L’Architecture au service de la liturgie Projet choeur de Basilique 2018
Basilique Notre-Dame des Miracles de Saint-Omer Maxence Guilbert, titulaire du diplôme d’Etat en architecture
SOMMAIRE
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Préface Abbé Laurent Boucly
Au « chœur » de l’architecture, la Basilique Notre-Dame des Miracles
p. 6 p. 4
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Liturgie et Vatican II : entrée de l’architecture dans le XXIème siècle
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Finesse et intemporalité
p. 20
p. 42 p. 26
Réactualiser l’espace liturgique de la Basilique
Point d’orgue Lexique Références Bibliographiques Présentation des acteurs
PRÉFACE
J’aime à dire que nous avons une collégiale (architecture), une cathédrale (histoire) et une basilique (dévotion populaire).
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Cet édifice, marqué par une si riche histoire, a connu des usages liturgiques différents. La période Baroque nous a donné le maître-autel, le buffet d’orgue et l’usage de la chaire permettant de mettre en lumière le sacrifice Eucharistique et l’importance dans la célébration de la musique liturgique et de la prédication. C’est dans un cadre de beauté que les célébrations voulaient élever les âmes et former les consciences grâce à la prédication. Le concile Vatican II, en gardant l’essentiel de l’enseignement du concile de Trente (origine de l’art de la contre-réforme puis du Baroque), a voulu mettre en lumière le mystère de l’Eglise comme temple de l’Esprit Saint, Corps du Christ et Peuple de Dieu. Dans la liturgie, le Peuple de Dieu devient acteur de la célébration. C’est l’ensemble du peuple de Dieu qui célèbre l’Eucharistie, chacun ayant une place spécifique dans cette célébration : prêtre, diacre, lecteurs, chantre et assemblée. Les églises construites depuis Vatican II cherchent à mettre l’assemblée autour de l’autel. C’est le sens du projet que nous souhaitons mettre en œuvre : proposer un chemin vers un nouvel aménagement liturgique possible, pour que cet édifice réponde aux nouveaux défis de la vie chrétienne, et cela en conservant la richesse de son histoire. Un nouvel autel sera donc installé pour permettre la célébration de l’Eucharistie et des autres sacrements, avec une partie de l’assemblée devant (dans la nef) et de chaque côté (dans le transept).
Page de droite : Sainte Messe, liturgie Eucharistique
Cela permettra aussi de mettre plus en avant la proclamation de la Parole, avec un ambon de la même matière que l’autel (le Concile parle de table de l’Eucharistie et de celle de la Parole). Ce beau projet sera l’occasion de vivre plus intensément la liturgie par une participation plus active encore. Un grand merci à ceux qui portent et réalisent ce beau projet. Abbé Laurent BOUCLY Recteur de la basilique
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LITURGIE ET VATICAN II : ENTRÉE DE L’ARCHITECTURE DANS LE XXIÈME SIÈCLE
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L’Eglise est la plus ancienne institution au monde avec plus de deux mille ans d’Histoire derrière elle. Au cours de son cheminement, elle a vécu une évolution surprenante qui actualise à chaque époque le sens profond de ses actes et de ses gestes sacrés, par la mise en place de réformes et de conciles importants. Ces changements ont une répercussion sur la façon dont chacun vit sa foi, mais aussi dont chacun vit l’espace et l’architecture sacré. L’Architecture évolue au fil du temps et se construit de manière forte, suivant les principes établis par l’Eglise ellemême, sans même rejeter la tradition chrétienne. Comme le dit Louis Bouyer, «le Christianisme authentique, ne vit que par la tradition, mais non par une tradition de formules mortes et de pratiques mécaniques. C’est une tradition de vie, une vie cependant qui doit croître organiquement dans et par une incarnation continue».2 Concrètement dans l’espace sacré, toute tradition est donc perpétuée dans un sens permanent de renouveau et de manifestation par rapport au temps. L’architecte est invité à une liberté créatrice sans limites, moyennant la maîtrise, la connaissance, la compréhension et la perception inévitable de la tradition et de la liturgie sans cesse renouvelée. Ce qu’il faut savoir en premier aujourd’hui, c’est que la liturgie prend la place la plus importante de l’édifice, au minimum le chœur. Elle fait vivre la communauté rassemblée et permet de concentrer l’espace à la célébration et d’être en communion. L’Eglise révèle et prescrit tous les éléments pour concevoir un tel aménagement et un tel édifice.
2 ) BOUYER Louis, Architecture et Liturgie, Edition n°2, les éditions du Cerf, Paris, 2009, p. 13
«Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, ce que révèlent la plupart de nos églises n’est guère inspiré ni inspirant. La plupart du temps, elles ne font encore que reproduire machinalement des modèles du passé, imparfaitement où point du tout compris» .3
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L’espace liturgique de la cathédrale de Saint-Omer est-il conforme aux attentes de la communauté d’aujourd’hui ? Depuis Vatican II, et avec l’apport des différents récents synodes et colloques, l’ensemble de la communauté catholique met en résonnance ses infrastructures et son organisation avec le monde qui l’entoure qu’il soit croyant ou non, pratiquant ou non. C’est donc en lien avec la constitution conciliaire de Vatican II et l’ouvrage de référence «Espace et liturgie» que l’espace sacramentel et liturgique de la cathédrale se verra transformé. Une véritable renaissance qui permettra d’être conforme à la façon dont les fidèles vivent les célébrations et leur foi à ce jour. « Ces églises ne sont pas des lieux à l’écart du monde, elles sont dans le monde, et le monde attend d’elles un message, un message actuel, un message vivant. » 4 comme le dit l’architecte Jean-Marie Duthilleul.
3) BOUYER Louis, Architecture et Liturgie, Edition n°2, les éditions du Cerf, Paris, 2009, p. 13 4) DUTHILLEUL Jean-Marie, Espace et Liturgie, aménager les églises, Edition N°1, MAMEDESCLEE, Paris, 2015, p. 133
Sacrosanctum liturgique 8|
Concilium:
la
réforme
Cette réforme, issue du Concile Vatican II, a eu un impact majeur dans la disposition des églises et de leur ouverture sur le monde. C’est pourquoi il nous est nécessaire de définir certaines notions et de nous appuyer sur des documents officiels de Vatican II, inscrits pour la plupart dans le livre Sacrosanctum concilium (la constitution conciliaire sur la liturgie) pour comprendre la disposition des églises, le rôle de l’architecte dans l’acte liturgique et le processus de transformation d’une si ancienne institution qu’est l’Eglise.
