Mémoire HMONP

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transformer plutôt que construire : l’opportunité d’une pratique élargie de l’architecture ?

maxime le droupéet

directrice d’études : maëlle Tessier

mémoire

HMONP - ensa nantes - 2021

merci

à l’équipe pédagogique de la formation nantaise HMONP, Fabienne Legros, Alexandre Morais et Guillaume Duranel. La situation sanitaire ayant régulièrement installé un écran entre nous, leur enthousiasme a malgré tout suscités de riches échanges en réactions aux nombreuses interventions qui se sont succédées.

à Maëlle Tessier, directrice d’étude, pour son suivi, ses conseils, et ses nombreuses références. Ses retours, complétés des échanges avec Oriane Jan et Julie Travers étudiantes à mes côtés lors de nos rendez-vous mensuels, ont permis d’affirmer mon regard et formuler mes intérêts en réaction aux apports théoriques.

à l’ensemble des architectes, collègues, acteurs du monde de la construction rencontrés dans les différentes agences traversées, pour leurs conseils, savoirs faires et expériences, généreusement partagés autour d’un bureau, d’une bière ou d’un café, de Nantes à Bruxelles. Un remerciement particulier à l’équipe de RAUM, pour m’avoir permis de rejoindre, dès le diplôme, le monde de l’agence avec envie et motivations !

à mes amis de l’ensa Nantes et d’ailleurs, à Louise, à ma famille, pour les échanges, les accords, désaccords, et leur soutien.

sommaire préambule

parcours professionnel introduction

les transformations de l’existant : des spécialisations à une pratique d’architecte ?

intervenir sur l’existant, un marché sans architecte ? le patrimoine : une spécialisation d’architecte décloisonner les pratiques avec l’existant : une opportunité pour la profession ?

attitudes de projet avec l’existant

enquêter, des outils pour considérer le déjà-là rendre possible des pratiques déstandardisées composer avec l’incertain

défendre une architecture du déjà-là : vers une pratique élargie de l’architecte

redéfinir le rapport entre architecture et programme assumer un rôle dans la fabrique des territoires défendre une architecture engagée

conclusion iconographie et bibliographie

retours sur la formation expériences en agence

préambule

La formation de HMONP s’inscrit comme la conclusion d’un premier cycle, et son mémoire comme l’invitation à un moment réflexif pour confronter mes premières expériences professionnelles à mes convictions personnelles. A cet instant, presque quatre ans après mon diplôme en architecture, il est l’occasion d’esquisser les contours d’une future pratique en nom propre, et, bien qu’inscrite dans des délais encore incertains, une tentative de définition de l’architecte que je souhaiterais être demain.

2011-2014

J’ai rejoint l’école d’architecture de Nantes il y a dix ans. Au-delà d’une formation généraliste, j’étais motivé par l’architecture pour son rapport au concret, mais aussi la possibilité de travailler à des échelles plus larges, urbaines ou territoriales. J’ai ainsi suivi des enseignements variés, des sciences à la sociologie, rappelant combien l’ouverture à des champs de connaissances élargies est essentielle à la fabrique du projet. Bien qu’aboutissant au dessin d’une architecture, la majorité des apprentissages accorde un temps conséquent aux études urbaines, et nous pousse alors à développer une analyse fine des contextes géographiques et sociaux : celle-ci s’affirmant comme la substance première du projet d’architecture. Si le temps des études entretient une certaine distance entre l’architecture et sa réalité construite : il m’est apparu comme un outil de compréhension des territoires, propice à développer un certain regard critique. Alors très vite, j’ai fait de la suite de mes études un prétexte à poursuivre ces investigations. Hors du studio de projet, ce début de formation était aussi l’occasion d’appréhender la réalité «construite» de l’architecture. Ma troisième année de licence a ainsi alterné études et stage de suivi de chantier aux cotés de Clarisse Crouigneau, sur le chantier de l’Auditorium de Rezé conçu par Rudy Ricciotti.

2015-2018

A l’amorce de mon master, je suis parti étudier à l’université Kasetsart à Bangkok. Cette année en Thaïlande a fait l’objet de mon mémoire de recherche, portant sur la ville générique, ses usages et son appropriation. A travers le relevé de plusieurs lieux de la capitale thaï, mon travail mettait en évidence comment l’architecture se fait support d’une vie collective.

C’était aussi la formulation d’outils particuliers pour représenter le réel, le dessin autant que la photographie devenant support d’une compréhension de l’architecture autant que de sa projection. Je suis ensuite parti au Japon, curieux de comprendre les mécanismes de production de l’architecture, dans un contexte aussi lointain qu’inspirant. Plus qu’une première découverte du monde de l’agence, mon expérience aux côtés d’Asako Yamamoto et Kentaro Takeguchi m’a montré combien le projet même en agence, est un moyen de compréhension du territoire, d’autant plus marquant par l’étrangeté éprouvée d’un nantais à Kyoto. Enfin, avant de rentrer terminer mon master à Nantes, je suis parti travailler à New-York pendant sept mois, au sein de l’agence danoise BIG et ses 150 collaborateurs.

Une année et demie pour découvrir de nouvelles pratiques et changer de contexte a aiguisé ma curiosité. La fin de mon master a été l’occasion d’un nouveau regard sur Nantes, attentif à ce qui m’avait captivé en Asie : l’imprévu des villes informelles et la richesse de situations inattendues. L’architecture m’apparaissait comme un outil privilégié pour susciter ces multitudes d’usages.

2018-2019

Au-delà de la découverte d’architectures et de territoires contrastés, mes expériences à l’étranger ont révélé une pluralité des modes d’exercices, qui questionne le rôle de l’architecte au sein des territoires et de la société. Si l’hétérogénéité du métier « d’architecte » peut être lié à des choix et à des cultures d’agences spécifiques, elle tient également beaucoup aux réalités du marché dans lequel l’architecte exerce. Mes premiers pas en tant que diplômé en architecture, suite à mon PFE m’ont permis d’explorer le cadre français. J’ai travaillé pendant presqu’un et demi chez RAUM, à Nantes, principalement occupé par des concours et premières phases d’études d’équipements publics. Bercé par l’innocence des études et la pratique du projet sans « contraintes », la pratique en agence a révélé une tout autre dimension du rôle de l’architecte. Mes envies de participer aux questionnements de la ville ont parfois été freinée par le cadre de la commande publique, qui, bien que «respectueux» du travail des architectes, m’a souvent donné l’impression d’arriver «après la bataille». Au-delà d’appréhender les réalités constructives d’architectures de qualité, j’ai parfois été frustré par la précipitation des concours, leurs tableaux de surfaces difficiles à contredire ou la rigidité des images exigées, qui trop souvent, figent le projet avant les premiers échanges. Motivé par des raisons personnelles, j’ai alors décidé de quitter Nantes pour Bruxelles, malgré des conditions de travail « précaires », où le salariat a

disparu au profit d’une armée des « freelancers ».

2019-2021

J’ai d’abord travaillé successivement avec deux jeunes bureaux, Générale puis Ouest, sur des projets et phases variés, de la maison individuelle à la transformation d’un théâtre bruxellois en collaboration avec Bruther. Cette multiplication d’expériences en agences, à la suite de RAUM et de mes stages, m’a permis d’envisager une multitude d’approches architecturales, tant dans le processus de conception que l’expérience et la gestion des moyens humains, économiques et matériels, sans cesse à adapter face à la singularité de chaque projet.

Aujourd’hui, en parallèle de la formation HMONP, je travaille chez 51N4E à Bruxelles depuis deux ans. L’agence regroupe une cinquantaine de collaborateurs et travaille sur des sujets variés, de l’architecture à l’urbanisme. Pour ma part, je suis investi depuis mon arrivée sur la transformation de deux bâtiments du 18ème siècle, constitutifs d’un ancien hôpital parisien. Par choix, ce projet est l’opportunité de continuer à pratiquer et comprendre le cadre français, dans lequel je veux pratiquer demain, tout en bénéficiant d’une culture du projet différente. Ce projet de réhabilitation, dans la ZAC St Vincent de Paul à Paris ; la transformation des bâtiments Robin et Oratoire en un ensemble de logements et équipements culturels, est ainsi l’occasion de confronter les outils d’une agence belge, habituée à la négociation et à la remise en question des décisions en s’immisçant parfois en amont de la commande, aux réalités du contexte français.

Mais outre la commande, Robin-Oratoire est surtout la découverte de la pratique dans l’existant, où l’architecte se plie aux réalités de la transformation plutôt que la construction neuve. Par l’attention nécessaire au cadre bâti pré existant, j’ai retrouvé le plaisir que j’avais à dessiner pour comprendre le déjà-là, qui parfois, se fait « prétexte » pour requestionner les règles de la commande. Ainsi, motivé par ce plaisir de la transformation autant que les enjeux environnementaux, ce mémoire sera l’occasion d’étudier comment bâtir dans le bâti peut s’affirmer comme un nouveau paradigme, et par la même occasion, l’opportunité de réinterroger le cadre de pratique de l’architecte face à ces nouveaux enjeux. Il sera une tentative, surement optimiste, de projeter une future pratique en France, puisque j’envisage de revenir m’y installer dès l’automne.

parcours professionnel

51N4E, depuis octobre 2019, Bruxelles diplômé d’architecture, co chef de projet

Transformation des bâtiments Robin Oratoire, Paris 14, en collaboration avec l’atelier Monchecourt 40 logements, restaurants et commerces, ateliers d’artistes et salles d’expositions, DCE en cours

ouest, mai 2019 septembre 2019, Bruxelles diplômé d’architecture, chef de projet

Transformation du Kai Theater, Bruxelles, en collaboration avec Bruther, concours

générale, janvier 2019 mai 2019, Bruxelles diplômé d’architecture, assistant de projet

Rénovations de maisons unifamiliales, phases variées jusqu’à PRO

Ecole 8 & 9, Ixelles, PRO

RAUM, février 2018 janvier 2019, Nantes

diplômé d’architecture, assistant de projet

Extension d’une maison de vacances, Quiberon, APD

Extension et rénovation de l’école de la Mutualité, Nantes

Concours variés (écoles, conservatoires, Réinventer le Grand Paris...)

stages

RAUM, mars 2017 juillet 2017, Nantes

Extension de l’ENSAM, Angers, concours, APS

BIG, janvier 2016 août 2016, New-York

Extension du musée de l’horlogerie Audemars Piguet, Suisse, PRO

alphaville architects, septembre 2015 décembre 2015, Kyoto

Rénovations de maisons unifamiliales, APS APD

clarisse crouigneau, 2014, Nantes

Auditorium de Rezé, en collaboration avec Rudy Ricciotti

Réunions hebdomadaires et synthèse

formation

ensa Nantes, février 2018

PFE «Ceci n’est pas une maison de retraite»

Transformation d’une infrastructure ferroviaire en centre de jour pour personnes âgées, Nantes

Equipe : Julien Perraud, Frédéric Péchereau, Jean-Louis Violeau

Mémoire «Bangkok : portrait d’une globalisation singulière».

