ECOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE PARIS VAL DE SEINE
MEMOIRE DE MASTER 2 DE 3 Patrimoines _ protections, usage et développement durable SOUTENU LE 3 MARS 2017
URBAN RENEWAL
Le patrimoine urbain américain, des destructions à la naissance d’un processus de protection dans la seconde moitié du XXème siècle
MATHILDE BEUVANT
Source: Charles Frani, The West End Museum, bostonplans.org
SOUS LA DIRECTION DE FABIEN BELLAT
ECOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE PARIS VAL DE SEINE
MEMOIRE DE MASTER 2 DE 3 Patrimoines _ protections, usage et développement durable SOUTENU LE 3 MARS 2017
URBAN RENEWAL Le patrimoine urbain américain, des destructions à la naissance d’un processus de protection dans la seconde moitié du XXème siècle
MATHILDE BEUVANT
SOUS LA DIRECTION DE FABIEN BELLAT
REMERCIEMENTS
Mes plus amples remerciements vont à mon directeur de mémoire M. Fabien Bellat, qui a su parfaitement encadrer ce mémoire de fin d’études.
Ses conseils en termes de
bibliographie, d’organisation et de thématiques m’ont permis de réaliser mon étude d’une manière me semblant en accord avec le sujet choisi. Je souhaite de même le remercier pour son implication dans la relecture de mon mémoire, et pour ses nombreux conseils avisés.
Je remercie également les personnes ayant pris le temps de relire mon mémoire, qui m’ont dispensé conseils et corrections.
Enfin, je souhaite remercier tous les membres du jury de ma soutenance, pour l’attention qu’ils auront accordé à mon mémoire et au sujet que j’ai choisi d’étudier dans le contexte de
ma
dernière année d’études.
Je remercie également les professeurs de l’école d’architecture qui m’ont permis d’accroitre tout au long de ma formation , d’une part mes connaissances mais aussi l’interêt que je porte à la discipline.
SOMMAIRE
Introduction
CHAPITRE
7
1: Les opérations de rénovations urbaines aux Etats-Unis,
9
un envers de tableau menant à une prise de conscience patrimoniale
a- Définitions terminologiques et contextualisation des opérations de rénovation urbaine
10
b- Un programme fédéral au fonctionnement complexe et aux implications préjudiciables
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c- Une politique gouvernementale et urbanistique démocratisée aux conséquences 27 controversées
CHAPITRE 2: Une mutation progressive de la politique de dynamisation urbaine
33
a- Une transition lente vers une meilleure prise en compte du patrimoine et de la nécessité de le préserver
34
b- Evolution de la législation en termes de préservation patrimoniale aux Etats-Unis 38
c- Préserver par une réutilisation adaptée de l’existant: une nouvelle dynamique s’offrant à la ville
vers la préservation du patrimoine architectural et urbain des centres anciens
43
Conclusion
63
Annexes
67
Bibliographie - Sitographie
85
INTRODUCTION
La protection du patrimoine, si elle fait aujourd’hui partie intégrante de la société
française depuis plusieurs siècles, n’est pas un processus si évident dans d’autres parties du monde. Des nations qu’on pourrait qualifier de plus ‘‘ jeunes ‘’, comme les USA, ont pris plus tardivement conscience de leur patrimoine architectural et urbain, et de la nécessité de le préserver. Ainsi, Jean-Paul Sartre énonçait, dans ses écrits après son voyage aux Etats-Unis en 1945 : « Je marche entre les petites maisons de briques, couleur de sang séché. Elles sont plus jeunes que les maisons d’Europe, mais leur fragilité les fait paraître bien plus vieilles. Je vois au loin l’Empire State Building, ou le Chrysler Building, qui pointent vainement vers le ciel, et je songe soudain que New York est sur le point d’acquérir une Histoire et qu’il a déjà ses ruines ».1 Cependant, malgré la reconnaissance de ce patrimoine par la population, les bâtiments et quartiers anciens ont souvent été considérés comme obsolètes par le gouvernement fédéral, ne répondant plus aux normes de sécurité ou de confort américaines. La rénovation urbaine –en tant qu’opération de destruction partielle ou totale- est alors devenue un courant urbanistique prépondérant aux Etats-Unis dans la seconde moitié du XXème siècle, puis très critiqué par la suite. Ce courant est explicité en 1976 par l’architecte et auteur Louis G. Redstone : « L’approche de base de tout réaménagement était la plus directe – supprimer les anciennes structures existantes pour faire place à leurs nouveaux concepts. Convaincus et enthousiasmés à l’idée que les nouvelles structures contemporaines devaient remplacer les anciennes, ils n’ont pas pris en compte l’importance historique de nombreux bâtiments. Les facteurs sociologiques des quartiers établis et des communautés ethniques ont souvent été négligés»2 Il est ici assez clair que les nouvelles politiques urbaines et fédérales en faveur du renouveau de la ville n’ont pas pris en compte l’incidence que pouvaient engendrer de telles destructions de masse, notamment sur les plans historiques, culturels, et sociologiques. Kaisa Broner prend quant à elle position dès 1986 à l’encontre des politiques de rénovations urbaines, et explicite la portée de ces démolitions :
1 Jean-Paul Sartre, Villes d’Amérique, New York, ville coloniale, Venise, de ma fenêtre, ed. Monum – Editions du Patrimoine, 2002, p 43. 2 Louis G. Redstone, The new downtowns, Rebuilding Business Districts, MacGraw-Hill , 1976, p 299. Notre traduction.
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« Le mépris que l’urbanisme moderne, « l’urbanisme démolisseur », a manifesté pour la ville ancienne, visible, notamment, dans les opérations de rénovations urbaines des années 1950 et 1960 aux Etats-Unis et en Europe, suivies de problèmes socioéconomiques et psychologiques souvent insurmontables, a provoqué chez les populations concernées des réactions fortement négatives. [...] on peut observer qu’une nouvelle conscience émerge face à la réalité complexe de la ville. [...] cette conscience a poussé les mouvements de préservation urbaine fortement en avant dans les années 1970 aux Etats-Unis et en Europe ».1 En somme, il existe des démarches de protection du patrimoine architectural et urbain aux Etats-Unis d’Amérique. Si la préservation architecturale et urbaine est apparue et se développe peu à peu dans les questionnements autour de l’évolution de la ville, il semble que cela puisse être incident à une prise de conscience du gouvernement, mais surtout du peuple américain, de la nécessité de cesser les trop nombreuses rénovations urbaines destructrices opérées durant la seconde partie du XXème siècle. La préservation urbaine, selon les mots de Kaisa Broner, pourrait être ressentie comme suit : « La préservation urbaine, c’est l’art de contrôler le changement de la ville. [...] Le sens de la préservation, pourrait-on dire, c’est justement dans la dimension temporelle de l’urbanisme, la faculté d’agir en médiateur sensible avec les forces de mutation dans l’espace et le temps. C’est comprendre que le présent est le produit du passé, et qu’il produira le futur à son tour ». 2 Puisqu’il semble que les opérations de rénovations urbaines aient donné suite à une meilleure prise en considération du patrimoine architectural et urbain caractéristique des quartiers historiques, et à la nécessité de le préserver, nous nous questionnerons de la manière suivante : Dans quelle mesure les opérations de rénovations urbaines aux Etats-Unis, menées durant la seconde moitié du XXème siècle dans les centres anciens métropolitains, ontelles orienté la conscience américaine vers la nécessité de préserver son patrimoine architectural et urbain ? En outre, par quels moyens cette transition s’est-elle accomplie ? Nous nous attacherons dans un premier temps à appréhender le processus de rénovations urbaines et à étudier le contexte dans lequel s’ancre la prise de conscience patrimoniale américaine. Puis dans un second temps, nous étudierons de quelle manière la situation a évolué vers l’édification d’une politique de préservation du patrimoine architectural et urbain œuvrant en faveur de la dynamisation positive des villes.
1 Kaisa Broner, New York face à son patrimoine, le secteur historique de SOHO, ed. Mardaga, 1986, p 21 2 Kaisa Broner, New York face à son patrimoine, le secteur historique de SOHO, ed. Mardaga, 1986, p21
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CHAPITRE 1:
Les opérations de rénovations urbaines aux Etats-Unis, un envers de tableau menant à une prise de conscience patrimoniale
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Définitions terminologiques et contextualisation des opérations de rénovation urbaine
Il est dans un premier temps nécessaire de rappeler la nature de notions
telles que la préservation, la conservation, la rénovation, la réhabilitation ou encore la restauration du patrimoine architectural et urbain, afin de permettre une meilleure compréhension du sujet qui sera développé par la suite dans ce mémoire. Ces notions sont régulièrement utilisées entre elles tels des synonymes, or il n’en est rien, chacune déclinant des méthodes de travail différentes en ce qui concerne l’intervention sur du patrimoine construit. Cependant, les définitions suivantes se veulent générales et non exhaustives, le but recherché ici n’étant pas de travailler en profondeur la diversité des nuances liées à la protection patrimoniale, mais bien de déterminer les termes pertinents dans le cadre de notre étude. Tout d’abord, la rénovation consiste de manière générale à détruire tout ou partie de l’ancien pour rebâtir à neuf. La réhabilitation serait quant à elle une forme de rénovation plus légère, sans destruction, par exemple dans un but pour le bâtiment de mise aux normes de sécurité, de confort et d’accessibilité de notre époque. Le terme de restauration induit de redonner son caractère et son apparence initiale au bâtiment ou au lieu, en utilisant les techniques et matériaux de l’époque. La préservation s’assure que l’architecture ou le site ne soit détruit ou dégradé, et tente de conserver dans la mesure du possible la plus grande part du bâtiment ou du lieu initial dans son état. La conservation induit de garder à tout prix l’intégrité du bâtiment d’origine, de manière aussi peu altérée que possible. Dans ce mémoire, nous aborderons plus précisément la rénovation et la préservation (architecturale, et surtout urbaine). En effet dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons aux opérations de rénovations urbaines de grande ampleur (appelées aux Etats-Unis urban renewal), consistant à détruire les quartiers anciens considérés comme vétustes et indésirables, au profit de nouvelles constructions ou voies de circulations. De ces opérations découleront des prises de position en faveur de la préservation du patrimoine urbain, qu’il convient également de définir. Le patrimoine urbain est diversifié et en constante évolution : selon une publication de l’Agence Française de Développement, le patrimoine urbain est « un ensemble urbain constitué à la fois par des édifices monumentaux mais aussi par des éléments d’architecture banale qui, par des caractéristiques similaires, un agencement et des fonctionnalités particulières ou une époque commune, etc., forment une composition (un tissu) cohérente ».1 1 Nils Duvernois, Sara Muller, Gérard Le Bihan, Gestion du patrimoine urbain et revitalisation des quartiers anciens : l’éclairage de l’expérience française, A SAVOIR n°26, Septembre 2014, p18
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Toujours selon cette étude, le patrimoine urbain est une notion en constante évolution : d’abord considéré comme les abords premiers d’un monument important, le patrimoine urbain s’est étendu au fil du temps au centre ancien identitaire de la ville. Ce sont donc les bâtiments remarquables et moins remarquables formant une unité, ainsi que l’espace public qui les entoure et les relie, qui forment le patrimoine urbain, auxquels on ajoute par la suite les composantes du paysage urbain qui créent son identité (façades, rues, pleins et vides, espaces naturels ou urbains…) afin de définir le patrimoine urbain tel qu’il est compris aujourd’hui de la manière la plus complète possible. Dans un second temps, les opérations de rénovations urbaines de grande ampleur aux Etats-Unis d’Amérique se sont réalisées dans un contexte historique, socio-économique, culturel, etc. bien spécifique qu’il convient de clarifier. En ce qui concerne la vision du patrimoine aux Etats-Unis, il est important de comprendre tout d’abord que, malgré l’idée conventionnellement admise, le pays comporte lui aussi un patrimoine, ancien, récent et fort. Ainsi, il est aisé de se questionner sur la nature exacte du patrimoine culturel américain en général, et sur la relation du peuple à celui-ci. Dans un article de revue scientifique datant de 2007, Jean-Michel Tobelem énonce de telles réflexions : « n’ayant de surcroît ni Chambord ni Versailles, certains en concluent, à tort, qu’ils ne possèdent pas de patrimoine. Mais si au contraire – comme il est aisé de l’établir – ils en possèdent un […] de quoi se compose-t-il ? De ponts, de barrages et de gratte-ciel […] ; certes, mais également de parcs naturels, d’églises, de jardins […] de sites historiques et de musée […]. C’est l’indice de la très grande diversité des sites du patrimoine aux Etats-Unis, qui n’a d’égal que son essor impressionnant dans les dernières décennies ».1 Nous pouvons comprendre à travers les propos de Jean-Michel Tobelem qu’effectivement, les Etats-Unis d’Amérique possèdent un patrimoine riche, diversifié en types et en époques. Du reste, il est important de préciser que les Etats-Unis possèdent un patrimoine culturel antérieur à la colonisation européenne de la fin du XVème siècle : les civilisations amérindiennes, notamment, ont laissé de nombreuses traces de l’époque précolombienne (art rupestre, …). Les populations amérindiennes contemporaines à la colonisation, et celles étant toujours représentées de nos jours, laissent ainsi une forte contribution au patrimoine culturel d’Amérique. Christel de Noblet s’exprime également à ce sujet : « Il ne faut pas penser que parler de la protection du patrimoine architectural américain soit une gageure pour une nation si jeune. D’abord cette nation a bientôt trois cents ans et, en outre, on oublie trop facilement que ce continent était habité bien avant la colonisation européenne. Longtemps, le patrimoine américain était entendu comme se limitant à son héritage européen […] ou africain. Cette notion inclut maintenant les cultures des nations souveraines indiennes qui préexistaient à la colonisation, ainsi que celles des indigènes d’Hawaï, de Micronésie, des immigrés d’Asie ou d’Amérique latine. 1 Jean-Michel Tobelem, « L’introuvable politique patrimoniale des Etats-Unis d’Amérique », Culture & Musées, n°9, 2007. P99.
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Cette évolution […] modifie de façon fondamentale le concept de patrimoine, puisque ces cultures attribuent un caractère sacré à la terre qu’elles habitent, caractère qui doit être protégé au même titre que l’intérêt historique ou architectural »1. En effet, ce point concernant l’importance de la terre d’appartenance du peuple américain est nécessaire à prendre en compte dans notre étude. Par a priori, il est souvent véhiculé que le peuple américain est moins attaché à son lieu de vie que d’autres, par exemple européens, du fait de son mode de vie tourné vers le capitalisme, et du caractère multiculturel et jeune de la nation. On peut sentir par exemple ces a priori à propos de la société américaine dans un écrit de Jean-Paul Sartre après un voyage aux USA en 1945 : « aux Etats-Unis, les cités naissent comme elles meurent, en un jour. Les Américains ne s’en plaignent pas : l’essentiel pour eux, c’est d’emporter leur ‘‘home’’ avec eux. [...] La ‘‘house’’ c’est la carcasse : on l’abandonne sous le moindre prétexte ».2 Quant à lui, Jean-Michel Tobelem a mentionné dans son article que : « Pourtant, la jeunesse relative de la Nation, un esprit pionnier davantage tourné vers l’avenir que vers le passé, le caractère fédéral du pays qui laisse une large part à l’action des autorités locales et aux Etats fédérés, une forte protection de la propriété privée, le goût de la mobilité et la recherche constante du progrès […] ne paraissent guère de nature à instiller dans la population américaine une révérence affirmée pour les monuments historiques et le patrimoine culturel ».3 La conception du patrimoine architectural aux Etats-Unis est différente de la vision « à l’européenne » que nous côtoyons souvent. La plupart des éléments protégés ou considérés comme dignes d’intérêt par les Américains restent récents comparés au nôtre, et sont très ancrés dans la vie quotidienne des Américains. Une minorité des bâtiments importants est utilisée à des fins muséales, ou d’exploitation purement touristique, ce qui rend le patrimoine bâti plus difficile à protéger et à considérer comme important par tous. Dans son ouvrage, Christel de Noblet explique quant-à-elle : « Il suffit de consulter la liste des monuments américains inscrits au patrimoine mondial pour constater la richesse de ce pays. […] Plus modestement, dans toutes les villes américaines, quelle que soit leur taille, se trouvent des immeubles […] témoins physiques du passé américain, de son histoire, et donc dignes de conservation. […] Contrairement à l’Europe avec ses nombreux châteaux et cathédrales, la protection du patrimoine aux Etats-Unis à une dimension moins flamboyante, plus modeste et complètement ancrée dans la vie quotidienne. Ce sont des lieux de travail, des docks, les rues commerçantes des petits centres villes, les cases des esclaves des plantations de canne à sucre qui forment l’essentiel de ce qu’il faut protéger ». 4 1 Christel De Noblet, Protection du patrimoine architectural aux Etats-Unis et au Royaume-Unis, coll. Droit du patrimoine culturel et naturel, ed. Harmattan, 2009, p26-27. 2 Jean-Paul Sartre, Villes d’Amérique ; New York, ville coloniale ; Venise, de ma fenêtre, coll. La ville entière, Paris : Monum, Editions du Patrimoine, 2002, p18. 3 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P99-100. 4 Christel De Noblet, opus cité, p27.
