Barentin la Chalande - La zone commerciale et morte, vive la zone commerciale!

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MATTHIAS LEFEBVRE

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TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D’ÉTUDE - PROMOTION 2011 / 2015 ENCADRÉ PAR MICHEL AUDOUY ET HÉLOÏSE LAURAIRE


2015 MATTHIAS LEFEBVRE


La contemplation du beau commande la pratique du bien. AndrĂŠ Marie



Sommaire

SOMMAIRE AVANT-PROPOS INTRODUCTION

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UTOPIE CONSUMÉRISTE

7

La pratique commerciale initiatrice de l’urbain Vers les villes franchisées Épuisement d’un modèle

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DE LA BRETELLE À LA CAISSE

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PALETTES

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DE LA PETITE VALLÉE À LA BOUCLE

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LA ZONE COMMERCIALE EST MORTE

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CONCLUSION RÉFÉRENCES

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Une histoire de longue date La grande porte et entrées des artistes Des boites bien rangées De l’image de marque à l’image bon marché Un écrin pas toujours soigné A l’approche des caisses Une relative liberté Des disparités spatiotemporelles La sortie de l’entrée de ville

Barentin, la travailleuse et l’artiste De la petite vallée au plateau Un socle tendre Un territoire habité Avant-poste

Un jeu massivement multijoueur La revanche des périphéries Développer ses atouts térritoriaux La zone commerciale est morte, vive la zone commerciale

23 30 35 39 45 47 50 53 55

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Avant-propos

AVANT-PROPOS Je me rappelle ces longs samedis où nous partions, toute la famille, faire une virée sur la zone commerciale de Barentin. Bien installés dans la Renault 21, le trajet semblait si long tellement nous étions impatients d’arriver et de pouvoir courir sur les parkings d’enrobé noir plantés de quelques arbres mourants. Nous habitions une ville en périphérie directe avec Rouen. Mes parents n’aimaient pas nous conduire dans le centre-ville car toujours envahi de badauds et peu commode pour se garer. Ainsi nous allions nous distraire sur la zone commerciale du Mesnil-Roux à Barentin. Bien installé dans la Renault 21, le trajet semblait si long tellement nous étions impatients d’arriver mais avant nous devions sortir de la ville aux cent clochers, Rouen. Rejoindre la voie rapide, puis l’autoroute de l’axe Paris-Le Havre conduisant directement à la mer, traverser les immenses champs de colza balayés par les vents avant que la bretelle ne meure au pied du parking de la galerie marchande de Carrefour et que nous puissions, trônant fièrement sur le monticule planté d’un rond-point, voir la (fausse) statue de la Liberté. Il n’était pas question de faire les courses, notre ville possédait déjà sa petite zone commerciale avec son hypermarché, son discounter, son garage, sa solderie. Barentin était synonyme d’achat pour le plaisir. Tournée à droite, puis à gauche, les enseignes se succèdent. On se gare puis on rentre dans les hangars franchisés. On achète, et on achète encore. Parfois nos parents nous reprochaient d’en vouloir toujours un peu trop. Pour nous, ça nous semblait essentiel d’avoir toujours un peu trop. Une fois payé, chacun ressortait au compte-goutte, ses marchandises à la main, afin de les déposer dans le coffre de la voiture. Nous rentrions dans l’automobile afin de décider quelles autres enseignes pourrions-nous visiter. Bien installés dans la Renault 21, le trajet semblait si long tellement nous étions impatients d’arriver au prochain magasin où nous pourrions déambuler dans ses rayonnages afin de remplir notre caddy de ce dont nous avions envie. Je me souviens ces longs samedis.

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Avant-propos

Cette affection pour les zones commerciales m’a toujours suivi. Fasciné par une forme de gigantisme et d’accomplissement par l’acte de la consommation, les souvenirs lointains de mes samedis en famille ont forgé une part de ma personnalité. Mon regard s’est progressivement façonné lorsque je suis entré en études supérieures. Et aujourd’hui, lorsque je retourne sur la zone commerciale de Barentin un sentiment entre nostalgie et déception me submerge. La structure urbaine de cette entrée de ville gravitant autour de Rouen, devenu l’espace public des lotissements pavillonnaires, me parait pauvre et peu agréable. L’omniprésence de la voiture, l’absence de structures paysagères, la médiocrité de l’architecture, ainsi que ses multiples zones délaissées semblent en contradiction totale avec les enjeux contemporains de développement durable et de mieux vivre ensemble. Le paradoxe est partout dans ces espaces. A la fois désirables et détestables, merveilleux et laids, pratiques et contestables, ils sont depuis longtemps critiqués, de plus en plus dépréciés par une part importante de consommateurs, et font même l’objet de nombreuses réflexions, de la part des groupes propriétaires des enseignes de distribution, questionnant l’avenir de ces zones de consommation en perte de chiffre d’affaire. Ainsi, je me suis plongé dans ce travail personnel de fin d’étude, en tant que jeune paysagiste, afin de comprendre leur histoire, comprendre son histoire, étudier son présent et imaginer notre avenir.

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Introduction

INTRODUCTION Le commerce façonne les structures urbaines, mais le commerce n’est plus intégré au tissu de la ville. L’instauration et la démocratisation du commerce sont des marqueurs importants de nos civilisations. C’est parce qu’il y a rencontre entre « vendeurs » de biens et « acheteurs » de biens en un espace que les structures urbaines ont vu le jour. Ces interactions commerciales ont incité à aménager les villes puis leurs périphéries afin de faciliter les transactions, le stockage, la transformation, les publicités par le biais de la concentration des circulations, des équipements, et des services. Depuis quelques décennies, les formes contemporaines du tissu commercial (zones commerciales, centres commerciaux, Retail Park…) font l’objet, au même titre que d’autres structures urbaines, de vives critiques. Ces propos, appuyés par une croissance en berne, des changements dans les modes de consommation, une législation rehaussée, ainsi qu’une image de « déjà vu » dans les bouleversements qui ont forgé le XXe siècle, présagent les ruines d’un passé glorieux. À travers ce travail personnel de fin d’études de paysagiste, nous allons essayer de comprendre où la pratique commerciale a pu influencer la construction des villes et des territoires, pourquoi les formes commerciales sont en passe de péricliter et comment nous pouvons nous en saisir afin de suggérer leur avenir. Pour cela, nous nous pencherons sur la commune de Barentin, maillon fort de l’agglomération rouennaise, qui accueille la première et la plus importante zone commerciale de la Haute-Normandie. Nous constaterons qu’elle regroupe l’ensemble des caractéristiques qui forgent l’imaginaire de ces espaces, mais, qu’influencée par son territoire natal, elle a su se différencier. Enfin, nous aborderons par le spectre d’actions son évolution prospective afin qu’elle puisse affirmer son indenté et sa singularité dans le but de retrouver son rôle fédérateur à l’échelle d’un territoire métropolitain. Cet ouvrage est l’aperçu d’une méthodologie possible cherchant à extraire la substance d’un lieu. La multitude des prismes abordés, historiques, cartographiques, plastiques, d’enquête de terrain, comparatives, digressives, amèneront à donner corps à un futur projet.

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UTOPIE CONSUMÉRISTE



Chapitre I - Utopie Consumériste

LA PRATIQUE COMMERCIALE INITIATRICE DE L’URBAIN Le lien historique qu’entretiennent les villes françaises et le commerce n’a cessé d’évoluer au fur et à mesure de notre histoire. La pratique du commerce a propulsé la mise en forme de nombreuses structures urbaines. Le commerce dans un lieu précis induit le rassemblement de marchandises à vendre ainsi que des clients pour les acheter. Le développement commercial peut se permettre d’exister lorsqu’une chalandise suffisante se crée ainsi que lorsque le territoire produit sur place des biens monnayables ou permet l’importation facile et à moindre frais. Mode d’organisation humain le plus performant en terme d’interactions sociales et de gain de temps, les villes se sont donc imposées comme la structure répondant au mieux au développement du commerce. Elles se distinguaient par l’ampleur et la renommée régionale, parfois internationale, des foires qu’elles accueillaient. De nombreuses villes possèdent encore leur centre, regroupant les activités et une densité de bâti forte, à l’emplacement de leurs anciennes halles, de leurs places de marché. Le commerce permettait la rencontre de produits issus des terroirs au sein des marchés qui assuraient l’équilibre entre les lieux de production, la campagne, et le lieu du négoce, la ville. C’est pourquoi les villes se sont développées aux points de passage de potentiels clients, en plein cœur d’un bassin de production favorable ou sur des axes d’échanges de biens marchands ou sur le littoral. Les villes regroupant ces avantages étaient et sont parfois toujours les plus puissantes. Lorsque la chalandise quotidienne s’installe dans la pérennité, l’évolution entre la création urbaine et commerce se réalise mutuellement. Cette période correspond au début de la sédentarisation des commerçants, dans le but de capter un maximum les clientèles et les flux, en s’appropriant les rez-de-chaussée des maisons ou immeubles les mieux placés. Les commerçants sédentaires développent une offre parallèle venant compléter l’offre originelle des marchés hebdomadaires ou foires restant plus épisodiques et très généralement couplés avec une fête religieuse. Les commerces permanents sont initiateurs des premières opérations urbaines quasiment exclusivement dédiées à la consommation des urbains : les passages commerciaux, les grands magasins ne troublent pas les marchés et foires qui continuent de se dérouler en ville et de faire le lien avec le milieu rural environnant. L’impulsion du développement commercial, une fois mise en place, s’auto-entretient par le developpement d’une offre de biens et de services diversifiés qui vont attirer de nouveaux clients. Ces nouveaux échanges favorisent le développement d’une offre commerciale nouvelle entretenant une attractivité du pôle commercial. Dans ces villes où le commerce est en plein essor, la structuration urbaine conserve une organisation très dense en relation avec les modes de déplacements. En effet,

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Chapitre I - Utopie Consumériste

la marche à pied étant le moyen de déplacement principal, les commerces doivent être centraux et concentrés (la grand’rue ou la place du marché) afin de permettre aux citadins un accès à l’ensemble des fonctions de la ville dans des distances raisonnables. Cette structure urbaine, de ville antique ou de ville médiévale, est durant de nombreux siècles la plus largement rependue en Europe. La mutation de la structure commerciale en ville s’est vue bouleversée durant la seconde moitié du XIXe siècle notamment par les avancées technologiques faites durant la révolution industrielle. Suivie par ses voisines européennes, la capitale française fut la première à accueillir une nouvelle forme d’urbanisme commercial. Les galeries, regroupement de boutiques de part et d’autre d’un espace couvert et piétonnier, n’ont cessé de se développer jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les prouesses techniques permettent la création de vastes espaces, galeries à arcades, placettes couvertes, baignés de lumière par les grandes verrières qui les surmontent. La bourgeoisie de plus en plus présente investie ces galeries, regroupant magasins haut de gamme, cafés, théâtres, et quelques habitations dans les étages supérieurs, afin de pouvoir exposer leurs richesses. Ce modèle de luxe et de prestige décline lorsque les grands magasins voient le jour. Apparus dès la seconde partie du XIXe siècle, les grands magasins se développent dans les très grandes villes de l’époque. La bourgeoisie, de plus en plus riche, ainsi que l’apparition des classes moyennes permettent à ce mode de distribution de se développer. Les grands magasins, qui ont créé le travail de vendeur et donc la classe sociale des « employés », profitent de nombreuses évolutions technologiques

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Le grand magasin «Aux Dames de France» à Bordeaux Inauguré en 1903


Chapitre I - Utopie Consumériste

architecturales et techniques, notamment par la démocratisation du transport de masse qu’est le train. C’est par ce mode de déplacement qu’arrivent de nombreuses marchandises de toute la France regroupées dans ces cathédrales de verre, fer, et béton de la consommation. C’est aussi durant cette période que la vente par correspondance sur catalogue est apparue. Un nouveau type de commerce est inventé. Des «réclames», les premières publicités devant capter une clientèle toujours plus nombreuse, sont publiées afin d’informer sur les prix fixes pratiqués (avant, les prix étaient fluctuants et « chacun faisait l’objet de négociations »). Les grands magasins sont également à l’origine de nouvelles professions exclusivement dédiées à l’art des vitrines. Ces vitrines thématisées, notamment à Noël, sont de véritables tableaux attirant des milliers de visiteurs. Les industries florissantes de l’époque ont poussé, par exode rural, à l’apparition massive du salariat industriel en plein cœur des villes. Parallèlement, les ménages ne produisent plus eux-mêmes les denrées nécessaires à leur consommation ; des commerces de proximités dans les quartiers des grandes villes ainsi que dans les villes moyennes puis dans les petites villes font donc leur apparition afin de fournir aux ouvriers ce dont ils ont besoin pour vivre. De grandes halles, typiques de l’époque, en acier et verre, sont construites afin d’accueillir les marchés forains hebdomadaires alimentant la population urbaine de produits frais directement importés de la campagne. En 1928, la « société du devoir mutuel » est créée par une quarantaine de chefs d’atelier de l’entreprise Canuts à Lyon. Cette première coopérative française souhaite acheter collectivement les objets de première nécessité pour les ménages. Malgré le développement de ces coopératives, leurs actions ne permettent pas de subvenir au besoin de toutes les populations urbaines. Ainsi, l’offre commerciale continue de se développer principalement sous forme de commerces indépendants de quartier. Cette offre atteint son apogée aux alentours de 1914 puis décline constamment. De nos jours, il y a deux fois moins de commerce comparativement à il y a un siècle.

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Chapitre I - Utopie Consumériste

VERS LES VILLES FRANCHISÉES Dans la seconde partie du XXème siècle, durant la période des « Trente Glorieuses », la société connaît de nombreux bouleversements. La forte croissance économique de la France associée à un exode rural important, le développement de la société de consommation et l’extension de la classe moyenne, l’élévation du niveau de vie général par l’accès aux soins et à l’éducation, la démocratisation de la mobilité individuelle associée à une énergie pétrolière abondante et peu chère, tous ces facteurs ont créé une vraie rupture dans les manières de vivre et de consommer. Ainsi, la structure commerciale s’est de nouveau adaptée aux changements de la société en proposant de nouveaux modèles et formes dédiées à la consommation. L’urbanisme change en profondeur. Les villes s’agrandissent rapidement à coup d’extension urbaine, de quartiers de barres et de tours afin de loger les salariés des zones industrielles que l’état, de la Quatrième et Cinquième République, a planifié et aménagé. L’ensemble du territoire s’équipe d’un réseau de voirie très dense incitant ainsi les déplacements en automobile produite en France. En à peine trente ans, la société a changé considérablement et l’avènement des villes « tout voiture » prédit par Le Corbusier* s’était réalisé. En 1960, les ménages jouissent d’un fort pouvoir d’achat. Leurs consommations progressent en moyenne de 4,5% par an et, entre 1950 et 1968, leur budget annuel moyen double. Face à cette envolée du pouvoir d’achat, arrivée après plusieurs années de pénurie et de privation, les commerces se mettent en phase avec les habitants en leur proposant un choix toujours plus grand de produits à des prix toujours plus abordables par les économies d’échelles réalisées pour les produire. La consommation de masse est née. Les installations commerciales toujours plus grandes ont aussi revu leur logique d’implantation en quittant les villes. En effet, les Français possédant une voiture, un pouvoir d’achat supérieur et aptes à consommer, sont beaucoup plus mobiles dans leur déplacement quotidien. Le commerce s’est donc implanté au point les plus passants du territoire en captant les nouveaux flux à proximité des voies routières majeures. Le premier hypermarché Carrefour s’installe le 15 juin 1963 à Sainte-Geneviève-des-Bois en Essonne. Inspiré fortement des concepts américains, l’hypermarché est une innovation française. À partir de ce moment, la grande distribution va connaitre une croissance exponentielle en intégrant de nouveaux concepts comme la spécialisation thématique des enseignes, chaque magasin vend un type de produit particulier. Une scission s’est opérée entre ville et commerce. Le commerce, avant générateur d’urbain, a été placé en périphérie des villes par le phénomène de la grande distribution. Dès la fin des années 60, les opérateurs de la grande distribution font évoluer le concept d’un

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*Film : Juza Camille. Attention grand travaux, un dimanche à la campagne, 2014


Chapitre I - Utopie Consumériste

«No parking, no business» - Le premier hypermarché Carrefour ouvre ses portes à Sainte-Geneviève-desBois le 15 juin 1963

simple hypermarché en périphérie des villes en se calquant sur le modèle américain des centres commerciaux. Ceux-ci s’organisent dorénavant sous la forme de centres commerciaux régionaux ou locaux composés d’un hypermarché, d’une galerie commerciale accueillant des grandes et moyennes surfaces spécialisées et des boutiques plus petites. C’est ce même concept de centre commercial qui évoluera vers les zones commerciales dans les années 70. Ces espaces en bordure d’axes routiers fortement fréquentés, où règne l’implantation visuellement anarchique de grandes enseignes, va bouleverser définitivement le paysage urbain des entrées de ville. Ce développement massif des zones commerciales s’accompagne des politiques de l’habitat par l’accession au pavillon. Il est désormais possible d’habiter hors de la ville et de pouvoir continuer de consommer à proximité dans les zones commerciales. De nouvelles franges entre urbanité et ruralité se forment par le biais des zones commerciales aux tissus distendus. Les vastes espaces consommés, le bâti pauvre architecturalement et théoriquement « recyclable », le matraquage publicitaire et les prix bas ont conduit à la désertification par l’activité commerciale de proximité des centres urbains muséifiés.

