Lima est capitale et la plus grande ville du pays Sur 1500 logements projetés, 500 construits, À peu près 2000 habitants Dans les années 60, Lima connaît un taux de croissance élevé de la population, couplé avec la détérioration de divers secteurs économiques. Cela a engendré la croissance des barriadas.
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Politique de l’État vis- En France, les quartiers auto-construits reste nt Dans les années 60, l’État intervient dans la à-vis de ces quartiers ignorés et refoulés par les politiques urbaines. construction de logements pour remédier à informels La France applique leur expulsion-destruction l’expansion des barriadas. systématique à un rythme qui s’amplifie. Sur le La politique de la ville du gouvernement de sol français, la vie dans les quartiers informels, Manuel Prado (1962-1965) considérait la proest l’une des plus instables et donc l’une des blématique des barriadas comme un problème lié à l’usage du sol. Ainsi, il met en place une plus difficiles du monde. D’un côté, ces quartiers doivent être démolis loi, «Loi des bidonvilles». De cette loi des pour non-conformité, de l’autre, ils ne pour- projets de villes satellites ont été proposées, raientt être remplacés que par des logements d’urbanisations des barriadas (PREVI) mais sociaux normés, donc chers. Ainsi, la légitimité sans grand succès. De ce fait, le gouvernede détruire devient plus grande que celle de ment a reconnu les barriadas comme modèle d’extension urbaine pour les populations en (re)construire. situation précaire. LIEU D’IMPLANTATION Date de formation
A partir de 1999, sous le nom de camp de Sangatte.
A partir de 1965, première version du projet PREVI conçue par l’architecte Peter Land
Localisation
Nord de la France, à Calais, ville frontalière avec l’Angleterre.
Motif de l’apparition Vague de migrants, réfugiés politiques
Superficie
Densité
A Lima, au Pérou Côte Ouest, Lima capitale et plus grande ville du pays Suite à la crise du logement des années 60, répondre à la croissance démographique sans privilégier la précarité des barriadas.
33.5 km² (soit près du tiers de Paris, 105 km²) 400 hectares, soit 4 km²
À peu près 8 à 10m² par maison 8m²/habitant
Parcelle du logement : entre 80 m² et 150 m² SHON : entre 60m² et 120m² Possibilité de construire jusqu’à trois étages Situation par rapport à En périphérie de la ville, dans une ancienne A huit kilomètres du centre de l’autoroute la ville décharge près d’usines classées SEVESO. Nord de Lima, dans le quartier «Naranjal». 74 La rocade, des barrières ainsi qu’une bande de Le site est desservi par de nombreuses voies 100m, délimitent l’emprise de la «jungle». notamment l’autoroute intercontinentale «Panamericana». Site qui donne la possibilité d’extensions. Accès à la ville
Une entrée et sortie permettent de rejoindre le Connexion à Lima par voies routières. . centre de Calais. L’accès est contrôlé. Une zone tampon entre l’A26 et la «jungle» a été crée pour des raisons de sécurité en janvier 2016. C’est la bande de 100 mètres. L’ A26 et l’A16 sont les artères vitales, elles desservent la «jungle». Ces deux autoroutes charrient des milliers de poids lourds qui vont emprunter le tunnel sous la Manche.
Contraintes géographiques
Terrain sablonneux de 18 hectares, situé en Terrain qui se trouve à 137m sur le niveau de zone inondable, marécageuse particulièrement la mer. La pluie est rare mais le niveau d’humiexposée au vent et aux intempéries. dité est très élevé. Vent du sud-ouest. (source Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais, octobre 205).
FONCTIONNEMENT
Gestion
Autogestion des habitants. Gestion par l’État qui est à l’origine du projet. En 2015 le gouvernement français et la Financement du projet et de la planification mairie de Calais autorisent l’occupation du urbaine. terrain sans limitation de temps. Système sécuritaire : présence policière,mis en place par l’état.
Equipements existants Mise en place de services minimums par l’État. Services disponibles dans chaque habitation. La justice a ordonné à l’État de créer dix Des espaces publics sont aménagés entre les points d’eau supplémentaires, cinquante différents logements. Présence d’équipements, latrines, un système de collecte des ordures, un parc central, des écoles maternelles, des mettre en place des bennes supplémentaires écoles primaires et des crèches. et un ou plusieurs accès pour les services d’urgence. ARCHITECTURE Type de construction Création de quartiers selon les différentes eth- Différentes typologies d’habitats. nies : transposition des modes de vie locaux Chaque logement a la contrainte d’être modusur l’architecture. lable, pouvant offrir une extension jusqu’à Constructions légères en RDC. trois étages. Tous les logements doivent être Suivant les constructions, plusieurs personnes extensibles au degré le plus ample possible. logent dans le même abri. Parcelle du logement : entre 80 m² et 150 m² 75 Organisation de lieux de vie partagés (cuisine, SHON : entre 60m² et 120m² salle à manger)
Conditions Sanitaires
Habitations très précaires. Habitations salubres, L’insalubrité s’explique par le non raccorde- Raccordement à tous les servies sanitaires. ment aux services d’égouts et d’assainissement, le non accès à l’eau potable et à la non gestion du ramassage des ordures ménagères.