«la Mère Eglise désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui est, en vertu de son baptême, un droit et un devoir pour le peuple chrétien, «race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté» (1 Pierre 2, 9 ; cf. 2, 4-5) . » 5
5 ) MARLIANGEAS Bernard, Constitution conciliaire et directives d’application de la réforme liturgique, LA LITURGIE, Concile Œcuménique Vatican II, Centre national de Pastorale Liturgique, EDITIONS DU CENTURION, Paris, 1966, p.58 6 ) BOUYER Louis, Architecture et Liturgie, Edition n°2, les éditions du Cerf, Paris, 2009, p. 79
Cet extrait de la constitution conciliaire relative à la liturgie nous immerge dans le cœur du sujet. C’est véritablement la source même de tout le basculement qui s’est opéré lors du concile Vatican II, sous les débats et les échanges des pères rassemblés à Rome. Réformer de nouveau une institution mondiale, enracinée par traditions et coutumes, comme c'était précèdemment le cas lors du Concile de Trente, est une démarche qui demande une concertation empreinte de patience et de discernement. Cette «participation intelligente, active et féconde de tous les fidèles ensemble» 6 est un nouvel enjeu, fort et puissant, qui doit matériellement et moralement se révéler et se confronter face aux précédentes dispositions du concile de Trente instaurées au XVIème siècle. Elle renoue, de par sa
nature, avec la liturgie chrétienne du IIIème au Xème siècle, naissance de la foi catholique. Elle resitue les acteurs de la liturgie à leur juste place et fait transparaître un élan de communauté, de communion à travers l’ensemble de la Sainte Eglise Catholique.
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Cette façon de faire naître une nouvelle dynamique d’assemblée est significative par l’espace et par l’architecture. En effet, comme le dit Louis Bouyer, «c’est pourquoi normalement les ministres ne doivent pas être séparés de la communauté, mais agir au milieu d’elle, pour la faire participer complètement…»7 . Le chœur est au milieu du peuple, et n’a pas besoin d’être surélevé d’une ou plusieurs marches. Le clergé, avec l’assistance se retrouvent à ne faire qu’un seul corps. Dans l’espace liturgique, 3 foyers de la célébration sont présents: la Parole, l’Eucharistie par l’autel qui appelle au rassemblement et la parousie par l’orientation vers l’Est. D’une part, «Du point de vue du rassemblement, on pourrait supposer à première vue, que l’édifice idéal pour l’église chrétienne serait un temple circulaire avec l’autel, la chaire ou l’ambon et le siège du célébrant près du centre »8 selon Louis Bouyer. Cette conception de l’édifice garderait une position ouverte naturelle vers le monde extérieur. Ce qui ne fermerait pas la communauté sur elle-même.
«Ceci veut dire aussi que l’autel face au peuple, dans le cas d’une grande assemblée ne sera vraiment heureux que s’il se trouve dans la nef même et non pas à la corde de l’abside. »9 D’autre part, les caractéristiques de la basilique romaine sont totalement repoussées. Par exemple, les bas-côtés et le transept divisaient et séparaient l’espace sacré, l’assistance du clergé, et la visibilité et l’accessibilité au chœur. Cette renonciation aux caractéristiques de la basilique primitive était déjà actée par les architectes byzantins.
7, 8 et 9 ) BOUYER Louis, Architecture et Liturgie, Edition n°2, les éditions du Cerf, Paris, 2009, p. 81, p. 83, p. 97
Quid de la réalité contemporaine ?
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10 ) DUTHILLEUL Jean-Marie, Espace et Liturgie, aménager les églises, Edition N°1, MAMEDESCLEE, Paris, 2015, p. 9
Page de droite : Plan de l’aménagement liturgique de la chapelle Saint-Ignace à Paris, retouché et tiré de DUTHILLEUL JeanMarie, Espace et Liturgie, aménager les églises, Edition N°1, MAMEDESCLEE, Paris, 2015,p.91 Dans l’ancienne disposition liturgique de la chapelle Saint-Ignace de Paris, le chœur se trouvait dans l’abside du fond, après une grande allée bordée par une trentaine de rangées de chaises. L’autel et l’ensemble du mobilier liturgique donnaient une impression d’éloignement vis-à-vis de l’entrée et donc d’une communauté repliée.
Les églises ont souvent muté en «salle de spectacle» après la réforme du concile. L’idée était simplement de retourner l’autel face au peuple, sans autre véritable préoccupation. Or, cette assemblée n’est pas missionnaire. Le cas de l’ancien aménagement de l’église Saint-Ignace en est significatif. L’église doit témoigner et donner à voir l’image d’un corps et d’un peuple en pleine communion autour du Christ. C’est tout l’enjeu de l’architecture.
Faire transparaître une communauté par l’espace
«La participation au sacrifice Eucharistique ne consiste pas à regarder ce qui se passe, elle consiste à être pleinement, totalement présent à l’instant, en communion totale avec ses frères et avec le Christ et se laisser nourrir de la Parole et du Pain de Vie» . Ce que Jean-Marie Duthilleul nous livre ici à travers son livre nous est présenté comme une invitation à découvrir le mystère du Christ. En tant qu’architecte, je dois être véritablement conscient de l’événement qui se déroule au sein de l’assemblée, pour intervenir et proposer un espace qui se met en corrélation. L’église, particulièrement en croix latine, permet un rassemblement de tous horizons. D’après Jean-Marie Duthilleul, quand nous nous retrouvons à Notre-Dame de Paris et que nous sommes derrière un pilier sans rien voir de l’ensemble du dispositif, l’architecture est tellement puissante, par son rythme, par sa structure, par ses proportions et sa lumière, que je suis uni et en communion avec les autres.
