La prolifération des labels environnementaux, vecteur de l'appauvrissement de l'Architecture.

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! La prolifération des labels environnementaux, vecteur de l’appauvrissement de l’architecture en France

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Impact de la superposition de règles, normes et certifications environnementales sur le processus de conception de logements collectifs en France

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Directrice de mémoire : Elodie NOURRIGAT, Architecte, enseignante à l’ENSA de Montpellier



ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE

DE MONTPELLIER

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Domaine Thématique :! Métropoles du Sud! Mémoire présenté par :! Maurice SCHWAB!

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La prolifération des labels environnementaux, vecteur de l’appauvrissement de l’architecture en France.

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Impact de la superposition de règles, normes et certifications environnementales sur le processus de conception de logements collectifs.

! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Jury : 26 Janvier 2015 ! ! !

Composition du jury : Daniel DELGADO, Architecte Laurence KIMMEL, Architecte Elodie NOURRIGAT, Architecte Isabelle BERTHET-BONDET, Architecte

Directrice de mémoire : Elodie NOURRIGAT, Architecte

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REMERCIEMENTS

" Je souhaiterais adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce travail de recherche depuis ses premiers questionnement, au printemps 2013.

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Dans un premier temps, je suis très reconnaissant aux architectes qui ont accepté de me recevoir et de prendre le temps de répondre à mes questions : Francis Soler, Manuel Gausa, Florence Raveau, Mickael Dominguez Gorsse, Patrice Genet et Rudy Ricciotti. Ces entretiens ont été un appui fondamental à l’approche des questions soulevées pendant presque deux ans.

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Je tiens également à remercier madame Elodie Nourrigat pour ses conseils avisés dans la période difficile de restitution du travail de recherche. Merci à madame Julie Morel, messieurs Laurent Viala et Lambert Dousson pour leur précieuse aide lors des premières démarches de recherches. Merci à madame Annabelle Iszatt, mais aussi à toute l’équipe pédagogique du domaine thématique Métropoles du Sud pour la qualité de son organisation et le contenu de ses enseignements.

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Enfin, je remercie ma famille, les architectes, ingénieurs et autres professionnels du bâtiments qui ont parsemé mon cursus. Ils ont été indispensables, par leur soutien ou les enrichissements intellectuels qu’ils ont provoqué, à l’élaboration de ce mémoire.

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SOMMAIRE

" Remerciements " Introduction " I. La sur-réglementation et la qualité architecturale, définitions. "

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A. Règlementation Thermique, état des lieux et perspectives. 1. RT 2000, RT 2012, une évolution rapide. 2. RT 2020, quelles exigences à venir? 3. La part laissée au concepteur.

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B. Les labels et certifications, paysage règlementaire supplémentaire. 1. La démarche HQE. 2. Les certifications nées de cette démarche, fonctionnement. 3. Impensés et freins à la conception.

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C. Autour de la sur-réglementation, de la place pour la qualité? 1. Avis sur les règles, les normes, les labels. 2. La part de marketing. 3. La certification environnementale, « tyrannie écologique. »

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" II. Postures et réalisations : du rôle politique et citoyen de l’architecte. " "

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A. Idéaux architecturaux. 1. Quelles qualités pour le logement collectif aujourd’hui et demain? 2. L’architecte, un sachant avant l’heure de la normalisation. 3. La place de la norme et des règles dans la conception.

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B. Le concepteur face à la sur-réglementation et la certification. 1. Postures et réactions. 2. La part d’acceptation, de soumission. 3. De nouvelles manières de concevoir?

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C. Réalisation, traduction qualitatives malgré l’abondance de règles. 1. De l’importance du dialogue avec la maitrise d’ouvrage. 2. Biaiser la norme, le label. 3. Se battre.

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III. Vers des qualités architecturales à l’épreuve de la sur-règlementation.

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A. Importance de la culture comme apport qualitatif. 1. Le quatrième pilier du développement durable. 2. Contextualité / Hypercontextualité. 3. Reconsidérer le rôle de l’architecte dans la Cité.

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B- L’enseignement à la base. 1. Une nouvelle génération de sachants. 2. Refonte de l’enseignement de l’Architecture en France. 3. L’importance de la construction.

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C. L’engagement intellectuel de l’architecte. 1. Prendre la parole. 2. L’école perpétuelle. 3. Transmission.

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" Conclusion " " Bibliographie "

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Annexes

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INTRODUCTION

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Il n’y a pas de recette miracle pour être architecte, pour bâtir et infléchir le réel; cette notion, cette évidence même, est héritée des erreurs commises à chaque tentative de systématisation de la manière de concevoir et de construire. De la ville musée, immuable, à celle du chemin de grues des modernes, les systématisations ont laissé des traces régulièrement décriées. Depuis le Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro en 1992, la législation accompagnant les acteurs de la construction s’est vue enrichie au nom du développement durable. Cela se fait sous l’impulsion de résolutions telles que l'Agenda 211 qui, entre autres, a entrainé l’adoption de la loi SRU en France. Ceci résulte de la prise de conscience qu’il n’était plus envisageable de vivre comme nous l’avions fait jusqu’alors : en consommant sans compter. Les anglo-saxons ont les premiers participé à ce changement, ne serait-ce qu’en définissant la notion de développement durable avec un texte fondateur présidé par la femme politique norvégienne Gro Harlem Brundtland.

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« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », […] et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir2.»

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L’explosion du nombre de règles, normes et de labels est depuis une réalité du monde de l’aménagement et de l’édification en France3. Cette prise de conscience a vu la naissance de nombreux services spécialisés dans l’accompagnement d’une architecture respectueuse de l’environnement. Les architectes, convaincus et en accord sur le fond du problème et de l’urgence de la situation, n’ont pas pour autant

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Né en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio, l'Agenda 21 (ou Action 21) est un plan d'actions pour le 21ème siècle ayant pour but la mise en place d'un développement durable; qui garantit à chaque être humain bien être et dignité, tout en préservant la planète pour les générations futures. - Source : http://www.agenda21france.org 2

Extrait du rapport Brundtland édité en 1987 ayant servi de base au Sommet de Rio - Source : http://www.diplomatie.gouv.fr

On dénombre 3700 normes encadrant la construction de logements en France. - Source : 20h de TF1 autour duquel François Hollande a annoncé son choc de simplification administratif. 3

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pris part4 à la mise en place de processus futurs de conception et de réalisation de ce qu’ils allaient pourtant dessiner ; ce sont les politiques, industriels et ingénieurs qui se sont emparé de ce volet pour faire valoir leurs compétences techniques et méthodologiques. Aucun problème avec la loi. En effet la règlementation thermique est rapidement assimilée dans ses versions de 2000 et de 2005 directement nées des engagements pris à Rio de Janeiro. La RT 2005 est complétée de labels officiels, Haute Performance Environnementale (HPE) et Bâtiment Basse Consommation (BBC) font leur apparition dans le paysage architectural français : ils ont pour but d’encourager l’édification de bâtiments plus performants énergétiquement que ce que la loi exige. La Règlementation Thermique se voit ensuite évoluer, la RT2012 et ses exigences font suite aux dispositions prises lors du Grenelle de l’Environnement en 2007.

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Un phénomène commercial, car cela était “du lobbying commercial et une stratégie de développement industriel5“, parallèle à ce gonflement législatif, fait l’objet de vives réactions et prises de positions de la part des architectes : il s’agit de la labellisation des édifices selon des préceptes édictés par l’association HQE® depuis sa création en 1996. La naissance d’organismes de certifications nommés par l’association HQE® pour délivrer les labels environnementaux est alors engagée, ces certifications se superposent à la loi, surenchérissent sur les exigences officielles, et deviennent finalement des normes6. En 2004, l’association HQE® est déclarée d’utilité publique et il s’en suit la création de nombreuses certifications pour chaque programme bâti : logement collectif, individuel, tertiaire, équipement sportif, projets urbains, etc7. Tendant à remplacer les labels officiels basés sur la RT applicable, ces labels commerciaux sont exigés par les maîtres-d’ouvrage publics et privés qui y voient un excellent moyen de communiquer et de vendre leurs projets. Aujourd’hui et malgré les critiques de cette dérive commerciale, malgré le fait que l’Ordre des Architectes ait quitté l’association HQE® en 20058, suivi par l’Institut 4

Tant en Espagne qu’en France, les architectes sont peu invités à s’exprimer, réfléchir et proposer lorsqu’il s’agit d’établir une méthodologie ou une direction commune à tout un pays. - Source : Entretiens avec Manuel Gausa et Francis Soler. 5

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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La démarche HQE est formalisé dans trois documents normatifs : les normes NF P01-020-1 et XP P01-020-3 et le guide d’application (GA) P 01 030. - Source : http://assohqe.org 7

Il existe une certification NFHQE pour chacun de ces programme.

Source : http://assohqe.org/hqe/spip.php?rubrique45 8

Patrice Genet, L’Ordre des Architectes quitte l’association HQE : Quelques explications.! Source : http://www.architectes.org/developpement-durable/debats/l2019ordre-des-architectes-quitte-l2019association-hqe 7


pour la Conception Environnementale du Bâti en 2009, force est de constater la forte demande et réalisation de projets estampillés de certifications9 enfantées par la démarche HQE® en France.

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Nombreux sont les architectes renommés à s’emparer du sujet, parfois de manière très médiatisée, à l’instar de Rudy Ricciotti qui profitait que lui soit remis le Grand Prix National d’Architecture en 2006 pour critiquer l’approche de la démarche HQE® et publier la première version de son pamphlet éponyme. Il rejoint Claude Vasconi, Francis Soler et Julien Rousseau pour établir un rapport ministériel commandé par Jean-Louis Borloo en 2009, rapport qui restera sans suite après qu’il y ait été évoqués les éventuels résultats contre-productifs de telles démarches. Nicolas Michelin, Patrice Genet et Dominique Gauzin-Müller se joignent à ces critiques dans leurs écrits et conférences, mais aussi Franck Boutté, ingénieur spécialisé dans la question environnementale. La prise de position de ce dernier est d’importance car malgré sa position d’ingénieur, il est parmi les premiers à poser la question de la qualité architecturale et urbaine de ce que nous construisons sous l’impulsion de la HQE®.

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Une qualité qu’il incombe à l’architecte de défendre, en dépit de la confiscation de son rôle de conception par certains volets de la démarche certifiée HQE®. Une confiscation relative, partielle ou complète souvent critiquée par ces intervenants. Ainsi sous leur impulsion nous pouvons nous interroger sur l’impact standardisant de la labellisation environnementale sur la conception architecturale en France? Dans quelle mesure confisque-t’elle le rôle de concepteur à l’architecte? Ces questions restent entières et sont même replacées au coeur d’un débat national alors que la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education de l’Assemblée Nationale déposait le 2 Juillet 2014 un rapport d’information sur la Création Architecturale10. Un rapport qui souhaite replacer l’architecte au coeur de la planification et de l’édification de la ville. Une ville qui se crée, en grande partie, dans la perspective de la voir gonfler encore démographiquement ainsi “l’aire urbaine de

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Données croisées : Mises en chantier annuelles pour le logement collectif en France (Source : INSEE), Rapport d’activité 2013 de l’association Qualitel (Source : http://asp.zone-secure.net/v2/index.jsp?id=1075/1350/46894&lng=fr). Rapport de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la Création Architecturale, présenté à l’Assemblée Nationale par Patrick Bloche, 2 Juillet 2014. 10

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Toulouse est la plus dynamique de France en matière de croissance démographique11“, selon l'INSEE. Les villes de France, selon nos dirigeants, nécessitent la construction d’au moins 500 000 logements par an12. Cet objectif de construction de logements neufs, en parallèle d’une politique de rénovation qui ne sera pas approfondie ici, devient plus que jamais un enjeu de la fabrication de la ville “aimable“ dont parle Franck Boutté13 - une ville qualitative qui passera par des bâtiments qui le seront tout autant.

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Afin d’aborder ces questions, nous allons tout d’abord nous attacher à définir clairement ces termes, liés au développement durable, qui aujourd’hui font le quotidien de tous les professionnels du bâtiment, concepteurs comme entrepreneurs. Ainsi seront interrogées les différences entre règle, norme et label ou certification afin de mettre en lumière la superposition de ces dispositifs. L’apparition de la démarche HQE® et toutes les dispositions qu’elle a engendré, les manques aussi, seront exposés afin de déterminer quelle place cet amoncellement de certifications prend désormais dans la construction en France. L’importance de ces éléments dans le processus de conception sera aussi étudiée au travers des différentes réactions d’un groupe d’architectes remarquables par leur prise de position, leur démarche conceptuelle et leur traduction construite. La posture de l’architecte face à cette superposition de normes et de labels sera ensuite étudiée plus précisément, posant la question du rôle politique et pédagogique de ce métier. Le fait qu’il est possible d’anticiper la norme par la capacité de synthèse inhérente à l’exercice de l’architecture viendra éclairer sur la propension de l’architecte, entouré par son équipe de conception, à défendre les qualités idéalisées dans une esquisse de projet. Un combat pour la sauvegarde d’une culture architecturale, mais surtout pour la sauvegarde des qualités que l’architecte maîtred’oeuvre avait déjà en tête bien avant tout processus réglementaire ou de certification. Les processus lui permettant de défendre ses qualités et sa capacité à les faire tenir jusqu’à la construction seront exposés au moyen de parallèles entre la posture, le discours de l’architecte et des exemples construits.

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Toulouse a la couronne la plus dynamique de France, Article de Philippe Emery, La Dépêche, 11 Juillet 2014.

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Source : http://www.territoires.gouv.fr/objectifs-500-000-simplifier-et-gagner-en-qualite

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Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, 2009. 9


L’architecte et sa force de proposition seront l’objet d’un dernier développement. Son apport dans la conception et la réalisation du projet architectural mais aussi les moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour réhabiliter cette force au coeur du processus opérationnel seront exposés ici. L’ exposition croisée de ces éléments au regard de l’engagement de l’architecte, devrait parvenir à éclairer les dimensions intellectuelles, conceptuelles et concrètes de cet engagement - ceci s’étayant sur les écrits, prises de paroles et réalisations exemplaires de Rudy Ricciotti, Francis Soler, Patrice Genet, Manuel Gausa et Florence Raveau.

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Ce travail de recherche appuyée sur les postures des protagonistes pré-cités, postures recueillies en croisant les écrits et interventions de chacun avec des entretiens personnels14 sur la problématique engagée ici. Des postures qui sont adossées à une de leurs réalisations de logements collectifs, des projets qui illustrent la traduction quotidienne de leur pensée concernant l’acte architectural. Elle tend à éclairer la question de la qualité architecturale dans un monde globalisé où la nouvelle recette miracle semble être la certification environnementale. Il s’agit d’une recherche à la lumière de leur regard critique mais constructif sur la question posée quant aux qualités inhérentes à l’exercice de l’architecte, au présent comme au futur, dans l’idée de produire une architecture qui n’aurait pas de durable que le nom ou l’image.

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Cf. retranscriptions en annexes. 10



I. La sur-réglementation et la qualité architecturale, définitions.

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La conception et l’édification de logements collectifs en France est régie par une quantité non-négligeable de règles, normes et, depuis les années 2000, des labels environnementaux créés après le troisième Sommet de la Terre. En théorie, les limites entre ces différents éléments régissant l’architecture sont bien définies. Dans un premier temps et accompagnant les textes de lois, il y a la règle, seul élément dont l’application soit obligatoire. Elle peut porter autant sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite que sur des questions liées au développement durable avec par exemple la Réglementation Thermique (RT). C’est de celle-ci qu’il est question ici, et surtout des éléments qui se superposent à la règle, comme la norme. Les normes établissent une base de solutions techniques communes à tous les acteurs de la construction. Elles sont édictées par l’Association Française de NORmalisation (AFNOR) dans une logique d’industrialisation du bâtiment15. Il s’agit déjà de solutions techniques spécifiques et industrialisées auxquelles se heurte la démarche de l’architecte fondée sur une conception globale du projet : de son contexte territorial au détail constructif. Additionnées à ces deux éléments qui encadrent déjà l’acte architectural, les certifications environnementales sont apparues et se sont multipliées. Il s’agit de démarches commerciales issues du lobbying industriel : elles visent à la mise en valeur et la défense des caractéristiques de leurs produits - ici des bâtiments supposés plus respectueux du point de vue environnemental.

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Ces trois dispositifs, qui impactent de leurs exigences la conception et la construction en France, semblent ici clairement indépendants; c’est cependant de leur entrelacement parfois inextricable16 que vient la difficulté de produire une architecture de qualité dans un secteur déjà très contraint comme le logement collectif.

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D’après les propos du directeur de l’AFNOR, recueillis lors d'une conférence du collectif OOB, Le biais et la norme, Architectes...Au bord de la crise de nerfs!, Janvier 2008 à Paris. Entretien avec Florence Raveau et Mickael Dominguez Gorsse à propos du projet de l’ilot E8 de la ZAC Clichy-Batignolles : “quand ça ne fonctionne pas parce qu’il y en a trop, on déroge, on y est obligés“ - 27/10/2014. 16

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A. Règlementation Thermique, état des lieux et perspectives.

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1. RT 2000, RT 2012, une évolution rapide. La première Réglementation Thermique française a vu le jour en 1974, suite au choc pétrolier de 1973, elle imposait une isolation des parois et la régulation des systèmes de chauffage. Elle ne s’appliquait alors qu’aux bâtiments de logements neufs. Cette antériorité, dans le contexte de construction massive des Trente Glorieuses, montre à quel point le logement collectif était déjà l’espace privilégié pour l’expérimentation et l’application des règles d’édifications en France. Il faudra attendre 1988, soit 14 ans, pour que cette réglementation concerne aussi les bâtiments publics et non-résidentiels.

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Les RT 2000 et 2005 correspondent quand à elles à l’application de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et à l’utilisation rationnelle de l’énergie. Dés 2000, sous l’impulsion des dispositions prises au Sommet de la Terre à Rio, la RT et les arrêtés qui la constituent fixent les caractéristiques thermiques minimales, les méthodes de calculs de la consommation énergétique d’un bâtiment ainsi que les caractéristiques thermiques servant de références pour ces calculs. Son évolution directe est la RT 2005, dont le principe est de comparer le bâtiment projeté à un édifice de référence. Ce dernier lui est semblable géométriquement mais présente des caractéristiques techniques prédéfinies dans la réglementation. L’objectif, pour respecter ce texte, est d’être plus performant que le bâtiment de référence, être donc mieux isolé et moins vorace en énergie. Ces performances sont évaluées selon les règles de calculs et les logiciels développés par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment.

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La RT 2012 est un engagement fort du Grenelle de l’Environnement de 2007, elle devient la référence et vise à terme la division par trois de la consommation énergétique du parc immobilier français. Elle s’aligne sur le label BBC 2005, le généralise, avec une consommation maximale fixée à 50kWh.ep/m2/an17 modulable selon la zone climatique concernée. Ceci représente “une avancée majeure […] sans

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50 kilo Watt heure d’énergie primaire (équivalent pétrole), par m2, par an. 12


équivalent en Europe : la généralisation des Bâtiments Basse Consommation (BBC), un saut énergétique plus important que celui réalisé ces 30 dernières années18.“ L’application de cette réglementation à toute la France a eu lieu le premier janvier 2013 et c’est celle-ci qu’il nous faut respecter jusqu’à la prochaine (cf. illustration19).

2. RT 2020, quelles exigences à venir? La RT 2020 qui sera mise en place entend pour l’instant mettre en oeuvre le concept de Bâtiment à énergie POSitive (BePOS) et valoriser par conséquent la production énergétique de chaque bâtiment dans le même temps que sa faible consommation20. Ces réglementations, en tant que traduction directe de la législation française, sont donc incontournables et leur respect/application est obligatoire de la conception à la réalisation de tout édifice en France.

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Monsieur Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, et Monsieur Benoist Apparu, secrétaire d'Etat, en conférence de presse pour présenter la RT 2012 - 6 juillet 2010,

Source : http://www.rt-batiment.fr/batiments-neufs/reglementation-thermique-2012/presentation Schéma des exigences de la RT2012

Source : http://www.baticonform.com/reglementation/reglementation-isolation/90-reglementation-thermique.html 19

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Source : www.rt-bâtiment.fr 13


Au vu de la chronologie de leur apparition et des exigences mises en place par les RT, on peut noter l’importance croissante des considérations énergétiques dans la démarche environnementale et sa traduction dans les textes de loi. Il s’agit de considérations ultra-spécifiques, liées à la seule consommation énergétique du bâtiment, mesurée au travers de processus techniques généraux développés à l’échelle nationale, qui amènent à ne considérer le développement durable que sous la vision spécifique de sa dimension environnementale : l’économie d’énergie - “Mais on parle beaucoup d’énergie, et c’est ce qui m’agace parce que construire bien ça n’est pas simplement répondre à des exigences énergétiques21.“

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3. La part laissée au concepteur. Les objectifs sont donc fixés, par les RT 2000 à 2012, aux concepteurs de s’y préparer, de s’y tenir. Par concepteurs bien entendu il s’agit de toute l’équipe de maîtrise-d’oeuvre mais surtout, parce qu’il est finalement le premier responsable du projet qu’il signe, l’architecte. Sa place et son rôle ne sont pas remis en cause par les RT, mais il est secondé par un Bureau d’Etudes Techniques qui, par agrément du CSTB, évalue si oui ou non le projet répond à la règle. Cependant, la part laissée à la capacité d’innover de l’architecte est déjà tronquée par cette démarche réglementaire : l’évaluation comparative opérée depuis la RT2005 dirige, dans une certaine mesure, l’équipe de conception vers des solutions techniques à l’efficacité prouvée (le projet de référence). Ce relatif dirigisme et la frilosité dont peuvent faire preuve certains maîtres-d’ouvrage, BET ou entrepreneurs face à une conception innovante représentent des obstacles à la recherche perpétuelle inhérente à l’exercice de l’architecture et à la créativité de ses praticiens. C’est surtout ce point que les architectes regrettent, et par exemple le fait que la politique technique menée par l’état dans le bâtiment ait été abandonnée : “Cela permettait aux entreprises et concepteurs d’apporter des solutions innovantes en matière de construction. Ces expérimentations étaient proposées aux clients, et si elles étaient reconnues comme exemplaires, réalisables et innovantes, elles pouvaient décrocher des financements pour en prolonger l’étude et la réalisation du produit et du projet qui en était porteur. Ça s’appelait les « Rex », qui ne pouvaient

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 14


pas bénéficier d’avis techniques puisqu’il n’y en avait pas. Il fallait monter un dossier, prouver l’innovation que cela représentait, et l’Etat finançait ça22.“ Une politique qui encourageait les projets innovants et les entreprises (agences, maîtrises-d’ouvrage, entrepreneurs du bâtiment, industriels) qui s’y essayaient. Un encouragement qui laisse place à l’obligation légale d’atteindre les objectifs de qualité et de performance au lieu d’éveiller l’intérêt tant conceptuel qu’opérationnel pour la question environnementale. À la place de cet éveil et encouragement, le principe de précaution domine en France23 et l’assurance de résultats prime sur la recherche et le développement.

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La réglementation française participe, si l’architecte n’y prend pas garde, à l’appauvrissement du processus de conception par la suggestion de reproduction de modèles comparatifs. Un processus dont il est le garant et qui est censé être baigné dans la recherche et l’innovation.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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Rudy Ricciotti, Halte au principe de précaution!, Le Monde, 11/10/2014. 15


B. Les labels et certifications, paysage règlementaire supplémentaire. Au paysage réglementaire accompagnant l’architecture dans le développement durable s’additionnent depuis la fin du XX° siècle les labels et certifications environnementales. Les labels énergétiques sont apparus avec la RT 2005, ils la complètent et encouragent un dépassement des exigences réglementaires en terme de consommation d’énergie. Ils ont été créés par l’Etat24 et fixent des niveaux de performances à atteindre pour chacun d’entre eux, des performances fixées de manière comparative par rapport à celles exigées par la loi : par exemple, pour obtenir le label HPE 2005, le bâtiment devait présenter une consommation d’énergie 10% inférieure à celles demandées par la RT 2005. La délivrance de ces labels est dépendante de la réglementation française car elle s’appuie sur elle. Cette dernière conditionne leur obtention à celle d’une certification associée, dont la principale est la NF HQE®25. C’est de ce phénomène qu’il est principalement question ici, la certification environnementale encadrant maintenant l’architecture française. La seule terminologie choisie pour cette certification délivrée par une filiale d’un organisme public (AFNOR) montre l’importance que la démarche HQE a pu prendre dans la pensée et la méthodologie mise en place en France autour du développement durable.

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1. La démarche HQE. La démarche HQE, en tant que concept environnemental, a vu le jour au début des années 90, la fondation de l’association et du label du même nom datent de 1996. Selon l’association, la démarche HQE vise “à améliorer la qualité environnementale des bâtiments neufs et existants, c’est à dire à offrir des ouvrages sains et confortables dont les impacts sur l’environnement, évalués sur l’ensemble du cycle de vie, sont les plus maitrisés possible. C’est une démarche multi-critères qui

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Arrêté du 8 Mai 2007 pour les bâtiments neufs soumis à la RT2005, créant les labels d’Etat tels qu’HPE, HPE Enr, THPE, THPE Enr, BBC Effinergie. Certification délivrée par Certivéa, filiale du CSTB. Source : http://www.economie.gouv.fr/files/directions_services/daj/ marches_publics/oeap/gem/qualite_environnementale_dans_construction_rehabilitation_batiments_publics/annexe-b.pdf 25

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s’appuie sur une donnée fondamentale : un bâtiment doit avant tout répondre à un usage et assurer un cadre de vie adéquat à ses utilisateurs26.“ Ainsi se sont institutionnalisées, pour la première fois en France, les préoccupations environnementales dans le secteur du bâtiment. Mais la démarche en elle même n’appelle pas la critique, tant les objectifs sont louables et dans la mesure où “c'est comme ça, la paix et la planète, c’est irréversible on ne peux rien faire contre27.“ C’est sa formalisation, les modalités d’obtention des certifications qui en découlent et l’absence de capacité critique qu’elle induit qui posent question. Comme le dénonce Rudy Ricciotti dés 2006 en ces termes : “Sujet intouchable, l’exigence environnementale réduit rapidement l’énergie critique avec l’efficacité paramilitaire d’une nouvelle dictature de la pensée28.“

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2. Les certifications nées de cette démarche, fonctionnement. La certification issue de la HQE et traitant des logements collectifs ou individuels groupés est Habitat & Environnement. Créé en 2003, elle a été la première certification environnementale pour le logement en France et dans le Monde29. Dix ans après, la France compte 1 555 000 logements collectifs certifiés30, soit plus de la moitié des logements collectifs construits à un rythme moyen de 200 000 et 250 000 mises en chantier annuelles31.

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La certification Habitat & Environnement est délivrée par Cerqual, organisme certificateur de l’association Qualitel et membre de l’association HQE®. Qualitel n’est pas née avec le Sommet de la Terre de 1992, elle a été fondée en 1974 et marquait la volonté d’en finir avec la production de masse pour diriger la construction de logements vers plus de qualité. De 1985 à 2000, Qualitel et le label du même nom valorisaient la recherche de qualités dans le logement, avec un domaine d’innovation privilégie : le logement social (encouragé par le Plan Urbanisme Construction Architecture).

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Source : http://assohqe.org/hqe/IMG/pdf/fiche_Demarche_HQE.pdf

27

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

28

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

29

Source : http://assohqe.org/hqe/spip.php?article309

30

Source : http://assohqe.org/hqe/IMG/pdf/CP_Progression_de_la_qualite_certifiee_en_France.pdf

31

Source : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATSOS05202 17


Depuis les années 2000, “la priorité est donnée à la lutte contre le réchauffement climatique“ et en dix ans le nombre de certifications proposées par Qualitel a explosé32. Qualitel est donc un label créé dans un premier temps pour valoriser les recherches et innovations dans le champ de la qualité du logement, il tire son nom de cette volonté : QUALITE-Logement. Un label qualité qui a muté, après le Sommet de la Terre, avec l’augmentation des préoccupations environnementales. Habitat & Environnement est quant à lui un label directement né de la démarche de Haute Qualité Environnementale, l’association HQE n’ayant pas pour prérogative d’être un organisme certificateur, Qualitel et sa filiale Cerqual en sont chargés.

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Les modalités d’obtention de ces deux certifications sont très similaires33 : dans un premier temps le maître-d’ouvrage se lie contractuellement à l’organisme certificateur pour faire une demande de certification. Ensuite, un audit est mené sur l’organisation de la maîtrise-d’ouvrage, en parallèle d’une étude préparatoire basée sur l’avant projet de l’opération - cette étude confirme que les objectifs recherchés sont conformes au référentiel de la marque (référentiel H&E par exemple). Puis Cerqual et l’examinateur missionné réalisent une évaluation provisoire sur la base du dossier de consultation des entreprises (DCE) “afin que le maître-d’ouvrage puisse compléter ou modifier certains aspects du descriptif34“. Une dernière évaluation des pièces écrites est réalisée sur la base du dossier de marchés afin de prendre en compte les modifications éventuelles proposées par les entreprises. L’opération de logements collectifs est ensuite certifiées après accord du maître-d’ouvrage qui pourra utiliser la marque comme argument de vente. Un dernier contrôle de conformité, effectué en fin de réalisation d’après une grille de vérification, confirme ou retire la certification de l’opération concernée.

"

Ce processus, en ne considérant que la maîtrise-d’ouvrage, place d’ores et déjà l’architecte en dehors du champ opérationnel du rapport qu’entretiendra le bâtiment avec le développement durable. Car c’est le maître d’ouvrage seul qui, par une

32

Source : http://www.qualite-logement.org/lassociation-qualitel/lassociation-qualitel-dhier-a-aujourdhui/histoire.html

33

Source : http://www.qualite-logement.org/faire-certifier/comment-faire-certifier-ses-projets/procedure-dobtention-dunecertification.html Source : http://www.qualite-logement.org/faire-certifier/comment-faire-certifier-ses-projets-par-cerqual/procedure-dobtentiondune-certification/certification-habitat-environnement.html 34

18


démarche volontaire certes, prend la décision de faire la demande de certification - et s’il ne le juge pas utile, il n’est pas forcé de se concerter avec la maîtrise-d’oeuvre sur ce sujet.

"

3. Impensés et freins à la conception. Cela pose à qui dispose d’une conscience professionnelle la question de la place de l’architecte dans la conception de logements collectifs aujourd’hui. Chaque label, ou organisme de certification promeut, en théorie, la qualité d’usage et le confort donné aux habitants. Cette notion de qualité devient plus complexe, à la conception comme en phase chantier, lorsque la démarche environnementale devient la seule entrée du projet. D’avantage encore lorsque les grilles applicables pour prétendre à une certification se limitent à des considérations organisationnelles, logistiques, techniques et réduisent la notion de confort aux données d’éclairement, d’acoustique, de thermique et d’hygrométrie35.

"

Dés lors, ce n’est pas seulement l’architecte mais bien toute l’équipe d’intervenants qui perd sa capacité à influer sur le processus de conception. Il leur apparait difficile d’effectuer la synthèse de tous les paramètres du projet lorsque ce dernier n’est évalué que case après case “sans regarder la case d’à côté36“dans la grille du référentiel certificateur. L’ensemble des performances exigées s’en trouve alors diminué ou réduit à néant, comme Francis Soler en a fait l’expérience sur “un deuxième projet avec Cogedim qui voulait des fenêtres à frappe et puis finalement on est revenus aux coulissantes avec le même ingénieur, qui dit que finalement ça passe […]. Avant il y avait des ponts thermiques mais maintenant ils ont inventé un système très accroché qui fait que la menuiserie [coulissante] a une performance AEV [Air-EauVent] qui correspond à la valeur qu’aurait un châssis à frappe. Et puis […] ils te disent que maintenant c’est trop étanche et qu’il faudrait faire trou en haut de la menuiserie pour la ventilation. […] Je dis « mais vous êtes fous, vous me demandez de mettre des châssis où il y a zéro pénétration et vous mettez un trou dedans pour ventiler. » Et puis l’acoustique pareil, il faut 38dB, avec le trou et bien comment je fais. C’est incohérent37.“ 35

Source : https://www.qualite-logement.org/fileadmin/user_upload/documents/referentiels/qualitel/ MILLESIME_2012_Interactif_MAJ_Mars_2014_V4_a.pdf 36

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

37

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 19


Cette complication parait n’impacter que la partie technique du futur bâtiment, mais celle-ci est indissociable du projet dans son ensemble. L’exercice et la production de Francis Soler en est un excellent exemple lorsqu’il évoque son intérêt pour “la technicité du bâtiment […] et ce que l’on peut en tirer comme valeur poétique38.“

"

L’appréhension, case par case, du projet architectural vient perturber le croisement des échelles nécessaire au travail de l’architecte. Elle vient aussi, par la contrainte et un degré zéro de tolérance, à l’encontre de l’idée que nous construisons avant tout pour l’usager - l’usager dans la pluralité de ses modes de vie, de ses désirs en terme de matériaux, couleurs et ambiances de son habitat. Car “La société humaine n’est un ensemble que sur le papier! L’uniformisation des opinions, la haine de l’inégale beauté poussent à l’illusion que le nombre fait justice39.“Cet aspect est clairement visible dans le déroulement de la dernière phase du projet de l’agence Gausa+Raveau pour la ZAC Clichy-Batignolles. Une phase marchés qui s’est terminée au contact des propriétaires des logements (tous vendus à l’hiver 2014). Cette étape a été rendue délicate par les interdictions portées sur de nombreuses matières et teintes au nom de l’obtention des nombreux labels et certifications dont le projet fait l’objet.

38

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

39

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. 20


C. Autour de la sur-réglementation, de la place pour la qualité?

"

Les différents impensés et freins à la conception, inhérents à la superposition des règles, normes et certifications environnementales, donnent légitimement lieu à des avis et critiques de la part des architectes et autres concepteurs.

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1. Avis sur les règles, les normes, les labels. Qu’ils soient très médiatisés sur ce sujet, comme Rudy Ricciotti ou Nicolas Michelin, qu’ils aient été présents dans des instances décisionnelles comme Manuel Gausa ou Patrice Genet, ou qu’ils soient régulièrement cités en exemple et écoutés au regard de leur retour d’expérience comme Francis Soler, tous s’accordent sur l’impact de la sur-réglementation environnementale sur la qualité architecturale. Cet avis se fait souvent l’écho du reste de la profession, de son sentiment d’étouffement face à une prolifération des contraintes qui fait leur échapper des pans entiers du processus de conception dans un rapport de forces inégales, “c’est [donc] une soumission. On est obligés de se soumettre à cet empilement pour faire40.“ Leur avis rejoint même la perception du grand publicdans sur les moteurs d’innovation en Le rôle de différents acteurs et éléments l’innovation en matière de architecture logement : l’architecte étant le moteur le plus efficace, les normes et règlements QUESTION :

Pour chacun des acteurs ou éléments suivants, diriez-vous qu’en matière de logement il est plutôt un moteur ou plutôt un frein à

peuvent devenir les entraves les plus inextricables (cf. diagramme41). l’innovation ? 4

Les architectes

15

Les matériaux et équipements disponibles

85

34

Les habitants

66

46

Les savoir-faire des entreprises du bâtiment

54

53

Les maitres d’ouvrages

47

79

21

81

19

Les coûts de construction et de mise en œuvre

85

15

Les normes et les règlements

87

13

Les règles d’urbanisme Les responsables politiques

Plutôt un frein

Connection creates value

40

96

Plutôt un moteur

18

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

Le rôle des différents acteurs et éléments dans l’innovation en matière de logement.

Etude IFOP pour les Universités d’Été du CNOA - 2014. Question : « Pour chacun des acteurs ou éléments suivants, diriez-vous qu’en matière de logement il est plutôt un moteur ou un frein dans l’innovation? » 41

21


La confrontation de l’architecte à l’empilement réglementaire, fait autour de la question environnementale, trouve un corollaire dans le récit du “projet artistique“ entrepris par Rudy Ricciotti et Claude Vasconi après que le rapport ministériel commandé par Jean-Louis Borloo et co-écrit avec Francis Soler et Julien Rousseau n’ai pas trouvé de suites. Il s’agit de deux tonneaux d’armagnac de 20 et 30 ans d’âge que les deux architectes auraient entrepris d’acheter et d’élever, il est toutefois possible d’y voir un corollaire avec le projet architectural et les complications entrainées par la sur-réglementation et la certification environnementale : « Pratiquer la désobéissance technologique pour ces produits du terroir et évaluer au nez et à la bouche était notre croyance. C’est à dire les nôtres. Il fallait être méticuleux et y mettre le coeur. Il y aurait eu un comité révolutionnaire, constitué de nous deux, pour suivre l’évolution naturelle de cet armagnac déjà ancien dans son milieu naturel : le tonneau. Imaginer les experts HQE® venant mettre leurs petites mains agnostiques dans les tonneaux était impensable. On entrevoyait déjà les conséquences : transférer le breuvage dans des cuves en inox fabriquées dans la Ruhr, couper cet alcool déjà trop puissant à cause de son grand âge avec de l’eau minérale des Alpes suisses. Puis pour les prélèvements, se limiter à des volumes de 3 litres dans des jerricans en plastique chinois, sur lesquels il fallait coller des étiquettes de taxes fiscales. Puis convoquer diverses commissions en Préfecture pour suivre et contrôler les réductions de volume, de contenant et l’étiquetage. Formuler des dossiers en douze exemplaires pour les différentes milices bureaucratiques fascistes affectées à la destruction de la culture révolutionnaire de l’armagnac. Déplacer dans des laboratoires agréés par l’Etat les prélèvements dans des dosettes en plastique indien, purifiées à l’ammoniaque russe, afin d’obtenir l’autorisation de faire boire l’armagnac aux copains. Puis déclarer à l’ISF les deux tonneaux à placer comptablement dans les actifs de nos entreprises respectives. Faire ressortir au titre des immobilisations et donc de la taxe professionnelle l’armagnac devenu suspect. Puis se prendre un contrôle fiscal, finir au trou et être jugés comme citoyens asociaux considérés comme révisionnistes de l’environnement et négationnistes du réchauffement climatique42. »

"

L’on comprend mieux alors pourquoi pour les auteurs de ce récit, les architectes, comme les édifices, sont pris en otages. L’ appel à l’abrogation de la RT applicable et

42

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. 22


des certifications nées de la démarche HQE apparait aussi plus clairement dans une volonté plus globale de “s’affranchir du modèle anglo-saxon qui, au demeurant, possède l’empreinte environnementale la plus désastreuse au monde43.“ Mais tous n’ont pas un avis aussi révolutionnaire que Rudy Ricciotti, et les règles, normes et certifications apparaissent comme des traductions maladroites d’un bon sens ancestral. “HQE, c’est le bon sens normalisé pour moi44“, explique Francis Soler, le même bon sens que l’on retrouve dans les “principes bioclimatiques hérités d’une tradition séculaire“ sur lesquels Dominique Gauzin-Muller propose dès 2003 de porter un regard neuf plutôt que de labelliser et normaliser de manière trop contraignante la démarche environnementale45.

"

Influant directement sur leur travail, c’est surtout le fait que les objectifs de certification environnementale soient devenus “les données d’entrée du projet46“, influant directement sur leur travail, qui apparait le plus problématique à des architectes comme Patrice Genet ou Nicolas Michelin; ce dernier en parle en ces termes : “Depuis la création du label HQE jusqu’aux exigences récentes du Grenelle de l’environnement (Bâtiment Basse Consommation, Passif ou à Energie positive), on assiste désormais à une systématisation des exigences énergétiques pour tous les projets. Quelles que soient leurs latitudes, la certification s’impose sans discussion dans les programmes et devient un critère primordial, voire dominant. On pourrait presque penser que la thermique a pris le pas sur les autres modes d’appréciation d’un projet d’architecture47.“ Globalement, l’amoncellement des règles, normes et certifications environnementales apparait donc comme un frein, ou au moins comme un facteur ralentissant la recherche de qualité inhérente au travail de l’architecte.

"

Il n’y aurait alors aucune raison de s’y soumettre si ce n’est pour satisfaire les impératifs commerciaux des programmes de logements collectifs.