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Ainsi, le patrimoine culturel et architectural américain est bien plus riche que ce qui est généralement perçu, il est diversifié en types, en époques, et le territoire de vie y tient une place d’importance. Par conséquent, il ne fait aucun doute que les opérations de rénovations urbaines qui ont mené à la destruction de tout ou partie de centres villes et de quartiers ont eu une incidence sur les habitants. Il est ensuite important de préciser la nature du contexte socio-économique, historique et culturel au sein duquel les opérations de rénovation urbaine ont pris place. La volonté d’effectuer ces travaux de grande ampleur apparait après la Seconde Guerre Mondiale (Housing Act de 1949), et ceux-ci ont eu lieu en majorité dans les années 1950-1960, jusqu’à être remis en question (National Historic Preservation Act de 1966, Fair Housing
Act en 1968, ...) puis stoppés en 1974 par l’arrêt des financements et l’évolution vers un nouveau programme favorable à la préservation de l’existant et à sa réutilisation. En ce qui concerne le contexte socio-économique, historique et culturel sur la période 1945-1974, les Etats-Unis se trouvent après la guerre dans une situation économique plutôt stable et florissante en comparaison avec les pays européens, puisqu’ils sont la première puissance économique mondiale. Son PNB est passé de 200 000 millions de dollars en 1940 à 500 000 millions de dollars en 1960.1 Cependant, il est jugé nécessaire d’opérer une transition commerciale, financière et industrielle. Cela a permis l’émergence d’une politique de grands travaux dans les villes américaines, nommé urban
renewal program notamment dans le but de les rendre plus saines, plus fonctionnelles, et d’éradiquer les quartiers insalubres.2 Ce programme se place dans la continuité du
Fair Deal initié par le président Harry S.Truman en 1949, dont le Housing Act de 1949 fait partie.3 Ainsi, les rénovations urbaines se situent au sein d’une politique globale au but d’amélioration sociale, de l’habitat, et de l’économie américaine. Il convient de rappeler également qu’une forte ségrégation prend place aux Etats-Unis à cette époque, et que les minorités noires et d’Amérique latine s’en trouvent fortement impactées, ce qui crée un climat de tensions au sein de la nation. La lutte contre la ségrégation raciale commence dès les années 1950 avec le Civil Rights Movement (1954-1968), les démarches de Martin Luther King, et le racisme institutionnel sera peu à peu combattu (Civil Rights Act en 1964,Voting Rights Act en 1965, Fair Housing Act en 1968, ...) 4. 1 Source web: countrystudies.us « Gross national product, […] jumped from about $200 thousand-million in 1940 to $300 thousand-million in 1950 to more than $500 thousand-million in 1960. » 2 Frédéric Gilli, La politique de la ville aux Etats-Unis, une perspective française, 153p 3 Wikipédia, Housing Act of 1949 4 Véronique Laroche-Signorile, Ségrégation et discriminations aux Etats-Unis dans les années 60, LeFigaro.fr, 2015 Wikipédia, Ségrégation raciale aux Etats-Unis Wikipédia, Mouvement des droits civiques aux Etats-Unis depuis 1954
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Cependant la ségrégation reste dans les mœurs des populations, et l’on peut constater encore aujourd’hui beaucoup d’actes racistes à l’encontre des minorités aux USA. Nous verrons dans ce mémoire que la ségrégation a été importante au cours des opérations de rénovation urbaine. Enfin, il ne faut pas oublier que la période de 1945 à 1975 se situe au sein de la Guerre froide et de contestations sociales fortes qui créent un contexte politique et sociétal compliqué.
Un programme fédéral au fonctionnement complexe et aux implications préjudiciables
Comme nous l’avons vu précédemment, les opérations de rénovations urbaines
font partie du programme du Fair Deal lancé par Truman en 1949 par le biais du
Housing Act voté la même année. Il semble ici important de rappeler brièvement le fonctionnement gouvernemental et législatif aux Etats-Unis dans le contexte de notre étude. Les Etats-Unis forment un Etat fédéral composé d’Etats fédérés ayant leurs lois et Constitutions propres, mais devant se soumettre au Droit et à la Constitution Fédérale. Ainsi, la Supremacy clause (Article IV alinéa 2) entérine que : « La Constitution et les lois des États-Unis qui serviront à sa mise en œuvre et tous les traités déjà conclus sous l’autorité des États-Unis constitueront la loi suprême du pays ; ils s’imposeront aux juges de chaque État, en dépit de toute disposition contraire dans la Constitution ou les lois de l’État ». 1 Le programme de renouvellement urbain est un programme fédéral, ce qui signifie qu’il est applicable à tout le territoire indépendamment des lois des différents Etats membres. Dans cette loi, il est mentionné que les enjeux principaux de cette politique sont l’éradication des quartiers insalubres et l’augmentation de l’offre en logements décents pour les Américains.2 De même, il fut souhaité une possibilité d’incorporer l’implantation de divers lieux publics, administratifs ou commerciaux, dans ces programmes comme Martin Anderson l’explique : « Un nombre important de constructions non résidentielles a également été lancé. Environ 24% du total ont été consacrés aux travaux publics, tels que les parcs, les écoles, les bibliothèques, les routes, les réseaux d’égouts et autres installations publiques ».3 1 L’organisation des Etats Fédéraux : démocratie, répartition des compétences, Etat de droit et efficacité de l’action publique, Etude de législation comparée n°242, senat.fr, mars 2014. 2 Martin Anderson, The Federal Bulldozer : A critical analyzis of urban renewal, 1949-1962, The MIT Press, 1964, p3-4 3 Martin Anderson, opus cité, p94. Notre traduction.
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Un programme de rénovation urbaine se déroule en deux phases : la première est la phase du projet urbain, la deuxième est son accomplissement. Comme l’explique Martin Anderson, la mise en application sur le site se décompose en 6 étapes que sont l’acquisition du terrain, le transfert des anciens habitants, le dégagement du site, son amélioration, puis enfin intervient la construction du nouveau projet. 1 Avec ces opérations de rénovations urbaines, le gouvernement fédéral comptait favoriser l’économie et l’initiative privée sur les projets de reconstruction. Les quartiers étaient expropriés contre une compensation financière juste selon la valeur de chacun des biens2 , car les instances décisionnelles considéraient que cette entreprise appartenait à l’usage public, comme l’explique Martin Anderson dans son ouvrage3 . Il y définissait le programme fédéral ainsi : « Le programme fédéral de rénovation urbaine permet à ceux qui contrôlent le fonctionnement du programme de changer un type de quartier en un autre type en détruisant les anciens bâtiments et en les remplaçant par de nouveaux. Naturellement, les nouveaux usages qu’ils choisissent pour la terre libérée [...] sont ceux qu’ils jugent souhaitables, de leur point de vue de ce qu’est le bien public ».4 Au-delà de décisions politiques, la rénovation urbaine est en elle-même un mouvement urbanistique à part entière à cette époque. Les urbanistes prônent les rénovations des quartiers anciens afin de transformer ces lieux jugés insalubres par d’autres plus proches de ce qui est alors considéré par le gouvernement et les urbanistes comme étant standard. Selon leurs théories, la ville devait se réinventer, notamment afin de mieux prendre en considération la présence toujours plus grande de l’automobile, une volonté d’améliorer les conditions de vie en ville des populations défavorisées, mais aussi de pouvoir créer un zoning de la ville en fonction des différents types d’activités : « Dans les années 1950, deux principes gouvernent la transformation des villes-centres : la circulation automobile comme moyen de communication privilégié aussi bien entre la ville et les alentours qu’au sein du centre ; la spécialisation des zones urbaines selon leur fonction économique, commerciale ou résidentielle (zoning) ».5 Si nous devons résumer ce qu’est la rénovation urbaine aux Etats-Unis dans la seconde moitié du XXème siècle, nous pouvons dire que c’est un programme institué par le Gouvernement Fédéral et soutenu par les théoriciens, notamment les urbanistes prônant le courant de l’urban renewal, comme il en est fait mention dans un article :
1 Martin Anderson, opus cité, p18-19. 2 «Urban Redevelopment», Dictionary of American History, Encyclopedia.com., 2016 3 Martin Anderson, opus cité, p192. 4 Martin Anderson, opus cité, p3. Notre traduction. 5 Cyril Cosme, Politique de la ville, l’expérience américaine, Centre d’Analyse stratégique, Etudes, n°2, La documentation française, 2012
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« Après la Seconde Guerre Mondiale, les urbanistes […] et les réformateurs sociaux […] ont uni leurs forces dans ce qui s’est avéré être une alliance maladroite ».1 Le programme consistait à détruire tout ou partie de quartiers anciens, jugés insalubres, pour y placer des logements plus standards, ou des grands bâtiments publics (centres administratifs, centres commerciaux ou culturels, …) par le biais de l’expropriation et de la revente des terrains déblayés et assainis. Bien que le concept d’expropriation soit réservé dans la Constitution Américaine uniquement au cas d’un usage public, il se trouve qu’après avoir effectué des recherches, Martin Anderson a pu déterminer que les biens étaient expropriés puis revendus (souvent pour un usage privé) dans l’optique de ce que les instances décisionnelles pensent être l’intérêt public : « la saisie de biens privés pour l’usage privé de quelqu’un d’autre peut être incidente à la rénovation urbaine et non son objectif, mais cela ne la rend pas constitutionnelle. ».2 Par exemple dans le cadre des rénovations de quartiers insalubres, les logements ont donc été expropriés à leurs propriétaires privés pour que, de manière générale, d’autre logements y soient construits par d’autres personnes privées (promoteurs immobiliers, individuels…). Le plus souvent, soit le projet pour un quartier donné faisait l’objet d’un concours, comme c’était souvent le cas lors de projets intégrant des bâtiments à vocation non-résidentielle (quartier du Boston City Hall par exemple), soit les terrains étaient vendus selon les offres monétaires proposées par les acheteurs potentiels, qui pouvaient alors construire presque comme ils le souhaitaient. De plus il explique plus longuement l’interprétation parfois confuse de la Constitution dans le cadre des opérations de rénovation urbaine : « Selon notre Constitution, il est entendu qu’un homme est libre d’utiliser sa propriété comme il le désire tant qu’il n’interfère pas avec les droits des autres. Traditionnellement, la seule condition selon laquelle le gouvernement peut saisir la propriété privée est ‘pour usage public’. [...] La question de la constitutionnalité de la rénovation urbaine dépend de comment l’expression ‘usage public’ est interprétée ».3 En ce qui concerne le fonctionnement général du programme de rénovations urbaines, l’Etat Fédéral subventionne les opérations en partenariat avec les gouvernements locaux, comme il en est fait mention dans cet article : « Les gouvernements locaux participants ont reçu des subventions fédérales totalisant environ 13 milliards de dollars et étaient tenus de fournir les fonds complémentaires ». 4
1 «Urban Redevelopment», Dictionary of American History, Encyclopedia.com., 2016. Notre traduction. 2 Martin Anderson, opus cité, p189. Notre traduction. 3 Martin Anderson, opus cité, p183-184. Notre traduction. 4 «Urban Redevelopment», Dictionary of American History, Encyclopedia.com., 2016
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En effet, bien que le programme des opérations de rénovations urbaines ait été commandé par le Gouvernement Fédéral, c’est aux Gouvernements locaux de mener à bien les projets et leurs réalisations. Des agences locales de rénovation urbaine devaient être créées pour l’occasion afin de gérer toutes les opérations, et les instances municipales des grandes villes participaient étroitement aux projets. En effet, dans l’ouvrage de Martin Anderson, il est mentionné que : « Lorsque la rénovation urbaine a été promulguée pour la première fois en 1949, le Congrès a établi deux grandes lignes directrices pour le programme : 1. Placer le plus possible de confiance dans l’entreprise privée. 2. Les collectivités locales avaient la responsabilité d’initier et d’exécuter les projets spécifiques de rénovation urbaine ».1
Afin de comprendre plus précisément ces opérations de rénovation urbaines ainsi
que l’ampleur de leur impact sur la ville et la société américaine, nous nous attacherons ici à détailler quelques exemples qui à mon sens se complètent pour former une réflexion autour de l’urban renewal. Ainsi, les deux premiers exemples d’opérations de rénovation urbaine concerneront la transformation des quartiers de taudis en centres administratifs ou espaces publics de grande ampleur : la construction du Civic Center de Boston (par Pei et Cobb), et la réalisation du Jefferson Memorial, à Saint Louis (par Eero Saarinen). Sera ensuite abordée la rénovation de quartiers d’habitations considérés comme des taudis afin de proposer une offre de logements plus ‘‘standards’’, par le biais d’exemples à New York et à Pittsburgh. Enfin le dernier détaillera la démolition de Pennsylvania
Station à New York. Celle-ci est souvent considérée comme étant le point de départ d’une prise de conscience patrimoniale américaine, concernant notamment l’effet néfaste de l’urban renewal et la nécessité de préserver le patrimoine architectural et urbain américain. Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce mémoire, plusieurs métropoles américaines ont projeté la construction de nouveaux centres administratifs et espaces publics en remplacement de quartiers anciens délabrés. Ainsi, comme le formule Jane Jacobs dans son ouvrage Déclin et survie des grandes villes américaines, « ce que le mouvement d’urbanisme produisit, ce fut la mode du Centre Monumental [..]. Les unes après les autres, les grandes villes construisirent leur centre administratif ou leur centre culturel »2. Ainsi à Boston, Massachussetts, un grand projet de rénovation urbaine a vu le jour pour le quartier de Scolley Square dans les années 1950, prévoyant la construction d’un nouveau centre administratif et gouvernemental. 1 Martin Anderson, opus cité, p183-184. Notre traduction. 2 Jane Jacobs, Déclin et survie des grandes villes américaines, (titre original : The Death and Life of Great American Cities en 1961), traduction par Claire Parin-Senemaud, ed. Mardaga, 1991, p37.
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Plus de 1000 bâtiments y furent détruits par la suite dans les années 1960, et près de 20 000 habitants durent être relogés afin de permettre la construction de ce nouveau quartier.1 Les photographies
ci-contre illustrent l’évolution d’une partie du quartier,
où a été construit l’actuel Boston City Hall. Sur les deux photographies, il est possible d’apercevoir Faneuil Hall au fond ce qui permet de situer et de comprendre l’échelle de la transformation opérée dans le quartier. Le Civic Center construit en 1962 est ainsi composé du Boston City Hall, de la City Hall
Plazza, du Government Service Center, et du Edward W.Brook Courthouse, et avait été planifié par Ieoh Ming Pei et Henry N. Cobb en 1961. Sur les plans urbains suivants, on distingue l’emprise du projet de Pei et Cobb sur l’ancien quartier de Scollay Square : tout un quartier d’habitations se trouve détruit et remplacé par des bâtiments qu’on peut considérer comme démesurés par rapport à ceux des quartiers alentours. Ce type d’opération caractérise bien la tendance des opérations de rénovations urbaines américaines : « urbanisme démolisseur » et « opérations de bulldozer » selon Kaisa Broner2 , « bulldozer fédéral » du point de vue de Martin Anderson .3
Plans montrant le quartier de Scollay avant et après le projet d’opération de rénovation urbaine de Pei et Cobb. Source: pcf-p.com 1 Wikipédia, Government Center, Boston
Wikipédia, Scollay Square
2 Kaisa Broner, opus cité, respectivement p 21 et p52. 3 Martin Anderson, The Federal Bulldozer : A critical analyzis of urban renewal, 1949-1962, The MIT Press, 1964, 272p. Notre traduction du titre de l’ouvrage : « Le bulldozer fédéral ».