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Disgression

Inventeur du premier Shopping Mall aux États-Unis, Victor Gruen deviendra malgré lui l’architecte de la consommation de masse. Contraint de s’exiler à New York en 1938, le jeune juif viennois ne sachant pas parler anglais, Victor Gruen, débarque simplement avec « un diplôme d’architecte et huit dollars ». En seulement cinq ans, aidé de sa femme, il réussit à monter son agence d’architecture et est chargé de concevoir un petit centre commercial de quartier.

Ceux-ci prennent le contre-pied de la commande en proposant de révolutionner le shopping par le regroupement en un même lieu de plusieurs magasins et services. Afin de limiter les déplacements en voiture, entre les petits commerces suburbains, le couple Gruen propose de s’inspirer de la morphologie des places centrales traditionnelles des villes européennes. Ainsi, il dispose autour d’un cœur vert un grand nombre de magasins, une bibliothèque, une école maternelle, un théâtre ainsi qu’un zoo. Le premier Mall commercial venait de voir le jour en 1954 à Detroit dans le Michigan : North Center. Victor Gruen avait conçu ses Malls comme des espaces d’échanges, de partages, de rencontres, des lieux qu’il voulait comme « points de cristallisation de la vie municipale ». Ceux-ci devaient remplir deux conditions essentielles à leur réussite : dissocier l’Homme et sa voiture ainsi qu’abriter à la fois des lieux de consommation et des installations à caractères sociales. « Nous pouvons restaurer le sens perdu de l’engagement et de l’appartenance, prophétise-t-il. Nous pouvons contrer le phénomène de l’aliénation, de l’isolation

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Portrait de l’architecte Victor Gruen


Disgression

*Livre : Victor Gruen. Shopping Towns USA, The Planning of Shopping Centers, 1960

*Article : Gladwell Malcom. The Terrazzo Jungle, Fifty years ago, the mall was born., 2004

et de la solitude et parvenir à un sens de l’identité.» Par le biais du centre commercial qui se doit de « remplir le vide laissé par l’absence de points de cristallisation sociaux, culturels et civiques dans nos vastes étendues suburbaines »* Quelques temps après, son modèle de mall fut repris par de nombreux aménageurs. Mais le mall qui se voulait comme un point de rassemblement deviendra, par pression face à l’appât du gain, le lieu de la consommation de masse. Les shoppings malls dépouillés de leur fonction sociale, Gruen renia être l’inventeur de ce modèle et retournera dans sa ville natale, Vienne. L’importation des malls en Europe a conduit selon la citation du journal The New Yorker à américaniser l’Europe alors que Gruen souhaitait au contraire l’européaniser. « Gruen invented the shopping mall in order to make America more like Vienna. He ended up making Vienna more like America » : Gruen a inventé le shopping mall pour modeler l’Amérique à l’exemple de Vienne. Au lieu de ça, Vienne est devenue de plus en plus comme l’Amérique. »*

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Chapitre I - Utopie Consumériste

ÉPUISEMENT D’UN MODÈLE Les dernières décennies en France ont été marquées par une hausse de la consommation globale. Cependant la croissance de la consommation qui était jusqu’à lors en évolution positive depuis les années 60 n’a cessé de chuter et est devenue en 2012 une croissance négative. Ainsi, nous sommes entrés dans une période de croissance à la fois démographique et économique faible supposant un changement dans la consommation des individus. L’accumulation des biens qui prévalait durant une certaine période n’est plus envisageable et aujourd’hui une redéfinition dans les priorités des dépenses des revenus est enclenchée afin de réguler leur stagnation. Cette baisse de la consommation n’a pas enrayé la consommation de masse. Néanmoins, de nouveaux comportements dans l’acte d’achat sont nés. Ces manières de consommer récentes ont été accélérées par l’apparition des outils numériques, de la démocratisation d’internet et des réseaux sociaux. Le commerce par internet a vu son chiffre d’affaires multiplié par neuf durant les dix dernières années et représente aujourd’hui 7% du commerce global. Toutefois, celui-ci ne révolutionne pas réellement le commerce à contrario de nouvelles pratiques d’achat ont vu le jour grâce aux nouvelles technologies. La consommation collaborative, achats d’occasions, échanges de services, groupement de consommateurs ou le troc, se répand et participe à la prise de conscience du gaspillage des ressources naturelles non illimitées. Ainsi depuis 2005, la fréquentation des structures commerciales « classiques » est en constante baisse. Tous les secteurs d’activités étant touchés, cinq pour cent de baisse sont enregistrés en 2013. Cette diminution dans la consommation des ménages peut être expliquée par une forme de rejet des zones commerciales périphériques. L’acte d’achat n’est plus dans ces espaces synonymes de plaisir mais est devenu depuis une réelle corvée. La multiplication des moyens de consommations associé à une stagnation du pouvoir d’achat a poussé les Français à délaisser les courses en hypermarchés, acte redondant et chronophage, pour s’orienter vers d’autres circuits. Afin de répondre aux nouvelles aspirations des consommateurs, les politiques urbaines, auparavant orientées vers une périurbanisation de masse par l’outil de la maison pavillonnaire et de la zone commerciale, ont défini des pistes d’actions afin d’atteindre progressivement un retour à la consommation de proximité, un développement de l’outil internet et du retrait de marchandises dans des « Drives » ainsi qu’à la création de nouvelles générations de centres et de zones commerciales. Aujourd’hui les zones commerciales périphériques continuent, dans leurs formes originelles ainsi que de nouvelles générations, d’être construites en France. Plus d’un million de mètres carrés de projets sont envisagés durant les années 2014-15.*

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*Article : Cushmanwakefield. La France, 3e pays d’Europe pour les ouvertures de centre commerciaux en 2014 et 2015, 2014


Chapitre I - Utopie Consumériste

De haut en bas : Europacity - Triangle de Gonesse (95) Atoll - Angers (49) Wave - Metz (57)

Cette multiplication frénétique des zones commerciales, souvent acceptées par des décideurs politiques eux-mêmes trompés par les firmes, continue de grignoter des terres agricoles fertiles ainsi que de concurrencer les centres-villes. Le concept de zone commerciale de nouvelle génération vend un urbanisme mieux pensé, une architecture soignée sans matraquage

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Chapitre I - Utopie Consumériste

publicitaire, ainsi qu’un soin au paysage apporté par une abondance végétale. Les enseignes l’ont compris, l’enveloppe change et l’attention au consommateur augmente dans le but d’enrayer la fuite d’une partie de la population par l’intégration des notions de Fun shopping proposant d’associer loisirs et commerces. Le but de cette manœuvre est de conserver sur place le plus possible les consommateurs afin qu’ils achètent non plus des produits qu’ils ramèneront chez eux mais des moments de convivialité. Cette nouvelle génération de zones commerciales est en train de voir le jour un peu partout dans le monde. Celle-ci s’engouffre dans un isomorphisme institutionnel dont toutes les structures architecturales et urbaines souffrent. Metz avec Wave, Angers avec Atoll, la région parisienne avec le projet d’Europacity dans le Triangle de Gonesse,… sont construits sur un modèle identique. Cette homogénéisation de la structure de la zone commerciale est issue d’une somme de recettes appliquée afin de diriger les comportements et la déambulation des consommateurs. Grâce à un design soigné et capteur d’attention, l’individu se retrouve dépossédé de son libre arbitre et de sa démarche déambulatoire : Gruen effect ou Gruen transfer. Le mot, issu du nom de l’inventeur du premier centre commercial, désigne le moment de basculement entre la marche déambulatoire lente et rectiligne en un comportement de consommateur impulsif avec une marche décidée et discontinue.* Depuis bientôt une dizaine d’années, une nouvelle manière de concevoir les zones commerciales est apparue. Les Retail Park, expression anglosaxonne désignant un centre commercial à ciel ouvert avec un parking mutualisé pour toutes les enseignes, ont vu le jour un peu partout en France. Ils ont été proposés comme une alternative plus vertueuse, selon les promoteurs, aux zones commerciales des entrées de villes. Ces Retail Park sont censés être développés comme une petite ville commerciale à l’architecture soignée, aux espaces verts entretenus et aux matériaux de circulation qualitatifs s’intégrant au paysage alentour. Bien que ceux-ci s’implantent fort souvent sur des terres agricoles exploitées, il semblerait que la mutualisation des surfaces de parkings ainsi que la réduction considérable de la surface de vente de chaque enseigne produisent des formes moins consommatrices d’espaces et plus qualitatives que les zones commerciales « classiques ». Ces nouveaux espaces de vente attirent aujourd’hui de nombreuses enseignes réfractaires à toute implantation en périphérie de ville comme Habitat, la Fnac, (…) ainsi que des banques et des chaînes de restaurants à thème. Cependant, ces Retail Park restent des zones commerciales miniatures qui produisent des formes urbaines commerciales consommatrices d’espaces et peu propices à la création d’une urbanité durable.

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*Article : Berdet Marc. Mall / Centre commerciale, 2013




DE LA BRETELLE À LA CAISSE



Chapitre II - De la bretelle à la caisse

UNE HISTOIRE DE LONGUE DATE

Axonométrie du futur centre commercial et d’affaires du Mesnil-Roux

Le centre commercial du Mesnil-Roux possède une histoire très ancienne. Son implantation actuelle semble révéler les pratiques antiques ayant court autrefois. L’ancien hameau, aujourd’hui recouvert par la zone commerciale de Barentin, est issu étymologiquement du mot Mansio qui désigne une station routière gallo-romaine érigée à la fin de l’Empire à proximité de la voie antique reliant Rouen à Barentin puis, se divisant en trois, desservant le plateau du pays de Caux. Durant cette période, la vallée n’était pas habitée, mais dès le Ier siècle, le gîte d’étape sur le plateau du Mesnil avait un certain rayonnement d’un point de vue économique. Vers le Xème siècle le bourg de Barentin capte vers lui auberges, relais et commerces ambulants, entrainant inévitablement le déclin de l’ancien hameau du Mesnil-Roux. La route gallo-romaine subi durant les âges de nombreuses modifications minimes et change au cours de l’ancien Régime de nom afin de s’appeler Le Chemin du Roi. Aujourd’hui route départementale 6015 et avenue Aristide Briand, l’ancien Chemin du Roi, a fait l’objet d’une modification total de son nivellement afin d’accueillir la zone commerciale de Barentin. La voie romaine n’existe plus, mais une voie de la zone reprend le tracé de l’ancienne voie comme un rappel de l’histoire de ce site. À travers les âges et les civilisations, le site du Mesnil-Roux a su conserver son attractivité stratégique territoriale. C’est au court des années 1970, que le Mesnil-Roux va retrouver son activité antique : le commerce. Et c’est précisément lors de l’année 1973 en accord avec la ville de Barentin que la S.A.C.M.E.R. regroupant SEGECE, Comptoirs Modernes et Meubluni avec l’appui technique de H.Tastemain et B. Das architectes D.P.L.G., que le gigantesque centre commercial et d’affaires entre en service. Alors que l’hypermarché ouvrait ses portes en août, soixante commerces indépendants et le restaurant accueillaient leurs premiers clients en décembre. Le site de la commune de Barentin, dans le cadre du schéma de développement de la Basse-Seine, a été choisi afin d’accueillir

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

l’un des quatre pôles d’attraction de l’agglomération rouennaise. À l’origine du programme de développement de ce pôle, une ville nouvelle devait être érigée en une dizaine d’années avec pour cœur le centre commercial du Mesnil-Roux. De par sa situation, ce nouveau pôle commercial et d’affaires doit permettre à la commune de Barentin d’avoir une attraction à l’échelle régionale. Afin d’attirer des commerçants dans la galerie marchande, la S.E.G.E.C.E. précise sur l’un de ses documents : « Si l’on prend pour base un trajet en voiture de cinq à vingt minutes, la zone de chalandage regroupera, en 1973, 237.000 habitants, en 1975, 251.000 habitants, en 1980, 271.000 habitants. » La zone d’influence correspondant à un déplacement en voiture supérieur à vingt minutes s’étend jusqu’à la mer et regroupera, en 1975, 503.000 habitants ; le marché potentiel du centre devra donc atteindre alors 104 millions de francs. »* Monsieur André Marie, maire de la commune de Barentin depuis 1945, fit alors voter son conseil municipal à l’unanimité moins une voix la convention qui lie la commune avec les promoteurs du centre commercial et d’affaires. Cette convention prévoit que la ville doit investir 450 millions d’anciens francs (Ndlr : Compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, le pouvoir d’achat de 450 000 000 anciens francs en 1973 est donc équivalent à environ 4 300 000 euros en 2014.) afin de réaliser l’infrastructure et la voirie (avec un pont sur l’avenue de la Porte-Océane) et 50 millions (Ndlr : soit selon la même comparaison environ 480 000 euros) de plus pour la construction de la piscine. L’ouverture de la première tranche devait assurer

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Plan de phasage du future centre commercial et d’affaires du MesnilRoux. Le magasin Mammouth (1) (finalement, Carrefour s’y installera), la piscine (2), la galerie climatisée (3) pour une cinquantaine de commerçants (avec restaurant donnant sur la piscine), Meubluni (4), avançant sur l’immense parking *Article : Paris-Normandie. Barentin ; Le centre d’affaires du Mesnil-Roux. 1973


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

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La maquette montre la physionomie générale du futur Centre d’Affaires du Mesnil-Roux qui est prévue en deux tranches de construction La première s’installera du côté nord, la seconde tranche sera réalisée une fois la première terminée

Pages suivantes : Cartes de l’évolution de la zone commerciale de Barentin depuis 1970 jusqu’à nos jours

dès l’ouverture la création de 450 à 500 emplois dans le domaine tertiaire. Le centre commercial et d’affaires du Mesnil-Roux espérait devenir une cité du futur avec l’installation de plusieurs cinémas, de restaurants, d’un bureau P.T.T., un quartier d’affaires, un stade municipal, une piscine, un Collège d’Enseignement Supérieur 1200 correspondant aux 217 logements du Hamelet (hameau) à seulement 400 mètres de distance, la bretelle de raccordement de l’autoroute A15 ainsi qu’un réseau de voies. Les journaux de l’époque précise que cette vision est « futuriste, certes, mais précise et très proche du Barentin de l’Avenir. » L’histoire de la zone commerciale de Barentin est le fruit de rebondissements et d’évolutions chaotiques. Alors que le maire de Rouen, Jean Lecanuet, ne souhaitait pas voir l’installation de ce centre dans sa « Bonne ville », le site est construit sur la commune de Barentin sur la zone du Mesnil-Roux. Son succès, dû en grande partie grâce à l’autoroute gratuite A151 reliant Rouen, est aussi inattendu que foudroyant. L’extension de l’enseigne Carrefour et de sa galerie marchande suscite de nombreuses convoitises de la part des grandes enseignes mais aussi des institutions publiques régionales. Ainsi, le développement de la seconde partie du pôle commercial et d’affaires ne va pas se dérouler selon les plans initiaux. En quelques années, les enseignes arrivent de manière anarchique : magasins, services automobiles et services d’hôtellerie, saturent complètement le Mesnil-Roux et envahissent le centre-ville de Barentin. Cette extension va se poursuivre par vagues successives par l’ouverture de la ZAC de la Carbonnière entre la route nationale et l’autoroute accueillant des modules intermédiaires de surfaces commerciales (de 400 à 2000m²) et cela jusqu’à devenir la plus grande zone commerciale de Haute-Normandie. Il faut attendre 2004, soit trente ans après son ouverture, pour qu’un nouvel élan significatif de construction souffle sur la zone commerciale de Barentin.