" " 43

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

44

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

45

Dominique Gauzin-Müller, Pour en finir avec la «HQE»?, d’Architecture n°133.

46

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

47

Nicolas Michelin, Attitudes, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement. 23


2. La part de marketing. La certification environnementale est née avant tout de préoccupations commerciales, comme le souligne justement Patrice Genet, “beaucoup de maîtres d’ouvrage revendiquent ces labels pour pouvoir soi-disant mieux vendre48.“ Il se fait en cela l’écho de la véhémente critique formulée par Rudy Ricciotti, tant dans ses ouvrages que dans ses réponses au questionnaire qui lui a été adressé dans le cadre de cette recherche, à l’encontre de la collusion des grandes industries du bâtiment et de la démarche de certification. Cette critique s’adresse notamment à l’intérêt marketing que les maîtres-d’ouvrages trouvent dans les labels environnementaux, un intérêt qu’il qualifie d’inconséquent “car ils ne sont pas exposés aux difficultés de l’hystérie règlementaire49. » Mais pour Rudy Ricciotti, la certification environnementale n’est pas la seule cause du “marketing architectural50“ qui se met en place autour du développement durable. Il pointe aussi les normes opposables qui avec les labels, sont devenus une “aubaine pour les importateurs de technologie se situant sur les nouveaux marchés de la morale, de la fausse conscience. Chauffage, ventilation, climatisation réactivent cette inclinaison naturelle de l’industrie du bâtiment au mercantilisme incroyablement prédateur de qualité architecturale (voir l’exemple du mode d’évaluation et de réalisation des logements sociaux qui actent en clair ce détournement de l’intérêt général en faisant la promotion commerciale des menuiseries PVC alors que l’Allemagne […] n’en veut plus. […] Tout ou presque de la RT comme des cibles HQE® génère surconsommation de matériaux, de volumes nécessaires et un enlaidissement incroyable51.“ Sur ce point les architectes peuvent encore réagir, agir même, comme sur la ZAC de Clichy-Batignolles où les menuiseries PVC sont clairement interdites avant même que la question ne se pose avec le maître-d’ouvrage. Sur ce projet comme sur toute réalisation, Florence Raveau rappelle qu’actuellement “le nerf de la guerre c’est quand même l’économie du projet par rapport à tout ça52“, mettant ici l’accent sur le fait que le choix de la certification est rarement pris en 48

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

49

Rudy Ricciotti - Questionnaire du 22/10/2014.

50

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

51

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

52

Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014. 24


concertation avec la maîtrise-d’oeuvre - l’impératif commercial prévalant sur toute autre considération. La dimension commerciale de la réponse aujourd’hui donnée à la problématique environnementale est aussi visée par Francis Soler comme un facteur dommageable. Il constate qu’aujourd’hui “l’environnement c’est bien, on en parle mais personne ne le fait sauf quand ça l’arrange pour des raisons économiques, ou structurelles, même mafieuses parfois53.“ Il dénonce aussi la posture consumériste souvent adoptée par les acteurs de la construction par rapport à la question environnementale, posture prise au cours du processus de conception et de certification : “tu vas à la Samaritaine, tu fais tes courses entre un peu de panneaux photovoltaïques et une ou deux éoliennes puisque c’est à la mode, de l’isolation par l’extérieur, et pour finir un peu de régulation par puits canadien - alors qu’il n’y en a pas besoin, mais tu le mets sur le descriptif et le mec de Socotec il voit ça, hop, deux points de plus, même si après tu ne le fais pas.54“

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Il s’agit donc ici de l’intrusion d’impératifs commerciaux dans le processus de création, de conception de projets architecturaux. Une intrusion d’autant plus délicate à gérer qu’elle influence de nombreux choix censés ne devoir dépendre que de questions conceptuelles, de création d’ambiance et de démarches de recherche dans nos modes de vie. Alors la conscience professionnelle amène à se demander l’effet qualitatif sur l’architecture en général et quelles qualités cela induit pour les opérations de logements collectifs construites tous les jours. Cela peut, dans les pires des cas, être catastrophique tant “la laideur [est incarnée] par ce qui est le fruit du marketing et de la com55.“

"

3. La certification environnementale, « tyrannie écologique. » L’importance de la sur-réglementation et la certification environnementale, dans le processus de conception, est un frein à l’innovation. Tout au moins dans l’état actuel de son fonctionnement et surtout avec le niveau de superposition normative atteint depuis l’apparition de la HQE, la démarche environnementale peut apparaitre tyrannique et absconse. Pour Rudy Ricciotti, le constat est sans appel, “en une

53

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

54

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

55

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. 25


génération, nous sommes passés de la « fourrure verte » à la « terreur verte », une esthétique de la démagogie comparable aux effets d’une bombe à fragmentation. […] Sur la question de l’isolation thermique, la question est courte, ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils sont en train de faire. […] Plus vous étoffez la réglementation en imposant dans les textes une isolation performante, plus vous stimulez une inflation des technologies, de la mise en place de machines de plus en plus puissantes, de plus en plus sophistiquées, qui consomment à tout-va énergie et métaux rares pour se réguler. […] Les règles en vigueur sont des sommations organisées […], un dressage au développement durable comme l’on dresse les chiens à mordre […]56.“ Imposer dans les textes, voilà qui peut, à terme, constituer une entrave importante à un exercice consciencieux de l’architecture. Un exercice soucieux du contexte environnemental, économique, social autant que culturel qui se retrouverait ainsi annexé à la seule exigence de performances dictées par les règles, normes et certifications.

"

Ce rapport de force avec la sur-réglementation dépasse la limite intellectuelle dans laquelle imposer dans le texte place l’équipe de conception pour atteindre la phase opérationnelle de tout projet. Mais la posture victimaire de l’architecte n’est pas de mise, car “le problème n’est pas de respecter la norme! Le problème c’est que la norme nous dirige vers des solutions techniques très limitées.57“, comme le regrette Patrice Genet. Avec le recul de son expérience, de ses recherches et de ses participations dans des groupes de travail régionaux ou nationaux, Manuel Gausa évoque ce surplus bureaucratique comme un facteur diminuant la créativité et qui nous entrainerait vers un exercice “normal“ de l’architecture : “parce que normalement tu appliques les choses dont tu es sûr qu’elles vont fonctionner et normalement tu appliques les choses que tu sais aussi qu’elles vont répondre à la capacité de satisfaire toutes les lois. Ça c’était déjà appliqué il y a très longtemps en Allemagne. Dans les années 90, on pensait dans les pays anglo-saxons et autres que l’Allemagne était le pays avec un maximum de lois environnementales et de labels et donc à la fin tout était très techniquement irréprochable et il n’y avait aucune créativité possible, du point de vue d’expérimenter de nouveaux matériaux qui n’avaient pas de label ou

56

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

57

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 26


expérimenter de nouvelles solutions qui n’avaient pas de certificat, à la fin nous sommes 15, 20 ans après [en France et en Espagne] avec la même chose. A la fin tu restes figé sur des mécaniques de répétition pour garantir des choses qui fonctionnent plus ou moins, avec ces solutions tu sais que ça marche de façon conceptuelle58.“ Il pointe aussi, à nouveau, l’influence anglo-saxonne sur la manière dont les pays comme la France et l’Espagne ont abordé la démarche environnementale. Une influence dont nous aurions pu prévoir l’effet standardisant sur la production architecturale.

"

La limite technique posée par une normalisation galopante impacte directement la qualité architecturale et les espaces de vies à concevoir lorsqu’elle bride les dispositifs constitutifs d’une valeur ajoutée à l’usage quotidien du logement : “j’ai déjà eu des clients, des bailleurs sociaux, qui me disaient que si les balcons devenaient trop compliqués à réaliser, justement à cause du pont thermique ou des difficultés que cela provoquait pour l’accessibilité du logement, il n’y avait qu’à les supprimer59.“ Ce réflexe, ici chez un maître-d’ouvrage public, dénote la prépondérance des considérations réglementaires sur les préoccupations qualitatives d’un projet de logements collectifs. Car si les maîtres-d’ouvrage sont parmi les premiers demandeurs de certifications environnementales, l’empilement de ces certifications est devenu un vrai problème dans la gestion d’une opération60, même pour eux : “Entre certains labels qui sont calculés en fonction de la RT 2005 et qui ne fonctionnent pas avec la RT 2012 mais les BET qui aujourd’hui fonctionnent en RT 2012 donc un label par rapport à une RT, ne fonctionnent pas. Il y a des incohérences entre des choses qu’aujourd’hui on n’arrive pas à résoudre et c’est à cause de ces incohérences qu’aujourd’hui on est obligé de demander des dérogations sur certains sujets, parce qu’une loi contredit l’autre, un calcul ne fonctionne pas avec l’autre, ou le HQE ne va pas fonctionner avec le label Cerqual de la ZAC, parce que les ZAC ont leurs propres labels61.“

" 58

Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

59

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

60

L’opération de l’Ilot E8 de la ZAC Clichy-Batignolles correspondra aux exigences de 4 labels de Haute Qualité Environnementale: Le Plan Climat de Paris, BBC Effinergie, H&E profil A option performance, NF logements HQE option énergétique.Source : www.avenier-cornejo.com/160-logements-et-un-fam-de-46-lits_zac-clichy-batignolles/ 61

Mickael Dominguez Gorsse - Entretien du 07/11/2014. 27


Tout cela montre le manque de poids de la recherche de qualité et d’innovation dans les objectifs d’un projet de logements collectifs qui se traduit, comme le soulignent les intervenants précités, par une normalisation des réponses conceptuelles et constructives apportées à la question du développement durable. Une normalisation destructrice des qualités que les maîtrises-d’oeuvre souhaitent injecter à leurs projets : “lorsque le désert de la répétition s’installe à chaque coin de rue, que les architectures se copient les unes les autres pour finir fondues en une seule et unique croyance, une seule et même idée, tel un minimalisme de supermarché62.“ Cette standardisation, comme une réponse en demi-teinte au “fatalisme qui ficelle les individus dans une impasse, dans un « à quoi bon lutter? » qui égorge les consciences63.“ Un fatalisme dont s’offusque Rudy Ricciotti, entre autres, qui ne traduit pourtant pas la capacité d’innovation du vivier architectural français.

62

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

63

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. 28


II. Postures et réalisations : du rôle politique et citoyen de l’architecte.

"

Le vivier architectural français est dynamique et reconnu dans le monde entier, en témoigne l’exercice des architectes consultés pour cette recherche. Ce dynamisme et cette capacité à proposer et innover, en dépit de toutes les contraintes actuelles, sera développé ici selon trois axes. Les idéaux architecturaux, ou les qualités architecturales qu’un maître-d’oeuvre souhaite mettre en place pour le logement collectif. Ces qualités seront observées au regard d’un certain retour d’expérience, dont les architectes disposent, et de la place de la réglementation et de cette labellisation dans le processus de conception. Ce retour d’expérience manque à la certification environnementale. L’impact de la sur-réglementation sur le concepteur, sa réaction effective et les manières de concevoir qui peuvent êtres mises en places, permettront ensuite de mettre en lumière comment l’architecte et tous les acteurs de la maîtrise-d’oeuvre parviennent à traduire dans l’oeuvre construite leurs idéaux qualitatifs sans les dénaturer. Cette démarche tente de mettre l’accent sur la nécessité pour l’architecte de prendre position dans l’exercice de sa profession, ce qui nécessite une posture claire par rapport à l’acte de concevoir, de construire même, dans une société plus que jamais soucieuse de son environnement. Une posture qui de la désobéissance inventive de Nicolas Michelin à la lutte armée de Rudy Ricciotti, en passant par celles de Francis Soler, Manuel Gausa, Florence Raveau ou encore Patrice Genet, démontre l’importance du rôle de l’architecte dans l’organisation politique de la ville. Cette posture, pourrait déjà être contenue dans le rôle critique de l’architecte, que Rudy Ricciotti appelle de ses voeux auprès de tous ses confrères, une capacité à remettre en question ce qui peut apparaitre comme un système trop obtus pour développer une pensée libre, et donc créative, innovante; ou peut-être aussi dans une force de proposition qui lui permettrait de quitter, dans l’intérêt commun, les sentiers de la standardisation de l’architecture. Tout architecte serait donc un jour amené à adopter une posture et défendre des idéaux de qualités, en pleine considération du développement durable énoncé par

Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, 2009.

Le schéma du développement durable devrait selon lui comporter 4 piliers : Environnemental, Economique, Social et Culturel. 64

29


Franck Boutté64, pour l’habitat d’aujourd’hui et de demain - autant apprendre de nos aînés les plus engagés.

30


A. Idéaux architecturaux.

"

Pour l’architecte le processus de maturation d’un projet est long et délicat car c’est un professionnel qui influe sur les espaces de vie de ses contemporains. Ces derniers en sont par ailleurs conscients, voire demandeurs en ce qui concerne l’apport de l’architecte dans les qualités de leur habitat, qu’elles soient d’usage ou esthétiques (cf. diagramme65). En cela le pouvoir exercé par l’architecte semble

Les domaines où l’apport de l’architecte est le plus important prééminent, il a cependant été démontré plus haut que son espace décisionnel n’est QUESTION :

Parmi les éléments suivants, lors de la création, la réhabilitation ou l’agrandissement de bâtiments, quels sont selon vous les domaines où

l’apport de l’architectesi est important. actuellement le plus important ? En premier ? En deuxième ? En troisième ? pas toujours

33%

La prise en compte des désirs et modes de vie des habitants ou des usagers

65% 21%

La qualité esthétique et l’intégration dans le paysage

62% 20%

L’organisation et les aspects fonctionnels des bâtiments Le respect des normes et règlements qui s’appliquent à la construction Le respect des coûts et des délais de construction La qualité environnementale et la consommation d’énergie La valeur patrimoniale de la construction La solidité du bâtiment, sa capacité à résister au temps La réduction des charges et coûts d’entretien Connection creates value

55% 8% 30% 6% 25% 6% 28% 4% 14% 2% 13% Total des citations

5% 12

1. Quelles qualités pour le logement collectif aujourd’hui et demain? La superposition réglementaire est vécue comme un frein à l’innovation et à la recherche dans le logement collectif, mais cela n’empêche pas les architectes d’essayer et de proposer des logements intégrants les qualités qui pour eux sont indispensables. Définir la qualité d’un projet architectural n’est pas chose aisée, “Comment évaluer ce qui fait un bon bâtiment aujourd’hui? De multiples réponses existent à cette question, selon les théories et doctrines dont on se réclame ou non, suivant que l’on est expert ou béotien, utilisateur ou simple visiteur. Tous ces avis traduisent la complexité des critères d’évaluation d’un projet d’architecture. On pourrait imaginer un bâtiment parfaitement adapté à l’usage, mais qui serait profondément Le domaine ou l’apport de l’architecte est le plus important.

Etude IFOP pour les Universités d’Été du CNOA - 2014. Question : « Parmi les éléments suivants, lors de la création, la réhabilitation ou l’agrandissement de bâtiments, quels sont selon vous les domaines où l’apport de l’architecte est actuellement le plus important? » 65

31


ennuyeux (sans âme) ou un autre au contraire, beau et faisant rêver mais qui serait invivable (inconfortable). Le jugement du grand public se fonde sur ces deux critères: le beau (la forme) et le commode (l’usage)66.“ La synthèse semble être la meilleure arme de l’architecte67 face à la subjectivité de la perception des qualités d’un bâtiment68. C’est cette synthèse qui permet de satisfaire les impératifs réglementaires tout en restant fidèle aux qualités souhaitées pour un projet de logements collectifs.

"

Des architectes, comme Patrice Genet, parviennent à mettre en exergue les caractéristiques qu’ils pensent nécessaires à un habitat de qualité : des logements traversants, “des baies et des surfaces généreuses69“, afin de garantir une ventilation et un apport en lumière naturelle maximal. L’architecte de Montpellier expose la base de la réflexion qualitative en ces termes : « En amont il y a la contrainte du site : je n’ai pas le choix d’où je construit, de son orientation. Mais à partir de là, la lumière et une conception intégrant la ventilation naturelle sont de bonnes bases pour que le logement présente une qualité d’usage intéressante (cf. illustration70). Avec des solutions fonctionnant bien, comme les appartements traversants ou à double/triple orientations, comme je propose et mets en avant auprès de mes clients, comme pour l’opération de logements sociaux Coupe 01

Coupe 03

Coupe 04

3316

N

690 319

90 120

B

142

100 60

39

D

C

176

E

90 120

72

302 100 220

F

G

71

90 120

H

823

416

I

169

J

K

90 120

107

L

787

100 220

62

90 120

190

40

M N

100 60

O

132

P

90 120

440

Q

R

S

12

13

seuil 2cm

221 F C

18

514

54.90 m²

7.95 m² faïence

19.50 m²

17.70 m²

253

157

F PENTE 1,5%

135

séparatif h.2.55m = cadre acier galvanisé + métal déployé

28 101

GC 02

BALCON 7.50 m² DALLE BETON BRUT

PENTE 1,5%

404

28

28 28

178

VR all. 100cm

pissette

16

M3 60.78 NGF +14.44 m

18

BALCON 6.15 m² DALLE BETON BRUT

106

VR seuil 2cm

M2

pissette

M1

30

514

VR

DALLE BETON BRUT

18 seuil 2cm

PENTE 1,5%

631

VR

30

DALLE BETON BRUT

GC 02

Limite de lot 132

90 220

125

220 220

94

190

90 120

1034

93

55

220 220 338

107

63

111

90 220

175

220 220

0

190

220 220

317

ARCHITECTE

90 220

R+5 a.t.e.l.i.e.r. d'.a.r.c.h.i.t.e.c.t.u.r.e. p.a.t.r.i.c.e. g.e.n.e.t

GC 02

9

107

Immeuble LE SERANNE - Hall A 140, Quai Flora TRISTAN 34070 MONTPEL Tél : 04-67-84-75-00 / Fax : 04-67-84-75-0

5.30 m²

GC 02

107

MAITRE D'OUVRAGE HERAULT HABITAT

LOGGIA 338

MC 01

RESIDENCE "LOT 02 CONSTRUCTION DE 26 LOG SOCIAUX BBC

78

seuil 2cm

M3

GC 02

23.60 m²

seuil 2cm

30

PENTE 1,5%

11.95 m²

M2

311

28

66.95 m²

SEJOUR

séparatif h.2.55m = cadre acier galvanisé + métal déployé

VR seuil 2cm

32

664

60.78 NGF +14.44 m

404

Logt. 26 - T3E

LL

457

410

18

CUISINE

Logt. 25 - T2C

SEJOUR/CUISINE

720

342

47.40 m²

SEJOUR CHAMBRE 01

28

VR

+14.44 m

VILLE DE MONTPELLIER ZAC DE PIERRES VIVES

16.05 m² 60.78 NGF +14.44 m

LL F

VR

60.78 NGF

276

DEPARTEMENT DE

TERRASSE

GC 02

5

Coupe 02

160

5.75 m²

220 220

296

363

1447

C LL

CUISINE

628

18

90 120

5

83 x2 04

121 16

PP

365 cloison amovible

EV +LV

363

60

faïence

faïence

460

5

seuil 2cm

PENTE 1,5%

5

SDB 5.15 m²

faïence

WC 2.20 m²

M2

GC 02

234

VR

180

SDB

04 x2 83

323

18

12.85 m²

8

faïence

5

chaudière

chaudière

CHAMBRE 01

10.95 m² DALLE BETON BRUT

83 x2 04

5

11

PP

5 44 5 117

EV +LV

4.30 m²

0.85 m²

SDB 4.25 m² 5

10

5 55

5

5.20 m²

PL

218

DGT

65

09

136 faïence

masquette

14

PP

633

LOGGIA

5

5

346

15

83 169 x2 04

5

5

Logt. 24 - T2B

7

S1

LL C

5

138

2.10 m² 18 141

1.25 m²

465

EV +LV

18

PP

seuil 2cm

9.45 m²

607

233

C

5

558

83 x2 04

CUISINE

5 40

237

main-courante MC02

16

08

PP

19.95 m²

PL

faïence

135

paroi verre faïence

07

21.80 m²

5.80 m²

WC

01

17

170

M2

6

5

05

SEJOUR

SDB 4.55 m²

DGT

WC

04 x2 83

5

faïence

122

5

83 x2 04

2.15 m²

PP

69.05 m²

SEJOUR

154

9.35 m²

361

PP

92

30

06

Logt. 22 - T3B 60

CHAMBRE 02

F 02

5

chaudière

2.80 m²

04

PP

04 x2 83

4.70 m²

chaudière

28

245

HALL

5 03

11.30 m²

159

187 5

seuil 2cm

EV +LV

360 04 x2 83 PP

CS 140

10

239

PP

5 5

5

138

CHAMBRE 01

5.85 m²

04 x2 83

masquette

293

HALL

seuil 2cm

GDF

18

EV +LV

DGT

faïence faïence

5

S1

265

2.00 m² masquette

90 120

121

5

04 x2 83

147

WC

122

4.25 m²

310

M2

all. 100cm

5

P20x50

5

60.78 NGF +14.44 m

6.05 m²

faïence

S2 EDF

5

M3

04 x2 83

164

5 241

137

SG

chaudière

138

seuil 2cm

04 x2 83

28

PL

54 5

CUISINE

DGT

LL

18

VR

04 x2 83 cloison amovible

18

HALL.

all. 100cm VR

181

PP

1352

83 x2 04

5 1.45 m²

Coupe 02

PP

PP

M4

PP PP

165

126

M4

5

5

30

10.30 m²

C

faïence

SDB 4.95 m²

121

83 x2 04

102

7.30 m²

16

PP

5

CUISINE

4.60 m²

169

S3

249

HALL

9.30 m²

M1a

seuil 2cm

28

28

2 16

seuil 2cm

4.30 m²

WC 1.50 m²

CHAMBRE 02 83 x2 04

DGT

83 x2 04

4

PP

PP

9.70 m²

11.40 m²

all. 100cm

CHAMBRE 01

3

16

S1

Limite de lot

CHAMBRE 01 316

M1a all. 100cm VR

190

146

162

PENTE 1,5%

110 ECS + AEP

32

180

141

16

5

M4 all. 100cm

all. 160cm

28

M1a all. 100cm VR

162

CALIBEL 12cm

28

161

615

30

784 M5

28

58

JD

200

162

seuil 2cm

S2

191

PENTE 1,5%

28 320

VR

125

04 x2 83

5

04 x2 83

342

PP

5

52

04 x2 83

60

PP

361

S1 seuil 2cm

FT

DALLE BETON BRUT

F

5

60.78 NGF +14.44 m

83 x2 04

M1a all. 100cm

ECS + AEP

5.85 m²

12.85 m²

PP

5 40

HALL

COURSIVE

S2

10.95 m²

60.78 NGF +14.44 m

11.35 m² DALLE BETON BRUT

88

CHAMBRE 02

GC 02

COURSIVE

seuil 2cm

seuil 2cm

0.90 m²

2

GC 02

all. 160cm

S1

Limite de lot

16

M5

all. 100cm

PL

PP

M4

PL 0.65 m²

PP

1

83 x2 04

28

16

A

713

230

127, rue Emile Julien 34070 MONTPELLIER Tél : 04 67 47 36 01 Fax : 04 67 47 35 81 E.mail : genet.archi@wanadoo.fr

PRO 09

1642 3014

66

Nicolas Michelin, Avis, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement.

67

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Coupe 03

Coupe 01

MODIFICATIONS

ECHELLE

11.28

Coupe 04

1 : 50

Contrôle Qualité Dessinateur/Projeteur : Jonathan Valtat Responsable de projet : A. Laurençon

Colloque à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine - Qualités Architecturales, un enjeux pluriel : entre conception et perception. 05/12/2006. 68

69

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

Cabinet d’Architecture Patrice Genet - Résidence « Albert Jacquard », 26 logements sociaux à Montpellier (ZAC Pierres Vives)

Plan R+3 (Phase PRO) - Octobre 2012. 70

32

Octobre 2012


à Pierres Vives [livrée fin 2014]71. » Il y met aussi l’accent sur des matériaux bruts et pérennes en façade, tels des “bétons architectoniques72“ qui ont tendance à disparaitre sous le levier de l’isolation par l’extérieur : “C’est amusant, vous verrez, c’est le seul bâtiment [de la ZAC] en béton brut73“. Globalement il mise aussi sur les conditions urbaines dans lesquelles s’inscrit l’opération de logements, pour leur apporter des qualités d’usage comme les transports et les commerces de proximité une conception intégrée au projet urbain plus large qui garantit aussi que son projet ne soit pas un objet orphelin posé dans la ville.

"

Pour l’agence Gausa+Raveau, l’architecte agit comme une interface et travaille “avec 1000 informations, 1000 contraintes74“, mais il est le garant de l’aspect culturel de la conception du projet car “en fin de compte nous travaillons pour un habitat meilleur, pour les gens, pas pour nous comme artistes […]. Nous sommes architectes, artistes, techniques, ingénieurs donc nous travaillons avec toutes ces situations, et donc moi je crois que si je défend la partie culturelle c’est pas pour dire que nous sommes des artistes mais c’est […] pour dire je préfère vivre dans des habitats imaginatifs, stimulants et expressifs plutôt que dans d’autres ennuyeux, répétitifs. Mais là c’est un travail plutôt de sociologie, d’anthropologie et même de philosophie, il n’est pas quantifiable avec précision, mais il est appréciable75.“ L’expérimentation, et donc l’innovation conceptuelle sont aussi de larges parts du travail de cette agence installée SALLE D'EAU 2,6m²

3,10

à Barcelone. Avec par exemple le projet de l’ilot E8 de la ZAC Clichy-Batignolles 1,20

CHAMBRE 3 14,6m²

CHAMBRE 3 10,3m²

2,88

0,60

2,50

eFaçade tnassihcréflechissante elfèr edaçaF

WC 1,6m²

2,60

CHAMBRE 2 10,3m²

CHAMBRE 2 12,3m²

1,70

SALLE DE BAIN 3,9m²

1,20

SALLE DE BAIN 5,1m² 2,78

CHAMBRE 3 12,3m²

4,70

1,20

1,80

2,50

2,80

4,20

SALLE D'EAU 3,9m²

1,60

m 5Pièce .4 x mà vivre 9.1 e2.9 rvivmàx e4.5 cèm iP

Plaque muinimualuminium la euqalP

6,46

2,30

CHAMBRE 1 11,1m²

4,06

SEJOUR+CUISINE 43,8m²

LOGGIA 6,7m²

SEJOUR+CUISINE 34,2m² COURSIVE 24,7m²

5,72

etnVitrage assihceréflechissant lfèr egartiV edVitrage iculsnatranslucide rt egartiV

2,25

COUPE/PERSPECTIVE INTERIEURE D’UN LOGEMENT TYPE

6,50

euRupteur qimrehtde tnopont p edthermique ruetpuR eIsolation rueirétxeextérieure noitalosI

71

T4 type 86.4 m²

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

03 / 2 2 72 Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

242

73

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

74

I LOT E8 ZAC CLICHY BATIGNOLLES PARIS 17 Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

Variations en façade selon les saisons 75 Manuel Gausa - Entretien

Détails de façade et plan type T4 type

N OIS SECCA NE STNE MEG OL E R V UE O NE E SI M ED SLIATED 106.4I m²

I

DETAIL D’UN LOGEMENT EN ACCESSION

du 07/11/2014. 33

1/100

243

14 / 30

71


(actuellement en chantier), à Paris, et des solutions mises en place en façade pour garantir un apport lumineux important, une esthétique changeante avec l’environnement immédiat du projet (le parc et ses saisons) et qui participent aussi à la gestion de la ventilation de chaque logement (cf. illustrations précédentes76).

"

La synthèse que l’architecte est capable de réaliser est aussi à la base des qualités architecturales que Francis Soler défend au quotidien, que ce soit pour ses réalisations d’équipements ou pour celles de logements collectifs. Cette synthèse et le retour d’expérience de son intérêt pour la technicité du bâtiment (évoqué plus haut), lui font injecter à ses projets de logements collectifs des qualités spatiales et lumineuses, adossées à une réponse au développement durable à l’opposé du consumérisme et de la surenchère technologique : “tous les bâtiments que je fais en logements, comme Auteuil que je fais avec Rudy [Ricciotti] et Anne Demians, ce sont des bâtiments qui sont faits au maximum de l’optimisation de l’environnement avec le minimum de matière. Pourquoi? L’attitude passive qui consiste à bien situer les bâtiments et, à les construire avec le minimum de choses, et bien c’est la première attitude environnementale, […] il faut […] aujourd’hui […] avoir une architecture économe, mais qui soit performante, c’est doublement compatible, c’est à dire plus elle est économe plus elle est compatible avec l’environnement, car tu dois réfléchir en matière grise pour faire la meilleure combinaison possible des éléments pour le confort d’été, le confort d’hiver77.“ Cet idéal qualitatif fondé sur l’économie de moyens, le refus de la surenchère, pour aboutir à un confort optimal, lui a permis de réaliser des projets de logements tels que ceux de la rue Durkheim (livré en 1997), dont les principes structurels (cf. en

Gausa+Raveau Actararquitectura / Avenier & Cornejo Architectes - Paris, 160 Logements, 1 FAM et Espaces Commerciaux.

Extraits du livret édité par l’agence barcelonaise sur leur partie du projet. 76

77

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Francis Soler Architecte - Logements rue Emile Durkheim. Plan niveau courant - Extrait de L’Arca International n°17, Octobre 1997. 78

34


rouge sur l’illustration précédente78) ont été repris pour les logements de la gare d’Auteuil (actuellement en phase PRO), eux aussi à Paris.

"

2. L’architecte, un sachant avant l’heure de la normalisation. Le processus de conception, mis en place par Francis Soler avant même que l’on ne parle de certification environnementale, appelle une autre donnée : la relative prescience dont les architectes disposaient concernant le rapport aux milieux dans lesquels ils construisaient ; cela bien avant que la réglementation et les normes ne deviennent des carcans, avant que l’on “se donne déjà un cadre rigide dans lequel il faudra évoluer79“. Par l’art de synthèse, qu’il met en place pour la rue Emile Durkheim, Francis Soler parvient à développer un système “pariéto-dynamique, des doubles façades qui permettent de gérer, comme une combinaison de plongée, le froid et le chaud suivant l’été et l’hiver80“ - conçues en 1994 - qui ont permis d’économiser, dans le climat parisien, les charges liées au chauffage depuis sa livraison jusqu’à aujourd’hui (cf. illustration81).

Si l’architecte de ces logements à zéro charge d’exploitation concevait déjà, dans les années 90, en pleine conscience des exigences de ce qui s’appelait tout juste le développement durable, ces préoccupations étaient partagées par une génération de maîtres-d’oeuvre : Finn Geipel et Anne Demians par exemple, que l’on retrouve sur le projet de logements de la gare d’Auteuil.

79

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

80

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Francis Soler Architecte - Logements rue Emile Durkheim. Détail d’une vue intérieure sur la double paroi vitrée assurant le rôle de régulation thermique des logements - Extrait de L’Arca International n°17, Octobre 1997. 81

35


C’est comme cela qu’il perçoit la question environnementale, comme l’un des nombreux paramètres de l’architecture dont il nous faut faire la synthèse. L’économie de matière devenant un point central de sa démarche, il fait la démonstration qu’avoir une architecture peu consommatrice de matériaux la rend déjà “soutenable“, terme largement partagé par les anglo-saxons. Il parvient aussi à des qualités esthétiques appréciables par tous. Cette double démonstration ne se fait pas seule, et le projet de la rue Emile Durkheim a donné lieu à un partenariat fort entre la maîtrise-d’oeuvre et le savoir-faire de l’industriel Parmentier82, notamment pour la valeur poétique que Francis Soler souhaitait retirer de cette façade (cf. illustration83). Une façade de logements entièrement vitrée dont la technicité défie, de ses vingt ans, les systèmes certifiés actuels où “tu as beau leur dire qu’on va prendre un dispositif passif, ils ne savent pas ce que c’est84.“

La compréhension du milieu, l’architecte la possédait déjà avant que la grille d’évaluation HQE n’infantilise l’équipe de conception85. Cette compréhension se retrouve dans les principes bioclimatiques ancestraux et le bon sens exposés plus haut, “on n’avait pas besoin du tampon pour ça!86“

" 82

Flavia Nasio, Poésie en Façade, Impressions verticales, D’Architectures n°82, Avril 1998

83

Francis Soler Architecte - Logements rue Emile Durkheim. Détail de la sérigraphie mise en oeuvre sur la façade, au fond la Bibliothèque Nationale voisine de l’opération - Extrait de L’Arca International n°17, Octobre 1997. 84

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

“La cible numéro 1 pour un environnement meilleur est officiellement ainsi décrite « relation harmonieuse bâtiment-voisinage. Bonne intégration dans le paysage »; puis est commenté entre parenthèse, des fois que l’on aurait pas compris « vue extérieure et vue depuis l’intérieur ». J’ai compris, on nous prend pour des cons.“ Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. 85

86

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 36


Patrice Genet et la Commission Développement Durable du Conseil National de l’Ordre des Architectes dont il était le président, avait même participé à la mise en place d’alternatives à la certification environnementale : “Ça s’appelait une Notice de Développement Durable [cf. Annexes]. C’est un instrument qui permettait de se poser les bonnes questions avec son client. Une fois que les questions trouvaient une réponse dans ce dialogue concerté Maître-d’Ouvrage, Maître-d’Oeuvre, on avait l’impression d’avoir trouvé les solutions à mettre en oeuvre87.“ Ce dernier considère que l’architecte, fort de sa connaissance et volonté de répondre à la question du développement durable, devrait être le vecteur de la démarche environnementale dans le projet architectural - “Ou on est compétent ou on ne l’est pas. Ou bien l’architecte apporte cette valeur ajoutée en matière de conscience environnementale ou bien il n’est pas architecte88.“ Entre les mains de qui placer la question environnementale en architecture renvoie à la responsabilité de l’architecte. Une responsabilité totale vis à vis de ses projets, de la conception à la réalisation, responsabilité étendue au moyen de la garantie décennale. Cet engagement moral (et pénal89) pose le problème de la place prise, du point de vue de l’architecte, par la réglementation, les normes et les exigences de certification dans la conception de logements collectifs.

"

3. La place de la norme et des règles dans la conception. La multitude de règles et de normes appliquées au logement collectif en France90 peut, dans la posture conceptuelle des architectes, être intégrée dés le début de la réflexion. C’est en tous cas ce que prônent Patrice Genet et Francis Soler pour qui “la question de l’environnement, de l’urbain, du confort ou de la normalisation des handicapés : on ne devrait même pas en parler.91“ Dans cette logique, la sur-réglementation occupe donc une place prépondérante, sans toutefois se traduire par un achalandage de solutions techniques, tant le projet intègre ses contraintes de la première esquisse jusqu’au chantier. Mais les contraintes seules ne font pas le projet, et les techniciens de la RT à la dernière certification HQE 87

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

88

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

89

Source : https://www.maf.fr/documents/extranet/documentation/formationhmo2009.pdf

On dénombre 3700 normes encadrant la construction de logements en France. - Source : 20h de TF1 autour duquel François Hollande a annoncé son choc de simplification administratif. 90

91

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 37


ne peuvent pas aboutir seuls à des réalisations aussi complexes que ce que les métropoles réclamaient déjà dans les années 90. L’immeuble de la rue Durkheim, avec 20 ans d’écart, en témoigne aussi bien que l’ilot E8 de la ZAC Clichy-Batignolles. Dans ces projets “où les fonctions sont imbriquées et les choses un peu subtiles, il faut qu’il y ait des architectes c’est absolument nécessaire92. Et si l’architecte appréhende l’impératif réglementaire, normatif ou labellisant, il peut aussi le devancer, au point d’en dépasser les exigences. C’est ce à quoi tendent les dernières réalisations de Francis Soler, qui puise dans son expérience les moyens de concevoir des édifices à la pointe de l’art de synthèse en tant que mission architecturale. C’est le cas du bâtiment qu’il a signé à Saclay pour la recherche et le développement au sein d’EDF, “on a même des cellules photovoltaïques qui servent à rien. On en aurait besoin un peu, mais on en a mis plus parce qu’il faut montrer qu’il [le bâtiment] participe aux énergies renouvelables. On est à la limite de l’affichage honnête. Enfin c’est pas malhonnête, c’est juste que l’on a tellement un bon dispositif passif, que l’on n’aurait pas besoin de tant d’actif et EDF s’est aperçu que en communication, ça marchait pas. On était trop bon! Vous voulez pas aussi que je vous mette des éoliennes et des trucs pour les oiseaux? […] Donc on a mis des cellules photovoltaïques […], mais c’était pas nécessaire. Mais là on est dans la démonstration93.“ Cela concerne ici un édifice tertiaire, mais la même recherche, les mêmes objectifs peuvent êtres fixés sur un projet de logements collectifs : s’affranchir des exigences de moyens induites par la normalisation de la réponse architecturale à la nécessité de développement durable.

"

L’importance de la sur-réglementation dans le processus de conception peut être réduite de plusieurs manières. Certains décideront d’adopter un certain détachement intellectuel, c’est le cas de Manuel Gausa; d’autres comme Rudy Ricciotti préfèreront désobéir plus ou moins directement aux règles en vigueur. Pour l’architecte Catalan, “avoir plus de labels ou pas ça peut te donner plus mal à la tête ou non, mais à la fin tu calcules plus ou moins et ça pourrait aller, c’est pas quelque chose de dramatique non plus94,“ cela traduit en fait une volonté de faire avec les contraintes, de faire quand même - puisque comme cela a été évoqué plus

92

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

93

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

94

Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014. 38


haut, l’architecte est censé toujours parvenir à une solution. Ce détachement intellectuel trouve un écho tout relatif dans les faits au sein de l’agence, et les 160 logements de la ZAC de Clichy-Batignolles ont bénéficié d’une démarche plus complexe : “au niveau technique sur le chantier on est tous les jours soumis au label untel qui dit une chose, mais le label untel qui dit une autre chose, alors au final lequel on prend, on prend le plus défavorable le plus souvent, mais des fois techniquement le plus défavorable, ne satisfait pas, donc on va voir si on peut prendre l’autre, donc c’est des dérogations à tour de bras. Il y a tellement de labels différents et il faut se tenir pratiquement à tous, au bout d’un moment c’est impossible95.“ Déroger, surfer intelligemment , comme le dit Florence Raveau96, peut donc faire partie de la stratégie de l’architecte pour réduire l’impact de la superposition réglementaire sur le processus de conception. Rudy Ricciotti, quand à lui, met son énergie à faire ce qu’il peut. Il filoute contre cette réglementation assassine, et pratique la résistance technologique pour ne pas dire politique ou idéologique97 - assurant que c’est le rôle de l’architecte98 de s’assurer que ce qu’il aura économisé en accastillage environnemental sera ré-injecté dans les considération qualitatives du projet.

"

Pour faire face et gérer l’impact de la sur-réglementation galopante sur un projet architectural, “il faut juste un peu de cervelle, un peu de ventre et surtout du cœur99.“ C’est ce que suggère Rudy Ricciotti, l’architecte le plus médiatisé sur la question des labels environnementaux, “le meilleur d’entre nous à s’exprimer100“ contre le carcan de l’achalandage environnemental.

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95

Mickael Dominguez Gorsse - Entretien du 07/11/2014.

96

Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

97

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

98

Rudy Ricciotti - Questionnaire du 22/10/2014.

99

Rudy Ricciotti - Questionnaire du 22/10/2014.

100

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 39


B. Le concepteur face à la sur-réglementation et la certification.

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L’importance, dans l’exercice de l’architecture, de la position que peut prendre le praticien face à tout ce qui peut appauvrir le processus de conception du projet, semble apparaitre clairement. C’est tout du moins le cas chez les maîtres-d’oeuvre consultés ici : plus qu’un simple avis ou jugement, il adoptent une posture qui guide leurs choix de l’esquisse à la livraison du projet.