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Boston Civic Center: vue sur le Boston City Hall en 1973. Source: commons.wikimedia.org
Scollay Square: panorama sur le futur emplacement du Boston City Hall en 1920 . Source: commons.wikimedia.org
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Un second exemple de destruction d’un quartier entier au profit de la création d’un espace public de grande ampleur est celui du Jefferson Memorial de Saint Louis, Missouri, dont l’architecte est Eero Saarinen. Afin de réaliser ce projet, de nombreuses expropriations ont eu lieu dès la fin des années 1930 et le début des années 1940, processus qui fera polémique et engendrera de nombreux procès.1 Comme il est possible de le visualiser sur les photographies ci-contre, n’ont été sauvegardés dans cet ancien quartier résidentiel que le Tribunal, la Vieille Cathédrale et la Manuel Lisa’s Rock House.2
Dans l’ouvrage
Eero Saarinen : shaping the future, Hélène Lipstadt explique le contexte de formation du nouveau site pour le projet du Mémorial : « L’arche a été conçue pour un site historique américain de quatre-vingt acres qui avait été créé à la fin des années 1930 en dégageant le site […] qui se composait principalement d’entrepôts délabrés datant de la fin du XIXe siècle. Ceux-ci étaient perçus comme les tristes rappels que Saint Louis n’était plus la ‘‘ porte d’entrée vers l’Ouest ’’ […] Tout ce qui est resté du passé du dix-neuvième siècle était la cathédrale catholique et un palais de justice à coupole juste en face du site historique ».3 Dans un second temps, une majorité des projets de rénovations urbaines aux USA ont eu pour but de remplacer les quartiers considérés comme des taudis, par des logements correspondant à des critères standards donnés par les administrations de l’urban renewal. Ainsi à New York, on peut citer, parmi les nombreux projets s’y étant développés, celui de Manhattantown dans les années 1950. Celui-ci a conduit la ville de New York à détruire six blocs du Upper West Side, afin d’y faire construire un programme de logements pour les classes moyennes par des compagnies privées.4 Dans une vidéo retraçant l’impact de ce projet sur les habitants du quartier en question (West 99th
and 98th Streets), on se rend bien compte de la difficulté qu’ont les habitants à devoir quitter leur lieu de vie, se reloger, et souvent ne jamais pouvoir revenir et voir d’autres –plus riches- les remplacer .5 En effet, les différentes personnes interrogées expliquent que nombre de familles étaient installées dans ce quartier depuis des générations6 , et qu’elles l’affectionnaient malgré des conditions de vies inférieures aux standards usuels. Une femme s’exprime ainsi : « Nous n’avions pas de chauffage, pas d’eau chaude, mais nous sommes restés. […] Nous n’avions pas d’autre endroit où vivre. Je ne comprenais pas pourquoi ils voulaient détruire ma maison. Ce n’était pas un taudis. »7 1 Wikipédia, Gateway Arch Wikipédia, Jefferson National Expansion Memorial 2 Look Back : Jefferson National Expansion, Stltoday.com 3 Hélène Lipstadt, The gateway arch designing america’s first modern monument, dans: Eero Saarinen, Eeva-liisa Pelkonen, Donald Albrecht, Eero Saarinen: shaping the future, 1962, p223. Notre traduction 4 The tragedy of urban renewal, 28 septembre 2011, reason.com 5 ReasonTV, The Tragedy of Urban Renewal : The destruction and survival of a New York City neighborhood, ajoutée le 28 Septembre 2011, 6’23’’. Cf annexe 1 - CD. 6 Jim Epstein, vidéo citée, à 1’33’’. 7 Jim Epstein, vidéo citée, à 5’00’’, Notre Traduction
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Vue sur le quartier d’habitations destiné à la démolition au profit du mémorial, Saint Louis, 1933. Source: Stltoday.com
Vue après démolition du quartier accueillant le projet du mémorial, Saint Louis, vers 1942 . Source: commons.wikimedia.org
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De nombreux autres exemples de démolitions liées aux rénovations urbaines peuvent être cités, comme à Philadelphie, San Francisco ou encore à Pittsburgh, Pennsylvanie, ville dans laquelle le centre-ville a été largement détruit pour créer des parcs, une civic
arena, des bureaux…1 De plus, une grande partie des projets de rénovations urbaines supposaient la création de grandes voies de communication (Highways) qui ont eu pour effet la dislocation des quartiers historiques. Enfin, le dernier exemple que nous détaillerons est celui de la démolition de Penn Station, à New York. Pennsylvania Station fut édifiée en 1910 par les architectes McKim, Mead and White, et fut détruite en 1963.2 Sa destruction est communément considérée comme le point de départ de la prise de conscience américaine de la nécessité de protéger le patrimoine architectural et urbain des centres anciens. Penn Station était considérée comme un monument important de New York, et sa destruction a mené à des prises de position de nombreuses personnes à l’encontre de sa démolition, mais aussi des opérations de rénovation urbaines ‘‘sauvages’’ menées dans les villes. Ainsi, il est expliqué dans une thèse au sujet de l’opération de rénovation urbaine de Washinghton Street que : « Le démantèlement de Pennsylvania Station a été particulièrement bouleversant en raison de la grandeur et la distinction du bâtiment »3, et que « Comme la ville de New York déplorait la perte de Pennsylvania Station, la préservation est devenue un enjeu majeur des projets de rénovation urbaine, en commençant par Washington Street ».4 Cependant d‘un autre point de vue, beaucoup de personnes considéraient peu à cette époque les anciens bâtiments, et ce sont au final majoritairement des habitants, des architectes modernes et des érudits qui ont protesté contre sa destruction. Il est possible de le constater sur la photographie ci-contre. De même, la contestation s’est peu à peu effacée après le début des opérations. En effet dans un article, le photographe Norman McGrath explique son vécu de la démolition de Penn Station : « Une fois que le destin de la station était scellé, les gens semblaient indifférents. Quelques-uns d’entre nous ont pleuré, mais la majorité admettait que les vieux bâtiments devaient être sacrifiés dans l’intérêt du progrès ».5 Nous comprenons alors que l’on se trouve à l’intersection de deux pensées différentes : celles d’une société qui souhaite constamment progresser, mais qui est à l’aube de se découvrir une profonde volonté de préserver son patrimoine et sa culture. 1 Wikipédia, Urban Renewal 2 Norman McGrath, The demolition of Penn Station, architectureweek.com 3 Jackier, Diane Alyssa, Moving Historic Structures: The Washington Street Urban Renewal Project, Masters Thesis, 2001 University of Pennsylvania, Philadelphia, PA, p14. Notre traduction. 4 Jackier, Diane Alyssa, opus cité, p32. Notre traduction. 5 Norman McGrath, The demolition of Penn Station, architectureweek.com. Notre traduction.
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Membre du Groupe d’Action pour une Meilleure Architecture à New York, protestant contre la destruction de Penn Station, 1962. Source: Eddie Hausner, The New York Times
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Vue aĂŠrienne de Pennsylvania Station Ă New York, entre 1910 et 1920. Source: commons. wikimedia.org
Destruction de Pennsylvania Station, 1963 . Source: Norman McGrath
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La démolition de Penn Station a permis la naissance du Madison Square Garden et de la Pennsylvania Plazza. En effet, Pennsylvania Station occupait 2 blocks entiers dans le centre de New York, et était un symbole de la ville et un point d’ancrage pour les habitants. Sa destruction, en laquelle personne ne croyait vraiment, fut très mal vécue par les Américains, et a mené ensuite à l’adoption de nouvelles lois de protection des principaux monuments de la ville (par exemple le New York City’s landmarks preservation Act e n 1965) .1 Par ailleurs, en ce qui concerne l’aspect architectural des projets construits après ces opérations de rénovations urbaines, les bâtiments modernistes voire brutalistes sont majoritairement de mise. En effet, les opérations de rénovations urbaines opéraient dans un contexte de recherche de la modernité, avec notamment l’interprétation de la Charte d’Athènes par de nombreux architectes sélectionnés, mais aussi une forte influence des réalisations de Le Corbusier. De ce fait, les architectures choisies par le gouvernement fédéral reflètent l’architecture moderniste, très majoritairement composée de béton brut, qui s’est tournée vers le brutalisme entre les années 1950 et 1970. L’Hôtel de ville de Boston cité plus haut est tout à fait dans la lignée brutaliste et représente très bien la volonté fédérale d’apporter toute la modernité possible aux nouvelles installations post-rénovations .2 Cependant, ce bâtiment a été par la suite très critiqué, notamment pour son implantation très massive et peu engageante. L’esplanade autour du bâtiment reste souvent vide, et les espaces intérieurs sont parfois peu fonctionnel ; ce projet est généralement considéré comme une charnière pour l’architecture moderne, qui se tournera ensuite peu à peu du brutalisme au post-modernisme .3 Robert Venturi notamment formula de nombreuses critiques à l’encontre du mouvement moderne, du brutalisme, et plus généralement du style international, par exemple dans ses ouvrages
Complexity and contradiction in Architecture, (1966), et Learning from Las Vegas (1972). Toutefois, d’autres projets à cette période sont considérés comme plutôt réussis (malgré les destructions massives nécessaires aux nouvelles constructions), et témoignent peutêtre d’une vision moderniste plus sensible. Ainsi à New York, un projet de rénovation de Roosevelt Island a été mené à la fin des années 1960 par de nombreux architectes d’inspiration moderne, dont le master plan a été réalisé par Johnson et Burgee .4 Nous pouvons citer comme exemple le projet du Eastwood and Westview apartment
complexes réalisé par Josep Lluis Sert en 1969. Il était membre du CIAM, et adepte d’une architecture brutaliste. Le projet est constitué d’immeubles de grande hauteur comportant des logements : celui-ci est généralement considéré comme une réussite. 1 Wikipédia, Pennsylvania Station 2 Architecture, patrimoine et habitat, Brutalisme, 2014, archieturbanisme.canalblog.com 3 Cf notes prises lors d’un exposé en cours d’optionnel Patrimoine (M2). 4 Site de la Roosevelt Island Operating Corporation, Manhattan’s other island history, rioc.ny.gov
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Masterplan de Philip Johnson et John Burgee pour la Roosevelt Island, 1969 . Source: rioc. ny.gov
Vue sur le Eastwood Housing Complex de J.L. Sert. Source: Addison Godel, metropolismag. com
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Quant à la Gateway Arch de Saint Louis que nous avons mentionné plus tôt, elle dénote légèrement dans l’architecture brutaliste en béton brut de son temps de par l’utilisation exclusive de métal, mais aussi de par son symbolisme important1
(alors que pour les
modernistes et les brutalistes à l’époque, la fonction et la forme devaient prédominer sur la symbolique). De ce fait, en trouvant le juste équilibre entre symbole du passé et langage moderne, Eero Saarinen a créé une œuvre réussie qui fut plutôt bien acceptée. A travers ces exemples, nous avons pu dresser un aperçu des réalisations ayant suivi les destructions des rénovations urbaines : majoritairement brutalistes, en béton brut et très massives, elles sont souvent mal acceptées par la suite et très critiquées concernant leur impact néfaste sur leur environnement (Boston City Hall). Cependant certaines réalisations reçoivent un accueil et des critiques plus positifs, notamment – comme nos exemples à New York et Saint Louis le laissent à penser – lorsque l’architecture choisie est moins massive, plus intégrée dans le contexte, ou lorsque la matérialité est différente. Néanmoins de manière générale, et en raisons des destructions des quartiers anciens, les réalisations prenant place dans le cadre des rénovations urbaines fédérales restent controversées.
Une politique gouvernementale et urbanistique démocratisée aux conséquences controversées
Après ces quelques exemples d’opérations de rénovation urbaines aux Etats-Unis,
il est important de comprendre en quoi celles-ci ont généralement eu un impact néfaste sur les populations, quartiers et villes dans lesquelles elles ont eu lieu. Jane Jacobs expliquait dans son ouvrage que « Dans un quartier urbain, que ce soit au niveau d’une rue ou d’un district tout entier, si on brise d’un seul coup trop de liens patiemment tissés au fil des années, on provoque de tels ravages, une telle instabilité, un tel sentiment d’impuissance chez les habitants, que le temps semble avoir définitivement interrompu son œuvre » .2 Dans un premier temps, c’est l’impact sur les habitants et les activités connexes au quartier qui semble irrémédiable. Ainsi, les habitants ont généralement vécu un déracinement très rude, tout ce qu’ils connaissaient étant réduit à l’état de gravats et reconstruit autrement. Jane Jacobs explique cette vision dans son ouvrage : « Pour que de telles merveilles puissent voir le jour, on bouscule les gens marqués par le signe fatal par l’urbaniste, on les exproprie et on les déracine exactement comme s’ils étaient les victimes d’une puissance conquérante. Des milliers et des milliers de petits commerces sont détruits et leurs propriétaires ruinés, après avoir tout juste reçu un dédommagement symbolique. Des communautés entières sont démembrées et semées au vent ».3 1 Hélène Lipstadt, Eero Saarinen, opus cite, p223-226. 2 Jane Jacobs, opus cité, p140. 3 Jane Jacobs, opus cité, p18-19.
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Grâce à la vidéo1 citée plus haut concernant un quartier de New York, nous avons de même pu comprendre que les habitants étaient réellement attachés à leur quartier, leur repère et mode de vie- depuis souvent plusieurs générations. En ce qui concerne les commerces de proximité, ceux-ci font partie intégrante à la fois de l’identité du quartier, mais aussi de l’économie locale pour les habitants. La destruction de toute ou partie du quartier induit la fermeture et la destruction de nombreux commerces, et donc la perte d’emplois, de revenus et de commodités pour les habitants. Dans son ouvrage, l’économiste Martin Anderson précisait ces impacts dès 1964 : « Un grand nombre d’entreprises dans les zones de rénovation urbaine ne se réinstallent jamais. Soit elles font faillite, soit elles disparaissent. […] La probabilité est qu’une entreprise sur quatre faisant partie d’un programme de rénovation urbaine cessera ses activités. […] une autre étude, préparée par la Bibliothèque du Congrès, a récemment conclu que les projets de rénovation urbaine ‘‘détruisent les petites entreprises et les emplois et contribuent à notre problème de chômage’’. Très peu d’entreprises relocalisées retournent dans les zones de rénovations urbaines ». 2 Par ailleurs, si les entreprises ne se relocalisent pas dans les quartiers qu’elles ont dû quitter, il en va de même pour la plupart des habitants. En effet, la politique de l’urban renewal comptait, parmi ses buts principaux, la suppression des taudis et la relocalisation des habitants dans de nouveaux logements correspondant aux standards de l’époque. Or, très peu d’entre eux vont réellement se réinstaller dans leur ancien quartier ainsi transformé. En effet, les logements reconstruits sont généralement accessibles contre des loyers supérieurs à ceux payés auparavant par les habitants des quartiers (puisque le niveau de vie proposé est plus élevé), alors que ces derniers n’ont pas vu leur revenu augmenter (voire, il a diminué du fait de la fermeture des commerces locaux). Pour Martin Anderson, « Il est clair que presque tous ceux qui ont été forcés à partir sont incapables de payer les loyers facturés pour les nouveaux appartements » .3 En plus de ne pas permettre aux habitants de revenir, les études menées à propos des opérations de rénovations urbaines montrent que celles-ci ont largement amplifié le phénomène de ségrégation aux Etats-Unis, créant des ghettos pour les populations minoritaires. Ces opérations ont eu lieu majoritairement dans les quartiers de taudis, dans lesquels la population est loin d’avoir des revenus élevés. Il se trouve qu’une grande part de ces populations est afro-américaine ou originaire d’Amérique latine. Ainsi, Martin Anderson écrivait en 1964 :
1 ReasonTV, The Tragedy of Urban Renewal : The destruction and survival of a New York City neighborhood, ajoutée le 28 Septembre 2011, 6’23’’. Cf annexe 1 - CD. 2 Martin Anderson, opus cité, p69-70. Notre traduction. 3 Martin Anderson, opus cité, p59. Notre traduction.