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Mobilier liturgique AssemblĂŠe Edifice
AU « CHŒUR » DE L’ARCHITECTURE, LA BASILIQUE NOTRE-DAME DES MIRACLES
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Historique et repères spatio-temporels
La dernière église de style gothique, encore sous nos yeux, est la plus grande construction parmi les églises qui l’ont précédée. Trois cents ans auront fallu pour garantir à l’édifice son apogée architecturale.
«L’église actuelle de Notre-Dame et de St-Omer, a donc pris très-partiellement naissance vers le commencement du XIIIème siècle, et le style ogival primitif apparait à son chevet, au-dessus d’un soubassement roman du XIème siècle et au-dessous d’un surexhaussement de la fin du XVème et du commencement du XVIème» .9 L’édifice garde le titre de collégiale jusqu’en 1559, date à laquelle le Pape Paul IV décide de déplacer l’évêché de Thérouanne suite à sa destruction. La collégiale prend alors le titre de cathédrale. Pour donner une importance d’envergure à l’édifice suite aux nombreux pèlerins venus vénérer la Vierge Marie, le Pape Léon XIII lui attribue le titre de Basilique en 1879.
11 ) HERMAND Alexandre, Epoques de construction, L’EGLISE NOTRE-DAME A SAINT OMER, Typographie de CHANVIN Fils, Saint Omer, 1859, p. 7
Page de droite : Plan de la cathédrale à l’échelle 1/200ème, dessin au crayon. Le plan révèle par ailleurs le dallage et le motif éclectique du sol.
A l’intérieur, l’installation du mobilier reflète plusieurs périodes liturgiques clés de l’histoire. Une grande partie date principalement du XVIIIème siècle, par la présence des stalles de chœur, du petit et grand orgue, mais également de la chaire de vérité et des bancs d’œuvre, sans compter le maître-autel, qui sont pour la plupart dans un état relativement bien conservé.
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12 ) Commission diocésaine d’Art Sacré, Historique de l’aménagement du choeur, LA CATHEDRALE NOTRE-DAME DE SAINT-OMER, Arras, Mars 1999, p. 1
Evolution de l’espace liturgique de la basilique de Saint-Omer du XIIIème siècle jusqu'à aujourd'hui
« Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, le chœur de la Cathédrale Notre-Dame était fermée par un jubé. »12 14 |
1- Premier jubé construit dans la seconde moitié du XIIIème siècle. Positionnement incertain. A cette période, on trouve le maître autel dédié à Notre-Dame au fond du chœur
2- Deuxième jubé érigé en 1682 style Renaissance, détruit en 1753 et remplacé peu après par une grille en fer forgé, luimême remplacé par après par une clôture à balustres. L’actuel banc de communion date de 1843.
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3- Plan de 1789 : un seul emmarchement, clôture galbée, bancs d’œuvre absents.
3- Plan de 2018 : présence de deux emmarchements avec bancs d'oeuvre de part et d'autre de la croisée du transept. Le banc de communion apparaît. Le Maître-autel se met en retrait pour laisser apparaître le labyrinthe.
Etude de l’ordre, des proportions et du parcours originel
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Dans la configuration de la cathédrale de SaintOmer, la croisée du transept et la première travée de la nef sont véritablement investis par les nombreux chanoines. Ce qui en fait un espace qui prolonge le chœur jusqu’à la première travée de la nef où était installé l’ancien jubé. Le transept est donc coupé en deux par cette continuité du chœur. Le pèlerin se retrouve alors à déambuler des bascôtés vers le déambulatoire, longeant la nef et bordant le chœur. Quant au transept, il est investi par des espaces privilégiés de dévotion populaire. En effet, comme dans la précédente église romane, les chapelles orientées sont toujours d’actualité. D’ailleurs, l’autel qui abrite la statue originale de Notre-Dame des Miracles est situé dans la chapelle orientée du bras Sud du transept. Le bras Nord abrite des chapelles orientées dédiées à Saint Charles Boromée ou encore Notre Dame des cloches. Dans le parcours originel, on se retrouve alors à cheminer vers l’orient, la résurrection, le levant, le Christ ressuscité. Le vaisseau central constitué de sept travées nous y amène. De part et d’autre dans le transept, les Saints et notre Sainte Mère intercèdent pour nous auprès de Dieu, accompagnant le peuple des fidèles à avancer et à prier.
Page de droite : Configuration et fonctionnement originel de la cathédrale. On distingue plusieurs usages : 1- Eglise des chanoines : choeur et stalles 2- Espaces de dévotion : chapelles orientées 3- Espace du peuple : assemblée et laïcs 4- Eglise des pélerins : Déambulatoire et collatéraux 5- Chapelle axiale et chapelles rayonnantes A- Position de l’ancien jubé du XIIIème au XVIIIème siècle B- Portail septentrional : entrée Nord depuis le cloître canonial C- Portail méridional : entrée Sud avec le tympan du jugement dernier et le cadran solaire D- Portail occidental : entrée axiale
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B
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2 A C 3
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D
Diagnostic et potentialités
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Dans l’état existant de l’espace liturgique, on se retrouve dans la configuration habituelle de la plupart des églises : une table légère retournée vers l’assemblée pour signifier l’autel et un banal pupitre qui fait office d’ambon. D’abord, la disposition des fidèles ne révèle plus aucune cohérence dans l’ensemble. En effet, elle se veut orientée vers le Christ et non réunie autour de Lui. De plus, l’éclectisme du mobilier liturgique, de par ses matériaux, styles, caractères architecturaux, époques et surtout sa position dans l’espace par rapport à l’assemblée n’ont plus aucun effet sur la manière dont on vit la célébration et les offices. Cette configuration n’est donc plus en adéquation avec la manière dont l’architecture peut prétendre jouer un rôle majeur pour symboliser et signifier le rassemblement d’une communauté missionnaire. Il est donc indispensable de retravailler la forme de l’assemblée et le mobilier en totale cohérence non seulement avec les nouvelles directives liturgiques, mais aussi avec l’édifice, sa configuration et le souhait de la communauté. Renouer avec l’architecture gothique confère également une puissance à l’espace dédié à la liturgie. Le plan en croix latine, grâce à son axialité, est un élément constitutif intéressant. Il est un potentiel dans la manière de repenser l’espace liturgique, tant au niveau de la symbolique que de l’expressivité: véritable point d’appui pour redonner une unité spatiale et être en continuité avec l’histoire.