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1. Postures et réactions. Patrice Genet, en tant que président de la Commission Développement Durable du Conseil National de l’Ordre des Architectes, a adopté une attitude déterminante dans l’état actuel du débat sur le sujet. C’est en effet sous son impulsion que le CNOA à quitté l’association HQE en 2005101, une décision qui n’a pas fait l’unanimité : “je me souviens que cela avait fait débat au sein du conseil où beaucoup souhaitaient que l’on reste membres de l’association. Mais en parallèle, je militais en faveur du développement durable, […] Ça a été chaud, on me disait que j’étais un réac, que je n’allais pas dans le sens de l’histoire102.“ Cette réaction, nourrie en partie par l’agacement de voir naître nombre de Bureaux d’Etudes Techniques « spécialisés » (BET - HQE, systématiquement réclamés dans les concours et qui essayaient, sans expertise ni retour d’expérience103, de dicter la manière de concevoir et de construire) a appelé le sujet à évoluer. Rudy Ricciotti a remis en question ce qu’il qualifie de la religion qui rapporte104, et salue l’impulsion donnée par l’architecte de Montpellier : “avec courage Patrice Genet pointait très précisément ce mécanisme générique de la paralysie de l’initiative qu’est la norme, la certification, la sanctification morale105.“ C’était, en dehors d’articles ou de dossiers comme celui de Dominique GauzinMuller106, la première prise de position forte osant critiquer la démarche de certification. 101

Patrice Genet, L’Ordre des Architectes quitte l’association HQE : Quelques explications.

102

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

103

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

104

Rudy Ricciotti, Franck Boutté, Le développement durable une religion qui rapporte?, l’Architecture d’Aujourd’hui n°375,

105

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

106

Dominique Gauzin-Müller, Pour en finir avec la «HQE»?, d’Architecture n°133. 40


Après cela, le rapport ministériel107 commandé en 2009 par Jean-Louis Borloo à Claude Vasconi prévoyait, sous l’impulsion de ses co-rédacteurs, des effets inverses aux attentes du Grenelle de l’Environnement. Ce rapport n’a pas connu de suite et n’a donc pas été publié.

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C’est certainement avec Rudy Ricciotti qu’une certaine défiance vis à vis de la certification environnementale s’est répandue, du moins intellectuellement, au sein de la profession et des étudiants en architecture. L’architecte exerçant à Bandol avait profité que lui soit remis le Grand Prix National d’Architecture en 2006 pour donner une portée médiatique à la vive critique qu’il formulait déjà dans HQE, les renards du temple. Cette posture critique, de désobéissance, caractérise ses interventions et son exercice : “Nourrir la pensée d’une mémoire libertaire me semble le minimum alcoolique à pratiquer tous les jours108.“ Si les traits de sa position peuvent sembler forcés, ils conservent une grande force de conviction et frappent aussi fort que les mots de Patrice Genet lorsqu’il décrit la démarche HQE en 2005 : Réductrice, Minimaliste, Technicienne et Castratrice109.

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Ces deux praticiens, aux postures critiques fortes, ne sont pas contre l’évidence que l’urgence environnementale appelle les architectes à s’interroger sur le développement durable. Ils s’arc-boutent contre ce que la réglementation a mis en place plus ou moins volontairement au nom du développement durable : la normalisation et le “marketing architectural110“. Nicolas Michelin les rejoint largement en s’indignant dans ses ouvrages et conférences, en tant qu’architecte “entravé par la superposition de normes, la surenchère de labels et de certifications111“contre laquelle il prône la désobéissance inventive. Francis Soler et les associés de l’agence Gausa+Raveau Actararquitectura, adoptent une position plus proche de l’assimilation des règles, normes et labels - même si ces Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 107

108

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

Patrice Genet, L’Ordre des Architectes quitte l’association HQE : Quelques explications. Ces termes ont aussi été repris lors de l’entretien du 23/10/2014. 109

110

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

111

Nicolas Michelin, Attitudes, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement. 41


règles, “c’est une bizarrerie112“- cette assimilation visant à terme la transgression normative dans une démarche de recherche, qui fait partie intégrante de leur exercice, pour défendre toujours le projet, surfer intelligemment113. Cette démarche, cette attitude intellectuelle, n’empêche pas d’être critique sur ces contraintes, leurs origines et la manière dont nous devons ou pouvons réagir face à cet empilement normatif. Dans un premier temps, sans parler du contenu des règles, normes et grilles de certification, l’origine de nombreuses contraintes impactant la conception architecturale fait réagir : “On n’a pas de leçons à recevoir de la part des ces envahisseurs qui n’apportent rien114“, tranche Francis Soler au sujet de l’influence anglo-saxonne sur la traduction réglementaire, normative, des préoccupations environnementales en France. Manuel Gausa quand à lui, affiche clairement nos origines méditerranéennes pour illustrer l’inopportunité du consensus appliqué par les normes venues du nord de l’Europe, car selon lui, “le consensus, surtout dans les pays méditerranéens, porte à bloquer […] la capacité à créer des situations plus expérimentales115.“

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2. La part d’acceptation, de soumission. Alors parfois pour continuer de faire, de créer, l’architecte accepte et se soumet tout relativement - à la pression réglementaire, normative ou certificatrice. Il arrive qu’en pleine conscience de la contre-productivité qu’elles induisent, l’architecte se retrouve contraint d’appliquer les exigences normatives, “mais c’est pour répondre à la norme, c’est seulement pour atteindre les objectifs, les chiffres fixés arbitrairement que l’on ajoute des dispositifs techniques116.“ Patrice Genet fait part de son expérience sur un projet de résidence étudiante, dont la conception a été fortement impactée par la norme environnementale et ses exigences; des logements collectifs donc, mais avec la particularité de ce programme qui tient à la surface restreinte des studios proposés aux futurs habitants : « Vous connaissez le double-flux, je trouve ça intelligent dans les grandes surfaces par exemple. Je me rappelle avoir fait une opération Haute Performance 112

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

116

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 42


Energétique trois étoiles pour une résidence étudiante, la seule solution pour atteindre les coefficients était de mettre de la ventilation double-flux dans les chambres - vous imaginez?! C’est insupportable! Du double-flux dans des chambres étudiantes de 15m2!! De l’air aspiré d’un côté et soufflé re-chauffé de l’autre […] le bruit en plus. Dans un petit volume, c’est impossible à vivre. Par contre sur le papier, tout était correct. Nous avions répondu aux exigences en terme de déperdition, etc… On avait donc obtenu le label HPE trois étoiles. Les gens l’on coupé ensuite, c’était insupportable. Encore une fois, parce qu’on nous demande d’atteindre des performances arbitrairement fixées par les organismes certificateurs, on fait n’importe quoi après117! »

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Alors que peuvent faire les architectes face au phénomène de sur-réglementation environnementale? Cautionner118, comme le dénonce Rudy Ricciotti, ou bien dire les choses, au risque d’être mis sur la touche, ou bien faire partie des deux catégories d’architectes qui construisent en France : “les architectes dociles pour qui « l'important c'est de faire » et ceux qui sont au-dessus du système et pour qui un concours d'architecture coûte moins cher qu'une campagne de communication. Au milieu, il y a ceux qui parlent et qu'on évite, comme Francis Soler, qui racontent l'architecture comme elle devrait être119.“ La démarche adoptée par Francis Soler ou Manuel Gausa apparait comme éclairée. Ne pas hésiter à exprimer son insoumission, avec force, en complément d’une recherche perpétuelle de solutions conceptuelles et techniques, c’est certes s’exposer à une baisse des commandes, mais c’est peut-être aussi un moyen pour l’architecte de prendre part aux décisions qui marqueront une conception architecturale vraiment durable. Ainsi, malgré la crise qui a frappé l’Espagne, “il y a beaucoup de recherches, des recherches théoriques, expérimentales pour ce qu’on appelle la sufficiency, la capacité d’auto-gérer les villes, et de créer des expériences entre bâtiments de 117

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. “Mais nous les architectes toujours à la pointe de la collaboration, cautionnons! L’architecte doit être dorénavant vert, cool, metteur en scène de sa propre sympathie, gendre modèle genre Sabatier, Foucault, Drucker, voire green et parfois super green. On part en couille…“ 118

Christophe Leray, Francis Soler, Architecte héroïque? Source : http://www.cyberarchi.com/article/francis-soler-architecte-heroique-07-09-2005-4287

119

43


mêmes quartiers, créer de l’auto-suffisance énergétique surtout, captation, déploiement sans passer par les grands opérateurs, et là il y a beaucoup de recherches et de volontés politiques. J’étais dans le conseil de la ville pour appliquer ça d’une façon assez forte [à partir de] maintenant120.“ Franck Boutté, ingénieur environnemental intervenant sur le projet de l’ilot E8 de la ZAC Clichy-Batignolles, estime que c’est le développement durable qui subit le plus la chape dogmatique exposée précédemment. Dans une dynamique de soumission à des modèles mathématiques germaniques, anglo-saxons et scandinaves, le développement durable en architecture s’écarte de la question qui se pose en premier lieu : celle du “rapport de l’homme au monde121“.

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3. De nouvelles manières de concevoir? Plutôt que de s’inscrire dans une posture soumise aux solutions normalisées, il faut, selon les maîtres-d’oeuvre pré-cités, parvenir à de nouvelles démarches conceptuelles. Des approches aussi plurielles que les environnements dans lesquels nous construisons sont à adopter. Et si nous ne l’avons pas encore fait c’est, selon Franck Boutté, à cause d’une négation actuelle de la diversité des milieux auxquelles nous devons faire face. Dans le cadre d’une approche plurielle, il est possible de distinguer « trois écologies » : “L’écologie du Nord, la seule qui ait donné lieu pour le moment à une formalisation, est issue des pays germaniques, anglo-saxons et scandinaves. […Elle] est devenue le paradigme dominant. Il est intéressant de noter que, façonnée par la rigueur climatique, elle prône l’isolement maximal entre l’intérieur et l’extérieur, et conduit, in fine, à un mépris de l’environnement au sens de milieu… L’écologie du Sud, spoilée par celle du Nord avant même d’avoir été écrite ou encore imaginée, devrait à l’inverse jouer de la fluidité entre intérieur et extérieur, de la continuité entre la maison et la rue […]. L’écologie du milieu, enfin, n’est pas non plus écrite. Caractérisée par la neutralité du climat et l’importance des inter-saisons (comme c’est le cas en France), de nouvelles formes urbaines et architecturales hybrides et évolutives restent ici à

120

Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

121

Franck Boutté, Développement durable : la nouvelle «tyrannie du bien»?, l’Architecture d’Aujourd’hui n°375 44


inventer : germaniques en hiver, méditerranéennes en été et, surtout, prenant en compte l’importance caractéristique des intersaisons neuf mois dans l’année122.“ Cette dimension du développement durable est aussi présente dans la démarche que met en valeur Francis Soler, “être opportun, là où on est, c’est à dire qu’il va falloir qu’on en finisse une bonne fois pour toute avec […] la reproduction autiste des bâtiments123.“

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L’architecte des logements de la rue Emile Durkheim, comme Patrice Genet notamment, estime aussi que le travail du maître-d’oeuvre est de concevoir durable, “c’est à dire avec de la modularité et une capacité à évoluer124.“ Cette capacité à évoluer, Francis Soler la place dans une relative banalisation des bâtiments. Leur usage ne serait plus aussi lisible en façade, à l’exemple des logements qu’il a livré en 1997 et qui, dans le quartier de la Bibliothèque Nationale, n’exposent pas leur programme de logements sociaux : “et ça demain tu peux en faire des bureaux125.“ Cette durabilité, cette pérennité, passe aussi par des choix de matériaux en adéquation avec la position intellectuelle et conceptuelle prise par l’architecte. Limiter les frais de maintenance les pousse, conjointement à la considération qualitative qu’ils en ont, à condamner l’isolation par l’extérieur telle qu’elle est généralisée aujourd’hui : “Pour moi c’est hors de question, tu peux pas mettre un corps mou sur un corps mou, […] vu qu’ils achètent la moitié des mecs du CSTB, ils ont réussi à avoir l’agrément d’un enduit mis sur grillage, mis sur de la laine de roche ou polystyrène, mais n’importe qui peut te dire que si je met un coup de pied dedans ça va exploser126.“

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De manière générale, sortir de la dynamique mercantile qui conduit à se dire qu’il n’y a “pas assez de logement donc tout ce que nous construisons aujourd’hui se vendra, trouvera preneur127,“ est un souhait que tous formulent dans une appréhension de ce que l’avenir réserve à la production de logements actuelle : “c’est ça le drame. Dans 15/20ans, quand les gens partiront de ces endroits parce que ça sera pas agréable à 122

Franck Boutté, Développement durable : la nouvelle «tyrannie du bien»?, l’Architecture d’Aujourd’hui n°375

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

127

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 45


vivre - on risque de se retrouver avec de la friche128.“ Pour illustrer cette crainte, cette dérive dans laquelle il faut absolument ne pas tomber, Patrice Genet rejoint Franck Boutté dans un parallèle de la ville durable, actuellement projetée, et de la ville “du chemin de grues129“ des modernes : “c’est le problème que l’on a aujourd’hui dans des villes comme la Grande-Motte : où l’on a empilé des studios avec des trames de 3,50m à 4m, et aujourd’hui on se retrouve avec un patrimoine de studios dont l’exigence sociale ne veut plus. Même pour de la résidence secondaire on ne veut plus se contenter d’un studio. Aujourd’hui transformer ces studios en appartements coûte la peau des fesses, alors que si l’on avait pensé à construire en poteau/poutre il aurait été facile maintenant de modifier les typologies intérieures130.“ Nous, architectes devons tenir compte de la durabilité au sens des temporalités que le bâtiment aura à supporter, son évolutivité131, associées à une réflexion en coût global132 et prenant en compte toutes les énergies non-chiffrables133,mais appréciables134 créées par sa construction. Ce sont autant de paramètres essentiels à intégrer dans nos démarches de conception du logement collectif. Mais comme le précisent Rudy Ricciotti et Patrice Genet, “on ne s’en sortira pas tout seul135,“ alors autant engager le dialogue avec les autres acteurs de la construction en France, bureaux d’études, maîtres-d’ouvrage et entreprises : « Le moment est venu dans un pays qui possède probablement les meilleures entreprises européennes du BTP d’ouvrir, en partenariat architectes, ingénieurs et entrepreneurs, une procédure de recherche et de développement, où il s’agira d’un côté, de dérèglementer pour performer sur le bilan carbone et énergies grises, seules véritables preuves de bénéfice écologique. Et de l’autre, augmenter le besoin de main d’oeuvre pour enfin réduire le spectre énergétique des transformations. Seules initiatives pour résister à

128

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

129

Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, 2009.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

132

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

133

Nicolas Michelin, Les architectes sont-ils des lapins?, L'Architecture d'Aujourd'hui n° 377.

134

Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

135

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 46


la fragmentation des règles, devenues moteurs de désintégration architecturale, seront de taille dans ce combat qui s’annonce136. »

136

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt. 47


C. Réalisation, traduction qualitatives malgré l’abondance de règles.

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1. De l’importance du dialogue avec la maitrise d’ouvrage. Le dialogue doit se mettre en place avec tous les intervenants dès les premiers traits de la conception. Cependant, la dimension économique étant prépondérante dans les programmes de logements en France, il est nécessaire d’établir un échange clair avec celui qui en finalité paiera la réalisation dudit projet : le maître-d’ouvrage public ou privé, dont l’inertie décisionnelle137 représente un réel défi pour l’architecte. Il faut alors, dans un premier temps dépasser la frilosité du maître-d’ouvrage vis à vis d’une démarche de recherche, vis à vis d’une conception orientée avant tout vers la qualité globale du projet. Cette démarche, est portée par l’architecte qui devra se montrer astucieux et convaincant, pour parvenir à injecter ses idéaux architecturaux tout en satisfaisant les impératifs économiques et normatifs de l’opération.

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Par le dialogue, par la persévérance et la force de conviction, Francis Soler est parvenu à mettre en oeuvre la double paroi assurant le confort thermique d’hiver des logements de la rue Emile Durkheim; c’est dans la même dynamique qu’il a pu engager le maître-d’ouvrage sur la voie du financement global qu’il prônait déjà à l’époque (1994) : “le Maître-d’ouvrage dit je ne veux pas payer plus et tu dis si je mets des matériaux comme du verre, du béton, de l’inox alors il n’y aura pas d’entretien et il me répond « j’ai pas les moyens ». Alors je lui dis de ne pas s’inquiéter, et que je ferai avec le budget. Finalement, on y arrive car le travail de l’architecte est de discuter avec les entreprises, puis tu fabriques. Et le Maîtred’ouvrage dit « Bravo! », c’est dans les prix et dans le budget global il n’y a pas d’entretien138.“ C’est cette même force de conviction et une dose de pédagogie qui a permis à Patrice Genet de respecter, malgré les coûts, l’incompréhension et le lobby de certains maîtres-d’ouvrage, le règlement de la ZAC Pierres Vives : “L’architecte de la ZAC avait interdit les enduits, et les promoteurs sont venus lui expliquer que c’était trop cher pour eux de faire autrement. Ils ont réussi à le faire changer d’avis. Alors que moi avec un bailleur social j’ai réussi à faire du béton brut, avec un budget de logements sociaux. C’est vrai que les matériaux bruts en façade coûtent plus cher 137

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

138

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 48


parce qu’ils doivent être très bien réalisés, […] Il faut donc être pédagogue avec le client pour éviter la vision connotée du matériau qu’il peut avoir139.“ La concertation peut aussi apparaitre bien inutile, concernant notamment ce que devrait être l’esthétique architecturale140, à propos de laquelle Rudy Ricciotti refuse toute concertation - surtout “avec des gens qui ne savent pas ce qu'est l’architecture141.“

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Dialoguer, dans un climat sain d’échanges avec une même préoccupation du bien commun - nécessité absolue pour des programmes de logements collectifs - peut aussi permettre de convaincre sur des sujets primordiaux. La question du suivi de chantier, par exemple, qui aurait pu échapper à l’agence Gausa+Raveau, s’il n’avaient pas engagé “9 mois de négociations très très dures142“ à la fin desquelles ils sont parvenus à convaincre, seuls, leurs deux clients (Cogedim Résidence et Sodearif). Philosophiquement, le dialogue peut apparaitre comme un médium du retour d’expérience des usagers par rapport à un projet conçu dans une démarche innovante. Ce dialogue là, permettrait à travers les modes de communication actuels, de définir les paramètres d’appréciation143 des qualités d’une opération de logements collectifs. Il s’agirait d’un dialogue virtuel, qui permettrait “de voir si les choses se diffusent plus, si les choses sont plus partagées, comme Facebook, toutes ces choses ne sont pas quantifiables mais appréciables, donc chaque fois cela te permets de paramétrer l’information, donc de savoir la réponse globale à une stimulation qui serait un quartier, un bâtiment, etc.. donc savoir un peu qu’elle est sa réponse, sa réaction, la réaction culturelle dans ce sens144.“ De manière plus pratique avec l’usager, le dialogue peut déjà s’installer lorsque le maître-d’oeuvre et son équipe proposent des solutions techniques sortant du carcan normatif145. Il peut se faire sous la forme d’une notice, d’un manuel d’instruction 139

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. “La concertation sur les chiffres, oui, sur les caractéristiques d’un bâtiment, sur le fonctionnement, bien sûr. Je me refuse cependant catégoriquement, lance-pierre à la main, à concerter une demi-seconde sur ce que devrait être l’esthétique architecturale.“ 140

Christophe Leray, Francis Soler, Architecte héroïque? Source : http://www.cyberarchi.com/article/francis-soler-architecte-heroique-07-09-2005-4287 141

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

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Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

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Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 49


pour l’habitant146, présentant les solutions et le fonctionnement du logement dans lequel il entre.

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2. Biaiser la norme, le label. Ce type de dialogue est nécessaire lorsque, comme l’agence Gausa+Raveau sur le projet de Clichy-Batignolles, l’architecte surfe intelligemment147 sur le flot de contraintes pour défendre le projet et ses qualités. Avec l’aide de Franck Boutté, ils ont pu éviter le recours à la surenchère technologique en terme de ventilation qui, sans cette volonté de leur part, aurait impacté chacun des 160 logements de cette opération. “On a trouvé des trucs pour la ventilation de chaque logement […] pour éviter le double flux148“, cela tient à la qualité des espaces extérieurs à vivre et à la technicité de la façade de l’immeuble (cf. illustrations149).

Cette manière de biaiser la norme, qui aurait imposé du double-flux dans tous les logements, par un système technique passif valorisant les espaces extérieurs à la misaison et en région parisienne, apporte de surcroit de la poésie au projet.

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

Gausa+Raveau Actararquitectura / Avenier & Cornejo Architectes - Paris, 160 Logements, 1 FAM et Espaces Commerciaux.

Coupes types sur façades ventelles - Extrait du carnet de détails - Phase DCE. 149

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En effet, du parti pris architectural présenté au concours, à la construction de l’opération sur le site, la façade a toujours constitué un élément fort de l’imaginaire mis en place autour du projet. Au fil de la conception, la partie basse des ventelles constitutives de la peau de l’édifice ont subi des modifications au regard des exigences de certification : “Franck Boutté nous a dit que devant la transmission lumineuse, on ne pouvait pas, il y a un coefficient [de transmission lumineuse] minimum à respecter [sinon] l’intérieur des appartements ne sera pas illuminé correctement.“ De totalement réfléchissantes pour proposer une scénographie saisonnière liée au parc (cf. Illustrations150), elles sont devenues partiellement translucides.

LIVING LANDS

Une modification, 160 LOGEMENTS à la faveur de l’obtention d’un label environnemental, qui pourrait AVEC ÉQUIPEMENT PUBLIC

(FAM DEde 46 PLACES) bien ajouter l’intérêt à cette enveloppe : “C’est vrai que tu n’auras pas toujours

2011/2014

et DCE l’aspect PCE complètement miroir, en fonction de la luminosité, et en fonction du temps, En cours de réalisation

Surface : 16.700 de la hauteur. Tu mauras des endroits où ça sera plus transparent, et des endroits où 2

Montant Travaux : 31,8M €

Maître d'ouvrageplus : ça sera beaucoup réfléchissant.“

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Altarea Cogedim et Sodéarif

Architectes Asociés : Avenier + Cornejo Architectes

Collaborateurs / Consultants : Pour Francis Soler, le processus de conception peut se situer dans la “transgression CFERM : Installations,

Bouygues : Structures ,

normative, c’est-à-dire ce n’est plus l’idée de l’acceptation. Elle permet de dire bon il Bassinet Turquin : Paysage, Franck Boutté : HQE,

Forgue : Écomoniste y a des Michel règles, elles sont toutes plus idiotes les unes que les autres, qu’elles soient Collaborateurs : Vicky Lenz, Nam LeToan y Selva Demiaux (DETO Architectes), Mikael Domínguez, Ferran 150 Gausa+Raveau Actararquitectura / Avenier & Cornejo Architectes - Paris, 160 Logements, 1 FAM et Espaces Commerciaux.

Aparicio, Ioana Valero, Alberto Vue de la maquette deContati, concept pour la Oss, Anna A. Llopis, C. façade. Vues printemps/hiver.

Madrid, Giordano, A. Calabró Extrait du livret éditéC.par l’agence barcelonaise sur leur partie du projet.

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236


environnementales, handicapés ou urbaines151.“ Il met alors au point, après s’être renseigné sur les règlementations les plus problématiques, des éléments de composition architecturale qu’il utilisera tant, pour résoudre une problématique normative ou environnementale, que pour apporter une qualité spatiale ou esthétique à son projet.

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3. Se battre. Il est un moment où l’acceptation et même la transgression normative ne suffisent plus. Il faut alors dans une certaine mesure percevoir l’architecture comme un sport de combat, comme le parallèle que Tadao Ando fait souvent entre ce métier et la pratique de la boxe152, une certaine verve méditerranéenne en plus : “Il ne faut pas courber l’échine, de peur de ne pouvoir se redresser. Les expressions doivent forcément se délier, sous peine de s’entendre répéter avec conviction les mots d’ordre aux manettes. […] Evitons de devenir des collabos, que l’architecture ne devienne pas l’ombre portée d’une brutalité bureaucratique arbitraire153.“ Par cet appel, ses ouvrages et interventions, Rudy Ricciotti nous enjoint à nous battre. Lui comme d’autres combattent le “charlatanisme [mis en place] sur une question majeure qui doit être autre chose encore une fois qu’une machine à […] saquer l’architecture154.“ Se battre pour défendre le projet155, ses qualités conceptuelles et esthétiques, et défendre aussi l’architecture et l’architecte qui n’a rien abandonné156 de ses devoirs et responsabilités. Il s’est surtout vu retirer des pans entier du processus de conception au nom du développement durable; prérogatives qui sont, depuis l’apparition des labels, attribuées à des “docteurs environnement157“ et autres “experts auto-proclamés HQE.158“

151

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

À propos du projet de bureaux Mobil’19 : de ses coursives, traitements en verres dépolis et protection solaire des nez de dalles. 152

Source : http://www.liberation.fr/portrait/1995/06/10/tadao-ando-l-esprit-des-maisons-de-the_135129

“S’il n'y a pas de tension, il n'y a pas d'architecture possible.“ 153

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

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Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 52


Car tous les docteurs environnement ne sont pas aussi compétents et conscients des impensés et freins à la conception de la sur-réglementation et de la certification environnementale que ne l’est Franck Boutté159; et même eux, puisque il faut maintenant compter avec leurs voix, sont appelés à se joindre à la lutte, à la résistance, quitte à se fâcher pour limiter le carnage160. Enfin, il faut se battre pour ce métier d’architecte qui est le garant de la synthèse du projet, de sa qualité tant conceptuelle qu’effectivement construite. Les mots de Rudy Ricciotti pour décrire ce combat auraient du mal à être dépassés : “Le métier doit être défendu. Pied à pied. Je m’autorise à lever le doigt pour ne pas laisser le silence s’installer auprès d’un public ignorant des enjeux de cette profession. La réserve, le détachement, affecter une distance coûte très cher à nos libertés, ne crée aucune distinction. […] Le plus difficile n’est pas de devenir architecte, c’est de le rester161.“

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Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, 2009.

160

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

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Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. 53


III. Pour des qualités architecturales à l’épreuve de la surrèglementation.

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La posture prise par la maîtrise-d’oeuvre, et plus précisément par l’architecte, qu’elle soit intellectuelle ou opérationnelle, peut donc trouver des traductions fortes dans ses réalisations construites. En témoignent les postures vives adoptées par les architectes précédemment cités, et la qualité de leurs réalisations. Alors, la question peut maintenant se poser de savoir quels enseignements nous pouvons retirer de leur exercice. Une pratique qui ne se limite pas à la communication autour de leur posture intellectuelle, mais qui trouve un écho construit, des effets visibles, quantifiables ou - quand il est impossible de les mesurer - appréciables.

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Tous s’accordent pour dire que la culture - qu’elle soit constructive, esthétique ou même d’usage - revêt une importance capitale lorsqu’il s’agit d’injecter de la qualité à un projet architectural. Que les qualités recherchées soient fonctionnelles, visuelles ou environnementales, la culture apparait indispensable à l’exercice de l’architecture. Elle s’incarne cependant différemment chez chacun selon sa formation, son expérience et justement son positionnement. Formation et expérience, peuvent devenir les vecteurs d’un changement radical de la manière d’appréhender le projet architectural et, plus précisément les opérations de logements collectifs. Comme Francis Soler et Rudy Ricciotti le proposent, avec des degrés de violences différends, la question de l’enseignement de l’Architecture doit être reposée en profondeur pour une nouvelle génération d’architectes.

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La culture de l’architecte, au sens large, tient aussi à son engagement intellectuel et a sa capacité d’interagir avec la société dans laquelle il exerce, sur laquelle il influe; une société dont il peut apprendre et à laquelle il devra un jour passer la main. Il laissera alors place à la relève au combat, une génération forte de l’expérience et des connaissances de leurs ainés.

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A. Importance de la culture comme apport qualitatif.

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1. Le quatrième pilier du développement durable. L’aspect culturel d’un projet, est une part importante de l’apport de l’architecte à sa réalisation. Il a cependant été démontré plus haut, que la dimension culturelle dudit projet a tendance à être niée, voire effacée à travers la réponse apportée par la sur-réglementation et la certification environnementale. Ces dernières, ne tiennent aucun compte de l’histoire dans laquelle elles s’inscrivent : elles nient, par leur absolutisme, jusqu’à la culture environnementale des pays méditerranéens ou méridionaux162. Il est intéressant de noter que Franck Boutté, ingénieur, est parmi les premiers à regretter l’absence du pilier culturel dans le schéma du développement durable, tel qu’il est appliqué depuis sa définition (Social/Economique/Environnemental). Il souligne qu’aujourd’hui nous construisons au maximum des préoccupations environnementales, dans une pseudo-exemplarité critiquant la faiblesse des performances de ce qui a été construit avant. Pourtant c’est paradoxalement dans cet héritage architectural que nous aurions plus de plaisir à vivre : “c’est pas la peine de chercher à réduire tous les impacts, si au final c’est pour fabriquer une ville qu’on n’aime plus163,“ prévient-il.

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Pour Manuel Gausa, la question du développement durable pourrait, au même titre que la modernité des années 30, être culturellement acceptée comme espace d’expérimentation et donc d’innovation en architecture. Mais cette “idée d’expérimentation, d’innovation liée à une nouvelle façon de voir la vie, aujourd’hui elle n’est pas. Dans le monde, disons de fin de siècle et de début de siècle, c’est un peu le contraire : alors la grande peur des entrepreneurs, des politiques, c’est de prendre les risques164.“ C’est ainsi, peut-être, une culture du risque qu’il faudrait développer chez les décideurs et les concepteurs. Un risque qui se mesure165, car encore une fois l’architecte - s’il est culturellement responsable des déconvenues de sa création porte le poids des choix qu’il fait, tout au long de la durée de vie du bâtiment.

162

Franck Boutté, Développement durable : la nouvelle «tyrannie du bien»?, l’Architecture d’Aujourd’hui n°375

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Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, 2009.

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Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

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Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014. 55


Culture du risque, mais aussi culture constructive et conceptuelle, tels sont les préceptes que l’on peut retenir des logements de la Gare d’Auteuil, co-réalisés par Anne Demians, Finn Geipel, Francis Soler et Rudy Ricciotti166. Adossés à la capacité de travailler ensemble, les quatre architectes signent chacun un des 4 bâtiments de cet ilot. Ils portent leur marque, sont parfaitement identifiables dans le quartier et présentent pourtant une extraordinaire homogénéité du fait de l’utilisation d’une boite à outils commune : “on a fait une mise en commun des outils de fabrication. Le même système a été repris sur les 4 bâtiments, la boîte à outils commune, donc sur 4 façades en fait, on utilise la gestion de matière et la gestion économique de masse. C’est-à-dire qu’on utilise le coût des 400 logements pour faire baisser les prix mais en prenant tous les mêmes châssis dans une gamme de 4167.“ De cette intelligence dans la culture constructive à une culture du développement durable, il s’agit encore de la posture adoptée par l’architecte, mais aussi, pour chaque architecte, par le citoyen. Ainsi pour Francis Soler, “pour en revenir à [la] question de l’environnement, c’est plus une question de culture, de mentalité, de posture que de descriptif, la seule chose qu’on ne fera pas comme nous, c’est l’invention de ce qu’on appelle le dispositif passif : 4 bâtiments avec de la lumière de partout.168“ C’est ainsi, que pour l’architecte des logements de la rue Emile Durkheim, qui rejoint Franck Boutté dans son souci de produire une ville aimable169, il faut développer une culture profonde170, autour du projet architectural. Une culture basée sur l’art de synthèse qu’exerce l’architecte avec tous les paramètres à prendre en compte sur une opération. Et, s’il s’agit ici de logements collectifs, lui l’envisage de cette manière pour tous ses projets.

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166

Michelle Leloup, Auteuil ou l’architecture d’une confidence : Anne Démians, Finn Geipel, Francis Soler et Rudy Ricciotti

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

168

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Christophe Leray, Francis Soler, Architecte héroïque? Source : http://www.cyberarchi.com/article/francis-soler-architecte-heroique-07-09-2005-4287

Francis Soler : “Tous les gens se trouvent bien dans les bâtiments que je construis.“ 169

170

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 56


2. Contextualité / Hypercontextualité. La même dynamique peut-être mise en place sur la question du contexte. Elle serait certainement à aborder d’un point de vue synthétique, autant que d’un point de vue réglementaire. Francis Soler parle d’être opportun171 de l’endroit où l’on s’installe, où l’on conçoit un bâtiment, il nous somme de mettre un terme à l’architecture de style, celle des modèles répétés à l’infini; il est enfin aussi critique que nous gagnerions à l’être, à l’encontre de ceux qui ne tiennent aucun compte de la culture du lieu, de la contextualité de leur projet172.

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Le contexte, est un terme très utilisé dans la conception et la réalisation de projets architecturaux, il est cependant “trop souvent ignoré. Les urbanistes, les aménageurs et les services des villes oublient parfois « le génie du lieu »173.“ Dans cette question du contexte, Nicolas Michelin intègre bien entendu la dimension environnementale et ses caractéristiques climatiques, mais aussi l’histoire inhérente à un territoire sur lequel le maître-d’oeuvre intervient. Il propose alors de faire le pari du site, et de s’appuyer sur les forces de l’existant pour le transformer. Cela implique une hyper-contextualité du projet, du processus de conception, que l’architecte-urbaniste exprime dans le sur-mesure et le développement de solutions au regard des spécificités de chaque nouveau terrain, lieu ou site d’implantation.

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La contextualité est développée par Rudy Ricciotti dans la production effective de richesses immédiates. Immédiat est ici à prendre dans le sens de l’immédiateté de l’effet qu’aura le projet sur son contexte, il mise pour cela sur des démarches opérationnelles autour du projet architectural : “Intégrer une chaine courte de production, favoriser l’emploi territorialisé, participer au renouvellement d’une mémoire du travail174.“ C’est, par cette sauvegarde de la mémoire du travail qu’il entend, sinon préserver, au moins respecter le contexte dans lequel il intervient, le réel sur lequel il agit. Il porte aussi la dimension contextuelle de ses projets dans l’usage de matériaux locaux, ou que l’on peut produire localement, c’est ainsi que le béton trouve 171

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

À propos de la pratique de Franck Gehry. 173

Nicolas Michelin, Attitudes, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement.

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Rudy Ricciotti - Questionnaire du 22/10/2014. 57


naturellement sa place dans ses réalisations sans pour autant nier la possibilité d’utiliser d’autres matériaux (usage de pierre régionale dans le projet de logements sociaux “La Capitelle“ au Crès prés de Montpellier).

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3. Reconsidérer le rôle de l’architecte dans la Cité. Pour aborder cette contextualité, cette intégration au tissu culturel du lieu où l’on s’installe, l’architecte doit, selon Rudy Ricciotti, reprendre conscience de son rôle politique. Et si ce n’est le sien - puisque tout architecte n’est pas destiné à mettre en exergue une citoyenneté militante - c’est de la dimension politique de l’architecture qu’il s’agit de prendre conscience au regard de sa capacité à transformer le réel175. Ainsi, selon lui, “ça n’est pas rien de l’accepter. La politique est le jumeau de l’architecture. […] . Les constructions ne s’élèvent pas au milieu de nulle part. Elles découlent d’une suite de décisions au caractère politique évident176.“ Des décisions politiques, qui engagent un projet architectural ou urbain, déterminent les grands axes de développement, les zones à urbaniser, à habiter ou à protéger. Les décisions politiques ne sont pas absentes de la conception architecturale, elle sont au moins idéologiques , dans le sens où elles sont guidées par les idéaux architecturaux évoqués plus haut. Mais la sur-réglementation, entre autres contraintes ou interventions dans le processus de conception, représente un facteur altérant la volonté politique ou idéologique première. “À terme la synthèse [et par la même l’architecte] navigue[nt] à vue. À charge pour les travaux de l’architecte d’en débrouiller au plus juste le sens, car l’architecte ne construit jamais rien seul. En revanche, il en assume la responsabilité, pour une large part177.“ Cette phrase de Rudy Ricciotti peut résumer la dimension perverse de la position de l’architecte au coeur de la chose publique178 : ce dernier se trouve à agir sur l’environnement et l’habitat de ses contemporains, mais il ne peut cependant leur proposer que des versions édulcorées des qualités qu’il idéalise pour lui comme pour eux.

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Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

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Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

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Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

Chose publique est la traduction en français du latin res publica, qui a donné le mot république dont le sens est plus restreint. Dans res publica, res signifie chose, sujet, affaire, occupation, et publica dérive de poplicus qui signifie en rapport avec le peuple. 178

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Le rôle politique de l’architecte, peut aussi être abordé de manière moins philosophique et plus opérationnelle, voire même institutionnelle. Ainsi, leur présence dans des conseils régionaux, et même nationaux - au même titre que leur consultation régulière par les instances décisionnelles au plus haut niveau de l’Etat pourrait devenir un gage du repositionnement de considérations qualitatives, pour le logement collectif, comme pour l’architecture en général, au coeur de toute politique de construction, d’aménagement ou d’urbanisation. Le manque actuel de visibilité des architectes au sein de ces instance est déploré par Nicolas Michelin dans ses ouvrages comme par Manuel Gausa dans sa propre expérience: “moi quand j’étais dans ce conseil, j’étais entouré de physiciens, d’ingénieurs, de géographe, etc... pour ce qui affecte à ce qu’on pourrait appeler labels, etc... Disons, il y avait dans ce conseil surtout des physiciens qui travaillaient des aspects environnementaux et des ingénieurs, j’étais l’unique architecte, il y avait 25 personnes179. La dimension politique de l’architecture, échappe aussi à ses praticiens, et il est important de voir certains de nos représentants à l’Assemblée Nationale prendre la défense (pour reprendre le terme de Rudy Ricciotti) de ce métier, de ses prérogatives et de ce que l’on est tous - en tant que citoyens - en droit d’en attendre180.

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Cependant, un dernier aspect du rôle politique de l’architecte doit venir pondérer, et même encadrer l’ensemble de ce qui a été énoncé jusqu’à présent : il s’agit de son esprit critique. Remettre en question de manière constructive - en prenant bien garde de ne pas être, par exemple, aussi obtus que la réglementation que l’on critique pourrait bien nous servir de prémisse à un retour à la prééminence des qualités architecturales, d’usages et d’esthétiques dans un projet. Ce retour, par l’exercice du doute quotidien vis à vis du projet et des choix faits dans son processus de maturation, à la qualité de vie, pourrait se faire au détriment de quelques points sur la grille de certification environnementale181. C’est donc, la culture critique qui semble être le facteur commun aux praticiens cités ici : une culture du doute qui, loin de freiner la démarche innovante au sein du projet, l’encourage pour trouver de nouvelles façons de faire la ville, innover et sortir

179

Manuel Gausa - Entretien du 07/11/2014.

Patrick Bloche (Rapporteur), Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education, sur la création architecturale - 2 Juillet 2014. 180

181

Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, 2009. 59


de nos habitudes et standards182. Il y a cependant beaucoup d’inertie dans le processus de conception et de réalisation actuel, il apparait nécessaire de se poser la question - en parallèle de l’exercice actuel de l’architecture - de la formation, de la maîtrise-d’oeuvre au sens large.

182

Nicolas Michelin, Attitudes, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement. 60


B- L’enseignement à la base.

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En tant que professionnel agissant sur l’environnement et l’habitat de ses contemporains, l’architecte et sa formation incarnent une problématique à part entière. Cela est observable dans la multiplicité des écoles d’architecture, leurs spécificités et leur histoire; mais aussi de la manière dont les architectes parlent de leur formation, d’un point de vue général183, ou plus précisément sur la question environnementale184.

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1. Une nouvelle génération de sachants. Tous s’accordent sur le fait qu’il faut reconsidérer le processus de formation des architectes, pour qu’il se retrouve en adéquation avec le monde dans lequel ils exerceront. Qu’il s’agisse de Rudy Ricciotti et de Francis Soler à travers leurs écrits, notamment le rapport ministériel commandé par Jean-Louis Borloo en 2009, de Manuel Gausa et son engagement dans l’enseignement (Ecole d’Architecture de Gênes en Italie, Institut d’Architecture Avancé de Catalogne185 qu’il a par ailleurs créé, participation à de nombreuses conférences, groupes de recherches, colloques et workshops), ou encore de Patrice Genet, tous démontrent par leur posture que l’architecte peut être une force de proposition constructive pour un idéal commun. Tous nous parlent de transmission, de la nouvelle génération directement aux prises avec ce monde, cet environnement qui appelle des changements186.