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« Tellement de personnes déplacées sont des populations noires ou portoricaines. Ces groupes représentent une très grande proportion des personnes déplacées. Selon les rapports du gouvernement, ils représentaient environ 76 pour cent du total en 1957, 71 pour cent en 1959, 68 pour cent en 1960 et 66 pour cent en 1961. […] A cause de cela le programme est parfois mentionné comme un ‘‘Negro clearance’’ program ».1 Enfin, il est nécessaire de préciser que l’administration régissant l’urban renewal avait de nombreux a priori qui se sont au final révélés erronés : on pense notamment à la qualité de ce qui était considéré comme ‘‘standard’’ pour les logements reconstruits, ou encore au lien trop vite fait entre présence de taudis et de délinquance. Il y avait de même beaucoup d’espoirs fondés dans les programmes de rénovations urbaines, et les objectifs espérés se sont révélés bien plus optimistes qu’en réalité. Dans son ouvrage, Jane Jacobs explique qu’à Pittsburg une étude a été menée afin de corréler quartiers de taudis et délinquance, et permettre ainsi de justifier le bien commun des opérations de rénovations urbaines : « C’est ainsi qu’à Pittsburg, on entreprit une étude pour montrer la corrélation, qui paraissait évidente, entre l’amélioration de l’habitat et l’amélioration de la vie sociale; on compara le taux de délinquance des quartiers de taudis encore debout à celui des quartiers rénovés et, à l’embarras général, on découvrit que le taux de délinquance était plus élevé dans les quartiers qui avaient été rénovés.[...] Cela signifie simplement que d’autres facteurs sont peut-être plus importants que le logement, et cela signifie aussi qu’il n’y a pas de relation entre un bon logement et une bonne conduite.[...] Loger correctement des gens, c’est utile et c’est bien, mais prétendre que cela opérera des miracles sociaux et familiaux, c’est se faire des idées. Reinhold Niebhur a baptisé cette illusion d’un genre particulier: ‘‘la doctrine du salut par les briques’’ ».2 En ce qui concerne les logements considérés comme standards, le problème majeur est de savoir de quels standards il était question. En effet, ce qu’une personne considérera comme standard n’est pas forcément identique au standard d’une autre personne. Il se trouve que les administrations en charge des rénovations urbaines ne font aucunement partie des milieux sociaux impactés par ces opérations destructrices. Elles n’ont donc pas conscience des standards de vie de ces populations, et non plus de l’impossibilité presque générale à augmenter leur niveau standard d’habitation en fonction de leurs revenus. De ce fait comme nous l’avons vu plus haut, les nouveaux logements sont souvent inaccessibles financièrement pour les anciens occupants, et sont de même construits sur la base de standards et d’une qualité de vie trop éloignée de leur quotidien. 1 Martin Anderson, opus cité, p64-65. Notre traduction, nos italiques. Le terme ‘‘negro’’, utilisé par l’auteur n’était pas connoté dans les années 1960 de manière aussi péjorative qu’il ne l’est aujourd’hui. Le terme fut d’ailleurs utilisé par Martin Luther King pour stimuler l’identité afro-américaine, comme le fit Léopold Sédar Senghor au Sénégal avec son néologisme « négritude ». Le mot est devenu un symbole du racisme au début des années 1980, soit après la remise en cause des opérations d’urban renewal. 2 Jane Jacobs, opus cité, p119-120.
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Il est normal de penser d’un prime abord que nos propres standards sont ceux que les autres doivent atteindre. Cependant, dans le cadre de réflexions urbaines d’une telle ampleur, il est plutôt inquiétant de constater une telle dissonance entre les besoins des habitants concernés et la réponse qui fut donnée. Cette question, Martin Anderson la pose dès 1964 dans son ouvrage, et l’on note bien la profonde incompréhension quant aux a priori des autorités et le bien-fondé de leur démarche : « Quand les fonctionnaires du gouvernement parlent de logement standard, nous devrions demander, ‘‘standards par le jugement de qui ?’’. Dans le même contexte, qui détermine les loyers que les familles déplacées peuvent se permettre de payer, qui décide de ce qu’est un lieu de vie convenable et par quels standards ou valeurs ces décisions sont-elles prises ? ».1 Finalement, on peut considérer que de manière générale les opérations de rénovations urbaines aux Etats-Unis n’ont pas atteint les objectifs escomptés par le gouvernement fédéral, et qu’elles ont aggravé les problèmes urbains et sociaux des lieux en question tels que : perte d’identité du quartier, disparition de bâtiments et quartiers remarquables en termes d’architecture et d’agencement urbain, problèmes de logement, accroissement des inégalités sociales et raciales, augmentation de la ségrégation, etc. Il est cependant bien aisé de critiquer les opérations de rénovations urbaines avec un œil européen. Il reste à considérer que, malgré l’échec indubitable de l’urban renewal aux Etats-Unis, de telles opérations ont vu le jour en Europe et en France à la même période. A la fin des années 1950, du fait notamment des difficultés et lenteurs de la Reconstruction, la France fait face à une crise du logement. Lors d’un entretien, Benoit Pouvreau s’exprime à propos de la reconstruction d’après-guerre en France : « Les sinistrés peuvent être légitimement scandalisés quand le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme détruit leurs logements soit parce qu’ils représentent un danger potentiel ou parce qu’il est prévu d’élargir la voie, donc de prévoir l’avenir, donc d’éliminer telle maison qui abrite des familles et « gêne » l’avenir, en quelque sorte. Les sinistrés devront attendre encore des années avant de disposer d’un toit digne de ce nom. » 2 La politique de rénovations urbaines apparaît alors comme une solution au manque de logements salubres et aux améliorations urbanistiques jugées nécessaires: produire des plans d’ensemble régulateurs, détruire des quartiers délabrés entiers, créer des logements modernes aux standards plus élevés (Grands Ensembles), implanter des centres commerciaux, adapter la ville à la voiture et élargir les voies, restructurer les centres anciens sont les maîtres-mots de la politique urbanistique française.3 1 Martin Anderson, opus cité, p56. 2 De la Reconstruction : un entretien inédit avec Benoit Pouvreau, 2012, noisylesec-histoire.fr 3 Maurice Blanc, La rénovation urbaine : démolition ou patrimonialisation ? Comparaison entre la France
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Yvan Delemontey explique quant à lui que durant cette période de reconstruction, c’est une vision de l’idéologie moderniste qui est mise en avant afin de se créer une nouvelle image de modernité, de nombreux architectes et urbanistes s’inspirant alors de la Charte d’Athènes.1 Malgré une volonté louable du gouvernement français et des urbanistes de répondre en priorité aux besoins des villes et de leurs habitants, afin d’offrir des conditions urbaines plus saines après la reconstruction, des problématiques similaires à celles évoquées pour les opérations aux USA sont à déplorer. Ainsi par exemple à Lille, le quartier des Poissonceaux fut rasé dans les années 1960 au profit de la construction d’un complexe immobilier en béton de grande ampleur : parking souterrain, commerces, bureaux, logements, auditorium…2 . Un autre quartier de taudis de Lille, Saint-Sauveur, fut rasé entre 1920 et 1960 pour y construire des grands ensembles (HLM, bureaux…), et plusieurs bâtiments d’intérêt historique disparurent.3 La politique de la table-rase est peu à peu remplacée dans les années 1970-1980 pour permettre la transformation de l’existant, selon les cas sa réhabilitation, sa restauration, ou encore sa préservation. En ce qui concerne les Etats-Unis à la fin des années 1960, les mouvements de contestation sont de plus en plus nombreux à l’encontre des démolitions de masse dans les quartiers anciens ; le peuple américain et le gouvernement semblent comprendre qu’il est nécessaire de préserver le patrimoine architectural et urbain, qui forme leur culture et leur identité. Une politique de préservation de ce patrimoine, mais aussi la prise en compte des impacts sociologiques et identitaires faisant suite à l’urban renewal, se développent peu à peu. Dans cette optique et pour conclure à propos des opérations de rénovations urbaines, nous pouvons citer Kaisa Broner : « C’est aussi aux Etats-Unis que sont nées les premières critiques pertinentes de la rénovation urbaine des années 1950 et 1960, de ces opérations de bulldozer dont on connait maintenant les effets nocifs dans presque chaque grande ville occidentale. Une conscience générale des valeurs du patrimoine s’est donc éveillée dans ce pays, et les résultats des efforts de préservation à l’échelle nationale, reflétant l’idéalisme pragmatique des Américains, ne se sont pas fait attendre ».
1 Yvan Delemontey, Reconstruire la France. L’aventure du béton assemblé 1940-1955, éd. de la Villette, 2015, p40 2 Wikipédia, Nouveau Siècle de Lille 3 Lille promenades : le quartier Saint-Sauveur, Horizon-nomade.com
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CHAPITRE 2:
Une mutation progressive de la politique de dynamisation urbaine vers la prĂŠservation du patrimoine architectural et urbain des centres anciens
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Une transition lente vers une meilleure prise en compte du patrimoine et de la nécessité de le préserver
En second lieu, il est important de comprendre comment la transition s’est opérée
d’une politique de table-rase vers celle de la préservation du patrimoine architectural et urbain des centres anciens. Il convient de résumer ici la raison d’une telle contestation grandissante envers le programme fédéral, et en général la politique faisant table-rase de l’ancien, donc du patrimoine. Or ce programme a accru la ségrégation des minorités et n’a visiblement pas amélioré la qualité de logement de ces populations. De surcroit les bidonvilles se sont en fait déplacés au lieu de disparaître, et nombre d’objets et symboles historiques, sociétaux, architecturaux et urbains des villes américaines ont été irrémédiablement détruits. D’après Jane Jacobs, « ces réalisations […] apportent en effet rarement une amélioration aux secteurs avoisinant alors que, précisément, c’était là l’un des buts recherchés lors de leur mise en chantier ».1 Quoique le but visé fut aussi la redynamisation de l’économie nationale par une politique de travaux, il s’est avéré que les milliards de dollars dépensés l’ont été, certes dans le cadre d’une motivation initiale respectable, mais s’étant révélée finalement préjudiciable. En sus, les effets de l’urban renewal n’ont jamais atteint les fins financières escomptées. Martin Anderson expliquait par exemple en 1964 que selon lui : « L’argent dépensé pour démolir des bâtiments et pour embaucher les fonctionnaires pour la rénovation urbaine peut stimuler légèrement l’industrie de la démolition et augmenter la demande pour les urbanistes […], mais encore une fois, on peut douter que cela stimule l’économie à un degré perceptible ».2 De plus, l’effet des rénovations urbaines sur la ville américaine fut dévastateur : centres administratifs déserts, tissus urbains décousus, personnes arrachées à leurs lieux de vie et leurs habitudes ; la destruction du cadre, bâti ou non, mène à la perte de signe et de sens dans ces quartiers démolis, et plus généralement dans les villes elles-mêmes. Jane Jacobs énumérait en 1961 les différents types d’opérations menées dans les villes, et la manière par laquelle ils avaient aggravé la situation : «désespoir des populations », impossibilité à construire une « réelle vie urbaine », « tristesse et uniformité » architecturale, désertification des centres, perte de sens, villes éventrées…
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Nous ne
pouvons que constater l’étendue des dégâts causés par les opérations de rénovations urbaines dans les villes, et l’amertume des habitants et autres opposants aux projets. 1 Jane Jacobs, opus cité, p18. Voir Annexe 2 pour citation complète. 2 Martin Anderson, opus cité, p175. Notre traduction. 3 Jane Jacobs, opus cité, p18.