Page de droite : La configuration dans l’ancien état. L’espace met en avant une frontalité entre le célébrant et l’assemblée
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Mobilier liturgique AssemblĂŠe Edifice
RÉACTUALISER L’ESPACE LITURGIQUE DE LA BASILIQUE
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Un travail de composition
Pour concevoir un espace liturgique et travailler l’espace de l’église pour notre époque, il faut effectuer un travail de composition. Comment composer une église qui se veut à l’ère de notre temps ? Comment faire transparaître le nouvel élan de la communauté avec les directives de Vatican II ?
«La communauté elle-même forme comme un seul corps tout en respectant chacune des personnes qui le constituent. Ce corps doit être physiquement perceptible par ceux qui le forment. En même temps, ce corps doit demeurer en permanence ouvert sur le monde, ouvert à ceux qui veulent le rejoindre. »13 13 ) DUTHILLEUL JeanMarie, Espace et Liturgie, aménager les églises, Edition N°1, MAMEDESCLEE, Paris, 2015, p. 20 Page de droite : Plan de l’aménagement liturgique de la chapelle Saint-Ignace à Paris, tiré de DUTHILLEUL JeanMarie, Espace et Liturgie, aménager les églises, Edition N°1, MAMEDESCLEE, Paris, 2015, p.91 L’assemblée s’installe autour de l’autel pour signifier une communauté qui fait corps. On reconnaît la présence du «triangle sacré», élément puissant qui révèle l’instrument liturgique
Un travail de géométrie
Pour ce faire, l’architecte Jean-Marie Duthilleul nous propose un ordonnancement de l’espace liturgique par la géométrie : outil de mise en place dans l’espace et de mise en relation des éléments entre eux. Ce travail se veut être ajusté pour une parfaite vérité architecturale.
Les éléments constitutifs à ma portée ?
Dans le travail de composition et de géométrie, je dispose d’éléments constitutifs de mise en relation. Ils sont au nombre de six: l’autel, le célébrant, l’ambon, le baptistère, l’assemblée et l’espace de Gloire. Chacun entre en relation et ces dernières doivent être mesurées, proportionnées, géométrisées et réfléchies, pour une juste place dans l’espace, afin d’unifier le lieu et de faire vraiment percevoir le mystère incarné.
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Mobilier liturgique AssemblĂŠe Edifice
Comment signifier le corps du peuple rassemblé ?
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La forme de la communauté, primordiale, est la première matière avec laquelle l’architecte doit travailler. Elle doit pouvoir se rassembler autour de Celui qui en est la cause: Le Christ, représenté par l’autel.
«Il apparut finalement que, dans l’époque où nous vivons marquée par l’individualisme, où l’appartenance à une communauté ne relève pas de l’évidence, la communauté paroissiale devait se rassembler «autour de» et non «face à» son Seigneur» .39 La forme de l’assemblée, en grande partie présente dans la Nef, se déploie ici dans les transepts Nord et Sud de part et d’autre de l’axe liturgique. Ceci lui permet d’accentuer la proximité pour qu’elle puisse faire davantage corps et communion. «Pas de risque ici de distinction entre un acteur et des spectateurs, tous sont participants au sacrifice et au repas eucharistique» .40 On l’a vu notamment à la chapelle Saint-Ignace de Paris: les fidèles se rassemblent autour de Celui qui est présent au milieu d’eux. Cette disposition renoue indéniablement avec l’histoire de l’édifice et avec la configuration originelle de la Basilique. En effet, l’idée proposée permet de réinvestir l’espace dédié aux anciens chanoines. Les stalles, bancs d’oeuvre 14 et 15 ) DUTHILLEUL et l’ensemble du niveau surélevé à la croisée du transept Jean-Marie, Espace et reprennent un usage si important qu’ils redonnent à l’espace Liturgie, aménager les liurgique une aisance et une influence jusqu’à l’échelle de églises, Edition N°1, MAMEl’édifice tout entier. DESCLEE, Paris, 2015, p.52 Caractéristiques à la cathédrale de Saint-Omer, les espaces de dévotion du transept permettent l’intercession Page de droite : et la présence des Saints évangélisateurs locaux de part et L’assemblée fait corps d’autre de l’espace liturgique. et exprime de manière explicite son caractère communautaire et missionnaire
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Mobilier liturgique AssemblĂŠe Edifice
Révéler le nouveau choeur liturgique
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Les éléments les plus anciens ou les mieux conservés de l’aménagement liturgique de la cathédrale ont la particularité d’être dans un lieu qui vit et qui se dérange de siècles en siècles. La présence du maître-autel entre la croisée du transept et le choeur des chanoines est un élément déjà puissant en lui-même. Le fait qu’il soit surmonté d’une croix et qu’il dispose en son sein d’un tabernacle est particulièrement intéressant dans la nouvelle composition. L’idée est donc de lui attribuer la vocation d’espace de Gloire, ou autel de Gloire: le Christ, présent au milieu de nous, est victorieux et réssuscité. Le nouveau mobilier liturgique et le nouveau chœur s’installent alors de façon aisée suivant le principe d’axialité de la cathédrale. Ils permettent manifestement à l’assemblée et aux visiteurs de recentrer le regard sur la fonction première de l’édifice: la liturgie. L’idée proposée est donc celle du « triangle sacré ». L’autel se situe sur l’axe principal, à la croisée du transept, devant l’autel de Gloire. Le siège de présidence et l’ambon se retrouvent de part et d’autre de l’axe, face à face au pied des colonnes. Cela donne tout autant d’importance aux deux foyers de la liturgie : Parole et Eucharistie, et valorise le siège du célébrant. Le baptistère se retrouve quant à lui au niveau de l’espace d’avant-chœur, devant le banc de communion dans l’axe, pour accueillir chaque nouveau baptisé ou cathéchumène au sein de la communauté. Il est aussi présent pour se rappeler à tous notre vocation première qui est baptismale.