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Une nouvelle génération de sachants qui saurait ne pas travailler seule, qui bénéficierait d’un enseignement transversal et d’une “expérience du terrain“ accrue cette génération d’architectes, ils l’appellent de leur voeux, et ces voeux sont parfois violents devant l’inertie de la formation des architectes187.

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Rudy Ricciotti, Salvatore Lombardo, Blitzkrieg - La cultura come arma fatale.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Objectifs de l’Instituts for Advanced Architectue of Catalonia en Annexe.

Source : http://www.iaac.net Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

“On interroge pas les gens de ta génération ou de celle juste avant qui êtes vraiment dans un monde en pleine mutation.“ 186

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Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. - Questionnaire du 22/10/2014. / Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 61


Lorsque Jean-Louis Borloo s’adresse à Claude Vasconi (qui ensuite s’est entouré de Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau), pour lui demander d’établir un rapport sur le Développement et l’Enseignement de la Ville Durable, c’est désespéré par le cadre dans lequel il est tenu de prendre des décisions : “j’en ai marre, j’ai des rapports de 200-400 pages faits par des énarques, des polytechniciens et des ingénieurs de toutes sortes. J’en peux plus, je comprend rien, et en plus on me propose rien! […] Est-ce que vous ne pouvez pas vous, architectes qui avez le sens du commun, de la construction simple, me dire ce qu’est la ville durable? […] Qu’est ce qu’on pourrait faire de cet environnement et surtout comment on pourrait l’enseigner188?“ La transcription de la question posée alors par le ministre de l’environnement dans ledit rapport, est éclairante de cette volonté et de l’espoir de voir émerger une génération d’acteurs de l’aménagement du territoire et de la construction de l’habitat, pleinement consciente des enjeux actuels - des acteurs, professionnels, formés en conséquence189. Cependant, depuis 2009 et l’enterrement du rapport Vasconi, Francis Soler regrette que rien n’ai changé, quitte à tempérer le propos initial en prônant une réforme de ce que l’on enseigne plutôt que de l’enseignement190, peut-être pour tenter de convaincre encore une fois un ministre de la culture sur la nécessité de se pencher sur la formation des architectes d’aujourd’hui et de demain. Car cette génération pourrait reprendre la main sur cette question du développement durable en architecture, faire valoir ses compétences intégrées à la conception d’un projet de logements comme d’équipement public. Ainsi, pour Patrice Genet, la question environnementale devrait être remise dans les seules mains de l’architecte : “Ou on est compétent ou on ne l’est pas. Ou bien l’architecte apporte cette valeur ajoutée en matière de conscience environnementale ou bien il n’est pas architecte. Maintenant il faut que l’architecte prenne ses responsabilités à bras-le-corps, qu’il se forme, qu’il se documente - qu’il 188

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau.

“La question du Ministre d’Etat : Vous proposerez une façon d’intégrer les problématiques de développement durable dans les formations initiales et continues des architectes, urbanistes, sociologues, ingénieurs ou encore juristes, afin de diffuser des nouveaux modes de faire à l’ensemble des professionnels et des maîtres d’ouvrage, et leur permettre d’acquérir de nouveaux réflexes opérationnels. Par ailleurs votre réflexion élaborée dans le cadre d’un « think tank » devra croiser les compétences des architectes, des urbanistes, des ingénieurs, aux fins d’analyser les contraintes qui pèsent sur les acteurs de la ville, les éventuels effets pervers de nouvelles dispositions, y compris au plan économique et social, et les approches pertinentes pour les dépasser.“ 189

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

“Je disait la dernière fois au ministre, à Filippetti, il faut pas réformer l’enseignement, il faut réformer ce que l’on enseigne c’est pas pareil. C’est ce que l’on enseigne qui n’est pas bon…“ 190

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joue le jeu191.“ Il rejoint en ce sens Rudy Ricciotti, qui interroge sur le pourcentage alloué à la mission d’un Bureau d’Etudes Techniques chargé d’évaluer la pertinence (mais surtout la performance) d’un projet architectural au niveau environnemental par rapport à son manque d’expertise192. Cependant ces derniers tombent d’accord sur le fait de bien s’encadrer193 en tant qu’architecte, pour réaliser des exploits, “pour ne pas se priver d’une architecture de qualité au prétexte de solutions techniques dictées par l’application simpliste de la norme“. Il faut légitimement compter sur les bureaux d’études “car on ne s’en sortira pas tout seuls, il faut qu’il y ai d’autres partenaires pour réfléchir sur cette situation194.“

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Pour Francis Soler, cela va aujourd'hui plus loin et la prise de conscience environnementale pourrait avoir un effet boule de neige positif tant pour l’innovation en architecture que pour l’emploi, le développement urbain et économique. Une relance qui ne sera pas basé sur la relative inexpertise des organismes certificateurs, que Rudy Ricciotti critique vivement, mais sur une dynamique de recherche et de développement : “Le jour où l’on va comprendre que la planète est en train de nous péter à la gueule, là on va vraiment en faire une vraie religion. On va croire que la planète va devenir un vrai Dieu comme avant. D’autre part cela peut générer une formidable embauche, il y a quelques politiques qui disent ça, […] ça peut créer de l’emploi et c’est vrai, et pas seulement des espèces de cons qui te font des certifications. […] […] je pense que l’environnement est le seul sujet qui peut nous sauver, parce qu’il est créateur d’emplois, créateurs d’attitudes et créateurs de pleins de choses que l’on ne mesure pas, mais je sens qu’il y a quelque chose qui peut nous sauver, pas seulement nous les architectes, mais au delà, l’agriculture, la construction automobile, la robotisation. Si on considère ça comme une nécessité absolue, comme une messe générale, moi je pense qu’on s’en sortira. On règlera beaucoup de sujet et il faut que les architectes s’adaptent, il faut qu’ils arrêtent de penser qu’ils seront tous des Gehry. C’est fini, cette génération va s’éteindre et c’est terminé195.“

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

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Rudy Ricciotti - Questionnaire du 22/10/2014.

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014. 63


2. Refonte de l’enseignement de l’Architecture en France. Qui dit nouvelle génération de sachants, vraiment compétents sur la question environnementale196, dit certainement nouvelle manière d’apprendre une profession qui aura - qui a peut-être déjà - muté profondément. C’est ce que proposaient les quatre architectes consultés par Jean-Louis Borloo en 2009, avec la fondation d’Instituts d’Architecture Avancée Européens (IAAE)197 à Paris, Toulouse et Grenoble, trois grands pôles technologiques Français. Des Instituts qui “en digérant localement les écoles de tout le Midi, [permettraient] de rendre les profs tels qu’ils enseignent aujourd’hui obsolètes tout en les intéressant à ce nouveau cursus. […] 3 instituts, rassembl[ant] les écoles avec l’environnement devenant un chapeau paramétral198.” Un paramètre global qui rendrait inutile toute tentative d’achalandage de l’environnement vis à vis de l’architecture. Ces maîtres - car au niveau atteint par l’équipe ayant co-écrit ce rapport, il est certainement possible de parler de maîtres199 - ont par ailleurs estimé qu’actuellement les étudiants “sont loin d’avoir le niveau suffisant dans la maîtrise des technologies de l’architecture durable. Il faut qu’ils acquièrent rapidement ce niveau pour ne pas être manipulés par n’importe quel expert, et à terme, pour qu’une fois architectes formés et accomplis, ils soient les acteurs crédibles de la construction de la ville environnementale200.“

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Ils envisageaient, avec ces IAAE, une révision totale de ce que l’on enseigne au sein des écoles d’architecture, et même de la manière dont cela est enseigné : une pédagogie transversale devait correspondre à la complexité croissante de la construction de la ville durable - une complexité qui nécessiterait de croiser tant les échelles que les sciences au sens large. Ainsi, en plus de leur tronc commun, les étudiants pourraient, dans leur proposition, bénéficier de cours dispensés par des spécialistes internationaux dans chaque domaine : Experts en biologie,

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Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 197

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Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

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Claude Vasconi, Francis Soler et Rudy Ricciotti sont tous trois Grands Prix Nationaux d’Architecture respectivement en 1982, 1990 et 2006; leurs travaux sont régulièrement primés, montrés en exemples. Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 200

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nanostructures et nouvelles énergies, poètes et artistes, savants, architectes, ingénieurs, designers, anthropologues, sociologues, aménageurs, promoteurs, chercheurs ayant une vision de l’habitat et de la ville durable…201 Il s’agirait même d’établir une transversalité échappant au cadre universitaire : des partenariats avec les laboratoires de recherche industriels et publics permettraient de bénéficier en avant-première des dernières innovations technologiques, les étudiants pourraient fréquenter plusieurs universités afin de recevoir de véritables cours de droits, de mathématiques, d’histoire de l’art…au sein des unités pédagogiques spécialisées dans ces domaines. Ce dernier point dans un souci d’économies dans le fonctionnement de cette nouvelle manière d’enseigner.

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L’enseignement dispensé dans ces Instituts d’Architecture Avancée Européens s’inscrirait dans un réseau international, déjà existant en 2009, qui s’est développé encore depuis : le Fab Lab. L’équipe constituée par Claude Vasconi pour la réflexion et la rédaction de ce mémoire, se rapprochait alors de la démarche de Manuel Gausa qui de son côté a créé l’IAAC (Instituts for Advanced Architecture of Catalonia), au sein duquel se trouve le Fab Lab de Barcelone. L’IAAC se place en complément de la formation dispensée officiellement à l’école polytechnique de Barcelone, en étant très orienté vers la recherche en architecture et en urbanisme.

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La formation dispensée dans les Instituts d’Architecture Avancée Européens, serait quand à elle un remplacement de la formation des architectes telle que nous la connaissons aujourd’hui, et ce cursus serait constitué à parts égales de théorie et de pratique. La manière d’aborder différemment la théorie de la conception architecturale ayant été développée, c’est de l’importance de la construction, de la pratique sur le terrain qu’il est maintenant question.

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Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 201

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3. L’importance de la construction. Afin de “ne pas réduire le développement durable à une pure question technique; il doit se mettre au service d’une culture architecturale202.“ Le but des 3 années de pratique (pour un cursus envisagé sur 6 ans) serait de confronter la recherche à son application dans le fait construit, la chose architecturale. Une expérience de 3 ans sur le terrain, en entreprise, qui serait constitutif de la base d’un esprit critique nécessaire et rendrait incontestables par de pseudo-experts les connaissances développées par le futur architecte : “La distance avec les « réels » des disciplines de la construction développant une immaturité préjudiciable, dès l’instant où elle ne se construit que sur le numérique et sans preuves203.“

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L’importance du contact rapide avec le chantier, avec la construction, apparait nécessaire à tous les architectes consultés dans le cadre de cette recherche, tant il a été délaissé jusqu’à maintenant204. Rudy Ricciotti salue régulièrement les entreprises sans qui, il ne serait rien et avec qui il parvient à des prouesses, dans les équipements publics autant que dans les logements qu’il signe : “La synthèse des savoirs ne s’invente pas, elle se désire. Les difficultés de mise en oeuvre compte dessus pour se résoudre. C’est une construction bâtie sur l’expérience, qui tire tous les protagonistes vers le haut. […] J’ai découvert des tas de choses essentielles au contact des artisans du bâtiment, des ingénieurs, de leurs travaux. Je répète souvent que je les aime. En fait, je leur dois tout, contrairement aux écoles où je me suis formé205.

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Quand à eux, Patrice Genet, Florence Raveau et Francis Soler s’accordent de la nécessité de placer l’architecte au coeur de la construction en lui attribuant des missions complètes, seule condition capable de garantir la réalisation qualitative du

Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 202

Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 203

204

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

“Le problème c’est qu’on a donné une image tellement désastreuse du métier d’architecte par le désintéressement de la chose livrée, du chantier. On s’arrête au moment de la conception...on considère que ça ne sert à rien..“ 205

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. 66


projet sans oublis206, problèmes ou modifications de dernières minutes. Sans même parler de modifications, le projet de la ZAC de Clichy-Batignolles ne serait pas réalisé avec sa façade actuelle - dont la technique à été présentée plus haut - si l’agence d’architecture ne s’était pas battu pour obtenir la mission complète, et donc suivre le chantier. C’est la qualité de définition du projet qui est en jeu, intervenir sur le terrain permettrait à l’architecte de garantir une réalisation respectueuse de son dessin et des qualités injectées au projet pendant toute la phase de conception. Cela demande un certain engagement, du temps, une disposition au dialogue et une capacité à débattre de la part de l’architecte207.

206

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014.

“Et parfois la maîtrise d’oeuvre d’exécution est intégrée chez le promoteur. Ça m’est arrivé une fois, avec ******** Immobilier qui n’avait pas voulu me payer une mission complète. Ils ont un bureau d’études en interne, et ils m’ont oublié un balcon sur une opération de logements.“ 207

Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014. 67


C. L’engagement intellectuel de l’architecte.

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1. Prendre la parole. L’engagement, un mot qui semble raisonner dans les interventions de Rudy Ricciotti, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral tant il appelle tous ses confrères à se battre pour leurs projets, pour leur intégrité intellectuelle208. Pour cela, faut-il encore ne pas être paralysé par la crainte de ne plus avoir de travail (crainte dont parle Rudy Ricciotti dans L’architecture est un sport de combat), et faut-il surtout prendre la parole, même de manière moins médiatisée que ce qu’a l’occasion de faire l’architecte de Bandol depuis les années 2000. Les architectes prennent trop rarement la parole, Nicolas Michelin le regrette mais : “c’est un fait. On ne les entend pratiquement jamais à la radio ou à la télévision s’exprimer sur des problèmes de société, alors que juristes, ingénieurs, financiers, médecins, philosophes, historiens, cinéastes sont très souvent sollicités pour commenter l’actualité et dialoguer avec les hommes politiques. […] Pourquoi, excepté quelques stars internationales209, les architectes ne prennent-ils pas plus souvent position, alors que les problématiques qu’ils abordent dans leur travail croisent très largement les préoccupations de la société. [des préoccupations qui] font l’objet de mesures fiscales, de lois et de réglementations, toutes établies sans les architectes210.“ Prendre la parole, c’est être capable ensuite de proposer des alternatives à l’empilement réglementaire, normatif et labellisant dépeint, aussi bien, mais avec des intensités différentes, par tous les architectes pré-cités. Ainsi Nicolas Michelin et le label entropique qu’il présente dans son ouvrage Avis, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement211 comme une alternative aux labels existants. Les opportunités semblent se présenter, et prendre la parole dans notre monde aux réseaux de communications démultipliées est certainement moins complexe aujourd’hui qu’il y a ne serait-ce que 15 ou 20 ans. Les représentants politiques le 208

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. / Questionnaire du 22/10/2014.

209

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Comme Nicolas Michelin, il regrette aussi que seules quelques stars architecturales soient sollicitées pour s’exprimer sur les problématiques qui touchent toute la profession : “En France tu sais il n’y a qu’un architecte, c’est Jean Nouvel. Eventuellement l’autre folle d’Odile Decq qui en touche pas une mais qui fait croire qu’elle en touche. En France on a quand même tendance à croire ce qu’on te raconte, et surtout ceux qui te le raconte, donc les deux Pinocchio de service…“ 210

Nicolas Michelin, Attitudes, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement.

Avis précède Attitudes, le second ouvrage pouvant être perçu comme une adoption de posture, le premier comme une prise de parole, un avis critique donné, proposé au lecteur. 211

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savent et usent du sondage à l’envi, les représentants de la profession d’architecte ont pris le pas sur ce type d’initiatives à l’occasion du colloque organisé à l’Automne 2014. Les Universités d’Été de l’Architecture212, organisées par le Conseil National de l’Ordre des Architectes, ont donné lieu à la mise en valeur de plusieurs modes d’expression à l’attention des architectes et même des usagers. Une démarche qu’il convient de saluer lorsque l’on constate le nombre de participations sur le site dédié aux contributions et le fait qu’il soit toujours en activité au début de l’année 2015. Sans prise de parole, une posture est difficile à prendre, ou du moins elle semble délicate à exprimer, à véhiculer et ne fera pas toujours l’objet d’un dialogue avec les autres acteurs de la construction. Car prendre la parole ne signifie pas s’exprimer seul, s’exposer et se pâmer, mais simplement mettre sur la table des négociations, des idées, des solutions qui n’auraient pas été envisageables sans débat. La posture de l’architecte, élément prépondérant de la recherche qualitative évoqué plus haut, est un peu la traduction de sa prise de parole. À partir du moment où une idée ou un désaccord est exprimé, la recherche de solution peut s’engager, en équipe - car prendre la parole ne sert pas à l’architecte qu’à donner des ordres.

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2. L’école perpétuelle. En cela le chantier demeure une source d’enseignements infinie, pour Rudy Ricciotti comme pour les autres architectes interrogés qui ne le délègueraient pour rien au monde . En tant que lieu d’expérimentations, de décisions, d’apprentissages auprès des autres professionnels du bâtiment et de définition d’objectifs communs de qualité, le chantier est vraiment un espace d’expression privilégié pour l’architecte. C’est sur le chantier que l’architecte pourra être au fait et au coeur - si les entreprises et les maîtres-d’ouvrage reviennent à une démarche d’innovation comme le rapport Bloche souhaite l’encourager213 - de l’avant-garde technique et créative de la construction. Et si cela est valable pour les équipements publics, il faudra que cela le soit d’autant plus dans le logements collectif, vu que ce type de programme va continuer à être au coeur des décisions politiques et sera encore longtemps un moteur pour les économies locales et régionales. L’apprentissage continu est aussi une notion abordée par Claude Vasconi, Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau dans le rapport ministériel de Jean-Louis 212

Auxquelles ce travail de recherche a amené à participer.

Une des 36 propositions du rapport Patrick Bloche sur la création architecturale porte sur la ré-instauration des Réalisations Expérimentales (REX) dont Patrice Genet regrette la disparition dans l’entretien du 23/10/2014. 213

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Borloo évoqué plus haut. Les Instituts d’Architecture Avancée Européens tels qu’ils les ont pensés alors, devaient être capables d’assurer un suivi de formation continue pour les architectes diplômés, garantissant un niveau de connaissances toujours à la pointe des dernières avancées tant théoriques que techniques; mais surtout, ces formations continues devaient être accessibles aux maîtres-d’ouvrage, aux élus et autres décideurs214.

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En tant qu’étudiant, mais même après, apprendre auprès des maîtres semble fondamental avant de les tuer215 et la maturation d’un architecte passe certainement par des années d’apprentissage supplémentaires à la formation reçue à l’école. C’est aussi en se mettant dans une situation ou chaque projet est une nouveauté, appréhendée avec tout le bagage de connaissance conceptuelles et techniques accumulé pendant les précédentes années d’exercice, que l’architecte se place dans la position d’apprenant toute sa vie professionnelle216. Ainsi certains éléments pourront faire l’objet de réutilisations, comme des logiques conceptuelles de la rue Emile Durkheim reprises à l’unisson sur les quatre immeubles217 - pourtant signés par des architectes différents - de la Gare d’Auteuil. Mais tout ne peut pas être transposé indéfiniment comme cela est fait avec les solutions normées reproduites aujourd’hui, se placer dans une posture de recherche perpétuelle apparait comme un élément important dans l’exercice de Francis Soler, Manuel Gausa et Rudy Ricciotti par exemple, une posture qui leur permet d’apprendre chaque jour, des projets dans lesquels ils s’engagent.

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Mais, cette posture d’apprenant demande elle aussi un engagement intellectuel féroce à l’architecte. Il doit pour cela renoncer à la condescendance qui caractérisait l’architecture des élites218 pour conserver une vive curiosité vis à vis de ce qui l’entoure, des rencontres et des projets qu’il peut-être amené à faire - sans pour Claude Vasconi , Propositions au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, pour le développement et un enseignement de la ville durable, Rapport ministériel co-écrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau. 214

Christophe Leray, Francis Soler, Architecte héroïque? Source : http://www.cyberarchi.com/article/francis-soler-architecte-heroique-07-09-2005-4287

“Démolissez, tuez-les, tuez-moi!“ 215

216

L’exercice de Manuel Gausa est sur ce point exemplaire : en constante recherche, enseignant et apprenant dans le même temps de son exercice libéral, associé à Florence Raveau, à Barcelone. 217

Francis Soler - Entretien du 27/10/2014.

Christophe Leray, Francis Soler, Architecte héroïque? Source : http://www.cyberarchi.com/article/francis-soler-architecte-heroique-07-09-2005-4287 218

70


autant tomber dans le travers, dénoncé par Rudy Ricciotti ou Francis Soler, de la fausse modestie camouflant en fait un cynisme219 exacerbé vis à vis de l’architecture et de son usager.

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3. Transmission. Transmettre le savoir accumulé pendant une vie d’exercice de ce métier est certainement l’un des engagements intellectuels les plus forts que l’architecte puisse prendre. Cela demande une certaine fierté vis à vis des projets réalisés, mais, aussi une capacité à y faire apparaitre l’intégrité intellectuelle dans laquelle ils ont été conçus, ainsi que les possibles accrocs, dysfonctionnements et batailles menées pour parvenir à leur parfait achèvement. La démarche de transmission des connaissances ne peut se faire que lorsque le sachant et l’apprenant sont disposés à échanger, il apparait que la qualité des réalisations et des postures des architectes consultés pour cette recherche ne les empêche pas d’être pleinement disposés à transmettre leur expérience, leurs postures. L’école d’architecture est certes un lieu privilégié de cette transmission, mais aller à la rencontre de personnalités fortes, au background intellectuel aussi conséquent que les maîtres-d’oeuvre pré-cités ne peut qu’enrichir une formation, aussi complète soitelle. Nul n’est contraint d’adhérer à leurs propos, cependant il y a déjà dans cet effort de transmission le prémisse à un débat et une disposition à un retour constructif. Et si le désaccord peut-être une réaction primaire face à des postures aussi fortes que celles de Rudy Ricciotti ou Francis Soler, elles ont le mérite de faire réagir et d’inciter à chercher plus loin. Car si par exemple pour Rudy Ricciotti le logement collectif est un programme tellement contraint aujourd’hui qu’il n’y a rien à y inventer,220 l’on constate que Francis Soler, les associés de l’agence Gausa+Raveau et Patrice Genet ne partagent pas cet avis et tentent encore d’infléchir le réel221 de ce relatif “déficit d’imagination222“ auquel ils font face et contre lequel ils tentent de transmettre leur culture architecturale.
 219

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat. / Christophe Leray, Francis Soler, Architecte héroïque?

220

Rudy Ricciotti, Conférence aux 24h de l’Architecture, 18 Octobre 2014.

Réponse à une question d’un étudiant de Marseille sur la question de l’innovation architecturale dans le logement collectif. 221

Rudy Ricciotti, L’architecture est un sport de combat.

222

Patrice Genet - Entretien du 23/10/2014. 71


CONCLUSION

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Les modes de vie et d’habiter sont en plein bouleversement223. Depuis la prise de conscience environnementale de la fin des années 80, la question du développement durable a été placée au coeur de l’acte de construire. A grands renforts de lois, la France a trouvé un moyen de se fixer des exigences communes face à ce défi. Les règlementations thermiques successives depuis l’an 2000 ont poussé les acteurs du bâtiment à innover, à surpasser leurs habitudes constructives et les architectes à produire de nouvelles formes - propulsant224 la France à l’avant-garde du développement durable en Europe. Mais cela n’est pas sans conséquences. Aujourd’hui, avec les labels issus de la démarche HQE® et même la RT2012, l’architecture fait face à un déficit d’imagination. Cela est marqué plus fortement encore dans les programmes de logements collectifs où les vecteurs de standardisation sont nombreux225.

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C’est principalement ce qui a été interrogé ici, dans ce travail de recherche appuyé sur les postures, les projets et par conséquent le retour d’expérience, et les propositions d’un groupe d’architectes. Rudy Ricciotti a constitué une base de travail par sa force de frappe verbale et d’orateur; Patrice Genet représente ici le témoin et l’acteur du début du débat autour de la question environnementale normalisée; Francis Soler a apporté à ce questionnement sa tempérance, couplée à une vision aiguë de l’enseignement de l’architecture et, d’un développement durable qu’il adosse à des réalisations exemplaires; enfin, les associés de l’agence Gausa+Raveau ont constitué l’oeil extérieur permettant une certaine prise de recul au questionnement initial.

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Il apparaît donc en filigrane, au milieu de toutes les contraintes nourrissant les projets de logements collectifs, l’impact standardisant de la certification environnementale. Tous les praticiens consultés ou étudiés dans cette restitution de recherche sont unanimes : devenues les données d’entrée du projet architectural et urbain, les certifications environnementales et les exigences énergétiques brident les 223

Manuel Gausa, Entretien du 07/11/2014. / Francis Soler, Entretien du 27/10/2014.

224

Florence Raveau - Entretien du 07/11/2014.

“la France a eu tellement de retard qu’aujourd’hui elle est entrain de rattraper en un temps monstrueux puisque c’était le pays le plus en retard de l’Europe donc là en dix ans on a pris un bombardement de règles à tous niveaux sauf que là on se retrouve au summum mais avec toutes les complications et les répercutions que cela entraîne.“ 225

Patrice Genet, Entretien du 23/10/2014 / Florence Raveau, Entretien du 07/11/2014. 72


équipes de conception en les dirigeants vers des solutions techniques limitées. Ces solutions techniques, souvent influencées par le lobbying industriel226, dénotent d’une malhonnêteté intellectuelle vis à vis de la nécessaire prise de position face à l’urgence du développement durable.

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Dés le départ, après le Sommet de Rio, l’architecte à brillé par son absence dans la mise en place de nouveaux processus de conception qui aujourd’hui sont omniprésents227. Ces processus ont donc été conçus par l’industrie et l’ingénierie, auxquels se sont greffées des dispositions législatives qui ont donné un crédit sans preuve de bénéfices à une démarche environnementale calquée sur la HQE®. Cela aboutit aujourd’hui à la transposition du fonctionnement normatif des produits de consommation sur cet élément qui n’a pas du tout la même temporalité : l’habitat. La maîtrise-d’oeuvre s’est vu au fil des ans confisquer de larges parts de son travail de conception au profit de solutions toutes faites, régies par des grilles de calculs auxquelles sont soumis les projets, et qui ne laissent plus grande latitude pour la création d’un environnement bâti de qualité.

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Pourtant l’architecte sait, il connait la dimension durable de son exercice. Il la place dans la durabilité de sa construction, sa pérennité et sa capacité à évoluer228. Elle tient aussi du contexte, dans l’hyper-contextualité même229. Une hyper-contextualité qui nous permettrait dans un avenir proche de pouvoir encore différencier Dunkerque et Montpellier. Une contextualité tant environnementale, qu’économique, sociale et surtout culturelle. Cette dernière, grande oubliée du schéma internationalement partagé du développement durable230, assurerait pourtant la construction d’une ville où la qualité de vie ne serait pas oubliée au profit du marketing architectural. Une architecture consciente de ses potentialités, de sa culture constructive et qui sans se replier sur elle-même saurait mettre en valeur ses forces et qualités.

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226

Rudy Ricciotti, HQE, La HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt.

227

Francis Soler, Entretien du 27/10/2014.

228

Francis Soler, Entretien du 27/10/2014. / Patrice Genet, Entretien du 23/10/2014

Nicolas Michelin, Attitudes, propos sur l’architecture, la ville, l’environnement. 229

Francis Soler, Entretien du 27/10/2014.

230

Interview de Franck Boutté au Pavillon de l’Arsenal, en 2009. 73


Maintenant que certains architectes parmi les plus reconnus en France ont ouvert la voie dans ce débat, il est temps que toute la profession actuelle et future se responsabilise et se remette au coeur du processus de conception et d’édification. Cela pourrait se faire au travers d’une refonte de l’enseignement de l’architecture, mais c’est surtout par un engagement intellectuel puissant que l’architecte se renouvellera, s’imposera comme indispensable dans une démarche environnementale humaniste. C’est ce que prônent les intervenants pré-cités, un retour de l’architecte à son art : “L’architecture c’est quoi, c’est un art de synthèse, c’est ce qui va nous sauver dans l’avenir. Personne n’est capable d’établir la synthèse du projet comme nous. On ne viendra plus chercher les architectes parce qu’ils sont créatifs, etc… C’est fini ça. On viendra les chercher parce qu’ils ont un spectre de connaissance extrêmement large qui va de la réglementation A à la réglementation Z en passant par l’économie, l’art, la gestion de l’espace. Et comme on est dans un monde de plus en plus spécialisé, ce qui nous sauvera c’est de l’être de moins en moins. De plus en plus ouverts. Sinon ils n’auront plus besoin de nous. Si on ne fait plus que de l’architecture au sens du design du terme - ce qu’ont fait beaucoup d’architecture pendant 20 ans - on laissera aux autres la question des structures, des fluides, etc… Mais pour faire un bâtiment aujourd’hui, avec l’hyperspécialisation des tâches, personne ne fait la synthèse. Or un bâtiment qui fonctionne et qui marche c’est un bâtiment qui est parfaitement mis en synthèse avec tous les éléments qui le constituent : des structures, fluides, positionnement, aux systèmes de contrôles, cela fait qu’a un moment donné ça marche ou ça marche pas. Et cette synthèse, tu t’aperçois qu’aujourd’hui, personne n’est capable de la faire à part l’architecte231.“

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L’architecte aujourd’hui pourrait par une prise de position forte, reprendre son rôle politique indissociable de l’acte de bâtir - c’est ce qu’il nous est permis de penser au regard des éléments développés dans cette recherche, et surtout des pratiques des architectes sollicités.

"

231

Francis Soler, Entretien du 27/10/2014.

74


Tous conservent l’espoir, perçoivent les signes d’un changement232 et encouragent leurs successeurs à adopter une posture critique face à ce qui peut influencer leurs réalisations. Ainsi les Universités d’Été sont un signal fort du CNOA envoyé aux architectes, de même que le rapport Patrick Bloche et ses propositions pour replacer l’architecte au coeur de l’acte de bâtir - notamment dans le secteur du logement. L’Etat prend aussi conscience des éléments réglementaires constituants un frein à la conception et à l’innovation architecturale, ainsi la Réglementation Thermique applicable (RT2012) est l’objet de réflexions visant à en tempérer les effets233. Mais plus qu’une démarche administrative, c’est une possibilité qui est donnée à qui souhaite engager un débat, de disposer d’une certaine visibilité et d’être entendu ou lu - comme ce que cette démarche de recherche à connu à sa finalisation234.

"

Ce travail de recherche a permis, avec l’appui des architectes pré-cités, de démontrer qu’une architecture consciente de son contexte, de l’urgence du développement durable, n’est pas nécessairement une architecture sur-règlementée mais plutôt une architecture créative, innovante, enrichie de retours d’expériences encourageants.

232

Patrice Genet, Entretien du 23/10/2014. Evoquant un retour possible à de l’isolation intérieure, moins dommageable pour l’utilisation de matériaux pérennes en façade. Adrien Pouthier, La RT ne sera plus appliquée à tous les bâtiments neufs à partir du 1er Janvier,

Article publiée le 24/12/2014.

Source : http://www.lemoniteur.fr/150-performance-energetique/article/actualite/26811000-la-rt-2012-ne-sera-plus-appliqueea-tous-les-batiments-neufs-a-partir-du-1er-janvier 233

Laurent Duguet, Les architectes dénoncent le carcan des normes, La lettre M (Hors Série) Décembre 2014.

cf. Annexes 234

75


BIBLIOGRAPHIE

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OUVRAGES / PUBLICATIONS EMISSIONS / INTERVIEWS / CONFERENCES PERIODIQUES ARTICLES INTERNET SITES WEB

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http://www.lemoniteur.fr

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ANNEXES

" " " ENTRETIENS ET QUESTIONNAIRES (Retranscriptions) "

Patrice Genet Francis Soler Manuel Gausa, Florence Raveau et Mickael Dominguez Gorsse Rudy Ricciotti

" " EXTRAITS D’OUVRAGES, DE PERIODIQUES "

Le Label Entropique, de la capacité d’un bâtiment à se transformer (Comparatif de ce que pourrait être la notice de ce label comparé au label Qualitel) Extrait de l’ouvrage de Nicolas Michelin : Avis, propos sur l’architecture, l’urbanisme, l’environnement. - p37-40 de l’ouvrage.

"

Table des matières, extrait du rapport ministériel dirigé par Claude Vasconi et coécrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau en 2009. p8-9 du rapport.

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Liste des Propositions, extrait du rapport de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education sur la Création Architecturale. Rapporté par Patrick Bloche le 2 Juillet 2014 à l’Assemblée Nationale. p119-122 du rapport.

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Laurent Duguet, Dossier Développement Durable - Les architectes dénoncent le carcan des normes, La lettre M, Hors-série, Décembre 2014. p26-27.

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2014.10.23! ENTRETIEN AVEC PATRICE GENET, ARCHITECTE À MONTPELLIER (1h)!

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Maurice Schwab : Selon vous, la prolifération des labels environnementaux est-elle un vecteur de l’appauvrissement de l’architecture en France?!

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Patrice Genet : Je dirais pas seulement les labels environnementaux, mais ceux là au passage, oui. Dans la mesure où ils ont défini un certain nombre de contraintes, au niveau de l’obtention du label, mais aussi contraintes au niveau de l’impact que ça peut avoir sur le plan commercial. C’est à dire que beaucoup de maîtres-d’ouvrages revendiquent ces labels pour pouvoir soi-disant mieux vendre. ! ! Une réaction en chaine s’est mise en place, et qui a forcément un impact sur la conception des ouvrages. C’est très largement commercial.! Les normes NF, les labels HQE, H&E représentent plus une valeur ajoutée sur le plan commercial qu’autre chose. On est en train de fabriquer du marketing architectural.! ! Il s’agit même d’un argument commercial qui n’est, selon moi, même pas si déterminant dans l’acte d’achat…du moins cela représente un intérêt entre celui qui le montre et celui qui ne le montre pas.!

! ! M.S : Vous pensez qu’il y a d’autres vecteurs de cet appauvrissement?! !

P.G : Les budgets déjà… Sommes-nous vraiment dans une phase d’appauvrissement?! Je vous trouve un peu sévère.! Il y a certainement, au niveau du logement, un déficit d’imagination qui résulte de coûts élevés de la construction. Lesquels résultent certainement du coût élevé du foncier et des exigences et de l’empilement des normes.! C’est plus sensible dans le logement qu’ailleurs.! ! Mais l’architecte a plusieurs responsabilités : c’est un acteur économique, culturel, social, environnemental…ces responsabilités le conduisent à trouver les meilleures solutions pour y répondre - mais la seule chose à laquelle il ne pourra pas répondre. c’est au marché. Du moins aux exigences du marché pour les promoteurs.! Ce sont eux nos clients, on construit pour d’autres mais nos clients sont des intermédiaires qui ne sont pas intéressés par les qualités urbaines et spatiales de l’opération de logement.!

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M.S : La prolifération des labels vous évoque-t’elle une confiscation d’une partie de la conception à l’architecte?!

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P.G : Oui! Je l’ai écrit, c’est une procédure assez castratrice car elles (les exigences environnementales) deviennent les données d’entrée du projet. Ces données devraient être des exigences programmatiques en termes de besoins. ! Là on se donne déjà un cadre rigide dans lequel il faudra évoluer pour trouver la bonne solution.! ! Au passage, c’est sûr qu’il faudra faire des exploits aujourd’hui avec les bureaux d’études car on ne s’en sortira pas tout seuls, il faut qu’il y ait d’autres partenaires pour réfléchir sur cette situation - des exploits pour ne pas se priver d’une architecture de qualité au prétexte de solutions techniques dictées par l’application simpliste de la norme.! Je pense par exemple aux bétons apparents, où l’on nous explique qu’il faut emballer le bâtiment, faire de l’isolation par l’extérieur, ne plus voir de bétons architectoniques. Il va falloir jouer d’intelligence et d’innovation pour pouvoir arriver malgré tout à utiliser des matériaux qui me conviennent.! ! Le problème n’est pas de respecter la norme! Le problème c’est que la norme nous dirige vers des solutions techniques très limitées. On sait y répondre, on sait apporter une réponse technique, mais cette réponse technique elle vient écraser la part de l’Architecture.!

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Je me rappelle qu’il y a15 ans on nous disait que l’on ne pourrait plus jamais construire si l’on ne mettait pas de capteurs solaires et de l’isolation par l’extérieur. Le fabriquant de capteurs dans le sud de la France tenait ce discours auprès de tous les promoteurs, aménageurs, etc… Il voulait vendre son produit mais à l’écouter c’était une condition sine qua non pour construire!! ! Ça change un peu, parce que je m’aperçois que l’on recommence à isoler par l’intérieur, moyennant le traitement des ponts thermiques par exemple.!

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! Mais on parle beaucoup d’énergie, et c’est ce qui m’agace parce que construire bien ça n’est pas simplement répondre à des exigences énergétiques. Pour moi, comme pour vous j’imagine, c’est être dans un quartier agréable, avoir le tram en bas, la boulangerie à 15m, des baies et des surfaces généreuses…ça commence par là.! Mais aujourd’hui, le contre pouvoir de toutes ces normes-la fait que l’on ne peut même plus se payer ça. On peut même plus se payer des logements en centre-ville parce que le foncier est cher et que le surcoût des normes empêche toute réalisation dans ces conditions.!

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M.S : Pour vous une architecture de qualité c’est donc des surfaces généreuses, de la lumière, des balcons qui viennent à être de plus en plus proscrits au nom des règles…!

! P.G : …des règles accessibilité vous voulez dire, des normes handicapés!! ! M.S : Au nom des ponts thermiques aussi.! !

P.G : Oui! Tout à fait! Vous savez j’ai déjà eu des clients, des bailleurs sociaux, qui me disaient que si les balcons devenaient trop compliqués à réaliser, justement à cause du pont thermique ou des difficultés que cela provoquait pour l’accessibilité du logement, il n’y avait qu’à les supprimer.! J’ai déjà entendu ça…!

! M.S : Cela revient à occulter totalement le facteur humain du projet?! !

P.G : Oui mais il trouveront toujours des personnes pour y habiter, on est dans une crise du logement. Il n’y a pas assez de logement donc tout ce que nous construisons aujourd’hui se vendra, trouvera preneur.!

! M.S : Même si ils sont parfois déjà obsolètes?! !

P.G : Et voilà c’est ça le drame. Dans 15/20ans, quand les gens partiront de ces endroits parce que ça sera pas agréable à vivre - on risque de se retrouver avec de la friche.! Et si l’on a pas réfléchi à notre conception même des logements, on arrivera pas à les réutiliser, les recycler.! ! Vous savez c’est le problème que l’on a aujourd’hui dans des villes comme la GrandeMotte : où l’on a empilé des studios avec des trames de 3,50m à 4m et aujourd’hui on se retrouve avec un patrimoine de studios dont l’exigence sociale ne veut plus. Même pour de la résidence secondaire on ne veut plus se contenter d’un studio.! Aujourd’hui transformer ces studios en appartements coûte la peau des fesses, alors que si l’on avait pensé à construire en poteau/poutre il aurait été facile maintenant de modifier les typologies intérieures.!

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Ça c’est notre travail : concevoir durable. C’est à dire avec de la modularité et une capacité à évoluer.!

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C’est valable pour n’importe quel type d’ouvrage. Par exemple aujourd’hui un collège vous savez ce que c’est, un lycée aussi. Moi je dis dans 20/30ans vous passerez votre diplôme assis à Montpellier, en lien avec Houston ou L.A, via internet. L’enseignement ne passera plus dans les salles de classe, mais par les réseaux… Alors tout ces bâtiments, qu’est ce qu’on va en faire?!


Je ne dis pas qu’il faut réfléchir nos collèges pour les transformer en logements, mais il faut arriver à trouver des systèmes constructifs qui nous permettent de les recycler, de leur donner une nouvelle qualité d’usage.!