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Après la reconstruction, davantage de difficultés sont rencontrées au sein de la ville car elle a perdu son identité, son fonctionnement historique et ses habitants ne savent plus comment vivre dans cette ville nouvelle qui, par la force des choses, est devenue la leur. De même, comme expliqué par Louis G. Redstone, l’attrait d’une ville consiste principalement en son individualité et ses différences, permises notamment grâce à la présence de monuments historiques intégrés dans un tissu urbain fonctionnel, ceux-ci étant issus d’un héritage spécifique qui attire à la fois les habitants et les visiteurs, créant ainsi une dynamique et une aura.1 Dans un premier temps, le point de vue général des individus s’est peu à peu modifié, afin de se tourner vers un désir de préserver leur culture, leur patrimoine et l’intégrité de leur ville. C’est par la prise de conscience individuelle préalable qu’a pu naître une nouvelle façon de voir la ville et de la projeter. Or l’urbanisme à politique de ‘‘tablerase’’ n’est pas idéal, comme nous l’avons vu précédemment, à la fois pour la ville et ses habitants. D’après les nombreux avis défavorables aux opérations de rénovations urbaines, il semble indubitable que celles-ci aient une portée négative sur bien des plans, notamment sur les populations des quartiers concernés. De ce fait, les premières manifestations de désaccord à l’encontre du mouvement de l’urban renewal aux Etats-Unis sont nées au sein de ces mêmes habitants, et de quelques associations ou organisations de protection telles que l’American Antiquarian Society, la Smithsonian
Institution, etc.2 Evidemment, il est logique de considérer que les habitants n’avaient pas un avis favorable à la destruction de leurs quartiers, maisons, commerces, et modes de vies. Si une grande partie de la population devait s’opposer aux projets de rénovation urbaine de leur quartier dès la phase initiale, il semble important de préciser que ceux-ci étaient promus par l’Etat fédéral et les villes comme apportant un meilleur confort de vie. Ces idées étaient véhiculées par les discours des élus, des vidéos de propagande en faveur de l’urban renewal qui dénigraient les quartiers anciens, etc. Ainsi, il est fort
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probable que nombre de personnes ont réellement cru que ces rénovations urbaines pouvaient améliorer leur quotidien - ou même leur ville et son image pour ceux ne résidant pas dans ces quartiers. Cependant, ces projets étaient pour la plupart mal organisés, notamment en ce qui a concerné le relogement des personnes évincées de leur logement. Martin Anderson expliquait que : « Le principe fondamental sur lequel le programme a été lancé et celui qui maintient son élan intellectuel est que la rénovation urbaine élimine les bidonvilles, élimine leur propagation et redynamise les villes. Au lieu de ça un programme fédéral de rénovations urbaines va plutôt déplacer les bidonvilles au lieu de les éliminer, et ce faisant, favoriser leur propagation. 1 Louis G. Redstone, opus cité, p 299. 2 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P105. 3 exemple: 1950s Urban Renewal: The Dynamic American City (1956), https://www.youtube.com/ watch?v=PydFzWfkdOw
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Les personnes qui quittent le secteur de rénovations urbaines ne sont pas vraiment aidées par le programme. Certains reçoivent de l’argent pour leurs frais de déménagement et des conseils pour trouver un autre logement. Mais après qu’ils s’en soient allés, ils ont toujours les mêmes revenus, les mêmes caractéristiques sociales et la même couleur de peau. La seule chose qui change est qu’ils vivent maintenant dans une autre partie de la ville. »1 De même, le nombre de personnes réfractaires aux opérations de rénovations urbaines n’a eu de cesse de grandir en même temps que le programme lui-même se développait. En effet au début, peu de personnes étaient touchées par ces opérations, et de ce fait la voix des opposants n’était que très peu entendue. Cependant, avec la multiplication des opérations réalisées dans le cadre du programme fédéral au sein de différentes villes américaines, ce nombre (et donc les potentiels opposants) s’est accru – engendrant une meilleure écoute des désaccords à l’échelle nationale. Ainsi, Martin Anderson expliquait en 1964 à propos de l’évolution de ces opérations destructrices et leurs répercussions que : « Pendant la première partie du programme peu de gens s’y intéressaient car peu de personnes ou de villes étaient touchées. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui le programme fédéral de rénovation urbaine est un géant bien ancré qui touche pratiquement toutes les villes importantes des Etats-Unis. ».2 Il y a de surcroît une relation avec l’origine des personnes impactées qui va occasionner une plus grande opposition avec le temps. En effet, les premières populations touchées étaient majoritairement afro-américaines ou originaires d’Amérique-latine ; le gouvernement et les autres individus (majoritairement ‘’blancs’’) donnaient peu d’importance à la voix contestataire de ces populations jugées minoritaires dans le contexte de ségrégation que nous avons mentionné plus haut. Néanmoins, au fur et à mesure que les opérations de rénovations urbaines devenaient plus récurrentes, cellesci ont forcément touché d’autres catégories de population moins minoritaires qui se sont à leur tour élevées à l’encontre de ces destructions. Par exemple, Martin Anderson expliquait que : « Puisque c’était habituellement les pauvres, Afro-américains, et Portoricains qui étaient mis dehors, beaucoup de personnes avaient peu entendu parler du programme ou ne s’en souciaient pas. Cependant, il y a eu un nombre important de cas de résistance active contre le programme. Plus les gens étaient forcés de quitter leurs foyers, plus les entreprises devaient fermer leurs portes, plus des milliards d’argent public étaient dépensés, plus la critique contre le programme a grandi.».3
1 Martin Anderson, opus cité, p8-9. Notre traduction. 2 Martin Anderson, opus cité, p3. Notre traduction. 3 Martin Anderson, opus cité, p217. Notre traduction
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Dans ces conditions, l’opposition au programme des individus touchés, mais aussi des élus, théoriciens, praticiens plus éclairés à ce sujet a augmenté, presque en fonction de la croissance du programme lui-même. Comme nous l’avons vu précédemment en ce qui concerne la destruction de Pennsylvania Station, de nombreuses personnes se sont finalement mobilisées pour manifester dans les rues afin d’éviter, ci la destruction de leur quartier d’habitation, là celle d’un monument jugé remarquable ou emblématique. Si les voix individuelles se sont faites entendre par les administrations et les élus, c’est bien du fait de leur nombre croissant, leur diversification et leur dispersion partout dans les villes des Etats-Unis. Dans cette optique, Martin Anderson expliquait dès 1964 que : « Lorsque le programme a commencé, le nombre de personnes déplacées était limité et leur voix de protestation était aiguë mais faible. À l’heure actuelle, le nombre augmente rapidement et il devient de plus en plus difficile pour les partisans du programme d’ignorer ou d’échapper au problème – le nombre est désormais suffisamment grand pour avoir une voix significative dans les sondages ».1 Vers la fin des années 1960, il n’était donc plus rare de voir des groupes d’opposants au programme non seulement manifester, mais aussi participer à des débats et discussions à propos des projets envisagés par le gouvernement fédéral. Ceux-ci demandaient aux instances fédérales et aux élus d’avoir une approche favorisant la réhabilitation plutôt que la démolition, afin de conserver certaines structures anciennes importantes et d’éviter le désengagement habituel par rapport aux éléments du passé.2 Dans ce contexte et étant donné l’importance grandissante des contestations à l’encontre de l’urban renewal, les administrations fédérales, les élus et les urbanistes ont dû remettre en question leurs certitudes et ont finalement écouté les arguments des mouvements contestataires. N’ayant pas atteint les buts recherchés avec les opérations de rénovations urbaines, le programme fédéral s’est finalement peu à peu tourné vers des actes de réhabilitation de l’existant pouvant encore être préservé. Cette bifurcation est expliquée par Martin Anderson dans son ouvrage : « Au fur et à mesure que les signes indiquant que la rénovation urbaine destructrice ne fonctionnait pas efficacement augmentaient, on a mis davantage l’accent sur une tentative de réhabiliter les structures existantes. Peut-être que l’impulsion principale derrière ce changement fut la croissance de l’opposition politique aux programmes de destructions de grande envergure qui a rendu des milliers de personnes sans-abri ».3 Le programme fédéral changera par la suite peu à peu, devenant moins autoritaire et porté sur les opérations destructrices, notamment grâce à certaines prises de positions 1 Martin Anderson, opus cité, p53. Notre traduction. 2 Diane Alyssa Jackier, opus cité, p12-13. 3 Martin Anderson, opus cité, p147. Notre traduction.
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en termes de législation fédérale qui influencèrent la typologie des projets engagés par la suite dans les politiques d’améliorations urbaines. Cependant malgré une nouvelle orientation fédérale en terme de préservation urbaine, nombreux sont ceux qui déplorent la tardiveté de cette prise de conscience, ayant occasionné tant de pertes patrimoniales et identitaires, et engendré de nombreuses complications sociologiques. Kaisa Broner écrivait en 1986 que : « Après des pertes culturelles irréparables, une conscience s’est éveillée et l’on a commencé à s’intéresser aussi à la sauvegarde de l’architecture anonyme de la ville. […] Néanmoins, ce n’est que durant les deux dernières décennies que les autorités gouvernementales se sont rendu compte plus pleinement de l’ampleur et de la complexité des problèmes liés à la préservation du patrimoine historique et culturel et, par conséquent, de la nécessité de créer des plans rationnels pour sa sauvegarde».1
Evolution de la législation en termes de préservation patrimoniale aux Etats-Unis
Après avoir compris comment s’est opérée la transmission d’une prise de
conscience sur la préservation patrimoniale de l’opinion publique aux administrations gouvernementales, il semble à présent nécessaire d’aborder plus en détail l’évolution de la législation elle-même en termes de préservation patrimoniale aux Etats-Unis. Les premières lois concernant la préservation du patrimoine apparaissent au tout début du XXème siècle2 , mais leur portée restera plutôt ténue jusqu’à la fin des opérations de rénovations urbaines. De même, il est souvent question de la préservation de paysages, lieux historiques ou bâtiments remarquables par leur architecture ou leur histoire, mais relativement peu de questions urbaines ou de quartiers entiers. En effet, la prise en compte de l’importance patrimoniale à l’échelle de quartiers, ou l’environnement urbain d’un monument historique, sont des positions plutôt récentes (à partir des années 1980 environ). La première loi sur la préservation historique, l’American Antiquities Act, est créée en 1906 sous l’administration du Président Théodore Roosevelt. Elle permet d’établir sur le plan de la législation l’importance en tant que « ressource publique » des sites archéologiques présents sur les terres publiques américaines, et de les faire protéger par les agences fédérales (ou par le Président lui-même qui pouvait les designer Monuments Nationaux). Cette loi est considérée comme la base d’une volonté de faire progresser les efforts fédéraux pour la protection du patrimoine archéologique américain.3 1 Kaisa Broner, opus cité, p43. 2 En mettant à part le cas de certains parc nationaux tels que Yellowstone et Yosemite dont la protection fut initiée respectivement en 1872 et 1890 – les Américains ayant développé une conscience de la nécessité de protéger le patrimoine paysager et environnemental très tôt. 3 Site du National Park Services : Antiquities Act 1906-2006 – about the Antiquities Act , nps.gov
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C’est aussi le premier pas vers une politique fédérale de préservation du patrimoine américain en général. En 1916, le service des Parcs Nationaux est créé par le National Park Organic Act sous l’administration du Président Woodrow Wilson. Celui-ci a pour but de « Conserver les paysages et les objets naturels et historiques et la vie sauvage qui y est présente, et à en assurer une jouissance similaire et par des moyens qui les laisseront intacts pour la jouissance des générations futures ».1 Cependant, cette loi s’applique à la seule protection des 35 Parcs et Monuments Nationaux appartenant au gouvernement fédéral, et il faudra attendre le Historic Site Act de 1935 sous l’administration du Président Franklin Delano Roosevelt afin qu’une protection soit créée pour les bâtiments et sites n’appartenant pas au gouvernement fédéral. Cette dernière établit que l’utilisation publique des sites historiques, des bâtiments et des objets historiques doit être préservée et faire partie d’une politique à l’échelle nationale. Cette loi entérine notamment la création de programmes et d’études en faveur de la protection des lieux et bâtiments historiques américains.2 En
1949,
l’administration
du
Président
Harry
S.
Truman
crée
le
National
Trust for Historic Preservation, une organisation privée à but non lucratif qui doit permettre « la sauvegarde des monuments historiques et quartiers et
paysages
auxquels
ils
sont
ancrés
»,
et
jugés
«
irremplaçables
».3
L’Economic Opportunity Act de 1964 voté sous Lyndon B. Johnson, avait quant à lui pour intention principale la lutte contre la pauvreté. Il a notamment permis la création d’agences locales pour les rénovations des quartiers insalubres, qui du fait de leur proximité se sont trouvées plus averties des problématiques des lieux.4 C’est en 1966 qu’est créé le National Historic Preservation Act. Cette loi entérine la création : d’un programme de préservation des propriétés historiques dans tous les Etats-Unis ; du National Register of Historic Places qui permet au Service des Parcs Nationaux de recenser les sites qui doivent être préservés5 ; et la mise en place de « districts historiques » à préserver.6 Cette même année, est mis en place l’Advisory Council
on Historic Preservation dont le but est de « promouvoir la préservation, l’amélioration et l’usage durable des diverses ressources historiques de notre nation, et conseiller le Président et le Congrès sur la politique de la préservation historique nationale ».7
1 Site du National Park Services : Organic Act of 1916, nps.gov 2 Site de la West Virginia Culture and History : Historic Preservation laws – at a glance, wvculture.org 3 Site du National Park Services : National Trust for Historic Preservation, nps.gov 4 Economic Opportunity Act of 1964, wps.prenhall.com 5 Site de la West Virginia Culture and History : Historic Preservation laws – at a glance, wvculture.org Site du National Park Services : National Register of Historic Places, nps.gov 6 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P104. 7 Site de l’Advisory Council on Historic Preservation, achp.gov. Notre traduction.
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Fut également voté le Demonstration Cities and Metropolitan Development Act afin de garantir une meilleure organisation des projets de rénovations urbaines, mais aussi que les subventions versées soient bien consacrées à ces projets.
1
En 1969, sous l’administration du Président Richard Nixon, est voté le National
Environmental Policy Act, qui induit une réflexion en amont de toute prise de décision concernant une construction à propos de son effet sur l’environnement. C’est une des premières lois à prendre en considération la portée environnementale et à la placer au sein de la politique fédérale, son but étant de « préserver les aspects historiques, culturels et naturels de notre héritage national. Cela requiert que les agences fédérales utilisent une approche systématique et interdisciplinaire qui intègre les sciences naturelles et sociales dans tout plan ou prise de décision qui puisse impacter notre environnement ».2 Sous Nixon, l’Executive Order 11593 pour la Protection et l’amélioration de l’Environnement Culturel est émis en 1971. Celui-ci enjoint aux agences fédérales « d’inventorier leurs ressources culturelles et d’établir des politiques et procédures pour assurer la protection, la restauration et l’entretien des sites, structures et objets appartenant à l’Etat Fédéral qui ont une importance architecturale ou archéologique ».3 Les opérations de rénovations urbaines commencèrent à prendre fin en 1974 grâce à la mise en place d’un programme de remplacement, le Community
Development Block Grant. Celui-ci finance les programmes et infrastructures locales,
donnant
ainsi
une
autonomie
plus
importante
aux
villes
quant
à
la prise de décision des projets qu’ils veulent mener pour se moderniser.4 En 1976, la première loi du gouvernement fédéral incitant la réhabilitation et la préservation des monuments historiques par des arrangements fiscaux est instaurée par le Président Gerald Ford et son administration. Cette loi, leTax Reform Act, sera amendée plusieurs fois puis remplacée par le Economic Recovery Tax Act en 19825 sous la présidence de Ronald Reagan. A fin d’illustration, la loi actuelle prévoit un crédit d’impôt de 20% sur les fonds qui sont utilisés en faveur de réhabilitations sur des bâtiments commerciaux, agricoles, industriels ou du parc locatif.6 Le Tax Reform Act venait de ce fait remplacer la législation opposée qui incitait fiscalement la démolition d’anciens bâtiments.7
1 Wikipédia, Demonstration Cities and Metropolitan Development Act 2 Site de la West Virginia Culture and History : Historic Preservation laws – at a glance, wvculture.org. Notre traduction. 3 Site de l’Office of Indian Energy and Economic Development : Executive order 11593 : Protection and Enhancement of the Cultural Environment , teeic.indianaffairs.gov. Notre Traduction. 4 Site de la West Virginia Culture and History : Historic Preservation laws – at a glance, portal.hud.gov. 5 Kaisa Broner, opus cité, p48. 6 Site du U.S. Department of Housing and Urban Development: Community Development Block Grant Program, wvculture.org. 7 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P104.
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Par la suite, toutes ces lois seront amendées afin de mieux se conformer aux besoins de la société en constante évolution, ressentant un besoin grandissant de protéger plus d’éléments patrimoniaux, avec une meilleure qualité et capacité d’action. Comme l’explique Kaisa Broner, « De nouveaux amendements importants adoptés par le Congrès en 1980 modifièrent le National Historic Preservation Act sur plusieurs points. [...] Constatant d’abord que le patrimoine historique, ayant une importance dans l’héritage de la nation, est de plus en plus fréquemment détruit ou altéré, souvent par inadvertance, le Congrès déclare la préservation de cet héritage, d’intérêt public. ».1 Effectivement, malgré les dispositions législatives mises en œuvre pour protéger les éléments patrimoniaux jugés importants, il reste bien aisé de contourner ces lois, et ainsi de priver la nation d’un patrimoine important. En effet aux Etats-Unis il est notamment primordial de respecter la propriété privée d’autrui – qui est par ailleurs un droit fondamental inscrit dans la Constitution2 : « Une autre insuffisance significative du système réside dans le fait que l’ordonnance municipale interdisant la démolition de bâtiments historiques peut être facilement circonvenue. En effet, le propriétaire d’un immeuble ancien voulant s’en débarrasser peut y parvenir en négligeant son entretien et en le laissant se dégrader à la merci de la nature et du vandalisme, jusqu’au point où il devient insalubre ou structurellement dangereux. A ce moment-là, l’inspecteur des bâtiments, ou son homologue de la santé va ordonner la démolition de l’immeuble - et voilà atteint le résultat escompté ! ».3 Par ailleurs, on remarque que les mesures prises sont souvent des incitations financières, et que celles-ci ne concernent pas tous les bâtiments et propriétaires. Kaisa Broner explique en 1986 qu’une grande partie des campagnes de subventions du Gouvernement Fédéral se faisait alors à grande échelle, et non pas pour les propriétaires individuels – ce qui ne joue pas en faveur d’une politique de préservation et de réhabilitation globale à l’échelle de la ville : « la législation nationale des Etats-Unis ne prévoit en fait aucune protection réelle contre la démolition ou la modification inappropriée de l’héritage historique et culturel. Le rôle incombant au Gouvernement Fédéral, ainsi que l’a précisé le Congrès, se limite à susciter et à proposer des incitations et des subventions diverses aux projets et programmes de préservation entrepris à l’échelon des Etats, des municipalités ou des groupes privés ».4
1 Kaisa Broner, opus cité, p44-45. 2 Martin Anderson, opus cité, p183. « En vertu de notre Constitution il est entendu qu’un homme est libre d’utiliser sa propriété comme il le désire du moment qu’il n’interfère pas avec les droits d’autrui ». Notre traduction. 3 Kaisa Broner, opus cité, p52. 4 Kaisa Broner, opus cité, p48.