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Chapitre II - De la bretelle Ă la caisse

1970

1973

1989

1994

2000

2008

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Chapitre II - De la bretelle Ă la caisse

2010

2012

N

200 M

1 KM

2015 / 27 /


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Plus de 40 hectares déjà viabilisés, appartenant à la commune, vont venir s’ajouter au déjà conséquent lotissement commercial initial. Des rumeurs circulent sur l’installation du géant suédois, Ikea, cependant la municipalité dément toute relation. Fin 2014 - début 2015, la zone commerciale de la Carbonnière se développe toujours et a vu s’ériger un ensemble commercial, de forme Retail Park, à la frontière de la commune de Barentin dans la ville de Pissy-Pôville. Cette nouvelle extension de la zone commerciale est allée à l’encontre des schémas directeurs du commerce qui prônaient un arrêt de l’étalement du parc commercial sur la commune de Barentin. Toutefois, la communauté de commune, dont Barentin fait partie et qui n’est pas rattachée à l’agglomération de Rouen pour des raisons de personnalités

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Vue aérienne du centre commercial et d’affaires du MesnilRoux en 1977, la piscine en construction Vue aérienne du centre commercial du Mesnil-Roux et de la ZAC de la Carbonnière en 1989


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Photos souvenirs, de Madame Cannevière (habitante de la zone commerciale) prises en 1975, 1977 et 1982, associées à leur hors champs actuelle de 2015

politiques, a déjoué la règle en ne souhaitant pas signé l’accord de la charte et en proposant l’extension non plus à l’intérieur de sa limite administrative mais sur les communes voisine de Roumare et Pissy-Pôville. Ainsi, aujourd’hui la zone commercial de Barentin se reconstruit sur elle-même et profite de sa position à la limite communale pour s’étendre dans d’autres circonscriptions.

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

LA GRANDE PORTE ET ENTRÉES DES ARTISTES Depuis l’avènement de l’automobile, le territoire n’est plus vécu en fonction de la mobilité piétonne. L’augmentation des vitesses de déplacements des individus influence l’espace et leur perception. De nos jours, les distances ne sont plus exprimées en nombres de kilomètres mais en temps de trajet selon les moyens de transport utilisés. Ainsi, la distance n’est plus un facteur limitant dans les déplacements qu’ils soient quotidiens, pour aller travailler, ou plus ponctuels, pour les loisirs. L’infrastructure routière est maintenant un élément clef du territoire, malgré les nombreux jugements, qu’il est essentiel de prendre en compte dans le projet de paysage. La zone commerciale de Barentin s’est installée à environ une quinzaine de kilomètres de Rouen. Elle a sûrement, au-delà des considérations politiques, vu son intérêt à s’implanter dans un espace rural sans dénivelé synonyme d’investissement minimal avec des règles d’urbanisme moindre que dans les espaces de centre-ville ou périurbain. Aujourd’hui, il semble plus aisé en terme de temps de réaliser plus de quinze kilomètres en voiture jusqu’à celle-ci plutôt que de réaliser trois kilomètres pour aller se garer dans le centre-ville. La voiture étant le mode le plus utilisé afin d’y accéder, via l’autoroute ou les voies départementales, l’ensemble du site de la zone commerciale y est dédié. Initialement, l’autoroute gratuite venait se terminer au pied de la zone commerciale. Premier tronçon entre Rouen et Le Havre, l’A150 est restée inachevée durant plus de trente ans. Depuis cette année, en février 2015, la portion non achevée entre Barentin et Yvetot, ouvre ses péages au public. Un super échangeur a été créé à proximité de l’ancienne sortie afin de raccorder, via une bretelle desservant la zone commerciale, la commune de Barentin.

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Photo aérienne de l’échangeur construit en 2015


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

De gauche à droite : Entrée départementale Entrée Barentin centre Entrée Chemin de l’Enfer

Cette nouvelle disposition de la voirie a eu pour effet de réduire la visibilité depuis l’autoroute de la zone commerciale. Même si l’accès se fait principalement par l’autoroute, la zone commerciale de Barentin possède trois autres « entrées/sorties » depuis l’extérieur moins connues. La première, la départementale 6015, correspond au tracé de l’ancienne voie romaine reliant Rouen au Pays de Caux. La seconde, l’Avenue Aristide Briand vient du centre-ville de Barentin. La troisième, le Chemin de l’Enfer, descend de manière abrupte vers un bras de la valleuse.

Axonométrie des accès à la zone commerciale de Barentin AVENUE ARISTIDE BRIAND

CHEMIN DE L’ENFER

ROUTE DE MALZAIZE

D6

A1

5O

N

015

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Axonométrie des voiries de la zone commerciale

N

L’ensemble des voiries, installées sur la zone commerciale de Barentin, a été mis au gabarit des camions approvisionnant les magasins. Ces véhicules ne sont cependant pas les plus importants en termes de quantité. En effet, cette zone accueille voitures, motos, camionnettes, piétons, parfois des vélos. Ainsi, il y a des distorsions entre la largeur utile pour les voitures (environ 3 mètres 50) et celle des camions (environ 4 mètres 50). C’est cette

différence entre besoin utile du piéton et réalisation à l’échelle du camion qui peut procurer un sentiment de « pas à sa place » et parfois de danger. La zone commerciale de Barentin possède quelques espaces dédiés aux piétons. Les trottoirs, souvent fins et lacunaires dans leur continuité, ne sont toutefois pas reliés entre eux par des passages piétons. Dans la partie sud de la zone, celle construite en 2010, des trottoirs et chemins exclusivement piétonniers ont été aménagés. Leur traitement paysager ainsi que le revêtement dans lesquels ils ont été construits procurent une expérience plus agréable que dans la partie la plus ancienne.

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Disgression

Spot publicitaire Citroën DS3, 2014

Depuis plus de soixante ans, la voiture a pris une place considérable dans nos habitudes de déplacements. En 2013, plus de 83% des ménages français sont motorisés dont environ 50% possédant un véhicule, 30% deux véhicules et 5% trois ou plus (chiffres INSEE). Malgré le ralentissement du rythme d’accroissement annuel du parc automobile, suite à la crise de 2008, celui-ci continue de s’agrandir. L’industrie automobile, développée par le gouvernement de Charles De Gaulle puis Georges Pompidou voyant en elle l’avenir du pays, est devenue très rapidement symbole d’une modernité et de liberté. Les commerces de la grande distribution ont largement profité du phénomène afin de s’installer en dehors des zones d’habitations. La voiture permet d’augmenter la zone de chalandise de plusieurs dizaines de kilomètres ainsi que de transporter des achats en grande quantité. La manière de se déplacer a donc conduit à développer des systèmes de rationalisation des parkings des zones commerciales et la manière de consommer a donc conduit à inventer un moyen de transport individuel des marchandises qu’est le caddie. D’une manière plus générale, le développement du transport individuel automobile a nécessité la construction de grandes infrastructures de déplacement, routes nationales, autoroutes, qui sont aujourd’hui les conditions majeures pour l’installation des activités économiques et surtout des zones commerciales. Les publicités vantant les bénéfices des marques d’automobiles sont révélatrices quant aux aspirations évolutives des acheteurs de voitures. Depuis le début des années 2010, les messages suivent quatre tendances clés : le « sécuritarisme » par la mise en avant d’une forme de fiabilité de la marque, le « consumérisme » qui suscite l’achat grâce au prix (haut de gamme ou low-cost), l’« hédonisme » prônant une nouvelle forme de plaisir et de passion de l’automobile par l’intensité du ressenti physique et psychologique, l’« innovation » par la sensibilisation des consommateurs à la cause environnementale, ainsi qu’en plus de ces critères la « personnalisation » par l’achat d’un produit personnalisable à volonté et donc « unique ». La publicité de la Citroën DS3, diffusée sur les petits écrans en 2013, joue la carte de la personnalisation en nous montrant des armées de caricatures (BCBG, Cadres supérieurs fashionnistas, …) toutes similaires. Une musique de la chanteuse Discobitch, « I’m bitch », critiquant la bourgeoisie flânant à Hawaii et le gotha français parlant anglais, ajoute un ton décalé

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Disgression

au slogan principal : « Sortez du rang / Citroên DS3 Ultra-personnalisable ». Durant ce spot publicitaire, la marque et la voiture n’apparaissent qu’au dernier moment et pour un très bref instant. Bien loin des anciennes réclames, la voiture n’est plus synonyme d’une certaine liberté de déplacement, aujourd’hui elle est devenue une sorte d’accessoire de mode sur mesure.

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

DES BOITES BIEN RANGÉES

D6

015

N

Schéma de principe de l’insertion des dessertes, par rapport à la départemental, de la zone commerciale

Les enseignes se sont implantées successivement en fonction des agrandissements de la zone commerciale de Barentin. Ces agrandissements ont été planifiés, étudiés, et signés par les autorités politiques en place. Ils sont le fruit d’un travail de collaboration entre les investisseurs privés et les décideurs publics. Le développement de l’implantation s’est déroulé en plusieurs phases, cependant la structure globale, de l’ensemble des opérations, s’est tournée vers le modèle de lotissement commercial. Cette forme urbaine, similaire à la forme des lotissements pavillonnaires, s’installe par la création d’une voie généralement à sens unique desservant de part et d’autre des hangars franchisés. Ce qui diffère, par rapport au pavillonnaire, c’est que l’extrémité de la voie n’est pas marquée par le renfermement d’une parcelle privée. Cette desserte, butant sur un champ agricole, restera sans continuité jusqu’aux prochaines extensions qui se grefferont dessus afin de proposer une voie toujours en impasse ou de proposer une spirale revenant quasiment au point de départ. Aujourd’hui, la structure de la zone commerciale de Barentin s’apparente à une somme de U ou de fer à cheval installés les uns sur les autres. Ces boucles viaires s’attachent principalement sur l’ancienne voie gallo-romaine, la route départementale 6015.

Figure emblématique, très souvent décriée, l’architecture des magasins présents sur les zones commerciales n’est pas d’une grande valeur architecturale. Ces « Boîtes à chaussures » ont été conçues de manière horizontale

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Commerces Habitats Loisirs Restauration Services Entreprises artisants Bureaux afin d’accueillir un grand volume de stockage ainsi qu’une façade assez grande pour installer un parking le moins large possible afin de limiter les déplacements des piétons jusqu’à l’entrée du magasin. En ce qui concerne les matériaux ainsi que les finitions, le détail n’a pas été poussé. En effet, le but de cette architecture est le fonctionnalisme à bas prix ainsi que le renvoi d’une image de « bon marché » pour les clients potentiels. Aujourd’hui, de manière caricaturale, deux types d’architectures se confrontent sur la zone commerciale de Barentin. D’un côté, dans les parties les moins récentes, une architecture standardisée de hangars horizontales, sur un seul niveau, construite en matériaux préfabriqués de taule et de béton. Cette forme unique et leurs matières peu nobles leur donnent l’aspect de zones industrielles peu qualitatives. Seuls les traitements de couleur des façades permettent quasiment de les différencier. De l’autre côté, dans les parties les plus récentes, mais pas toutes, une architecture singulière de bâtiments, pouvant posséder plusieurs niveaux, construite en matériaux plus « nobles ». Ces formes singulières et leurs matières extraverties leurs donnent un aspect plus prestigieux mais malheureusement ne participe pas totalement à la mise en valeur du contexte environnant. Ces séries architecturales restent pour certains de fausses architectures qui ont pour but de rappeler au consommateur les types de produits en vente à l’intérieur. Cette

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Carte de répartition des activité de la zone commerciale de Barentin


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

De haut en bas : L’architecture standardisée L’architecture singulière

vision de l’architecture, Karl Marx l’avait prédit en théorisant une pensée de la marchandise qui s’appliquerait sur le monde physique et réel. En quelque sorte, c’est une loi économique qui dessinerait l’ensemble de notre paysage. La succession de ces grands murs horizontaux que compose l’architecture de la zone commerciale de Barentin procure aux chalands un sentiment

entre dureté et équilibre. Ceux-ci obturent la perception de l’environnement à proximité. En longeant une « boîte à chaussure », le regard est fortement influencé par la surface verticale du mur et cadre le champ de vision. Entre deux hangars, le regard est contraint et propose, lorsque le recul est nécessaire, des perspectives pouvant être intéressantes. L’architecture sans détail et aux matériaux uniformes permet de mettre en valeur, malgré sa présence massive, l’ensemble du paysage qui l’entoure.

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Mise en comparaison des vues cadrées par l’architecture avec les mêmes vues sans cadre

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

DE L’IMAGE DE MARQUE À L’IMAGE BON MARCHÉ

Approche par l’autoroute, depuis la création du nouvel échangeur, la zone commerciale surgit au dernier moment

Dans les zones commerciales, l’attraction du client par la mise en place de signalétique et de publicité est primordiale. Les bâtiments, souvent des hangars supports de l’enseigne, endossent le rôle de panneaux extralarges. La publicité fait aujourd’hui partie intégrante de l’ensemble du commerce qui ne peut quasiment plus compter sur des rapports de proximité. La visibilité des zones commerciales est souvent très grande depuis l’extérieur, mais le repérage à l’intérieur de celle-ci est peu aisé. Cette visibilité depuis l’extérieur, sur le site de la zone commerciale de Barentin, est due à son implantation topographique. Les hangars franchisés, de grandes tailles et implantés perpendiculaires à l’autoroute, sont construits sur un modelé topographique. En effet, installés en haut d’une petite vallée, sur une boursouflure du plateau, les hangars sont visibles à plusieurs centaines de mètres depuis certaines entrées menant au cœur de la zone commerciale.

Pages suivantes : Échantillons des évolutions des façades selon les typologies de services proposés

À cette implantation ainsi qu’à l’ampleur des bâtiments, viennent s’ajouter d’autres paramètres augmentant la visibilité de la zone commerciale depuis l’extérieur. Les couleurs des hangars (cf. palette de matières verticales), les enseignes des magasins apposées sur les bâtiments, la signalétique routière indiquant l’entrée de la ville, ainsi que l’ensemble des panneaux publicitaires en amont et en aval surajoutent à la saturation visuelle de l’ensemble (cf. palette de réclames). La démesure de la zone commerciale de Barentin est inhérente à son rayonnement départemental. Ainsi, les supports publicitaires sont à l’échelle de cette zone de chalandise et des moyens financiers qu’elle possède dans le but de convaincre le consommateur qu’il y trouvera ce dont il a besoin pour satisfaire ses besoins ou désirs. La publicité au sein de la zone commerciale de Barentin se base sur deux images principales. Dans un premier temps, la publicité joue sur les codes institutionnels vantant les mérites des marques présentes sur site ou sur les codes concurrentiels dans la guerre des prix qui s’est déclarée depuis que l’économie est en berne.

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse COMMERCES 1989

1995

2000

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ENTREPRISES

SERVICES


Chapitre II - De la bretelle Ă la caisse

2010

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Chapitre II - De la bretelle Ă la caisse

2015

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Affichages présents sur la zone commerciale de Barentin

Différents supports se partagent la publicité globale de la zone commerciale. L’affichage en 4*3 est le plus courant. Son implantation, aux virages permettant ainsi de l’apprécier de face en voiture, a sûrement été judicieusement choisie afin d’être dans le champ visuel des conducteurs le plus longtemps possible et permettre une assimilation du message diffusé par les

enseignes. (Des études considèrent que cet affichage standard de 4*3, soit 12 m², est visible sur trente fois sa plus grande dimension. Ainsi, les automobilistes peuvent discerner une publicité à environ 120 mètres de celle-ci. Une voiture possédant une vitesse moyenne de 60km/h pourra fixer l’affichage durant 7 secondes, mais le message présent sur celle-ci sera assimilé durant une période de temps beaucoup plus restreinte). Les « chandelles » sont le second type d’affichage publicitaire permanent. Celles-ci mesurant parfois plus de vingt mètres permettent d’obtenir un impact beaucoup plus important que les panneaux publicitaires plus classiques. Ces tiges métalliques, en haut desquelles s’accroche le logo ou le nom du commerce, ont jalonné durant de nombreuses années la zone commerciale de Barentin. Aujourd’hui, bon nombre a été retiré afin de limiter la pollution visuelle ou dans le but de donner meilleure image de la marque. Pour la deuxième raison, l’exemple le plus parlant est celui de l’enseigne McDonald. Après de nombreuses années à avoir fait trôner fièrement son M d’or non loin de la statue de la Liberté du rond-point, la franchise américaine a aujourd’hui revu sa stratégie de communication en installant un petit panneau annonciateur en bois et de couleur verte.