! Cela fait partie des défis et ambitions futures de l’architecte.! !

M.S : L’architecture durable doit-elle nécessairement passer par la normalisation, par la labellisation?!

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P.G : Non. Il suffit de se poser les bonnes questions. Quand j’étais à la commission Développement durable au CNOA, j’avais mis au point un auto-questionnaire où l’on se re-posait les questions de base.!

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! Ça s’appelait une notice de développement durable. C’est un instrument qui permettait de se poser les bonnes questions avec sont client.! Une fois que les questions trouvaient une réponse dans ce dialogue concerté Maître-d’Ouvrage, Maître-d’Oeuvre, on avait l’impression d’avoir trouvé les solutions à mettre en oeuvre.! Mais on n’avait pas besoin du tampon pour ça!! Je crois que la naissance des labels a aussi permis à beaucoup d’experts auto-proclamés HQE® d’exister.! ! Il ne faut pas oublier qu’HQE® est une association de droit privée, si vous avez un peu investigué là dessus vous avez vu que ça a été créé par Lafarge…!

! M.S : …oui j’ai vu que les industriels du bâtiment en sont membres fondateurs.! !

P.G : Ils y étaient tous dedans. Et ils ont créé ce concept de Haute Qualité Environnementale pour pousser à la roue l’utilisation de matériaux isolants.! Moi je veux pas tirer sur tout le monde, mais certainement qu’il y a eu un peu de démagogie là dessus.! Alors tous ceux qui estimaient qu’il fallait absolument isoler les logements, parce que c’était pertinent pour faire des économies d’énergie, ils ont dit que l’association HQE® faisait très bien son travail. Mais l’objectif initial était tout autre : c’était du lobbying commercial et une stratégie de développement industriel.!

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M.S : Que l’Etat Français a décrété d’utilité publique en 2007. Une sacrée caution donnée au lobbying industriel.!

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P.G : Oui! Une caution énorme donnée au lobbying industriel. Mais il fallait voir les autres membres de l’association. Il y avait un certain nombre d’institutions.!

! M.S : Etes-vous plutôt “mur épais“ ou “double peau“?! !

P.G : J’ai pas de préférences. Mais c’est vrai que la double peau c’est intéressant, mais là ça redevient un problème de coûts aussi. Après il y a le mur épais / double peau, comme le bi-lame… ! ! Mais là aussi on est un peu victimes, en dehors des coûts, du peu d’envie d’innovation des entreprises. Ce sont elles aussi qui nous dictent un peu, par ce qu’elles savent ou ne savent pas faire, les grandes orientations dans le cadre d’une opération.!

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M.S : Donc d’un côté les promoteurs veulent construire ce qu’ils ont l'habitude de vendre, de l’autre les entreprises qui font comme elles ont l’habitude de construire, et au milieu l’architecte qui essaie de faire?!

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P.G : Voilà! Vous savez il y a 15/20ans, il y avait la politique technique de la construction. Cela permettait aux entreprises et concepteurs d’apporter des solutions innovantes en matière de construction. !


! Ces expérimentations étaient proposées aux clients, et si elles étaient reconnues comme exemplaires, réalisables et innovantes, elles pouvaient décrocher des financements pour en prolonger l’étude et la réalisation du produit et du projet qui en était porteur.! Ça s’appelait les “Rex“, qui ne pouvaient pas bénéficier d’avis techniques puisqu’il n’y en avait pas. Il fallait monter un dossier, prouver l’innovation que cela représentait, et l’Etat finançait ça.!

! M.S : Cela ressemblait aux ATEX (Avis Technique EXpérimental)?! !

P.G : Alors les ATEX c’est différent. Il s’agit d’un agrément que l’on obtient après coup. Mais vous n’êtes pas financé pour ça, vous l’obtenez après réalisation de votre projet et des parties “hors règlementation“ qu’il contient.! Dans le cadre des ATEX vous n’êtes à aucun moment encouragé pour votre recherche et votre innovation.!

! M.S : Il s’agit d’une protection juridique en fait.! !

P.G : Oui, une protection, qui permet de justifier auprès des assurances que votre produit a reçu un agrément. Mais il n’y a plus de procédures encourageantes comme il y a quelques années. Ça vaudrait la peine qu’elles soient remises en route.!

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M.S : À l’image des logements du 19° siècle (notamment de type Haussmannien), quelle est la capacité des logements construits aujourd’hui à être recyclés?!

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P.G : Je crois qu’il ne faut pas avoir un discours pré-établi là dessus. Il faut faire un diagnostic au cas par cas dans une approche. ! C’est pas la peine par exemple de donner un coup de neuf sur un produit qui est déjà obsolète.!

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M.S : Est-ce que vous pensez qu’il faut remettre la question environnementale entre les seules mains de l’architecte pour éviter la démarche commerciale de certification souvent réclamée par la maîtrise-d’ouvrage?!

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P.G : Oui! Ou on est compétent ou on ne l’est pas. Ou bien l’architecte apporte cette valeur ajoutée en matière de conscience environnementale ou bien il n’est pas architecte.! Maintenant il faut que l’architecte prenne ses responsabilités à bras-le-corps, qu’il se forme, qu’il se documente - qu’il joue le jeu. Il faut que la formation soit adaptée, dès l’école.!

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M.S : Que l’on reprenne notre rôle de sachants face à des clients qui ont de plus en plus le sentiment de pouvoir se passer de nous?!

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P.G : Oui c’est vrai, ils essaient de s’imposer. Mais sur les choix des matériaux par exemple, pourquoi on se pose encore la question de l’utilisation de matériaux polluants? Si un revêtement de sol dégage des formols, on devrait le bannir! On l’a bien fait pour l’amiante.! Mais on fait ça pour établir des gammes plus ou moins performantes, avec une ou quatre étoiles selon leur degré de nocivité pour la santé ou l’environnement - puisque aujourd’hui ils ne sont pas interdits.! ! On fait ça pour se donner bonne conscience, pour dire qu’on a fait le ménage sur le plan environnemental.!

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M.S : Comment s’assurer que ce qu’un architecte astucieux économisera en systèmes d’appoint sera ré-injecté dans la qualité globale des logements?!

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P.G : Ça dépend du maître-d’ouvrage. On a plus de liberté je pense avec les maîtres-d’ouvrage publics : ils ne vont pas profiter des astuces économiques que vous pourrez faire pour comprimer l’enveloppe du budget de l’opération. Ça ne pose aucun problème avec les opérateurs sociaux, ils ont fixé leur budget en fonction des loyers amortissables sur un nombre d’années donné.!


Les promoteurs privés sont régis par la loi de la plus value, plus ils économisent, plus la marge sera grande.!

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M.S : GTC, CTA, sur-ventilation, sur-isolation, tous ces termes sont-ils un symptôme de l’abandon par l’architecte de son devoir de synthèse ou est-il plutôt victime de cette surtechnicité que l’on veut donner aux bâtiments?!

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P.G : Est-ce qu’aujourd’hui tous ce vocabulaire technique est apparu suite à une défaillance de l’architecte? Je pense qu’il n’a rien abandonné. Je défend toujours l’architecture et l’architecte qui pour moi pense toujours dans un premier temps à des systèmes de ventilation naturelle, à l’orientation de son bâtiment, des appartements traversants quand cela est possible - et c’est après que l’on fait appel à des systèmes mécaniques lourds. Mais c’est pour répondre à la norme, c’est seulement pour atteindre les objectifs, les chiffres fixés arbitrairement que l’on ajoute des dispositifs techniques : mais ça ne marche pas.! ! Vous connaissez le double-flux, je trouve ça intelligent dans les grandes surfaces par exemple. Je me rappelle avoir fait une opération Haute Performance Energétique trois étoiles pour une résidence étudiante, la seule solution pour atteindre les coefficients était de mettre de la ventilation double-flux dans les chambres - vous imaginez?! C’est insupportable! Du double-flux dans des chambres étudiantes de 15m2!! De l’air aspiré d’un côté et soufflé re-chauffé de l’autre…!

! M.S : …Avec le bruit qui va avec.! !

P.G : Avec le bruit en plus. Dans un petit volume, c’est impossible à vivre.! Par contre sur le papier, tout était correct. Nous avions répondu aux exigences en terme de déperditions, etc… On avait donc obtenu le label HPE 3 étoiles.! Les gens l’on coupé ensuite, c’était insupportable.!

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! Encore une fois, parce qu’on nous demande d’atteindre des performances arbitrairement fixées par les organismes certificateurs, on fait n’importe quoi après! !

! M.S : C’est pas de l’abandon alors…! !

P.G : …C’est une soumission. On est obligé de se soumettre à cet empilement pour faire…! Moi quand j’étais petit, ma mère me disait “aère ta chambre“, elle ouvrait la fenêtre et puis voilà!!

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M.S : Dans les recherches préliminaires à ce mémoire, je lisais un article de Dominique Gauzin-Müller où justement il est question de cette perte de réflexes simples comme celui d’ouvrir une fenêtre pour ventiler.!

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P.G : Parce que l’on vit 80% à l’intérieur. Entre le logement, les transports, le bureau, on passe nos journées en vases clos.!

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M.S : Si l’ICEB et l’Ordre ont quitté l’Association HQE®, pourquoi les labels et les opérations certifiées continuent-elles de proliférer?!

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P.G : Nous, on a été les premiers, et j’avais mis le feu. Même avant Ricciotti qui m’avait appelé pour me féliciter quand il a écrit son pamphlet.! L’article que j’avais écrit est encore sur le site de l’Ordre, je me souviens que cela avait fait débat au sein du conseil où beaucoup souhaitaient que l’on reste membres de l’association.! Mais en parallèle je militais en faveur du développement durable, mais dans une approche holistique, générale - bien loin de l’approche uniquement énergétique qui semblait la seule voie possible.! Ça a été chaud, on me disait que j’étais un réac, que je n’allais pas dans le sens de l’histoire.!

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! J’avais aussi en ligne de mire tous ces BET HQE que l’on réclamait systématiquement dans tous les concours. Ils arrivaient, sans aucune expertise, et expliquaient au travers de leurs logiciels et tableaux comment il fallait construire.! Les ingénieurs nous avaient suivi un peu après. Le syndicat des architectes est resté membre tout en disant que nous avions raison de quitter l’association. Mais eux sont restés car ont toujours entretenu des liens étroits avec l’Afnor et le CSTB.!

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C’était le feu, le directeur de l’association était venu, inquiet de voir la HQE® décrédibilisée…mais je ne regrette rien!!

! M.S : Ça a fait bouger les lignes et pousse encore à réfléchir sur le sujet.! !

P.G : Voilà c’est devenu un sujet appelé à évoluer, je le sais car vous n’êtes pas le premier à venir me voir pour essayer de vous informer plus précisément sur ce phénomène.!

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M.S : Après ces questions générales, si vous le voulez bien j’aimerais que l’on discute de vos projets de logements collectifs, de la manière dont vous les concevez. Avec pour exemple les logements sociaux que vous venez de livrer dans la ZAC Pierres Vives.! ! Quelles sont les qualités architecturales que vous gardez à l’esprit lors de la conception de vos projets?!

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P.G : L’apport de lumière me paraît fondamental. Regardez l’approche de la RT 2012 aujourd’hui : il faut au moins 1/6 de la surface habitable en surface de vitrage. Alors qu’on nous a dit pendant des années qu’il fallait réduire les fenêtres pour limiter les déperditions - c’est fou! Il y a des mécanismes intellectuels difficiles à suivre.!

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! En amont il y a la contrainte du site : je n’ai pas le choix d’où je construit, de son orientation. Mais à partir de là, la lumière et une conception intégrant la ventilation naturelle sont de bonnes bases pour que le logement présente une qualité d’usage intéressante. Avec des solutions fonctionnant bien comme les appartements traversants ou à double/triple orientations comme je propose et mets en avant auprès de mes clients, comme pour l’opération de logements sociaux à Pierres Vives.! ! Il faut aussi selon moi supprimer un maximum de portes intermédiaires comme on le voit aujourd'hui avec les halls de 2m2 avec 5 portes autour.! Les chambres ne doivent pas obligatoirement être très grandes, en tenant compte des minimas d’habitabilité - sauf les chambres des enfants qui sont leurs lieux de vie à part entière : ils y dorment, travaillent, jouent…etc.! ! Je ne considère pas le recours aux énergies renouvelables comme un apport qualitatif à un projet de logements, surtout quand on voit la durée de vie des dispositifs et le coût en entretien qu’ils représentent.!

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M.S : Vous rejoignez donc Franck Boutté et Rudy Ricciotti lorsqu’ils prévoient un impact inversé aux attentes pour tous ces dispositifs qui à terme deviendraient plus voraces en énergie et matériaux que ce qu’ils sont censés faire économiser.!

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P.G : Exactement. Mais vous savez tout cela fonctionne à coup de contrat d’entretien. Puisque les cellules photovoltaïques s’encrassent au bout de trois ans, on souscrit à un contrat d’entretien pour qu’un professionnel vienne les nettoyer…mais pendant ce laps de temps son rendement est altéré.! Regardez l’industrie automobile, on nous pousse à changer de voiture tous les 3 ans, alors qu’on devrait la garder jusqu’au bout et l’user.!

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M.S : Au final le problème est que l’on applique cette logique commerciale à un “produit“ qui n’a pas cette temporalité.!

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P.G : Tout à fait, on devrait s’appliquer à le faire durer beaucoup plus longtemps (le projet architectural).!


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M.S : Comment s’assurer que le projet sera construit en respectant la qualité injectée à la conception?!

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P.G : Je vais vous répondre tout simplement : En faisant en sorte que l’architecte n’ai que des missions complètes et en arrêtant avec tous ces architectes qui ne font que du permis de construire ou que du projet et qui ne les suivent pas. Moi je me bagarre pour ça aussi.! L’acte architectural va de la conception à la remise des clés.! ! Il faut suivre le projet, être très vigilants, aller jusqu’au bout, s’assurer que tout a été fait que même au niveau de la forme tout ai été fait en respectant ce que l’on avait dessiné.! On ne peut pas s’en débarrasser comme ça, trop d’architectes le font parce qu’ils n’aiment pas le chantier. Alors ils font des esquisses, du concours mais après ils ne s’en occupent plus.!

! M.S : Et c’est une maîtrise-d’oeuvre d’exécution qui reprend derrière.! !

P.G : Voilà! Et parfois la maîtrise-d’oeuvre d’exécution est intégrée chez le promoteur. Ça m’est arrivé une fois, avec ******** Immobilier qui n’avait pas voulu me payer une mission complète. Ils ont un bureau d’études en interne, et ils m’ont oublié un balcon sur une opération de logements.! Je suis passé devant par hasard et je leur ai dit : “il manque un balcon là“.! Evidemment puisqu’ils ne connaissent pas le projet!! Et ils suivent au sens propre le chantier, c’est à dire que le chantier il avance et que eux sont derrière.!

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M.S : Une dernière question, est-ce que vous seriez d’accord pour me transmettre des éléments qui me permettraient d’illustrer la qualité architecturale que vous avez injecté dans ce projet de la ZAC de Pierre Vives?!

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P.G : Oui, Pierres Vives je peux vous le passer oui. Vous pouvez aussi aller sur place on vient de le livrer. ! C’est amusant, vous verrez, c’est le seul bâtiment en béton brut. ! ! L’architecte de la ZAC avait interdit les enduits, et les promoteurs sont venus lui expliquer que c’était trop cher pour eux de faire autrement. Ils ont réussi à le faire changer d’avis. Alors que moi avec un bailleur social j’ai réussi à faire du béton brut, avec un budget de logements sociaux.! C’est vrai que les matériaux bruts en façade coûtent plus cher parce qu’ils doivent être très bien réalisés, quand un mur ne me plaisait pas je le faisait refaire - ça coûte très cher aux entreprises.! Mais les promoteurs privés doivent estimer que ça n’est pas vendeur d’avoir du béton brut en façade.!

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M.S : Est-ce un peu comme le présente R. Ricciotti, c’est devenu suspect d’avoir du béton brut en façade?!

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P.G : Oui, c’est une expression de pauvreté. Ils se disent certainement que cela donne une apparence de “pas achevé“ au projet.!

! M.S : Alors qu’un beau béton…! !

P.G : Alors qu’un beau béton, pardi! Ecoutez pour moi le béton c’est un matériau miracle, on peut le mouler, le sculpter, lui donner des formes courbes, droites…le lasurer, le polir…! C’est de la pâte à modeler qui devient dure comme du béton, l’expression le dit bien!!

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Il faut donc être pédagogue avec le client pour éviter la vision connoté du matériau qu’il peut avoir.


2014.10.27! ENTRETIEN AVEC FRANCIS SOLER, ARCHITECTE À PARIS (1h30)!

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Maurice Schwab : (Présentation succincte du sujet du mémoire, rappel en substance du mail ayant servi à prendre contact avec lui).!

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Francis Soler : Ça a commencé il y a peu près 10/15 ans. Certains architectes, comme moi notamment, n’ont pas attendu qu’on leur pose la question du bon sens - plus que la question de la HQE. De toutes façons HQE, c’est le bon sens normalisé pour moi.!

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Moi j’ai sorti il y a déjà 20 ans des projets sur Nouméa, ou le palais de justice de Pointe-à-Pîtresqui se situent dans des régions plutôt chaudes. Ou même les logements de la rue Durkheim qui ont bientôt 20 ans où personne n’allume le chauffage de l’hiver. Avec des façades pariéto-dynamique, des doubles façades qui permettent de gérer, comme une combinaison de plongée, le froid et le chaud suivant l’été et l’hiver - mais tout ça sans allumer le chauffage de l’année, il n’y a aucune charge dans ce bâtiment. Mais tout ça c’était il y a 20 ans.! Et puis un jour, un jeune homme comme toi vient en réunion pour un concours que l’on préparait pour Paris Habitat, je prenais ça à la rigolade parce il était un espèce de spécialiste en certification HQE. Un jeune ingénieur, et il nous disait “faut faire ci, faut faire ça“, je lui dit “attendez, c’est bien..“, mais moi j’avais l’expérience, lui n’avait que de la théorie. Et à force de le titiller comme ça il s’énervait tellement qu’il m’a dit : “le jour où vous serez capable de faire le même bâtiment que celui qui est rue Durkheim, avec une inertie totale, bâtiment exemplaire, là on pourra parler!“ et là je lui ai répondu : “manque de pot pour toi mon petit gars, parce que c’est moi qui l’ai fait.“! Et la le type s’est effondré, rouge comme ton pantalon, et l’affaire était réglée.!

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Ce que je veux dire, ce qui est intéressant c'est le retour, le retour d’expérience. Alors quelques architectes, pas nombreux mais il y en a quelques uns comme Finn Geipel en Allemagne, Anne Demians en France ou moi si tu veux et quelques autres, ont pu y travailler depuis longtemps. On se posait pas la question en terme de certification, d’HQE, c’est à dire tout ce qui est normalisé contre lesquels tu as dû lire les deux livres de Rudy.! Il est pas contre ça tu as du le comprendre dedans, mais il est contre les lobbys organisés qui ont utilisé cet élément là pour en faire un argument marketing, c’est tout, c’est les renards du temple comme il les décrit. Des gens qui n’hésitent pas à utiliser le moindre élément nouveau pour en faire une industrie, du profit, une carrière. ! Alors on a vu fleurir plein de BET à l’époque qui vendaient des études environnementales - on savait pas ce que ça voulait dire mais il y avait une bonne conscience puisque on sauve la planète, alors ça marche toujours tu vois. C'est comme ça, la paix et la planète, c’est irréversible on ne peux rien faire contre.!

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M.S. : C’est tellement louable qu’on ne peux pas remettre en question les démarches se réclamant du développement durable.!

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F.S : Tout à fait. Mais en même temps tu vois quand ça produit de l’intérêt industriel, moi je suis pas contre, mais à condition qu’on laisse les choses à leur place et qu’on dise la vérité.! Et pourquoi on a fait ce rapport? tout simplement parce qu’un jour Jean-Louis Borloo qui était certainement le plus grand ministre de l’environnement qu’on ai eu, nous l’a demandé, à Vasconi en premier puisqu’il le connaissait mieux. Ensuite Claude m’a appelé et a appelé tout de suite Ricciotti aussi. Julien Rousseau étant un jeune architecte qui est venu ensuite se mêler à nous parce qu’on avait besoin d’une vision un peu fraiche. et pas ressasser les vieux cons là…Vasconi on connait c’est le territoire, Ricciotti c’est la réglementation, le surpoids de l’administration et des censeurs, et moi c’est plutôt la technicité du bâtiment qui m’intéresse et ce que l’on peut en tirer comme valeur poétique et deuxièmement l’enseignement puisque c’est le deuxième volet de mon exercice et de ma vision de l’architecture.! Donc voilà, il s’est dit tellement de conneries sur ce sujet qu’on a effectivement pris les choses en main. Et je vois encore se désespérer J-L. Borloo qui vient nous voir et nous dit “j’en ai marre, j’ai


des rapports de 200-400 pages faits par des énarques, des polytechniciens et des ingénieurs de toutes sortes. J’en peux plus, je comprend rien, et en plus on me propose rien!“! Les mecs ils vendaient des rapports 50000/10000€ ou tout simplement ça les faisait travailler, mais il nous dit je comprend rien. “Est ce que vous ne pouvez pas vous, architectes qui avez le sens du commun, de la construction simple, me dire ce qu’est la ville durable. Qu’est ce que ça veut vraiment dire en termes physiques, de mesures. Qu’est ce qu’on pourrait faire de cet environnement et surtout comment on pourrait l’enseigner.“! C’était bien parce que la question posée dans ce think tank c’était de dire : on va réfléchir sur la ville, mais en l’intégrant à la question environnementale - au travers du grand ministère de l’environnement qu’il devait créer, parce qu’il n’y a pas plus grand ministère de l’environnement que celui que Borloo avait, il était ministre d’Etat alors en plus ça pesait. Ce qu’a presque Ségolène Royal aujourd’hui qui est assez sensible à tout ça, elle a quand même été la première ministre de l’environnement de l’histoire de la république, sous Mitterand. Mais à l’époque c’était hésitant, on savait pas trop où on allait donc tout le monde y allait de son tintouin, certification, machins, etc…!

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A force d’entendre tant de conneries en face de nous, Rudy en tête avec Claude : “Viens, putain y en a marre d’entendre ça - donc monsieur le ministre voilà ce que nous on pense.“! Et l’enseignement c’était de dire aussi que l’environnement, qui avait été pendant des années une rubrique de l’enseignement de l’architecture - alors que les ingénieurs l’avait pris à bras-le-corps pour en fait en faire une industrie commerciale et de vente - les architectes étaient comme d’habitude, en retard. Aucune prospective tu vois, rien du tout. Ne croyant jamais en rien à part devenir Franck Gehry ou Jean Nouvel, ils n’ont pas d’autre ambition. Donc au lieu de s’intéresser réellement à ce qu’était la construction et l’environnement, et bien ils ont perdu du temps en considérant que cette science de l’environnement ne pouvait être qu’un truc qu’on faisait le vendredi entre 11h et midi.!

! M.S : En cours de thermique.! !

F.S : Oui, voilà! Entre Hygrothermie et Acoustique… ! “Ah c’est l’hygrothermie, l’environnement!?“! “Non, non, c’est pas l’hygrothermie c’est pas grave je vais vous expliquer ce que c’est.“! Pour moi c’est une question presque comme ce qu’on avait quand on était tout petits - toi t’as pas connu ça - ça s’appelait l’instruction civique.!

! M.S : Oui, oui j’en ai eu aussi.! !

F.S : T’as eu de l’instruction civique toi! C’est revenu alors. T’apprenais à dire bonjour, à vivre en société. Ce qu’était les règles, les droits, les devoirs, l’assemblée nationale, le peuple, comment tout cela fonctionne. Je trouve que c’était une prise de responsabilité des individus et c’était pas plus mal.! Donc, ce qu’on a proposé, c’était de faire des Instituts d’Architecture Avancé. Pourquoi? Parce que ça réglait à la fois deux problèmes. Celui de l’environnement qui devenait un ministère auquel on allait être rattaché. Un ministère qui représenterait ce sujet majeur, depuis Kyoto on doit prendre conscience qu’on est en danger, que tout le monde y contribue, tout le monde y participe - on va essayer de régler les américains et les chinois pour qu’ils soient un petit peu moins égoïstes. ! L’Europe avance beaucoup, avec l’Allemagne et la France, puisqu’on est quand même des leader : il faut minimum 30% d’énergies renouvelables sur un bâtiment.!

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M.S : J’ai vu récemment qu’on était les meilleurs élèves de l’Europe concernant les énergies renouvelables.!

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F.S : Oui, oui! On est sensible à tout ce genre de conneries j’allais dire. On essaie tu vois, mais on prend tellement ça à coeur que par exemple on sacrifie le gaz de schiste, pendant que d’autres le font. Alors on est toujours bons élèves, sanctifiés, mais en même temps on se fait mettre parce


que les autres sont tous en avance - ils n’ont plus besoin de l’Arabie saoudite pour avoir de l’énergie mais nous oui.! Par bonheur on a le nucléaire, mais comme on fait aussi mauvaise conscience sur le nucléaire, on dit dans 5/6 ans faudra baisser de 25% la part du nucléaire en la compensant par des énergies renouvelables. Mais aucune démonstration n’a encore été faite prouvant que l’on peut récupérer 25% d’énergies avec les énergies renouvelables. On sait même pas comment la stocker. C’est un vrai sujet, ça m’intéresse beaucoup comme tu le comprend et ça fait 20 ans que je m’intéresse à cela.! Et donc l’IAA on part de ça, de l’environnement comme sujet majeur, et on introduit dedans tout ce qui concerne la charpente, le calcul des matériaux, de l’espace, de la coloration, aménagement, urbanisme, etc… Mais, en chapeau, une espèce d’obligation - comme on avait l’obligation d’architecture mais qui ne veut plus rien dire - une obligation de responsabilité universelle. D’abord territoriale, puis nationale, européenne puis universelle. Ça je trouvais que c’était bien.! Dans le même temps cela permettait de virer toutes les écoles d’architecture qui sont complètement inopérantes avec des vieux cons qui enseignent, avec des profs qui sont absents ou idiots.!

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Donc l’Institut, en digérant localement les écoles de tout le Midi, permettait de rendre les profs tels qu’ils enseignent aujourd’hui obsolètes tout en les intéressant à ce nouveau cursus. Ça permettait le renouvellement des enseignants, et de pas avoir ces espèces d’imbéciles qui sont là depuis 20/30 ans et qui sont, comme je dis, moins intelligents que les élèves qu’ils sont chargés de cultiver. Vous allez beaucoup plus vite, les mecs sont totalement dépassés.! C’est pour ça que je n’enseigne pas en France, j’ai enseigné 4 ans à Berlin j’ai compris. On m’a proposé 4/5 fois des postes d’enseignants, j’ai dit non, je ne contribuerai pas à ce massacre, à cette mascarade française. D’ailleurs Elodie a dû te dire à quel point c’est difficile même pour elle.!

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M.S : Ils sont engagés, mais les freins sont nombreux. J’avais déjà vu ça dans mon précédent cursus.!

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F.S : Ben oui! À partir du moment où tu as quelque chose à dire dans l’enseignement, tout le monde est contre toi, ils jouent leur peau.! S’ils laissent entrer quelqu’un comme Elodie ou Jacques, ou comme moi ou Rudy, ils sont morts. Ils sont cuits en moins de six mois, tous ils démissionnent.!

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Voilà, donc ça permettait de régler en même temps ça et de dire : on terminera avec 4/5 instituts, rassembler les écoles avec l’environnement devenant un chapeau paramétral. Un paramètre global qui permettait de pas se dire “ah! on va mettre une pincée d’environnement dans le projet, alors qu’est ce qu’on fait.“ Et tu vas à la Samaritaine, tu fais tes courses entre un peu de panneaux photovoltaïques et une ou deux éoliennes puisque c’est à la mode, de l’isolation par l’extérieur, et pour finir un peu de régulation par puit canadien - alors qu’il n’y en a pas besoin, mais tu le mets sur le descriptif et le mec de SOCOTEC il voit ça, hop, deux points de plus, même si après tu le fais pas.! Tu vois on est dans une espèce d’achalandage, on achète l’environnement parce qu’on a monté encore un carcan - contre lequel Rudy est le meilleur d’entre nous à s’exprimer - qui est que pour avoir une certification, par exemple sur le projet qu’on réalise en ce moment pour EDF c’est n’importe quoi! Tu peux mettre ce que tu veux dans les cases, tu as même des cas où ça rentre pas dans les cases : “ça dépend, ça dépasse.“ Et toi t’es là tu dis “qu’est ce que je fais j’ai pensé et conçu ce truc?“ et le mec te répond “ah je sais pas, ça rentre pas, c’est pas pris en compte…“. Alors que c’est le plus important.!

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C’est bien que ça arrive maintenant, on peut pas dire que c’est pas bien. Ce qui n’est pas bien c’est la manière dont c’est organisé, la manière dont on en parle.! La question de l’environnement, de l’urbain, du confort ou de la normalisation des handicapés, on ne devrait même pas en parler. Ça devrait être quelque chose parmi les paramètres de l’architecture.!


L’architecture c’est quoi, c’est un art de synthèse, c’est ce qui va nous sauver dans l’avenir. Personne n’est capable d’établir la synthèse du projet comme nous. On ne viendra plus chercher les architectes parce qu’ils sont créatifs, etc… C’est fini ça.! On viendra les chercher parce qu’ils ont un spectre de connaissance extrêmement large qui va de la réglementation A à la réglementation Z en passant par l’économie, l’art, la gestion de l’espace. Et comme on est dans un monde de plus en plus spécialisé, ce qui nous sauvera c’est de l’être de moins en moins. De plus en plus ouverts.! Sinon ils n’auront plus besoin de nous. Si on ne fait plus que de l’architecture au sens du design du terme - ce qu’ont fait beaucoup d’architecture pendant 20 ans - on laissera aux autres la question des structures, des fluides, etc…! Mais pour faire un bâtiment aujourd’hui, avec l’hyper-spécialisation des tâches, personne ne fait la synthèse. Or un bâtiment qui fonctionne et qui marche c’est un bâtiment qui est parfaitement mis en synthèse avec tous les éléments qui le constituent : des structures, fluides, positionnement, aux systèmes de contrôles, cela fait qu’a un moment donné ça marche ou ça marche pas.! Et cette synthèse, tu t’aperçois qu’aujourd’hui, personne n’est capable de la faire à part l’architecte.!

! M.S : Ça va ,nous ne smmes pas finis alors?! !

F.S : Non! Mais c’est ce que je dis au ministère, ça fait trois fois que je les rencontre tous là : Il faut élargir le champ de la connaissance de l’architecte.! On devrait former les architectes aujourd’hui dans une espèce de polyvalence, de pluralité des connaissances, parce que d’ici peu personne ne saura faire cette synthèse avec l’hyperspécialisation qui nous entoure.! Là dedans s’inscrit le paramètre global de l’environnement.! Voilà ce que je peux te dire de manière globale et politique.!

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M.S : Et justement en parlant politique, avez-vous été approché pendant la préparation du rapport Patrick Bloche?!

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F.S : Non. En France tu sais il n’y a qu’un architecte, c’est Jean Nouvel. Eventuellement l’autre folle d’Odile Decq qui en touche pas une mais qui fait croire qu’elle en touche. En France on a quand même tendance à croire ce qu’on te raconte, et surtout ceux qui te le racontent, donc les deux Pinocchio de service…!

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M.S : Ça me surprend un peu parce que, même si votre rapport de 1999 n’avait finalement pas été publié, ils auraient pu se pencher à nouveau sur les idées.!

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F.S : Mais tout ça…le rapport Bloche il est complètement stupide. Il n’y a rien dedans qui soit nouveau tu vois. Tout ce qu’on t’apprend c’est qu’il faut renforcer le rôle de l’architecte, qu’il ait les chantier, je l’ai lu en partie…on enfonce des portes ouvertes. Ça fait 20 ans qu’on dit la même chose, il n’y a rien de nouveau. Forcément puisqu’on interroge des gens qui sont de l’ancienne génération. ! On interroge pas les gens de ta génération ou de celle juste avant qui êtes vraiment dans un monde en pleine mutation.! Non! On va interroger Jean Nouvel. Lui il va dire “oui, il me faut les chantiers. Faut pas qu’on m’enlève de l’opérationnel…“ Mais bien sûr! On est d’accord, s’il n’y a pas l’architecte sur le chantier c’est n’importe quoi - sauf pour faire un immeuble ou une tour à la Défense, là on a pas besoin de nous.! Mais pour faire ça (il montre le plan du projet EDF qui est déroulé sur la table), je peux te dire si je suis pas là moi, ils savent pas le faire. Pour faire le MUCEM à Marseille, si il n’y a pas Ricciotti ils savent pas le faire, ça c’est sûr. Des bâtiments un peu complexes comme ça, ou les fonctions sont imbriquées et les choses un peu subtiles, il faut qu’il y ait des architectes c’est absolument nécessaire.!

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Le problème c’est qu’on a donné une image tellement désastreuse du métier d’architecte par le désintéressement de la chose livrée, du chantier.!

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On s’arrête au moment de la conception...on considère que ça ne sert à rien..c’est comme si t’as tiré ton coup et la nana elle s’occupe de tout et de toute façon le bébé va naitre.! Il ne faut pas s’étonner d’être utilisé que pour la conception et encore maintenant les administrations et promoteurs pensent pouvoir le faire.!

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M.S. : J’ai eu des expériences malheureuses avec des promoteurs privés où en effet ils pensent pouvoir faire notre travail.!

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F.S. : Oui t’as mis le rond handicapé c’est bien! Sauf qu’ils dessinent des ronds partout et qu’ils tapent dans tous les murs, vas-y met des ronds partout.! Et puis ils t’inventent des trucs, ils n’ont pas de relations directes avec les entreprises qui leurs racontent n’importe quoi sauf que nous on a des connaissances avec les fluides et les structures. Les entreprises ne peuvent pas nous baiser mais elles peuvent baiser les promoteurs avec des solutions plus économiques sauf qu’il a mis trois murs côte à côte sinon le bâtiment allait s’effondrer.! Il faut que les maître-d’ouvrages publics ou privés nous prennent pour des amis, des complices et leurs avocats auprès des entreprises. Mais elles sont très intelligentes, depuis trente ans elles ont réussi à éliminer les architectes et les bureau d’études. Elles avancent, elles inventent, elles achètent, donc tous les empêcheurs de fonctionner, comme l’architecte, ils dégagent.!

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Alors pour l’environnement tu as beau leur dire qu’on va prendre un dispositif passif, ils ne savent pas ce que c’est. ! Il y a le dispositif passif et actif, alors il faut être fort en dispositif passif pour être moins accastillé en système additif, c’est le principe de base.! Tu essayes de leur expliquer, bon là ça a marché parce que c’est des gens intelligents d’EDF c’est quand même pas des niais, c’est des têtes, des X. Mais ils ont beaucoup de mal car ils ont un regard parfois ponctuel sur un sujet mais ils arrivent pas à comprendre qu’un sujet en entraine un autre qui en entraine un autre et ils disent “mais là je suis pas performant“ - non mais tu ne peux pas être totalement performant ici car si tu l’es tu vas dégénérer le niveau d’à côté, ce qu’il faut c’est être à la bonne mesure même si t’es pas au maximum du curseur.!

! M.S. : Et le regarder sur la globalité.! !

F.S. : C’est là l’art de la synthèse. Ce projet là (il pointe le projet d’EDF) c’est la synthèse absolue entre la façade, la dalle active et tout est en équilibre avec le minimum de choses et le minimum de matière parce que tu peux être en équilibre comme Gehry avec des plots qui servent à rien du tout comme Nouvel à la Philharmonie de Paris où tu as la moitié des murs que tu peux mettre à la casse que l’on pourrait toujours faire de la musique. ! C’est juste la question de l’environnement c’est l’antithèse justement de Gehry ou de Nouvel, c’est aussi la prise de conscience de la responsabilité de l’individu dans le pillage de la matière du sol, de l’espace. Pourquoi? ça par exemple c’est fait comme tous les bâtiments que je fais en logements, comme Auteuil que je fais avec Rudy et Anne Demians,ce sont des bâtiments qui sont faits au maximum de l’optimisation de l’environnement avec le minimum de matière. Pourquoi? L’attitude passive qui consiste à bien situer les bâtiments et à les construire avec le minimum de choses et bien c’est la première attitude environnementale, c’est de dire c’est pas la peine de faire des choses qui sont architecturales au sens du design… Dans les années 80, oui il fallait qu’on montre que l’architecture était un art nouveau, par rapport à tous ce qu’il y avait avant, toi tu n’as pas connu, mais comme les vieux cons, comme à Sarcelle c’était des cités à 5000 logements d’un coup. Donc on a foutu tout ça en l’air avec 68, avec Nouvel, avec Studio avec pleins de gens qui à l’époque comptaient, Vasconi, Riciotti et Perrault arrivent plus tard et donc on a fait la démonstration de ce qu’il faut faire aujourd’hui c’est d’avoir une architecture économe mais qui soit performante, c’est doublement compatible, c’est à dire plus elle est économe plus elle est compatible avec l’environnement, car d’un tu dois réfléchir en matière grise pour faire la meilleure


combinaison possible des éléments pour le confort d’été, le confort d’hiver donc amener des ombrières qui en même temps t’empêchent d’avoir de la lumière donc il faut recompenser par de la lumière mais tu mets seulement 8 watts dans les luminaires électriques pour que la lumière percute. Ton espace est calculé pour que la lumière perdue par les balcons se répercute autrement.! Donc il y a tout un bin’s global, y compris la gestion des fluides, bien évidemment.! Là on a une dalle active horizontale, on n’a plus de radiateurs, c’est une dalle qui chauffe et qui refroidit avec beaucoup d’inertie mais ça ça marche parce que le bâtiment est épais et lourd ça ne marcherait pas sur un bâtiment fin comme à Montpellier par exemple.! Comprendre aussi que tu ne fais pas la même chose à Montpellier et à Paris ou en Italie et au Danemark. Tu regardes un bâtiment de Gehry, il fait la même chose partout.! C’est comme ça, je parle même pas de la culture du lieu, la culture profonde, intellectuelle.!

! M.S. : Même la contextualité est totalement absente.! !

F.S. : Oui elle est absente, même la contextualité climatique, tu vois il s’en fout, il te mets du verre n’importe où, n’importe comment, il aurait pu faire ça à Alger, ça marchait aussi, pour lui dans son esprit.! Donc c’est d’être opportun, là où on est c’est à dire qu’il va falloir qu’on en finisse une bonne fois pour toute avec ce que j’appelle le style, les modèles c’est à dire la reproduction autiste des bâtiments fait par les architectes à style Meyer, Nouvel aujourd’hui c’est-à-dire que tout ça n’a plus de sens ce qu’il faut faire à chaque fois des adaptations sinon ce bâtiment à Marseille il aurait pas été comme ça. Mais va leur faire comprendre, va leur expliquer que les bâtiments c’est spécifique à des tranche de régions, évidemment Marseille et Montpellier c’est pareil, et encore, mais quand on construit, comme le concours récemment à Arles pour l’école de la photo, moi j’ai fait un bâtiment spécifique au climat d’Arles que je connais particulièrement mais c’est pas ce qui les intéressaient. Ce qui les intéressaient c’était que l’école devait avoir une image d’une école or moi je prétends qu’aujourd’hui les bâtiments doivent être banalisés. ! Pourquoi? Parce que dans l’usage et dans l’esprit de l’économie de matière et de matériaux on doit pouvoir faire des bâtiments qui vont servir à l’école de la photo mais qui demain pourront servir à une autre fonctionnalité sans avoir à le démolir.!

! M.S. : Oui pour qu’il puisse évoluer.! !

F.S. : C’est-à-dire une dose de banalisation qui leur permette une évolution potentiellement perpétuelle, en permanence, ce n’est pas valable pour tout.! Regarde Haussman à réussi tous ces bâtiments qui était fait pour des logements qui sont devenus des bureaux ont pu redevenir des logements.! C’est la vraie intelligence. Déjà chez Haussman, c’était plus intelligent.!