Statut du terrain Le gouvernement et la mairie de Calais ont Habitants propriétaires Propriété, locatif, autre autorisé sans limitation de temps l’installation de la «jungle». Ces constructions de fortune ne rentrant pas dans la norme, sont sujets d’être expulsés et détruits à tout moment par leur illégalité. Le démantèlement de la zone sud en témoigne. Terrain qui appartient à l’état, occupation illégale du sol mais tolérée. Matériaux
Matériaux légers récupérés : -structure bois : tasseaux de bois, poutre bois -imperméabilité : bâche plastique -tissu -toiture : tôle ondulée -panneaux OSB -isolation : couvertures, couettes -Assemblages : clous, morceaux de bois, bouchons de bouteille plastique, scotch
Constructions «en dur» dont la structure est évolutive -Projet de Kikutake, Kurokawa et Maki: -panneaux béton préfabriqués -structure permet la construction d’un seul étage
Temps mise en œuvre Rapidité de mise en œuvre, en une nuit une maison s’édifie.
Le choix d’utilisation de matériaux préfabriqués permet une mise en œuvre rapide.
Tous les logements sont construits par les habitants.
Projet conçu par des architectes et mis en oeuvre par des professionnels du bâtiment. La part d’autoconstruction réside dans l’évolution des habitations : -Projet de Kikutake, Kurokawa et Maki: -modification de l’organisation intérieure du logement -Ajout de deux étages (une extension de la surface originale de presque 340 %).
Présence d’ONG
Présence de nombreuses ONG, pour le plus grand nombre anglaises et belges
Non
Etat
Mise en place d’un «centre d’accueil provisoire» (CAP) composé de 125 conteneurs.
Financement du projet PREVI pour la création de 500 logements sociaux
La part de l’autoconstruction
ACTEURS
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Architecte
Médiatisation
Le projet architectural est inexistant. Au cœur du projet : concepteur des logements Les architectes s’expriment sur le sujet, travail qui s’adaptent aux modes de vie des habitants. de Cyrille Hanappe et de ses étudiants sur le terrain (relevé et plan guide) Monopolise l’actualité depuis ces derniers mois.
Peu médiatisé
CHRONOLOGIE MÉDIATIQUE DE LA «JUNGLE» DE CALAIS /
WELCOME TO THE «JUNGLE»
20 octobre 2015
Jungle de Calais : l’appel des 800 Cinéastes, écrivains, philosophes, chercheurs, intellectuels… Tous se mobilisent pour alerter l’opinion publique sur le sort réservé aux migrants et réfugiés de la jungle de Calais.
14 février 2016
Considérant Calais Oeuvre collective qui témoigne que Calais est une «ville monde». Auteurs : PEROU
14 février 2016
«Ne détruisons pas le bidonville de Calais !» «Les camps représentent l’immobilisation des personnes mobiles, ils continueront à se développer parce que les moyens et les raisons de la migration ne vont pas se tarir, et tant qu’une alternative aux camps ne sera pas entendue et prise en compte. L’autre solution qui peut être défendue à la place des campas
c’est l’hospitalité.» Auteur : Michel Agier, anthropologue
23 février 2016
Réinventer Calais Une lettre fictive que la maire de Calais aurait pu adresser aux Calaisiennes et aux Calaisiens, en décrivant Calais comme une «oeuvre collective». Auteurs : Sébastien Thiéry ,politologue Antoine Hennion, sociologue Juliette Binoche, actrice Jude Law, acteur
24 février 2016
KID LOST, un projet qui vous fera voir les habitants de la «Jungle» autrement Un projet qui a pour ambition d’”humaniser” les réfugiés et les victimes des conflits en mettant des noms et des visages sur leurs histoires. Ces reportages et photos feront l’objet d’une exposition qui se tiendra au centre Pianofabriek à Bruxelles du 17 au 24 mars. Auteurs : Cle Hunnigan, journaliste Quentin Bruno, photographe
24 février 2016
Calais : Dispositifs de haute sécurité Images des containers du nouveau campement au nord de la zone continuent d’occuper les médias et d’illustrer la situation critique à laquelle les migrants sont confrontés. Le photographe Myr Muratet revient de la « Jungle », ses images sur les bidonvilles avaient accompagné l’article écrit par Pascal Joffroy et publié dans le d’a 239 Auteurs : Myr Luratet, photographe Thé Guéroux, rédacteur de l’article
6 mars 2016
Les leçons urbaines de la jungle «Le camp de migrants est plus qu’un bidonville, il est plus qu’une ville, il est le laboratoire de la ville du XXIe siècle.» Ce travail réalisé dans le cadre du DSA risques majeurs de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville a donné lieu à la rédaction et à la diffusion d’un plan guide dans la jungle de Calais. Auteur : Cyrille Hanappe, architecte et ingénieur (Air Architectures), associé Actes et Cités
7 mars 2016
France, cette vieille nation qui a renoncé à l’hospitalité «Calais est devenue une «ville monde» où se parlent toutes les langues, un lieu central où coexistent de multiples cultures. C’est là, à l’interface entre l’ici et l’ailleurs, entre mobilité et sédentarité, que peuvent s’imaginer d’autres formes d’humanités et d’urbanités et d’espaces publics.» Auteur : Luc Gwiazdzinski, Géographe, université Grenoble Alpes (IGA) Ce travail a donné lieu à l’exposition Calais, Tensions d’ici et d’ailleurs, organisée par le Master Innovation et Territoire
2 avril 2016
«Nulle part en France» de Yolande Moreau Ni reportage ni documentaire, dans cet entre-deux assumé. Yolande Moreau en revient avec un film témoignage dans lequel alternent les interviews réalisées sur le terrain avec les textes écrits par Laurent Gaudé et lu par l’actrice et réalisatrice. Auteurs :Yolande Moreau, actrice et réalisatrice
13 avril 2016
Le campement, avenir de l’architecture ? Emission de radio «Le campement, avenir de l’architecture ?» différée suite à la présentation en conseil des ministres de la Loi égalité citoyenneté qui vise à lutter contre à la ghéttoïsation de certains quartiers, et suite à l’ouverture de l’exposition Habiter le campement à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris. Emission : France Culture, La Grande table animée par Caroline Broué Invités :Patrick Bouchain, architecte «constructeur» Philippe Trétiack,architecte urbaniste, écrivain, reporter.