Page de droite : Le Christ est au milieu de nous. La position de l’autel révèle sa présence indéniable au coeur de l’assemblée. Le siège de présidence, l’ambon et le baptistère dialoguent de manière puissante avec le reste de la composition
Par ce nouvel aménagement, les fidèles vivent les sacrements et célébrations de manière très significative par la disposition des hauts lieux de la liturgie: les tables de la parole et de l’Eucharistie, le baptistère et le siège de présidence. Lors d’un sacrement de mariage, d’une première Eucharistie, du sacrement de confirmation ou de funérailles, les mariés, communiants, confirmants ou le cercueil se retrouvent alors à l’avant-choeur, placés sur le côté pour faire partie intégralement de la communauté.
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FINESSE ET INTEMPORALITÉ
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L’analyse du mobilier déjà présent fait apparaître un registre et un style qui appartiennent au baroque et au néoclassicisme. Ces mouvements sont amplement détaillés et ornementés. Le maître-autel en est un exemple très représentatif. Premièrement, l’idée conceptuelle du mobilier contemporain est de travailler sur le contraste. Il s’agit ici de valoriser les hauts lieux de la liturgie par la sobriété et la pureté. Ainsi les nouveaux éléments vont faire transparaître un nouvel élan spatial à l’ensemble de l’édifice. Deuxièmement, il a été choisi de concevoir un mobilier en bois pour des raisons de conservation et de protection de l’édifice environnant. La croisée du transept est particulièrement caractérisée par un labyrinthe directement importé de l’ancienne abbaye SaintBertin, classé au titre de monuments historiques.
Ci-contre : Elévation du Maître-autel existant
L’autel et l’ambon : symbolique et proportions
Partant de la sensation spatiale en entrant dans l’édifice, le parti pris intègre l’unité à travers les dimensions et les proportions et un nouveau plan en profondeur dans cette perspective de nef gothique. C’est pourquoi le nouvel autel et le nouvel ambon sont en bois de couleur claire pour appuyer et renforcer leur présence et leur aspect. De même, les proportions qui font appel à la symbolique et au caractère unitaire se sont présentés naturellement, d’où la forme carrée préposée.
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« «Le point se place dans le carré». De forme stable, le carré est capable d’indiquer les points cardinaux, les quatre éléments, les quatre saisons. De même la Bible décrit la terre comme une surface plate, carrée. Ainsi, la cathédrale s’élève-t-elle sur le carré de la terre, lui-même issu du carré du ciel. Le rapport n’est plus à faire entre cette figure et l’architecture où il est omniprésent.»16
Pour entrer en dialogue avec le Maître-autel et les lampadaires qui l’encadrent, la matière du bois chêne se trouve opportune par sa légère nuance jaunâtre. De plus, sa couleur claire prend la lumière pour vibrer et rayonner dans cette longue nef centrale et se mettre en relation avec la pierre dure et blanche du boulonnais. Quatre failles lumineuses en forme de croix brisent l’autel à ses côtés. Toute la symbolique y est présente, tel le manteau de Marie qui enveloppe le mystère de son fils Jésus Christ: la lumière qui jaillit. L’ambon entre lui aussi dans le même langage pour une unité et une cohérence.
16 ) L’art gothique, les cathédrales retracées, consulté le 06/02/2018, http://www.cathedralesgothiques.com/cathedralegothique-architecture-11
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Double page: Premières esquisses et réflexions pour le nouvel autel/ Septembre 2016
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Double page: Maquette d’étude avec simulation d’éclairage/ Février 2017
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En présence des Saints audomarois
En tant qu’intercesseurs locaux, les Saints évangélisateurs (Saint Bertin, Saint Audomar, Saint Momelin, Saint Erkembode, Sainte Aldegonde et Sainte Austreberthe) sont représentés à la périphérie de l’autel en filaire. Ce mode de représentation, simple et épuré, permet de reconnaître sobrement les Saints, et de faire partie subtilement de l’autel tout entier. La position des Saints représentés aux trois élévations de l’autel se veulent en application avec les points cardinaux. Saint-Omer et Saint-Erkembode sont installés vers l’Ouest, vers l’actuel pôle des contemplatifs audomarois situé à Wisques. Saint Momelin et Saint Bertin se tournent vers le Sud, vers la rue Saint-Bertin, route de processions et de pélerinages qui mène à l’ancienne abbaye et qui est encore utilisée actuellement lors de la neuvaine. Sainte Aldegonde et Sainte Austreberthe regardent vers le Nord, vers l’ancien cloître canonial, pour signifier cette recherche de Dieu à travers la fondation de leurs monastères aujourd’hui disparus. A la demande de l’abbé Laurent Boucly, la façade orientée vers l’Est représente les logos des deux diocèses jumelés. On y retrouve le logo du diocèse d’Arras et enfin celui de l’archidiocèse de Baltimore, pour ses relations étroites avec notre secteur et pour le don qu’il a effectué pour la contruction du nouvel autel.
Ci-contre: à gauche : logo de l’archidiocèse de Baltimore à droite : logo du diocèse d’Arras
Saint-Omer Evêque de Thérouanne, (décédé en l’an 667) Il fut le premier évêque du diocèse de Thérouanne, capitale historique de la Morinie. Il accomplit sa grande mission d’évangélisation du territoire. Il participa notamment à la fondation et au développement de la ville à qui il donna son nom.
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On lui attribue souvent un livre à la main qui représente la charte qu’il écrivit pour octroyer certains privilèges à Sithiu.
Saint-Erkembode Confesseur et évêque de Thérouanne (décédé en l’an 742) Erkembode signifie «envoyé reconnu». Venu d’Irlande, il devint Abbé de l’abbaye de Saint-Bertin et 4ème évêque de Saint-Omer. Il parcoura son immense diocèse en tous sens pour racheter des terres et les redistribuer aux plus pauvres. Représenté ici avec des chaussures signifiantes, il est très régulièrement vénéré par les pélerins qui déposent sur son tombeau leurs chaussures pour prier pour un enfant qui a des difficultés à marcher.
Saint-Momelin évêque de Noyon et deTournai (VIIème siècle)
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Il évangélisa d’abord le Nord de la Gaule et les principales régions germaniques. Une fois devenu moine, il accompagna Saint-Omer dans sa mission. Il fut plus tard élu abbé du monastère de Lagny et évêque de Noyon. On le représente avec sa crosse et sa mitre pour signifier ses fonctions épiscopales.
Saint-Bertin Abbé à Sithiu, dans le diocèse de Thérouanne (décédé en l’an 698) Envoyé auprès de SaintOmer pour l’aider dans la conversion des habitants de la région, il fonda et devint abbé du monastère de Sithiu. La statue au sein de la basilique le représente avec une barque dans les mains. L’histoire raconte que Bertin chercha avec trois autres frères l’endroit idéal pour installer leur demeure, selon la volonté de Dieu. Ils y allèrent en barque, en passant par les marais.
Sainte-Austreberthe Abbesse de Pavilly (décédée en l’an 704) Elle fonda un monastère à Marconne dans l’Artois, avant de devenir abbesse de celui de Pavilly en Normandie.
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Les linges de sacristie, blanchis par les soeurs de son abbaye, étaient transportés d’un monastère à l’autre par un âne. Or un jour, celui-ci se fit dévorer par un loup qui se fit alors réprimandé par la Sainte et qui le condamna à accomplir des tâches pour réparer le dommage. De ce fait, on la représente avec une crosse aux côtés d’un loup.
Sainte-Aldegonde Abbesse à Maubeuge (décédée en l’an 684) Elle fonda un ermitage au bord de la Sambre qui devint rapidement un important chapitre de chanoinesses, à l’origine du monastère de Maubeuge. Elle reçut aussi beaucoup de visions célestes. Ses attributs : La crosse pour sa responsabilité d’Abbesse et le voile que le SaintEsprit, sous la forme d’une colombe, posa sur son front, au moment où elle se consacrait au Seigneur dans l’église abbatiale d’Haumont.
L’autel et l’ambon : porter l’espérance, révéler le Christ
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L’autel et l’ambon sont tous deux intégralement surmontés d’une plaque de pierre massive consacrée. Cela signifie de manière explicite les deux tables liturgiques réunies : la table de la parole et la table de l’Eucharistie. Le marbre, d’un noir Afrique, est véritablement l’élément le plus puissant et le plus visuellement pesant, symbole de la pierre vivante, pierre angulaire, élément imputrescible. Dans le rite de dédicace du nouvel autel, celui-ci abrite en son sein plusieurs reliques vénérées, issues le plus souvent de Saints évangélisateurs locaux. Saint-Omer (Audomar) et Saint-Bertin ont donc été choisis pour leur étroite relation avec la fondation et le développement de la ville de SaintOmer. Ces reliques sont déposées et scellées pendant la célébration de consécration pour mettre en avant l’éternelle intercession des Saints auprès de la communauté et des offices qui y sont célébrés. Quant à l’ambon, il a été conçu en harmonie avec le déploiement de la parole. La plaque de marbre qui le surmonte, gravée, accueille un message porteur d’espérance, tiré lui-même de l’évangile des Hébreux, au chapitre 4, verset 12 :
« Vivante est la parole de Dieu » Dans sa conception architecturale, l’ambon accueille explicitement la parole. En effet, le porte-pupitre en métal inox brossé et fin se présente légèrement en lévitation, pour élever la parole et la déployer dans l’espace sacramentel. Page de droite: Reflets de la plaque de marbre déposée sur le volume en bois et qui contient les reliques des Saints intercesseurs : SaintOmer et Saint-Bertin
Pour donner leur importance, l’autel et l’ambon sont élevés grâce à un emmarchement en merbeau. Ce bois exotique, à la fois rougeâtre et sombre, dialogue avec le bois des stalles et des boiseries environnants. Néanmoins, il se distingue par sa teinte nuancée plus actuelle et claire, d’un caractère nouveau, d’une valeur ajoutée récente.
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Le siège de présidence et le baptistère
La conception des autres mobiliers liturgiques se veut en continuité avec ce qui a déjà été présenté.
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Le siège de présidence et les deux sièges qui l’accompagnent sont le fruit de l’histoire. En effet, les anciens fauteuils du célébrant, en bois de même teinte que les stalles et dotés de sculptures et de moulures originales, ont reçu un décapage qui leur permet de s’harmoniser avec la teinte du chêne de l’autel, clair et pur. De nouvelles galettes d’assises rafraîchissent l’ensemble pour donner une même cohérence. La collection des galettes a été multiplié dans plusieurs couleurs. Elles sont interchengeables selon les temps liturgiques, les solennités et les fêtes locales telles que la traditionnelle neuvaine. Le baptistère, dans l’axe, se verra disposé d’une matérialité similaire à l’autel et à l’ambon, en bois de chêne. Il traduira de manière épurée et sobre le symbole du baptême en Christ. Le cierge Pascal doit pour se faire, accompagner la cuve baptismale, élément indissociable du sacrement du baptême. Sa conception et sa construction verront bientôt le jour.
Page de droite: L'autel dans l'axe de la Nef et du Maître-autel, surmonté d'une plaque de marbre et entouré de la représentation des Saints évangélisateurs locaux
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Découvrir l’Immensité de Dieu
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A notre arrivée dans le sanctuaire, nous pouvons faire pleinement l’expérience de Dieu en cheminant autour de l’espace liturgique par le collatéral ou le déambulatoire. Nous ne devons couper brutalement notre parcours par la croisée du transept, mais nous devons vivre entièrement l’espace du vaisseau que Dieu déploie pour nous. Nous pouvons déjà admirer la luminosité de la rosace du transept Sud, annonçant son orientation et sa clarté. Une fois passé le collatéral et arrivé dans la nef, l’atmosphère particulière et le vaste espace sont comparables à ce que l’homme a voulu faire transparaître dans cette architecture: la présence divine. Alors, l’axe liturgique Ouest-Est s’offre à nous: partant du profane au sacré, du couchant au levant, au rythme des temps et célébrations liturgiques. Il renoue les liens avec la transcendance même de l’architecture gothique, volonté originelle des concepteurs médiévaux. Toute la liturgie prépare le pèlerin à vivre les richesses de la foi en Christ, à cheminer avec Lui par étapes sacramentelles dans sa vie et à découvrir l’espérance que Dieu nous offre par sa croix: Christ ressuscité est Dieu de Gloire.
« vous êtes un peuple choisi, des prêtres royaux, une nation sainte, un peuple racheté afin de proclamer les louanges de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière. » Page de droite: Le nouveau mobilier liturgique réalisé, en place dans la basilique. Messe de Consécration du dimanche 9 septembre 2018, fête de Saint-Omer
1 Pierre 2.4-10 pierre vivante,
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POINT D’ORGUE
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A travers l’espace liturgique, nous avons vu qu’il est primordial de pouvoir se mettre à l’écoute de la communauté, de comprendre les lieux, leur signification, les messages qui nous sont confiés, de se cultiver sur les domaines liturgiques et théologiques qui en impliquent sa conception. Nous voyons trop souvent aujourd’hui apparaître des aménagements d’églises temporisés, éphémères et rudimentaires qui reproduisent et mêlent divers modèles du passé pour finalement s’apparenter à des «salles de spectacle». Le concile de Trente (1542-1563) reflétait beaucoup plus que cela. Il introduisait un bouleversement architectural bien plus conséquent. Cependant, force est de constater que son résultat prit près d’un siècle avant que l’ensemble des édifices en soient dotés. Que les architectes et la communauté travaillent donc ensemble à donner au Concile Vatican II tout autant d’importance, afin que la cristallisation de la réforme prenne effet pour une longue durée. Suite à un sujet d’une telle intensité, l’architecte qui intervient doit être initié et formé à la liturgie et à la théologie. Ce que l’on pourrait appeler communément «réaccorder un instrument» s’applique dorénavant à l’acte architectural: l’accord juste d’un espace liturgique et ouvert se mesure à la qualité et la compétence maîtrisée de l’architecte. L’espace liturgique, pour être vrai et fidèle à sa communauté, ne pourra s’épanouir que s’il est vraiment intégré.
Le nouveau mobilier liturgique et le nouveau chœur de la basilique de Saint-Omer permettent manifestement de recentrer le regard sur sa fonction première : la liturgie. Cela est inconditionnellement le souhait du doyen mais également de la communauté, fruit de discussions et de coopérations intensives depuis quelques années. Cela permet aussi de pouvoir faire évoluer à l’avenir de manière plus ample l’aménagement porté. Pourquoi
ne pas envisager d'accentuer davantage cet esprit de communauté, d’unité et de corps par une disposition différente de l’assemblée ? Dans tous les cas, l’objectif se doit de toujours satisfaire au mieux les exigences du Concile et les souhaits de notre communauté. Ce renouveau intérieur ne dégrade en rien la valeur historique de l’édifice, bien au contraire, il l’embellit. Il lui redonne une clarté et un souffle nouveau. Il la resitue dans son époque : un chœur contemporain pour un vaisseau gothique. La barque de Notre-Dame des Miracles peut de nouveau embarquer ses pèlerins pour une nouvelle traversée.
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LEXIQUE
Abbé « Dans l’Église catholique et orthodoxe, supérieur d’un monastère d’hommes érigé en abbaye. Titre donné à un prêtre séculier. » *
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Ambon « Podium ou pupitre surélevé, placé à l’entrée du choeur d’une église. De l’ambon est proclamée la Parole de Dieu. Il est aussi utilisé pour la prédication. » * Autel « Dans la Bible, table de pierre dressée pour rappeler une intervention divine. Des sacrifices y étaient parfois offerts (animaux, libations). Dans l’Église catholique, l’autel est l’endroit le plus sacré de l’église, où l’on célèbre l’Eucharistie ; il a généralement la forme d’une table. » * Baptistère « Une cuve plus ou moins grande, en marbre, en pierre ou en métal est destinée à recevoir l’eau du baptême par aspersion, geste que fait le prêtre en versant l’eau baptismale sur la tête du baptisé. » * Chanoine « Titre donné initialement à des religieux. Les chanoines réguliers vivent généralement selon la règle de Saint Augustin. Les chanoines séculiers sont des clercs diocésains, membres d’un chapitre cathédral ou collégial, ou de certaines basiliques dont la fonction essentielle est de réciter l’office divin. » * Chapitre de chanoines « Collège de clercs appelés chanoines, attachés à une cathédrale ou à une collégiale. Cette institution remonte au début du IX° siècle. Depuis Vatican II le rôle du chapitre se limite pour l’essentiel au domaine liturgique. D’autres fonctions peuvent lui être assignées par l’évêque. » *
* Glossaire, Eglise Catholique en France, édité par la Conférence des évêques de France, consulté le 03/05/2018, https://eglise.catholique.fr/ glossaire/catechese/
Espace de Gloire Elément constitutif de l’espace liturgique vaticanien. Lieu où se situe généralement une croix de Gloire, symbole du Christ réssuscité. Il se place souvent à la fin de l’axe formé par l’autel et l’ambon, étape ultime de la vie sacramentelle.