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M.S. : Au final, les logements que l’on construit actuellement sont intransformables en bureaux.!

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F.S. : Oui c’est ce que j’allais dire. Oui parce qu’ils mettent des murs, des voiles partout.! Tu connais mon bâtiment de la rue Durkheim ou pas?!

! M.S : Oui.! !

F.S. : C’est mon premier bâtiment (il montre le bâtiment), c’est environnemental, statique, économique en énergie, degré de fonctionnement zéro.! Ça c’est Saclay (le projet du centre R&D d’EDF).! Ça c’est à Montpellier, il est dans les anciens entrepôts des Galeries Lafayette (explication de la situation géographique), URBAT est le promoteur, 20% de social et 80% de privé.! (Il revient sur le bâtiment de la rue Durkheim)! Tu vois ce bâtiment de 1994 à 20 ans il a un minimum de matière, tu as un poteau, une dalle, ça ne s’appelait pas HQE à l’époque.!


! M.S : Il est d’autant plus intéressant.! !

F.S. : J’appelais ça le bon sens, c’est-à-dire tu faisais du logement social avec un minimum d’entretien et ça demain tu peux en faire des bureaux.! C’est un noyau central avec une âme avec des escaliers/ ascenseurs, une âme centrale, de contreventements et puis des plateaux libres de 7 m d’épaisseur avec des poteaux et aucune retombées de poutres.!

! M.S. : Tout est dans la dalle?! !

F.S. : Donc tes cloisons sont modulables, et ça avant tout le monde en ’94, ça c’est du BFUP (Béton Fibré Ultra-Performant). Personne ne l’utilisait à l’époque, même Ricciotti, il me fait rigoler avec son BFUP, je lui dit “viens, je te montre comment on faisait les trucs en ’94!“ (Rires).! Donc c’est du béton de haute performance, du poteau de 40x40, je l’ai ramené à 20x20, tout simplement pour gagner de la surface parce que la surface nominale des appartements, mine de rien tu gagnes un demi mètre carré donc ça aussi c’est de l’économie de matière.! Aujourd’hui tu présentes ça à un promoteur, il te dit de faire du 2,3,4 pièces, tu construis et puis tu dis j’ai pas envie finalement alors tu peux revenir en arrière.! A tout moment ça c’est ce qui est immuable et ça c’est transformable (il fait défiler deux visuels : un plan libre du projet et un aménagé comme le désirait le promoteur).!

! M.S. : donc on pourrait même faire des bureaux, à côté un loft et d’autres logements…! !

F.S : Ce qui te donne C+D géré avec le minimum 60cm, la thermique par la double peau, en gros ça fonctionne comme une combinaison de plongée, l’hiver quand les gens rentrent, la chaleur est capturée entre les 2 peaux donc tu ouvres la peau intérieure et pas l’extérieure, donc ça permet de ne pas chauffer et l’été la chaleur est capturée en extérieur et à l’intérieur ça s’échappe.!

! M.S. : Une sorte de tampon thermique.! !

F.S : Ce qui fait que personne n’allume le chauffage en hiver depuis 20 ans, La chaudière ne fonctionne jamais. On l’a mise en route que les hivers où il faisait -4°, -5° pour les enfants, par nécessité, mais sinon il n’y a pas de charge d’exploitation sur cette affaire. Moi je prônais déjà à l’époque (1994) le financement global c’est-à-dire le Maître -d’ouvrage dit je ne veux pas payer plus et tu dis si je mets des matériaux comme du verre, du béton, de l’inox alors il n’y aura pas d’entretien et il me répond j’ai pas les moyens; alors je lui dis de ne pas s’inquiéter et que je ferai avec le budget.! Finalement, on y arrive car le travail de l’architecte est de discuter avec les entreprises, puis tu fabriques. Et le Maître-d’ouvrage dit “Bravo“, c’est dans les prix et dans le budget global il n’y a pas d’entretien.! C’est aussi ça l’environnement, la posture de l’environnement, faire en sorte que la maintenance soit ramenée à zéro parce que, si tu construis un bâtiment cheap en disant minimum de matière mais que tu débourses autant pour sa maintenance…c’est pas ça l’environnement.! L’environnement, c’est arriver à une pérennisation d’un espace et de la qualité de la construction de façon à ce que 20 ans après ...! Je t’invite à aller le voir, de la ZAC c’est le seul bâtiment qui n’a pas bougé. Il y en a même pour certains, il y a dix ans ils ont déjà été refaits. Celui là n’a pas bougé, c’est du logement social locatif, même pas pour les riches! (Il remontre le bâtiment de la rue Durkheim et passe au projet de la gare d’Auteuil)!

! M.S : Et là c’est majoritairement du social?! !

F.S. : 200 logements sociaux que nous faisons Rudy et moi, avec une disposition Nord/sud, de façon à capter la lumière et l’énergie ensuite on a fait une mise en commun des outils de fabrication. Le même système a été repris sur les 4 bâtiments, la boîte à outils commune donc sur


4 façades . En fait on utilise la gestion de matière et la gestion économique de masse c’est-à-dire qu’on utilise le coût des 400 logements pour faire baisser les prix mais en prenant tous les mêmes châssis dans une gamme de 4, on fixe une boîte à outils.! Ce qui fait que ça donne des bâtiments de la même famille.!

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M.S. : Des bâtiments similaires mais avec des écritures différentes, et c’est ce qui est intéressant.!

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F.S. : Moi, par exemple, je prends de la tôle oxydée que je met en second plan derrière les vérandas et Anne Demians les prends et les mets en premier plan, par contre elle a les mêmes garde-corps et les mêmes perforations que Rudy ou Finn. Ce qui est en premier plan chez Anne est en second plan chez Finn et vice versa. C’est une espèce de va et vient, en utilisant la même matière et les mêmes matériaux, donc une économie de moyens;!

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Et pour moi, pour en revenir à ta question de l’environnement, c’est plus une question de culture, de mentalité, de posture que de descriptif, la seule chose qu’on ne fera pas comme nous c’est dans l’invention de ce qu’on appelle le dispositif passif: 4 bâtiments avec de la lumière de partout.! Les Allemands sont ancrés dans l’environnement, ils sont nés avec, c’est pas bidon chez Finn Geipel.!

! M.S : C’est pas commercial.! !

F.S. : (il montre différent logements)! Par exemple, URBAT, les mecs me font faire des appartements, séjour-chambre-chambre, classique sans invention, et ne veulent pas de loggias car ils ont des codes de vente, et puis à Montpellier ils achètent du carrelage et pas du bois. Ok, moi ça me va, à partir du moment où ça peut aider socialement.!

! (Passe différents projets sur son écran :! !

Voilà pour moi, la rengaine de l’énergie, c’est de dire quand on construit en 2005, on invente une 3° ou une 4° partie, c’est ce que j’appelle le « d’air ambiant» c’est-à-dire que tu es obligé de récupérer de l’énergie enfin de l’air extérieur pour le rafraîchir; parce que en Guadeloupe ou Martinique, 2 tentatives ont été faites avec ce qu’on appelle des courants d’air. C’est le rectorat de Christian Hauvette en Martinique, ça s’appelait la boîte à vent et donc il avait joué sur le fait qu’on pouvait faire dans ces pays là des bâtiments où ça fonctionnerait sur un système de courants d’air sauf que dans le rectorat et autres tribunaux tout s’envolait et les mecs comme ils se barraient, ils étaient jamais dans leurs bureaux, quand ils revenaient dans leurs bureaux c’était un bordel pas possible. Donc ça été à la fois une idée magnifique mais ça demande une gestion que les martiniquais sont incapables d’avoir, sans être raciste.!

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Donc à Pointe-à-Pitre, on a décidé de garder ce système et de faire dans cet espace, plutôt que de prendre de l’air à 40° le rentrer et dépenser énormément en machinerie pour le ramener à 15° ou 20°, on le refroidissait en le prenant comme si c’était de l’air qui se mettait à l’ombre d’une véranda et on le captait avec quasiment 6° à 7° de moins, ce qui était quand même une énergie minimum et après tu le rediffusais dans les divers bâtiments.!

!

20 ans, le lycée de Nouméa, premier lycée que je proposais, je me suis fait traiter de cinglé, de fou. C’était un lycée monté sur des lignes de restanques, comme on dit dans le Midi, avec des fibres qui permettaient d’accueillir à la queue leu leu des salles de cours. C’était à la fois un lycée mais aussi une sorte de lycée-université et tout fonctionnait par des systèmes de courant d’air, il y avait strictement, absolument rien et c’était avec les matériaux de là-bas, c’est-à-dire des bambous. Le préfet m’a rit au nez en me disant vous rigolez, on ne peut pas faire un truc comme ça, ici. Il voulait un bâtiment comme à Cergy-Pontoise avec une verrière centrale et tout, à Nouméa avec 40° dehors.!

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1999, base de Keromon avec les bunkers de l’armée allemande à Lorient, ville détruite à 95% pendant la guerre sauf qu’il restait les 3 bunkers et moi je proposais, projet iconoclaste, c’était un concours international, c’était de dire, ok les bunkers sont là, et essayer de retrouver une sorte d’esprit de Venise, on en refait des îlots comme ils étaient au début et on reconstitue le territoire qu’on vient d’enlever par un territoire de 70 éoliennes et avec ça , ça me permettait, calcul fait par EDF, de montrer qu’on pouvait alimenter 50% de la ville de Lorient avec de l’énergie éolienne.! Donc les bunkers, on les laissaient, en même temps 4 mètres de béton, tu fais quoi, tu casses tous les marteaux piqueurs du monde, ils sont intransformables.! On mélange la guerre du vent avec la guerre de ’40.! Lorient est la ville de France où il y a le plus de vent.! En plus j’arrive avec un chèque signé d’EDF de 200 millions de Francs qui disait vous faites ce projet, nous le finançons. J’avais convaincu EDF de faire ce projet au cas où je gagnerais le concours, avec un chèque de 200 millions de Francs, à l’époque.! Je me fais jeter par un jury qui choisit un projet luxembourgeois où ils ont peint des flèches en rouge sur les bunkers avec dessus des boîtes de verre pour faire une maison des jeunes et de la culture.! Moi, j’utilisais les éléments mari-moteur c’est-à-dire que tu avais à la fois 70 éoliennes qui venait éclairer tout les bunkers en utilisant les énergies pour faire une sorte de peinture énergétique et les bassins de radoub qui sont les bassins où les sous-marins rentraient, on vidaient les bassins pour réparer les sous marins, comme une écluse. J’utilisais cela pour faire des équipements posé sur l’eau, avec la poussée d’Archimède tu peux faire ce que tu veux, donc mes équipements étaient attachés en marée base et en marée haute. Ils m’ont rit au nez.! 1999, (montre son projet) puis en 2012 à 18h23, au même endroit (montre ce que c’est devenu sans que ce soit un projet architectural).! Tu vois comme quoi le combat sur l’environnement est lent. Il est lent...! ’99-2012: 13 ans, il leur aura fallu pour réagir à un projet que je proposais en ’99, ils ont mis 13 ans à réagir, donc la force d’inertie de la décision environnementale, les idées, elles existent, les éléments sont prêts, il y avait un financement qui était là et ben non. L’inertie, elle n’est plus dans l’environnement, elle est dans la décision politique. C’est tous des branleurs!!! Après la guerre, avec Pompidou ou De Gaulle, il y avait une espèce d’optimisation de la vie, c’était peut être les effets de la guerre mais on avait une classe politique, comme Malraux, courageuse.! Là ’99, on te rit au nez, en 2012, on vient te trouver pour te dire qu’on a une idée sensationnelle, regardez ce que l’on va faire.!

! M.S : Ils les ont mises plus au large.! ! F.S. : Un petit peu plus au large.! ! M.S. : Dommage, parce que ça avait une sacré gueule.! !

F.S. : C’était beaucoup mieux. Tu utilisais les bunkers, tu faisais un truc, tu faisais un monument que le monde entier pouvait venir voir. C’était une nouvelle Tour Eiffel mais horizontale, autrement. Et bien non, c’était décimé en ’99.!

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Pour te montrer qu’on a pas attendu que des ingénieurs ou des imbéciles viennent nous le dire normativement, en plus ils les mettent en abscisse, en ordonnée pour la classification, il faut avoir tant de mètre carré. Ca n’a pas de sens!! Ce qui est valable en face, ce n’est pas valable ici.! C’est une question de spécificité, d’adaptation, de jugeote et puis de contexte, tu peux pas les faire tous d’une même manière.! (Il passe à un projet de bureaux à Paris)! Ils sont calés sur ce qu’on appelle la transgression normative c’est-à-dire ce n’est plus l’idée de l’acceptation. Elle permet de dire bon il y a des règles, elles sont toutes plus idiotes les unes que les autres, qu’elles soient environnementale, handicapés ou urbaines.! J’ai consulté 2, 3 amis ingénieurs pour savoir quel était le sujet sur les bureaux, on me dit c’est le confort l’été et le problème des dalles. En été, on est dans une latitude où les nuits sont trop


courtes pour rétrocéder une énergie captée, les planchers sont comme des radiateurs quand ils prennent la lumière. Les pare soleil protègent les gens mais il faudrait protéger les planchers parce que la chaleur est captée par les planchers et plus le bâtiment est épais (20 cm d’épaisseur), je joue avec l’inertie. Le problème c’est qu’avec un corps gros et inerte, il rétrocède pas et il est plus lent.! Donc, j’ai mis les coursives en décalage à hauteur de la vue donc (montre sur la coupe), elle servent d’ombrières sur la dalle de capture d’énergie et de rétrocession à terme et puis après ça permettait une vue de loin, une partie ouvrante au dessus de la coursive dégagée et claire et tous le reste est dépoli.!

! M.S : Même si le soleil tape en plein dessus.! !

F.S. : Donc je compensait l’épaisseur et les éléments de pare soleil par un dépoli qui prenant la lumière, la rediffusait beaucoup plus loin.! Nous avons repris ce genre de choses sur EDF mais autrement.! C’est toute une question d’équilibre et de balance pour arriver à...- et ça il faut comprendre ce que c’est la synthèse entre tous les systèmes environnementaux et de ne pas les additionner. ! Les architectes ne savent pas faire ça, parce qu’ils s’intéressent à autre chose. On leur apprend à être sur Nouvel, c’est les mecs qui font n’importe quoi ou à Gehry. Ca marchait, moi aussi, j’ai appris à être comme ça mais c’était dans les années 80, où l’architecture avait une nécessité d’identification.! J’ai l’impression qu’on est entrain de passer dans un monde et qu’il y en a qui restent bloqués sur le quai, ils ne montent pas dans le bateau.!

! (montre des plans)! !

De temps en temps, on a des retours pompiers qui font qu’on a des angles qui font que les coursives sont plus écrasées: il y a une règle à Paris, quand tu es dans un angle dans un espace public, il ne faut pas d’éléments saillants de plus de 30 cm sur une profondeur de 1m50.! Dans un angle, dans un espace public (montre un plan avec une jeu de coursives).!

! M.S. : Je ne comprends pas bien pourquoi....! !

F.S. : Quand je suis allée à Morland, j’ai dit “vous pouvez m’expliquer“. C’est une bizarrerie, un type passe et il s’invente le truc tu sais pas pourquoi et puis ça reste. Moi j’ai dit bon on va l’utiliser et puis finalement c’est pas si mal que ça.! Donc ça c’est ce que j’appelle l’acceptation normative ou la transgression normative qui permet d’avoir des choses comme ça (il montre les plans) et là on est sur le domaine public et hop ça s’écrase.!

! M.S : Même si on est au 4° étage, ça s’applique?! ! F.S. : Oui, tu ne peux plus avoir ton balcon qui fait le tour de l’immeuble! !

Et ça (il passe à un autre projet), c’est du logement mais avec un espace de mobilité c’est-à-dire dire aujourd’hui que les bâtiments pour être à la fois environnementaux mais là la dynamique peut aussi venir de la manière dont tu mets en scène la matière ce qui permet le matin, soir ou midi de les voir autrement. C’est pas le bâtiment qui bouge, c’est toi en fonction du temps, du regard et de l’impression qui prend en compte le temps et le déplacement.!

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Ça à l’époque j’avais fait ce bâtiment qui était tout en décomposition (il passe à sa proposition pour le viaduc de Millau), on a terminé premier au concours mais on l’a pas fait.! C’est les bétonneux qui ont réussi à battre les métalliers c’était pas une question d’architecte, c’est simplement entre les bouygues-man et ceux qui venaient d’Usinor..!

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Le lobby du béton en France historiquement est beaucoup plus fort que le lobby de l’acier, c’est pour ça qu’on l’a gagné ce concours mais qu’on ne l’a pas fait, et c’est Foster qui l’a fait.!

! M.S : Sans avoir gagné le concours...! !

F.S. : Et donc là l’idée c’était de dire on décompose la matière et c’était au moment où on sortait de Kyoto, Chirac nous racontait que l’on rentrait dans le 21° siècle, siècle de l’environnement; alors tout ça c’est des mots politiques qui n’ont aucun sens, mais c’est pas grave, tout le monde y croit et l’idée c’était de dire, autant le 19°s et le 20°s ont été des siècles de la prédominance de l’ouvrage sur les paysages; autant le 21°s ne sera ,que si c’est la prédominance du paysage sur l’ouvrage. ! Donc la matière première devenait environnementale.! Si avant la démonstration technologique, la Tour Eiffel, les haubans, le pont de Normandie là où tu sens que les câbles sont nécessaires puisqu’ils soulèvent les poutres pour laisser passer les bateaux; alors que là il y a 300 m de haut et il passe un canöé-kayak de 20cm tous les 8 ans. Pourquoi on monte à 400 m puis 100 m pour revenir à 400 m?! C’est une dépense de matière, dépense d’énergie, on est avec le Viaduc de Millau dans la connerie pure. C’est-à-dire qu’on est dans l’antithèse de la démonstration écologique : l’on peut par la technique résoudre le problème de la hauteur comme l’avait fait Eiffel d’une certaine façon. Donc pourquoi monter à 400 m pour redescendre à 300 m? Tout simplement pour dépenser de la matière, pour battre un record du monde de hauban, que les japonais ont battu même pas 3 mois après alors que le viaduc n’était même pas fini.!

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On est dans une espèce de fronderie de l’ingénierie française qui fait que l’environnement c’est bien, on en parle mais personne le fait sauf quand ça l’arrange pour des raisons économiques, ou structurelles même mafieuses parfois.!

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Mais là où il y avait l’occasion de montrer la prédominance du paysage sur l’ouvrage c’est-à-dire que le bâtiment était dessiné pour disparaître, quand j’avais un poteau, j’en mettait deux; si j’en avais deux, j’en mettait quatre et si quatre alors huit, etc... Tu prenais de l’ampleur mais en même temps comme tu le décomposait, tu perdais le notion de statique d’un mat de de béton qui fait 300 m de haut.! Donc c’est pas que le projet soit mal dessiné mais pour moi, je l’ai d’ailleurs écrit au Président Chirac: «je n’ai pas d’avis esthétique ou même technique seulement Mr Le Président, vous allez inaugurer un pont idiot» ; «idiot» écrit en gras et italique. Le pont est idiot parce que, autant en Normandie, tu montes, tu es dans l’économie de matière, les bateaux passent donc pour éviter d’avoir sur le côté des tas de routes qui montent très haut, tu tire la poutre dessus et ton bateau passe juste en dessous du tablier, c’est super intelligent.!

! M.S. : Pour le coup oui.! !

F.S : Oui c’est économique en énergie, pas en matière grise mais c’est une dépense de matière grise pour économiser de la matière.! Là, juste pour battre des records avec les japonais, à quoi ça sert... alors que l’on fait des discours sur l’environnement...!

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Et du coup, 2 ans après en 2006, en Italie, à côté de Florence, je gagne ce concours avec le même discours de la prédominance du paysage sur l’ouvrage. En disant, moi dans le paysage de la Toscane, je vous tire un ligne minimum, je prends les accès minimums, des points hauts et bas et puis je tire une ligne, on ne peut pas faire plus bas et plus haut.! Tu soulèves juste pour laisser passer la flotte quand elle est en torrent c’est-à-dire quand elle est en crue. Florence en ’68, 2m de haut. J’ai gagné parce que j’étais le pont qui dépensait le moins de matière, c’est le pont que l’on voyait le moins. Moi, j’ai dit, je rivalise pas avec la Toscane, je suis architecte, je l’accompagne; on me demande de placer une route, je vais faire en sorte de ne pas abîmer le paysage. Je n’ai pas envie de faire une oeuvre de Francis Soler, j’ai envie que la Toscane demeure et perdure.!


Ça c’est de l’attitude environnementale, c’est la posture qui est importante et non pas le discours sur l’objet lui-même; c’est comment tu te situes mentalement sur ça.!

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(Il montre à nouveau le projet EDF)! Donc voilà ça c’est EDF, celui que l’on est en train de faire, c’est tout un dispositif avec des dalles actives, des faux planchers mais pas de faux plafonds, tu as des éléments mais au minimum, là on a des balcons qui permettent de régler le confort d’été mais on a devant des systèmes dépolis qui te permettent de rétrocéder, de rediffuser la lumière. Et tout ça c’est dans une composition globale où le bâtiment est dans la certification parce que EDF c’est la mauvaise conscience de l’énergie, c’est le nucléaire.!

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M.S : Le nucléaire est tellement sale qu’il faut qu’ils se fasse certifier pour être un peu bien vu?!

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F.S. : Alors on a même des cellules photovoltaïques qui servent à rien. On en aurait besoin un peu, mais on en a mis plus parce qu’il faut montrer qu’il participe aux énergies renouvelables.! On est à la limite de l’affichage honnête, Enfin c’est pas malhonnête, c’est juste que l’on a tellement un bon dispositif passif, que l’on aurait pas besoin de tant d’actif et EDF s’est aperçu que en communication, ça marchait pas.! On était trop bon!!! Vous voulez pas aussi que je vous mette des éoliennes et des trucs pour les oiseaux. Non, on en a pas besoin, on a un bâtiment avec un bon dispositif, exposé Nord/Sud, ça fonctionne, mais EDF veut de la transition énergétique.!

! M.S : Il faut que ça se voit.! !

F.S. : Donc on a mis des cellules photovoltaïques, c’est pas qu’elles sont pas nécessaires, elles servent à récupérer l’eau de pluie pour l’arrosage, ou l’eau chaude sanitaire pour qu’on puisse se laver les mains, mais c’était pas nécessaire.! Il n’y a pas une nécessité absolue.! Mais là on est dans la démonstration, c’est pour contrer une mauvaise conscience, alors que moi je suis pour le nucléaire.!

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Je suis d’accord avec une transition énergétique mais le nucléaire c’est ce qui nous a permis d’être autonome en énergie depuis l’invention des centrales nucléaires, ça date de Pompidou. ! Si demain, il y a une guerre du pétrole, on est les seuls au monde à pouvoir tenir le siège.! Qu’on dise qu’effectivement, on peut transiter énergétiquement entre les économies que l’on fera sur les bâtiments positifs, ça marchera; mais aller dire STOP au nucléaire!!

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Réglons d’abord les problèmes, comme les japonais qui disent qu’ils savent gérer mais il n’y a qu’à voir Fukushima. On touche du bois, il n’y a pas eu d’accident en France, c’est hyper sécurisé. On est dans un pays qui est hyper prudent.!

! M.S : On est peut être le pays le plus prudent.! !

F.S. : Oui mais en même temps intelligent.! C’est énorme l’intelligence qu’il y a en France. Je regardais une émission sur les robots, c’est la folie des robots en ce moment, les japonais, les français. C’est la France le pays le plus développé en robotique, en 3D pareil, au cinéma, c’est Pixar; et les français sont les meilleurs en robotisation au monde.! Mais nous, on ne le sait même pas, il faut que ce soit un journaliste à la télévision qui nous apprennes ça le matin.!

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M.S. : C’est vrai qu’il n’y a pas de promotion qui soit faite autour du savoir faire des français.!

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F.S. : Non on est toujours les plus mauvais du monde.!


! M.S. : Oui dans une espèce de posture culpabilisante.! !

F.S. : On doit récupérer les oeuvres d’art volées pendant la 2° Guerre Mondiale et les rétrocéder, pareil en Algérie, on doit aller s’excuser. Mais pourquoi, on s’excuse, c’est comme ça que ça provoque les Zemmour et le Front National avec cette espèce de perméabilité du caractère français, c’est dommage parce qu’on a des gens très intelligents.!

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M.S. : Donc le savoir faire on l’a déjà, et on se laisse dicter par mauvaise conscience, l’attitude à avoir? Comme le dit Ricciotti, on se laisse dicter par la posture anglo-saxonne et nordique.!

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F.S. : Oui, les anglo-saxons, les hollandais considéraient que l’on était le Sénégal de l’Europe du développement durable, ils viennent nous donner des leçons sauf qu’ils sont très loin derrière nous.! Sauf que nous on ne communique pas dessus, on ne dit pas ce qu’on fait, on a des commissions, comme la commission Pelletier, dirigée par Cairet qui est une des commission qui réunit les plus grands de la société civile, puisqu’il y a le président du CSTB, des promoteurs, ingénieurs, architectes, Rousseau y est dedans. On a des attitudes, des commissions, de la réflexion, de la matière, des choses ont été écrites, comme la RBR 2010, ou 2020. Clairet était là sous Sarkozy puis sous Hollande, il est là pour mettre en place la transition énergétique et il a été mis en place par Borloo.! Mais malgré tout ça, on vient se faire donner des leçons par des gens parce qu’ils sont hollandais, ou américains - ce qui montre le manque de confiance des français!

! M.S. : Manque de capacité à le gérer nous même?! !

F.S. : On a pas de leçons à recevoir de la part des ces envahisseurs qui n’apportent rien. ! Je fais partie des gens qui ont fait entrer Gehry, Alsop, Koolhaas en France, tant qu’à l’époque ils apportaient quelque chose, que l’on avait besoin de grandes idées conceptuelles alors l’organisation des attitudes c’était Koolhaas, la plastique c’était Fuksas, moi j’ai trouvé ça très positif . Mais à partir du moment où nous la France on est plus en amont sur certains secteurs, on a pas besoin d’eux.!

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Koolhaas a gagné un concours, devant Barani, il construit l’école Centrale.! Je rencontre le Président de l’école qui était président du jury, qui ne pompe rien à l’architecture, et quatre à cinq architectes ont réussi à lui faire gober que c’était le meilleur projet. ! En parlant avec moi, je lui dit que c’est une catastrophe ce projet, le président de l’école demande pourquoi. Parce que ce bâtiment vous ne le réaliserez pas du tout comme ça; ce que l’on vous a vendu c’est un leurre parce que la règlementation française aujourd’hui va vous interdire de le faire. ! C’est un système avec de grands carrés et des circulations puis au milieu comme des rubixcubes c’est-à-dire que en volume tu as des salles mais qui n’ont aucune lumière. Aujourd’hui en France , quand on te sort le fameux FLJ (facteur de lumière du jour) ou là il m’ont fait chier il calcule si l’épaisseur du blanc va bien réverbérer 0,2 watts parce qu’on est dans des salles de cours et de travail. Mais là-bas on a une coursive dans le noir avec une salle qui donne dans la coursive dans le noir. ! Le président me dit “non ils m’ont dit qu’au dernier étage il y avait la lumière“. Oui on peut faire un trou dans le plafond et avoir de la lumière et encore ce ne sera pas une lumière directionnelle vous allez avoir du mal avec le FLJ, mais sous le 4° étage il y a tous les autres étages et eux ont zéro lumière, le président dit “ah bon j’ai pas vu ça moi“, le pauvre c’est pas son métier.! Mais le danger c’est ces cons d’architectes, qui pour avoir Koolhaas sont capables de faire n’importe quoi et voilà le projet ben il se fait autrement.! Mais j’ai aucun mérite de le lui avoir dit, n’importe quel architecte devant ce projet se demanderait comment il fait.! C’est n’importe quoi, mais comme c’est Koolhaas, !


! M.S. : ça passe, le temps du concours.! !

F.S. : Même Perrault qui a fait l’université en Corée, que je trouve magnifique, et bien tu as les circulations en façades et les salles en deuxième jour. En France même pas une seconde ils te laissent faire ça.!

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Le problème, c’est que l’on est porté par des architectes qui sont des crétins. je t’assure que la plupart des architectes sont des crétins.!

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Parce qu’ils sont dans une posture qui est celle de valeurs qui ne sont pas constructives dans le sens de l’évolution de la société, ils sont ancrés encore dans un regard de l’architecture complètement élitiste, et complètement ancrée dans la démonstration.! Ca veut pas dire qu’il ne faut pas de la démonstration mais pas toujours où que ce soit, et que ce ne soit pas une règle d’or que l’on apprend dans les écoles.! Je disait la dernière fois au ministre à Filippetti, il faut réformer l’enseignement, il faut réformer ce que l’on enseigne c’est pas pareil. C’est ce que l’on enseigne qui n’est pas bon, c’est la destination, l’environnement. ( montre un bouquin) C’est à la fois une source de troisième voie spirituelle.!

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Si on arrivait à générer la même ferveur au niveau international cela pourrait devenir une vraie religion.! Le jour où l’on va comprendre que la planète est en train de nous péter à la gueule, là on va vraiment en faire une vraie religion. On va croire que la planète va devenir un vrai Dieu comme avant. D’autre part cela peut générer une formidable embauche, il y a quelques politiques qui disent ça, et Duflot dit une seule chose intéressante c’est la source dans le développement de travail, si on développe le sujet de l’environnement, ça peut créer de l’emploi et c’est vrai, et pas seulement des espèces de cons qui te font des certifications. !

! M.S. : Non. De vrais savoirs, avec des entreprises..! !

F.S. : Des types qui font de la culture bio, qui vont inventer des éléments qui manquent, peut être des repeuplement de régions qui sont désertées aujourd’hui. ! À partir du moment où il y a une prise de conscience très très forte, qui se débarrasse de tous les systèmes vécus, je pense que l’environnement est le seul sujet qui peut nous sauver, parce qu’il est créateur d’emplois, créateur d’attitudes et créateur de pleins de choses que l’on ne mesure pas mais je sens qu’il y a quelque chose qui peut nous sauver pas seulement nous les architectes, mais au delà, l’agriculture, la construction automobile, la robotisation. ! Si on considère ça comme une nécessité absolue, comme une messe générale, moi je pense qu’on s’en sortira. On règlera beaucoup de sujet et il faut que les architectes s’adaptent, il faut qu’ils arrêtent de penser qu’ils seront tous des Gehry. C’est fini, cette génération va s’éteindre et c’est terminé.!

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M.S. : Comme vous dites si ça devient un sujet plus global ça peut permettre de redonner plus d’intérêt, afin que l’habitant s’intéresse plus à la cité dans le sens grec du terme.! Sauf qu’il faut qu’il y ait un échange politique, un débat plus constructif qu’aujourd’hui, à long terme.!

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F.S. : Oui, que tous métiers confondus, paramètres confondus, générations confondues, on essaye de réfléchir ensemble à ce genre de choses.! Vous, votre génération vous êtes nés avec cette préoccupation. Nous, certains de ma génération en ont pris conscience il y a vingt ans, et puis tu as ceux qui sont des guerriers cons, c’est Ricciotti, tu as ceux qui commencent à le prendre en compte, tu as Ferrier qui en a beaucoup parlé mais qui fait rien du tout, qui est plutôt dans l’opportunisme, il est bon d’en parler donc on en parle, ça crée des affaires, il m’a déçu.!

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Edouard François pareil, très grand opportuniste..mais avec un talent fou... ! J’étais à une conférence où il présentait ses derniers travaux : “Là c’est très spécifique, il habite à Montparnasse il est monté au dernier étage il a vu la vue donc il a vu les enfants donc il fait une crèche et tout ça puis il a inventé le green cloud c’est un bâtiment surmonté avec une dalle et de la salade dessus.!

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Et puis il se met à avoir le même projet au Guatemala, en Inde… alors là je peux pas m’empêcher de le remettre en question : au début tu as une vraie raison de faire ça et maintenant tu fais du copier-coller, alors que ton projet de base était très social, et maintenant c’est pour les riches... et là il me dit “oui d’ailleurs j’ai décidé d’arrêter ce modèle et de me lancer sur un autre dans trois semaines“.!

! M.S. : (Remerciements)! !

F.S. : …, et les fenêtres à frappe : pas de châssis coulissants on a de la perte d’énergie parce que les châssis ne sont pas bien accrochés, donc on fait des châssis à frappe avec des accordéons et puis maintenant les mêmes viennent te dire que finalement si on arrive à régler le problème des ponts thermiques ça serait pas mal, je le disais il y a 15 ans, mais on me disait NON!!!

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M.S. : L’isolation par l’extérieur c’est une aberration quand même. J’ai fait un stage dans un BET tout corps d’état à Toulouse il y a deux ans, et il était chargé de la réhabilitation d’une cité de logements sociaux : et isolation par l’extérieur avec 15 cm de polystyrène, une maille par dessus et de l’enduit. C’était dans une cité un petit peu chaude, il y a des rodéos tous les soirs et en deux jours des angles d’immeubles étaient éclatés.!

! F.S. : Dans six mois il n’y a plus d’enduit du tout.! !

M.S. : En plus de l’enduit ça faisait même péter la maille et le polystyrène. ! C’est un exemple particulier mais dans 15 ans...!

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F.S. : Pour moi c’est hors de question, tu peux pas mettre un corps mou sur un corps mou, le truc il marche pas, alors oui ils ont l’agrément vu qu’ils achètent la moitié des mecs du CSTB, ils ont réussi à avoir l’agrément d’un enduit mis sur grillage mis sur de la laine de roche ou polystyrène mais n’importe qui peut te dire que si je mets un coup de pied dedans ça va exploser. mais non on continue...! Ils sont tellement forts à te faire gober des trucs comme ça que les promoteurs marchent de suite.! Moi je leur dit, vous avez une responsabilité de pérennité, de maintenance. On ne peut pas faire du cosmétique en permanence.!

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M.S. : C’est cela. Parce que là c’est même pas dans dix ans qu’il va falloir le refaire, c’est l’année prochaine.!

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F.S. : Oui c’est évident.! On avait un deuxième projet avec Cogedim qui voulait des fenêtres à frappe et puis finalement on est revenus aux coulissantes avec le même ingénieur, qui dit que finalement ça passe, alors qu’il y a deux ans ça passait pas et maintenant ça passe, oui mais en fait les menuisiers de menuiseries coulissantes ont fait des progrès. Avant il y avait des ponts thermiques mais maintenant ils ont inventé un système très accroché qui fait que la menuiserie a une performance AEV (Air-Eau-Vent) qui correspond à la valeur qu’aurait un châssis à frappe. Et puis une fois tout ça ils te disent que maintenant c’est trop étanche et qu’il faudrait faire trou en haut de la menuiserie pour la ventilation.!

! M.S. : Ça c’est magique.! !

F.S. : Ils te disent que c’est parce qu’ils ont des systèmes de ventilation interne, je dis “mais vous êtes fous, vous me demandez de mettre des châssis où il y a zéro pénétration et vous mettez un


trou dedans pour ventiler“. Et puis l’acoustique pareil, il faut 38dB, et puis avec le trou et bien comment je fais.! C’est incohérent!!

! M.S. : C’est même malhonnête.! ! F.S. : Ils ne regardent qu’une partie du sujet.! ! M.S. : et puis ils cochent une case par une case! !

F.S. : Sans regarder la case d’à côté tu vois.! Si tu as une case où il y a marqué ventilation et bien tu coche excellente, si tu as une case avec étanchéité avec frappe et bien tu coches excellente mais les deux combinés ça donne zéro plus zéro mais personne te le dis...! Heureusement qu’on est là pour faire une bonne synthèse.! C’est quand ton diplôme?!

! M.S. : Alors le mémoire je le rends en Janvier et le diplôme c’est en Juillet! ! F.S. : Ah oui d’accord tu rends d’abord et tu présentes après.! ! M.S. : Le mémoire on le présente fin Janvier quand même.! ! !

Fin de l’entretien enregistré, courte conversation sur le Stade Toulousain et le rapport que l’on peut voir entre le rugby, les valeurs véhiculées par ce sport et leur nécessité dans la vie et l’exercice de l’architecture.


2014.11.07! ENTRETIEN AVEC MANUEL GAUSA, FLORENCE RAVEAU & MICKAEL DOMINGUEZ GORSSE, ARCHITECTES À BARCELONE (1h15).!

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(L’entretien commence avec Manuel Gausa seul, il m’explique qu’il ne peut pas trop répondre aux questions techniques propres à la réglementation française)!

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Maurice Schwab : Nous pouvons peut-être parler de la façon dont vous concevez l’architecture et l’urbanisme par exemple : qu’est ce qui pour vous caractérise une architecture de qualité?!

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Manuel Gausa : D’une façon générale mais très théorique aussi, moi j’étais pendant 8 ans vice président du conseil disons assesseur du gouvernement pour le développement soutenable de la Catalogne. Et bien que je dise ça, j’ai été dans une position disons institutionnelle forte, je crois que le fait d’être HQE, soutenable , environnemental, écologique n’est pas comme un besoin, une mode même une attitude culturelle, mais je crois qu’elle est liée à tout un changement total de notre civilisation qui a à voir avec la capacité que nous avons aujourd’hui dans un nouveau temps informationnel d’interagir avec les informations globales, de processer des informations comme jamais avant, nous l’avions fait. Evidemment ces informations peuvent être des informations sur des programmes, sur des typologies, des informations citoyennes, à la fin il y a des informations qui sont aussi de l’environnement, des informations qui permettent aujourd’hui qu’une réponse architecturale est plus efficiente, mais aussi pourquoi pas plus sensible à des informations qui sont dans nos milieux. Donc l’architecture n’est plus un objet inerte ou un objet fixe et absolument autiste mais une espèce d’interface entre l’homme, l’espace et cet environnement. Et donc ça a changé absolument notre vision de l’architecture mais pas simplement pour que ce soit plus soutenable mais parce que l’architecture est vraiment aujourd’hui une espèce de champ de relations, un environnement en fait, un milieu, en espagnol c’est très clair parce que le mot est «entorno» c’est-à-dire quelque chose de vivant qui interagit avec la ville,avec les personnes, avec des programmes entre eux, avec des typologies, un bâtiment peut être un paysage, peut être une infrastructure mais aussi avec l’énergie, l’eau, les matériaux. Donc cette situation dynamique, vivante, flexible de fait réactif a changé absolument notre vision de l’architecture. Donc après il y a des spécialités et c’est vrai que les gens disent il faut être plus soutenable oui d’accord mais dans un cadre philosophique et beaucoup plus ample. Ca c’est ma première approche.! Moi, personnellement je suis plus intéressé au changement de logique totale qui est une logique qui n’est plus moderne ou post moderne mais qui est informationnelle avancée, pas simplement d’être plus soutenable, moins soutenable c’est-à-dire que les espagnols «ya va en el paquete» !

! MS : Ca rentre dans la globalité.! !

MG : D’une façon plus concrète cette réponse de sensibilité plus attentif parce que dans ce monde interactif de fait l’architecture devient quelque chose de réactif, de capacité de relation avec les choses, d’ouvert aussi au monde; dans ce cadre la réponse plus spécifiquement au milieu, aux ressources que nous avons, à la capacité d’entrer en synergie avec les choses, en Espagne elle est pas tellement différente qu’en France, les situations sont un peu semblables mais avec la communauté européenne et pendant le temps où j’étais à ce conseil, il y avait des tas de législations, de lois qui se copient entre pays. Il y a beaucoup de choses qui se copient de la France en fait et qui sont en train de rentrer en Espagne, ce sera pas HQE, mais ce sera la “norma 4900“ je sais pas mais à la fin c’est assez semblable comme situation.! Et donc tu dois faire la même bureaucratie, la même situation de calcul...! D’une façon plus concrète, il y a beaucoup plus de renfort pour ce qui est de l’énergie, comme le chauffage, et l’isolement etc, la protection contre le soleil, évidemment chaque pays a ses différences, ce qui est par exemple la logique de l’eau, elle n’arrive pas tout à fait à l’énergie très forcée, je te parle avec les grands paquets. ! Eau plus de problèmes, disons matériels, recyclage, etc, assez obligés bien que pas tout à fait. Il y a beaucoup d’aspects sur l’organisation des chantiers et sur le recyclage des restes de travaux


etc, mais pas beaucoup de recherches sur les nouveaux matériaux, matériaux de recyclage, matériaux qui sont réactifs etc. Nuisance, habitabilité, oui assez fort je veux dire acoustique, magnétique.! Donc ça c’est les grands paquets qui peuvent être calculés.! Facteur vert, en Espagne, plus compliqué bien que maintenant il y aura des lois à Barcelone pour obliger à créer des terrasses vertes mais jusqu’à maintenant c’était plutôt des volontés mais après des difficultés assez énormes.! Economie, beaucoup de pondérations.! Après des situations plus liées à des interactions sociales, la capacité de créer des espaces qui soient des espaces de vies et pas simplement de calcul environnemental. Il y a beaucoup d’explorations qui sont entrain de se faire maintenant, sur la mixité, mais on commence, on est pas aussi loin qu’en France.!

! MS : Sur la mixité du programme?! !

MG : Sur la mixité des programmes liées à des nouvelles ZAC ou à des nouveaux projets pilotes forts. ! Ici il y a eu très peu de ZAC ou de projets pilotes de nouveaux quartiers qui soient vraiment performants qui soient vraiment obligés de créer. Il y avait un grand projet qui s’est paralysé, tu sais qu’il y a la crise en Espagne donc SOCIOPOL était peut être le plus avancé pour créer un projet spécial, pionnier; il y en a pas.! En France, on peut discuter des choses, mais il y a des essais. Mais nous on en a aucun, je peux te le dire.! Après oui il y a des opérations individuelles, des blocs qui sont plus ou moins intéressants à Madrid; mais il n’y a pas de grands essais collectifs.!

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Voilà ça c’est le panorama général, mais il y a une volonté chaque fois plus forte, si la crise n’avait pas été si forte en Espagne, ça était une paralysation totale des travaux publics et privés, probablement qu’il y aurait eu quelques idées parce qu’il y avait une nouvelle génération politique qui voulait le faire, et une nouvelle génération technique.! Maintenant à Barcelone on va commencer à voir des essais, des situations, mais ça va commencer pas avant deux, trois ans pour voir des bâtiments.! Par contre il y a beaucoup de recherches, des recherches théoriques, expérimentales pour ce qu’on appelle la sufficiency, la capacité d’auto-gérer les villes, et de créer des expériences entre bâtiments de mêmes quartiers, créer de l’autosuffisance énergétique surtout, captation, déploiement sans passer par les grands opérateurs et là il y a beaucoup de recherches et de volontés politiques. J’étais dans le conseil de la ville pour appliquer ça d’une façon assez forte maintenant.! Aujourd’hui, c’est la recherche surtout.!

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MS : ça finira bien par donner quelque chose...! Les labels environnementaux sont nés à la suite du sommet de la Terre et depuis en France en tout cas, on en voit, il y a la HQE, H&E, QUALITEL, ils y sont tous, il y en a un paquet; et il y a une espèce de prolifération, un nuage de certifications qui apparaît, on ne sait pas auquel on doit répondre, auquel se référer en quelque sorte, puisqu’en plus ils s’additionnent aux lois donc déjà que les lois se superposent sans arrêt, ça devient encore une couche croisée supplémentaire. Qu’est ce que cette superposition vous évoque?!

!

MG : Alors c’est assez semblable ici, il y a la législation catalane, la législation nationale, la législation sectorielle nous sommes dans cette situation assez compliquée; en plus il y a une situation économique où l’économie est très présente et donc la garantie de responsabilité décennale, tu as besoin de garantir tout aujourd’hui cela vient des anglo-saxons et de l’économie, et donc il y a des tas de lois et de bureaucratie pas pour garantir les choses mieux.!

!

Florence Raveau : Le truc c’est zéro risque, zéro maintenance, zéro tout, que de l’économie que du moins, que du moins et au final ça fait pas plus.!


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MG : Du point de vue de ce que l’on pense, moi je crois plus de régulation, plus de bureaucratie et donc moins de créativité, parce que normalement tu appliques les choses dont tu es sûr qu’elles vont fonctionner et normalement tu appliques les choses que tu sais aussi qu’elles vont répondre à la capacité de satisfaire toutes les lois. Ca c’était déjà appliqué il y a très longtemps en Allemagne. Dans les années ’90, on pensait,que les pays anglo-saxons et autres ,que l’Allemagne était le pays avec un maximum de lois environnementales et de labels.Donc à la fin tout était très techniquement irréprochable et il n’y avait aucune créativité possible, du point de vue d’expérimenter de nouveaux matériaux qui n’avaient pas de labels ou expérimenter de nouvelles solutions qui n’avaient pas de certificats, à la fin nous sommes 15, 20 ans après avec la même chose.! A la fin tu restes figé sur des mécaniques de répétition pour garantir des choses qui fonctionnent plus ou moins avec ces solutions, tu sais que ça marche de façon conceptuelle. Après il y aurait la vision positive, l’architecte travaille aussi comme interface avec 1000 informations, 1000 contraintes donc à la fin tu peux toujours trouver ça bien.!

! FR : Nous on dit qu’on surfe intelligemment! ! MG : Ca c’est la vision positive! ! FR : Sinon on va tous faire la même chose! ! MS : Oui et cette superposition crée presque des modèles?!! ! MG : Oui c’est ça des modèles.! ! FR : Des modèles mais à tous niveaux pas seulement aux niveaux des projets.! !

MG : Sinon tu changes un peu et ça ce serait la critique qu’on pourrait faire parfois à certaines choses en France, tu changes la calligraphie des choses mais pas la substance constructive. Tu peux changer des choses plus ou moins courbées, des façades plus ou moins dynamiques mais tu ne changes pas les grandes lignes , il y a eu par exemple en Espagne de ma génération beaucoup de recherches sur la préfabrication pas la semi-préfabrication, l’industrialisation comme facteur d’économie soutenable et aussi de matérialité pour créer de la rapidité mais aussi des chantiers plus secs, mais beaucoup de ces choses qui étaient expérimentales, de ces industries expérimentales devaient chercher des labels, créer beaucoup de choses, étaient paralysées autrement pour des questions de garanties.!

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FR : D’économie de temps de chantiers surtout à mon avis, le temps de réalisation c’est surtout ça.!

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MG : Après il y a toujours des contradictions, mais tu dois prendre celle qui te pose le plus de contraintes au moins avec ça.!

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Mickael Dominguez Gorsse : Mais c’est vrai qu’au niveau technique sur le chantier on est tous les jours soumis au label untel qui dit une chose mais le label untel qui dit une autre chose alors au final lequel on prend, on prend le plus défavorable le plus souvent, mais des fois techniquement le plus défavorable ne satisfait pas donc on va voir si on peut prendre l’autre donc c’est des dérogations à tour de bras. Il y a tellement de labels différents et il faut se tenir pratiquement à tous, au bout d’un moment c’est impossible.!

! MS : Et dans le logement, on arrive à obtenir des dérogations, comme ça?! ! MDG : C’est très compliqué.! !


FR : En sachant que sur l’opération Clichy, attention, on est au top de l’Europe qui est le Plan Climat de Paris en sachant que sur Paris il n’y a pas un projet qui puisse satisfaire le plan climat à 300% ,il faut le savoir aussi parce qu’il faut savoir relativiser aussi un peu entre les règles et ce qu’il se passe concrètement sur le chantier. ! Mais c’est les plus hauts labels qui existent aujourd’hui parce que la France a eu tellement de retard qu’aujourd’hui elle est en train de rattraper en un temps monstrueux puisque c’était le pays le plus en retard de l’Europe donc là en dix ans on a pris un bombardement de règles à tous niveaux sauf que là on se retrouve au summum mais avec toutes les complications et les répercutions que cela entraîne .!

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MS : Il y a toute une profession un peu à la traine, j’ai interviewé Francis Soler et Patrice Genet, ils me disaient que les entrepreneurs ne savent pas faire et donc d’un côté il y a les promoteurs qui veulent construire comme ils ont l’habitude de vendre, l’architecte qui doit faire avec les règles, et en plus le promoteur qui veut les labels pour le côté marketing et de l’autre côté les entreprises qui du coup ne savent pas faire autrement que ce qu’elles savaient faire il y a 15 ans et du coup l’architecte au milieu qui essaye de faire un peu .!

! FR : Aux entreprises de s’adapter c’est irréversible.! ! MS : Parce qu’en gros on est allé tellement vite au niveau législatif.! !

MG : Francis est un exemple justement de lutteur, qui lutte pour créer des solutions qui parfois ne sont pas conventionnelles et même les calculistes et les BET d’environnement n’arrivent pas à le calculer, normalement à une autre époque ça aurait été du sens commun et même simplement du métier et maintenant l’architecte doit être absolument garanti par des situations où tu as besoin des calculs des BET et de la garantie label et tu dois lutter, lutter, lutter pour dire que ces solutions peuvent fonctionner non!! Enfin c’était toujours comme ça mais chaque fois plus compliqué.!

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FR : Enfin ceci dit le nerf de la guerre c’est quand même l’économie du projet par rapport à tous ça.!

! MS : Oui plus que…! !

FR : …dans les choix, oui en général le dernier mot c’est quand même l’économie, c’est quand même l’argent.!

! MS : Surtout dans le logement.! !

FR : Ben ça dépend de quel type de logement, de quel type de client, bon après il y a plein de niveaux de qui fait quoi mais que ce soit dans le social, dans l’accessible ou quoi que ce soit, que ce soit dans le marché public ou privé de toute façon le nerf de la guerre c’est quand même l’argent quelque part donc c’est vrai.! Enfin nous sur Clichy il a fallu que l’on fasse plein de choix et on a pas encore fini d’ailleurs par rapport au budget de l’opération enfin tout ce qui est isolation thermique, tout ce qui est acoustique, on s’est battu pour pas avoir de double flux enfin des répercutions en coût avec beaucoup de zéros. ! Et on a pu déroger intelligemment mais ça c’était des batailles à haut niveau quand même. Parce que l’économie du projet fait qu’à un moment tout ces trucs HQE, le plan Climat, c’est super mais ça coûte un max, un max donc il faut pouvoir se le payer. Donc bon après c’est des négociations qu’il faut défendre. ! Nous on défend toujours le projet et on essaye de surfer une fois de plus.!

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MS : Du coup, vous avez trouvé des astuces, et ça vous a permis de réinjecter cet argent, enfin du moins de pas le dépenser.!

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FR : Les vases compensatoires, c’est la règle.!

! MS : donc de réinjecter dans la qualité des logements et la qualité générale du projet.! ! FR : Oui on va le dire comme ça, c’est pas aussi simple que ça.! J’aime bien cette vision, elle est bien.!

! MS : Oui c’est un peu naïf! !

FR : Mais en réalité c’est un peu plus compliqué que ça, ça serait super si c’était en une phrase comme ça!

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MG : Ces aspects là ne sont pas seulement industriels mais je dirais aussi culturels.! Dans les années ’30, la modernité était culturellement acceptée comme avant garde et donc aussi comme expérimentation, les gens on leur disaient vous allez expérimenter un nouveau monde, ils étaient disposés à expérimenter ce nouveau monde ou non mais en général un nouveau monde, tu le sens politiquement etc.! Cette idée d’expérimentation, d’innovation liée à une nouvelle façon de voir la vie, aujourd’hui elle n’est pas dans le monde disons de fin de siècle et de début de siècle c’est un peu le contraire alors la grande peur des entrepreneurs, des politiques, c’est de prendre les risques.!

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Ce qui est curieux en Espagne, on péchait par exemple beaucoup de choses d’innovation même environnementale était lié aux gens qui ne voulaientt pas de maintenance sur ça, évidemment de la maintenance économique mais aussi confort, je ne veux pas de maux de tête pour la maintenance de plaques solaires, ou de couverture verte, et comme les promoteurs ne veulent pas de maux de tête, les politiciens ne veulent pas de gens qui protestent dans les nouveaux quartiers sociaux et les personnes aussi ne veulent pas des communautés qui créent des problèmes...!

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FR : Non ce n’est pas un truc de social ou pas, parce que les gens qui ont de l’argent si ils en veulent pas…!

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MG : Oui mais dans le social il y a plus de risques de manifestations.! Cette absence de risque est donc garantie pour que les choses n’aient pas de risque et le monde de notre époque. Nous sommes dans une époque de «MacDonaldisation» c’est-à-dire tu vas dans un Mac Donald’s tu es garanti de ce que tu achètes c’est un peu la même chose, nous sommes dans ce monde d’absence de risque, parce que les gens n’acceptent pas cette idée plus positive ou plus idéaliste de notre époque!

! MS : C’est une absence de risque qui est incompatible avec les grands enjeux.! !

FR : Ca dépend de la prise de position ! Nous maintenant on essaye de les doser les risques, on les calcule, après ça dépend de chaque architecte. Et les risques il faut voir sur quoi on les prend.!

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MS : Oui mais justement pour éviter de créer du bâtiment Mac Donald, en fait c’est à nous de se mettre en défaut.!

! FR : Ca dépend du contexte! !

MG : Oui ça dépend du contexte, je crois qu’il y a des contextes qui acceptent plus.! Encore il y a des bâtiments qui jamais ne pourraient être faits ici parce qu’il y avait des gens disposés à vivre sur un marché, voire le marché, ou à vivre dans un couloir.! En Espagne c’est presque défendu parce que culturellement ça passerait pas! La situation culturelle dans les pays tâche de minimiser les grands discours et de travailler avec des situations de consensus, de cohésion dans tous les sens. Donc le consensus, surtout dans les


pays méditerranéens, porte à bloquer un peu la capacité à créer des situations plus expérimentales.! Francis qui est un méditerranéen, et nous aussi, tachons de lutter contre ça, parce que de fait il y a le paradoxe que le monde méditerranéen est très créatif donc c’est un paradoxe total.! L’Italie, l’Espagne, même la France sont très créatifs, et en même temps tu as des situations de privacité, d’inertie culturelle,alors que d’autres pays, curieusement plus avancés sont moins créatifs, à la fin, en même temps ces pays plus avancés ont beaucoup plus de lois techniques comme l’Allemagne, ce qui crée à la fin des situations de standard, donc il y a des standard dans la façon de voir la vie ou des standards techniques, à la fin tu as une situation un peu compliquée.! L’architecte doit toujours travailler dans des contraintes et je crois qu’il a la capacité toujours de trouver, c’est dans le nerf de l’architecte de faire un peu de synthèse d’information et en même temps de projeter ces informations vers un futur.! Donc voilà nous avons des tas de règles, des tas de lois.!

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FR : Nous en avons toujours eu, de toute nature.! Là c’est des contraintes ajoutées parce qu’en France dans ce cas là elles sont nouvelles, nous en Espagne on les avait avant, on les avait intégrées avant avec le “codigo tecnico de la edificacion“.! C’est pour ça que moi je parle toujours du retard de la France parce qu’il est réel et on a pu le comparer avec l’Espagne pendant que nous on était en train de faire alot termals, c’était en2004/2005 alors qu’en France ça s’est mis en route là..!

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MDG : C’est vrai que dès que l’Espagne est entrée dans la communauté européenne ils se sont mis à fond.!

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FR : Tout de suite l’Espagne elle est passée de 0 à 10, pendant que la France elle commençait, 4/5 alors que là maintenant elle est 10 puissance 10. Il faut faire gaffe à c’est tout tout de suite, d’où les difficultés dont vous ont parlé les entreprises, les BET HQE, il y en a des bons et des mauvais, c’est un peu la panade.!

! MS : On nage un peu?! !

FR : C’est pas qu’on nage, mais ça va vite pour tout le monde, ça évolue super vite, Paris est au summum par rapport Mengolières, il y a plein d’écart, faut être très vigilant et tout ça avec les répercutions économiques.! Mais nous toutes les contraintes HQE on les a eu avant avec le “codigo tecnico de la edificacion“, sauf les petites nuances sans entrer dans le détail c’est le PMR en Espagne ça n’arrive pas aux délires de la France.!

! MG : C’est quoi les PMR.! !

FR : les Personnes à Mobilité Réduite. En France ça commence à être un peu débile quoi! Enfin on se retrouve avec des chiottes des salles de bains…! Tout le monde n’est pas handicapé dans la vie. Là on arrive à des contradictions. C’est dangereux.!

! MS : On est passé de l’handicapable au tout handicapé.! !

FR : Nous dans la conception des logements que ce soit en marché public ou privé, il faut que tout soit adaptable.!

! MS : Ah adaptable? Ici?! !

FR : Non en France, en Espagne c’est encore des pourcentages c’est 3%, de la globalité du nombre de logements, en France c’est tout adaptable, table rase et là voilà! Là on se dit attention faut bien faire bosser les lobby mais y a des limites. Avec des contradictions dans les T1, les T2, on a des dimensions de chiottes, de salle de bains. C’est un délire, c’est vraiment un délire!!


Là c’est vraiment le paradoxe et les limites, enfin nous on les a trouvés de suite au projet. C’est aussi la double facette comme on dit. Ca été trop vite, je pense qu’avec le temps il faut que ça évolue.!

! MDG : On aura peut être des retours en arrière.! ! FR : Je sais pas, parce que quand je parle de lobby c’est aussi ça.! !

MS : Et puis on va avoir du mal à revenir en arrière, enfin on a plutôt tendance à surenchérir.! Il y avait la RT2005, avec l’arrivée des premiers labels en France, qui étaient des labels officiels donc crées par l’Etat et juste après la HQE et tous les labels commerciaux et maintenant on a la RT2012 qui s’est alignée sur les labels commerciaux, enfin qui s’est inspirée de l’exigence de ces labels, sauf que ces labels, par exemple la HQE, 14 cibles, une grille - et qu’on soit à Dunkerque ou à Perpignan on construit avec la même grille, en plus il suffit d’atteindre 3 cibles pour avoir le label et du coup être vendu comme vert. Donc en fait là il y a déjà une certaine hypocrisie.!

! FR : De quoi, dans le calcul de RT?! ! MS : Dans le processus de certification plus.! ! FR : A mon avis, je pense que surtout en France on est là, au top, mais il y a vraiment du travail.! ! MS : Faut que ça se décante?! !

FR : Bien sûr, mais il faut que ça évolue surtout parce que sinon c’est des maldonnes..;! Enfin le nombre de dérogations qu’il y a sur le sujet ne fait que refléter les incohérences des normes. Enfin à un moment donné c’est ça la conclusion, s’il y a énormément de dérogations dans tous les sens c’est qu’il y a un truc qui ne marche pas. Elle est là la question en fait, c’est incohérent d’avoir les mêmes calculs dans le Nord et dans le Sud. Ça ne fera qu’évoluer à mon avis. Mais elles évoluent par les dérogations aujourd’hui, avant qu’elles évoluent officiellement…!

! MS : Elles évoluent dans les faits plus que dans la législation en fait.! !

FR : Bien sûr, parce que quand on construit ça va vite, on peut pas attendre que les lois changent, ça marche pas comme ça. Donc faut rester optimiste et se dire que ça va évoluer, en attendant on surfe et on déroge.!

! MS : D’accord.! !

FR : Ah ben oui, il n’y a pas le choix, tout le monde vous le dira. Je pense que les archis que vous avez vu vous on dit la même chose.!

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MG : De façon plus philosophique, moi quand j’étais dans ce conseil, j’étais entouré de physiciens, d’ingénieurs, de géographes, etc... pour ce qui affecte à ce qu’on pourrait appeler labels, etc... Construction disons il y avait dans ce conseil surtout des physiciens qui travaillaient des aspects environnementaux et des ingénieurs, j’étais l’unique architecte, il y avait 25 personnes. ! La complication était que moi je travaillais beaucoup avec des conceptions qui sont de l’ordre technique, mais aussi de l’ordre créatif et pourquoi pas intuitif alors pour eux tout devait être mesurable, la mesurabilité était absolument importante et donc tout ce qui était des critères, des paramètres disons calculables, pour eux permettaient de dire si un bâtiment était plus performant qu’un autre et si ce bâtiment était plus performant parce qu’il y avait des paramètres calculables d’efficience, d’économie de ressources que l’autre, pour eux ce bâtiment était plus soutenable.!

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Moi je disais non, parce qu’il y a un dernier facteur que vous savez pas qui est la créativité et si ce bâtiment est hyper-calculable et hyper-performant mais il est hyper-anachronique pour moi il n’est pas soutenable. Ah oui oui mais ça c’est un facteur culturel, ils disaient parce qu’ils étaient scientifiques, parce qu’il y a cet aspect de technique dans tout ce que tu appelles labels, HQE, etc... la loi aussi mais elle est plus interprétable, mais ce qu’on appelle les indicateurs de consommations énergétiques et disons économie d’eau, consommation et recyclage, tout cela peut être mesuré et donc étant scientifiquement mesuré tu pourrais dire si une chose est plus soutenable.!

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Toute la discussion en tant qu’architecte est la capacité de projeter les choses vers une espèce de conscience sociale du futur de progrès, donc pour nous et pour moi je crois qu’aucune société ne peut être soutenable, aucune société mais pas l’architecture s’il n’y a pas un facteur de créativité qui permet de progresser et pour eux ce facteur était impossible à mesurer car culturel et physique. Moi je dis oui il est in-mesurable mais il est appréciable.!

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A la fin, avoir plus de labels ou pas, ça peut te donner plus mal à la tête ou non, mais à la fin tu calcules plus ou moins et ça pourrait aller, c’est pas quelque chose de dramatique non plus : je regarde le PLU je peux faire ça. Tu fais une mécanique, un standard et puis à la fin ça peut fonctionner, mais cela ne donne pas la pus value de l’architecture qui était aussi un facteur culturel et pas simplement technique. A la différence d’autres métiers ou d’autres carrières comme par exemple la physique qui a la créativité du point de vue de la recherche.!

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Tu diras ça c’est très idéaliste, oui c’est idéaliste mais à la fin c’est philosophique et c’est une façon de voir la société. !

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Parce que sinon pourquoi on discute maintenant, on n’a pas beaucoup de chose à discuter je pourrais te dire oui qu’elle empêche beaucoup de construire ou que les promoteurs sont plus riches avec ces labels, oui et non ça dépendra un peu.!

! MDG : Aujourd’hui, c’est un vrai problème pour les promoteurs tous ces labels.! ! MG : Donc ça pourrait empêcher des aspects d’économiesde développement économique.! !

MDG : C’est ce que disait Florence, c’est tellement haut aujourd’hui les niveaux de labels qu’on nous demande sur par exemple Clichy que ça devient un vrai problème, un casse tête sans arrêt. Entre certains labels qui sont calculés en fonction de la RT 2005 et qui ne fonctionnent pas avec la RT 2012 mais les BET qui aujourd’hui fonctionnent en RT 2012 donc un label par rapport à une RT ne fonctionne pas.! Il y a des incohérences entre des choses qu’aujourd’hui on arrive pas à résoudre et c’est à cause de ces incohérences qu’aujourd’hui on est obligé de demander des dérogations sur certains sujets, parce qu’une loi contredit l’autre, un calcul ne fonctionne pas avec l’autre, ou le HQE ne va pas fonctionner avec le label Cerqual de la ZAC, parce que les ZAC ont leurs propres labels. Là sur Clichy on a tout en même temps, et on jongle entre les différents labels pour aboutir ce que veulent les promoteurs et les clients forcément. Mais c’est très compliqué.!

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MG : Donc tu as le besoin chaque fois plus, et c’est vrai avec ces situations, d’avoir des collaborateurs experts, qu’ils soient experts en lois, en techniques et en tout. Donc nous sommes plus des directeurs d’experts, des coordinateurs d’experts; mais c’est chaque fois plus complexe, mais c’est le monde contemporain qui est comme ça.! Des experts qui en théorie doivent savoir tout et que parfois eux aussi sont perdus comme tout être humain et donc tu te trouves avec des situations absolument paradoxales, où tu t’appuies sur des experts pour pouvoir prendre des décisions et si eux sont perdus donc parfois les situations sont un peu complexes.! Je crois que nous sommes dans un moment de transition générale, c’est-à-dire dans un monde très hiérarchisé et un monde qui est chaque fois plus dispersé en général et donc les décisions sont plus compliquées à prendre c’est pour ça que nous sommes un peu tous perdus.!


Tu dois chercher des solutions intelligentes pour coordonner des situations où peut être il y aurait à faire un travail avec l’informatique pour dire bon tous ces labels, c’est sûr qu’il y a comme une capacité, je suis sûr que dans le futur il y aura comme une simultanéité de choses. Sinon c’est une complication énorme d’expertise, de coordination, de surveillance; tu as des surveillants qui viennent de tous les espaces, et avant tout était plus élémentaire.!

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MS : Je rebondis sur l’aspect culturel du projet dont vous avez parlé, justement ça me fait penser à ce que dit Franck Boutté sur le développement durable comme quoi actuellement il y a trois piliers l’économique, le social et l’environnemental et qui manquerait justement le pilier culturel à ce schéma mais le problème est que cet aspect n’est pas quantifiable. Il plaide pour qu’on intègre la culture au développement durable, mais comment vous pensez qu’on pourrait y arriver? Ca paraît assez subjectif.!

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FR : Moi j’ai envie de parler de ce que l’on connait. Quant on va livrer Clichy, il va y avoir une espèce de manuel d’instruction pour les habitants, enfin c’est Franck qui va le faire d’ailleurs.!

! MS : D’accord.! !

FR : Enfin c’est ce que lui propose comme démarche HQE, comment chaque acquéreur va utiliser le store qui s’ouvre pas juste machin pour la ventilation...! On a trouvé des trucs pour la ventilation de chaque logement en fait pour éviter le double flux!

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MG : Cet aspect là est important mais il est plus lié à la participation sociale que le culturel. ! C’est ce que l’on disait à ce conseil, comment on peut mettre cet aspect culturel, créatif et innovant dès lors qu’il n’est pas quantifiable; c’était la grande discussion générale parce que pour le monde scientifique ou technique, les choses doivent être quantifiables pour le monde culturel et même artistique les choses ne sont pas quantifiables, elles sont perçues mais pas quantifiables et là c’est la différence entre l’art et la science.! Je crois que oui ils peuvent être plus ou moins pas quantifiables mais pondérables, c’est-à-dire raisonnés. Tu peux penser que certains éléments expérimentaux peuvent créer des situations de recherche, par exemple, ce que l’on avait voulu faire à Sociopolis, c’était sur la mixité, ces aspects d’expérimentation peuvent être socialement et statistiquement, la sociologie, l’anthropologie ne travaillent pas avec des quantités précises mais avec des situations de statistiques et donc ça pourrait expliquer certaines situations de satisfaction, d’imagination.!

! MS : D’où l’appréciable plus que le quantifiable.! !

MG : Donc on pourrait dire que cet aspect culturel est appréciable, moi je me rappelle quand on a fait la Via Limpica, les gens à l’époque disaient que c’était un peu ennuyeux même si c’était bien. Comment tu le quantifie, dans quelle colonne? Oui c’était ennuyeux, mais il y avait une espèce de perception sociale donc tu peux voir si certains quartiers peuvent être plus imaginatifs que d’autres, si la couleur ou la plasticité est plus.. donc tu diras que ça c’est pas de la culture nécessairement parce que c’est plutôt la réponse de certains à la société. Mais en fin de compte, nous travaillons pour un habitat meilleur, pour les gens pas pour nous comme artiste sinon nous serions vraiment, uniquement que des artistes sauf que nous architectes nous sommes un peu tout, non? Nous sommes architectes, artistes, techniques, ingénieurs donc nous travaillons avec toutes ces situations et donc moi je crois que si je défend la partie culturelle c’est pas pour dire que nous sommes des artistes mais c’est pour dire qu’il y a quelque chose liée à une espèce de volonté de progrès social qui peut être appréciable, pour dire je préfère vivre dans des habitats imaginatifs, stimulants et expressifs que dans d’autres ennuyants, répétitifs mais là c’est un travail plutôt de sociologie, d’anthropologie et même de philosophie mais il est pas quantifiable avec précision mais il est appréciable.! Je crois que ce serait la façon de la mettre dans les standards de fait, parce que pour moi il n’y aurait même pas besoin de dire qu’il soit appréciable, parce que nous savons tous qu’il y a des choses innovantes, imaginatives, il y a des critiques il y a des théoriciens, il y a des gens de sens commun qui disent... Il y a des choses anachroniques, comme le Prince Charles défend et ça c’est


très clair tu défends des situations qui sont le retour au passé ou d’autres qui t’ouvrent les yeux vers le futur et ça c’est pas très compliqué.! Mais à la fin ils peuvent être appréciables, ils peuvent être statistiquement calculés et pondérés! Nous on dit pondérable, vous dites appréciable pour nous pondérable veut dire raisonné, tu peux créer des paramètres d’appréciation.!

! MS : Oui de prise en compte.! !

MG : Il y aurait même des paramètres de diffusion, de voir si les choses ne se diffusent plus si les choses sont plus partagées, comme Facebook, toutes ces choses ne sont pas quantifiables mais appréciables donc chaque fois cela te permet de paramétrer l’information, donc de savoir la réponse globale à une stimulation qui serait un quartier, un bâtiment, etc.. donc savoir un peu quelle est sa réponse sa réaction, la réaction qu’elle crée culturel dans ce sens.!

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(Manuel Gausa s’excuse de ne pas poursuivre pour se rendre à un rendez-vous, il quitte la salle de réunion)!

! Tu peux rester avec Florence RAVEAU ET Mickaël GROSSE DOMINGUEZ! ! MS : Merci oui, j’ai quelques questions plus précises sur CLICHY.! Là on a balayé les questions générales.!

! MG : Tu n’oublieras pas de m’envoyer ton mémoire.! ! MS : Merci beaucoup d’avoir pris le temps.! ! FR : Moi qui ai atterri en cours de route, la petite histoire c’est quoi?! !

MS : Mon mémoire de fin d’études, je le fais sur la prolifération des labels environnementaux en France et l’impact que cela a sur le processus de conception.!

! MDG : C’est le titre?! ! FR : Le mot prolifération, vous y allez!! ! MS : En fait le titre, c’est surtout une accroche.! ! FR : Et tu es où?! ! MS : À Montpellier! ! FR : Ah d’accord, tu es avec Elodie?! ! MS : Exact, c’est elle qui me suit sur le mémoire.! ! FR : D’accord la boucle est bouclée, non je pensais que c’était à Paris. Ça aurait pu.! !

MS : Non je suis allé à Paris pour rencontrer Francis Soler. Je voulais rencontrer soit Franck Boutté, soit le chef de projet de son agence, le problème c’est que je les ai contactés, il y a un paquet de mois et il a été très compliqué d’avoir un contact. A chaque fois je tombais sur des secrétaires différentes et j’ai pas réussi à avoir un rendez vous.!

! FR : Non mais Franck c’est pas possible.! !

MS : Donc du coup maintenant c’est trop tard vu qu’il va falloir que je commence à écrire donc vous êtes le dernier entretien et après j’attaque la rédaction.!


! FR : Super, bonne chance!! !

MS : Donc sur Clichy, quelles sont les qualités architecturales que vous aviez à l’esprit pendant la conception, sont-elles plus sur la volumétrie générale, ou est ce que directement dans les logements?!

! FR : Non il y a plein de niveaux, tu connais le projet ou pas?! ! MS :Oui je l’ai un peu étudié avec les éléments auxquels j’ai eu accès jusqu’à présent.! !

FR : En fait, déjà on est deux agences, donc c’est une partition à quatre mains, comme on dit. Donc c’est compliqué, un; deux on est deux auteurs, on a une imbrication des programmes assez costaud, c’est qu’on a du maîtriser de l’accession, un FAM, une PMI plus parking, donc c’est vraiment la baba russe. ! Ça ça veut dire plein de trucs, pleins, plein de choses à tous les niveaux, HQE particulièrement, puisque les systèmes thermiques ne sont pas les mêmes entre programmes. Et donc en concours, le parti pris est très simple c’est un, avoir un dénominateur commun entre les deux agences, dans nos deux langages, à savoir la structure, c’est quatre tours, où on a des blocs de boites qui se déplacent ensemble, donc la structure, elle, est mise en commun.!

!

MDG : Tiens une petite photo de chantier faite cette semaine.! Donc ça c’est notre bâtiment en fait, avec l’esprit des boîtes qui se décalent que t’expliquait Florence, ici on a le Foyer d’Accueil Médicalisé (FAM), en fait sur lequel les deux bâtiments sont appuyés, et ici tu as le bâtiment de nos collègues Cornejo.!

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FR : En fait la structure est mise en commun et on a un système de boîtes de 4 à 5 étages variables qui a le même mouvement avec un socle, très simple, donc c’est les premiers partis pris. La 5ème façade, très important, on est devant le parc, c’est le dernier lot qui est situé, parcelle super privilégiée en fait, et on donne en plein Sud donc le bâtiment a une orientation top, et on est devant le parc, donc le parti pris de la 5ème façade fait rentrer le parc dans la parcelle, on trouve une toiture végétalisée dans la totalité du FAM, plus des terrasses végétalisées. On a vraiment végétalisé tout ce qu’on a pu en toiture.! Donc la 5ème façade ici est vraiment très présente dans le projet.!

! MDG : Et donc là, la photo est prise depuis le restaurant en fait.! ! MS : D’accord.! !

FR : Et de sa situation, d’où le parti pris aussi en façade, donc c’est aussi pour ça qu’on a gagné : c’est qu’on reflète le parc, le bâtiment va refléter le parc. ! Donc on a un système de ventelles en verre réfléchissant et philtres solaires et ça ça va nous donner une vibration de toute la façade selon les saisons, ça va changer de couleur.!

! MDG : Et d’ailleurs en en parlant ça a été imposé par le label transmission lumineuse.! ! FR : Oui, donc l’idée concours c’est ça, après transmission lumineuse de tant de %.! ! MS : Et du coup le verre doit être de tel type.! ! FR : Exactement.! !

MDG : Complètement, c’est un type de verre spécifique avec une transmission lumineuse spécifique.!

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FR : Donc la qualité architecturale, c’est un, la structure, deux la 5ème façade et puis après tout ce qui est contexte, en fait on reflète la nature, c’est ça le proto façade est déjà en route.!

! MS : Ah ok c’est des facettes?! ! FR : C’est des ventelles en verre qui s’ouvrent et qui se ferment.! ! MDG : La partie haute s’ouvre et la partie basse est fixe.! ! MS : Vu que c’est la partie basse qui va refléter le parc...! ! FR : Voilà et elles sont articulées, elles s’ouvrent! !

MDG : Toute cette partie là en fait elle est sur un système d’ouverture et tu peux incliner les ventelles.!

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FR : Toute cette partie là s’ouvre et se ferme pour la maintenance, pour le nettoyage, pour la ventilation, parce que toute cette galerie, tous ces balcons filants et loggias , c’est aussi un des parti pris de la qualité des logements, c’est de leur donner un maximum d’espace extérieur.! Après on a eu des contraintes thermiques, d’épaisseur d’isolation... mais tous les appartements ont au moins, 25 mètres carrés, 28 mètres carrés d’extérieur en balcons filants et loggias d’angle des vrais loggias, pas des trucs minables pour mettre deux pauvres chaises, des vrais loggias. J’insiste parce qu’on est au parc, on a la vue, on voit la Tour Eiffel des logements. Donc c’est quand même top, on essaye d’exploiter et d’optimiser à fond cette idée, parce que voilà on va leur donner de l’espace extérieur, on est au parc.! Donc en fait le contexte fait que c’est tellement ouvert qu’il faut respirer, on peut sortir pas seulement pour fumer sa clope mais aussi profiter du paysage.!

! MS : Oui pas comme tous les autres balcons à la parisienne avec seulement 50 cm.! !

FR : Sachant que quand même le lot 8 n’est pas trop dense par rapport à toute la ZAC de la rive Est, et moins encore que la rive Ouest qui est entrain de se mettre en route en densité ça va. Notre bâtiment fait 50m de haut, on est au top du PLU et les autres tours sont à 30 et 28 mètres.! Donc on a ouvert au maximum la parcelle pour que ça respire, pas créer des vis-à-vis monstrueux entre logements, parce que c’est quand même 145 logements, et avec du paysage, beaucoup de relation avec le paysage.! C’est un peu tous les critères de qualité, enfin de parti pris en tout cas qui se sont pris dès le départ et qui sont là aujourd’hui, bien heureusement.!

! MS : Super!! !

FR : (Montre plusieurs clichés du projet et des environs)! Qualité spatiale, tu vois la Tour Eiffel, c’est pas des conneries.!

! MS : Non mais je vous croyais sur parole. (rires)! ! FR : Non parce qu’avec les photo-montages on peut faire ce que l’on veut, mais là c’est vrai.! !

MDG : Aujourd’hui on est au 12ème étage en structure sur un bâtiment qui va faire 15 étages au final, le 15ème étage étant la toiture photovoltaïque et aujourd’hui du 12ème étage on voit tout Montparnasse, La Défense, le Sacré Choeur, on a une vue panoramique. On est déjà au dessus de tout ce qui est autour de nous.!

! FR : La vue c’est top. Quand je dis que la parcelle elle est privilégiée, c’est vrai.! ! MS : Après ça n’aurait pas empêché de faire un projet moins relié.!


!

FR : Ah ben dans les fiches de lots c’était pas ça, c’était tout dense, enfin dans les fiches de lots du concours, du cahier des charges. !

! MS : Il voulait plutôt un front sur le parc! !

FR : Alors que nous on a fait le contraire en fait.! Ben oui parce qu’on a privilégié le Sud par rapport au Nord, en plus nous on a toujours dit qu’on essayait de traiter tous les programmes d’une manière équitable, il y avait un discours, qui est assez dur à tenir en chantier, c’est pas si simple, parce que c’est une question d’argent mais pour maîtriser l’accession on a essayé d’équilibrer un petit peu. On a deux clients Cogedim Sodearif et Bouygues en entreprises, ça c’est compliqué. Enfin c’est une partition à quatre mains entre archis mais après il y a deux ans, nous c’est notre parti pris mais en fait on a pleins d’intervenants, plus après Paris Batignolles etc...! Donc c’est compliqué, mais toutes les décisions ont été concertées dès le début, c’est aussi un exercice de grande coordination.!

! MS : Ce projet a mis longtemps à se développer?! ! FR : On a gagné le concours en 2011, on livre dans un an.! ! MS : Au final, vu le nombre d’intervenants, c’est allé plutôt vite.! !

FR : Oui parce que politiquement, c’est comme ça que ça marchait, enfin aussi parce que à la mairie de Paris ils sont très très stricts sur les délais.!

! MS : D’accord.! !

FR : Pour tout le monde, d’ailleurs. Pas seulement pour les archis et surtout pour les promoteurs, pour l’entreprise, enfin il y a zéro marge. ! On a eu une parenthèse de huit mois entre le dossier marché et le début de chantier, parce que l’opération était vendue à la moitié et il manquait l’autre moitié, c’est-à-dire l’accession et ça s’est débloqué, heureusement pour nous. Voilà, j’ai expliqué ça comme ça rapidement, mais il y eu une impasse de huit mois où là on s’est dit «ouah», et l’accession n’arrivait pas à se vendre, et il voulait pas prendre des risques, et la Mairie est intervenue directement, et on a commencé le chantier, donc ça veut dire que l’opération est vendue dans sa globalité. ! On a des réunions avec les acquéreurs. On a des commissions avec des acquéreurs, avec les gens qui vont y vivre, avec les acquéreurs du FAM, avec tous les acquéreurs de tous les programmes.!

! MDG : Aussi bien ceux qui vont y vivre, ceux qui vont exploiter, ceux qui vont vendre.! !

FR : Voilà parce qu’ils ont tout acheté déjà donc ils veulent tout voir tout de suite, être briefé sur tout, donc voilà c’est un exercice assez compliqué mais d’un autre côté...!

! MS : Les réunions de chantiers, ça doit être...! !

FR : …C’est chaud, ben c’est toutes les semaines, c’est un rythme soutenu on va dire, bon il reste un an mais bien, c’est dur mais ça se passe assez bien dans la globalité enfin ça va c’est pas non plus… ! On avance bien, faut dire qu’il y a quand même vachement d’énergie, c’est du travail mais bon le résultat jusqu’à présent il est super satisfaisant. Il y a des discussions, forcément, il y a des tensions, forcément enfin voilà c’est un gros chantier, c’est un grand chantier d’ailleurs. Donc rendez vous dans un an....(rires)!

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MS : Je ferais un petit tour à Paris pour voir ça!!


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FR : En gros à partir de Janvier, enfin les huit derniers mois ça va être....! Enfin là on a deux appartements témoins pour mi-novembre c’est-à-dire là maintenant dans dix jours. Deux appartements témoins qui vont être validés par tout le monde, les proto-façades c’est bon, et puis à partir de janvier les façades commencent à monter puisqu’en fait quand ils terminent le gros oeuvre en haut, le bas commence à se monter et à être distribué.!

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MS : Vu le nombre d’intervenants, est ce que vous avez réussi à avoir un échange constructif autour des exigences de qualité que vous essayez d’injecter à ce projets?!

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MDG : C’est des réunions spécifiques en fait. On a des réunions spécifiques où on parle de la HQE, de labels où on fait venir le chef de projet de chez Franck Boutté.!

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FR : Oui c’est un chantier vert donc il est suivi par Franck, on a une personne qui vient checker tous les machins. Non c’est supra-contrôlé, parce que Franck est en chantier avec nous, on l’a pris aussi pour ça , enfin lui il a une mission complète sur ce coup là, qu’on a sous-traité nous mêmes parce qu’on a pas trop le choix non plus quelque part puisque les labels il faut les avoir Cerqual, attention il y a toute une chaîne, donc c’est des commissions à part, plus le suivi de chantier.!

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Donc c’est des points bilans qu’on a une fois par trimestre, avec une une entreprise sous-traitée par Cogedim et qui est là pour les bonnes certifications.!

!

MDG : Le chef de projet de Franck Boutté suit l’entreprise et l’assiste pour tout ce qui est labels, démarches, etc...!

! MS : Il contrôle Bouygues.! !

FR : Oui et nous aussi, mais en chantier tout ce qui est dans le dossier marché maintenant il faut que ce soit sur le chantier donc il faut tout justifier, enfin c’est compliqué, toutes les fiches produits... de tous les programmes et de tous les clients...!

! MDG : C’est tellement exigeant, que ça en vient à vérifier que le robinet a bien une butée d’arrêt.! ! FR : Oui c’est un délire pour l’entreprise! !

MDG : Quand on fait les réunions chantiers, ils regardent qu’il y ai bien la butée d’arrêt pour l’eau froide.!

! FR : Et la fiche produit, et la certification du produit.! ! MDG : Nous on découvre des trucs.! ! FR : Moi j’en apprend énormément parce que nous, un robinet c’est un robinet...! !

MDG : Quand on nous dit vous avez bien vérifié l’arrêt, moi je dis ah c’est ça, moi,je croyais qu’il était cassé..; non non c’est ça...!

! FR : l’entreprise aussi d’ailleurs, parce que Bouygues, ils réagissent bien.! !

MDG : C’est ce que disait Manuel : c’est que les entreprises aujourd’hui, elles sont hyper à la ramasse.!

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FR : C’est dur pour les équipes parfois. Donc tout ça c’est pris en amont, il y a un suivi constant, ça c’est du boulot.!

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MDG : C’est tellement dense.!


! MS : Oui ça représente du papier, des réunions, du temps...! !

FR : Oui et c’est un contrôle continu, le système contrôle continu..! Mais c’est à tous les niveaux bureau de contrôle, HQE, c’est tous les niveaux constamment, donc là c’est un trimestre un peu costaud qu’on est en train de terminer. Choisir tous les échantillons, c’est un peu tous les gros de choix de tout en fait. Jusqu’à Noël, il faut qu’on décide tout de tout, sol, revêtement, peinture, couleur, fenêtres, tout, tout..;!

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MDG : Des choses aussi simples que par exemple, le bois des placards aujourd’hui c’est soumis à un label, c’est-à-dire que l’on a pas le droit de faire certains bois.!

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FR : Pas de stratifié, pas de PVC... enfin c’est super compliqué.! Après faut pas rentrer dans des délires!!! Il y a les exigences mais il y a aussi les souhaits des acquéreurs.. parce qu’ils ont achetés, ils ont leurs droits.!

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MDG : Donc il faut qu’on jongle avec les labels, et il faut qu’on explique aux acquéreurs, ben que non ça - le bois exotique - je suis désolé mais sur votre terrasse, ça va pas être possible. On a pas le droit. C’est encore une fois l’économie…!

! FR : Oui mais après faut payer, tout ce qui est dérogé, faut payer.! !

MDG : Les acquéreurs disent qu’ils veulent ça mais après ne veulent pas payer. Donc ça va pas être possible.!

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MS : Du coup pour s’assurer que le projet soit construit avec la qualité injectée à la conception, c’est le suivi.!

! FR : C’est le travail et l’énergie de tout le monde, à 200%! ! MS : C’est le suivi constant.! !

FR : C’est le suivi constant mais c’est aussi la mission complète!! Parce que nous on s’est battu 9 mois pour avoir une mission complète parce qu’elle était pas prévue au départ. On aurait pas eu mission complète, on aurait eu aucune garantie sur la qualité du projet. Au début on avait un suivi architectural, on a pété les plombs avec les avocats, c’est monté haut. Ca été 9 mois de négociations très très dure mais on a réussi à convaincre nos deux clients avec l’appui de personne. Parce que là personne ne nous appuyait. Là on est resté dans la merde tous seul, faut le savoir aussi pour la petite histoire, on s’en est sorti mais faut faire attention.! Et heureusement qu’on l’a eu parce que sur les suivis de chantier c’est là qu’il se passe plein de trucs.!

! MS : Qui n’ont pas été dessinés ou du moins...! !

FR : …C’est une opération quand même assez particulière, après la petite parenthèse de 9 mois, on avait déjà le PC. Il a fallu qu’on fasse un dossier marché de 23000 mètres carré de planchers en deux mois et deux semaines. Voilà, donc avec ça moi j’ai tout dit.! Tout le monde était conscient, ok on le fait, mais attention parce que tout est possible mais à un moment va y avoir des dérapages, donc nous on fait un super carnet de détail dans tous les sens.; On a mis le paquet mais c’était en très peu de temps. ! On nous a prévenu en mai et mi-juillet on a signé le dossier d’archi chez le notaire pour que le chantier puisse commencer en septembre, même Sodearif me disait on le refera pas, je dis ben oui ça serait bien de pas refaire ça!! Tout ce qu’on est en train de régler en chantier c’est aussi ça. Donc la mission complète il faut que ce soit un droit à l’archi. Sur ça il faut vraiment être implacable.!


! MS : D’accord et la réclamer, en fait?! ! FR : Oui parce que c’était pas évident.! ! MS : Oui si c’était pas prévu…! ! FR : …Alors tout ce qui est économisable pour nos promoteurs tu sais…! ! MS : Oui parce qu’ils font le suivi d’éxé en interne?! !

FR : Oui et il te proposent un suivi architectural ce qui ne veut rien dire, nous on l’a fait une fois et bien je dis non.! C’est pas le problème du pourcentage des honoraires, c’est même pas ça le sujet; le sujet c’est que le projet se fasse bien et que ça corresponde à ce que vous avez dessiné, que vous avez conçu.! Suivi architectural, vous pointez une fois par mois, ok ok ok, et si c’est pas ok qu’est ce que vous faites, vous n’avez pas le pouvoir de dire : changez tout. Vous n’avez pas le pouvoir, vous n’avez pas la mission, et a priori personne ne vous écoute, déjà, poliment on vous écoute mais c’est tout.! Et en plus il faut certifier que l’éxé soit correct avec le PC. Moi ça me branche pas.!

! MDG : Rajoute à ça tout ce qui est label..! !

FR : Ah oui en plus tu attestes que c’est bien réalisé, et si il y a des choses qui te plaisent pas et bien tu l’as dans le nez, tu peux absolument rien faire, puisque tu n’as pas la mission. Donc c’est un truc bâtard, c’est un truc super biaisé qu’il ne faut jamais accepter.!

! MDG : La façade aujourd’hui ne serait pas ce qu’elle est si on n’avais pas eu la mission complète.! ! FR : Imagine tout ce qu’on a réglé là ces deux mois, imagine.! ! MDG : C’est absolument pas le même bâtiment, ce serait complètement différent.! !

FR : C’est dangereux, enfin vraiment. Moi j’ai vu des projets en concours en PC et après en livraison avec un suivi et tu dis «oh putain». C’est un autre type d’archi.! A un moment donné s’il n’y a pas le choix pour l’architecte d’avoir la mission complète et que c’est un suivi, il faut s’orienter vers des projets plus simples. Que l’on puisse déléguer et que l’entreprise puisse s’arranger, il faut pas faire des trucs…!

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…Mais bon à mon avis il faut toujours être en chantier, parce que ça fait partie de notre mission. Et ça c’est en train de se standardiser un peu. Le suivi architectural en France c’est en train de se généraliser.!

! MS : Oui c’est ce que me disaient Francis Soler, ou Patrice Genet que j’ai rencontré.! !

FR : Parce que les mammouths, les kadors, les Bouygues Immobilier, Nexity ils ont des archis intégrés, ils ont tout intégré dans leurs personnels, ils ont tout.! Les petits grains de sables c’est nous.! Fais gaffe tu es le dernier grain de sable, résiste.! Les gens qui sont intégrés à Bouygues, dans le personnel, ils font jamais notre travail, c’est impossible. Donc ça c’est quand même important.!

!

MS : Bon pour moi, j’ai pas mal de réponses déjà. Je vois que vous avez le sujet de la dernière question. Auriez -vous la possibilité de me faire passer des éléments relatifs au projet de Clichy?!

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FR : Oui. Alors moi ce que j’ai envie de te conseiller c’est déjà d’entrer dans la web déjà pour voir parce qu’il y a pas mal de trucs et à partir de là tu nous demande exactement ce que tu souhaites.! Etudes de matériaux, qu’est ce que ça veut dire?!

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MS : C’était pour les choix que vous aviez envisagé à la conception mais en fait apparemment ça a évolué depuis le début de chantier.!

! FR : Mais sur quel point! ! MS : Tout, la qualité des matériaux en gros! !

MDG : si on en revient un peu au titre de ton mémoire, La prolifération des labels environnementaux, par exemple sur la façade typiquement, on avait deux lames de verre et une était entièrement réfléchissante c’est-à-dire c’était pratiquement un miroir, sans teint. Tu reflétais complètement!

! FR : C’est la maquette qui est là.. (montre la maquette) ! ! MDG : Là tu as un bout de façade en fait..! !

FR : On avait deux options une sérigraphiée, et là on a le parc, donc là c’est la ZAC. Donc tu as le système de la ventelle inférieure qui réfléchit alors qu’aujourd’hui elle ne réfléchit plus autant que ça.!

! MS : Ça n’est plus un miroir?! !

MDG : Non parce que Franck Boutté nous a dit que devant la transmission lumineuse, on pouvait pas, il y a un coefficient minimum à respecter et si on le respecte pas l’intérieur des appartements ne sera pas illuminé correctement etc.. ou sinon il faudra que vous fassiez tout blanc pour que ça puisse fonctionner. Et même là on ne rentrait plus dans les exigences. Et donc il nous a dit que le minimum que l’on pourrait faire c’est 86 et 63% et donc du coup aujourd’hui il y a une réflexion.!

! FR : Ce qui est bien c’est que ça change avec la lumière, comme le ciel de Paris est assez variant.! ! MDG : C’est pas un miroir, mais c’est vrai que tu vois sur ce côté l’effet est plus similaire avec la maquette, là, dans ce cas là (il montre des photos du chantier).!

! MS : Exact, quand on se retrouve en face en fait on voit un peu plus.! ! FR : Oui quand tu es en frontal c’est plus transparent, c’est vachement variable avec la lumière.! !

MDG : Ce qu’il y a, c’est que le prototype est assez bas dans le bâtiment, donc tu n’as pas tant de sensations que ça, s’il était beaucoup plus haut en fait quand tu as une uniformisation de la façade ça réfléchira vraiment, ça n’aura pas l’aspect miroir comme tu peux l’avoir là (sur maquette) mais ça réfléchira quand même puisque le verre à l’intérieur il passe un spray brillant qui donne plus de réflexion mais qui permet la transmission lumineuse quand même.!

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MS : Au final, ce sera même encore plus sensible que si ça avait été en miroir, en définitive.! Ca vivra plus.!

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FR : Oui en plus sans compter qu’il va y avoir des gens qui vont ouvrir les ventelles d’autres vont l’avoir fermé donc c’est comme une espèce de grand rideau en verre!

! MS : Ca va être amusant ça.! !


MDG : C’est vrai que tu n’auras pas toujours l’aspect complètement miroir, en fonction de la luminosité, en fonction du temps, de la hauteur. Tu auras des endroits où ça sera plus transparent, et des endroits où ça sera beaucoup plus réfléchissant.!

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FR : Les choix de matériaux si tu veux on peut te dire ça tout de suite, parce que sur le web ça n’y est pas. Sur quel matériaux tu veux savoir?!

! MS : En fait vous avez déjà répondu..! !

FR : verre acier pour la façade, la première façade elle est en enduit avec toute l’isolation thermique.!

! MDG : Isolation par l’extérieur.! ! FR : Isolation en extérieur pour les logements et en intérieur pour les FAM.! !

MDG : Les parquets à l’intérieur sont en bois, en chêne, c’est aussi soumis au coefficient de transmission lumineuse; il faut que tu fournisse une fiche pour justifier de la bonne réflexion. Ca te limite en couleur par exemple.!

! FR : Tu peux pas prendre des wengés.! !

MDG : Donc si tu en voulais chez toi, ben non tu peux pas parce que t’as pas la bonne réflexion, donc ça rentre pas dans les labels.!

! FR : Ça c’est vraiment de la connerie..! ! MDG : C’est fou.! ! MS : Du coup vous disiez que le PVC était interdit.! ! FR et MDG : C’est interdit sur la ZAC.! ! MS : Ah, c’est sur toute la ZAC.! ! FR : Oui parce qu’après toutes les prescriptions s’adaptent aux Plan Climat de Paris.! ! MDG : Tout ce qui est pièce à vivre, zone habitable et interdit en fait au PVC.! ! MS : Ok du coup c’est menuiserie alu.! ! FR : Oui bois-alu! De toute façon nous le PVC dans nos projets on aime pas ça.!

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MS : J’ai des retours d’expériences de promoteurs qui ne voient que par le PVC.! En définitive que ce soit déjà interdit par la ZAC ça arrive en complément de votre volonté.!

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FR : La qualité architecturale elle passe par là aussi. Le PVC c’est vraiment de la merde.! Après on a des stores en toiles stylisées en argenté sur toutes les fenêtres. En pavement extérieur on va avoir un petit peu de bois en FAM mais très peu, je sais pas on hésitait sur une résine et le bois la dernière fois, si tout passe en bois tant mieux et en pierre sur les abords. Et après l’intérieur des apparts, c’est parquet, céramique c’est assez simple.! Sur le FAM, c’est plus compliqué, il y a un équipement, c’est un foyer d’aide médicalisé, donc c’est un truc très costaud dans toutes ces normes justement et la des matériaux on en a un paquet parce que c’est un centre pour handicapés lourds donc il y a toutes les protections de portes, il y a les linoléums, il y a des trucs pour les douches.!


! MS : Mais là ça répond à des exigences qui sont plus liées au programme sanitaire! !

MDG : dans les exigences du programme, il faut quand même que tu respectes les exigences de la ZAC : il y a des labels environnementaux.!

! FR et MS: Oui ben oui.! !

MDG : Ils te rajoutent encore une couche en fait si tu veux.! En dessous du FAM on a une PMI, ça aussi c’est pareil, des trucs aussi bête que la transmission en décibel d’une porte, rentre dans le cadre de l’arrêté pour les PMI mais pas dans le cadre de la ZAC, donc lequel tu respectes? Si tu respectes celui pour la FAM ça marche mais si la ZAC t’oblige à avoir un taux supérieur donc qui tu respectes ,qui tu respectes pas souvent on va au plus défavorable pour se couvrir mais des fois le produit en lui même on arrive même pas à l’avoir.!

! MS : D’accord.! !

FR : C’est pas des incohérences, mais c’est des boulettes à un moment donné.! A un moment donné il faut faire des concessions, parce que sinon c’est impossible.! Parce que l’imbrication des programmes dans l’acoustique plus particulièrement et aussi dans le thermique, des fois on devient fous parce que l’acoustique entre un FAM, un PMI et des logements enfin…! L’imbrication des programmes, c’est la mixité urbaine dont parlait Manuel, c’est super c’est tout rose dans la théorie.!

! MS : Mais c’est à la réalisation que cela se complique.! !

FR : Il faut penser que plus elle est complexe et plus elle peut coûter cher, plus elle est compliquée à gérer. Et là dans notre cas c’est vrai qu’on a fait fort, il y a quatre programmes, la PMI elle est un peu en trop, si on regarde le truc, ils auraient pu zapper la PMI.!

! MDG : La PMI, c’est pas une obligation de Paris?! !

FR : Si c’est de l’arrondissement. Ben oui c’est une contrainte ZAC. Ben oui c’est un nouveau quartier, ils en ont besoin, ils ont besoin d’écoles, de crèches, de PMI de tout.!

! MDG : Ben en face de nous il y a une école.! !

FR : Oui bien sûr, c’est les équipements, mais après je sais pas combien il y a de nouveaux habitants dans le secteur, ils vont pas pouvoir bouffer que du palais de justice qu’il y a à côté. (rire) Ce sera pas possible.!

! MS : Merci beaucoup pour vos réponses.! !

FR : De rien, bonne chance. Bien le bonjour à Elodie et Jacques de ma part.


22/10/2014! QUESTIONNAIRE ENVOYÉ À R.RICCIOTTI, ARCHITECTE À BANDOL!

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- La prolifération des labels environnementaux est-elle, selon vous, un vecteur de standardisation de l’Architecture en France?! Plutôt un vecteur de régression morale, de dépendance technologique et d’exil de la beauté! - Quels en sont les autres vecteurs?! Le moralisme de pacotille autour de l’inexpertise environnementale qui a compris qu’en fabriquant de la nuisance, il renouvelle son champ existentiel! - Qu’est ce que cette prolifération vous évoque?! L’invasion des sauterelles. Le viol collectif. La collaboration avec le fort contre le faible. La tyrannie de l’inexpertise comme de l’inintelligence.! - Qu’est ce qui, pour vous, caractérise une architecture de qualité?! Labeur, effort, bienveillance, territorialité, maniérisme, identité.! - L’architecture durable doit-elle nécessairement passer par la normalisation, la labellisation ?! En premier se décoloniser de l’influence consumériste anglo-saxonne. Intégrer une chaine courte de production, favoriser l’emploi territorialisé, participer au renouvellement d’une mémoire du travail.! - Que dire du rapport entre “étanchéité à l’air“ et “ventilation naturelle“, rapport rendu difficile par les prescriptions des labels et de la RT applicable?! C’est la conséquence de l’irresponsabilité de la bureaucratie fasciste corrompue par les lobbyings industriels contre le bien commun de notre nation.! - Comment éviter, selon vous, la standardisation de l’Architecture en France?! En appliquant la charia aux professeurs des écoles d’architecture et aux ingénieurs qui ne travaillent pas.! - La production architecturale s’est elle éloignée des besoins et du confort des citadins au profit de considérations techniques?! La vocifération architecturale domine. L’architecture et le savoir technique en font les frais. Il faut réduire l’exigence confort, prétention d’un occident bouffant davantage d’empreinte environnementale pour paraître exemplaire.!


! Êtes-vous plutôt “mur épais“ ou “double peau“? Pourquoi?! Façade porteuse !! - A l’image des logements du 19° siècle, quelle est la capacité à être recyclés des logements collectifs d’aujourd’hui?! La désillusion du recyclage rappelle que plus les alliages sont complexes, davantage s’appauvrissent les ressources. Les automobiles, les ordinateurs, sont plus critiquables que le logement. La vraie question scientifique est la dégradation du matériau initial. En ce sens, le béton est le matériau le plus généreux. ! Structurellemment moins la densité de la matière est forte et plus l’empreinte environnementale est lourde.! - L’habitat collectif durable est-il nécessairement plus cher? moins beau?! Ca c’est une question de philosophie en terminale pour tes professeurs pervers.! - Comment prendre en compte le cycle de vie entier d’un édifice, pour déterminer son empreinte environnementale quand les matériaux qui le composent deviennent aussi complexes que des smartphones?! Réduire la dépendance technologique au strict minimum mais aussi s’intéresser au travail des chercheurs, ingénieurs, sachants, etc… et non à faire des fellations aux mythologies impérialistes anglo-saxonnes, minimalistes et hermaphrodites.!

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- Faut-il remettre la question environnementale entre les seules mains de l’architecte pour éviter la demande systématique et commerciale de labels par les maîtres d’ouvrage publics et privés?! Vous avez d’autres questions comme celles-là. !! Non, il faut des partenariats avec des vrais sachants et ne pas laisser un sujet aussi grave entre les mains de bureaucrates corrompus.! - Pourquoi voit-on se généraliser une logique de bardage plutôt que de matériaux “bruts“ en façade? Est-ce seulement un effet de mode?! Non, c’est consécutif à la destruction du savoir et de la main d’oeuvre d’une part par substitution des gestes techniques par des gestes industrialisés…. Et d’autre part, les conséquences irresponsables de l’isolation par l’extérieur!

- En fixant les performances plutôt que d’imposer les moyens d’y parvenir, ne risquons nous pas d’aboutir à une logique de “la fin justifie les moyens“?!


Relie « HQE » aux éditions Le Gac et « l’Architecture est un sport de combat » aux éditions Textuel , prends tes responsabilités et mets toi au travail avant de t’empresser de juger. Il te faut un minimum d’expérience avant d’être déjà indigné… «l’indignation est la révolte des peluches » dit le philosophe Jean Paul Curnier.! - Comment s’assurer que ce qu’un architecte astucieux économisera en technologie d’appoint sera ré-injecté dans la qualité architecturale du bâtiment?! C’est le rôle de l’architecte à condition qu’il renonce à être gendre modèle, cycliste, végétarien, non fumeur, socialiste, humanoïde, avec le sourire en cul de poule.! - Que pensez-vous de l’état actuel de la culture architecturale en France?! A l’image des enseignants…. Une culture de collabos…. Adossés à une absence de bienveillance et à des postures de sous-développés colonisés. Malgré tout, je pense que l’école d’architecture de Marseille est la meilleure de France.! - Sur-ventilation, Sur-isolation, GTC, CTA… Est-ce là l’expression de l’abandon, par l’architecte, de son devoir de synthèse vis à vis de l’usager? Vis à vis de l’équipe de conception?! De toute façon l’architecte est souvent techniquement et règlementairement inculte. Dès l’école on vous apprend à être amnésique, autiste et à vous déguiser en caricature de japonais, hollandais, américain.! Je ne comprends pas votre question, vous en demandez trop à l’architecte.! - Comment contourner le « passage à tabac des pulsions esthétiques […] du désir de narration » décrit dans le pamphlet HQE « comme facteur accélérateur de la destruction de l’art de vivre ensemble » [1]?!

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Il faut juste un peu de cervelle, un peu de ventre et surtout du cœur…. Mais le cœur n’intéresse pas vos pédagogues. La vraie réponse est : « démerdez vous »! - Les normes et labels nous poussent-ils vers une disparition de l’ornement, de la force narrative de l’Architecture?! J’ai traité ça dans le livre HQE, vous faites la réponse dans votre question.! - Tous ces labels environnementaux réduisent ils vraiment le rôle du maîtred’oeuvre?! Ils nourrissent la bureaucratie fasciste dans une économie circulaire. La soumission au consumérisme technologique.! - Si L’ICEB et l’Ordre des Architectes ont quittés l’association HQE avant 2010, pourquoi les labels environnementaux et les opérations estampillées continuent-ils de proliférer?!


Les promoteurs et les maîtres-d’ouvrage en ont besoin car ils font du marketing avec et impunément car ils ne sont pas exposés aux difficultés de l’hystérie règlementaire. Donc ils envoient les autres au charbon.Faire sauter les autres sur les mines en produisant du bénéfice personnel tant sur le négatif que sur le positif de la mise en danger des autres.! Les labels sont tellement nocifs et destructeurs de l’environnement, de l’intelligence et du bon sens qu’il n’est pas étonnant qu’économie et bureaucratie y aient trouvé un terreau fertile au développement de leur pouvoir. Refus de la dépendance technologique et désobéissance sociale devant les tyrannies sont notre futur.!


Le Label Entropique, de la capacité d’un bâtiment à se transformer (Comparatif de ce que pourrait être la notice de ce label comparé au label Qualitel) Extrait de l’ouvrage de Nicolas Michelin : Avis, propos sur l’architecture, l’urbanisme, l’environnement. p37-40 de l’ouvrage.



Table des matières, extrait du rapport ministériel dirigé par Claude Vasconi et coécrit avec Francis Soler, Rudy Ricciotti et Julien Rousseau en 2009. p8-9 du rapport.



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LISTE DES PROPOSITIONS Proposition n° 1 : abaisser le seuil de recours à l’architecte à 150 mètres carrés de surface de plancher. Proposition n° 2 : inciter la profession à mettre en avant le coût global du projet, afin que les particuliers puissent faire leur choix sur la base d’une information réelle. Proposition n° 3 : mettre en œuvre des mesures pour inciter les particuliers à recourir à un architecte : permis simplifié et prêts bonifiés. Proposition n° 4 : créer une délégation interministérielle à l’architecture placée auprès du Premier ministre. Proposition n° 5 : engager rapidement des actions durables sur l’ensemble du territoire pour sensibiliser les écoliers à l’architecture. Proposition n° 6 : conforter les actions conduites par les maisons de l’architecture, notamment l’implantation de résidences d’architectes, par le biais de subventions publiques. Proposition n° 7 : organiser une meilleure communication, recourant à des médias innovants et participatifs, autour des réalisations, des concours d’architecture et des prix qui portent sur l’architecture du quotidien. Proposition n° 8 : rééquilibrer la répartition des écoles nationales supérieures d’architecture – facteurs importants de la diffusion architecturale – sur tout le territoire. Proposition n° 9 : assurer, par des cours de langue obligatoires au sein des écoles d’architecture, la maîtrise d’au moins une langue étrangère au niveau professionnel.


— 120 —

Proposition n° 10 : renforcer l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONP) en allongeant la durée de la mise en situation professionnelle au sein d’une agence d’architecture.

Proposition n° 11 : entreprendre dès la prochaine rentrée universitaire la mise en œuvre des actions prioritaires formulées dans le rapport de M. Vincent Feltesse.

Proposition n° 12 : inciter le réseau culturel français à l’étranger à faire connaître la production architecturale française dans sa diversité et le réseau économique à en soutenir l’exportation.

Proposition n° 13 : sélectionner les candidats à partir de dossiers simplifiés.

Proposition n° 14 : faciliter l’accès au concours de candidats sans références soit parce qu’ils débutent, soit parce qu’ils n’en ont pas encore dans le domaine considéré.

Proposition n° 15 : lever partiellement l’anonymat pour permettre le dialogue entre le jury et les candidats.

Proposition n° 16 : supprimer le troisième critère d’évaluation alternatif déterminant le recours à un partenariat public-privé, fondé sur un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique, et ajouté par l’article 2 de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat aux critères initialement fixés par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.

Proposition n° 17 : dans le cas d’un partenariat public-privé, réintroduire l’architecte dans la phase de conception en imposant le retour du concours pour le choix du maître d’œuvre, le partenariat public-privé n’intervenant que dans la phase de construction, après l’attribution du permis de construire.


— 121 —

Proposition n° 18 : dans le cas d’un partenariat public-privé, prévoir le choix de deux architectes lors du concours de maîtrise d’œuvre : l’un chargé de conseiller la maîtrise d’ouvrage publique, une fois conclu le contrat de partenariat, l’autre poursuivant sa mission auprès du groupement privé.

Proposition n° 19 : limiter le nombre de dispositifs dérogatoires apportés à la loi MOP afin de revenir à une loi MOP revitalisée capable de susciter et de stimuler la création architecturale.

Proposition n° 20 : renforcer la présence des architectes-conseils au niveau régional, en augmentant leurs vacations et/ou leur nombre. Proposition n° 21 : intégrer un enseignement d’architecture et d’urbanisme dans la formation des responsables administratifs locaux. Proposition n° 22 : recueillir obligatoirement le conseil du CAUE lors de l’élaboration des documents d’urbanisme et généraliser les structures de conseil pluridisciplinaires. Proposition n° 23 : développer des actions de formation spécifiques à destination des agents publics en charge de l’instruction des permis de construire et favoriser la formation des élus en charge de l’urbanisme en délivrant un agrément à un plus grand nombre de CAUE.

Proposition n° 24 : intégrer le « 1 % artistique » dès la définition du projet.

Proposition n° 25 : retrouver la mission complète de l’architecte, de la conception à la conduite du chantier et à la conformité de la réalisation.

Proposition n° 26 : rémunérer systématiquement le travail préparatoire de l’architecte à la demande de permis de construire.


— 122 —

Proposition n° 27 : prendre appui sur les expériences des commissions préalables aux permis de construire associant pouvoirs publics, maître d’ouvrage, maître d’œuvre et maîtrise d’usage pour l’application du III bis de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme.

Proposition n° 28 : pour le respect des normes, passer d’une logique prescriptive à une obligation de résultat, en fixant des objectifs à atteindre plutôt que des moyens. Proposition n° 29 : créer sur l’ensemble du territoire des zones franches architecturales bénéficiant de règles d’urbanisme simplifiées et promouvant la création architecturale. Proposition n° 30 : systématiser les dispositifs dérogatoires aux règles d’urbanisme relatives au gabarit, à la densité et à l’aspect extérieur du bâtiment lorsque celui-ci fait preuve d’une qualité architecturale avérée. Proposition n° 31 : prévoir que tous les logements d’un immeuble neuf soient rapidement adaptables, grâce à des travaux simples et peu coûteux, aux situations de handicap que peuvent rencontrer les personnes qui l’habitent. Proposition n° 32 : donner aux enseignants des écoles d’architecture un statut semblable à celui des enseignants-chercheurs et promouvoir le regroupement des laboratoires de recherche et le développement d’équipements mutualisés de recherche sur le territoire. Proposition n° 33 : relancer les réalisations expérimentales (REX). Proposition n° 34 : développer l’offre de formation initiale et continue des écoles d’architecture en matière de réhabilitation et de transformation du bâti existant. Proposition n° 35 : intégrer les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement aux plateformes de la rénovation énergétique pour faciliter l’orientation des particuliers vers un architecte. Proposition n° 36 : élaborer une stratégie nationale de la commande publique.


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26 DOSSIER I AMÉNAGEMENT DURABLE

LE MAG I LA LETTRE M I HORS SÉRIE DU 9 DÉCEMBRE 2014

LES ARCHITECTES DÉNONCENT LE CARCAN DES NORMES e n’est plus le dispositif architectural qui prévaut, mais la norme qui s’impose, regrette Elodie Nourrira, enseignante à l’Ecole d’architecture de Montpellier et architecte ( NBJ - Montpellier ). Au bout d’un moment, la spatialité du lieu devient le résidu, le reliquat de l’application de la norme». Et les exemples ne manquent pas. Ainsi, pour s’adapter à la RT 12, la plupart des projets font l’objet d’une isolation par l’extérieur (ITE) au détriment de façades en béton. Pour Patrice Genet (Atelier d’architecture Patrice Genet – Montpellier), « l’ITE va progressivement faire disparaitre du paysage de très belles façades en béton architectonique qui est un matériau sans équivalent, résistant mais malléable à souhait ». En 2007, l’ancien président de la commission « Développement Durable » du Conseil national de l’Ordre des Architectes, avait claqué la porte de l’association HQE (Haute qualité environnementale), lui reprochant «une interprétation technicienne et technocratique du développement durable ». Il en va de même pour la surface de vitrage – 1/7e de la surface habitable - imposée par la RT 2012 : « Ce qui était louable à la base, devient absurde, surtout quand

«C

ANDRÉ HAMPARTZOUMIAN

HPE, THPE, BBC… Les normes en faveur de la performance énergétique des bâtiments, la RT 2012 en tête, deviennent un casse-tête pour les maîtres d’œuvres.

la norme "oublie" que le Nord d’ici n’est pas celui de Lille », ajoute Elodie Nourrigat, qui s’interroge sur cette tendance « à appliquer sans s’interroger sur le long terme, sous prétexte de faire du développement durable ». Et Patrice Genet d’ajouter : « Que dire de ces prescriptions qui nous conduisent à mettre des chauffe-

MAURICE SCHWAB, étudiant de 5e année à l’Ecole nationale supérieure d’architecture

de Montpellier*

« Un filet aux mailles trop serrées » « Le problème n’est pas la règlementation thermique ni la norme, mais la superposition de la surrèglementation auxquelles s’ajoutent les certifications environnementales, créant un filet aux mailles tellement serrées que la marge de conception et la part laissée à l’innovation est plutôt faible. C’est en France que les projets de logements collectifs sont les plus contraints, le moins sujet à des dérogations et avec des budgets peu extensibles. Le développement durable devrait couler de source au lieu d’être l’application de systèmes issus de feuilles de calculs ». * Prépare un mémoire de master 2 sur « La prolifération de labels environnementaux, vecteur de l’appauvrissement de l’architecture en France ».

_LAURENT DUGUET

Élode Nourrigat, architecte : « Ce qui était louable à la base devient absurde ».

eaux de 200 litres dans des T1, uniquement pour satisfaire au calcul de la RT 2012 , alors que la consommation ne dépasse pas 80 litres/jour ? ». Comme l’indique l’architecte et urbaniste Nicolas Lebunetel (Montpellier) : «Nous intégrons l’évolution réglementaire, mais l’objectif est de valoriser le lieu. Un projet est d‘autant mieux accepté qu’il répond aux aspirations sociétales et à ceux qui habitent sur place ». D’une autre manière, Philippe Ribouet, président de Nexity Languedoc-Roussillon, qui vient de proposer aux résidents de l’un de ses programmes, à Toulouse, une surveillance de leur consommation d’énergie à l’intérieur de chaque logement, en convient : « J’évite de me lancer dans la course aux labels, car si les utilisateurs n’en prennent pas conscience, cela n’a aucun intérêt. C’est d’abord le lien social qui importe ». b


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RETROUVEZ L’ACTUALITÉ SUR www.lalettrem.fr

Pour le président de l’Agglo de Nîmes, Yvan Lachaud, les normes environnementales bloquent des projets, porteurs de centaines d’emplois. Pour Jean-Luc Agoin, maire de Saint-Jean-de-Serres, ces contraintes peuvent au contraire se révéler bénéfiques. _ HENRI FRASQUE ET LAURENT DUGUET

POUR I CONTRE

« Les normes environnementales, un frein au développement ? » « JE SUIS POUR L’ENVIRONNEMENT, MAIS LA COMPLEXITÉ ADMINISTRATIVE EST PÉNALISANTE . Nous avons deux problèmes dans l’Agglo de Nîmes-Métropole. Carrefour porte un projet logistique sur l’Actiparc de Mitra, à SaintYvan Lachaud, Gilles. Or on nous demande Président de la de mettre en oeuvre des mecommunauté d’agglomération de sures compensatoires, suite Nîmes-Métropole (30) à la présence d’oiseaux, des rolliers d’Europe. Pour 15 ha, nous devons trouver 30 ha pour permettre à ces rolliers d’Europe de pouvoir nicher demain. Nous allons donc leur donner 15 ha sur un terrain au nord de Nîmes. Et nous devons trouver avec la chambre d’agriculture 15 ha chez un viticulteur. On va mettre des haies pour que ces rolliers puissent, peut-être, un jour, venir nicher. Je suis favorable à la protection de la nature. Mais on devient fou ! 400 emplois sont en jeu, face à quatre couples de rolliers. J’ai demandé à les voir. On m’a dit : « ils ne sont pas là, ils sont en Afrique du Nord, ils sont allés passer l’hiver là-bas ». Nous avons un problème du même ordre avec la station d’épuration de Saint-Gilles. Cette station représente un investissement de 25 M€, ce qui est loin d’être négligeable. On est bloqués depuis deux ans pour deux lézards. On est en procédure : un représentant de notre administration est entendu parce qu’on a laissé mourir deux lézards protégés. Et la station d’épuration est bloquée. On pourrait dire : « on a le temps ». Mais en bloquant la station d’épuration, on bloque les permis de construire de Saint-Gilles, donc l’habitat, et les entreprises qui veulent s’installer. On bloque tout pour deux lézards. C’est un vrai problème.»b

«I L

FAUT

ACCEPTER

CES

Si tout va bien, les normes environnementales ne servent à rien. Or, ce n’est pas le cas et les normes doivent être accompagnées par les élus. En tant que maire d’une commune de 550 habitants, je dois Jean-Luc Aigoin, livrer de l’eau potable et il im- Maire de Saint-Jean-deporte, par exemple, de mettre Serres (30) et viceen œuvre des politiques de sen- président de sibilisation auprès d’agriculteurs l’association des écomaires. pour leur faire utiliser moins de pesticides et de désherbants. L’environnement n’est pas gagnant quand secteur viticole produit des sarments de vignes brulés sur place ou poussés, par des tracteurs utilisant du fuel, au bord des ruisseaux avant de boucher les grilles d’évacuation des eaux. L’idée a été de récupérer ces sarments et de les transformer en granules de bois pour en faire un combustible à destination des bâtiments communaux, ce qui génère, de plus, un apport financier aux viticulteurs. Sur notre commune qui compte 400 ha de vignes, cette action permet de chauffer potentiellement 80 maisons. Il en va de même pour les souches qu’il est interdit de bruler. En les transformant en plaquette, nous répondons à la loi, protégeons l’environnement, dégageons de l’activité et créons une activité sociale à travers des chantiers d’insertion. Nous effectuons un désherbage à la main dans les cimetières grâce l’opération et grâce aux certificats d’économie d’énergie, nous avons équipé les habitations de réducteur d’eau à chaque robinet, générant 4 000 m3 de réduction de consommation en 2013. Nous menons 80 actions de ce type sur la commune qui est l’une des deux du Gard à être inscrite sur l’Agenda 21. Au final, accepter certaines contraintes peut se révéler bénéfique, même nous n’y sommes pas habitués.» b CONTRAINTES.


Il n’y a pas de recette miracle pour être architecte, pour bâtir et infléchir le réel; cette notion, cette évidence même, est héritée des erreurs commises à chaque tentative de systématisation de la manière de concevoir et de construire. De la ville musée, immuable, à celle du chemin de grue des modernes, les systématisations ont laissé des traces régulièrement décriées. Depuis le Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro en 1992, la législation accompagnant les acteurs de la construction s’est vue enrichie au nom du développement durable. Les architectes, en accords sur le fond du problème et l’urgence de la situation environnementale, n’ont pas pour autant pris part à la mise en place de ces processus de conception et de réalisation de ce qu’ils allaient pourtant dessiner.

!

Aujourd’hui, malgré les critiques de la dérive commerciale de la certification environnementale, force est de constater la forte demande et réalisation de projets estampillés de certifications enfantées par la démarche HQE.

!

C’est ce que cette recherche interroge, en s’appuyant sur les prises de paroles, de position et l’exercice d’architectes renommés. Ainsi Francis Soler, Rudy Ricciotti, Patrice Genet, Manuel Gausa, Florence Raveau et Nicolas Michelin - par leur démarche propre - permettent d’éclairer la question de l’effet standardisant de la surréglementation des programmes de logements collectif et plus généralement de la construction en France. Un effet qui n’a rien d’irréversible - d’après ce que l’on peut retenir de ce travail - pour peu que les architectes se replacent volontairement au coeur du processus de conception, au coeur de la construction de la l’habitat et de la ville.


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