13 avril 2016
Habiter le campement Architectures de nomades, de voyageurs, d’infortunés, d’exilés, de conquérants et de contestataires
L’exposition interroge le rapport entre la notion d’habitat, qui implique une pérennité, et celle du campement, qui suppose un état provisoire. Cela dans le but de montrer que des contextes politiques, économiques et environnementaux ont conduit des milliers de personnes à s’établir et à s’organiser de manière durable dans des campements, pour « habiter » les camps et « faire ville ». Auteurs : Damien Antoni et son équipe, arrchitecte : documents photographiques et analyses graphiques ;collectif d’architectes 1024 : scénographie ; Jean Bellorini (TGP) et Marion Canelas, parcours sonore
Projection-débat Jeudi 14 avril : Michel Agier, anthropologue Cyrille Hanappe, architecte et ingénieur
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LA VILLE RESSOURCE, mémoires 2015.2016 - «De Godin à Google : le cadre de vie des employés logés sur leurs lieux de travail», Emeline Bermudez - «L’architecture des temps libres : Processus de fabrique contemporaine des territoires. Étude de cas : Le promoteur d’immobilier de tourisme et de loisirs Pierre et Vacances », Coralie Chapelle - «Pour une définition de l’habitat participatif au Liban : La Maison Succar (1956-2016)», Elie Daou - «L’architecture de la troisième révolution industrielle - De Vitruve à Rifkin», Giovanna Devillanova - «Architecture et changement climatique, comment anticiper le réchauffement des villes», Filippo Gurrieri - «Cultiver les villes : Les enjeux spatiaux d’une agriculture urbaine commercialisée», Tonin Jegou - « La maison individuelle : Une ressource pour un développement durable des aires urbaines », Allison Kurz - «Métropole croissante, métropole rétrécissante, réflexion sur la plasticité de nos aires urbaines», Célia Landry - « Les animaux dans la ville : De la diversité des modalités spatiales de la présence animale en milieu urbain », Audrey Lesage - «Le patrimoine ordinaire : une ressource durable pour nos territoires», Marine Lhermet - «Le logement social d’aujourd’hui, terrain d’expérimentation pour l’architecte? Cas d’étude sur les territoires périurbains et ruraux», Ghita Menjra
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- «La place de la culture vernaculaire dans l’enseignement d’architecture : l’exemple de la pédagogie de l’ENSAG», Aliaksei Nikishyn - «Les alternatives de l’habitat face au vieillissement de la population», MAUD RICHAUD - «Le patrimoine militaire : une ressource à exploiter pour nos villes», Caroline Rivier
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Notre société s’est développée sous un mode sédentaire où les modèles d’architecture spontanée et informelle ont peu de place. En effet, les habitats destinés à être mobiles, tels que les bidonvilles, ne doivent pas faire partie du paysage mais conçus et envisagés comme des solutions provisoires . Force est de constater que la priorité n’est pas donnée au développement d’architectures spontanées pour répondre à la pénurie de logements. En effet, ces dernières demeurent à ce jour exclues du processus de planification urbaine conventionnelle. Destinés à être provisoires, il arrive que ces habitats perdurent et créent de véritables villes dans la ville. Ainsi, au même titre que l’architecture d’urgence, l’architecte a un rôle a joué dans la pensée de l’habitat spontané afin que celui-ci soit considéré et pensé à l’échelle de la ville. Il faut reconnaître ses habitants comme «acteurs». L’aide architecturale est essentielle pour donner un sol et un statut ces quartiers auto-construits. Un terrain est à inventer afin de concevoir la ville dans une planification urbaine qui accepte l’occupation temporaire.
J u i n 2 016 . E c o l e N a t i o n a l e S u p é r i e u r e d ’A r ch i t e c t u r e d e G r e n o b l e