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Après avoir esquissé le processus d’évolution des lois en ce qui concerne la préservation du patrimoine jusque dans les années 1980, on comprend que le processus législatif s’est opéré sur une période relativement longue (près d’un siècle), par des améliorations successives proposées par certains gouvernements. En outre malgré le vote de ces lois, celles-ci ne semblent pas suffisamment complètes ou efficaces, et la politique de préservation du patrimoine architectural et urbain n’offre pas réellement l’effet escompté. Jean-Michel Tobelem expliquait ainsi que, « Pendant les années 1980, plusieurs décisions fédérales allèrent dans le sens d’une meilleure prise en compte des objectifs de protection du patrimoine ».1 Il illustre son propos par la décision de George H. W. Bush en 1990 de prendre en compte dans le budget de l’année suivante l’importance pour ses compatriotes de comprendre et transmettre le patrimoine local. Il conclut de même son ouvrage L’introuvable politique patrimoniale des Etats-Unis d’Amérique (2007) en indiquant qu’il existe bien une politique de protection patrimoniale aux Etats-Unis, qu’elle s’est considérablement développée depuis 1966, mais qu’elle est toujours « loin d’être homogène et d’une parfaite cohérence ».2 Plus récemment en 2015, le Président Barack Obama a quant à lui signé le Fixing
America’s Surface Transportation Act, un plan sur 5 ans qui comprend des mesures améliorant certains aspects de la préservation de sites historiques.3 Il a également signé en 2016 le National Park Service Centennial Act, étendant, entre autres, les subventions du Historic Preservation Fund jusqu’en 2023.4 Enfin, il est intéressant de noter que parallèlement aux actions individuelles, associatives et gouvernementales en faveur de la préservation patrimoniale, se développent depuis la fin des années 1960 des programmes universitaires thématisés sur la protection du patrimoine. Ces filières naissent notamment dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme des universités. Le premier advanced-degree de préservation patrimoniale a vu le jour en 1964, à l’Université de Columbia, et de nombreuses universités développent des programmes similaires depuis. Certaines écoles d’architectures, comme par exemple celle de l’Université du Kansas, ont récemment ouvert une certification en Historic
Preservation lors du cursus de master degree qui permet de se familiariser avec le milieu de la préservation, les technologies et théories appliquées, les différentes professions, etc. En définitive, nous avons pu comprendre que la mise en place d’une législation en matière de protection patrimoniale aux Etats-Unis est un processus encore incomplet, 1 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P104. 2 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P109-110. 3 Site de l’Advisory Council on Historic Preservation, achp.gov. 4 Site du Congrès Américain, congress.gov.
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du fait notamment d’une prise de conscience lente et partielle sur la nécessité de préserver le patrimoine. Les balbutiements de la législation à ce sujet datent du début du XXème siècle, mais peinent à se déclencher véritablement avant les années 1960-1970 et le choc des opérations bulldozer menées dans les centres historiques. La préservation du patrimoine, sa protection, commence à devenir plus commune et nécessaire aux Etats-Unis. Divers projets tendent depuis les années 1970 vers la réhabilitation des bâtiments anciens, afin de combiner besoin mémoriel de conserver le patrimoine et l‘histoire de la Nation ainsi que la constante nécessité de progrès, de nouveauté et de fonctionnalisme de la société américaine. De ce fait dans son ouvrage The new downtowns – Rebuilding
business districts, Louis G. Redstone cite Gerald E. Cranes, président du Department of Urban Planning de l’Université du Michigan : « Une réutilisation adaptée, telle que je l’entends, représente plus qu’une simple préservation d’anciens bâtiments pour leur aspect sentimental et historique, mais est plutôt une tentative pour intégrer de nouveaux bâtiments avec les anciens ainsi que de les modifier et les utiliser pour répondre à des besoins contemporains ».1
La préservation par une réutilisation adaptée de l’existant: une nouvelle dynamique s’offrant à la ville
La préservation du cadre ancien historique, se faisant à travers une réutilisation
adaptée de l’existant, semble insuffler une dynamique nouvelle aux villes concernées. Dans
cette
d’étudier
optique
plusieurs
architecturale
et cas
considérées
à
titre
d’opérations de
manière
d’illustration, de
il
semble
préservation
générale
comme
important
urbaine des
et/ou
réussites.
Le premier exemple étudié sera celui du quartier de Society Hill à Philadelphie, celui-ci permettant de comprendre la transition de certains projets de rénovation urbaine vers une prise en compte du patrimoine architectural et urbain historique existant. Le second exemple sera celui du Jefferson Market Courthouse de New York, illustrant l’action des habitants à l’encontre du projet de sa destruction mais surtout un des plus anciens cas d’adaptation de l’existant pour une activité contemporaine toute autre. Nous aborderons aussi l’exemple d’un lieu atypique lui aussi transformé, le Trolley Square à Salt Lake City, démontrant que des architectures moins sensationnelles peuvent elles-aussi être réhabilitées, et qu’elles sont à considérer comme partie prenante du patrimoine américain. 1 Jean-Michel Tobelem, opus cité, P299.
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Enfin, le cas du Faneuil Hall Market de Boston éclairera quant à lui sur la réhabilitation d’un lieu voué de prime abord à la destruction, rapportant du dynamisme au lieu, opération considérée comme une telle réussite qu’elle sera imitée dans le pays et à l’étranger. Dans un premier temps, la préservation et la réhabilitation d’architectures notables et de certains quartiers anciens se sont faites à travers les opérations de rénovations urbaines qui –ayant sans doute entendu les nombreuses protestations à l’encontre de la ‘’démolition totale’’- ont commencé à conserver certains éléments architecturaux et urbains dans leurs plans d’amélioration des quartiers. L’un des premiers cas est celui de
Society Hill, à Philadelphie en Pennsylvanie. Comme cela est expliqué dans un article1 de l’American Planning Association, ce projet de rénovation urbaine contenait une initiative de préservation d’une partie de l’existant à titre expérimental et d’innovation. Ce quartier, né à la fin du XVIIème siècle, est resté longtemps florissant. Cependant dans les années 1950, celui-ci était considéré comme un des pires taudis de la ville (celle-ci s’étant développée plus à l’ouest au XIXème siècle, négligeant ainsi le reste de la ville).2 Le plan de réaménagement du quartier fut un exemple rare pour l’époque de partenariat entre les acteurs du programme fédéral, les instances chargées du redéveloppement de la ville, les habitants et la Commission Historique récemment créée.3 Cependant, le projet ne consistait pas uniquement en ce réaménagement de quartier, mais était d’une toute autre échelle et ne fut pas d’une égale réussite dans d’autres parties de la ville. Le projet de rénovation urbaine de Philadelphie, réalisé par Edmund Bacon4 et visible cicontre, fut initié à la fin des années 1950 et terminé en 1977 ; il fut finalisé en 1964 pour ce qui est du master plan de Washington Square East dont fait partie Society Hill. Le but du projet était d’« améliorer le caractère des bâtiments principaux de faible hauteur tout en instaurant une haute densité résidentielle aux abords de la rivière Delaware ». A cela, furent ajoutées près de la rivière trois tours d’une trentaine d’étages permettant d’augmenter l’offre en logements tout en créant une ‘’zone tampon’’ à une voie rapide surélevée.5 Il est à noter que les habitants et associations, notamment la Society Hill
Civic Association ont joué un rôle crucial pour le développement du quartier dans le respect de son intégrité, s’imposant notamment contre le projet initial de la voie rapide qui aurait coupé le quartier – celle-ci fut construite par la suite en sous-sol.6
1 Site de l’American Planning Association - Society Hill: Philadelphia, Pennsylvania, planning.org 2 Wikipédia, Society Hill, Philadelphia 3 Site de l’American Planning Association - Society Hill: Philadelphia, Pennsylvania, planning.org. 4 Architecte et directeur de la City Planning Commission de Philadelphie entre 1949 à 1970. 5 Pei Cobb Freed and Partners, Society Hill, pcf-p.com 6 Site de l’American Planning Association - Society Hill: Philadelphia, Pennsylvania, planning.org.
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Plan pour la rénovation urbaine du Centre-Ville de Philadelphie, 1963 Source: architectmagazine.com
Plan masse de Pei Cobb Freed and Partners pour le réaménagement de Society Hill, 1964 Source: pcf-p.com
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Pour ce qui concerne les qualités architecturales et urbaines de ce projet, on peut dire que celui-ci permet de dresser un bilan plutôt positif. Le plan de Bacon conserve de manière intacte l’agencement originel de la ville créée par William Penn à la fin du XVIIème siècle1 , ce qui lui permet de conserver un mode de fonctionnement logique et habituel. Les styles architecturaux représentés symbolisent un renouveau de la ville tourné vers la modernité. De même, le projet prend largement en compte les problématiques piétonnières, ce qui est plutôt inhabituel pour l’époque dans les réflexions urbanistiques aux Etats-Unis.2 En effet, les projets de rénovations urbaines consistaient en partie à aménager la ville pour faciliter un trafic automobile toujours croissant. Ici, la majorité du trafic automobile se fait en sous-sol. De même, un intérêt tout particulier est porté aux problématiques ‘‘paysagères’’ : des souterrains furent créés afin de faciliter le flux de travailleurs et désengorger les espaces à ciel-ouvert, et ces souterrains devaient comporter nombre de services tels que des magasins et des parkings.3 Cependant, il semble que le projet n’ait pas tout à fait été réalisé selon les préceptes de Bacon, notamment en ce qui concernait les 4 blocs formant le nouveau CBD de Philadelphie, le
Penn Center. Ainsi : « La majorité de la partie souterraine qui devait s’ouvrir sur le skyline a été construite cloîtrée avec peu de puits de lumière et d’ouvertures sur les escaliers », un cadre qui était donc plutôt désagréable pour les consommateurs. Des fastfoods ont peu à peu remplacé les magasins, des délinquants ou des personnes sans domicile s’y sont regroupés . 4 Cependant, le résultat de ce projet reste indubitablement positif à la fois en ce qui concerne la modernisation de la ville, et la reconquête des quartiers anciens devenus insalubres tels que Society Hill. Le centre-ville a par exemple vu sa population augmenter de 13% dans la décennie suivant la réalisation du projet – c’est donc une réussite sur le plan démographique.5 La réponse donnée aux nécessités de l’époque en termes d’urbanisme, aux problématiques démographiques et de transports, mais surtout - dans le cas de notre étude – de la conscience de la richesse patrimoniale des quartiers anciens et de la nécessité de les préserver en les intégrant dans un plan de redynamisation global de la ville et non pas dans un plan de muséification est aussi un point très positif de ce projet.
1 Urban Renewal in Philadelphia, brynmawr.edu 2 Urban Renewal in Philadelphia, brynmawr.edu 3 Urban Renewal in Philadelphia, brynmawr.edu 4 Critique of the Penn Center, brynmawr.edu. Notre traduction, nos italiques. 5 Critique of the Penn Center, brynmawr.edu
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Vue sur les tours et les maisons de ville du quartier de Society Hill, 1964. Source: pcf-p.com
Rue typique du quartier de Society Hill, de nos jours. Source: Robert Cross / Chicago Tribune, billingsgazette.com
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Mais si le projet urbain peut être considéré comme une réussite de manière générale, c’est en majorité grâce à l’action menée pour revitaliser le quartier de Society Hill. En ce qui concerne cette partie du projet, il est évident que tout le quartier n’a pas été conservé en l’état – du fait de la nature du projet, qui reste avant tout une opération de réaménagement et de rénovation urbaine. De ce fait, les habitations délabrées mais pour lesquelles il était toujours possible d’aspirer à un avenir meilleur, furent soit restaurées par leurs habitants soit achetées par le service de redéveloppement de la ville et revendues à un prix dérisoire à de nouveaux propriétaires, toujours avec un accord préalable pour qu’ils « les restaurent selon des standards stricts ».1 Une grande majorité du reste des bâtiments fut quant à elle démolie et remplacée par des parcs, des allées piétonnes et des maisons de ville modernes. Les tours conçues par Ieoh Ming Pei ont pris place sur le site de l’ancien Dock Street Market. Ce dernier fut démoli après la relocalisation du marché plus au sud de Philadelphie.2 En termes d’architecture et de projet urbain le quartier de Society Hill est une réussite. En effet, malgré une nécessité et une politique fédérale urbaine de destruction des quartiers anciens, la ville, ses habitants et associations ont su s’entendre pour réussir à créer ensemble un projet qui contienne de justes proportions de modernité dans un quartier ancien réhabilité, permises grâce à une coopération et une entente de tous les partis. L’architecture moderne, notamment de Pei, s’intègre plutôt bien à l’ensemble du quartier historique et le redynamise. Celui-ci n’est alors plus un quartier abandonné à son ancienneté, mais bien inclus dans une politique moderne globale fière de son héritage passé. Du reste, il est intéressant de noter que « Sur le modèle de […] la rénovation du quartier historique de Philadelphie (Hill Society), certains quartiers de Saint Louis (LaFayette Square, Boston (Quincy Market, Charleston) font l’objet d’une réhabilitation associée à un renouvellement de la population résidente ».3 Dans un second temps, il est important d’illustrer un autre type de projet : la réadaptation de l’existant pour une autre activité que celle pratiquée dans le passé, concordant mieux avec les nécessités contemporaines. Cela se fera notamment à travers l’étude du cas du
Jefferson Market Courthouse à New York et du Trolley Square de Salt Lake City. Le Jefferson Market Courthouse, dont on peut voir le bâtiment principal sur la photographie ci-contre, est un ensemble de bâtiments servant par le passé de marché, cour de justice et prison féminine ; il fut converti avec succès en bibliothèque en 1967.4 1 Site de l’American Planning Association - Society Hill: Philadelphia, Pennsylvania, planning.org. Notre traduction. 2 Wikipédia, Society Hill, Philadelphia Wikipédia, Dock Street Market 3 Cyril Cosme, opus cité, p38 4 Jefferson Market Courthouse : New York, etats-unis.americas-fr.com
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Le Jefferson Market Courthouse. Source: nypap.org
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Le bâtiment, construit à la fin du XIXème siècle, est inspiré du style gothique vénitien, et est composé de briques, calcaire et verre.1 Après la seconde guerre mondiale, en 1945, la cour de justice fut déplacée dans un autre quartier, le bâtiment servit de lieu d’entrainement à l’Académie de Police jusqu’à la fin des années 1950, puis fut abandonné pendant plusieurs années.2 A cette période, la ville projeta la destruction du bâtiment jugé trop vétuste afin d’y construire des logements, mais elle dut faire face à une forte coalition des habitants et associations locales qui militèrent alors pour la préservation du monument et sa réhabilitation. Dans un premier temps, un comité vit le jour afin de réunir les fonds nécessaires à la réfection de la tour et de l’horloge, action qui aboutit en 1960. L’année suivante, ce comité devint le Commitee for a Library in the Jefferson
Market Courthouse dans le but de convaincre les autorités municipales de transformer le bâtiment en bibliothèque.3 Après acceptation du projet par les élus, l’architecte Giorgio Cavaglieri fut choisi pour réaliser la réhabilitation et l’adaptation de la bibliothèque : les travaux commencèrent en 1965 et s’achevèrent deux ans plus tard.4 Son projet de bibliothèque est considéré comme une grande réussite pour l’époque, car il a inséré une typologie moderne de bibliothèque au sein du tissu ancien du bâtiment (notamment ascenseurs, ventilations, mobilier moderne..). Ce fut l’un des premiers projets de réadaptation d’un bâtiment existant à des fins contemporaines, et est aussi remarquable en cela. En effet généralement dans ce type de cas, les bâtiments anciens étaient purement et simplement démolis pour faire place aux constructions modernes – ce qui se serait sans doute passé ici si la population n’avait pas manifesté son désaccord et proposé des solutions. Ce projet est résolument estimable, d’une part parce qu’il est l’un des premiers de son type, mais aussi de par la réponse architecturale donnée – moderne mais respectueuse de l’existant. De même, on comprend ici que la réalisation ou non de projets de préservation historique et de réutilisation de l’existant tient majoritairement à une volonté importante des habitants et leur implication massive. Sans cela, la facilité était souvent de mise et les bâtiments anciens démolis malgré leur intérêt architectural et culturel. De par leur implication pour la sauvegarde de l’ancien palais de justice, les habitants du quartier ont aussi retrouvé une cohésion. Ainsi, un article du New York Times indiquait que « La cloche a récemment et de manière imprévisible connecté la communauté des alentours du bâtiment de l’Avenue des Amériques à la 10ème rue, aidant à rapporter un concept de village dans Greenwich Village ; elle sert toutes les heures de puissant rappel des valeurs de la préservation architecturale ».5 1 Site du New York Preservation Archive Project, Jefferson Market Courthouse, nypap.org 2 Jefferson Market Courthouse : New York, etats-unis.americas-fr.com 3 Site du New York Preservation Archive Project, Jefferson Market Courthouse, nypap.org 4 Jefferson Market Courthouse : New York, etats-unis.americas-fr.com 5 Frank Michael, Old Bell Regains Its Voice and a Community Resounds, The New York Times, 11 Avril 1997.