Espace sacré L’espace Sacré fait partie intégrante d’une foi unissant une communauté et un groupe de croyants. Depuis les débuts de l’humanité, on considère l’espace sacré comme étant un lieu qui parle de l’au-delà, d’une présence invisible. Cet espace fonctionne d’abord entre le ciel et la terre sans intervention de l’homme. Les rituels, les coutumes et les cérémonies aident ensuite l’homme à adorer et à se mettre en dialogue avec une puissance supérieure. C’est incontestablement la reconnaissance d’une grandeur, d’une force invisible et supérieure à l’Homme. Evêque « Par leur ordination épiscopale, les évêques (choisis parmi les prêtres) reçoivent, comme les apôtres, la plénitude du sacrement de l’ordre. Ils sont les successeurs des apôtres. Un évêque est le signe de l’unité de l’Église locale. » * Liturgie La liturgie nous appelle à rencontrer Dieu chaque jour de la semaine par des offices. Il s’agit d’une manifestation de Dieu à travers des rites transposés en une profusion de symboles. Ces symboles font partie d’un langage qui s’exprime dans l’espace par l’architecture, dans le temps par les cycles annuels et hebdomadaires, par les sens grâce à l’encens, la lumière, la parole, et par les gestes. Elle traduit les prières, le culte et les dévotions des fidèles vers Dieu. Parousie « du grec parousia : présence, arrivée Les premiers écrits chrétiens emploient ce mot pour désigner la venue du Christ parmi les hommes, inaugurant les temps messianiques et l’avènement glorieux à la fin des temps. » * Siège de présidence Emplacement du siège occupé par le prêtre qui préside la liturgie Eucharistique ou l’office de la journée. Tabernacle «[...] est la petite armoire destinée, depuis le XVI° siècle, à conserver les hosties consacrées.» *
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Architecture et Liturgie
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ACART Xavier, Comprendre et vivre la liturgie – Signes et symboles expliqués à tous, Nouvelle édition revue et augmentée, PRESSES DE LA RENAISSANCE, Paris, 2015 BOUYER Louis, Architecture et Liturgie, Edition n°2, les éditions du Cerf, Paris, 2009 DUTHILLEUL Jean-Marie, Espace et Liturgie, aménager les églises, Edition N°1, MAME-DESCLEE, Paris, 2015 LAROQUE Didier, ARMOGATHE Jean-Robert, « Editorial », Architecture et Liturgie, 4 - juillet-août 2014, dans la collection COMMUNIO REVUE CATHOLIQUE INTERNATIONALE, N°XXXIX, Paris Documents conciliaires officiels Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, GAUDIUM ET SPES, LE SAINT-SIEGE, consulté le 1er septembre 2017, http://www.vatican.va/ archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vatii_cons_19651207_gaudium-et-spes_fr.html MARLIANGEAS Bernard, Constitution conciliaire et directives d’application de la réforme liturgique, LA LITURGIE, Concile Œcuménique Vatican II, Centre national de Pastorale Liturgique, EDITIONS DU CENTURION, Paris, 1966 Cathédrale de Saint-Omer HERMAND Alexandre, Epoques de construction, L’EGLISE NOTRE-DAME A SAINT OMER, Typographie de CHANVIN Fils, Saint Omer, 1859 Père BELLO Lucien, ancien recteur du sanctuaire NotreDame des Miracles, Cathédrale Notre-Dame Saint Omer, la visite Guidée, Edition n°4, LABEL IMAGE ST-OMER, 2006
PONCELET Etienne, Etude préalable à la restauration du transept Nord de la Cathédrale de Saint Omer, ACMH, octobre 2013 Service Ville d’art et d’histoire, Histoire et architecture, laissez-vous conter la cathédrale Notre-Dame et son enclos, SARL Gallet Imprimeur, Saint Omer Sous la direction de Nicolette Delanne-Logié, Yves-Marie Hilaire, La Cathédrale de Saint Omer, 800 ans de mémoire vive, CNRS Editions, Paris, 2000 Eglise catholique Eglise Catholique en France, édité par la Conférence des évêques de France, consulté le 03/05/2018, https://eglise. catholique.fr/glossaire/catechese/ Liturgie et Sacrements, édité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle, conférence des évêques de France, consulté le 03/05/2018, https://liturgie. catholique.fr/lexique/invitatoire/ Interviews et entretiens Présenté par BURNET Régis, bibliste, Architecture et Théologie, entretiens avec Jean-Marie Duthilleul, architecte et le frère Philippe Markiewicz, directeur de la revue Arts sacrés, La foi prise au mot, diffusé le 07/05/2017, KTO télévision catholique
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PRÉSENTATION DES ACTEURS
Abbé Laurent Boucly
Recteur de la Basilique Notre-Dame de Saint-Omer et doyen de la Morinie
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Le Père Laurent Boucly est prêtre dans le diocèse d’Arras, recteur de la cathédrale de Saint-Omer et responsable du doyenné de la Morinie depuis 2014. Son vaste territoire recouvre pas moins de cinq paroisses et soixante-et-onze lieux de culte, dont le coeur se situe à SaintOmer. Formé au séminaire de la Société Saint Jean-Marie Vianney à Ars et au Séminaire Pontifical français de Rome, il atteste d’une forte expérience, d’innombrables compétences et connaissances en relation avec la théologie et la liturgie.
Maxence Guilbert
Titulaire d’un diplôme d’Etat en architecture Après un bac Arts Appliqués au lycée Saint- Denis à Saint-Omer, Maxence Guilbert est entré, en 2013, à la faculté d’architecture LOCI de l’Université Catholique de Louvain à Tournai en Belgique (anciennement Saint-Luc). Diplômé en juillet de cette année, il est arrivé à Paris, dès septembre, pour mettre ses connaissances et capacités au service d’une agence qui travaille déjà en grande partie au service des diocèses et des communautés paroissiales et monastiques, notamment dans le cadre d’aménagements liturgiques.
Maisons VASSEUR
Entreprise de constructions de maisons en ossature bois à Colembert Dans sa manière de penser le bois, l'entreprise Vasseur se situe dans le boulonnais et se veut familiale. Dirigée par Claude Vasseur, elle prône les valeurs humaines, la confiance, l'écoute et le respect mutuel. Elle propose un savoir-faire innovant pour tous types de constructions à destination d'une maîtrise d'ouvrage privée. Dans le projet, Claude Vasseur et Etienne Cazier rassemblent les collaborateurs de l'entreprise, leurs moyens et leurs compétences nombreuses, pour mettre en oeuvre un autel et un ambon de qualité.
José Mutez
Directeur de NAELS MARBRERIE POMPES FUNEBRES à Cassel Partenaire important et membre des donateurs de l'autel, José Mutez a contribué à la réalisation des plaques de marbre qui surmontent l'autel et l'ambon, en collaboration avec son fils Antoine Mutez. Dotée d'outils et de savoirs-faire authentiques, la marbrerie de Cassel est répandue sur le territoire audomarois. Elle a ouvert son atelier pour façonner et mettre en oeuvre la pierre angulaire du mobilier liturgique. Leur écoute et leur disponibilité ont participé à la construction de ce projet ambitieux.
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