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Disgression

Depuis de nombreuses années, la législation française cherche à réguler l’affichage publicitaire qui fut très prolifique dans les villes, le long des routes et surtout aux entrées de villes. Les lois sont d’ordre national, mais permettent le cas échéant de nombreuses adaptations, restrictives ou permissives, salon les régions ou les communes. Depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant sur l’engagement national pour l’environnement dans le cadre des lois Grenelle 2, la législation relative à l’affichage publicitaire en ville et hors des villes s’est durcie. En passe d’être appliquées, à partir du 12 juillet 2015, ces nouvelles directives prévoient la suppression de toutes les pré-enseignes et panneaux publicitaires 4*3 m qui se situent en dehors des limites des agglomérations ainsi que sur l’ensemble des territoires des communes de moins de dix milles habitants. Ainsi, à compter de cette échéance, toutes les pré-enseignes et panneaux ne respectant pas ces conditions devront avoir été déposées sauf ceux relatifs aux activités culturelles, monuments historiques ouverts à la visite, à la fabrication ou vente de produits du terroir par des entreprises locales, et à des opérations temporaires ou manifestation exceptionnelles. Cette directive n’est cependant pas exclusivement restrictive car elle prévoit d’autoriser à l’intérieur de l’emprise des aéroports, des gares ferroviaires, la publicité si elle ne va pas à l’encontre des prescriptions fixées par les décrets en Conseil d’État. La publicité peut aussi être « autorisée par le règlement local de publicité de l’autorité administrative compétente à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération, dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret ».* Cette loi considère aussi les façades des magasins comme de potentiels affichages publicitaires. Elle limite les enseignes apposées sur les façades commerciales des locaux où s’exerce l’activité à 15% de la surface de la façade du magasin ou 25% si cette façade ne dépasse pas 50m². Le calcul des surfaces est réalisé sur la seule face (tous éléments compris : fenêtres, portes, baies, …) où est apposée l’enseigne.

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*Notice technique : Martin Philippe. Annexe de l’Instruction du Gouvernement du 25 mars 2014 relative à la réglementation nationale des publicités, des enseignes et des pré-enseignes, 2014


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

UN ÉCRIN PAS TOUJOURS SOIGNÉ

De gauche à droite : Limite avant d’une enseigne «classique», trottoir, bande engazonnée et parking Limite avant d’une enseigne de bricolage, trottoir, noue plantée et parking végétalisé Limite arrière entre un magasin et un jardin privé, mouvement de terrain et grillage

L’ensemble du site de la zone commerciale de Barentin possède une stratégie des limites bien étudiée. Les limites des parcelles sont marquées de manière très franche soit par des mouvements de terrain, buttes ou fossés, soit par des mobiliers autoroutiers comme des trottoirs ou « stop » roues. Même si visuellement la route ou le parking sont perceptibles à proximité, ces limites permettent d’orienter les flux de consommateurs et d’éviter les transversalités trop aisées entre les enseignes concurrentes. Parallèle à la façade du hangar, les limites avant sont généralement pauvres et se résument souvent à une simple bordure béton / bande de gazon / bordure béton. Ces limites avant sont parfois très riches et réellement bien traitées dans les seuls cas où le magasin expose du matériel à l’extérieur (Magasin de bricolage, jardinerie). Les limites de parcelles sont très importantes dans l’ensemble de la zone commerciale. Les latérales permettent par la mise à distance des autres hangars commerciaux de proposer une meilleure lisibilité de la sectorisation des produits. En effet, initialement les hangars n’ont pas été construits de manière mitoyenne même si ceux-ci se

sont divisés au fil des années. Aujourd’hui, sur le site, il est possible d’observer, notamment dans les constructions les plus récentes, des enseignes mitoyennes édifiées d’un même tenant. Concernant les limites arrière des enseignes, celles-ci sont similaires aux limites avant. Des nuances existent lorsque les magasins possèdent des zones de stockages ou des zones de réapprovisionnements. Lorsqu’une plateforme logistique est présente, elle s’installe à l’arrière du magasin afin de limiter les zones de friction avec les usagers. Ces limites arrière sont traitées avec un mouvement de terrain ou voile bétonné, une ligne clôturée de grillage ou de taule ondulée pour le centre commercial. La gestion des limites est pauvre sur quasiment l’ensemble du site. En effet, le découpage cadastral nous renseigne sur l’appartenance de ces franges entre parking et voirie. Sur la plus grande partie du site, les

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

enseignes commerciales possèdent le terrain jusqu’à la limite de voirie qui appartient quant à elle à la commune. Dans la partie construite depuis 2010, la commune s’est réapproprié une frange importante entre la limite cadastrale de la parcelle franchisée et la limite de la voirie. Cette appropriation a permis d’installer des limites traitées différemment et dans un sens beaucoup « plus qualitatives » que sur le reste du site de la zone commerciale de Barentin. C’est aussi le seul endroit où la gestion de l’eau, de manière douce a été pensée et intégré au traitement paysager du site afin de limiter les risques naturels d’inondation (cf. chapitre 4 : un socle tendre).

Comme un besoin de retour à la matière dure et pérenne, en réaction face à l’architecture de l’éphémère, la zone commerciale de Barentin présente tout un ensemble de blocs de pierre, non régionaux, très imposants et installés soit de manière décorative, soit de manière défensive pour empêcher le stationnement des voitures ou autres caravanes (cf. palette de ruines). Ces blocs de pierre évoquent des rochers et cette esthétique de la ruine à l’échelle démesurée du site peut faire allusion à la mise en histoire de cet espace qui n’en possède qu’une très courte.

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Exemples de limites dans l’une des parties les plus récentes de la zone commerciale, végétalisation et mise à distance des parkings par rapport à la rue


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

A L’APPROCHE DES CAISSES

N

Axonométrie des espaces de stationnements et zones de stockages

L’entrée sur les parkings de la zone commerciale de Barentin se fait principalement de manière latérale. En effet, l’arrivée à proximité du seuil des boîtes franchisées passe par une première approche longeant l’enseigne, afin de trouver facilement de part et d’autre de la voirie d’accès, une place au plus près des rayonnages intérieurs. Les parkings possèdent des emprises au sol quasiment similaires à celles des bâtiments franchisés.

Diverses typologies sont présentes sur le site. Pour la plus grande surface de vente, celle du centre commercial, le parking est immense car il doit accueillir toutes les voitures de la clientèle lors des journées d’affluence. Remarquons que seuls certains samedis remplissent totalement la surface allouée au stationnement, les autres jours de la semaine le parking reste pour moitié vide. Concernant les moyennes surfaces, le parking est plus restreint mais possède quand même plusieurs rangées de stationnements. Pour les petites surfaces ne drainant pas une clientèle de masse constante, les parkings sont très limités et sont souvent d’une seule rangée. Récemment, la zone commerciale de Barentin a vu l’arrivée de parking mutualisé entre plusieurs enseignes de surfaces moyennes ou petites (Retail Park). La grande diversité dans le format des parkings n’évite cependant pas la pauvreté du traitement au sol de ceux-ci. Ils sont tous constitués principalement d’un enrobé noir où les places de stationnement sont indiquées à la peinture blanche (cf. palette de matières horizontales).

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Concomitamment à la création de ces immenses plaques d’enrobé accueillant le public, un « mobilier » spécifique s’est développé : des panneaux lettrés ou chiffrés des rangées de stationnement, pour retrouver facilement son automobile ; des abris à caddies, indispensables pour rapporter un maximum de marchandises sans effort ; des mats d’éclairage immenses afin de pallier les courtes journées d’hiver et d’accompagner la fermeture tardive des enseignes ; ainsi que quelques plantations mal en point. A l’exception des enseignes en faisant le commerce (Magasins de bricolage, jardinerie, …), la végétation est souvent exclue des parkings des zones commerciales. Il semblerait que plusieurs raisons soient évoquées afin de limiter l’installation d’une trame végétale conséquente : la perte de place de parking, le possible camouflage de l’enseigne présente sur la façade du bâtiment, ainsi que leur relative fragilité et leur demande d’entretien régulier engageant des surcoûts d’exploitation. Cependant, depuis quelques années, la législation semble remédier au désert des parkings en imposant la mise en place d’un nombre d’arbres ou de surface végétale conséquent pour un nombre de places de stationnements définies. Malgré les réticences de nombreuses enseignes, il semblerait que dans les dernières extensions de la zone commerciale de Barentin, le végétal ait trouvé la place qui lui revient (cf. palette de matières vertes). En effet, cet espace est fourni de manière généreuse en plantes ce qui permet de mettre en valeur les bâtiments par une meilleure intégration paysagère, de réduire leur gigantisme par la

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De gauche à droite : Parkings clients du centre commercial Parking client d’une enseigne spécialisée moyenne Parkings clients mutualisés des Retail Parks De gauche à droite : Parkings du centre commercial démunie de tout aménagement Parking de la jardinerie avec une végétation variée Parking d’un magasin de jeu construit en 2010 avec des noues perpendiculaire à la pente


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

De gauche à droite : Cheminement piéton, bandes peintes, du centre commerciale Cheminement piéton, béton stabilisé et poubelles, magasin construit en 2010 Cheminement piéton, pavés bétons, candélabre et banc, magasin construit en 2015

multiplication des hauteurs végétales intermédiaires, d’apporter un confort d’usage au site par un travail sur les ombres et les ambiances, de traiter de manière douce l’écoulement des eaux pluviales, etc. La pratique de la marche à pied est la dernière étape avant le franchissement de l’entrée des enseignes. Le centre commercial et notamment sa galerie marchande ainsi que les grandes enseignes possédant un parking conséquent ont mis en place des bandes perpendiculaires à la surface de vente afin de distribuer de la manière la plus rentable les mouvements piétons. Traditionnellement, ces bandes piétonnes, qui permettent au consommateur d’aller directement vers l’entrée et de réduire les distances parcourues, sont bien souvent résumées à un marquage de peinture au sol associé si besoin à des passages piétons. Toutefois, dans les dernières extensions de la zone commerciale, certaines enseignes ont privilégié des allées piétonnes bien démarquées et placées en retrait des zones de stationnement et de circulation par une mise en place d’un matériau plus qualitatif que l’enrobé

du parking ou parfois même par la mise en place de bandes végétalisées de part et d’autre du cheminement. Les nouvelles extensions font aussi une fois de plus valeur d’exception en introduisant sur les cheminements piétons une palette de mobilier multipliant les usages. Des bancs, des poubelles, des cendriers, ainsi que des accroches vélos prouvent une plus grande attention apportée aux espaces extérieurs et à l’offre de diversification des pratiques des usagers de tels sites (cf. palette de mobiliers). Concernant la sortie, elle est très contrôlée. Après avoir emprunté des passages labyrinthiques de sens interdit et de voies à sens unique, l’automobiliste est souvent obligé de repasser devant le parvis de l’enseigne afin de pouvoir sortir. Sur le parking du centre commercial, la sortie s’effectue à proximité de la pompe à essence rappelant aux conducteurs de ne pas oublier de faire le plein avant de reprendre leur longue route.

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

UNE RELATIVE LIBERTÉ L’analyse des comportements d’achats, réalisé en 2010 par l’agence d’urbanisme de Rouen, montre qu’aujourd’hui dans le territoire étendu de l’agglomération rouennaise les jeunes ménages consomment principalement dans des hypermarchés et grandes surfaces spécialisés alors que plus ils avancent dans l’âge plus ceux-ci souhaitent une consommation de proximité. De nos jours, les personnes qui n’utilisent jamais d’hypermarché sont très rares. Les achats dans les enseignes de la grande distribution restent, en moyenne, fixés sur une fréquence hebdomadaire avec une fréquentation préférentielle pour les fins de journée en fin de semaine et le week-end. Le commerce de la grande distribution, dans sa pratique, propose une réelle opposition au commerce traditionnel. L’espace de la grande distribution privilégie l’absence de relation et d’échange humain, dans un premier temps par soucis d’économie puis dans le but de laisser le libre choix et l’essayage comparatif aux clients. Ce certain anonymat est dû au grand brassage de population se rendant dans les zones commerciales ainsi qu’à la fréquence espacée entre deux actes d’achats. Même si il est très bien supporté, comme dans les grandes villes, cet anonymat n’est pas compensé par une reconnaissance dans les enseignes de moyenne ou petite surface présententes sur la zone. Ce libre choix, sans être influencé dans les rayons du magasin, procure un sentiment d’efficacité dans l’acte d’achat. Lorsqu’il y a une mise en péril de cette rapidité, par exemple lors des moments d’attentes aux caisses ou lorsque l’on cherche une place sur un parking, des tensions se ressentent très clairement d’autant plus que l’environnement n’est pas propice à l’apaisement. Mais ces tensions s’envolent très rapidement car la majorité des personnes se rendant le samedi dans les zones commerciales viennent passer un moment familial et ludique. Cette aspiration pour les week-ends « shopping » sur les zones commerciales est due à l’attractivité des prix réalisés dans les enseignes. Le foncier étant moins cher qu’en ville, les prix de roulement du magasin se répercutent moins sur le produit. L’attractivité est due à la facilité pour des familles avec un grand véhicule de venir et de se garer, contrairement au centre-ville. Elle est due à la possibilité de rester toute une journée sur la zone avec des dépenses de survie abordable. La restauration, rapide et à bas prix, très développée dans la galerie marchande mais aussi sur le reste de la zone contribue à attirer une population souhaitant manger au restaurant malgré, parfois, leurs petits moyens. La zone commerciale reste l’un des lieux catalysant un large spectre de la population française permettant ainsi un brassage entre les milieux sociaux. L’attractivité est liée aussi à l’effet microcosme publique. En effet, les zones commerciales peuvent être aujourd’hui considérées comme les espaces publics de nombreuses formations urbaines qui en ont été dépouillé

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

*Livre : Mangin David. La ville franchisée, 2004 De haut en bas : Installation d’un cirque sur les parking et les espaces abandonnés, mai 2015 Foire à tous sur le parking du centre commercial, 2012

comme les lotissements pavillonnaires et les grands ensembles. Dans l’imaginaire collectif, la zone commerciale est un espace public au même titre que les centres villes. Cette manière de vivre ces espaces comme publics peut être liée à la non visibilité des barrières ou frontières entre parcelles privées, la facilité d’accès ainsi que la gratuité de l’ensemble des parkings. Cependant, cette idée reste toute relative. En effet, dans ces « domaines franchisés » (David Mangin), les clients sont en quelque sorte tolérés dans le but de consommer car l’ensemble des espaces, à part certaines voies d’accès, font parties intégrantes du domaine privatif de l’enseigne. Ainsi, toutes les situations qui se déroulent sur ces lieux, même celles qui semblent relevées d’une appropriation spontanée (foire à tout, cirque, …), restent contrôlées et ne permettent pas une sorte de souplesse d’adaptation pour les usagers souhaitant investir ces espaces.

L’investissement de ces espaces privatifs, même si contrôlés de manière très stricte, peut parfois laisser place à des pratiques plus spontanées. Ces lieux, lorsqu’ils ne sont pas totalement investis par la voiture, peuvent être le théâtre d’appropriation minime mais cependant interdit. Les espaces de parkings, vastes esplanades, peuvent parfois le dimanche se transformer en terrain de skate bord ou de vélo cross. Les routes et cheminements entre les hangars deviennent des parcours de santé et de footing. Les endroits à

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Axonométrie de recensement des quelques activités possibles sur la zone commerciale de Barentin

N

l’abri des regards en coins aux amoureux. La zone commerciale de Barentin, de par son environnement et sa morphologie, peut-être plus propice que d’autres zones commerciales pour l’appropriation spontanée. Ainsi, elle devient un lieu de rencontres sociales et sportives faute d’équipements adaptés. Autrefois, du fait de l’installation d’un bowling, aujourd’hui fermé, et depuis peu du fait de la construction d’une patinoire les acteurs de la zone commerciale souhaitent diversifier leurs offres en proposant de nouvelles manières de consommer le lieu de la zone commerciale. Cependant cette nouvelle proposition d’une sorte de loisir reste un modèle de consommation de masse ne proposant pas la possibilité d’investir les lieux d’une manière spontanée et gratuite.