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Intérieur d’une salle de lecture de la bibliothèque du Jefferson Market Courthouse, de nos jours Source: untappedcities.com
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Le second cas étudié à fins d’illustration pour les opérations de réadaptation de l’existant dans le cadre d’une toute autre utilisation est, comme vu précédemment, celui du Trolley Square de Salt Lake City, capitale de l’Utah. Les bâtiments d’origine, de grands hangars y furent construits en 1908 lorsque le tramway fut implanté pour desservir Salt Lake City, afin de les protéger la nuit et d’effectuer les réparations parfois nécessaires.1 Lorsque la société gérant les tramways cessa ses activités dans les années 1950, les hangars furent reconvertis pour accueillir les bus, puis abandonnés. En 1969, il fut prévu par la municipalité de détruire ces hangars trop vétustes, mais ils furent rachetés en 1972 et transformés afin d’y faire de la vente au détail. L’architecte Wally Wright fut chargé de la transformation du lieu en un Festival Market Place.2 Ceux-ci, petits centres commerciaux à l’européenne, se sont répandus aux Etats-Unis dans les années 19701980, et étaient généralement composés de petites enseignes locales.3 Ces dernières, dans le cas du Trolley Square, sont des restaurants, magasins de produits au détail et une station-service, certains d’entre eux étant toujours en activité aujourd’hui. Très vite, ce nouvel espace dynamique et divertissant devient un lieu intournable à l’échelle de tout l’Etat, car il associe cadre historique agréable, équipements modernes et propose de nombreuses activités.4
Par exemple, l’ancien château d’eau a été reconverti en
plateforme d’observation, qui permet aux visiteurs d’avoir une vue sur la totalité du site et en fait un lieu incontournable du Trolley Square.5 En ce qui concerne l’intérêt architectural du lieu, il est tout de même moindre que celui de l’exemple vu à New York. En effet, il est possible de considérer cette architecture comme un pastiche bien que ce ne soit pas tout à fait le cas. D’une part, les bâtiments ont été réhabilités tels qu’ils étaient lors de leur utilisation comme des hangars, mais ceux-ci ont été agrémentés de décorations au style Victorien.6 D’autre part, le centre commercial empreinte lui-même une typologie d’origine européenne (ou du moins une retranscription de l’imaginaire en ce qui concerne les marchés à l’européenne) qui n’appartient aucunement à la culture américaine. Néanmoins si l’on omet cet aspect, la réhabilitation des hangars de tramway autrefois industriels et abandonnés, est une réussite puisque le projet du Trolley Square a su ramener un nombre pour le moins extraordinaire de visiteurs et de consommateurs. De même, bien que des décorations non conformes à la réalité initiale du lieu furent ajoutées, les bâtiments de Trolley Square sont devenus des monuments remarquables et ont été classés au National Register of Historic Places en 1996. Ils sont très appréciés par les Américains dans leur qualité de rappel historique et de lieux d’activité et de 1 Site du Trolley Square, The History, trolleysquare.com 2 Site du Trolley Square, The History, trolleysquare.com 3 Wikipédia, Festival marketplace 4 Site du Trolley Square, The History, trolleysquare.com 5 Louis G. Redstone, opus cité, p 305. 6 Louis G. Redstone, opus cité, p 305.
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Hangars reconvertis du Trolley Square, 2012. Source: archive.sltrib.com
Château d’eau illuminé de Trolley Square, 2008. Source: ATXD sur panoramio.com
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Pour conclure ces études de cas, l’étude du Faneuil Hall Market de Boston, capitale du Massachussets, semble s’imposer. Effectivement, celui-ci est considéré depuis sa réhabilitation en 1976 comme un exemple à suivre dans ce domaine aux Etats-Unis et à l’étranger, d’une part parce que les réhabilitations (réussies d’autant plus) étaient encore rares à l’époque, et d’autre part car les festival Marketplaces étaient eux aussi peu répandus à l’époque, et se sont avérés très prisés par la suite. Ainsi, c’est une double typologie qui s’est déployée après la réalisation des années 1970 : les marchés à l’européenne, et la réhabilitation de bâtiments anciens – donc leur préservation. Faneuil
Hall Market est situé au cœur de la ville et est composé de quatre entités distinctes : Faneuil Hall, Quincy Market, North market et South Market.1 Tout d’abord, Faneuil Hall fut créé en 1742 par le marchand le plus riche de Boston, en guise de présent pour sa ville, dans le but d’accueillir marchands, pêcheurs, vendeurs de viande et de divers produits, etc. En 1761, il fut presque entièrement détruit par un incendie, puis reconstruit. Quincy Market fut construit entre 1824 et 1826, et Faneuil Hall fut reconstruit avec des matériaux plus résistants au feu à la fin du XIXème siècle.2 Ce grand marché resta longtemps très dynamique, mais dans les années 1950 celui-ci était déjà tombé en ruines, et de nombreux bâtiments étaient vides – les derniers vendeurs sont ensuite partis dans les années 1960.3 Bien que le bâtiment ait été désigné National
Historic Landmark en 1960, il fut menacé de démolition jusqu’au début des années 1970, moment auquel un groupe d’habitants de Boston s’y est opposé et a œuvré pour sa préservation.4 Comme l’explique Louis G. Redstone en 1976, de nombreuses questions en rapport avec la préservation du monument historique se posent entre les habitants : « Au fil des années les habitants de Boston se sont posé les questions qui doivent hanter chaque monument historique toujours debout : Les bâtiments de l’ancien marché peuvent-ils servir un usage de manière utile dans un centre-ville rénové ? Les anciens bâtiments de faible hauteur devraient-ils continuer à occuper six acres des terrains immobiliers prestigieux de la ville ? Si la rénovation était faisable physiquement, quels usages la rendrait économiquement viable ? Quels nouveaux modèles d’usages autonomes, au service des besoins en mutation et des conditions de la ville, peuvent être trouvés pour sauver le trésor de notre passé architectural ? ».5 Nous pouvons aisément imaginer le tumulte de ces discussions entre habitants et élus à Boston. De surcroît, ces réflexions indiquent que la pensée américaine par rapport à son patrimoine a changé : non seulement des bâtiments composant un marché, à la prestance de ce fait contestable en comparaison avec une cour de justice par exemple, 1 Louis G. Redstone, opus cité, p 302. 2 Wikipédia, Faneuil Hall 3 Site du Faneuil Hall Market Place, History, faneuilhallmarketplace.com 4 Site du Faneuil Hall Market Place, History, faneuilhallmarketplace.com 5 Louis G. Redstone, opus cité, p 302. Notre traduction.
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Faneuil Hall et le Quincy Market, entre 1824-1826. Source: Alexander Parris, digitalcommonwealth. com
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sont considérés comme dignes d’intérêt et de préservation, mais surtout, la prévalence du gain économique, point de vue fort développé aux Etats-Unis, est enfin remise en question. Ainsi, Louis G. Redstone démontre la qualité novatrice de ces réflexions des habitants de Boston et des élus débattant dès les années 1970 du bien-fondé de l’argument économique pour démolir un monument historique. Ce bâtiment, bien qu’ancien et nécessitant une réhabilitation, vaut-il la peine de l’effort économique ? Le simple fait de poser ce questionnement, et de songer à y répondre par l’affirmative, est un acte qui sera d’une extrême importance pour l’avenir de la préservation architecturale et urbaine aux Etats-Unis. Pour ce qui concerne l’aspect architectural et urbain de cette réhabilitation, il est nécessaire de noter que l’intervention sur le Faneuil Hall Market Place permet l’aménagement d’un accès piétonnier jusqu’au front de mer, et a son importance au sein de l’opération de rénovation de ce dernier.1 Après une longue période d’études réalisées par de nombreux architectes, il fut décidé que l’usage du lieu ne pouvait différer de manière trop conséquente avec l’usage originel de marché. En outre, si la ville souhaitait voir son projet de réhabilitation durer dans le temps, celui-ci devait nécessairement être conforme aux réels besoins de la ville afin d’être utile et ne pas péricliter.2 C’est l’architecte Benjamin Thompson qui fut sélectionné pour concevoir le projet de réhabilitation en marché local, moderne et ‘’à l’européenne’’ ; se conformant ainsi avec les besoins en lieux de consommation et d’activités dans le centre-ville, et avec l’usage historique du lieu.3 Le site comporte aussi des espaces de bureaux en location (design graphique, édition, professions individuelles, ...) mais à une échelle relativement petite en comparaison des espaces réservés à des usages purement commerciaux. Le
Quincy Market fut destiné au commerce de nourriture, et son deuxième étage abrite le Centre d’Expositions de Boston. Le North Market et le South Market regorgent quant à eux de restaurants, magasins, services, lieux d’activités telles des boites de nuit par exemple. Dans un article pour le Architect Magazine, il est expliqué que « le changement architectural majeur opéré par Thompson’s fut l’ajout d’appentis vitrés de chaque côté de la structure centrale, faisant écho aux formes de la charpente métallique qui pendaient à ses flancs. Le plan de réadaptation comprenait aussi un design sensible du projet des rues piétonnes ».4 En d’autres termes, la réhabilitation opérée par Thompson consiste majoritairement en la requalification et la restauration des lieux, l’architecte ayant peu modifié les bâtiments en eux-mêmes. 1 Louis G. Redstone, opus cité, p 304. 2 Louis G. Redstone, opus cité, p 303. 3 Wikipédia, Faneuil Hall 4 Site du Architect Magazine, John Morris Dixon, New Life, Old Fabric, 2009, architectmagazine.com
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Vue aĂŠrienne sur le Faneuil Hall Market, de nos jours. Source: Bruce D. Nagel, brucenagel.com
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En outre, le travail majeur effectué est à l’échelle de la globalité du site, notamment en ce qui concerne les cheminements piétons, l’amélioration du lien entre les différentes parties du site, le but dans ce projet étant de créer une fluidité d’utilisation de tout le
Faneuil Hall Market Place. Beaucoup d’activités étaient proposées à l’extérieur (cafés, restaurants, interventions artistiques…) de manière à ce que tous les espaces du site engendrent une activité, l’effervescence, la vie. Ce projet est considéré en grande partie comme un succès, d’une part car il émane d’une réflexion poussée et très en amont de la programmation implantée, et de la manière de le faire ; d’une autre part parce que la préservation et la transformation du Faneuil Hall Market Place intervient grâce aux actions de sauvegarde menées par les habitants, démontrant une volonté d’offrir un second souffle à ces monuments historiques ; et enfin car l’architecte a su repérer la nécessité de conserver le bâtiment de manière authentique en apportant en sus sa touche personnelle et de la modernité, et qu’il a compris les enjeux sociaux et urbains à l’échelle du site. Suite aux études de cas menées ci-dessus, force est de constater que les opérations de préservation et réhabilitation de ces monuments ou quartiers anciens ont su engendrer une nouvelle dynamique dans leur environnement, si ce n’est à l’échelle de la ville elle-même. En effet dans un premier temps, la préservation de bâtiments anciens découlait en général d’une forte implication de la population locale et associative, ce qui a permis dans certains quartiers de retrouver une cohésion entre les habitants. De même, la préservation du cadre bâti ancien permet de conserver la typologie historique des quartiers et de la ville, à la fois en ce qui concerne le fonctionnement urbain, des flux et du fonctionnement général métropolitain, mais aussi pour ce qui est de l’aspect historique et mémoriel de la ville ou du quartier. Préserver des bâtiments et quartiers anciens, c’est donc considérer l’histoire comme partie prenante de la structure de la ville, de son sens, de son harmonie, et de son évolution future ; et donc de lui assurer une dynamique positive. Kaisa Broner expliquait que de son point de vue, « Préserver le patrimoine culturel urbain légué par le passé revient, en effet, à le considérer à la fois par rapport à la société du passé, c’est-à-dire par rapport à ses propres conditions de production dans le temps (le patrimoine comme document), et par rapport à la société du présent (le patrimoine comme continuité et comme espace vécu). Dès lors la préservation urbaine ne peut être considérée uniquement comme un but culturel et social, mais essentiellement comme un instrument de l’élaboration et de la gestion d’un environnement bâti équilibré entre le passé, le présent et le futur, et adapté aux besoins légitimes de notre temps ».1
1 Kaisa Broner, opus cité, p21.
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Faneuil Hall Market, espaces piĂŠtonniers et boutiques, de nos jours. Source: hiexboston.com
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Effectivement, si la préservation d’une certaine partie du cadre ancien permet de conserver un équilibre au sein de la ville, il est alors probant qu’elle en favorise le dynamisme. Lors des opérations de rénovations urbaines, il est incontestable que beaucoup de projets engendrèrent des problèmes de fluidité du tissu urbain et de son utilisation, tout comme des complications d’ordre sociologique pour les habitants. Si l’on compare les deux projets réalisés à Boston à quelques années d’écart, le City Hall du Government Center (1968) et le Faneuil Hall Market, (1976) ceux-ci manifestent bien des forces et faiblesses de deux politiques urbaines et historiques antithétiques. En effet, la rénovation urbaine engendrée par le Boston City Hall a non seulement marqué les habitants qui furent déplacés et dont le quartier fut détruit, mais le résultat de cette réalisation est très contesté : désertification du centre et notamment de l’esplanade, projet à la fonctionnalité et l’esthétique controversée. En résumé, le Government
Center tout entier semble désuni du reste de la ville, bigarré par rapport aux quartiers avoisinants. Dans un tout autre ordre d’idée, le projet de préservation et réhabilitation du
Faneuil Hall Market Place de Boston, situé à quelques pas du Governement Center et du City Hall, est une réussite tant sur le plan de la préservation d’un espace culturellement et historiquement important de la ville, et architecturalement de par l’attention sensible portée au projet par l’architecte. De plus, cette opération a renforcé la place de ce marché historique comme un lieu de rencontre, d’activités, de consommation pour la ville, la raccordant de même à un front de mer convoité, et imposant le Faneuil Hall
Market comme un cœur de dynamisme essentiel à la ville de Boston.1 Finalement, la réadaptation de l’existant pour des besoins contemporains semble apporter du dynamisme, à la fois au bâtiment ou quartier existant nécessitant une intervention, mais aussi à la ville aux environs des lieux concernés. Cette réadaptation de l’existant s’impose comme une solution intermédiaire entre la nécessité de préserver un patrimoine historique, culturel, architectural et/ou urbain, et celle de modernisation de la ville, de constant progrès cher à la société américaine. La préservation du tissu urbain ancien, de quartiers historiques typiques et de monuments phares semble s’imposer depuis les années 1970 comme une nouvelle tradition de développement de la ville, plus sensible et considérant l’urbanisme et l’architecture, non plus, selon la logique moderniste, comme d’éminentes disciplines permettant d’améliorer et faire progresser la société en faisant fi du passé .2 1 Le Faneuil Hall Market Place était en 2010 le 4ème lieu d’attraction touristique aux Etats-Unis selon le classement du Forbes Travelers, avec 19 millions de visiteurs. List : America’s top tourist attractions, 2010, forbes.com 2 « L’architecture, selon eux, devait se consacrer à des tâches plus nobles et plus utiles, à des sujets plus profonds ou plus élevés et œuvrer pour le Bien et le progrès de l’humanité. » Sandrine Amy, les nouvelles façades de l’architecture, Appareil [En ligne], Numéro spécial | 2008.
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Dorénavant, cela s’envisage davantage comme faisant partie d’un champ interdisciplinaire1 respectueux et réfléchi permettant, dans le cas des opérations de modernisation de la ville, d’adapter les éléments anciens au contexte contemporain afin de tirer le meilleur de cette association.