Réflexions sur la ville générique et confrontations aux usages informels d’une ville monde.

Directrice d’étude : Maëlle Tessier

KU Bangkok, septembre 2014 juin 2015

Année d’échange à l’étranger, master 1 expériences personnelles

avril 2020

Concours d’idée pour la transformation du Chateau de la Tour d’Aigues, France

Prix Wilmotte 2020, avec Guillaume Durand

juillet 2018, Venise

Masterclass du Grand Prix de l’Architecture, Venise, Italie

Equipe : Jean-Marc Ibos, Myrtho Vitart, Antoine Béal

août 2015, Ajaccio,

Workshop CAUE 2A - Ville d’Ajaccio «Le Patrimoine du XXIème siècle, une histoire d’avenir»

Equipe : CAUE 2A, Tanya Concko, Alicia Orsini, Christine Carboni

2013 2014, Paris

Concours Minimaousse «Street Food», projet mentionné, avec Kimiko Bonneau

Elaboration d’un guide visant à développer la street food à Paris

introduction

rénover, réparer, réhabiliter, recycler, réemployer, reconvertir, reconstruire, restructurer, restituer...

Une variation de "re" s’est installée dans le langage architectural et souligne la multitude des interventions possibles sur les bâtiments existants. Face à la raréfaction des ressources autant que du foncier, aux impératifs économiques et écologiques, la transformation architecturale est rendue impérative. Envisager les transformations de l’existant plutôt que la construction neuve, c’est confronter les réalités de la construction à l’épuisement des ressources naturelles et aux problèmes de pollutions ; de fait, questionner la place de l’architecte au sein d’un secteur à l’impact environnemental lourd.

Pourtant, si chacun des termes en «re» évoqués précédemment renvoie à une multitude d’interventions, ils représentent une part minoritaire du travail des architectes, pourtant acteur essentiel de la chaîne de construction. Au sein de la profession, le sujet a parfois été clivant et a longtemps opposé de manière caricaturale l’ancien au neuf. Mais au-delà de quelconques «débats» théoriques, les impératifs économiques et les politiques à court terme continuent de placer la construction neuve comme réponse évidente, sous prétexte de bâtiments existants difficiles à conjuguer aux volontés et normes actuelles. Pourtant, «beaucoup de ruines antiques furent investies par les habitants qui tendaient des maçonneries entre deux colonnes, les maisons et appartements n’ont de cesse d’adapter leurs espaces à leurs occupants successifs, plusieurs quartiers prestigieux furent sauvés malgré l’insalubrité proclamée qui avait déjà fait tomber plusieurs îlots ouvriers dans Paris et autres grandes villes de France, les secteurs sauvegardés ont porté leurs fruits, les halles petites ou grandes ont renouvelé leur usage, la reconquête des sites industriels a trouvé ses heures de gloire, le patrimoine de toutes les régions a aujourd’hui la faveur de politiques qui mettent à l’honneur leur réhabilitation.»1.

1 Guignard Mireille, « Construire dans l’existant» https://anabf.org/pierredangle/dossiers/construire-dans-l-existant, n°74

Ces évolutions doivent nous pousser à considérer les situations construites comme nouveaux lieux de projets. Ainsi, malgré un contexte économique difficile et une concurrence accrue, certains architectes font le choix d’une stratégie basée sur l’intervention dans l’existant.

Les architectes, en raison de leurs compétences spécifiques et de leurs expériences, semblent aujourd’hui les plus à même à répondre à ce type de problématique. Face à la complexité des projets et au manque d’imaginaires des décideurs, l’architecte, en tant que maillon essentiel de la chaine de construction, a la nécessité de s’engager pour un changement de paradigme, et en ce sens, militer pour que transformer l’existant devienne la norme. Il ne s’agit pas de conserver à tout prix, mais se donner le moyen d’interroger, à chaque projet, les possibilités de faire avec ce qui est déjà-là. La volonté de ne pas démolir ne doit pas se limiter à un sens poussé du devoir de mémoire ou de quelques idées nostalgiques autour de la question patrimoniale. «Ne pas démolir, c’est désormais construire une stratégie. Une stratégie d’enrayement de la fatalité et du désenchantement. Une stratégie du réengagement de l’architecture sur le champ des plaisirs, sur la question d’habiter, d’occuper, sur la question générale de la liberté d’usages des lieux et des espaces.»1.

Ce mémoire, à travers des échanges avec différents architectes engagés2 dans les transformations de l’existant, mais aussi au regard de ma pratique en agence sur différents projets de transformations, est l’occasion de comprendre en quoi travailler avec l’existant peut-il constituer l’opportunité d’une pratique engagée et élargie de de l’architecte, acteur de la fabrique des territoires ?

D’abord, il s’agit de comprendre, de manière synthétique, le cadre du marché de l’existant dans le domaine de la construction. Si l’époque moderne a contribué à une forme de désintérêt pour les bâtiments existants en prônant «la tabula rasa» à tout prix, les architectes n’en portent pas la seule responsabilité. Les données politiques, culturelles et économiques ont contribué à mettre les transformations de l’existant au second plan. Pourtant, les interventions possibles sont variées et ont longtemps renvoyées à des spécialisations d’architectes, tantôt liées au patrimoine reconnu, tantôt aux réhabilitations thermiques, etc. La première partie de ce mémoire est l’occasion de porter un regard sur les conditions du marché de l’existant ces dernières décennies, et comprendre le potentiel d’évolution d’un marché où l’architecte demeure peu présent, bien que représentant une part conséquente de l’activité de construction.

2 Ce mémoire de HMONP s’appuie notamment sur des entretiens et discussions avec Jean-Aimée Shu, architecte associé Soja Architecture; Yann Damiani, architecte associé Silo Architecture; Roshane FaïfeLajonie, architecte du patrimoine Atelier AM&C; Gaëlle Parpaillon Lhommedé, architecte HMONP, Titan architecture, en charge de la transformation de la médiathèque et CIAP de Pont-Péan.

1 Druot Frédéric, «Ne pas démolir est une stratégie» Architectes d’Aujourd’hui, n°374, p.72.

Face à ces réalités, mais aussi aux nouvelles opportunités esquissées par l’évolution récente des réglementations et politiques, la deuxième partie s’intéresse aux outils de l’architecte pour définir une architecture de l’existant. «Nous ne pouvons corriger les erreurs du passé avec les outils qui les ont créer», notait Dominique Gauzin Muller à l’occasion de son intervention en session HMONP. En tant que profession réglementée, l’architecte exerce dans un cadre lui mettant à disposition des outils variés qu’il s’agit de saisir pour développer une architecture respectueuse du déjà-là. La deuxième partie sera alors l’occasion d’explorer et comprendre le cadre actuel pour saisir les outils, tant contractuels que méthodologiques, à disposition de l’architecte pour développer une pratique sensible et encourageante du déjà-là.

Enfin, il s’agira de comprendre en quoi l’expertise de l’architecte (par le projet, par sa compréhension de l’espace, par sa capacité à synthétiser) est aussi l’occasion de se saisir du déjà-là pour réinvestir des champs parfois mis de côté de la maîtrise d’oeuvre, et ainsi retrouver un investissement concret dans la fabrique des territoires. Convaincu et responsable du rôle de garant des territoires, tel que formulé dans la loi du 3 janvier 1977, la troisième partie illustrera combien l’expérience acquise par la pratique avec l’existant, peut devenir l’opportunité de ré investir des champs de la fabrique des territoires dont l’architecte «maître d’œuvre» est aujourd’hui quelque peu dépourvu.

Spectateur des transformations d’une île pendant mes études, Alexandre Chemettoff a démontré combien l’architecture existante pouvait être à l’origine d’un développement urbain riche. Il me semble d’autant plus crucial de considérer l’existant comme point de départ, pour envisager une pratique d’architecte demain, attentive aux enjeux contemporains.

La série des «re» est alors a envisager comme un ensemble d’outils à mobiliser pour définir les transformations de l’existant comme le nouveau paradigme de l’architecture demain. Volontairement, «l’existant» dont il est question dans ce mémoire est abordé au sens large, sans aucune hiérarchisation ni considération patrimoniale, considérant autant la grange du bord de la départementale que l’hôpital parisien du 18ème siècle. Cette hiérarchisation, parfois inévitable tant elle est liée à des questionnements économiques, ne doit pas remettre en question les «attitudes» architecturales envisagées dans ce mémoire.

les transformations de l’existant : des spécialisations à une pratique d’architecte ?

1.1 Intervenir

sur l’existant, la faible présence des architectes

Cette première partie est l’occasion d’étudier la place des architectes dans le marché des transformations de l’existant. Si la Fédération Française du Bâtiment distingue clairement deux champs d’interventions, réparties entre la construction neuve et « l’entretien-amélioration » relatif aux travaux sur l’existant, il est important de considérer la multitude des interventions possibles quand il s’agit de travailler avec l’existant. De la rénovation à la réhabilitation en passant par l’entretien, les champs d’actions sont vastes et l’implication des architectes demeure fluctuante face aux réalités de ces marchés. Dans un premier temps, l’enjeu est de comprendre la faible présence des architectes sur le marché de la réhabilitation. Dans un second temps, il semble intéressant d’explorer le lien entre architecte et patrimoine, où le contexte réglementaire a fait émerger l’image d’un architecte autant garant que spécialiste du « déjà-là ». Finalement, au regard des compétences mobilisées pour le patrimoine, il s’agit de comprendre en quoi cette expertise spécifique peut-elle être mobilisé pour ré investir la profession sur le marché de l’existant.