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

DES DISPARITÉS SPATIOTEMPORELLES

Comparaison des répartitions spatiales selon les type d’affectation de l’espace De gauche à droite : Le centre ville de Barentin La zone commerciale de Barentin Les lotissements pavillonnaires du plateau de Barentin

La disparité, qu’elle soit spatiale ou temporelle, est un symptôme touchant l’ensemble des zones commerciales. Celles-ci se sont construites dans une logique de zonage quasi monofonctionnel des activités qui s’exprime dans leur morphologie et leur mode de fonctionnement. La zone commerciale de Barentin, bien qu’elle ait un relatif cadre diversifié, possède aussi une grande disparité dans sa forme et dans son fonctionnement. Malgré une souplesse et un tissu dilaté dans sa morphologie, pouvant laisser penser à une pluralité dans la destination des espaces, une majorité des emprises du site est destinée aux déplacements automobiles. Cette monospécification fonctionnelle de la zone commerciale ne permet pas l’installation d’autre type de tissu que l’on peut retrouver dans le centre urbain de Barentin ou dans les formations des villes. Cette disparité se retrouve aussi dans la cohorte d’entités urbaines accompagnant les zones commerciales. Ainsi, les lotissements pavillonnaires, les grands ensembles, les zones industrielles, etc., qui ont vu le jour dans les mêmes années, possèdent eux aussi des manques relatifs aux principes de zonages des fonctions de la ville. Cette hiérarchisation déséquilibrée des modes d’usages de l’espace n’est pas propice aux développements d’autres manières d’appréhender ces types de sites et pose une somme d’interrogation dans une société prônant l’intensité et la diversité au sein des univers urbains.

25

RO

75

%

RO

UT

ES

30

%

TIS

% 45ACES

ESP TS R VE

20

%

RO

UT

25

%

TIS

% 15ACES

ESP TS R VE

%

UT

ES

ES

10

%

TIS

% 70ACES

ESP

S RT

VE

Cette disparité dans le mode d’affectation des sols est aussi visible dans les temporalités des espaces périurbains, et plus particulièrement de manière contraire ceux des lotissements et des zones commerciales. En effet, la zone commerciale de Barentin possède une temporalité pendulaire fortement liée à sa position géographique ainsi qu’au mode d’utilisation

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

de l’espace. Mais ce principe d’alternance entre forte présence de l’usager et faible présence de l’usager au quotidien est symptomatique des zones urbaines et des périphéries en générale, qui tendent à se développer. Ces migrations peuvent s’observer aussi à l’échelle de l’heure ponctuant les journées de vagues d’influences et de creux de fréquentations très localisés. Cette tendance est due à la motorisation des ménages qui se déplacent depuis leur domicile vers la zone commerciale et depuis la zone commerciale vers leur domicile. Cette manière de se déplacer dans l’espace est à l’origine de nombreux maux de notre époque comme la congestion par les voitures ainsi que la pollution. Cependant, une diminution de ces mouvements pendulaires est en marche depuis quelque temps. Les personnes utilisant leur véhicule favorisent dorénavant, non plus un déplacement dans un but unique, mais un déplacement aux multiples points d’intérêt. Cette nouvelle manière de se déplacer dans l’espace, la zone commerciale de Barentin se vide complètement à la fermeture des magasins et des entreprises et devient un espace quasi fantôme chaque fin de journée. Restent seuls quelques résidents dans un îlot d’habitations isolées. LUN-VEN

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SAMEDI

Comparaison de la fréquentation journalière selon le type d’espace De haut en bas : Le centre ville de Barentin La zone commerciale de Barentin Les lotissements pavillonnaires du plateau de Barentin DIMANCHE


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

LA SORTIE DE L’ENTRÉE DE VILLE Maquette topographique de la zone commerciale de Barentin Photographies de gauche à droite : Fort talus à l’approche de la petite vallée Talus entre deux parcelles de magasins Talus aménagé et escalier dans les construction de 2015

La topographie de la zone commerciale est très variée. Installée sur un bourrelet géologique, la zone commerciale a du, au fur et à mesure de ces extensions, retravailler la topographie du site afin que les parkings et magasins s’installent sur des espaces plans. Cette succession d’espaces aplanis, posés sur une butte, a eu pour effet de stratifier l’ensemble du site en installant un ensemble de « terrasses » reliées par des voiries en pentes régulière. Ce morcellement topographique, de par la mise en forme de modelés obturant certains espaces ainsi que la formation de belvédères sur les terrasses les plus hautes, produit une qualité structurelle de ce territoire. Cependant ce découpage topographique n’est, dans l’état, pas propice à la création de transversalité entre les différences de niveaux. Les forts dénivelés ainsi que l’absence de possibilité de les franchir limitent les déplacements pédestres à l’intérieur de la zone commerciale.

N

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Chapitre II - De la bretelle à la caisse

Les limites de la zone commerciale de Barentin, s’ajoutant aux ensembles topographiques créant des ruptures, participent au sentiment de frontalité entre l’espace commerciale et le territoire étendu de Barentin. La zone commerciale est délimitée par trois éléments forts. Au nord, l’urbanisation de la ville et un bout de parcelle agricole installé sur le coteau à faible pente. De l’Est jusqu’au Sud, des parcelles agricoles d’openfield ponctuent par des reliquats d’agriculture typique de la région. A l’Ouest, la bretelle de l’autoroute et son ourlet végétal dense. L’ensemble des limites, entre zone commerciale et agriculture, est traité de manière franche par une bande engazonnée allant de cinquante centimètres à trois mètres de large et sur laquelle a été dressée une clôture simple. Ces limites, parfois judicieuses lorsque des points de vue remarquables sont présents, donnent l’impression que la zone dialogue sans discontinuité avec l’univers agricole. Cependant, ces limites

Bloc diagramme du territoire entre la zone commerciale et le centre ville de Barentin Ci-dessous : Coupe topographique AA’ : Du plateau à la petite vallée BB’ : Ondulations du plateau

B’

A’

N

A

Limites franches Limites arborées Limites ténues

B’

A

Plateau

Centre ville

B 200 M

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1 KM

Petite vallée


Chapitre II - De la bretelle à la caisse

semblent ne pas avoir fait réellement l’objet d’une quelconque attention de la part des aménageurs. Entre la zone commerciale et la bretelle d’autoroute un ourlet végétal dense, composé d’arbres de hautes tiges, s’installe dans une épaisseur confortable masquant l’ensemble de l’infrastructure routière. Entre la ville et la zone commerciale, la limite est plus ténue car l’architecture des grands ensembles sur le coteau répond à l’emprise des bâtiments de la zone commerciale.

De gauche à droite : Limite avec l’agriculture, bande engazonnée, noue, et grillage Limite avec l’agriculture (pâturage dans le coteau) sans délimitation Limite avec la bretelle de l’autoroute, ourlet arborescent

Depuis Rouen par l’autoroute gratuite, la zone commerciale de Barentin est l’une des entrées de la commune. Installée sur le plateau anciennement agricole, cette zone s’est édifiée sur un bourrelet topographique marquant le passage entre plateau du pays de Caux et petite vallée de l’Austreberthe. Cette implantation, à l’ « entrée de la ville » et à la limite entre deux entités à la fois géologique et paysagère, n’accompagne pas les possibles liens entre la zone commerciale et le centre-ville de Barentin. Cette coupure géographique et urbanistique ne favorise pas les comportements des consommateurs. En effet, ceux-ci se contentent souvent de rester sur et sous l’emprise de la zone sans jamais « descendre » vers le centre-ville de Barentin.

A’

Zone commerciale

Plateau

B’

Zone commerciale

Plateau

Petite vallée / 57 /




Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières verticales


Palette de matières jonctions


Palette de matières horizontales


Palette de matières horizontales


Palette de matières horizontales


Palette de matières horizontales


Palette de matières horizontales


Palette de matières horizontales


Palette de matières horizontales


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de mobiliers


Palette de ruines


Palette de ruines


Palette de ruines


Palette de ruines


Palette de matières vertes


Palette de matières vertes


Palette de matières vertes


Palette de matières vertes


Palette de rĂŠclames


Palette de rĂŠclames


Palette de rĂŠclames






DE LA PETITE VALLÉE À LA BOUCLE



Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

BARENTIN, LA TRAVAILLEUSE ET L’ARTISTE

Carte postale anncienne environ 1960 : haut gauche - la place de la mairie / Haut droit - le pensionnat de l’école de marinier et forain / Bas gauche - aménagement du centre ville en fond de valleuse / bas droit Le viaduc et le pont routier traversant le centre de la commune

Située dans le Nord-Ouest de la France dans le département de la SeineMaritime à proximité de Rouen, la commune de Barentin appartient au canton de Pavilly nommé la communauté de commune « Caux-Austreberthe ». Qualifiée comme « Cité des Arts et du Travail » à une vingtaine de kilomètres de Rouen, cette petite ville possède une histoire qui a toujours été intimement liée à la Ville aux Cent Clochers. Ancienne ville ouvrière, Barentin a fondé durant de nombreux siècles son économie sur le marchandage des produits agricoles locaux ainsi que l’exportation des productions venant du Havre vers les halles de Rouen où se déroulait chaque vendredi le marché. En effet, Barentin est une étape incontournable sur l’axe privilégié entre Rouen, Yvetot et le Havre. Avant la révolution, cette petite paroisse délimitait la zone frontalière entre l’Élection et la Vicomté de Rouen et l’Élection et la Vicomté de Caudebec. Cette zone frontalière avait été définie par deux entités géographiques : d’une part la rivière de l’Austreberthe et, d’autre part, le plateau cauchois par le coteau de la petite vallée. C’est au milieu du XIXe siècle que les communes de Barentin et Pavilly deviennent des avant-postes de l’industrie rouennaise. Avec l’industrie Badin spécialisée dans la filature, le tissage et la teinture du lin, coton et chanvre ainsi qu’avec ses usines de papeterie, Barentin a vu sa population locale croître

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

D’après la carte de Cassini - Environ 1750

D’après la carte d’État Major - Environ 1850

N

D’après l’IGN - 1975

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D’après la photo aérienne - 2014 Barentin Zone commerciale Pavilly Voies «romaines» Autoroute Urbanisation


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

Page de Gauche : Diachronie du territoire de Barentin

de manière très rapide jusqu’aux crises successives imposant la fermeture et l’abandon de ces lieux de production. Cette petite commune installée au fond d’une petite vallée possédait les qualités recherchées à l’installation de ces usines. En effet, sa position géographique à mi-chemin entre Yvetot et Rouen facilitait l’arrivage de matières brutes puis leur distribution sur le territoire du Pays de Caux ; la présence d’une rivière, l’Austreberthe ou Sainte Austreberthe, permettait l’activation mécanique des machines de production ainsi que l’utilisation de l’eau pour les activités de teinture et de papèterie ; la présence du train avec son viaduc ferroviaire, véritable et remarquable ouvrage d’art en brique, construit en 1845 pour aller de Paris à la mer, permettait le déplacement des matières premières et des hommes.

De gauche à droite : Les alignements de maisons ouvrières fond face aux usines - La rivière de l’Austreberthe alimentant les ruines d’un passé industriel - La viaduc férovière symbole de la commune de Barentin

Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie périclitant et sous l’impulsion du député-maire André Marie, la commune de Barentin adopta un nouvelle politique urbanistique. Ainsi la physionomie urbaine fut transformée profondément dans un but de modernisation par la destruction, le remplacement et l’édification de nouveaux quartiers d’immeubles et de tours connectés au centre-ville historique. Cet ancien héritage ouvrier associé à des constructions de l’époque moderne a laissé à la commune un patrimoine exceptionnel installé dans le fond de la petite vallée de l’Austreberthe. Mais l’héritage architectural et morphologique de ces cités ouvrières ainsi que des usines, aujourd’hui à l’abandon, ne sont pas les seules caractéristiques remarquables sur la commune. En effet, depuis le passage du personnage politique André Marie, la commune de Barentin est devenue une Cité d’Art à part entière. L’ancien Maire de la commune voulait que ses administrés puissent jouir de l’art à chaque coin de rue. Ainsi, il rassembla et fit installer environ cent soixante statues issues d’acquisition ou de prêt de l’état afin de constituer un « Musée dans la rue » et cela bien avant les politiques d’accessibilité à la culture et à l’art pour tous. L’arrivée de l’autoroute, en 1974, marque encore plus les liens qui unissent Barentin à Rouen en attirant une population nouvelle et plus aisée souhaitant vivre dans un cadre semi-rural et travaillant sur Rouen.

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

Aujourd’hui, les origines ouvrières et rurales fonctionnent en symbiose avec des populations plus aisées synonymes d’un modèle de réussite urbanistique. Cet héritage de travail et d’art confère à la cité de Barentin une ambiance particulière entre hybridation des ruines d’un passé prospère et avant-gardes d’un futur d’innovation.

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Carte postale ancienne où la statue de liberté trône au milieu de la zone commerciale de Barentin. Cette réplique non exacte, plus filiforme et à la tête penchée, fut utilisée dans le film le Cerveau de Gérard Oury en 1969. Elle fait partie de la collection de statues installées dans la communes


Disgression

Le maire de Barentin, André Marie, a eu un parcours à la fois personnel et politique impressionnant. Originaire de la côte normande, il commence sa carrière politique à l’âge de 25 ans dans deux cantons de Rouen. Il ne cessa d’occuper de multiples postes à très hautes responsabilités au sein du gouvernement, mais le sort s’acharnant, ses missions seront souvent de courtes durées.

Portrait d’André Marie, maire de Barentin

Au cours de sa vie, André Marie fut Maire de Barentin, Conseiller général du canton de Pavilly, Député de Seine-Inférieur, Député de Seine-Maritime, Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante, Sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil, Chargé des affaires d’Alsace-Lorraine, Sous-secrétaire d’État aux affaires étrangères, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Vice-président du Conseil, Ministre de l’Éducation nationale, Chef du gouvernement en remplacement de Robert Schuman … C’est en 1945 qu’il devint maire de Barentin, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort en 1974, un an après la création de la première tranche du centre commercial du Mesnil-Roux. Amoureux de l’art et du travail, il fit installer de nombreuses statues dans sa commune (160 au total) et invita de nombreux artistes et des personnalités afin d’offrir l’art à la population ouvrière ne pouvant pas se rendre dans les musées. Cette exposition permanente et à ciel ouvert, encore visible aujourd’hui, valut là Barentin le surnom de « la Ville aux Cent Statues ». Qualifiant sa commune de ville d’art et du travail, André Marie attribuera comme maxime à Barentin : « la contemplation du beau commande la pratique du bien ». Homme conscient et éclairé, il a toujours pris parti afin de développer au mieux sa commune dans l’intérêt de ses administrés.

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Disgression

Visionnaire dans l’âme, il perçoit les grands bouleversements économiques de l’après-guerre dès les années 1960 et souhaite accompagner la réorientation de l’activité de sa commune jusque là principalement ouvrière. Initialement prévu à Rouen, le centre commercial et d’affaires du Mesnil-Roux a été capté par l’action politique d’André Marie afin de relancer économiquement Barentin suite à de nombreuses fermetures d’usines. En effet, le Maire de Rouen, Jean Lecanuet (1920-1993), ne souhaitant pas voir installer une « verrue pareille » dans sa ville historique aux Cent Clochers, refusa le projet du Mesnil-Roux. En plus du centre commercial, André Marie réussit à obtenir la construction de la portion d’autoroute entre Rouen et Barentin qui fut un élément essentiel dans le développement de la commune et de la zone commerciale.

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

DE LA PETITE VALLÉE AU PLATEAU

Carte des zones urbaines à proximités de Barentin

La commune de Barentin s’est initialement installée dans une entité géomorphologique typique de la Seine-Maritime. Une petite vallée où l’Austreberthe, affluent de la rive droite de la Seine, coule depuis la chapelle du village de Saint-Austreberthe, en passant par Pavily, Barentin, VillersÉcalles, Saint-Pierre-de-Varengeville, et Saint-Paër, jusqu’à la boucle de la Seine de Duclair à dix-huit kilomètres en aval. La commune de Barentin s’est dans un premier temps édifiée en fond de la petite vallée afin de profiter des ressources en eau ainsi que d’une relative protection vis-à-vis des vents soufflant sur le plateau du Pays de Caux.

PAVILLY FRESQUIENNES BOUVILLE BARENTIN

VILLERS-ECALLES PISSY-PÔVILLE

ROUMARE SAINT-PIERRE-DE-VARENGEVILLE

Zones urbanisées Zones «industrielles» limites communes

N

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

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200 M

1 KM


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

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200 M

1 KM


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

Le cœur de ville, après l’extension des cités ouvrières qui ont été pour certaines remplacées par des grands ensembles, possède une morphologie toute particulière. En effet, l’histoire des successions d’aménagements de la commune sont très lisibles. Le centre-ville regorge d’une diversité à la fois architecturale et urbanistique formant un tissu de ville dense et agréable à vivre. Ainsi, l’architecture vernaculaire (comme les chaumières), l’architecture industrielle (comme les lotissements de maisons de briques et usines), et l’architecture des années soixante (comme des grands ensembles), et l’architecture plus récente des lotissements pavillonnaires constituent le cœur urbain en fond de petite vallée de la ville de Barentin. Cet ensemble d’époques et d’architectures est lié par l’écrin végétal de la petite vallée, coteaux boisées, ainsi qu’une succession d’espaces végétalisés dans l’ensemble de la ville.

Au sud de ce centre urbain, l’urbanisation est continue jusqu’au cœur de Pavilly. Dans cette section, qui s’est édifiée beaucoup plus tardivement que la partie nord du centre-ville, les typologies sont aussi riches mais cependant moins imbriquées du fait que vient s’ajouter, aux grands ensembles et maisons ouvrières, un tissu industriel central repoussant de part et d’autre, en pied de coteau, les modules d’habitations. Profitant d’un dénivelé moins prononcé sur le coteau Est, des ensembles de lotissements pavillonnaires se sont construits entre petite vallée urbanisée et plateau agricole. Au nord du centre urbain de Barentin, la dichotomie, entre pied de coteau Ouest et pied de coteau Est, est très marquée. Sur la partie Ouest du fond de la

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Des maisons ouvrières faisant face à un lotissement pavillonnaires au pied de la tour d’Esneval, grand ensemble des années 60. L’ensemble est connectées par, au deuxième plan, le square Edouard Hérriot et le fond boisé du coteau de la petite valleuse


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

De gauche à droite : Place de la Mairie Cité Badin rénovée et initiale

petite vallée, des maisons ouvrières sont présentes quasiment tout le long de la grande rue Auguste Badin. Derrière celles-ci, sur l’ancienne cité Badin, des ensembles d’immeubles récemment rénovés s’installent jusqu’au pied du coteau. Les anciennes usines Badin, aujourd’hui à l’abandon, prennent le fond de la petite vallée et s’étendent jusqu’à la commune voisine de

De gauche à droite : Une des propriétés abandonnées sur le domaine de l’usine Badin L’ancienne route de Villers-Ecalles au pied du versant Est, une ambiance rurale contrastante avec le versant Ouest de Barentin Les potagers ouvriers à proximité du centre ville

Villers-Écalles et de sa célèbre usine Ferrero. L’emprise foncière de ces usines est considérable par rapport à la taille de la petite vallée et au cœur urbain de Barentin. Des bâtiments de briques et de grandes propriétés abandonnées des anciens dirigeants s’installent dans un immense parc arboré de plus d’une trentaine d’hectares créant une rupture dans l’urbanisation de la petite vallée. Sur la partie Est du fond de la petite vallée, quelques maisons sont installées à la limite des anciennes usines mais ce pied de coteau tranche radicalement avec son versant opposé. Sur la plus grande portion de cette séquence, une petite route sans trottoir longe le verrouillant parc des anciennes usines Badin. Depuis la route, une maison de facture soignée et abandonnée récemment pour la construction de l’autoroute, se dresse au pied d’un étang et d’un parc arboré aux essences exotiques majestueuses. Un peu plus loin, une bâtisse au style néo-normand semble avoir été clandestinement investie malgré les avertissements de propriété privée. Des parcelles de potagers ouvriers au niveau de l’Austreberthe, en contrebas de

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

la voirie, nous dévoilent une page de l’histoire avant de retrouver le boulodrome, installé sur l’ancienne gare de Barentin-ville desservant les usines, annonciateur du centre-ville de la commune. S’étalant du nord au sud dans la petite vallée, L’urbanisation s’est aussi développée d’Ouest en Est. Cette urbanisation transversale au tissu historique s’est étendue faiblement sur les coteaux Ouest, très abruptes, et légèrement sur les coteaux Est. Cependant, dès que le terrain du plateau reprend une topographie plus apte à la construction, des lotissements accueillant des populations travaillant à Rouen, mais souhaitant habiter dans un cadre plus rural, se sont construits successivement dès les années soixante et colonisant une grande partie des terres anciennement agricoles de la commune. Sur le plateau Ouest, une nappe de pavillons s’étend de la rupture de pente jusqu’à la limite communale de Barentin en ayant phagocyté d’anciens petits hameaux et détruit quelques unités de production agricole typique du pays de Caux, « les Clos-Masures ». Ces lotissements sont desservis par un axe principal et se déploient en forme unique de raquette avec une rue en impasse desservant les maisons individuelles. Sur son pendant Est, le coteau anciennement agricole car moins en dénivelé a été dans un premier temps urbanisé durant les années quarante par des rues connectées au tissu urbain existant de maisons individuelles. Durant les mêmes années, des grands ensembles de qualité ont été édifiés perpendiculairement à la pente jusqu’à la limite du plateau avec en fin d’urbanisation la zone commerciale de Barentin qui s’est étendue jusqu’à la limite administrative et continue de croître sur les communes adjacentes. Entre le plateau Est et la petite vallée, trois axes sont empruntables. Le plus fréquenté est l’Avenue de la Porte Océane : la voie rapide étant exclusivement réservée aux véhicules motorisés. Il est possible d’y accéder depuis la zone commerciale pour aller sur le plateau Ouest. Elle traverse en surplomb le centre-ville de Barentin sans y donner accès. Le second, la rue Pierre et Marie Curie, est multimodale et est davantage dédié au passage des camions devant se rendre dans le centre-ville. Un panneau, récemment installé, indique « itinéraire conseillé - centre-ville » par cette voie. Le dernier, l’ancienne voie romaine et voie royale, l’Avenue Aristide Briand, s’installe entre la voie rapide et la rue Pierre et Marie Curie. Elle dessert une partie de la zone commerciale et des grands ensembles. C’est le chemin le plus direct pour rejoindre le centre-ville par tous les modes de déplacement.

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Disgression

*Revue : Dron Dominique. Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure, 2012

La voiture possède une influence telle sur les zones commerciales, qu’elle en a été à la genèse de celle-ci. Mais les répercussions sur les formations urbaines post-automobiles se sont aussi vues bouleversées. Historiquement bâtie sous forme d’un tissu très dense, la ville contemporaine s’en libère, après la Seconde Guerre mondiale, avec la mise en place de nouvelles doctrines urbanistiques et architecturales. Les nouvelles politiques de développement territorial, inspirées par certains principes du mouvement moderne porté par Le Corbusier, s’attachent à mettre en place la rationalisation des espaces, le zonage des fonctions, la séparation des flux, … Le commerce, ne faisant pas partie des priorités de la Charte d’Athènes, se retrouve catapulté hors des agglomérations et se développe de manière non contrôlée car échappant aux politiques urbaines réglementées. Les politiques nationales d’accès à la propriété, le développement de la voiture et les réactions face aux grands ensembles ont amené les phénomènes de rurbanisation toujours en développement soutenu à notre époque. Ces lotissements pavillonnaires, proposant un jardin et un prix accessible, malgré un manque global de services et commerces, sont toujours la forme la plus prisée par la majorité des Français. Ainsi, les zones commerciales vont trouver, auprès de tous ces clients potentiels, des habitudes fondées sur le stockage et non plus sur la proximité des achats favorable aux concepts de la grande distribution. La zone commerciale et le lotissement contribuent fortement au mitage territorial par leur implantation en périphérie ainsi que par leurs tissus distendus s’opposant aux limites relativement franches de la ville traditionnelle. L’étalement urbain est devenu à lui seul un paradoxe de notre époque. S’il est aujourd’hui connoté de manière négative et officiellement combattu, il représente aujourd’hui une réalité territoriale regroupant des aspirations citoyennes associées à une économie de développement d’opérateurs privés et publics. Ainsi l’étalement urbain combattu continu à être largement entretenu par des projets urbanisant et artificialisant les terres agricoles et naturelles en dehors des villes – 88% des espaces artificialisés sont des espaces agricoles – 12% des espaces naturels*. Entre paradoxe du développement écologique et économique, les périphéries des villes françaises sont devenues une sorte de chimère intouchable.

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

UN SOCLE TENDRE La géologie de la Seine-Maritime est raccrochée à l’ensemble beaucoup plus vaste du Bassin Parisien avec des sols issus de sédiments calcaires. C’est sur les falaises érodées de la mer de La Manche que le socle géologique de la Haute Normandie dévoile ses dessous. Celles-ci sont issues d’un long processus de sédimentation de dépôts marins, lorsque la mer recouvrait l’ensemble de la région durant l’ère secondaire. Ces dépôts entassés sous forme de couches successives sont principalement des éléments calcaires donnant la craie. D’autres matériaux, comme les silex, les grès et les marnes viennent enrichir ce mille-feuille fragile et facilement friable. C’est il y a deux millions d’années que le socle de la Haute Normandie a commencé à se soulever atteignant à certains endroits plus de cent cinquante mètres de hauteur. Le matériau qui le constitue et cette fragilité du socle de craie ont produit des accidents de terrain comme les creusements des méandres de la Seine, peints de nombreuses fois par les artistes pour les affleurements crayeux diffusant la lumière particulière de cette région, mais aussi un ensemble de petites vallées avec des rivières affluentes à la Seine et des valleuses, sortes de vallées suspendues en haut des falaises littorales. Sur ce socle tendre, des paysages typiques de la région de la SeineMaritime ont vu le jour. Ce département est fortement marqué par une dualité d’entité paysagère, entre horizontalité et verticalité. La planéité de son socle balayé par les vents, accueillant de grandes cultures où horizon et ciel forment ses caractéristiques principales, reste le paysage le plus représenté. Celui-ci contraste fortement avec la brutalité des vallées, accueillant villes et forêts et qui se caractérisent par une absence de transition. Enfin, les paysages de la côte normande sont comme les vallées, une rupture forte entre plateau et élément liquide, abruptes et majestueux. Ce sont ces dernières, Côtes normandes et vallée de la Seine, qui restent les plus figurées et les plus communiquées à travers les âges. Le plateau du pays de Caux est assez uniforme sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, les grandes cultures se sont installées à perte de vue et révèlent par leur uniformité les subtilités du relief. Le plateau est une table légèrement ondulée et entaillée par les petites vallées connectées aux boucles de la Seine. De ces étendues se dégagent quelques points végétaux synonymes de début de vallée ou d’habitat agricole. Les petites vallées viennent rythmer le plateau sous forme d’incisions franches. Ces respirations dans le plateau homogène sont des lieux d’un micro-paysage refuge. Souvent très courtes et ayant un dénivelé important, les rivières relativement rapides et alimentées par la percolation des nappes de craies ont formé des micro-paysages souvent dissymétriques avec un versant raide et un versant plus doux. Elles possèdent des qualités

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Page de droite : Carte géologique de la Haute-Normandie Source : AREHN, 1999


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

BARENTIN

ALLUVIONS DE REMBLAIEMENT HALOCÈNES

EOCÈNE MOYEN

LOES

EOCÈNE INFERIEURE

TERRASSE ALLUVIALE

CRAIES

ARGILE À SILEX

CRÉTACÉ INFÉRIEUR

MIOCÈNE

JURASSIQUE SUPÉRIEUR

OLIGOCÈNE

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

VALLEUSES MARITIMES

BOUTONNIÈRE DU PAYS DE BRAY

PLATEAU DE CAUX

PETITES VALLÉES

BARENTIN

BOUCLES DE LA SEINE

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contraires aux vastes plateaux et contrastent par leur diversité, leur échelle plus modeste et leur relative protection face aux puissants vents marins corrosifs. Cependant, la tranquillité de ces rivières de fond de petites vallées peut rapidement se transformer. Les rivières ne présentent pas des crues importantes mais l’association de l’ampleur de leur bassin versant au matériau craie du sol réduisant les temps d’écoulement des eaux peut avoir des conséquences lors de forts événements pluvieux. L’élément redoutable de ces plissements n’est pas l’augmentation du niveau de la rivière mais les épisodes de ruissellement, marqué par la rapidité et l’ampleur du phénomène, depuis le plateau venant se déverser dans les petites vallées. Les boucles de la Seine sont une rupture entre plateau et vallée. Elles alternent entre rives convexes, légèrement bombées, étirées et humides, et rives concaves, abruptes, raides et sèches.

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Carte des grandes entités paysagères de la Seine-Maritime


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

UN TERRITOIRE HABITÉ

Schéma type de deux Clos-Masures ce faisant face Au Nord, un ClosMasure qui a su conserver l’ensemble de ses fossés Au Sud, le Clos-Masure s’est ouvert afin de construire des batiments agricoles plus actuels

En Seine-Maritime les formations urbaines liées au paysage sont diverses et variées. Ce département possède la particularité d’avoir une constellation importante de villes et villages maillant de manière uniforme l’ensemble de son territoire. Historiquement, les villes dynamiques se sont principalement implantées dans les vallées. Ce positionnement en fond de vallée permettait de se protéger face au fort vent soufflant sur le plateau ainsi que de profiter de la présence de l’eau, comme pour les villes de Rouen et Barentin, afin de développer l’industrie et le transport fluvial. Ces situations, nichées dans une vallée aux coteaux boisés, procurent aux villes une réelle discrétion depuis le plateau. Ces situations en creux permettent pour le voyageur ou visiteur d’embrasser, à la limite entre plateau et vallée, d’un seul regard les structures urbaines des fonds de vallée. Cette situation a cependant quelques inconvénients. En effet, la capacité d’accueil étant limitée dans ces espaces certaines villes ont colonisé une grande partie de la vallée et se sont ensuite développées perpendiculairement en remontant sur les coteaux et le plateau dans un assemblage de satellites déconnectés du tissu urbain historique. Sur le plateau du pays de Caux, les villes et villages se sont souvent structurés sous la forme de groupements dispersés de tailles très variables. La structure des villages est le résultat d’une juxtaposition d’une forme d’habitat typique du plateau de Caux, le Clos-Masure. Le Clos-Masure est une unité d’habitation et de production agricole encerclée par des fossés (qui sont en réalité des talus) plantés d’arbres de hautes tiges. A l’intérieur de cette ceinture végétale, protégeant l’exploitation des vents du plateau, un microcosme se développe composé d’une

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

prairie plantée d’arbres fruitiers, d’une mare (le plateau étant très filtrant), d’une maison de maître selon la fortune de son propriétaire ainsi que des bâtiments agricoles comme des granges, écuries, étables, pigeonniers, … Certains Clos-Masures se sont groupés lors de leur construction formant ainsi des entités de village à part entière. Aujourd’hui les Clos-Masures sont en perdition car souvent déplantés ou divisés dans le but de construire des habitations récentes ou des exploitations agricoles répondant aux besoins actuels. De ces groupements de Clos-Masures découlent deux types de formations urbaines sur le plateau, les villages-rues et les villages-jardinés. Les villages-rues sont implantés le long d’une route unique et souvent passante. Cette morphologie urbaine typique est due au découpage de l’ancien parcellaire agricole organisé en fines bandes perpendiculaires à la chaussée. Ces villages, très représentés sur le plateau de Caux, composent

Schéma type d’un village-rue cauchois

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une campagne habitée ou ville et agriculture entretiennent des relations très étroites. L’ensemble des villes et villages du pays de Caux possède une structure végétale très développée. Ils sont généralement bordés de talus plantés, de haies champêtres taillées, de clos de pommier … et prennent l’aspect de villes d’îlots boisés. Les villages-jardinés ont aussi une structure particulière sur le plateau. Ceux-ci se forment le long de plusieurs rues se croisant, cette intersection n’était pas forcément l’endroit de l’implantation de la place de l’église, et possèdent un tissu relativement lâche lié aux propriétés possédant un terrain jardiné autour. Ainsi ces villages forment un tissu aéré, avec une végétation très présente grâce au climat propice, contrastant avec l’archétype du village français resserré autour d’une place d’église minérale.

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Schéma type d’un village-jardiné cauchois

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Le socle particulier du département, association de matières très tendres, la craie et l’argile, avec des matières très dures, le silex et quelques gisements de grès, ont fortement influencé l’architecture de cette région. Plus récemment, la brique a fait son apparition dans la construction révélant un manque de matière première dure facilement accessible. Petit à petit ce nouveau matériau s’est imposé comme le plus rependu et aujourd’hui est utilisé dans toutes les constructions du plateau aux vallées. Ainsi, l’utilisation de la brique et l’architecture industrielle du début du XIXe siècle fortement présentes dans les petites vallées industrieuses peuvent faire penser aux régions du Nord de la France.

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

AVANT-POSTE Depuis toujours, malgré son relatif éloignement, la commune de Barentin entretient des relations territoriales, commerciales, et sociales interdépendantes avec la ville de Rouen. Les deux entités urbaines possédant des caractéristiques communes, toutes proportions gardées, se sont développées de manière quasi similaire et constituées aujourd’hui de systèmes urbains composites. La ville de Rouen et la ville de Barentin sont toutes deux d’anciennes cités installées dans des vallées industrieuses avec un développement fortement marqué par cette période ainsi qu’une conquête de leurs plateaux avoisinant par des structures urbaines plus récentes de lotissements pavillonnaires ou de grands ensembles. Aujourd’hui, Barentin est une ville satellite de Rouen. Sorte d’avantposte menant au plateau du pays de Caux et aux côtes normandes, la commune s’est toujours vue intégrer dans les réflexions à grande échelle afin de l’aménager en relation avec son territoire élargi. Même si elle ne fait pas partie de l’agglomération rouennaise, en terme de législation, ces deux territoires restent indissociables. Des réflexions sont en marche afin de raccrocher Barentin à la métropole de Rouen ainsi que de développer son attractivité par la mise en place d’infrastructures de déplacement collectif comme un Tram-train la desservant. Sur le plan de l’attractivité, la zone commerciale de Barentin est l’un des trois premiers pôles réussissant à capter autant de flux de visiteurs. Dans l’agglomération étendue de Rouen, il a été recensé sept pôles commerciaux principaux avec pour leaders le centre-ville de Rouen, la zone commerciale de Tourville-la-Rivière et la zone commerciale de Barentin. Les personnes interrogées ont déclaré leurs motivations à fréquenter ces

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Schéma d’aménagement du Grand Rouen A gauche, les zones d’aménagements existantes et projetées, A droite les zones de loisirs existantes et projetées


Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

Schéma d’aménagement de la Basse Seine de 1970

espaces relativement proches de leur lieu d’habitation, la grande diversité des commerces et la proximité du lieu de travail. La zone commerciale de Barentin, malgré la belle part de marché qu’elle remporte, n’est pas la première zone commerciale de périphérie de l’agglomération. Tourville-la-Rivière emporte une part plus importante de marchés alors qu’elle est deux fois plus petite en terme d’emprise au sol que celle de Barentin. Depuis la création de la zone commerciale de Tourville, un équilibre à la fois de fréquentation et d’offre commerciale entre les deux pôles géographiquement opposés (Barentin au Nord et Tourville au Sud) s’est installé. Aujourd’hui, les deux pôles semblent très complémentaires dans les enseignes qu’ils proposent et depuis peu un repositionnement stratégique de la part de Barentin. Entre les deux zones commerciales, de nombreuses constantes sont présentes. La proximité immédiate d’une voie d’accès rapide, pour Tourvillele-Rivière : l’A13, menant à Paris ; la présence d’un centre commercial avec une grande enseigne de produits alimentaires comme point d’appel ; deux enseignes fortes dans le secteur de l’ameublement et du bricolage (pour Barentin : Alinéa et Castorama et pour Tourville : Ikea et Leroy Merlin) ; une cohorte de hangars franchisés quasiment similaires desservies par

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

BARENTIN

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TOURVILLE-LA-RIVIÈRE

Zones urbanisées Zones «industrielles» Pôles commerciaux

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Chapitre III - De la petite vallée à la boucle

Page de gauche : Plan des pôles commerciaux de l’agglomération rouennaise

des voies de circulations avec des entrées et des sorties contraintes ; des parkings surdimensionnés afin d’accueillir les jours les plus fréquentés l’ensemble des chalands. Cette complémentarité de services ne révèle pas d’une quelconque similarité. En effet, la zone commerciale de Tourville-la-Rivière, si elle est géographiquement opposée, est aussi morphologiquement opposée à la zone commerciale de Barentin.

Barentin - Habitant : 12 175 - Superficie de la commune : 12,74 km² - Par rapport à Rouen : 15 km - Date clef de la zone commerciale : 1973, naît le centre commercial du Mesnil-Roux 1974, fin de la construction de l’autoroute A151 1980, création de la ZAC de la Carbonnière - Superficie de la zone commerciale : Environ 125 ha - Nombre d’enseignes : 95 + 63 dans la galerie commerciale - Part des actes d’achat dans l’agglomération : 3500 (Rouen 9000)

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Tourville-la-Rivière - Habitant : 2 474 - Superficie de la commune : 8 km² - Par rapport à Rouen : 12,4 km - Date clef de la zone commerciale : 1969, débutent les travaux de l’autoroute A13 1989, naît la zone commerciale du Clos aux Antes - Superficie de la zone commerciale : Environ 55 ha - Nombre d’enseignes : 55 + 60 dans la galerie commerciale - Part des actes d’achat dans l’agglomération : 4000 (Rouen 9000)

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LA ZONE COMMERCIALE EST MORTE



Chapitre IV - La zone commerciale est morte

UN JEU MASSIVEMENT MULTIJOUEUR

*Article de publication : Pradel Benjamin. Processus de réversibilité et rythmes des transformations urbaines : penser la ville à pile ou face ?, 2013

Le territoire est influencé par des jeux d’acteurs qui, s’ils ont les bonnes cartes en main ou le bon lancer de dés, peuvent appliquer une réversibilité à un lieu donné sans pour autant proposer un retour total à l’état initial. La réversibilité urbaine se propose comme un changement perpétuel et continu de la ville en contradiction avec un univers figé dans ses usages ou ses espaces. Comme le démontre B. Pradel, « le principe de réversibilité se comprend comme une tension entre ces deux états qui se complètent et se définissent mutuellement dans leur succession. Pas d’exception sans quotidien, pas de nouveauté sans continuité, pas de changement sans quelques permanences, et l’inverse est également vrai. »* Le principe de réversibilité des espaces urbains propose une approche traduisant l’entre-deux entre changement et permanence des espaces. Une sorte de jeu qui permet de mieux cerner la ville et ses mouvements. Le Monopoly est le plus divulgué des représentations, sous forme de jeux de société, d’une invention ludique proposant la ville comme plateau principal de jouabilité. Ce jeu, à la base inventée par une étasunienne, Elizabeth Magie, et qui sera ensuite « adapté » par Charles Darrow, avait pour but d’expliquer les théories de l’économiste Henry George dénonçant le monopole des propriétaires fonciers et de proposer un système antimonopole. Les liens entre jeu de société et mutations urbaines existent depuis de nombreuses années. De nos jours, de nombreux autres jeux de société utilisent un plateau de jeu faisant référence à des entités urbaines ou à des évocations de territoire. Certains jeux de société dits « à l’allemande » illustrent les processus de colonisation d’un bout de territoire, comme Les Colons de Catane, avec des règles simples alliant une dimension très tactique et stratégique afin de s’emparer d’un maximum de ressources pour installer des colonies sur le territoire du plateau de jeu. Ce jeu populaire a été repris de nombreuses fois et notamment dans une version parodique expliquant la gentrification de certains quartiers de New York aux États-Unis, comme le jeu The Settlers of Brooklyn. Dans ce jeu, les éléments typiques d’un changement de mode de vie de tout un quartier sont mis en scène représentant un mode de colonisation moderne par des Bo-Bo hypster. La création de ces jeux a pour but d’expliquer, à travers des actions comme la transformation de plusieurs appartements en un loft ou par l’installation de magasins « branchés », comment par un lancer de dés aléatoire la ville peut prendre une forme ou une autre en fonction des rôles attribués en début de partie aux joueurs. Ces différentes représentations urbaines à travers le jeu donnent la possibilité de partager des concepts complexes des processus qui font la ville. Ce concept de ville-jeu peut-être perçu comme une caricature, cependant

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

cette mise en place à travers une nouvelle imaginaire peut permettre la réinvention de prospectives contemporaines afin de mieux faire la ville. Le jeu vidéo participe à la création d’une représentation partageable d’un univers commun de la culture numérique. C’est par l’observation de cette culture vidéo, ludique et abondante en force de proposition, qu’une part de l’appropriation possible d’une ville changeante en fonction des aspirations sociétales peut se faire par ses habitants. L’un des principaux buts des ludotopies, sortes de représentation des espaces urbains à travers le médium du monde virtuel, est de proposer à tout le monde de prendre possession d’une ville aux matériaux complexes sans être incompréhensible et compliquée. Le concept de ludotopies fait référence à une ville, composée plus simplement d’un socle de ressources communes à tous, influencé par des acteurs individuels et collectifs et ayant une balance entre réversibilité et constance révélatrice d’agencements sociaux spatiaux.

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Plateau de jeu «Les Collons de Barentin», parodie du jeu Les Collons de Catane La mise en place d’un jeu de société afin de mettre en avant les conflits d’intérêts au sein d’un territoire et de proposer des scénarii types d’évolutions

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

La mise en place d’un type de jeu, qu’il soit physique ou virtuel, permet de dégager quelques scénarii type de l’évolution de la commune de Barentin et de sa zone commerciale. Aujourd’hui, le développement de la zone commerciale de Barentin est contraint par le coteau et la petite vallée avec le centre-ville et l’autoroute, mais peut encore se développer sur le plateau qui ne possède aucune limite franche ni de barrières limitatives à la construction d’autres entités commerciales. L’étalement urbain peut continuer de manière incontrôlée. Cette stratégie de jeu, cette politique, consisterait à continuer de s’étendre en ne profitant pas des ressources du site permettant le développement d’une urbanité soutenable. C’est le scénario du joueur conquérant, privilégiant l’étalement et la multiplication de captations de ressources maigres. Un autre scénario s’y oppose. En s’appuyant sur l’ensemble des paramètres du site évoqués précédemment, la mise en place d’une démarche alternative permettrait d’éradiquer la banalisation, la consommation des espaces, et le zoning. Cette stratégie de jeu, cette politique, consisterait à ne plus s’étendre mais à faire évoluer ce que le joueur possède déjà en valorisant au maximum les ressources auxquelles il a accès et en commerçant avec les autres joueurs. De ces deux stratégies peuvent découler l’avenir du pôle urbain de Barentin. Soit la commune continue de s’étendre dans un mouvement d’urbanisation à faible densité poursuivant le grignotage des terrains agricoles. Une sorte d’opulence du territoire, en espérant que celle-ci se fasse de manière soutenable. Soit elle répond aux nouvelles politiques actuelles de densification des espaces périurbains en continuant de se développer sur les espaces déjà urbanisés et opte pour une sorte de domination du tout urbain. Soit, la commune de Barentin devient un pôle attractif de la préservation d’une sorte d’urbanisation périrurale. Ce dernier scénario correspondrait à une sorte de revanche pour les périphéries.

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

LA REVANCHE DES PÉRIPHÉRIES

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Cette avancée dans les mobilités futures de la commune devrait permettre de rapprocher temporellement la ville centre de celle-ci. Ce réseau de grande échelle influencera un territoire d’échelle localisé en revalorisant considérablement les dynamiques démographiques et économiques. Ainsi, cette liaison « durable » devrait atténuer l’opposition entre centre et ville périphérique en proposant une « maturation » des espaces périurbains relativement récents. Le territoire global de la métropole de Rouen prendrait appui sur ces nouveaux avant-postes urbains en les considérant comme la frontière d’une ville entrecoupée de grandes pénétrantes agricoles. Une ville globale permettrait de faire émerger de nombreuses stratégies territoriales ayant pour organisation une répartition des canaux de mobilités, des

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Futures stations de la ligne Tram-train entre Barentin et Rouen/Elbeuf Des trains tous les quarts d’heure

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La ville de Barentin est une polarité secondaire par rapport à la ville centre de Rouen. Ces deux entités, à la fois très différentes et éloignées géographiquement, sont cependant fortement liées dans un territoire de métropolisation croissant. Barentin, dans la stratégie territoriale afin de se renouveler, de répondre aux aspirations de ses habitants et aux aspirations sociétales globales, doit engager ses potentialités riches afin de pouvoir proposer une nouvelle manière de faire la ville sans remettre en cause la structure monopolaire urbaine dense de la ville de Rouen. Son territoire reste aujourd’hui un lieu de mobilité individuel et de l’étalement urbain consommateur d’espace. Toutefois, des changements à l’échelle du département peuvent laisser penser à une entrée dans la durabilité de son territoire qui prendrait comme référent son pouvoir d’attraction et ses canaux de mobilité. En effet, suite à l’achèvement de l’autoroute ainsi qu’au projet de nouvelle gare TGV sur la rive gauche de Rouen, Barentin est aujourd’hui un territoire convoité dans le développement métropolitain. La Gare TGV de Rouen, délaissant l’emprise de l’ancienne gare rive droite, devrait permettre l’installation d’une liaison Tram-Train ayant comme point d’ancrage la commune de Barentin.


Chapitre IV - La zone commerciale est morte

Carte des Avant-postes de la métropole de Rouen et tram-train

emplois, des services, des lieux de loisirs, des habitations, et des lieux de la consommation. Cette répartition territoriale aurait pour but de réduire l’accessibilité exclusivement automobile des nouvelles frontières de ce territoire tout en valorisant la forme urbanistique de la constellation. Une grande métropole polycentrique possédant une somme de centralité qui selon leurs axes de développements et d’attractions supplanteront l’importance de la ville centre.

MONTVILLE

BARENTIN

QUINCAMPOIX

DUCLAIR

ROUEN

LA NEUVILLE-CHAMT-D’OISEL

PONT-DE-L’ARCHE ELBEUF 2 KM

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À cette échelle, les choix réalisés en terme d’aménagement territorial sont plus de l’ordre d’une prospection urbanistique motivée par des pratiques encrées dans un territoire. Ces choix, ne peuvent être mis en

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

application que si ils résultent d’une volonté politique forte à la fois dans les propositions, faire la ville de demain et non répondre aux enjeux d’hier, ainsi que dans une application concrète se traduisant par la mise en place des principes territoriaux. La ville de demain, que nous construisons aujourd’hui, ne peut plus s’accomplir en reproduisant les modèles qui ont formé la ville du passé dense, inorganique, caractérisée par une franche opposition entre les centres et la périphérie, entre l’univers rural et l’univers urbain.

Carte prospéctive des évolutions d’emprises urbaines et axes des pénétrantes agricoles

BARENTIN

ROUEN

2 KM

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

DÉVELOPPER SES ATOUTS TÉRRITORIAUX

Page suivante : Carte des espaces potentiellement à projet à l’échelle intercommunale La zone pavillonnaire, les friches industrielles et la zone commerciale

Cette restructuration territoriale se traduirait à l’échelle locale, celle de la communauté de commune de Caux-Austreberthe, par le développement de la commune de Barentin comme pôle secondaire et un lieu vecteur d’ancrage d’un territoire périurbain assumé. La commune de Barentin possède toutes les commodités que peut attendre une ville centre avec en plus une qualité de vie recherchée caractérisée par une faible densité en terme de bâti et de population dans un espace d’imaginaire rural. Cet avant-poste sur l’agglomération rouennaise devra se renouveler afin de devenir attractif et se développer de manières différentes. La mise en relation des réseaux de transport attachés à des territoires attractifs en ressources est le plus important. La commune de Barentin, une fois l’installation du réseau tram-train couplée à l’achèvement de la portion d’autoroute (finie début 2015), possède les qualités à la fois de ressources territoriales (richesses agricoles, richesse patrimoniales, richesses foncières de la petite vallée…) et d’infrastructures de transport afin de se libérer des anciens dogmes qui ont produit un pan de sa ville. L’automobile aujourd’hui semble négative car l’usage qu’il en est fait est outrancier (en moyenne, une voiture transporte 1,2 passager par trajet). Cependant, elle reste un outil de déplacement, une sorte d’extension du corps humain, dont l’homme qui vit dans une logique de mobilité ne pourra se passer. Les nouveaux comportements liés à la voiture servicielle associés à une généralisation des transports en commun (inexistant dans la commune de Barentin) permettront de réduire le nombre de voitures et donc pousseront aux changements dans les infrastructures dédiées à son utilisation. Ainsi, la voie rapide scindant en deux le territoire de Barentin se devra d’être repensée afin de ne plus simplement traverser mais de diffuser les flux de transports qu’ils soient individuels ou collectifs. Cette restructuration de la voie rapide est une condition primordiale du projet à grande échelle sur le territoire de la métropole mais aussi à plus petite échelle sur le territoire de la communauté de commune et celui de la zone commerciale. Cette transformation induira le tissage de liens entre Barentin centre, dans la petite valleuse, et ses extensions sur le plateau, lotissements pavillonnaires et zone commerciale. L’utilisation des espaces déjà urbanisés, notamment ceux de la petite vallée composant la commune de Barentin, devra aussi faire l’objet d’une réflexion afin de limiter le grignotage des terres agricoles du plateau. Ces espaces, vastes d’une trentaine d’hectares composés de friches industrielles et de parcs arborés, font déjà l’objet d’études de réouverture aux habitants. Ces atouts fonciers et de cadre de vie sont des lieux d’opportunités de reconquête des espaces anciennement industriels. Barentin, ville d’art et du travail, peut imaginer la construction d’un ensemble mixte à la fois culturel

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

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ZONE PAVILLONNAIRE

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

Évolution des lotissements pavillonnaires De gauche à droite : Densifier l’arrière ou les côtés des parcelles Installer des espaces publics Diversifier les activités

1. ÉTAT ACTUEL

3.

et d’affaires s’appuyant sur l’architecture abandonnée et la succession des espaces paysagers qui ne demandent qu’à retrouver leur ancienne fonction. Ces lieux seront inventés afin de proposer aux habitants présents et futurs des espaces d’appropriations sociales. Le travail sur les espaces pavillonnaires passera par une proposition de points de transport en commun permettant une meilleure desserte de la collectivité. Cette intensification des modes de déplacements permettra de travailler à la mise en place d’une forme de densité dans ces structures extrêmement lâches. Il conviendra de proposer une densification à partir des bénéfices que celle-ci amène comme l’amoindrissement de la dépendance à la voiture, la proximité des transports en communs et des services associés, une nouvelle forme de résidentialité toujours conforme aux aspirations des ménages, une proximité des espaces de loisirs et d’échanges sociaux.

2.

4.

Enfin, le projet prévoit de s’attarder sur la zone commerciale de Barentin. Ce lieu à forte attractivité territoriale est l’un des endroits les plus propices à la création d’un nouveau pôle à l’échelle de la métropole de Rouen.

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

LA ZONE COMMERCIALE EST MORTE, VIVE LA ZONE COMMERCIALE L’action du commerce et les espaces urbains ont toujours été interdépendants durant les âges et les sociétés. Malgré un petit écart depuis l’avènement de la consommation de masse, il semblerait, une fois que les questions de conjoncture se seront réglées, que les espaces urbains auront toujours besoin d’une part de commerces et réciproquement afin de perdurer de manière harmonieuse. Les nouvelles formes de commerces, s’installant sur ce nouvel échiquier, redistribuent les pions et tendent à démontrer que l’avènement de la dématérialisation de l’acte d’achat n’est pas une menace pour les commerces physiques si ceux-ci tendent à se renouveler. En effet, de nombreuses études prouvent par exemple que les peurs liées au e-commerce poussent les pratiques des individus vers des intérêts communs regroupant la création de communautés virtuelles de proximité selon leur localisation, la composition de communautés de partages d’expériences ainsi que l’utilisation des outils numériques comme le rassembleur IRL (in real life, supposé utiliser les nouvelles technologies comme facilitateur de rencontres pour ensuite se retrouver et interagir dans la vraie vie). Ainsi, les commerces de demain ne connaîtront plus la séparation entre l’achat en ligne et les nouvelles formes d’achats en magasin. Le futur du commerce prendra les bons côtés des deux principaux canaux : pour le e-commerce, la commande 24 heures sur 24, le gain de temps, la livraison à domicile, etc. et pour le commerce physique, le contact humain, le conseil, les services, l’essayage du produit, etc. L’évolution du commerce est déjà en marche et celui-ci permettra de rechercher un produit sur des supports interactifs, de prendre connaissance de son évaluation par les communautés connectées de consommateurs, d’essayer en magasin, de décider de l’acte d’achat et de pouvoir se faire livrer chez soi ou de retirer son achat dans un point relais immédiatement. Ces possibilités illimitées permettent d’imaginer que la taille des locaux commerciaux va se réduire dans l’optique simple de proposer aux consommateurs un lieu physique où celui-ci pourra se saisir du produit, demander conseil au vendeur et valider l’acte d’achat, le tout complété par les outils technologiques afin de composer une expérience globale de la nouvelle manière d’acheter. Ainsi, le commerce « traditionnel » ne verra pas sa fin, mais se renouvellera dans une société où l’expérience client et le service à la personne deviendra prépondérant. Cette nouvelle manière de consommer a déjà été mise en place par des enseignes jouant sur cette vague de la communauté connectée associée à une expérience sur les lieux de vente. C’est le cas des firmes Apple, Nespresso, Free qui proposent une dématérialisation globale de leurs stocks sur les lieux de vente en orientant le client à commander soit avec l’aide d’un « personal shopper » directement depuis des tablettes

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

numériques dans l’espace de vente ou depuis chez lui via la page internet de la marque. L’enseigne Décathlon développe quant à elle un concept de lieu de vente où l’acheteur peut tester les produits sportifs en condition avec un espace de parc accolé au magasin et regroupant un plan d’eau, des terrains sportifs, une prairie, un espace forestier, … Si cette évolution tend à se confirmer, les consommateurs, se déplaçant aujourd’hui majoritairement en voiture personnelle, n’auront plus besoin de véhicule avec une capacité de stockage permettant de ramener chez eux une quantité importante de biens. L’ensemble des achats sera livré directement au domicile des acheteurs. Des services de retraits, de livraisons par voie terrestre via des véhicules électriques autonomes, comme le concept de Google Car, ou service de livraison par voie aérienne, comme les drones qu’Amazon souhaite mettre en place, pourraient se généralisés. Le commerce ainsi repensé à l’aune des nouvelles technologies pourrait avoir une influence sur l’évolution morphologique des villes. Les aires de stationnements aujourd’hui prévues pour un accès exclusivement autoroutier seraient réduites au profit de déplacements collectifs comme des bus autonomes, des tram-trains desservant l’intérieur des espaces commerciaux, des voitures auto-partagées aux proportions allégées ou par des modes de déplacements doux comme le vélo en libre-service, le gyropode, ou la marche à pied. Les espaces seraient redistribués entre tous ces modes de déplacements. Cette évolution n’est qu’une prospection possible parmi les infinités de possibles mutations de la société. Entre fiction et roman d’anticipation, il semble cependant très probable que celle-ci se réalise dans un laps de temps très réduit. Les zones commerciales qui fondent l’ensemble de leur territoire sur le seul acte de la consommation peinent à inspirer de nouvelles manières de voir leurs évolutions et leur renaissances. Celles qui arriveront à s’animer de leur pouvoir d’ « espace public » passé pourront créer les centralités du futur pour l’ensemble d’une société en constante évolution. Ces centralités associées à une nouvelle expérience client permettront aux zones commerciales de proposer un lieu d’agrégation sociale possédant les attributs de praticité et de convivialité correspondant aux nouvelles attentes des consommateurs. Ainsi, il semblerait que les zones commerciales puissent dépasser leur déclin en révélant réellement leurs potentiels d’attractions à travers une réinvention à la fois structurelle et philosophique. Il est important d’accompagner la transformation des zones commerciales vers des lieux de vie, des lieux de ville.

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

La zone commerciale de Barentin, avec ses bâtiments obsolètes et sa structure dédiée à la voiture, pourrait susciter l’envie d’une déconstruction totale afin de rendre les terres au milieu agricole qui l’entoure ou bien de construire de toutes pièces un nouveau projet. Cette tabula rasa, souvent systématisé dans d’autres endroits afin de construire des écoquartiers ou des quartiers d’affaires nouvelle génération, n’est cependant pas propice à la mise en valeur des avantages d’un territoire. Les espaces constituant la commune de Barentin ont tous été questionnés selon un projet politique fort et assumé relevant d’une mise en place de valeurs et de principes d’une société. Aujourd’hui, le projet se propose de questionner la forme urbaine de la zone commerciale de Barentin afin de prévisualiser son possible avenir. Le projet dans sa complexité d’échelle, de jeu d’acteurs et de temporalité, ne pourra prendre en compte l’ensemble de moyens financiers mobilisables, les besoins et les ambitions de la commune de Barentin, les intérêts de la métropole de Rouen ainsi que les enjeux relatifs à la négociation avec les acteurs économiques de la zone commerciale. Il s’installera plus dans une démarche de prospection afin d’illustrer les potentialités d’un lieu mutant très rapidement afin de le conduire vers une nouvelle forme spatiale en relation avec les enjeux contemporains de mobilité, de structure urbaine et de développement durable. La parole des utilisateurs du site semble très importante dans la mise en place d’une stratégie de reconquête des espaces en déclin. Cette prise en compte des aspirations permet de définir une sorte de programmation afin de combiner attractivité commerciale, nouvelles pratiques sociétales et enjeux de développement durable.

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Amélioration du cadre de la zone commercial et de ses usages, Transformer les routes en voirie multimodale Investir les derrières des magasins Installer des espaces publics sur les magasins périclitant

1. ÉTAT ACTUEL

3.

Il conviendra de ne pas simplement esthétiser la zone commerciale de Barentin. Ces actions d’embellissement peuvent dans un premier temps participer à la revalorisation de son site. Cependant, le projet s’attardera sur la mise en place d’une souplesse des espaces afin qu’ils se métamorphosent en un lieu plus vivable. Le projet développera la possibilité des possibles. Il s’agira en quelque de donner la possibilité aux personnes la fréquentant la possibilité de se réaliser autrement que dans l’acte de consommer. Ces nouvelles appropriations passeront par l’installation d’un réseau d’espaces publics multiples (place, placette, parcs, jardins pédagogiques…) incitant aux loisirs, points fondamentaux dans le développement d’un cadre de vie qualitatif. La mixité sociale ainsi que fonctionnelle va permettre à la zone commerciale de Barentin de retrouver un certain dynamisme attractif à

2.

4.

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3.

l’échelle communale mais aussi à l’échelle de la métropole. Cette revalorisation de son fonctionnement aboutira vers un changement d’appropriation et donc de forme spatiale. Cette trame d’espaces publics pourra aussi être un support aux enjeux liés à l’écologie du site. En effet, la gestion des eaux est un grand manquement dans la zone commerciale de Barentin. Aujourd’hui, les eaux pluviales sont regroupées dans d’immenses bassins d’orage. Le projet devra prendre en compte cette donnée afin de travailler le parcours hydrique du site. De plus, cette trame hydrique pourra être le support de nouveaux écosystèmes et de corridors écologiques parcourant le site. Cette prise en compte du système écologique convient parfaitement à l’échelle de la zone commerciale. En effet, il est nécessaire d’étendre des systèmes écologiques sur des

1. ÉTAT ACTUEL

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2.

Axonométrie de principe, une succession d’espaces réinvestis afin de multiplier les pratiques possibles Axonométries de principe, aménager les bassins d’orage et créer un réseau de captation de eaux


Chapitre IV - La zone commerciale est morte

L’hydrologie

L’urbanisme

Les boisements

L’agriculture

La topographie Couches du grand territoire «matière à projet»

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Chapitre IV - La zone commerciale est morte

grandes échelles afin de réellement remarquer leurs impacts plutôt que dans la mise en place d’actions très localisées et peu efficaces. D’un point de vue des limites, le projet de la zone commerciale proposera une revalorisation des franges avec les espaces agricoles. Le rétablissement du rapport qu’entretient l’agriculture avec le socle de la zone commerciale permettra de dégager certaines perspectives visuelles, par exemple entre la vallée ou les champs d’openfields, et de faire entrer des éléments du grand territoire dans son emprise comme la structure des villages jardinés ou les Clos-Masures. Ces limites seront aussi retravaillées au niveau de la jonction avec le centre-ville afin de redonner une cohérence entre l’amorce de la ville et la zone commerciale. Le nouveau paysage de la zone commerciale de Barentin s’attachera à créer des analogies ainsi qu’une nouvelle forme spatiale complémentaire avec le grand paysage du pays de Caux et le centre-ville de la commune de Barentin. Cette composition spatiale passera par la disposition des masses architecturées et végétales associées à une recherche sur les palettes (matériaux, couleurs, mobiliers…) composant la zone commerciale. D’un point de vue des infrastructures, le projet de la zone commerciale s’attardera sur son ancrage dans le tissu urbain de la ville de Barentin par le biais du déclassement de la voie rapide ainsi que la réaffectation des deux rues descendantes dans le centre-ville. La zone commerciale redeviendra un quartier de la commune si les liaisons physiques mais aussi visuelles lui permettent de favoriser les transversalités entre les espaces du plateau et de la petite vallée. La hiérarchisation des voies de communication au sein de la zone commerciale est aussi un enjeu fort. Le projet développera une typologie de voirie associée à de nouveaux espaces pour les déplacements en communs ou doux (pistes cyclables, trottoirs, voiries de bus…). Associés

1. ÉTAT ACTUEL

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2.


Chapitre IV - La zone commerciale est morte

3.

Axonométries de principe, Déclasser la voie rapide en Boulevard urbain Réaménager et Hiérarchiser les voies entre la zone commerciale et le centre ville de Barentin

Aménagement des espaces interstitiels

aux changements d’affectations des voiries, les parkings devront faire l’objet d’un développement particulier. En effet, aujourd’hui, ce sont ces espaces les plus représentés sur la zone commerciale de Barentin et les plus à même d’évoluer à moindres frais. Le développement d’un réseau de transport en commun combiné à une mise en place d’un réseau d’espaces piétons entre les enseignes peut laisser penser que bon nombre d’espaces de stationnement peuvent être réduits voir supprimés. Cette libération d’emprise foncière des parkings va permettre la mise en place d’une stratégie des mutations qui se matérialiseront sous forme d’actions réparties dans le temps et l’espace. En effet, le projet s’inscrit dans un existant. Afin de réduire ce clivage programmatique entre les espaces, une histoire du futur de ce site échelonnera les actions dans le temps. Des jalons seront posés dans les premières phases afin d’anticiper les évolutions des espaces dans plusieurs années. Certains lieux se densifieront pendant que d’autres s’ouvriront.

Mise en place de transports en commun

2015

Appropriation des parkings et voiries

Densification du bâti

Intégration d’une mixité fonctionnelle

Aménagement du boulevard urbain

Disparition des hangars commerciaux

Déclassement de la zone commerciale

Création d’un pôle multimodale

2040 / 145 /



Conclusion

CONCLUSION L’expérience du diplôme est l’occasion d’approfondir un sujet riche de questionnements dans lesquels il est possible de s’identifier très clairement. Ce thème contemporain, de par son imaginaire, correspond aux moments de vie qui m’ont formé. Il regroupe un univers de pressentis qu’il reste à explorer ainsi qu’un lieu de vie à ménager afin qu’une sensibilité ou une attention vis-à-vis de l’humain continue de se développer. L’expérience du diplôme est le moment de considérer la discipline inépuisable du paysage dans laquelle l’utilisation de dispositifs illimités permet de trouver sa place. Cette matière paysagère, de par sa richesse, correspond aux modes de représentations qui m’inspirent. Elle regroupe des typologies adéquates qu’il reste à épuiser ainsi qu’un panel d’objets à découvrir afin qu’une boîte à outils ou des manières de penser la conception spatiale tendent à s’aiguiser. Enfin, l’expérience du diplôme est la concrétisation d’une approche qui m’aura été transmise dans la cadre de ma scolarité, d’une approche transmise par la sphère du monde professionnel, ainsi qu’une approche à travers les rencontres des personnes de passion. Cette méthodologie appliquée, de par ses entrées multi-scalaires, correspond aux influences qui me sont chères. Elle regroupe à la fois une multitude de croyances qu’il reste à déconstruire ainsi qu’une multitude de convictions à affirmer afin que mon idée ou mon idéal du métier de paysagiste se forge. Il s’agit là de la pluridisciplinarité du futur métier que j’aspire à exercer avec espérons cette même affection.

MEMBRES DU JURY MICHEL AUDOUY HÉLOÏSE LAURAIRE JOËL GAYSSOT JEAN-MARC L’ANTON / 147 /



Références

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Simplement pour la mémoire des manières d’être présent. Michel, Héloïse, Joël, Jean-Marc, Stéphanie, Hervé, Geneviève, Mathieu, Huguette, Véronique, Patrick, Élisabeth, Maxémilien, Marie, Vong, Véronique, Sébastien, Didier, Laurent, Marine, Théo, Lina, Charlotte, Maud, Dimitri.


JUIN 2015 MATTHIAS LEFEBVRE



TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D’ÉTUDE ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DE PAYSAGE DE VERSAILLES


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