Vue sur le City Hall de Boston, son esplanade, et Faneuil Hall en arrière-plan, 1973. Source: Peter H. Dreyer, City of Boston Archives, commons.wikimedia.org
1 Je songe notamment aux aspects sociologiques, historiques, artistiques, philosophiques, théoriques, etc.
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CONCLUSION
Au terme de cette étude, apparaît un lien évident entre les opérations urbaines
de l’urban renewal, la prise de conscience sur la nécessité de préserver le patrimoine architectural et urbain américain, et la mutation vers une politique gouvernementale tendant vers la préservation et la réadaptation de l’existant urbain.
A travers le premier chapitre de ce mémoire, nous avons pu comprendre plus en
profondeur la nature du patrimoine américain, et ainsi contextualiser le développement des opérations urbaines. Celui-ci est très diversifié, difficile à cerner, et ancré dans le quotidien des américains. Considéré comme moins sensationnel que le patrimoine européen par exemple, il n’est pas évident de le protéger, ni de le faire valoir aux yeux de tous comme digne de préservation. Ensuite, nous avons pu voir que le contexte global, notamment sur les plans historiques, sociaux, culturels et économiques sont spinescents. Sortant de la Seconde Guerre Mondiale et évoluant dans un contexte de Guerre Froide, des politiques de modernisation et de tentatives d’améliorations sociales sont mises en place dans tout le pays, alors même qu’un contexte de ségrégation raciale est toujours très actif. Les opérations de rénovations urbaines instaurées par le gouvernement fédéral s’étendant sur une trentaine d’années de la fin des années 1940 à celles des années 1970, et ayant pour motivations l’amélioration des conditions de vie, la modernisation des villes, la suppression des bidonvilles et de la pauvreté, n’ont pas tout à fait mené aux aboutissements conjecturés. En effet, les autorités n’ont pas pris en compte certaines conséquences de la destruction massive de quartiers d’habitations – certes vétustes, mais primordiaux pour leurs habitants – au profit de l’implantation de centres administratifs, lieux publics et autres quartiers d’habitations aux standards plus élevés à leur place, comme nous l’avons vu avec divers exemples tels que la construction du Boston City
Hall (Boston) et la rénovation du quartier de Manhattantown (New York). Ces exemples ont permis de comprendre que la destruction des quartiers anciens d’habitations eut de très néfastes implications, notamment pour les habitants, la ségrégation, mais aussi en ce qui concerne le fonctionnement de la ville et la valeur mémorielle et historique de certains lieux victimes des ‘’opérations bulldozer’’ gouvernementales. Néanmoins, les contestations à l’encontre des rénovations urbaines se sont faites de plus en plus entendre, notamment avec la destruction de Pennsylvania Station qui est aujourd’hui considérée comme le point de départ d’un processus de prise de conscience patrimoniale aux Etats-Unis.
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A travers le second chapitre de cette étude, nous avons pu analyser que ces
contestations et la prise de conscience patrimoniale ont bien mené à la construction d’une politique plus globale de préservation du patrimoine architectural et urbain. Ainsi, c’est à travers les mouvements individuels et associatifs contestant les opérations de rénovations urbaines et en faveur de la préservation et réutilisation adaptée de l’existant que l’on peut trouver une alternative à ce programme fédéral dévastateur. A travers notre étude, nous avons pu comprendre que la nécessité de préserver le patrimoine a pris naissance au cœur même de l’opinion publique. En outre, les actions et discours contestataires ont fini par être entendu par les autorités décisionnelles qui ont remis en question leurs théories, et se sont elles aussi peu à peu tournées vers la préservation du patrimoine. Il est évident que ce processus fut lent, et la législation –bien qu’elle reste trop incomplète – fut modifiée peu à peu, en même temps que des initiatives furent prises pour sauver des bâtiments voués à la démolition et proposer une réutilisation adaptée de celui-ci pour un usage contemporain. L’étude plus poussée de plusieurs cas (Faneuil Hall à Boston, le quartier de Society Hill à Philadelphie, …), nous a permis de déterminer que les opérations ayant favorisé le maintien de l’existant et sa réadaptation ont en général eu des conséquences positives à la fois sur la ville, les habitants des quartiers concernés, et sur la fréquentation de lieux autrefois abandonnés ou vétustes qui ont retrouvé un dynamisme certain après ces réhabilitations. Enfin, nous avons pu discerner que cette nouvelle politique d’amélioration de la ville va au-delà du maintien d’un certain équilibre originel de la ville, et de tous les aspects sociologiques, culturels, architecturaux et urbains que la préservation du tissu historique a su conserver, améliorer ou développer. Elle reflète une mutation de la société américaine et de sa vision du patrimoine architectural et urbain des centres anciens, qui considère enfin que le passé est partie prenante du futur de la ville, qu’il ne doit pas être systématiquement renié, et peut s’inscrire dans une dynamique de progrès très avantageuse. Du reste, nous avons aussi pu déterminer à travers cette étude certaines limites à la préservation patrimoniale américaine. Bien qu’elle pèse de plus en plus dans la balance, celle-ci reste souvent dépendante de la volonté de la population et/ou des autorités décisionnelles, du fait notamment d’une politique et d’une législation à son sujet encore fragile et inconsistante – la préservation n’étant pas généralement un acte imposé aux Etats-Unis. Dans le contexte contemporain,de nombreuses questions quant à l’avenir de la préservation du patrimoine architectural et urbain des centres anciens restent en suspens, notamment depuis l’élection de Donald Trump en tant que 45ème Président des Etats-Unis d’Amérique.
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En effet, plusieurs articles relatent sa volonté de lancer selon ses propos une politique d’ « urban renewal ». Cependant, la vision qu’il se fait d’opérations de rénovation urbaines n’est pas clairement définie, et les Américains ont encore du mal à discerner si Donald Trump souhaite réellement reconduire une telle politique en connaissance de cause, ou s’il utilise ce terme pour désigner une autre politique d’amélioration des villes sans connaître la connotation péjorative du terme qu’il emploie. En effet selon un article d’Emily Badger pour le New York Times, « Quand Mr. Trump a annoncé mardi son intention de nominer Ben Carson à la tête du Ministère du Logement et du Développement Urbain, il mentionna qu’au final ils avaient parlé du calendrier de rénovations urbaines. Son langage est surprenant, pas seulement car il épouse celui du New Deal de Roosevelt avec les rénovations urbaines d’après-guerre. Si Mr. Trump visait un concept globalement édifiant – le renouveau – il a finalement choisi à la place un terme aux connotations très spécifiques, très négatives pour la population qu’il dit vouloir aider ».1 D’un tout autre point de vue, Donald Trump peut sembler enclin à la mise en marche d’une politique de préservation historique ; d’une part parce qu’il s’est montré par le passé plutôt engagé en faveur de la réhabilitation de bâtiments anciens afin de les réutiliser de manière adaptée, mais aussi de par son étiquette politique de Conservateur.2 Mais en définitive, bien que la société américaine soit prête à développer plus grandement la politique de préservation patrimoniale, rien n’est moins sûr que les intérêts patrimoniaux des bâtiments et quartiers anciens des métropoles américaines prédominent aux yeux du Président sur les intérêts économiques et politiques des Etats-Unis. Le temps, le développement plus détaillé de son projet, et de nouvelles études analytiques pourront nous apporter ces réponses. A voir si la politique actuelle et prochaine reste sur la lancée positive de la préservation du patrimoine architectural et urbain. .
1 Emily Badger, Why Trump’s Use of the Words ‘Urban Renewal’ is Scary for Cities, 7 décembre 2016, The New York Times, nytimes.com. Notre traduction. 2 Greg Werkheiser, In a Historic Election, Where Do the Candidates Stand on Protecting America’s Heritage ?, mars 2016, The Huffington Post, huffingtonpost.com
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ANNEXES
ANNEXE 1 - vidéo
CD
ANNEXE 2 - citation complète de Jane Jacobs
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ANNEXE 3 - autres cas de rénovations urbaines
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ANNEXE 4 - autres cas de préservation et usage de l’existant
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ANNEXE 2 - citation complète de Jane Jacobs « Mais voyons un peu ce que nous avons construit avec les premiers milliards de dollars en question: des programmes de logements sociaux transformés en foyers de délinquance et de vandalisme, générateurs sur le plan social d’une désespérance sans issue, situation pire que celle qui existait du temps des taudis que ces logements sont supposés avoir remplacé ; des programmes de logements à l’intention de la classe moyenne, véritables merveilles de tristesse et d’uniformité, privés à tout jamais de la possibilité d’évoluer vers une véritable vie urbaine ; des programmes de luxe qui atténuent, ou du moins tentent d’atténuer, leur manque de caractère en affichant une fade vulgarité ; des centres culturels où une librairie digne de ce nom ne pourrait pas couvrir ses frais ; des centres administratifs que tout le monde fuit sauf les clochards : il est vrai que ces derniers ne peuvent pas se permettre de choisir les endroits où ils traînent ; des centres commerciaux qui sont de pâles imitations des magasins de banlieue à succursales multiples ; des promenades qui mènent de nulle part à nulle part et sont dépourvues de promeneurs ; des voies rapides qui éventrent les grandes villes. On ne peut pas parler de la reconstruction des villes, mais de leur mise à sac. »
Jane Jacobs, Déclin et survie des grandes villes américaines (titre original : The Death and Life of Great American Cities en 1961
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ANNEXE 3 - autres cas de rénovations urbaines Pittsburgh - Lower Hill District
A Pittsburgh, on peut citer l’exemple de la démolition ayant pris place dans le quartier de Lower Hill District, quartier résidentiel historique où 8 000 personnes furent déplacées, 1300 bâtiments démolis pour créer le Civic Arena et des voies rapides.1 Source: Pittsburgh Renaissance: The Specter of Urban Renewal matthewnewton.us
1 theglassblock.com, The Decimation of a Neighborhood
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Boston - West End
Avec les opérations de rénovations urbaines à Boston dans les années 1960, c’est environ 1/3 du centre ville historique qui fut détruit bien qu’elle soit l’une des plus anciennes villes des USA. Ci-dessus les rénovations du quartier de West End, démoli dans le but de construire une voie rapide, des logements plus standards et bien sur le Government Center.1 Source: Ablarc, Medieval Boston, cyburbia.org.
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1 wikipédia.org, urban renewal
New York - Brooklyn - Cadman Plazza
Destruction du quartier ancien de Brooklyn, au profit de la construction d’un nouveau civic center (dont la Cour de Justice) et un parc (Cadman Plazza). Plus de 300 bâtiments furent démolis en 1955 pour réaliser ce projet1 Source: Suzanne Speller, brownstoner.org. Photo: Brooklyn Public Library
1 brownstroner.org, Past and Present: Cadman Plazza
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Norfolk - Downtown
En 1957, la municipalité décida de détruire tout le centre ville ancien afin de construire un nouveau civic center (nouvel hôtel de ville, cours de justice, prison) assorti d’un élargissement des voies et de la création de voies rapides dans la ville.1 Source: Norfolk Pictures, urbanplanet. org photographies issues du Norfolk Public Library Website
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1 alexmarhall.org, Urban Renewal in Norfalk
San Francisco - Fillmore District
Ce quartier de San Francisco fut déclaré délabré dès 1948. Il fut décidé à travers la politique d’urban renewal de démolir près de 900 maisons Victoriennes, impliquant le départ de 2500 ménages afin de réaliser un projet comprenant des logements dans des immeubles de grande hauteur, des restaurants.1 Source: cdn.funcheap.com,
1 independent.blog.org, How “Urban Renewal” Destroyed San Francisco’s Fillmore District
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Atlanta - Buttermilk Bottom
A Atlanta de nombreux quartiers considérés comme des bidonvilles furent rasés dans les années 1960, dans le but de créer des infrastructures publiques et une zone dans laquelle de meilleurs logmements seraient construits, projet réalisé environ 20 ans plus tard dans les années 1980. On peut citer l’exemple du quartier délabré nommé Buttermilk Bottom sur la photo ci-dessus, rasé à cette occasion afin de pouvoir y construire le centre de Convention d’Atlanta.1 Source: pinterest.com, my-atlanta
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1 Wikipédia.org, History of Atlanta Wikipédia.org, Buttermilk Bottom
Chicago
Les quartiers anciens de Chicago ne correspondant plus aux nouveaux standards modernes se sont eux aussi vus rasés en totalité, notamment dans les années 1950 lorsque l’agrandissement de l’Illinois Institute of Technologies fut nécessaire en 1951. Sur la photo ci-dessus, on voit la contestation des anciens habitants à l’encontre de cette politique de table-rase. Ces quartiers bordant l’emplacement de l’IIT ont majoritarement été remplacés par des programmes de logement aux standards plus élevés, dans des immeubles de grande hauteur1 Source: encyclopedia.chicagohistory.org, Vacant property razed to make way for the University of Illinois at Chicago, 1962.
1 bmrcprocessingproject.uchicago.edu, Ghosts of Urban Renewal: The Chicago Department of Urban Renewal Records at Chicago Public Library Special Collections
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ANNEXE 4 - autres cas de préservation et usage de l’existant San Antonio - River Corridor
San Antonio est considérée comme l’une des premières villes aux Etats-Unis a avoir mis en place une politique de préservation de son patrimoine architecural et urbain, notamment par le biais de réutilisation adaptée, de réhabilitations et rénovations. Le projet de restauration du quartier historique de La Villita, et globalement tout le traitement des abords de la rivière, sont des exemples de réussite (apportant dynamisme et tourisme).1 Source: photographie sur panoramio.com, San Antonio Arneson River Theatre
1 Louis G. Redstone, opus cité, p300
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Columbus - German Village
A Columbus, des opérations de restauration du quartier historique de German Village, et plus localement de l’Engine House, sont considérées comme des projets réussis. La municipalité a su la préserver alors même qu’elle est située dans un quartier à très haute valeur foncière, et donc intéressante pour des projets de redéveloppement de la ville 1 Source: photographie sur pinterest.com
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1 Louis G. Redstone, opus cité, p308
Little Rock - Gare
A Little Rock, la gare était très détériorée, et cela impactait le quartier historique autour malgré la présence de commerces, restaurants, etc. La restauration du bâtiment a permis de redynamiser à la fois la gare et le quartier, en lui offrant un nouvel usage (hôtel restaurant) adapté aux besoins contemporains.1 Source: photographie sur pinterest.com
1 Louis G. Redstone, opus cité, p306
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Northville - Drawbridge Church
A Northville, l’ancienne église a été transformée en restaurant afin de préserver ce patrimoine. Le cas de Northville est intéressant car il a été réalisé au même moment que la construction d’un grand centre commercial ayant pour but de redynamiser le centre ville. Ici, la rénovation n’a pas pris le dessus sur l’importance de la préservation des monuments historiques.1 Source: photographie sur ebay.com
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1 Louis G. Redstone, opus cité, p309
Chicago - Flair House
A Chicago, la Flair House était une maison délabrée. Sa reconversion pour un usage commercial fut un succès d’autant plus que l’image véhiculée par le bâtiment ainsi restauré joue en faveur des activités commerciales y prenant place. En outre, l’environnement proche de la maison est maintenant lui-même stimulé, dynamisé et est considéré comme plus attirant.1 Source: photographie sur chicago.curbed.com
1 Louis G. Redstone, opus cité, p310
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Ce mémoire a pour objectif de comprendre la portée des opérations urbaines fédérales de démolition, Urban Renewal, dans la seconde moitié du XXème siècle aux Etats-Unis. Le but de la recherche était ici de déterminer dans quelles mesures celles-ci ont influé sur la prise de conscience d’une nécessité de préserver le patrimoine architectural et urbain américain, et sur la mutation progressive vers une tendance de préservation et de réadaptation de l’existant urbain.
urban renewal - rénovations urbaines - patrimoine
architectural - patrimoine urbain - préservation adaptive reuse - Etats-Unis d’Amérique - XXème siècle
MEMOIRE DE MASTER 2 DE 3 Patrimoines _ protections, usage et développement durable
MATHILDE BEUVANT
SOUS LA DIRECTION DE FABIEN BELLAT