1.1.a Un marché de l’existant peu encadré

Le marché de l’existant représente une part majoritaire des travaux en France; en 2019, la production en travaux de bâtiment a représenté 148 milliards du marché de la construction en France, dont 79 milliards pour le marché de « l’entretien-amélioration » d’euros1. Toutes interventions confondues (entretien, réhabilitation…), il s’agit d’une manne économique importante pour les professionnels de la construction, pourtant, si ce marché représente plus de la moitié de la production française, les architectes y jouent un rôle relativement limité. Les derniers chiffres communiqués par l’Ordre des architectes soulignent le fort investissement des architectes sur la construction neuve, au dépend du travail avec l’existant, puisqu’en 2020, il ne représente seulement 28,4% de leur activité2

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette relative absence d’un marché pourtant en constante progression. D’abord, le marché de l’existant semble assez peu encadré : en France, le monopole des architectes est en partie assuré par le recours au permis de construire, mais par dérogation, certains travaux sur l’existant peuvent s’affranchir de telles démarches4. Lorsque les opérations ne concernent que l’aménagement intérieur, sans création de surface, changement de programme ou modifications visibles de l’extérieur, le recours à l’architecte n’est pas obligatoire

Bâtiment en chiffre, Edition 2020, Fédération Française du Bâtiment, 2020.

Les chiffres MAF, Edition 2021, Mutuelle des architectes français, p. 10.

Toussaint Jean-Yves, Concevoir pour l'existant. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2006, Lausanne

Journal officiel du 4 janvier 1977, loi n°77-22 du 3 janvier 1977 sur l'architecture

: « ces dérogations libèrent une grande partie de l’activité d’entretien-amélioration du monopole de l’architecture sur les projets soumis à permis de construire. »1.

De plus, la commande est majoritairement constituée de projets de petite taille, faiblement rémunérateur : « le chantier médian déclaré par les architectes en rénovation de logement s’élève à près de 50 000 euros de travaux annuels quand le chantier moyen avoisine les 110 000 euros annuels. »5. En effet, une partie importante des projets dans l’existant est réalisée par des maîtrise d’ouvrage privées et occasionnelles. La rémunération des architectes, basée sur des honoraires calculés au pourcentage du coût des travaux, représente alors une « incertitude » aux yeux des maîtrises d’ouvrage qui limitent le recours à l’architecte. Au contraire, « la position de l’entrepreneur, de l’artisan, de l’installateur (vendeurs de fenêtres, vendeurs d’énergie...) constitue une position clé dans l’activité de réhabilitation. Ils apportent généralement des réponses simples (et simplistes ?) à des problèmes de confort. L’existant est ainsi investi par une multitude d’acteurs commerciaux, qui, par leur logique segmentée, contribuent à renforcer le phénomène d’émiettement. Ils se substituent à la maîtrise d’œuvre en devenant prescripteurs.»2.

Le marché de l’existant, ainsi caractérisé par de faibles montants de travaux, et la possibilité de s’affranchir des procédures administratives « traditionnelles », contribue à une forme « d’atomisation de la commande ». En plus de conférer une grande liberté d’action aux maîtres d’ouvrage, il fait naître un marché très concurrentiel où les fournisseurs, entreprises de travaux spécialisées et les bureaux d’études techniques sont en mesure d’occuper une place importante, en complément des travaux de transformations entrepris par des particuliers ayant recours à l’auto-réhabilitation.

1.1.b Des approches « technicistes » ?

La difficulté à affirmer la plus-value de l’architecte

En plus d’un cadre réglementaire relativement permissif, les modes de financements ayant pour but d’inciter à la rénovation des bâtiments, notamment ceux du parc d’habitat social, peuvent agir comme un frein au positionnement des architectes. En effet, les aides financières, notamment celles octroyées dans le cadre de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat (ANAH), visent moins la qualité architecturale que l’organisation d’un marché privé du logement social. Depuis les années 80, une importante part des travaux sur l’existant est liée aux

"Le marché de la rénovation énergétique pour les architectes", www.architectes.org, 2017

2 Toussaint Jean-Yves, Concevoir pour l'existant. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2006, Lausanne, p.156.

rénovations énergétiques, motivée par les subventions de l’Etat : ces interventions relèvent à première vue d’enjeux techniques. Motivés par « l’urgence d’agir », elles ont souvent fait émerger des pratiques technicistes, où la rénovation se limite à des solutions techniques, diagnostiquées par des bureaux d’études ou entreprises directement liées aux fournisseurs de matériaux. Des entreprises spécialisées, parfois appuyées de bureaux d’études techniques, préconisent alors une solution facilement quantifiable, visant à atteindre l’objectif énergétique, sans considérer une quelconque approche globale. Les liens parfois importants entre entreprises spécialisées, bureaux d’études techniques et certains industriels du secteur privilégient l’application d’un matériau industriel unique, sans envisager d’éventuelles améliorations pouvant améliorer le confort des usagers. Les récentes réglementations thermiques, et notamment la RT 2012, ont par exemple fait de l’isolation par l’extérieur la norme : les bâtiments sont enrobés d’une couche d’isolant étanche, répondant aux objectifs énergétiques mais tout à fait critiquable d’un point de vue de la durabilité ou de leur impact environnemental.

Cette segmentation du marché de l’existant, rend difficile l’établissement d’un projet global, et mène à des solutions « partielles » ne considérant pas le bâtiment dans sa globalité. L’ensemble de ces procédures modifie le rôle du maître d’œuvre : plutôt que concepteur, son recours est motivé par l’obtention de labels. Malgré l’investissement de certains bureaux d’architecture spécialisés en rénovation thermique, de nombreux professionnels assurent des missions de maîtrise d’œuvre au dépend de l’architecte. Les récents débats autour de « l’Accompagnateur Rénov’», décrit dans le rapport Sichel comme un «accompagnateur (...) à la tâche vaste et multiple : proposer au client les travaux adaptés à son logement, préparer le plan de financement, sécuriser le parcours auprès des différentes parties prenantes, opérer le suivi des travaux, et même, dans certains cas, porter la responsabilité d’une rénovation globale»1, illustre combien les transformations de l’existant, encouragées par la transition écologique, continuent de garder à distance l’architecte, quand bien même sa formation devrait en faire un acteur privilégié. Pour un grand nombre, les transformations de l’existant relèvent plus de la technique que de la conception, et le recours à des « techniciens » semble plus naturel.

1.1.c Un désintéressement de la profession ?

Cette mise à distance des architectes dans le marché de l’existant témoigne aussi de «barrières culturelles». Face à cette prévalence des aspects techniques et de direction des travaux, les architectes sembleraient s’être quelque peu désintéressés de ce secteur en 1

«Rénovation énergétique : ce que contient le rapport Sichel», Florent Lacas, batiactu.com, 2021.

se recentrant largement sur des activités de conception. Olivier Chadoin ajoute que « la réhabilitation demeure un secteur boudé car ne correspondant pas à l’image de l’architecte créateur d’un objet nouveau et singulier. »1. Ainsi, aux yeux des maître d’ouvrage, l’architecte n’est pas toujours reconnu pour ses compétences techniques mais plutôt pour ses capacités à faire projet. « Insuffisamment formés sur les interventions dans l’existant, manquant d’expérience, souvent jugés incompétents par les maîtres d’ouvrage, les architectes ont du mal à se faire reconnaître comme professionnels de la réhabilitation. »2. Cet aspect est ainsi accentué par les maîtrises d’ouvrage qui se retournent vers l’architecte en tant que prestataire, où son rôle se limite de plus en plus à des tâches liées à la réalisation du permis de construire, oeuvrant comme un prestataire accompagné de bureaux d’études. Néanmoins, il est important de reconnaître la présence de nombreux architectes engagés qui, en se spécialisant sur les marchés de l’entretien, des co propriétés ou de la rénovation, contribuent à faire évoluer ces réalités.

1.2 Le Patrimoine, une spécialisation d’architecte

1.2.a La mise en place d’un cadre protecteur

En plus de ces spécialisations, travailler avec l’existant renvoie directement à la notion de patrimoine, défini par l’UNESCO comme « les biens hérités des ascendants, réunis et conservés pour être transmis aux futures générations ». L’Etat, depuis les premières politiques de préservation et conservation du patrimoine patrimoniales qui remontent à la Révolution française, s’est peu à peu rendu garant de la préservation du patrimoine. D’abord à travers les Commissions des Monuments et l’Inspecteur Général des Monuments Historiques, puis par l’intermédiaire des Commissions Culturelles et des collectivités territoriales, un inventaire « national » est constitué, regroupant l’ensemble des biens dont la valeur d’intérêt public est reconnue. Différents degrés de protection, incluant les bâtiments en question autant que les périmètres alentours, ont alors progressivement été mis en place et impliquant le contrôle des représentants de l’Etat en cas d’interventions : - les bâtiments historiques classés, qui nécessite l’intervention d’un architecte en chef des monuments historiques dès la moindre intervention ou un architecte titulaire du DSA Architecture et Patrimoine, - les bâtiments historiques inscrits, qui nécessitent l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France, - les bâtiments reconnus au titre de la commission régionale du patrimoine ou des différents PLU, qui font l’objet d’une attention particulière des collectivités bien que ne nécessitant pas l’aval

Chadoin Olivier, Etre architecte : les vertus de l'indétermination, Presses Universitaires de Limoges, 2017. Toussaint Jean-Yves, Concevoir pour l'existant. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2006, Lausanne, p.156.

de l’Etat. Ces bâtiments s’ajoutent à des «zones de protection» intégrant des ensembles de bâti, dont la qualité des différents bâtiment forment un ensemble à la valeur reconnu.

Ces différents classements sont l’opportunités de financements variés sous forme de subventions ou aides fiscales. L’Etat et les collectivités territoriales se positionnent comme des incitateurs oeuvrant à la préservation du déjà-là. Néanmoins, au regard des critères patrimoniaux à respecter, ce cadre est parfois jugé trop «rigide» et protecteur, et peut participer à une forme de scission dommageable entre le patrimoine et l’architecture contemporaine. Toutefois, l’élargissement progressif de la notion de «patrimoine», les volontés de faire revivre les bâtiments hérités du passé et l’engagement de certains architectes du patrimoine contribuent au renouvellement des pratiques.

1.2.b Une expertise à mobiliser

De plus, la forte implication de l’Etat a fait émerger des savoirs faire essentiels pour la restauration et le maintien des édifices existants. Il est notamment à l’origine de la création de l’école du Louvre, désormais Ecole de Chaillot, à laquelle s’ajoute différentes formations menant au diplôme de spécialisation Architecture et Patrimoine. Les écoles d’architecture de Belleville et de Grenoble proposent depuis peu des diplômes de spécialisation avec des mentions particulières sur le patrimoine du XXème siècle et sur l’architecture de terre. Si ces formations se sont originalement développées autour des « monuments historiques », les différents outils et connaissances techniques qu’elles inculquent sont un atout considérable à saisir pour développer une pratique autour de l’existant, au-delà du grand patrimoine. La formation repose en grande partie sur des travaux de documentation et le développement d’un processus d’analyse, afin d’appréhender les bâtiments existants dans leur globalité. L’apprentissage d’outils spécifiques tels que le relevé, le diagnostic mais aussi sur les différentes doctrines liées à la restauration sont autant d’outils qu’il est intéressant de convoquer lorsqu’il s’agit de transformer l’existant, peu importe la reconnaissance de sa valeur patrimoniale.

Dans la veine de Philippe Prost, qui revendique une architecture «une et indivisible»1, sans dissociation entre l’architecture contemporaine et l’intervention patrimoniale, de jeunes agences d’architecture s’emparent de ces formations sans pour autant se revendiquer «spécialisé». C’est le cas de l’agence Antoine Dufour : «Notre pratique n’est pas exclusive de ce domaine-là. On est d’une génération qui est un peu spectatrice d’une époque

1 Prost Philippe, «Pas de création sans mémoire», Leçon inaugurale à la Cité de Chaillot, Paris, 2015..

moderne qui a balayé la question du patrimoine, qui l’a traité d’une façon très distancée de l’architecture contemporaine. Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est qu’il existe deux mondes, celui de l’architecture, celui du patrimoine, on pourrait presque rajouter celui d e l’architecture d’intérieur. C’est un héritage auquel on ne s’identifie pas, on vit notre pratique de manière décloisonnée, mais on se rend compte qu’on a aussi certains obstacles à cette quête de décloisonnement. C’est tout un fonctionnement, un rouage administratif institutionnelle qui aujourd’hui structuré autour de l’architeture contemporaine. (...) L’idée est de faire évoluer les pensées, les doctrines, voir plutôt la faire disparaître, c’est un travail très long à mener et qui doit se faire d’une voie commune.»1. De jeunes agences font ainsi le choix délibéré de se spécialiser, dès leur création, aux transformations de l’existant. Parmi les agences étudiées ou interrogées, de nombreuses d’entre elles sont passées par l’Ecole de Chaillot, cette formation est une stratégie assumée, en plus de l’intérêt évident pour le déjà-là. Leurs postures illustrent autant la prise de conscience d’une profession pour un marché jusqu’alors mis de côté, mais aussi l’évolution permanente de la définition du « patrimoine ». Pour certains installés dans des territoires excentrés, hors des métropoles, le patrimoine qu’ils affectionnent est autant l’église du village que les vieux logis de ferme. En effet, l’Ecole de Chaillot est aussi un moyen de renouer avec des modes constructifs anciens et locaux, de développer une attention importante au contexte tout en démontrant la capacité à le comprendre.

1.3 Décloisonner les pratiques avec l’existant

Une opportunité pour la profession ?

1.3.a Des précurseurs : la prise de conscience

A travers les financements ou la protection, la participation de l’Etat à la sauvegarde du patrimoine, reconnu ou non, s’avère essentielle pour encourager la considération des bâtiments existants : la loi constitue un argument fort pour lutter contre leur démolition. Néanmoins, comme vu précédemment, les pratiques demeurent assez marginales au-delà du grand patrimoine, et tout bâtiment n’acquiert pas le droit à la restauration. Cependant, les années 80 ont vu émerger une série d’architectes engagés, dont la pratique privilégiait la transformation de l’existant à sa démolition. On peut notamment citer Patrick Bouchain, Alexandre Chemetoff, Reichen et Robert, qui a travers un travail mêlant urbanisme et architecture, se sont attachés à révéler les qualités du déjà-là. Plus récemment, et ramenés sur le devant de la scène grace à

1 Dufour Pierre, «Récit d’agence Antoine Dufour», conférence à l’ENSA Grenoble, 2021.

l’attribution du Prix Pritkzer 2021, les architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal font partie de ces générations d’architectes luttant contre la démolition. Leur opération pour la Tour Bois Le Prêtre, suivi du Grand Parc à Bordeaux illustrent particulièrement bien leur conviction. Leurs travaux portent une attention particulière au déjà-là et mettent en place les conditions de sa réutilisation : à la différence des approches patrimoniales, la question est plutôt motivée par des enjeux environnementaux et la nécessaire frugalité. Elle vise également à élargir la notion de patrimoine, où celui-ci n’existe pas seulement pour sa qualité «constructive » reconnue mais aussi pour sa dimension vécue et pratiquée par ses habitants ou utilisateurs. Les bâtiments existants, au regard de ces pratiques, sont transformés pour la capacité à porter de nouveaux usages, tout en s’épargnant du fort impact carbone d’une construction neuve.

Si ces projets marquants sont le fruit de pratiques d’architectes engagés, il est toutefois important de souligner le rôle prégnant des maîtrises d’ouvrage et de collectivités publiques engagées à leurs côtés. Une fois de plus, le rôle de l’Etat est fondamental dans l’émergence de pratiques jugées jusqu’alors « expérimentales ». Au-delà de ces maîtrises d’ouvrages « exceptionnels », face aux enjeux environnementaux, l’Etat commence lui aussi à s’engager pour favoriser les transformations de l’existant plutôt que la construction neuve.

1.3.b Vers un changement de paradigme ? L’accès à un marché porteur

Depuis les années 1990, les politiques de la ville ont mis en place une série de mesure visant à encourager la réhabilitation et la transformation architecturale, à travers une série de procédures administratives et financements. L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, créée par la loi du 1er août 2003, a ainsi lancé une série de programme visant à rénover certaines typologies de quartiers, tel que le Plan National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés initié en 2009. En complément, certains programmes expérimentaux, tantôt mis au point par l’Etat, tantôt directement par les collectivités territoriales, accompagnent le développement de la réhabilitation des logements ou bâtiments de bureaux, dans des perspectives environnementales, sociales et économiques. En mobilisant des acteurs variés de la construction, ils ont la volonté d’impulser une nouvelle culture de la transformation. C’est notamment le cas du programme REHA, qui à l’initiative du PUCA, promeut les opérations exemplaires de réhabilitation en dépassant les seules critères d’ambitions énergétiques.

En plus de ces programmes, les évolutions récentes des règlements urbains incitent aux interventions sur les territoires déjà construits et à la préservation des bâtiments existants. Dans certain cas, il s’avère plus intéressant d’un point de vue économique de préserver le bâtiment existant plutôt que de le démolir, le nombre de mètres carrés autorisés à construire étant désormais inférieurs. De plus, les municipalités sont à l’initiative de programmes visant à valoriser certains bâtiments en poussant à leur réutilisation. C’est notamment le cas du dernier appel à projets de la ville de Paris, qui à l’occasion d’un énième Réinventer Paris1, propose de transformer plusieurs immeubles de bureaux vacants en logements. L’ensemble de ces évolutions sont autant de paramètres à prendre en compte, pour défendre une architecture du déjà-là. Elles ont le mérite de faire évoluer les discours et participent à la structuration de filières chez l’ensemble des acteurs de la construction. On peut notamment remarquer, ces dernières années, la création de filiales de promoteurs immobiliers spécialisées dans les rénovations.

Le secteur de la transformation de l’existant est un domaine qui est amené à prendre de l’importance dans les années à venir. S’il a longtemps été segmenté en divers spécialisations, les possibilités d’interventions ne cessent de croître et de s’élargir, au-delà du travail sur des édifices avec une valeur historique. De plus, alors que les pratiques dans l'existant ont longtemps été considérées comme une "spécialisation", certaines agences revendiquent aujourd'hui le travail avec l'existant comme l'opportunité d'une pratique plurielle. La reconnaissance de leurs savoirs faire est en effet l'occasion de travailler sur des programmes variés, sous prétexte de l'existant, là où certaines agences peinent à diversifier leurs pratiques une fois reconnues sur tel ou tel programme. Ainsi, la profession se réempare progressivement du marché de l’existant, poussée par « un rôle civique qui, par la montée en généralité et le rattachement de l’intervention architecturale à des grands enjeux collectifs et sociétaux atteste de la légitimité des professionnels de l’architecture ; un pôle marchand où il s’agit de convaincre le client ; enfin, un pôle de l’inspiration qui est le socle des valeurs professionnelles partagées avec les pairs.»2.

La suite de ce mémoire est l’occasion d’étudier comment, par ses compétences, ses responsabilités et son engagement, l’architecte, est en mesure de s’affirmer comme un acteur incontournable des interventions sur l’existant. Enfin, il s’agira de comprendre comment, dans des contextes tout à fait hétéroclites, le travail sur l’existant et la reconnaissance d’une certaine expertise est l’occasion de s’emparer de types de commandes variées, parfois au-delà de la maîtrise d’oeuvre.

1 «Réinventer Paris - transformer les bureaux», www.paris.fr/pages/reinventer-paris-transformer-lesbureaux-en-logements-16677, 2021.

2 Chadoin Olivier, Etre architecte : les vertus de l'indétermination, Presses Universitaires de Limoges, 2017, p.343.

attitudes de projet avec l’existant quels outils pour placer l’existant au coeur du processus architectural ?

Par sa position et ses responsabilités, l'architecte nécessite de mobiliser un certain nombre de connaissances et de capacités. Au regard des acteurs, des programmes et des contextes, celles-ci diffèrent en fonction des projets sur lesquels l'architecte s'investit. Cette partie sera l'occasion d'exposer quelles peuvent être les spécificités de l'exercice du métier lorsqu'il se concentre sur les transformations de l'existant. Les différentes méthodes envisagées dans cette partie ne constituent pas une unique manière de faire, et sont à redéfinir face à la singularité de chaque projet. Néanmoins, elles témoignent d'attitudes d'architectes engagés dans le travail avec l'existant, et m'apparaissent comme des "outils" possibles et nécessaires au bon déroulement d'un projet d'architecture.

2.1 « Enquêter » : des outils pour considérer le déjà-là

La considération du contexte est propre à tout projet d’architecture et en définit les conditions d’intervention. A la différence d’autres éléments fondateurs tels que le programme ou la définition d’un budget, dont la maîtrise d’ouvrage porte la responsabilité, la prise en compte du contexte est un devoir propre à l’architecte. Elle est d’autant plus cruciale lorsqu’il ne s’agit pas d’un terrain libre de construction mais d’un bâtiment existant. Le contexte s’impose alors comme le fondement du projet, et, dans certains cas, l’architecture ne sera qu’un « outils » pour le remettre en usage. Le projet commence alors par un temps d’observation et d’analyse, visant à mieux comprendre les conditions d’interventions. A travers le dessin, le relevé, la photographie et la recherche documentaire du moindre élément ou espace qui constitue le déjàlà se joue la compréhension de l’existant, qui devient vecteur du projet. Le regard que l’on porte sur la situation existante conditionne alors le type d’intervention : en connaître précisément l’état est essentiel pour identifier, sans a priori, les possibilités autant que les dommages.

2.1.a La compréhension du « déjà là », fondement du projet

« Par décryptage de leur nature, par anamnèse de leur passé, par extrapolation patiente de leurs qualités intrinsèques, les lieux sont ainsi amenés à engendrer localement le programme de leur propre évolution (…). »1

La compréhension d’un bâtiment existant est d’abord un moment de constat, où le relevé, à travers la production de plans, permet de mesurer l’existant, ses espaces, ses ouvertures, ses matériaux, mais aussi un temps de compréhension et d’analyse, le diagnostic, où des

1 Fromonot Françoise, "Manières de classer l'urbanisme", in Criticat 08, 2012.

situations observées émergent un certain nombre d’interventions à prévoir. Ces outils définissent et mettent en avant une expertise propre de l’architecte ; la capacité à comprendre les bâtiments existants autant que leur potentiel pour devenir autre. Si certaines architectures, par leur valeur patrimoniale, portent en elles les conditions de nouveaux usages, il n’en est pas toujours le cas des architectures plus ordinaires qui, aux yeux des potentielles maîtrises d’ouvrage, n’offrent que peu de possibilité. L’architecte, au regard de ses compétences, est en mesure de révéler les qualités irrévélées et revendiquer les potentiels d’une architecture existante pour privilégier sa transformation plutôt que la démolition.

Dans le cadre d’une intervention dans l’existant, la maîtrise d’ouvrage a pour devoir de transmettre l’ensemble des documents en sa possession susceptible de renseigner l’équipe de maîtrise d’œuvre sur l’état du bâtiment existant. En l’absence de documents suffisant, l’architecte se doit de demander des relevés complémentaires. Ainsi, en croisant relevés géomètre et diagnostic techniques avec l’expérience du bâtiment, l’architecte est en mesure de dresser un portait relativement précis du bâtiment, attentif à ses espaces, défaillances, ... En plus cet état des lieux factuel, il est nécessaire de se donner les moyens de comprendre le contexte «élargi». L’étude de ses anciens usages, la compréhension de son histoire, sa relation au territoire, permettent de saisir les qualités intrinsèques du bâtiment. Ces études préalables sont à envisager d’un point de vue autant constructif que culturel et façonnent le récit qui servira de base au projet. Il s’agit du premier acte du projet, avant même d’envisager une quelconque proposition spatiale, pour se positionner sur l’intervention à venir.

Cette première étape du projet est l’occasion de développer un regard nouveau, souvent aussi de déconstruire les préconçus afin de dégager les qualités intrinsèques du bâtiment et développer un projet qui s’appuie pleinement sur le déjà-là. Il s’agit d’appréhender un lieu autant que sa mémoire pour répondre aux enjeux du projet.

2.1.b Le socle des engagements de la maîtrise d’œuvre

Au-delà de servir de fondement au projet, comprendre l’existant est impératif pour assurer le bon déroulement du projet, dans le respect de l’économie et des volontés de la maîtrise d’ouvrage. «Il est inconcevable de demander à une équipe de maîtrise d’œuvre de s’engager sur un projet et les couts de construction en l’absence d'études préalables suffisantes» m'indiquait Jean Aimé Shu, architecte associé de Soja Architecture, à l'occasion d'un entretien. Si l’architecte a de fait, les capacités à déceler les qualités et potentiels d’un bâtiment, il se doit aussi de revêtir une vision technique, capable de comprendre et interpréter un ensemble varié, et - de plus en plus nombreux - de diagnostics. En effet, l’accroissement des labels et autres réglementations a fait émerger de nombreux types de diagnostics, servant à mettre en évidence une multitude de « pathologies ». Confiés à des opérateurs variés, les diagnostic plomb, énergétique, amiante, s’apparentent souvent à de simples constats. L’enjeu pour l’architecte est d’en faire une analyse « critique », à l’origine de différentes préconisations. La mise en relation des ces différentes « pathologies » diagnostiquée, permet de définir les conditions du projet.

Ces éléments sont essentiels pour rendre compte des vices du bâtiment existant et définir l’étendue de l’intervention. Ils permettent de comprendre l’état sanitaire du bâtiment, ses capacités structurelles, thermiques, acoustiques, les états de pollutions éventuel et forment un préalable nécessaire pour déterminer la nature des travaux et l’organisation du chantier. Ils permettent d’avoir une vue d’ensemble sur l’état du bâtiment et de prioriser les interventions, en anticipant autant que possible les problèmes. Ces constats, suivant la nature des désordres, peuvent représenter des surcoûts importants, capables de mettre en péril un projet de transformation s’ils ne sont pas considérés comme donnée de départ. Ainsi, il incombe à la maîtrise d’ouvrage de réaliser ces études avant le démarrage de chaque projet. Au même titre que la formulation du programme et l’élaboration du budget, cette étape sert de fondement à l’élaboration de toute intervention architecturale future et permet de s’assurer de la faisabilité d’une opération.

2.1.c Des outils contractuels à disposition de l’architecte

Ces phases d’études préliminaires sont définies comme une phase à part entière du projet architectural, définit sous le nom de « diagnostic ». Dans le patrimoine : "diag" et "relevés" sont souvent inhérents à la commande. La raison du projet est bien souvent la valeur

du bâtiment lui-même. Mais la situation est différente lorsqu’il s’agit de transformer un bâtiment ordinaire. Souvent, le bâtiment n’est pas le point du départ de projet, mais plutôt la volonté d'une maîtrise d'ouvrage à y installer de nouveaux usages, de nouveaux programmes. Il est alors d'autant plus important de vérifier les capacités actuelles du bâtiment pour vérifier la faisabilité de l'opération.

Face à l’importance de ces études préliminaires, le guide de la MICQP définit une phase à part entière spécifique l’intervention sur l’existant : le diagnostic. Toute intervention sur un existant nécessite ces études préalables, visant à mieux connaître l’état actuel du bâtiment. Ces études sont définies par le code de la commande publique comme « études de diagnostic », auxquelles s’ajoutent nécessairement une mission de relevé consistant à l’établissement des plans précis du bâtiment existant. Elles sont une différence majeure dans la définition des phases de projet entre construction neuve et intervention sur l’existant, puisque dans le cas d’une intervention sur l’existant, le code de la commande publique préconise de remplacer la phase « esquisse » par une phase « études de diagnostic ». Bien que non obligatoires, elles permettent de renseigner le maître d’ouvrage sur l’état du bâtiment et sur la faisabilité de l’opération et interviennent en complément des relevés architecturaux.

L'organisation des études de diagnostic1 s'établit comme telle :

a) établir un état des lieux

b) fournir une analyse fonctionnelle, urbanistique, architecturale et technique du bâti existant c) permettre d’établir un programme fonctionnel d’utilisation du bâtiment ainsi qu’une estimation financière et d’en déduire la faisabilité de l’opération.

Il est important d’expliquer aux maîtrises d’ouvrage l’importance de ces phases préliminaires, et le cas échéant, de l'inscrire dans un contrat comme une phase de projet à part entière. Ces missions de diagnostic, bien qu’essentielles pour les projets dans l’existant, ne sont pas toujours confiées aux équipes de maîtrise d’œuvre en charge du projet. Néanmoins, elles peuvent constituer une mission complémentaire intéressante pour les architectes et contribuent à affirmer le rôle de la profession dans les transformations de l’existant. Il semble en effet important que la profession trouve une place dans ce type de mission, face à la complexité mais surtout leur importance dans la définition des futurs projets architecturaux.

1 Modèle de contrat type "pour travaux sur existants", proposés par l'Ordre des Architectes

2.2 « Innover » : rendre possible des pratiques déstandardisées

2.2.a La difficulté à composer avec l’existant et le cadre réglementaire actuel

La construction en France est encadrée par un nombre important de réglementations et normes, visant à garantir la sécurité et la solidité des ouvrages. Elles concernent autant la construction, à travers des réglementations portant sur la mise en œuvre des matériaux ou le confort thermique, mais aussi la configuration d’un projet pour en assurer l’accessibilité et les mesures de protections contre l’incendie. Transformer l’existant implique la mise en conformité avec les normes et règles actuelles. Si elles peuvent constituer l’origine d’un projet de transformation de l’existant, dans l’objectif d’une remise aux normes, le cadre réglementaire et la multiplication des certifications sont souvent génératrices de surcoûts et peuvent compromettre un projet de transformation. Le cadre réglementaire continue d’être façonné autour de la construction neuve : les règles ne cessent d’évoluer et celles qui ont régi la construction d’un bâtiment il y a plusieurs décennies sont souvent désuètes aujourd’hui. « Une structure calculée aux normes d’il y a 100 ans, je peux vous assurer qu’aucun assureur ne va vous soutenir : les outils de calcul actuels n’envisagent pas ces types de construction anciens. »1 notait Philippe Prost, à l’occasion d’une conférence à l’Ecole de Chaillot.

Si elles sont parfois justifiées, l’inflation de ces normes peut conduire à des situations contre productives, où la nécessité de prouver une charge d’exploitation peut mener à la démolition et reconstruction de dalles ayant pourtant supportées des usages équivalents depuis plusieurs années. De la même manière, les exigences en matière de performances énergétiques ou la mise en œuvre des matériaux dans le respect du bâtiment existant peuvent constituer un défi. Imaginer un système de ventilation mécanique pour un bâtiment dont l’implantation, les matériaux et les ouvertures ont toujours favorisé la ventilation naturelle pose question. Isoler un plancher rez-de-chaussée dans le respect des règles d’accessibilité revient bien souvent à déposer la dalle existante pour construire un nouveau complexe de sol. De la même manière, certaines mises en œuvre, qu’il convient de réutiliser pour préserver les qualités autant qu’éviter des interventions trop lourdes sont désormais hors du cadre. Face à la normalisation des pratiques et modes constructifs, certains d’entre eux tels que le pisé, le béton de chanvre, les constructions en pierre sont considérés comme « non traditionnels » quand le béton banché et les murs en parpaings, au regard de larges retours d’expérience, deviennent traditionnels, reconnus par les DTU, règles professionnelles et autres normes. Le cadre réglementaire rend

1 Prost Philippe, «Pas de création sans mémoire», Leçon inaugurale à la Cité de Chaillot, Paris, 2015..

parfois difficile le recours à des mise en œuvre capables de restituer les qualités premières du bâtiment existant tout en maintenant une économie de projet raisonnable.

2.2.b Des procédures pour expérimenter

Néanmoins, en tant qu’architectes, il est parfois possible de développer des méthodes dites “d’expérimentation” : à travers des procédures spécifiques, les législateurs ont rendu possible le recours à des pratiques « divergentes », échappant aux réglementations du domaine traditionnel. Certaines de ces procédures visent à faire rentrer des procédés innovants dans la norme, afin qu’elles soient reconnues par les différentes assurances. En l’absence d’avis technique, il est en effet possible d’engager une procédure d’appréciation technique d’expérimentation (ATEX). La procédure est conduite par l’entreprise d’exécution qui va constituer un dossier, au regard du projet de maîtrise d’œuvre, pour le soumettre à un comité d’experts visant à vérifier la faisabilité, la sécurité et les risques de désordre. Si ces procédures permettent la mise en œuvre et l’application de technique constructive innovante, elles peuvent aussi être nécessaire dans la transformation de l’existant, pour valider une technique ancienne, désormais considérée non traditionnelles. Lors de la réhabilitation de la Tour Albert, dans le 13ème arrondissement, l’équipe de maîtrise d’œuvre a dû remplacer l’ensemble des menuiseries en respectant l’esthétique et le système d’ouverture historique, sous recommandation de l’Architecte des Bâtiments de France. Toutefois, les sytèmes d'ouvertures historiques ne respectant par le DTU en vigueur, l'équipe de maîtrise d'oeuvre a collaboré avec un menuisier et l'Architecte des Bâtiments de France pour définir un nouveau modèle de fenêtre, respectant à la fois les préconisations réglementaires et le respect patrimonial.

Sur le projet Robin Oratoire, l’intervention sur l’existant à aussi exiger de passer par une procédure ATEX. Au concours, le projet proposait la couverture d’une des cours extérieures par une charpente recouverte d’une verrière. Cependant, au fur et à mesure de l’avancement du projet, notamment des échanges avec l’intervention de l’Architecte des Bâtiments de France et la découverte de réseaux souterrains contraignant les futures fondations, le verre s'est averé nécessiter une charpente trop importante. La proposition est faite de remplacer ce matériau par une couverture plus légère, transparente, en simple membrane ETFE. Ce matériau à l’avantage d’être très léger, et permet de réduire considérablement le dimensionnement de la charpente autant que réduire l’impact des ancrages sur la façade existante. Néanmoins, bien que ce matériau soit de plus en plus utilisé, sa pose nécessite de passer par une procédure ATEX pour

pouvoir satisfaire aux exigences de l’assurance Dommage Ouvrage de la maîtrise d’ouvrage. Cet exemple démontre combien travailler dans l’existant génère des situations inédites, hors des standards constructifs et la nécessité de passer par des procédures spécifiques.

De plus, du fait de la transition énergétique et environnementale, des réformes politiques tendent à accorder plus de place à l’innovation. Ces dernières années, le gouvernement a notamment lancé le Permis d’Expérimenter. Ce dispositif vise à privilégier des objectifs de résultats plutôt que des objectifs de moyen : il permet de déroger à certaines règles du Code de la Construction, telles que la sécurité incendie, l’acoustique, l’accessibilité, à condition d’en remplir les objectifs visés. Ces politiques visent à l’émergence de nouvelles règles, mieux adaptées, pensées en faveur de l’innovation qui viendraient se substituer ou compléter le code actuel. Elles demeurent des procédures lourdes qui impliquent un temps d’étude supplémentaire. D’autre part, elles impliquent un objectif de résultat qui est parfois difficile à assumer pour les architectes, aux risques de surcoûts d’assurance. Toutefois, il est intéressant de remarquer que le contexte réglementaire peut s’avérer légèrement plus souple dans l’existant, d’autant plus lorsque sa valeur patrimoniale est reconnue. En effet, pour les dispositions liées à l’accessibilité et la sécurité incendie, les services instructeurs peuvent se montrer plus compréhensifs vis-à-vis d’une impossibilité technique liée à l’existant, à condition de faire valoir des compensations. De la même manière, certaines réglementations ne s’appliquent qu’aux constructions neuves, ou aux transformations impliquant un certain pourcentage d’intervention : il peut alors parfois s’avérer intéressant de limiter l’intervention, ou de la concentrer sur certains endroits particuliers afin de profiter du cadre dérogatoire parfois possible dans le travail sur l’existant.

2.2.c La contrainte comme acte créatif

Cette capacité à faire autrement, en s’appuyant sur des principes dérogatoires, est difficile à mettre en œuvre et concerne principalement les opérations conséquentes : à la fois chronophages et coûteuses, elle s’appuie souvent sur le bon vouloir de la maîtrise d’ouvrage, pas nécessairement prête à élargir ses projets au champ de l’innovation. De plus, il est parfois risqué de développer un projet en misant sur une solution soumise à dérogation, au risque de reprendre les études si la dérogation n’est pas acceptée. Outre ces procédures spécifiques, tout le jeu de la pratique dans l’existant semble se jouer dans la compréhension des « contraintes » pour réussir à les détourner et les transformer en opportunité. « La reconversion n’est pas

un art mineur, (…) c’est bien de création qu’il s’agit. Car intervenir sur un édifice existant, c’est composer avec lui, c’est jouer avec des contraintes qui s’ajoutent à celles du programme et des règlements. Ces contraintes sont des supports à l’imaginaire, elles permettent de développer des solutions architecturales qui n’auraient pas été inventées ex nihilo. »1.

La pratique de l’architecte allemand Brandlehuber est particulièrement marquante par la manière dont il requestionne le cadre tout en le respectant strictement. En plus d’être particulièrement engagée auprès des politiques, ses projets de maîtrise d’œuvre constituent une critique du millefeuille réglementaire mais surtout la preuve qu’il est toujours possible d’agir autrement. Dans le cas de l’Antivilla, l’agence, en collaboration étroite avec le bureau d’étude technique Pichler Ingenieure, s’est posé la question de la réutilisation d’une ancienne fabrique de lingerie en logement et ateliers. La proposition remet directement en question le rapport entre réglementation et normes de construction, l’efficacité énergétique ainsi que la réutilisation d’un espace immense de 500m2. Plutôt que d’isoler l’ensemble du volume d’une importante couche d’isolant, qui aurait conduit à la standardisation de l’espace et une utilisation uniforme, l’architecte a profité de l’immense espace de 500m2 pour répartir, au sein du volume existant, différentes zones thermiques : la salle de bain, la kitchenette, la cheminée ainsi qu’un sauna ont été installés au centre des deux étages et l’énergie produite par ses fonctions assurent un équivalent au chauffage. Autour de cet espace « chaud », une série de longs rideaux de PVC subdivisent l’espace jusqu’à la façade, en fonction des besoins climatiques. En été, les rideaux ne sont tirés que pour créer l’intimité des chambres : ils offrent la possibilité d’un espace ouvert démesuré, tandis qu’en hiver, l’espace chauffé redevient le cœur de la maison, contracté à 60 mètres carrés de la surface totale. En confrontant les qualités intrinsèques d’une situation existante aux contraintes réglementaires, l’architecte est en mesure de contourner ou réinterroger le cadre.

Cette attitude fait largement écho aux réhabilitations d’immeubles d’habitations d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal. La contrainte devient le prétexte d’une générosité affirmée, où l’isolation thermique exigée est l’occasion d’offrir des espaces supplémentaires, qui révèlent tout le potentiel de l’architecture moderne. L’architecte, par sa compréhension des règles, dispose de cette capacité à contourner la norme, soit en y travaillant à la marge, soit en la respectant strictement tout en questionnant l’esprit qui l’a généré. «Les situations les plus complexes sont toujours celles qui sont le plus créatrices d’inventivité, de détournement. Il me semble que l’un des enseignements de ces opérations partant d’un existant, on est capable de proposer des

choses qu’on aurait du mal à faire dans des opérations neuves, beaucoup plus contraintes et correspondant à des cahiers des charges difficiles à déroger»1.

Mon expérience avec Robin Oratoire, m’encourage également à penser que le bâtiment existant est une opportunité pour remettre en question des cahiers des charges stricts, et souvent contre qualitatifs des promoteurs. Les contextes réglementaires et contraintes de l’existant constituent un argument fort et la possibilité de requestionner des manières de faire hyper standardisées. Ici, limiter l’intervention sur la structure existante est l’opportunité de proposer des pièces plus grandes, en préservant la hauteur sous plafond historique, radicalement différent des 2,50 mètres standardisés. La créativité en matière de formes architecturales est remplacée par un jeu habile entre contraintes et réglementations, facteurs généralement considérés peu favorables à l’architecture mais qui se révèlent parfois plus stimulants que contraignants. En plus de la qualité architecturale, ces pratiques participent à l’évolution du cadre et démontrent comment l’architecte, en s’appuyant sur le déjà-là, a la capacité de le réinterpréter.

2.3 Composer avec l’incertain

Travailler dans l’existant est souvent à l’origine d’une complexité importante, qui nécesite de requestionner les méthodes et demande de définir, pour chaque situation, des réponses appropriées. Les méthodes doivent s'envisager autrement que lors d’un projet neuf, sans quoi la transformation de l’existant s’avère peu souvent viable. Cela nécessite de questionner les savoirs faire, les pistes de projets, les compétences de tous les acteurs mais aussi de maîtriser les cadres réglementaires autant que les réalités économiques de la construction pour pouvoir en tirer le «meilleur». La maîtrise d’oeuvre architecturale est alors à envisager comme un outil, un processus plutôt qu’une finalité. Au regard des contraintes et de la complexité des opérations, il semble nécessaire de définir une approche qui, plutôt que d’essayer d’apporter des solutions, cherche à rechercher les possibilités ouvertes par ces déjà-là. Cette recherche est nécessaire à la faisabilité du projet : au regard de ses responsabilités, l’architecte doit susciter ces processus et faire naître les questionnements auprès de chaque acteur impliqué autour du projet.

2.3.a Coordonner pour mobiliser l’expertise collective

L’architecture de l’existant nécessite d’envisager des manières de faire singulières et d’envisager le projet, en privilégiant l’attention au déjà-là et mettant en place les conditions de réponses appropriées et respectueuses de l’existant, parfois en dépassant les standards imposés par les programmes, manières de faire et le cadre réglementaire. Cette disposition à « requestionner » est souvent à l’initiative de l’architecte, mais nécessite une implication importante de l’ensemble des acteurs, de la maîtrise d’ouvrage aux entreprises d’exécution. L’acte de transformation mobilise un très grand nombre d’acteurs : architecte en chef, commission municipale, services culturels, entreprises spécialisées… Cette multiplicité induite par l’intervention dans un contexte bâti, complexifie le processus de maîtrise d’œuvre autant qu’elle participe à créer une véritable maîtrise du projet. Dans ce type d’intervention, où chaque acteur affirme son rôle et défend sa vision du projet, il est important de garder en tête les ambitions initiales du projet afin de construire un projet commun. L’architecte, investi depuis les premières phases du projet, est en mesure de jouer ce rôle de coordination et de synthèse. Durant les études, les connaissances de plus en plus précises du site doivent alimenter le dialogue mené entre tous les acteurs, et sans cesse reposer les fondamentaux du site, les ambitions du projet ; ce processus de projet implique une évaluation permanente des options étudiées en recherchant la meilleure équation pour déterminer les choix : qualité d’usage / technique / économie.

1 Trévelo Pierre-Alain,«La transformation de bureaux en logements à l'épreuve des réalisations", conférence à la Cité de l'Architecture, 2016.

Le choix des partenaires, notamment des bureaux d’études apparaît alors crucial dans la réussite d’un projet. Travailler dans l’existant nécessite parfois de sortir des sentiers battus autant pour l’architecte que pour les bureaux d’études, et de redéfinir des méthodes différentes, des méthodes de calcul ou des systèmes techniques différents de la construction neuve. Afin de « faciliter » les études, bons nombres d’architectes terminent par travailler de manière récurrente avec tel ou tel bureau d’études : la confiance induite par des relations sur du long terme permet de connaitre les manières de travail et de gagner en efficacité. De plus, l’expertise des architectes spécialisés dans l’existant me paraît jouer un rôle important sur leur rôle au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre. Bertrand Monchecourt, architecte du patrimoine investi aux cotés de 51N4E sur le projet Robin Oratoire joue un rôle déterminant lors des réunions avec notre bureau d’étude structure. Celui-ci développe des projets variés, sans spécialisation sur l’existant : les connaissances de Bertrand Monchecourt, habitué des systèmes constructifs du 18ème siècle, période de construction du bâtiment Oratoire, permet d’envisager des solutions différentes et plus adaptées à la réalité de l’existant.

Par ses compétences « techniques » et son aptitude à lire l’existant, il est en mesure de suggérer des solutions alternatives et parfois plus adaptées que le bureau d’étude, en réinvestissant par exemple des formes analogiques aux structures existantes. Une fois encore, la prégnance du marché la construction neuve induit des manières de faire peu adaptées à l’existant : l’architecte se doit d’endosser plusieurs casquettes et affirmer des compétences transversales pour faire naître des stratégies de projet plus justes. Cette disposition à requestionner les dispositions structurelles et techniques est d’autant plus importante dans les projets sur l’existant où ils constituent la principale intervention. Les pratiques de Brandlehuber ou Lacaton et Vassal, précédemment citées, illustrent particulièrement bien l’importance d’une collaboration étroite avec les bureaux d’étude, où les considérations techniques peuvent être à l’initiative de dispositifs architecturaux qualitatifs respectueux de l’existant.

2.3.b L’ordonnancement des phases de projet pour considérer l’imprévu

En plus de cette « déstandardisation », travailler avec l’existant nécessite la prise en compte d’un nombre souvent important d’imprévus. "Les aléas, c'est quotidien" notait JeanAimée Shu. Les études préliminaires, et notamment le diagnostic abordé précédemment, permettent de réduire autant que possible ces aléas. Mais dans la mesure où le chantier

commence souvent par un curage complet ou partiel, venant mettre à nu l’ensemble des éléments structurels constitutifs du bâtiment, le début des travaux continue d'être un moment de découverte inattendues, qui remettent en question certaines des décisions envisagées pendant les études. Les phases de projets habituels, définis par la MICQP notamment pour les projets en marché public, me paraissaient à première vue un frein aux travaux dans l’existant par leur linéarité. Au contraire, elles s’avèrent être un outil indispensable pour faire reconnaître le travail effectué, assurer une rémunération juste de l’équipe de maîtrise d’œuvre, et tenir les délais et la tenue du calendrier.

En effet, ces étapes importantes, marquées par l’aboutissement de chaque phase, doivent être vue comme la validation par la maitrise d’ouvrage des choix effectuées. Ils sont un argument pour que l’ensemble des acteurs se positionnent et ainsi, valident des choix permettant l’avancement du projet. Ces phases demandent à l’architecte un degré de précision toujours plus importants, mais exigent aussi de la part de la maîtrise d’ouvrage un positionnement régulier, notamment lorsque des imprévus viennent questionner le programme. Le respect de cette organisation est un moyen de replacer l’ensemble de l’équipe face à ses responsabilités, et ainsi favoriser le bon déroulement du projet. Parfois, ces choix doivent se faire en considérant des hypothèses formulées, qui seront validées lors des phases à venir ou de relevés complémentaires. Mais ce travail par hypothèse ne semble possible qu’à la condition d’une transparence avec la maîtrise d’ouvrage, dans la mesure où la vérité exhaustive du bâtiment ne sera jamais atteinte en phase d’étude. Il est important de rappeler que l’architecte ne dispose pas d’une obligation de résultats mais d’une obligation de moyens. Par conséquent, il est responsable d’alerter la maîtrise d’ouvrage de ces imprévus et doit, quand nécessaire, demander des investigations complémentaires pour vérifier une hypothèse. Néanmoins, il ne pourra jamais être jugé responsable d’un imprévu s’il n’était pas en mesure d’en soupçonner l’existence, où si la maitrise d’ouvrage a préféré prendre le risque de ne pas la considérer.

De plus, s’il est important de respecter l’ensemble des phases de projet, il peut être intéressant de questionner la distribution du temps entre études et chantier. Les architectes toulousains Bast revendiquent clairement raccourcir le temps des études au profit d’un temps plus important consacré au chantier. La répartition des honoraires est également envisagée pour permettre un investissement des bureaux d’étude plus conséquent pendant le chantier. Toutefois, cette manière de faire m’interroge, dans la mesure où les entreprises se sont déjà engagées sur leur prestation au commencement du chantier, sur base du dossier de consultation.

Ces méthodes semblent peut-être plus facilement adaptées à des projets de taille réduite, et notamment sur le marché de la maison individuelle, où les relations de bon sens et de confiance peuvent jouer un rôle prédominant. Le choix de concentrer sa pratique dans un territoire resserré, autour de la métropole toulousaine dans le cas de Bast, est ainsi un moyen développer des relations de confiance et de connaitre les compétences des entreprises investies, de par la possibilité de collaborations récurrentes1

Dans les projets de taille plus conséquentes, certains architectes adoptent toutefois une philosophie assez proche, en proximité directe avec le chantier. Les architectes Lacaton & Vassal, lors de la transformation du Palais de Tokyo, avait décidé d’installer une équipe sur le chantier. Cette proximité directe était l’occasion de découvrir de nouveaux aspects du bâtiment et d’être en mesure de remettre en question le projet pour que celui-ci colle au plus juste à l’existant. Cette proximité est un moyen de trouver de la réactivité, pour qu’à la découverte éventuelle d’aléas (fissures, altérations, pollution…), une réponse puisse être adressée rapidement sans interrompre le temps du chantier. Le temps de la construction sur les projets de transformations de l’existant s’avère donc crucial et permet la confrontation directe entre projet et réalité construite. “Les travaux ne sont pas une façon d’accomplir un projet mais la condition pour le découvrir.” notait Alexandre Chemetoff à l'occasion d'une conférence à la Cité de Chaillot.

2.3.c Maîtriser l’économie de projet

Enfin, la question de l’économie de projet demeure cruciale lors des interventions de l’existant et est un frein majeur à sa réalisation. « La question économique est au cœur du débat sur la transformation, on peut même dire que c’est son point névralgique »3. Aujourd’hui, au regard des réalités constructives, il est convenu que transformer l’existant coûte plus cher que démolir pour reconstruire. « 9 fois sur 10, ce sera plus cher de transformer que de démolir et reconstruire. Alors, pour que l’équation économie marketing soit déterminante dans le sens de la conservation, il faut que l’existant en valent la peine, que l’architecte ait du talent pour valoriser cet existant»4. Si ces propos viennent d’un promoteur, où les intérêts économiques gouvernent la profession, la plupart des architectes sont obligés d’admettre cette réalité.

Néanmoins, l’intervention dans l’existant trouve une justesse lorsque l’on s’éloigne de l’économie de marché pour prendre en compte l’économie globale, considérant la

BAST,«Faire c'est dire", conférence à l'ensap Lille, 2020.

Chemetoff Alexandre, «Patrimoine commun", Leçon inaugurale à la Cité de Chaillot, Paris, 2010. Rambert Francis, La pérennité à l’aune du priovoisoire, in Un bâtiment, combien de vies ? p. 15.

Pinard Bruno, «La transformation de bureaux en logements à l'épreuve des réalisations", conférence à la Cité de l'Architecture, 2016.

consommation d’énergie grise. L’économie de matière pour transformer un existant, où les principaux éléments structurels et l’infrastructure sont encore existant, est évidente. Si les acteurs du marché privé ont parfois des réticences à considérer cette économie globale, la crise environnementale semble avoir un impact sur le marché. Ces enjeux sont notamment de plus en plus encadrés par les collectivités et l’Etat, qui a travers des réglementations ou des règles urbaines, s’assurent du bilan global de chaque opération Comme évoqué précédemment, le contexte réglementaire peut aussi participer à favoriser les transformations de l’existant : l’évolution des règles urbaines peuvent notamment être l’opportunité d’une densification plus importante en préservant l’existant, alors que l’évolution des règles urbaines n’auraient pas permis la construction neuve d’autant de mètre carrés.

Il s’agit une fois de plus, par la connaissance du cadre, de saisir les bons arguments pour « rentabiliser » ces projets aux yeux des maîtres d’ouvrage, et réussir à insérer ses valeurs dans l’économie financière. L’études du coût des travaux, en fonction de l’échelle du projet, est en général confiée à un économiste de la construction. Mais dans le cadre de l’existant, la compréhension du coût des travaux est indispensable pour toujours interroger le rapport gain/ dépense. Il semble crucial de mettre en place un suivi en « temps réel » du budget de l’opération, afin de permettre à chacun des acteurs de faire les bons choix. Transformer l’existant ne réside pas nécessairement dans la conservation « à tout prix » de l’ensemble des éléments constructifs, mais plutôt dans un questionnement visant à trouver le meilleur compromis pour remettre en usage et revaloriser le bâtiment, conformément au programme, quitte parfois à démolir certains éléments. De plus, l’enjeu se situe aussi dans les difficultés à déterminer un budget fixe, pouvant rendre frileuses les maîtrise d’ouvrage. S’il est possible d’envisager un coût au mètre carré assez fidèle pour la construction neuve, les inévitable aléas et imprévus rendent difficiles la formulation d’une approche économique fidèle dès le début des études. Les prix de réalisation sont difficiles à anticiper : chaque projet est unique et il est difficile d’établir des ratios fiables. Il est alors important d’assortir un taux de tolérance suffisant au coût prévisionnel des travaux, lors de l’établissement du contrat avec la maîtrise d’ouvrage. Néanmoins, pour reprendre les termes de Frédéric Druot, «dépenser beaucoup moins pour faire beaucoup plus»1, il semble nécessaire de rechercher une forme d’économie de moyens, et de sans cesse questionner l’échelle des interventions envisagées au regard de l’objectif à atteindre, afin de rendre viable les transformations de l’existant.

1

défendre une architecture du déjà-là : vers une pratique élargie de l’architecte?

Au-delà du projet architectural, défendre une architecture du déjà-là peut nécessiter un engagement important : la culture et les savoirs-faires inhérents à la transformation sont quelques fois peu répandus chez les décideurs et autres acteurs de la construction. Ainsi, il semble important de se positionner personnellement et questionner la posture professionnelle des architectes pour mobiliser leurs connaissances dès les prémices des projets. L'expertise acquise par la maîtrise d’oeuvre peut constituer une opportunité pour élargir les champs d’actions et défendre une architecture du déjà-là, en s’immiscant parfois dès la formulation de la commande. La première sous-partie s'intéresse à la question du programme : bien que souvent exclu des phases de définition du programme, le travail sur l'existant peut amener les architectes à se réemparer de cette question. En plus de définir une cohérence entre programme et espace construit, c'est aussi l'occasion de s'interroger sur la place des architectes dans ce type de missions complémentaires. De la même manière, l'expertise de l'existant peut être l'occasion de développer un rôle majeur dans la fabrique des territoires. Certaines agences, en ville ou dans les territoires plus ruraux, revendiquent ainsi une pratique transcalaire qui nourrit directement leur pratique. Finalement, si ces missions semblent s'écarter des missions de base de l'architecte, organisées autour de la maîtrise d'oeuvre, elles peuvent constituer des opportunités et les conditions d'une pratique engagée, au service des transformations de l'existant. Elles participent également à rendre l'architecture plus visible.

3.1 Redéfinir le rapport entre architecture et programme

3.1.a Intervenir sur l’existant : la nécessité de requestionner le programme

Tel que défini dans les procédures de marché public, l’élaboration du programme intervient en amont du projet et fait partie des obligations du maître d’ouvrage au commencement de chaque projet. En dehors des marchés privés, cette mission est relativement peu confiée aux architectes, les maîtrises d’ouvrage faisant régulièrement appel à des programmistes. Ces professionnels, à travers une connaissance relativement pointue et technique des usages, élaborent un cahier des charges fonctionnels ayant pour but de valider les premières faisabilités du maître d’ouvrage au regard du contexte et du budget. Si la construction neuve est capable d’en absorber de nombreuses spécificités, intervenir sur l’existant demande une considération plus importante des spécificités contextuelles. Outre les questions de surfaces et de qualité d’espace, chaque type d’usage est contraint par des réglementations variées,

définissant rigoureusement les charges d’exploitation admissibles, la résistance des matériaux, la distribution des dégagements... Ces paramètres, souvent adaptable dans le cadre d’une construction neuve, constituent souvent des contraintes pré existantes lorsqu’il s’agit d’intervenir sur bâtiment à transformer1.

En fonction des interventions envisagées, les nécessités propres à chaque programme peuvent alors alourdir considérablement le budget, jusqu’à rendre préférable la démolition à la transformation. Si le programme est de fait une donnée préliminaire au projet d’architecture, travailler dans l’existant nécessite de requestionner les décisions préalables pour adapter le programme aux réalités de l’existant. Ces enjeux soulèvent la question de la présence de l’architecte à l’élaboration du programme.

3.1.b L’expertise, prétexte pour intervenir dès la programmation ?

Face à cette nécessaire considération, l’architecte peut être sollicité par les maîtrises d’ouvrage pour intervenir aux côtés du programmiste en amont du projet architectural. L’agence Soja Architecture, en plus de sa pratique de maîtrise d’œuvre, intervient régulièrement lors d’études de faisabilité et de missions spécifiques, notamment les « Diagnostic Programme ». Ses deux associés, Sonia Leclerq, architecte diplômée de l’Ecole de Chaillot et Jean-Aimée Shu, architecte et ingénieur, à travers ses premières réalisations et son engagement affirmé pour la question de la transformation de l’existant, se sont forgée une expertise reconnue qui leur permettent d’être sollicités par les maîtrises d’ouvrage désireuses de mener à bien un projet de transformation. Ainsi, par leur capacité à « projeter » et à appréhender le bâtiment dans son ensemble, tant pour ses qualités que pour ses réalités techniques, l’agence est en mesure de se positionner sur les faisabilités d’un programme. Le programme est ainsi « co construit » entre architecte et programmiste, et son fondement ne se limite pas à l’analyse fonctionnelle des usages, très vite figée dans un tableau de surface. Ces dispositifs permettent de considérer les réalités construites du bâtiment dès les phases amont du projet.

De plus, cette expertise à mobiliser en amont me semble un levier crucial pour rendre économiquement viable le travail dans l’existant puisque dès ses prémices, le bâtiment est considéré comme un fondement du projet, capable de remettre en question la fabrique du programme. Ces types de missions sont des opportunités pour l’architecte à s’introduire dans les phases amont de la commande et me paraissent essentielles pour définir des usages

1 Prost Philippe, «Pas de création sans mémoire», Leçon inaugurale à la Cité de Chaillot, Paris, 2015..

en cohérence avec le contexte bâti, et ainsi rendre possible des transformations adaptées aux possibilités du bâtiment. Néanmoins, elles sont à l’initiative des maîtrises d’ouvrage et demeurent relativement peu courantes en dehors du champ patrimonial. Pour les architectes, si ces missions préliminaires peuvent s’apparenter à une mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, Jean-Aimée Shu insiste pour les définir comme de véritables missions de maîtrises d’œuvre. En effet, en plus de convoquer une expertise nécessairement acquise par la pratique de la maîtrise d’œuvre, elles sont aussi une manière de faire projet. Bien que n’ayant pas pour objectif immédiat de mener à une réalité construite, elles sont déjà l’opportunité de révéler aux yeux des maîtrises d’ouvrage, à la fois les contraintes qui peuvent compromettre leur projet, mais aussi révéler ce que le cadre pré existant peut offrir de plus au programme. Les qualités du bâtiment existant, décortiquer à travers ces études préalables fines, peut alors s’affirmer comme le potentiel d’un projet singulier et qualitatif.

3.1.c Tester et préfigurer : le « temporaire » pour rendre possible des usages spécifiques

Certains architectes s’emparent de la question du programme et de la « préfiguration » comme partie prenante de leur pratique. L’agence 51N4E, pour laquelle je travaille depuis deux ans, est notamment engagée depuis une dizaine d’année sur le Quartier Nord de Bruxelles. Ce quartier souffre aujourd’hui de sa ma fonctionnalité autant que de l’image de ses immeubles modernes, et est de fait relativement délaisser des politiques de la ville. L’agence s’est alors engagée dans un travail de longue haleine visant à ré ouvrir les possibles sur ce quartier oublié. Au-delà des ambitions urbaines, il s’agit aussi de redéfinir les potentiels de ces tours construites par dizaine et dont de nombreux propriétaires ne sont plus en mesure d’y trouver d’usage face aux mutations du monde du travail. En s’installant directement dans l’une d’entre elle, l’agence s‘est donnée pour mission de révéler, par l’occupation temporaire, tous ces potentiels.

Ces postures, où l’architecte tente de révéler aux politiques et investisseurs le potentiel de bâtiments délaissés, sont rendues possibles par le contexte belge. L’agence Silo, bien qu’investie sur ce type de commande pour des projets d’occupation temporaire de l’espace public, déplore que ces procédures soient aussi peu fréquentes concernant l’architecture. Néanmoins, elles me rappellent certains travaux de Patrick Bouchain en France, notamment pour l’Hôtel Pasteur à Rennes. Au-delà de démontrer le potentiel des lieux, ces dispositifs éphémères sont aussi l’occasion d’expérimenter des usages spécifiques et innovants. Le projet

Robin Oratoire, sur lequel je suis investi depuis deux ans, fait directement suite à l’opération temporaire des Grands Voisins, sur l’ancien hôpital St Vincent de Paul. A cette occasion, les différentes associations sur place avaient développé le principe des «ateliers boutques» . Fort de leur succès, ce principe de mixité programmatique, mêlant logement d’artiste et atelier de production, particulièrement adapté aux grands volumes du bâtiment Oratoire, a été repris dans le cahier des charges du concours. Intégré à notre proposition, les études ont été l’occasion de tester les réalités « juridiques » et fonctionnel d’un programme hybride, mêlant logement, activité professionnelle et ouverture au public. L’occupation temporaire, lorsqu’elle s’inscrit sur un projet au long terme, me semble particulièrement intéressante pour sa capacité à rendre pérenne des «utopies» jusqu’alors rendues possibles par son éphémérité.

Elles sont aussi l’occasion de démonter aux futures maîtrises d’ouvrage tout le potentiel des situations construites.

3.2 Assumer un rôle dans la fabrique des territoires

3.2.a L’expertise de l’existant pour travailler à l’échelle urbaine

Jean-Aimé Shu, architecte, raconte comment les connaissances « patrimoniales « l’ont amené à développer une pratique plus urbaine. