Architecture&décroissance matthieugrand

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« Architecture & Décroissance » Ou comment l’architecte peut-il ‘construire’ la décroissance ?



5 Introduction La Décroissance, pourquoi? 7 Société de croissance 7 Les limites 8 Vers un nouveau modèle de société 9 Implication de l’architecte 10 Vers un nouveau type d’architecture ? Décroissance : du projet politique à l’architecture 11 Reconceptualiser 12 Restructurer 12 Relocaliser 13 Réduire 14 Recycler Etude de cas : Détroit, Shrinking City 15 Bref historique 16 La décroissance à l’échelle urbaine 17 Analyse de trois exemples 15

Powerhouse Productions

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Brightmoor Vetal School

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Klinger Street Charlie O’Geen

Construire la Décroissance 29 Une architecture de processus 31 Une approche Bottom-up 34 Une nouvelle échelle d’intervention 35 Conclusion

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Dans ce mémoire je souhaite aborder la notion d’architecture engagée, c’est-à-dire une architecture en prise avec un modèle de société, une architecture porteuse d’idéologie politique. Nous sommes de toute évidence en période de crise, qu’elle soit économique, sociale ou politique. Les conjonctures de crises ont toujours amené les populations à remettre en cause le système, du moins à le requestionner au regard d’un nouveau contexte connu. L’architecte a un rôle déterminant à jouer dans ce changement puisqu’à sa manière, il contribue à façonner le nouveau visage de cette société. Je prends le parti dans ce mémoire de m’intéresser à l’un des mouvements alternatifs qui émergent face à la situation actuelle : la Décroissance. Pourquoi ce choix ? Tout d’abord parce que les décroissants, ou objecteurs de croissance, sont parmi les seuls à souhaiter relever le défi d’une transition économique et sociale, mais aussi parce que les objectifs de la décroissance semblent dès aujourd’hui trouver un écho dans les initiatives citoyennes naissantes. Cette utopie modeste basée sur le paradigme de la décroissance a pour plus grand défi le changement des mentalités, et donc de nos modes de fonctionnement. Comment l’architecte peut prendre part à ce mouvement ? En quoi l’architecture s’en trouve changée ? Voilà la réflexion qui me guide et m’intéresse dans ce travail. En premier lieu, nous expliciterons le contexte du mouvement de la Décroissance, en précisant d’où il vient et les enjeux qu’il intègre. Nous définirons ensuite un certain nombre de critères caractéristiques d’un projet décroissant, notamment dans son application au domaine de l’architecture. Pour illustrer ces critères, nous étudierons le cas particulier de Détroit, comme l’opportunité d’analyser des projets d’architecture en situation économique de décroissance. Et enfin, fort de cette analyse, nous tenterons de dégager ce qui pourraient être les axes majeurs de développement d’une architecture de la Décroissance.

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Société de croissance Nous vivons actuellement dans une société dite ‘de croissance’. Qu’est-ce-que signifie le mot croissance ? Il est nécessaire de distinguer deux types de croissance liés à une société : d’une part la croissance comme phénomène, et d’autre part la croissance comme 'religion'. Où se situe la différence ? Paul Ariès1 illustre cette distinction grâce à certains exemples de civilisations passées. Il évoque notamment la France du Moyen-Âge ou bien la civilisation incas comme deux exemples de société ayant connu la croissance sans pour autant l’idéaliser. Dans notre société actuelle, la croissance est au contraire vécue comme croyance, comme un paradigme. Cette idéologie est apparue au début du 19ème siècle avec la révolution industrielle. La croissance est rendue possible grâce à deux éléments clefs : d’une part la découverte des ressources terrestres en énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz…), et d’autres part le mythe du progrès2 scientifique. L’ère industrielle marque ainsi le début de la société de production et de consommation. Cette idéologie de la croissance est le propre des pays occidentaux. Le travail et le capital, principaux facteurs de cette croissance, deviennent les moteurs de l’économie3, on parle du capitalisme. Dans les années 40, en contexte de guerre froide, le président des Etats-Unis Truman introduit pour la première fois en politique le terme de ‘development’. Conforme à l’idéologie de croissance, le développement caractérise le degré d’avancement d’un pays, c’est-à-dire sa capacité à accroître sa production et ses richesses. La volonté politique est donc de produire ‘toujours plus’ puisque la croissance est à l’origine même de la hausse du niveau de vie. Erigé en symbole de cette société, le Produit Intérieur Brut (PIB) devient en 1930 l’indicateur principal de la bonne santé d’un pays. Basé sur la mesure des richesses, il met en avant la prépondérance du domaine économique face aux critères sociaux. Aujourd’hui, la croissance économique est devenue un processus fondamental de notre modèle sociétal, puisqu’il assure la survie de notre système économique (le principe de l’argent-dette).

Les limites du modèle et l’émergence de mouvements alternatifs Depuis la fin du 20ème et l’arrivée du 21ème siècle, il émerge cependant un certain nombre de déséquilibres d’ordre économique, social et environnemental. Les deux premiers chocs pétroliers de 1973 et 1978 sont les premiers signes des limites de notre planète et de la raréfaction des matières premières. Quelques années auparavant, Kenneth Boulding, grand économiste, s’écriait déjà « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini, est soit un fou, soit un économiste 4». 1

Paul Ariès est un politologue français, intellectuel de référence du courant de la décroissance et de l’écologie politique. Les exemples cités sont tirés de : La décroissance : un nouveau projet politique, Villeurbanne, Ed. Golias, 2007 2

Le mythe du progrès est une notion introduite par Nicolas de Condorcet à la fin du 18è siècle.

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Le travail et le capital sont définis comme les deux principaux facteurs de production dans l’ouvrage de Joseph Schumpeter, Histoire de l’analyse économique, Paris, Gallimard, 1983 4

Kenneth Boulding est un économiste américain qui a beaucoup étudié l’économie de façon transdisciplinaire, en l’associant toujours à d’autres phénomènes. La citation est tirée de The Economic of Knowledge and the Knowledge of Economics, American Economic Review, 1966

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On assiste progressivement à une prise de conscience de la crise écologique. L’année 1972 marque le premier rassemblement international pour l’écologie lors du Sommet de Stockholm. Parallèlement, certains économistes, sociologues, penseurs, etc s’organisent et sont à l’origine de mouvements de pensée alternatifs. Leur point commun est la remise en cause du modèle de croissance. Parmi ces nouveaux détracteurs de la croissance, on retiendra Ivan Illich le fondateur de l’écologie politique qui, au travers de ses ouvrages, prône le « vivre autrement pour vivre mieux 5». Tout aussi important, et s’inscrivant dans la même mouvance alternative, Georgescu Roegen, mathématicien-philosophe roumain condamne le modèle économique actuel en se basant sur les théories de la thermodynamique6. Il démontre physiquement la non-viabilité du système économique basé sur la croissance en raison de la non-considération des enjeux environnementaux (la loi de l’entropie). En 1972, le club de Rome7 publie son premier rapport ‘The Limits to Growth’ ou ‘Halte à la croissance’. Dans ce document, ils dénoncent les méfaits la société productiviste au nom d’une prise de conscience de la pénurie des ressources énergétiques et des conséquences du développement industriel sur l’environnement. Ultimement, Jacques Godbout intellectuel des sciences sociales soulève dans un de ces livres la question : « La croissance est-elle la seule issue à la crise de la croissance ? ». Ne serait-il finalement pas nécessaire de corriger notre modèle de société. Albert Einstein nous rappelle à ce propos qu’ « On ne résout pas un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré ».

Vers un nouveau modèle de société La période de crise actuelle, dont on ne parvient pas réellement à sortir, nous permet finalement de réinventer de nouveaux modèles. Plusieurs théories émergent actuellement des milieux alternatifs de politiciens, tout comme de citoyens. L’une d’elles s’avère être cependant la plus radicale dans le sens où elle semble être la seule à envisager la sortie d’un modèle de croissance. Il s’agit de la Décroissance. Cette théorie renferme le projet audacieux d’opérer une transition économique, écologique et sociétale. Serge Latouche économiste-politicien français, parmi les leaders du mouvement décroissant déclare : « Mot d’ordre des gouvernements de gauche comme de droite, objectif affiché de la plupart des mouvements altermondialistes, la croissance constitue-t-elle un piège ? Fondée sur l’accumulation des richesses, elle est destructrice de nature et génératrice d’inégalités sociales. « Durable » ou « soutenable », elle demeure dévoreuse du bien-être. C’est donc à la décroissance qu’il faut travailler : 5 L’ouvrage majeur d’Ivan Illich duquel est tiré cette citation est La Convivialité, Ed. Seuil, 1973 6 La thermodynamique est une science qui étudie les corrélations entre la thermique et la mécanique. Elle est régie par deux lois principales. La première est la loi de conservation, elle indique que la quantité d’énergie dans l’univers reste constante. La seconde loi découverte plus tardivement est l’entropie, elle démontre que la quantité d’énergie, certes constante, se transforme peu à peu en énergie non réutilisable. Le modèle économique actuel se basant sur la mécanique Newtonienne, ne considère que la première de ces lois. 7 La Club de Rome, fondé en 1968, est un groupe de réflexion non gouvernemental transdisciplinaire composé d’économistes, d’indutriels, d’urbanistes… Ces conclusions sont d’autant plus révélatrices que certains gros établissements bancaires faisaient partie de ses rangs.


à une société fondée sur la qualité plutôt que sur la quantité, sur la coopération plutôt que la compétition, à une humanité libérée de l’économisme et se donnant la justice sociale comme objectif. 8» A ceux qui qualifierons ce projet d’utopiste, l’architecte Lucien Kroll répond que « la décroissance n’est pas un projet mais un fait indéniable qu’il est nécessaire de rendre soutenable ». Qui sont finalement les utopistes, entre ceux prônent une croissance infinie dans un monde limité et ceux qui choisissent de vivre modestement, se satisfaisant de ce que la Terre peut nous offrir de façon durable. Il faut cependant comprendre que le terme de décroissance est davantage un slogan, un ‘mot-obus’9 destiné à éveiller les consciences. Les objecteurs de croissance s’accordent pour dire qu’il serait plus correct de parler d’a-croissance. En quoi cela consiste réellement ? Au-delà du changement des mentalités, Serge Latouche suggère la méthode systématique des cinq ‘R’ : Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Réduire et Recycler. Chacun de ces cinq objectifs sont susceptibles d’enclencher le cercle vertueux d’une ‘décroissance sereine, conviviale et soutenable’. Le Projet Local d’Alberto Magnaghi s’inscrit également dans cette démarche lorsqu’il nous parle de reterritorialiser le projet10. La décroissance est également une thématique plus largement abordée au Canada et notamment au Québec. On parle outre-Atlantique de la décroissance conviviale, de la simplicité volontaire, ou encore de la sobriété heureuse. L’objectif est de se recentrer sur les valeurs essentielles, en réévaluant ses besoins. La philosophie générale des décroissants s’apparente en bien des points à celle de l’épicurisme. Epicure assure en effet que pour éviter la souffrance et donc assurer son bien-être, il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires.

Implication de l’architecte La décroissance est un modèle de société qui s’apparente à une vision politique. En quoi s’applique-til au champ architectural ? L’architecte fait partie intégrante de la dynamique politique. Le terme politique provient du grec politikos, qui signifie ‘donner un cadre à une société organisée et développée’11, ainsi que du préfixe polis signifiant ‘la cité’. Ces deux définitions témoignent de l’implication directe de l’architecte dans la politique, puisqu’il contribue à la conception de la cité et que ses projets apportent un cadre physique et concret à ses habitants. Christophe Laurens, sans juger de la qualité de l’architecture contemporaine affirme que « L’architecture telle que nous la pratiquons aujourd’hui est sans doute l’expression la plus matérielle et la plus éclatante de la logique productiviste des sociétés industrielles12 ». En cela, il est du devoir de l’architecte de repenser son rôle au sein d’une société qui se voudrait décroissante. Cependant, il semble communément admis que le résultat final du travail de l’architecte est la construction, un ‘objet à la réalité physique et matérielle’. On pourrait ainsi voir son action comme contradictoire à l’idéologie de la décroissance. 8

Serge Latouche, Le pari de la décroissance, Ed. Fayard, 2006

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Défini comme tel par Paul Ariès dans La décroissance : un nouveau projet politique, Villeurbanne, Ed. Golias, 2007

10

Alberto Magnaghi, Le projet local, Ed. Mardaga, 2003

11

Dictionnaire des sciences politiques, Ed. Sirey, 2010

12

Christophe Laurens, dans son article Architecture : AlterarchitecturesManifesto, Ed. Golias, Villeurbanne, 2012

la

fin

du

productivisme

au

sein

du

manifeste

9


Dans son texte sur le junkspace13, Rem Koolhaas constate que « nous avons construit davantage que toutes les générations antérieures réunies […] mais d’une certaine manière nous ne jouons pas dans la même cour. Nous ne laissons pas de pyramides. » Le constat que dresse Rem Koolhaas sur l’architecture contemporaine est porteur de réflexion : malgré la quantité invraisemblable de bâtiments construits à notre époque, aucun d’entre eux ne semble présenter une durabilité similaire aux œuvres du passé. Tous ces éléments mettent en avant le rôle prépondérant de l’architecte dans la société, ainsi que la ligne idéologique dans laquelle son œuvre vient s’inscrire.

Vers un nouveau type d’architecture ? La décroissance semble a priori contradictoire au travail de l’architecte. Une architecture décroissante est en effet difficile à cerner, elle génère un paradoxe à l’origine de nombreux questionnements. Dans quelle mesure peut-on parler d’architecture décroissante ? En quoi le travail des architectes peut-il servir la décroissance ? Ces interrogations commencent à germer dans le domaine de l’architecture, et plus particulièrement dans les régions d’ores et déjà victimes des limites du modèle de la croissance. Sans forcément revendiquer l’utopie de la décroissance, certains architectes œuvrent en ce sens dans leur remise en cause du projet architectural conformiste. En 2012, l’observatoire des processus architecturaux et urbains innovants en Europe a publié un ouvrage intitulé Alterarchitectures Manifesto. Comme son titre l’indique, il s’agit de développer une philosophie architecturale ou urbaine alternative, c’est-à-dire non conformiste. Nombreux sont ceux qui dans ce livre reprennent les préceptes de la décroissance : Thierry Paquot, Lucien Kroll, Christophe Laurens, Jean Pierre Charbonneau, Serge Latouche, Patrick Bouchain… D’autres agences comme Thinkark, Ecosistema Urbano, ou bien ctrl-z affirment s’intégrer à la réflexion générale sur la Décroissance. Parallèlement au travail individuel de certaines agences, s’organisent des évènements de réflexion comme le ‘Ten days for Oppositional Architecture’. Son objectif est de redéfinir l’architecture afin qu’elle soit ancrée dans une réalité socio-politique porteuse d’un engagement, une architecture non conformiste. Le titre de la première édition est « Resisting the Capitalist Production of Space » soit ‘Résister à la production capitaliste de l’espace’.

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Le junkspace est un ouvrage écrit par Rem Koolhaas, sur la dénaturation du paysage urbain au cours des dernières décennies. Junkspace, Ed. Payot, 2011


Dans cette partie, l’objectif est d’établir un certain nombre de critères permettant de caractériser un projet architectural comme décroissant. Il n’existe aujourd’hui aucun ouvrage associant directement le domaine de l’architecture au projet de société des décroissants. Afin d’établir ces différentes caractéristiques, nous nous appuierons donc sur le livre, Le Pari de la Décroissance, de Serge Latouche. Ce dernier explicite dans son ouvrage les méthodes à suivre pour œuvrer en faveur de la décroissance. Sa proposition présente l’avantage d’être synthétisée en 5 cinq verbes d’actions aussi appelés les 5 ‘R’. Ces 5 thèmes sont reconnus par le mouvement décroissant et remobilisés à certaines reprises par Paul Ariès 14 , ou Francesco Gesualdi 15 . Il s’agit de : Reconceptualiser / Restructurer / Relocaliser / Réduire / Recycler. L’ordre a son importance puisqu’ils constituent à eux cinq, un ensemble de processus successifs et interdépendants pour organiser la décroissance. Dans Le Pari de la décroissance, Serge Latouche définit et explicite chacun de ces termes selon un point de vue politique et sociétal. A partir de ces définitions, nous tenterons d’établir leur traduction dans le champ architectural, c’est-à-dire d’expliquer les implications de chacun de ces processus sur la conception et les méthodes de projet en architecture.

Reconceptualiser : Lorsque Serge Latouche parle de reconceptualiser, il évoque la sortie nécessaire des modes de pensée de la société de consommation. Il parle de l’inévitable mais difficile ‘‘décolonisation de l’imaginaire’’. Notre imaginaire serait colonisé par les croyances systémiques de notre société actuelle, selon lesquelles toute amélioration serait portée par la croissance et le progrès. Au commencement de tout projet, il faut donc quitter ce schéma de pensée traditionnel pour reconceptualiser le projet. Cela s’opère à travers la réévaluation des réelles attentes et besoins liés à ce projet. Ce premier ‘r’, ou cette première étape de projet, est fondamentale pour envisager une architecture décroissante. En effet, à l’heure actuelle, le projet d’architecture commence par un programme. Ce programme est généralement défini par le maître d’ouvrage pour être finalement confié à l’architecte. Cet enchaînement traditionnel du projet en architecture est remis en question par la reconceptualisation. En effet, le programme tel qu’on le conçoit aujourd’hui, est un descriptif de nature essentiellement quantitative qui reflète d’ores et déjà son imprégnation des modèles de pensée actuels. Tout comme le dit Serge Latouche, évoquant le domaine de la politique, il est nécessaire de « chercher à évaluer les réels problèmes plutôt que d’en quantifier leurs solutions ». Il

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Paul Ariès, La décroissance : un nouveau projet politique, op. cit., p.225

15

Francesco Gesualdi, La Sobriété,

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en est de même pour l’architecture. Le travail de l’architecte est d’abord un travail de reconceptualisation / de réévaluation, c’est-à-dire de remise en question du programme par une nécessaire compréhension des besoins liés au projet. Il ne s’agit pas de donner forme à un programme mais bien de satisfaire des besoins.

Restructurer : Restructurer, c’est l’idée qu’il faille donner un cadre pour supporter ce nouveau mode de pensée. En effet, le travail de reconceptualisation et de réévaluation nécessite une réorganisation des processus de projet. Pour apporter de nouvelles solutions, il faut de nouveaux modes de conception. Les décroissants insistent donc sur la nécessité de repenser le travail autour des différents acteurs et leurs relations respectives. Ces acteurs du projet sont : le commanditaire, l’équipe de conceptionproduction et les utilisateurs. Aujourd’hui, le lien entre commanditaire et utilisateur est de plus en plus distant, le commanditaire suppose les besoins de l’usager, il va même jusqu’à lui en créer de nouveaux (notamment dans l’industrie du multimédia). On parle d’une démarche de conception Topdown par opposition au Bottom-up. L’intention initiale du projet ne provient pas d’une volonté de l’éventuel usager mais bien du commanditaire du projet (qui n’en sera pas nécessairement l’utilisateur). Ce fonctionnement de projet qui nous semble évident aujourd’hui, n’était qu’un phénomène rare un siècle auparavant, dans lequel l’utilisateur était à la source de presque tout projet. Les décroissants mettent en avant la nécessité de réintégrer l’usager au cœur du processus de conception. Ce travail plus important en amont du projet sera revalorisé en durabilité et en coût de matières premières puisque plus adapté à son usage futur. Le deuxième niveau de restructuration du travail s’effectue au sein de l’équipe de conceptionproduction. La société industrielle a, dans une logique d’efficacité et de rapidité, peu à peu dissocié les processus de conception et de production. Cette séparation des activités intellectuelles et productrices a servi une augmentation de la quantité des produits et non de leur qualité. L’idée est donc de repenser une relation plus étroite entre la conception et la production, dans lequel chaque acteur du projet trouve dans son travail un accomplissement personnel. Ainsi, la partie conception se doit de retrouver un rapport à l’objet / à la matière, par davantage d’expérimentation, de terrain. Réciproquement, la conception ne doit être figée et laisser une part d’évolution possible au projet au moment de sa réalisation et de son usage. Ce discours se retrouve dans la posture architecturale de Patrick Bouchain, comme il l’écrit dans Construire autrement. L’architecte n’est plus le seul à écrire le projet, l’artisan et l’usager contribuent également à façonner le bâtiment. Il s’agit comme d’un passage de relais au cours duquel la conception se répartie à chaque étape du projet.

Relocaliser : Dans la genèse d’un projet décroissant, nous avons commencé par évoquer la nécessité de sortir des modes de pensée actuels (Reconceptualiser), en se donnant en nouveau cadre de travail


(Restructurer). Il s’agit maintenant de retrouver la dimension locale dans nos projets, non pas comme une simple caractéristique du projet (comme si on apposait un label), mais bien comme l’élément fondateur de ce même projet. Le local s’oppose ici à la vision actuelle du global. Il s’agit d’utiliser simultanément la créativité populaire, locale et les ressources du territoire pour développer le projet. La question du local a intéressé de nombreux auteurs. Cela renvoie notamment au principe de subsidiarité16 du travail et de la production défini par Yvonne et Michel Lefebvre. Il consiste à systématiquement privilégier toute production pouvant se faire localement pour des besoins locaux. Serge Latouche ajoute que si les idées doivent ignorer les frontières, les marchandises et leur production doivent rester attachées à leur territoire. L’application du local à l’architecture est assez évidente. Dans Le Projet local, l’architecte Alberto Magnaghi énumèrent ces activités productives à teneur locale: « [Elles] concernent avant tout le processus d’autoproduction : entretien urbain, services de base et de secours réciproque, potagers urbains et marché locaux, entretien du milieu, activités culturelles et ludiques, activités d’autoconstruction, artisanat local. Ces activités de proximité favorisent les échanges non mercantiles, des relations de réciprocité et de confiance : en d’autres termes, elles permettent la création d’un espace public fondé sur la reconnaissance et la valorisation d’un patrimoine commun, et l’émergence de nouvelles relations « évitant la clôture sur soi-même ». » 17 Dans la même lignée, Rete del Nuovo Municipio18 définit un projet politique qui valorise les ressources et les spécificités locales, en encourageant les processus d’autonomie consciente et responsable. C’est un refus du pilotage extérieur (hétéro-direction) pour favoriser les interactions entre les acteurs locaux, l’environnement physique et le patrimoine territorial. Une architecture locale est donc une architecture qui saura tirer parti tant du patrimoine humain que physique du territoire dans lequel elle s’inscrit. Il ne s’agit pas ici d’une contrainte mais bien d’un formidable potentiel à prendre en compte comme origine du projet.

Réduire : La réduction a attrait à différents éléments de projet. Il s’agit en premier lieu d’une réduction liée à la stratégie environnementale, c’est-à-dire diminuer la consommation de matières premières, et donc réduire l’impact écologique del’intervention… Il peut également s’agir d’une réduction considérée de façon plus globale : réduire l’intervention architecturale à la satisfaction des besoins exprimés. Ainsi certains collectifs d’architectes tels qu’Ecosistema Urbano ou bien Muf Architecture/Art

16

Yvonne Mignot-Lefebvre et Michel Lefebvre, La Société combinatoire, Réseaux et pouvoirs dans une économie en mutation, Paris, L’Harmattan, 1995 17

Alberto Magnaghi, Le Projet Local, op. cit., p.92

18

Le Rete del Nuevo Municipio est une association créée en Italie en 2003, regroupée autour des valeurs de la démocratie participative, et de la défense d’une autogestion locale durable.

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assument dans leurs travaux une réduction de l’intervention physique à son minimum, c’est-à-dire à son essentiel: les architectes espagnols parlent d’ailleurs d’une architecture de l’acuponcture. La réduction n’est pas à considérer uniquement en termes de diminution, mais comme l’initiation d’un processus de pensée ayant d’autres implications. Paul Ariès note en effet qu’il ne s’agit pas de «faire la même chose mais en moins, mais bien au contraire de faire différemment »20. Il ajoute que « cette réduction vise un accroissement simultané du bien-être, des échanges sociaux, de la joie de vivre… ». Une des pistes de réflexion pour la réduction en architecture est donnée par Jean Pierre Charbonneau qui propose de « faire mieux fonctionner ce qui existe plutôt que de suivre la facilité qui consiste à chaque fois à construire du nouveau » 21. Il s’agit donc de construire mieux ou autrement, pour construire moins.

Recycler : Le recyclage est un autre mode d’action à considérer dans la réalisation d’un projet décroissant. Son application au domaine de l’architecture est relativement immédiate, bien que l’on puisse la détailler. L’architecte belge Jean-Marc Huygens22 définit un vocabulaire précis associé à l’emploi de matériaux usagers, en distinguant trois actions différentes. Il parle de réutilisation, recyclage et réemploi, se définissant lui-même comme un architecte du réemploi. Les distinctions sont les suivantes :   

Recycler = utiliser l’objet comme matière sans prendre en compte son passé, son ancien usage. Réutiliser = se servir plusieurs fois d’un objet sans en changer l’usage. Réemployer = conserver l’aspect initial de l’objet mais avec d’autres finalités que celles pour lesquelles il a été conçu.

Ce qui différencie ces trois actions est le rapport à l’histoire de l’objet et sa prise en compte dans sa nouvelle utilisation. Ce qui importe dans un processus de décroissance, c’est le raisonnement de la matière en cycle fermé : comment remettre en circuit ce qui a été utilisé et comment pourra être réutilisé ce que l’on met en circuit.

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Lors d’un appel à projet lancé par une mairie du sud de l’Angleterre, l’agence Muf Architecture/Art a remporté le concours en proposant de ne rien construire contrairement à ce qu’annonçait le programme. 20

Paul Ariès, La décroissance : un nouveau projet politique, op. cit., p.45

21

Jean Pierre Charbonneau, dans son article ‘Eloge de la simplicité et du recyclage’ au sein du manifeste AlterarchitecturesManifesto, Ed. Golias, Villeurbanne, 2012 22

Jean-Marc Huygens, La poubelle et l’architecte, Ed. Actes Sud, 2008


Il n’existe aujourd’hui que peu ou pas de projet d’architecture en France revendiquant leur appartenance à la mouvance décroissante. Afin de se confronter à ce que peut être l’expression concrète d’une architecture de la décroissance, nous franchirons donc l’Atlantique pour étudier le cas de Détroit. Détroit représente en effet l’un des exemples les plus emblématiques de la chute du modèle de croissance à l’occidentale. Identifiée comme une Shrinking City23, ville qui rétrécie, Détroit connait depuis ces cinquante dernières années une période de décroissance. Cette décroissance n’a pas fait l’objet d’une démarche volontaire comme celle qui est souhaitée par les objecteurs de croissance. Cependant on y retrouve l’ensemble des questionnements soulevés précédemment. Au travers de trois études de cas, nous dégagerons les particularités d’un projet d’architecture naissant dans un contexte de décroissance. Cette première étape d’analyse s’effectuera à partir des cinq critères principaux définis au chapitre précédent. Ensuite, nous tenterons de comprendre en quoi ces projets sont liés à leur contexte économique particulier, et comment ils pourraient s’appliquer dans une stratégie de décroissance volontaire et non subie.

Bref historique Détroit a longtemps été l’un des fleurons de l’ère industrielle aux Etats-Unis. Fin 19ème, début 20ème siècle elle est en effet le berceau de l’industrie automobile avec Henri Ford. La ville connaît alors une importante période de croissance pour devenir la troisième plus grande ville des USA. Alors à la pointe du progrès, Détroit accompagne les débuts de l’architecture moderne et fonctionnaliste aux Etats-Unis. Il y a trois raisons majeures qui vont expliquer la périclitation de la ville dans la deuxième moitié du 20ème. La première raison est raciale : les importantes vagues d’immigration ouvrière début 20ème sont presque intégralement constituées d’afro-américains. Ceux-ci occupent alors le centre ville à proximité immédiate des usines. La population ‘blanche’, plus aisée et occupant des postes à responsabilité, va alors peu à peu délaisser le centre pour rejoindre les banlieues. Dans les années 50, avec la nécessaire modernisation des systèmes de production, les constructeurs automobiles vont procéder à une délocalisation massive de leurs usines du centre vers la banlieue. Ces délocalisations vont engendrer d’importants déplacements de la population afro-américaine vers l’extérieur de la ville où ils ne seront pas acceptés par la population locale. C’est ce qui sera alors à l’origine des plus grosses émeutes raciales des Etats-Unis. La deuxième raison de la décroissance de Détroit est son économie mono-orientée. Intégralement basée sur l’automobile, la ville ne saura en effet faire face successivement à l’arrivée de la concurrence (essentiellement japonaise avec Toyota) et aux deux chocs pétroliers. Enfin, la troisième cause de la chute de la ville est son tissu urbain non mixte et très peu dense (une moyenne de 27 logements à l’hectare au plus fort de sa croissance). Hormis le downtown et son centre financier constitué de tours, Détroit est constitué à 88% d’un tissu 23

Sylvie Fol, ‘Déclin urbain' et shrinking cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine, Annales de géographie, 2010/4 (n°674)

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exclusivement pavillonnaire de maisons individuelles. Les importants lobbys automobiles ont freiné le développement des transports en commun. Les habitant deviennent alors fortement dépendants de leur voiture, à l’origine d’une importante précarité liée à la mobilité et à l’enclavement des habitations. Cette densité se situe aujourd’hui aux alentours de 7 logements/ha.

La décroissance à l’échelle urbaine Il n’existe aujourd’hui plus aucun financement public de projets. A l’inverse, un grand nombre d’équipements publics ferment, qu’il s’agisse d’école, de bureau de police, musée, etc… Parallèlement, hormis dans l’hypercentre et son financial district, les grands investisseurs privés sont quasiment absents du marché immobilier. Dans ce contexte là, se sont développés de nouvelles conditions d’émergence de projet propres à la ville de Détroit. Un nouveau processus dans lequel les citoyens reprennent une place centrale dans le projet. En effet, au cours des cinquante dernières années, les détroitiens sont devenus acteurs de leur ville. Ils ont, du fait de la décroissance, quitté la posture traditionnellement passive de citoyens des villes occidentales, pour adopter une démarche active dans la politique urbaine. La mairie s’est donc efforcée de donner un nouveau cadre à ces dynamiques naissantes afin d’organiser la décroissance à l’échelle urbaine.

Le Detroit Future City Strategic Framework. La première avancée de la municipalité de Détroit vers la prise en compte de la volonté et du dynamisme citoyen est la réalisation, de 2010 à 2012, du Detroit Future City Strategic Framework. Il s’agit d’un travail conséquent de consultation citoyenne réalisé par le Detroit Collaborative Design Center, ou DCDC. L’objectif du Framework est d’établir les stratégies urbaines à valoriser à Détroit dans les cinquante prochaines années, en s’appuyant intégralement sur les initiatives et volontés de la population locale. La réalisation de cet ouvrage marque les débuts d’une démarche collaborative initiée par la ville. Il s’agit d’un urbanisme participatif, qui a fait l’objet de deux ans de rencontres en groupes (57% de la population rencontrés soit 390 000 personnes), et consultations individuelles (8% de la pop. interrogée soit presque 65000 personnes). Les objectifs définis au terme de cet important travail d’enquête se démarquent par leur forte imprégnation des identités culturelles et sociales des habitants. Il s’agit d’objectifs souhaités ‘atteignables’ de par leur caractère progressif. Avec le Detroit Future City Strategic Framework, la mairie de Détroit propose donc un catalogue de contextes à potentiels, soit des lieux où accomplir des objectifs portés par l’engagement des habitants, et fondés sur les ressources physiques et humaines locales.

Les Community-Based-Organisations Avec la même intention de soutenir l’émergence de ces initiatives locales, est créé en 2002 le statut légal des Community-Based-Organisations ou CBO. Ces nouvelles structures sont un moyen pour la


ville de Détroit d’organiser le renouveau urbain et architectural, à une échelle plus locale qui est celle des quartiers. En conférant une valeur légale aux regroupements d’habitants, la ville facilite donc l’apparition de nouveaux projets à fondement local. Les CBO se définissent ainsi : 

La majorité des décideurs et des éventuels employés sont des habitants locaux,

Les bureaux sont situés au sein de la communauté,

Les zones d’intervention prioritaires sont identifiées et définies par les habitants,

Les solutions à apporter dans ces zones prioritaires sont développées avec les résidents de cette même zone

La conception du programme, sa mise en œuvre, et son évaluation impliquera des résidents à des postes de direction

La population locale, à travers les Community-Based-Organisations, devient donc l’acteur principal dans le développement de son quartier. Le nouveau système d’émergence de projet est alors le suivant : un ensemble d’habitant se regroupe autour d’intérêts communs formant une entité appelée community. Ceux-ci identifient conjointement une parcelle vacante ou un bâtiment désaffecté pour y insérer le programme correspondant à leur besoins partagés. La ville de Détroit étant propriétaire de la quasi-intégralité des bâtiments, maisons, ou parcelles inoccupés, elle s’engage alors à vendre à hauteur d’un dollar symbolique le terrain ou bâtiment convoité par la communauté à tout investisseur (à but lucratif ou non) acceptant de réaliser le projet désiré par la CBO. Le schéma habituel est donc renversé, le projet provient désormais de l’initiative des habitants et non plus de la mairie directement. Le Detroit Future City Strategic Framework et l’instauration des Community-Based-Organisations comme acteur principal des projets à échelle locale, sont les marques d’un urbanisme qui s’adapte à la décroissance en remettant la production de la ville aux mains des habitants. Ces nouvelles conditions d’émergence de projet sont encore en cours d’évolution. Elles montrent la tendance donnée par la ville mais ne correspondent pas à un cadre partagé par l’ensemble des projets d’initiative citoyenne (étant donné leur importante diversité et leurs spécificités respectives).

Analyse de trois exemples : Dans cette partie, trois projets situés à Détroit sont brièvement présentés. Chacun d’entre eux a été choisi pour être représentatif de ces projets naissants d’initiatives locales au sein d’un contexte de décroissance. Les trois exemples font l’objet d’une analyse afin de mettre en évidence si ces projets suivent les cinq critères ou étapes du projet politique de la décroissance par Serge Latouche : Reconceptualiser/Restructurer/Relocaliser/Réduire/Recycler.

1 . Power House Productions 2 . Brightmoor Vetal School 3 . Klinger Street House 17


Powerhouse Productions

Présentation Power House Productions est un ensemble de projets réalisés dans un même quartier par un collectif d’architectes et d’artistes au centre géographique de la ville de Détroit. Ce mouvement qui est né en 2005, est à la fois précurseur et emblématique de ce que peuvent être les projets d’architecture à Détroit dans le contexte de la décroissance. L’objectif de Powerhouse Productions est de stabiliser le quartier d’Hamtramck frappé par un important exode de ses habitants au cours des dix dernières années. Ce projet sort du cadre économique traditionnel puisqu’il est intégralement financé par des associations ou des donations individuelles sur le principe du Crowdfounding. Comme le montre la vue aérienne, Powerhouse productions se situe en plein cœur d’un tissu exclusivement résidentiel et constitue un groupe d’interventions réparties sur d’anciennes maisons et/ou parcelles vacantes. Il s’agit d’un processus continu de revalorisation de l’espace public, dont les interventions ponctuelles ont pour finalité de s’étendre peu à peu, par ‘contamination positive’, à d’autres blocs, puis d’autres quartiers… L’état actuel du projet est le suivant : deux maisons ont été converties en studio d’accueil pour artistes (Power House & Jar House), une autre en salle de performance dédiée au théâtre (Play House), une dernière est dédiée à l’expression musicale (Sound House) et enfin, trois parcelles attenantes sont en cours de conversion pour devenir un skate parc (Ride It Sculpture Park)… L’ensemble du projet se rassemble autour d’une même vision résiliente et bénéfique de l’architecture.

Analyse Cette partie d’analyse étudie le projet selon les cinq critères de Serge Latouche. L’objectif est de donner un rendu synthétique de la prise en compte de ces critères au sein du projet. Il est nécessaire de rappeler que ces 5 ‘r’ sont issus d’un projet politique et qu’ils ne sont pas revendiqués par les architectes. 

Reconceptualiser : Power House Productions est le fruit d’une architecture sans commande. De ce fait, le projet sort du schéma traditionnel promoteur-architecte-utilisateur. Cette sortie du jeu d’acteurs habituels permet de requestionner le rôle de l’architecte au sein du projet.


Les architectes de Power House Productions endossent en effet, au travers de ce projet, un rôle d’entrepreneur dans le sens où ils participent, activement, à la production de la ville. Cet esprit entrepreneurial s’appuie ici sur l’expression de besoins à l’échelle locale. Ce nouveau type de projet amène également la question du programme et de son mode de définition. Le collectif a préalablement communiqué son intention initiale de redynamiser le quartier par l’implantation d’activités artistiques. La définition exacte du programme contenu dans les différentes maisons s’est effectuée à la suite d’un travail de consultation des habitants. Le collectif a ainsi pris le parti d’organiser ce recueil de l’opinion locale sous la forme d’un ‘talent show’ dans lequel chaque habitant qui le souhaitait pouvait faire part de ses aptitudes artistiques. 

Restructurer : Le caractère inédit du projet a nécessité de sortir des processus habituels de conception. Dans le cadre de chacune des interventions (chaque maison transformée), le souhait du collectif a été d’associer de façon simultanée les étapes de conception et de réalisation du projet. L’absence de conception préalable à la mise en pratique a donné lieu à un certain nombre d’expérimentations sur site. Avec le recul, même si cela n’était initialement pas l’objectif, ce temps d’expérimentation a permis une forme d’interactions entre les architectes et les habitants, libres d’exprimer leur ressenti au fil de l’évolution des réalisations. La conception des projets a donc été effectuée par le collectif, mais en intégrant cette part d’échange ‘direct’ avec la population locale au moment même de la réalisation, c’est-à-dire au dernier moment.

Relocaliser : Le local est le principal levier du projet de Power House Productions. Il s’agit d’apporter au moyen du projet une réponse à des besoins locaux, en s’appuyant sur les potentiels matériels et humains du site. Cette prise en compte du contexte humain s’est majoritairement effectuée lors de l’établissement du programme basé sur les différentes aspirations et compétences artistiques des habitants du quartier (à l’occasion du ‘Talent Show’). Concernant le contexte physique, le projet s’est appuyé sur les maisons abandonnées. Ces bâtiments représentaient à la fois un fort potentiel de revalorisation, et étaient aussi les stigmates du délaissement du quartier. Choisir de baser le projet sur ces maisons-là plutôt que d’en construire de nouvelles a permis simultanément de retirer leur impact négatif sur le quartier pour les transformer en un symbole de dynamisme.

Réduire : Le choix pour Power House Production de travailler sur l’existant a permis une première minimisation des interventions. Les maisons choisies étaient saines structurellement, ne nécessitant donc qu’un travail de second œuvre. L’ensemble des bâtiments a été transformé dans une logique d’intervention minimale. L’idée est d’amener chaque maison jusqu’à un certain point où d’un élément négatif, elles deviennent une image positive pour le quartier. Ainsi certains projets se sont limités à quelques pièces (comme la Soundhouse), d’autres sont intégralement rénovés puisque cela ne nécessitait qu’un minimum de travaux. Selon le collectif, il s’agit de susciter une dynamique positive de revalorisation du quartier qui s’effectuerait progressivement, étape par étape, sans planification préalable. 19


Recycler : Le recyclage dans ce projet s’opère avant tout à travers l’utilisation des bâtiments vacants existants. Il s’agit d’ores et déjà d’un premier pas vers le réemploi des potentiels physiques du site. Cependant, on ne peut pas parler de démarche globale de projet liée à la problématique du recyclage. Certaines transformations de maison y ont recours par la récupération de matériaux issus des décharges sauvages, d’autres non. Ceci s’explique également par la faible quantité de nouveaux matériaux ajoutés au sein des différentes maisons, il s’agit essentiellement de reconfiguration des espaces.

Au terme de cette analyse, il est intéressant de noter que l’ensemble des cinq critères définis par Serge Latouche se révèlent être des préoccupations majeures du projet étudié. Le contexte imposé par la ville de Détroit génère donc des questionnements semblables à ceux que veulent initier le mouvement des Décroissants.

Ill. 1 : Evènement autour de lancement de Ill. 2 : Intérieur de la Play House dédiée à une Ill. 3: Echange entre architectes et habitants la première maison association de théâtre devant la Sound House

Ill.4 : Etat actuel avant transformation du Ill.5 : Vue intérieure de la Sound House futur projet de la Squash House

Ill. 6 : Vue extérieure de la Jar House, maison destinée à l’accueil temporaire d’artistes


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Brightmoor Vetal School

Présentation La Brightmoor Vetal School est un projet de reconversion d’une école fermée et abandonnée depuis 2010. Elle est située dans le quartier de Brightmoor, dont le taux de vacance des parcelles et de maisons est le plus important à Détroit, atteignant presque les 70%. Ce projet est le souhait de la Community-Based-Organisation des habitants de Brightmoor. Il fait l’objet d’un travail collaboratif entre les résidents, les donateurs et les architectes. L’intervention architecturale souhaitée n’a pas de limites géographiques clairement définies, puisqu’il vise à plus long terme la revalorisation du quartier dans son ensemble et pas seulement du site de l’école. C’est en cet aspect que le projet s’avère particulièrement intéressant : on pourrait qualifier sa démarche ‘lo-bale’ (par opposition au ‘glo-cal’24) dans la mesure où il s’attache à l’ensemble des particularités locales du site pour leur redonner un sens de façon globale pour le quartier. Les architectes choisis pour travailler sur ce projet sont issus du Detroit Collaborative Design Center. Le projet de la Vetal School s’insère donc dans la logique du Detroit Future City Strategic Framework. Il s’agit en quelque sorte de la concrétisation de cette démarche collaborative non plus à l’échelle urbaine mais à l’échelle du projet d’architecture. Le projet est encore en cours : seul le processus de conception collaborative et la première phase du chantier correspondant à la revalorisation des espaces extérieurs sont terminés. La prochaine étape est la transformation du bâtiment de l’école. Le programme est multiple, il s’agit de l’aménagement d’une cuisine pédagogique, d’une école fonctionnant sur le principe de l’échange de savoirs, de diverses salles d’accueil et de loisirs, ainsi que de salles de culte souhaitées par le donateur religieux.

Analyse 

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Reconceptualiser : Tout comme l’exemple précédent, on sort du cadre de lancement traditionnel d’un projet. Cependant, contrairement à Power House Productions, ce ne sont

Terme, qualifiant la hiérarchie supérieure du global Convivialité.

sur le local, employé par Ivan Illich dans La


pas les architectes qui en sont à l’origine mais les habitants eux-mêmes. Cela génère d’autres modes de fonctionnement en termes de conception. Le projet est en effet le fruit de l’initiative locale de la communauté d’habitants, qui de façon autonome a désigné un site pour y insérer le programme qui répondra à leurs besoins. Le mode de financement sort lui aussi des systèmes d’investissement traditionnels, il s’agit d’une institution religieuse à but non lucratif qui va financer l’intégralité des travaux sous réserve d’une réduction importante des coûts par la participation de la population locale. L’ensemble des conditions d’émergence du projet de la Vetal School est donc propice à la reconceptualisation. En sortant du cadre traditionnel, elles permettent en effet de remettre en cause nos croyances systémiques dans l’exercice de l’architecture, non plus fondé sur la croissance ou le profit, mais initier sur la base d’un contexte local spécifique et propice au projet. 

Restructurer : Le processus d’élaboration du projet par les architectes a été repensé pour s’adapter à la demande non plus d’un client mais d’un groupe de personnes aux intérêts variés. Le niveau de collaboration souhaité entre habitants et architectes pour ce projet est très important puisqu’il s’agit d’une implication continue de la population locale depuis le processus de conception jusqu’à la réalisation elle-même. Pour s’adapter à ces contraintes de projet, l’agence DCDC a développé sa propre méthode de travail collaborative appelée Neighborhood Engagement Workshop (NEW). Cela consiste en un ensemble d’ateliers successifs engageant les habitants dans le processus d’élaboration du projet. Il a également été du ressort des architectes d’organiser des temps de formation et de réalisation des travaux. L’ensemble de ces intentions de projet s’est traduit par un important travail de planification et d’organisation effectué en agence, donnant lieu à de nombreuses séances de conception participative sur site. Chaque séance a ensuite fait l’objet d’un travail de synthèse en agence, puis restitué à la séance suivante. Le contexte particulier du projet a donc amené les architectes à restructurer leur travail au service d’une démarche de conception et réalisation collaborative

Relocaliser : Le local est ici aussi le fer de lance du projet. D’un point de vue humain tout d’abord, on agit d’après la demande des habitants, pour les habitants, avec les habitants, et chez les habitants. A l’image des potentiels d’un projet local défini par Alberto Magnaghi, la population locale devient à la fois un gisement d’idées, un groupe d’experts du contexte, une main d’œuvre pour l’auto-construction et un moyen de surveiller le chantier (particulier à Détroit étant donné le contexte insécuritaire). La dimension humaine locale s’accompagne d’une gestion locale des matériaux. La majorité des ressources matérielles mobilisées dans la transformation de la Vetal School est issue de la déconstruction des maisons vacantes du quartier. Cela génère un double bénéfice puisqu’en plus de fournir une matière première pour le nouveau projet, on déconstruit ce qui était un symbole de délaissement et d’insécurité dans le quartier.

Réduire et Recycler : La stratégie de construction clairement assumée du projet est la réduction des coûts. Cela s’opère tout d’abord grâce à la participation des habitants dans la construction du projet. Cette démarche d’auto-construction est possible puisqu’il s’agit en 23


majorité d’un travail de second œuvre. Il s’agit ici d’un premier type de ‘recyclage’, celui des habitants majoritairement au chômage qui, grâce au chantier acquièrent une nouvelle formation. La diminution des coûts s’effectue également au travers de la réduction du recours aux matériaux neufs. Il est cependant nécessaire de noter que les matériaux de réemploi issus de la déconstruction induisent un temps de travail accru. Cela s’inscrit pleinement dans la démarche des décroissants, puisqu’il s’agit de revaloriser le travail social face à la production de matière. Pour intégrer la composante du temps, les architectes ont scindé le processus de transformation de l’école en une succession d’interventions plus réduites et indépendantes. Les cinq ‘r’, comme étapes fondamentales pour organiser la décroissance, se retrouvent également dans le projet de la Vetal School. L’accent est mis ici sur la prise en compte des ressources sociales du site et l’élaboration de nouveaux processus de conception autour de ce potentiel humain.

Ill. 7: Visualisation du projet d’un point de vue des espaces extérieurs


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Klinger Street Charlie O’Geen

Présentation Klinger Street House est un projet en cours de réalisation par l’architecte et artiste Charlie O’Geen. Il s’agit d’une réflexion menée sur une maison individuelle. Sa volonté est de travailler sur cette maison comme un modèle de conception reproductible à d’autres pavillons du tissu résidentiel de Détroit. Le projet consiste en la transformation de l’ancienne maison inhabitable en un lieu d’habitation adapté aux modes de vies actuels. L’intérêt principal de cette reconversion réside dans le mode opératoire choisi par Charlie O’Geen : ‘‘rework by unbuilding or reconfigurating materials from the site’’. Il s’agit de repenser le site (dont le bâtiment fait partie) comme une ressource de matériaux à réorganiser, reconfigurer pour faire émerger le nouveau projet. Son approche du projet permet ainsi de requestionner le rapport à l’existant pour ce qu’il est, mais aussi le rapport au temps dans la façon où il est redistribué tout au long du processus de conception.

Analyse Ce projet présente une très forte cohérence et simplicité en termes d’intentions architecturales. Les cinq critères se recoupent donc plus ou moins dans la mesure où ils servent une même démarche : fonder le projet d’architecture à partir du contexte matériel du site. 

Reconceptualiser : Le travail mené par Charlie O’Geen correspond à un projet de recherche mené en partenariat avec l’université de Cranbrook. Il se détache ici des considérations du système économique lui permettant de reconceptualiser le projet en définissant ses propres hypothèses. Il ne répond à aucune commande mais cherche seulement à explorer la question du logement individuel basée uniquement sur les potentiels du site : le site comme pont entre le site lui-même et le projet d’architecture.


Restructurer : Pour la réalisation de la Klinger Street House, Charlie O’Geen renverse les étapes de projet. Son travail est initié par la pratique avec la décortication concrète du site. Il commence en effet par réaliser un travail sur l’existant, en distinguant ce qui peut être conservé tel quel, de ce qui peut être réutilisé sous d’autres formes. Il déconstruit peu à peu le site pour n’obtenir au terme de ce travail que l’unique expression des potentiels de chaque élément du site. Cette étape préalable sur le lieu du projet va générer un catalogue de matériaux, ou d’éléments déjà construits à la disposition du projet futur. Il s’agit donc ensuite d’une recompilation ou reconfiguration de ces différents potentiels qui va former le projet d’architecture final.

Relocaliser : La Klinger Street House fait du local la seule et unique matière première du projet. Le bilan physique local du site est le même au début et à la fin du projet, le travail de l’architecte consiste ici à détecter des potentiels et à les repenser différemment.

Réduire & Recycler : la notion de réduction est liée à celle de recyclage au sein de ce projet, puisque c’est le recyclage intégral des matériaux du site qui permet la réduction de la consommation de matières premières à zéro. L’architecte revalorise ainsi le travail intellectuel et manuel comme la seule valeur ajoutée sur le projet. Il ne s’agit pas de produire du physique, de construire plus, mais uniquement de penser autrement à l’image de ce que dit Paul Ariès dans La décroissance, un nouveau projet politique.

Contrairement aux deux projets précédents, ce travail ne fait pas intervenir le contexte social du site, mais s’appuie uniquement sur sa composante physique. Dans la mesure où le projet s’inscrit dans une démarche de recherche, Charlie O’Geen souhaite pousser ici la question de l’utilisation du contexte comme ressource matérielle. Cependant il serait aussi intéressant de se demander comment la prise en compte du contexte humain aurait influencé cette méthode conception de ce projet.

Illustration 8: Maison de Charlie O'Geen après déconstruction

Illustration 9: Ensemble des matériaux collectés sur le site après déconstruction

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Ce qui ressort finalement de ces exemples c’est une architecture de projet, de processus, plus qu’une architecture source d’objets architecturaux. Cette nouvelle forme d’architecture n’est plus issue de la commande d’un client-promoteur mais générée par un contexte particulier. Ce contexte porte en lui, à la fois des caractéristiques physiques et humaines. Le projet d’architecture qui en découle, est autant de l’ordre de la construction matérielle que de la construction sociale. La concrétisation de cette architecture est une intervention minimum et juste, génératrice d’une impulsion, d’un nouveau dynamisme. Le projet est telle une couche rajoutée à un contexte, que l’on pourra encore faire évoluer ou au contraire soustraire, suivant les évolutions nouvelles de ce contexte. Il ne s’agit plus d’une vision de l’architecture comme productrice d’un objet figé mais comme source de mouvements et d’initiatives sociales. Ci-après sont développés les trois axes majeurs qui se dégagent de l’analyse de ces projets en contexte de décroissance.

Une architecture de processus L’architecte, entrepreneur De plus en plus, on assiste dans certains pays occidentaux à l’émergence d’initiatives citoyennes locales : fermes urbaines, habitats participatifs, slow town, etc. Ces mouvements d’auto-organisation généralement issus de regroupements d’habitants font écho à la mutation des conditions économiques et sociales actuelles. Ils sont le fait d’une absence d’intervention de l’Etat (du fait de la décroissance dans le cas de Détroit) ou d’un sentiment de frustration, d’impuissance de l’Etat dans la gestion des problèmes locaux. Ce nouveau type de dynamisme de proximité doit nous amener à repenser le rôle des urbanistes et architectes dans la ville. Il s’agit moins pour l’architecte d’avoir une démarche passive, répondre à la demande d’un client/promoteur, que de s’engager dès l’origine du projet. Ce que l’on constate au travers des trois exemples étudiés à Détroit (ainsi que dans beaucoup d’autres) c’est l’entreprenariat des architectes. Ils acquièrent un rôle actif dans la construction de la ville en s’appuyant sur les impulsions locales. En Europe, et plus particulièrement en France, le principe de l’Etat-Providence est davantage ancré dans la pensée citoyenne. Ce mode de fonctionnement favorise une posture passive dans l’attente d’une intervention provenant ‘‘d’en haut’’. On peut malgré tout évoquer certains projets qui témoignent d’une évolution des mentalités sur le vieux continent : le Campo de Sebada à Madrid, mouvement initié par des architectes pour requalifier une place vide afin d’y insérer une nouvelle

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dynamique sociale / le Luchtsingel, pont piéton créé à proximité de la gare principale de Rotterdam. Le projet a été initié par des architectes et financé par les citoyens au travers du Crowdfunding / etc. Pourquoi favoriser le rôle de l’architecte-entrepreneur ? Cela permet de sortir de la dualité de la commande publique/privée et d’organiser ainsi une nouvelle richesse de projet qui émerge autour des besoins et initiatives locales. Il ne s’agit plus d’une réponse à l’Etat (organisme bienfaiteur qui agit selon des mécanismes rodés et répétés, fonctionnant autour de ressources et décideurs centralisés) ni au marché privé (qui s’organise autour des ressources financières, et dont l’objectif est son propre intérêt financier), mais d’un soutien à un contexte local spécifique : où s’expriment des besoins (carence), des initiatives (dynamisme) ou les deux. Cette adaptation au contexte induit une séparation fonctionnelle et strucurelle avec les organismes privés et publics actuels. Cela conduit à mobiliser des acteurs aux modes de faire et aux temporalités différentes. Selon les architectes espagnols du collectif Ecosistema Urbano, sortir des marchés traditionnels c’est la porte d’entrée vers « l’économie sociale avec des projets plus créatifs ».

Plus qu’une architecture d’objet L’objectif constaté au travers des différents projets étudiés n’est plus uniquement de fournir un objet final, à savoir un bâtiment terminé, mais aussi d’accompagner un processus de développement du site. Dans le cas de la Vetal School, on se demande presque si les architectes ne sont pas principalement là pour permettre l’émergence du projet, plus que pour le réaliser eux-mêmes. Cela n’entre pas en contradiction avec les compétences initiales de l’architecte. En effet, il va non seulement s’assurer des qualités spatiales et d’usages du bâtiment, mais également mettre en valeur ses capacités de gestionnaire de projet dans la mise en place des relations avec les différents intervenants. Dans les trois projets analysés, au-delà de l’objet construit, on observe donc une réelle attention portée aux étapes de conception et de réalisation du projet. Il ne s’agit plus d’un objet architectural ‘parachuté’ n’ouvrant ses portes qu’une fois terminé. Le projet naît avec le contexte local, et évolue avec lui jusqu’à atteindre le niveau souhaité. Il s’agit de restaurer une valeur intrinsèque aux étapes premières du projet : la conception et la construction, comme vecteur social au sein du site. C’est une vision différente de l’architecture qui n’est plus seulement productrice d’objets spatiaux mais constructrice de projets sociaux. Elle devient le lieu d’une construction tant physique, que sociale. Par ailleurs, l’importance accordée au processus de développement du projet comme on peut le voir à Détroit, impacte également son résultat final. Charlie O’Geen, en évoquant sa production architecturale, dit: « this way of making architecture doesn’t produce the best buildings, but the most expressive ones. »


Une approche Bottom-up Le contexte de la décroissance marque une certaine évolution du rôle de l’architecte. Il devient aux côtés des habitants, un entrepreneur du projet. Tous sont actifs dans la production de la ville. Les projets sont ainsi initiés par une volonté locale issue du site, qu’elle soit portée par un habitant ou l’architecte lui-même. On peut donc parler d’approche ‘Bottom-up’ ou ascendante. Cela consiste à faire émerger le projet à partir de ce qui le constitue fondamentalement, par opposition à une approche top-down qui serait d’exprimer des intentions ne relevant pas directement du contexte local mais d’intentions globales. Ce qui caractérise l’ensemble des projets étudiés à Détroit, est en effet leur émergence liée aux conditions locales. Le quartier devient le terreau fertile propice à la naissance du projet. On peut distinguer deux composantes fondamentales du contexte local qui sont les générateurs principaux du projet: le contexte social et le contexte physique.

Prise en compte d’un contexte physique La Klinger Street House de Charlie O’Geen traduit bien cette prise en compte du contexte physique comme un potentiel de projet. Le site n’est plus seulement un terrain à bâtir, mais devient de par sa nature matérielle, une ressource à part entière du projet. Chacun des trois projets étudiés vient, par ailleurs, s’insérer dans des bâtiments existants, preuve de cet ancrage au contexte, de son analyse et de la mise à profit de ses potentiels. Le projet est l’occasion d’un décorticage approfondi du site. Cette analyse poussée du contexte physique permet d’avoir recours à moins de matériaux neufs et de penser au recyclage et au réemploi dans le domaine de l’architecture. Il s’agit à terme de produire la réponse la plus juste possible, la moins consommatrice au regard des potentiels matériels du site. La démarche poursuivie au sein des trois projets analysés pour la prise en compte du contexte physique pourrait se synthétiser ainsi : chaque élément matériel du site, qu’il soit présent naturellement ou déjà construit précédemment, doit faire l’objet d’une étude selon ses caractéristiques fondamentales, à savoir sa nature en tant que matériaux, sa forme, et sa fonction. Il faut ensuite distinguer laquelle de ces trois caractéristiques (nature/forme/fonction) constitue un potentiel pour le futur projet. De l’analyse de ce contexte physique, on obtient alors un ensemble de potentiels à revaloriser en tant ressource matérielle pour le projet. Ainsi, dans son projet, Charlie O’Geen a par exemple choisi de conserver le toit existant pour sa fonction, de réutiliser les pneus trouvés sur le site pour leur nature étanche, et de réemployer l’un des pilastres seulement pour sa forme esthétique. Le recyclage ou réemploi des matériaux, s’il permet de réaliser une économie en matière première, il soulève cependant la question du temps de travail supplémentaire qu’il requiert pour sa déconstruction. Cela s’inscrit dans les volontés politiques de la Décroissance en distribuant davantage d’argent pour la partie de main d’œuvre que la production de matière. Cela est financièrement possible dans les projets observés à Détroit grâce aux phénomènes d’autoconstruction, ou de chantier participatif. Dans un objectif de concrétisation pour l’ensemble des projets, les objecteurs de croissance envisagent d’attribuer un coût énergétique aux matériaux liés à leur production. On sortirait ainsi de la logique actuelle qui consiste à privilégier le choix de matériau ne nécessitant que peu de main d’œuvre (mais généralement plus coûteux énergétiquement). On 31


rétablit alors un équilibre plus sain entre main d’œuvre et matériau, à la faveur du travail de l’homme (et non de l’exploitation des ressources de la planète).

Prise en compte d’un contexte social Toujours dans cette approche ‘Bottom-up’, la deuxième composante sur laquelle s’appuient les projets analysés est la dimension sociale du contexte, c’est-à-dire les personnes présentes sur place. Cette population locale constitue une ressource non négligeable si elle est mise à contribution au fil du projet. Cette prise en compte du contexte humain au sein de Power House Productions et de la Brightmoor Vetal School est assurée au travers de la démarche collaborative des projets. Les habitants présentent un grand nombre de potentiels qui peuvent être valorisé à différentes étapes du projet. Investis en phase de conception, ils constituent un groupe d’expert, tant en terme de connaissance de leurs besoins en tant que futur usager, que dans la maîtrise du contexte et de l’environnement du site de projet. En phase de construction, ils représentent également une main d’œuvre disponible localement et généralement engagée, dans la mesure où le projet leur est destiné. L’ensemble de ces potentiels peut être mobilisé à différents degrés et selon différents modes de collaboration. Les projets étudiés expérimentent deux types d’implication de la population dans leur processus de développement. Power House Production travaille à une interaction plus spontanée avec la population qui fait l’objet de moins d’organisation. Pour l’établissement du programme d’abord, le collectif, qui connaît déjà l’orientation artistique de son projet, organise un ‘Talent Show ’. Cet évènement est l’occasion de révéler les compétences et intérêts artistiques des habitants. Il ne s’agit pas d’un atelier de travail mais seulement d’une façon d’initier le projet et de spécifier le programme en s’appuyant sur les aspirations artistiques déjà présentes au sein de la population locale. Pour la phase de réalisation, le collectif a fait le choix d’associer le travail de conception et de construction à travers l’expérimentation concrète sur le site. Ce mode de travail a permis sans l’organiser une certaine forme d’interaction avec les habitants. Il ne s’agit pas d’une collaboration proprement dite, mais d’une inspiration mutuelle autour de discussions informelles. Les phases d’expérimentation successives ont en effet permis de susciter des réactions spontanées de la population locale, à l’origine d’évolutions du projet au fil de sa construction. Mitch Cope, architecte et artiste du projet évoque l’une des ces interactions, qui traduit relativement bien le niveau d’échange avec la population: “There was this one time we were painting boards outside and I was playing with some patterns with rolling paint and one of the kids came by, a teenager, and he was like, “Mitch, what are you doing, what's going on with the windows?” I told him, “Well, I don't know, I'm just trying something out.” He looked at the paint, then at me, and said “try something else.” C’est ce type de réactions spontanées qui a guidé la conception des projets de PHP. Elles permettent une prise de recul sur le projet pour les architectes mais aussi une forme d’appropriation du bâtiment par la population qui exprime son opinion sur les évolutions de la construction. Avec le projet de la Brightmoor Vetal School le DCDC explore un degré de collaboration beaucoup plus important basé sur une forte organisation et planification du projet. Une série successive de workshops a été réalisée au cours de laquelle la population locale est mise à contribution. Cela


commence par une analyse engagée de chacun des habitants auquel il est demandé de prendre en photo les éléments considérés comme positifs ou négatifs de son quartier. Ce travail est alors restitué en commun au cours d’une ‘Pin-up session’ où l’ensemble des photographies sont agrafées sur un plan. L’étape d’analyse du site est suivie par un atelier de définition des besoins de façon individuelle puis collective. Ce programme provisoire sera ensuite mis à l’épreuve de la surface disponible au travers d’un workshop basé sur l’expérimentation concrète avec la maquette de site. Suivent ensuite des ateliers pratiques de déconstruction, recyclage des matériaux, etc. L’ensemble de ces étapes de collaboration est ponctué d’évènements de quartier, comme des repas ou des matchs de basketball sur le site pour investir l’ensemble de la communauté dans le projet, y compris ceux qui n’auraient le temps ou les capacités de participer aux ateliers. Cet investissement de la population, quelle que soit la forme qu’il prenne, présente l’avantage d’assurer une meilleure appropriation du projet. A son ouverture, le bâtiment est déjà quelque chose de familier, il est marqué par l’identité de la population locale. Ce n’est plus la proposition d’un architecte, mais le fruit d’un processus commun de mise en valeur des potentiels locaux, qui exprime son appartenance au quartier. Gina Cope, architecte pour Power House Productions, évoque cette appropriation facilitée : “The Program was uncommon and the appropriation process wasn’t granted, but people often says to us that they felt familiar to the buildings before it’s been finished because of their early involvement in the project”. Cette génération des projets à partir du contexte selon tous ces aspects, c’est-à-dire cette approche ‘Bottom up’, s’inscrit dans la continuité du questionnement soulevé par l’architecte Carlos Arroyo : ‘‘Que se passerait-il si, au lieu de rechercher des sites, nous recherchions des contextes ? Des situations spécifiques sans délimitation géographique clairement définie, mais présentant des aspects culturels, sociaux, économiques et identitaires prégnants en plus de leurs conditions physiques.’’

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Une nouvelle échelle d’intervention Après la posture de l’architecte et les modes d’élaboration du projet, ce qui fait la particularité de ces exemples issus de la décroissance est la nature même de l’objet construit. L’intention des architectes n’est pas de livrer un objet terminé, dans le sens où il serait figé dans le temps. Le projet intègre en effet un caractère progressif. Tout n’est pas forcément immédiatement réalisé, on procède davantage par étape. On commence par une première intervention qui se suffit à elle-même, et si l’on constate qu’un enthousiasme ou une dynamique favorable se créé, alors on pourra peut-être envisager l’approfondissement du projet ou même la création d’autres projets liés. C’est la politique qui veut favoriser une intervention simple et juste. C’est ce qu’explique Mitch Cope à propos de Power House Productions: “Bring [the houses] into a livable standard would have taken a lot of money, and a lot of work, but turn them into an art project is a step in the right direction in a sense that you’re not going all the way, but you’re going to a certain point […] where the house can become energized into a ‘positive element’”. L’objectif de PHP est de rendre à nouveau le quartier attractif pour enrayer la fuite des familles dans Hamtramck. Pour ce faire, les architectes ont fait le choix de procéder par phase, non pas comme un ensemble d’étapes préprogrammées, mais en se définissant à chaque fois un niveau accessible à atteindre porteur d’une image positive et générateur d’une nouvelle dynamique. Ainsi, ils ont commencé par transformer une première maison en salle de théâtre, la Play House. Ce projet a peu à peu attiré d’autres artistes et incité de nouvelles transformations de maisons en lieu de performance artistique… Aujourd’hui, la dynamique présente dans le quartier a permis d’atteindre les objectifs initiaux puisqu’un couple d’artiste et une famille ont décidé d’emménager dans deux de ces maisons. Il a donc fallu de nouveaux aménagements afin de les rendre habitables. Comme l’explique M. Cope, la rénovation complète des maisons abandonnées pour en faire des logements habitables n’auraient pas été envisageable financièrement au début du projet. C’est le fait d’avoir procédé par étape en y intégrant la notion de temps qui a rendu possible le projet, tant en terme de coût qu’en terme de dynamique et d’envie. Tout construire tout de suite, c’est-à-dire convertir les maisons abandonnées en maisons habitables, n’aurait certainement pas permis de redynamiser la quartier, et donc de susciter l’envie d’y habiter. Selon une démarche similaire, le DCDC a planifié une conversion progressive de la Vetal School. Cette transformation débute tout d’abord par la conversion de l’annexe de l’école en poste de surveillance. L’objectif est de sécuriser la zone et ainsi remettre en confiance les habitants. La seconde étape se concentre sur le réinvestissement des espaces extérieurs du site afin de refamiliariser la population locale avec l’espace de l’ancienne école. Cette étape a pour but de remobiliser plus largement l’ensemble de la communauté à travers la réappropriation des nouveaux espaces de loisirs (étape actuelle du projet). Cette nouvelle dynamique générée à proximité directe du bâtiment de l’école permettra ensuite d’initier sa reconversion. La rénovation de l’école aura alors lieu en deux phases, en commençant par le rez-de-chaussée comportant l’ensemble des éléments du programme, suivis de leurs éventuelles extensions au R+1. L’idée est donc de développer des processus de conception qui soient incrémentaux, étalés dans le temps et redéfinissables en fonction des conditions nouvellement créées.


« [L’architecture] doit aller à l’essentiel, produire des solutions chaque fois singulières, qui s’épurent des excès et des facilités en tout genres, qui à défaut de coûter, innovent pour trouver des solutions, inventent, recyclent, sont capables de voir en toute chose les qualités qu’elles recèlent plutôt que les défauts, en y intégrant les nouveaux modes de vie. » Olivier Mongin La Décroissance est un modèle de société qui interpelle et nous invite à remettre en question les croyances acquises au travers du système politique et économique actuel. Cela nous conduit non seulement, à remodeler nos modes de pensée, mais également nos modes de faire. L’architecture qui serait générée selon cette vision politique en ressort donc transformée, tant dans ses processus de conception que dans son résultat final. Ce mémoire permet donc d’envisager ce qu’est cette nouvelle architecture, composante essentielle et motrice dans la construction d’une société de la décroissance. Bien qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune production architecturale revendiquée ‘décroissante’, il est possible d’établir une méthodologie de projet appliquée au domaine de l’architecture fondée sur le travail de Serge Latouche. Les différentes étapes du projet politique suggéré par ce dernier, constituent, une fois appliquées au domaine de l’architecture, les axes majeurs de ce que peut être le développement d’un projet architectural dit ‘décroissant’. L’analyse d’exemples concrets à Détroit, ville où la Décroissance est un phénomène actuel, nous renseigne sur la nature de ce nouveau type d’architecture. Les projets analysés permettent tout d’abord de confirmer la vraisemblance des pistes de développement de projet souhaitées par les objecteurs de croissance : Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Réduire et Recycler. Détroit, en offrant un contexte économique et social spécifique, propose un nouveau mode de production de l’architecture. L’absence de ressources économiques, conduit en effet l’architecte à reconsidérer des ressources jusqu’alors sous-exploitées, porteuses pourtant d’une richesse différente mais bien plus importante dans la construction d’un projet architectural. Ces potentiels revalorisés sont ceux du contexte local, autant dans sa nature physique, que dans sa composition humaine. L’architecture devient plus spécifique, et plus complexe dans le sens où elle est alors productrice de projets locaux, et non plus simplement d’objets architecturaux. Elle se caractérise comme une architecture de processus, appuyée sur une démarche Bottom-up c’est-à-dire locale, et source d’une nouvelle échelle d’intervention. Si les caractéristiques majeures de cette architecture apparaissent aujourd’hui dans certains projets en Europe : on connait en effet l’importance accordée à la phase de chantier par Patrick Bouchain, comme celle liée au recyclage dans le travail de Jean-Marc Huygens, ou bien la démarche collaborative de Lucien Kroll,… ; ces derniers n’en sont pas pour autant des projets décroissants. Ce qui génère une architecture de la décroissance à proprement parler, c’est la prise en compte de l’ensemble de ces critères, suivant une démarche globale portée par une ligne idéologique. Certains 35


projets étudiés à Détroit concrétisent cette vision. Ils pourraient donner lieu à des expérimentations similaires dans des contextes cette fois-ci non contraints, comme les témoins d’une architecture ‘décroissante’ engagée, issue d’une démarche volontaire. Pour conclure, ce travail constitue ainsi une première approche analytique, non exhaustive, de l’application de la décroissance (vision politique) au domaine de l’architecture. Il conviendrait désormais de le faire évoluer, en étudiant les possibilités d’implémentation de cette méthodologie d’architecture décroissante dans notre société. Cela nous pousserait alors, à définir les conditions favorables à une transition sociétale proactive, grâce à l’architecture. Initier un changement de modèle, de la croissance vers la décroissance, au moyen de l’architecture en tant que génératrice du cadre de nos sociétés,… … serait un projet prometteur.


Ouvrages P. Ariès, « La décroissance : un nouveau projet politique», Villeurbanne, Ed. Golias, 2007 N. Georgescu-Roeben, La Décroissance,Entropie-Ecologie-Economie, Ed. Sang de la Terre, 1995 F.Gesualdi, « La Sobriété», Feltrinelli, Milan, 2005 A. Gorz, « Ecologica», Ed. Galilée, 2008 J.M. Huygens, « La poubelle et l’architecte», Ed. Actes Sud, 2008 I.Illich, « La Convivialité», Ed. Seuil, 1973 R. Koolhaas, « Junkspace», Ed. Payot, 2011 S. Latouche, « Le pari de la décroissance», Ed. Fayard, 2006 Y. Mignot-Lefebvre & M. Lefebvre, « La Société combinatoire, Réseaux et pouvoirs dans une économie en mutation», Paris, L’Harmattan, 1995 A. Magnaghi, « Le projet local», Ed. Mardaga, 2003 Joseph Schumpeter, « Histoire de l’analyse économique », Paris, Gallimard, 1983 “Detroit Future City, Strategic Framework Plan” rédigé par le Detroit Collaborative Design Center, Detroit, 2012

Articles J.P. Charbonneau, « Eloge de la simplicité et du recyclage » dans Alterarchitectures Manifesto, Ed. Golias, Villeurbanne, 2012 S. Fol, « ‘Déclin urbain' et shrinking cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine », Annales de géographie, 2010/4 (n°674) J.M. Harribey, « Les théories de la décroissance : Enjeux et Limites », Cahier français ‘développement et environnement’, n°337, mars-avril 2007 C. Laurens, « Architecture : la fin du productivisme » dans Alterarchitectures Manifesto, op.cit. D.H. Meadows, «Halte à la croissance» traduction française de « Limits to the Growth », extrait de « Club Of Rome’s project on the Predicament of Mankind », New Yord, Ed. Univers Book, 1972 O. Mongin, « Faire beaucoup avec peu, vite et bien… », extrait de La Condition Urbaine, p.200, 2013 Walker & al, Resilience, adaptability and transformability in social-ecological systems, Ecology and Society, 2002, n°9 37


Exemples d’ateliers collaboratifs du programme NEW pour le projet de la Brightmoor Vetal School, développé par le Detroit Collaborative Design Center


Gestion du phasage par ĂŠtape, Brightmoor Vetal School

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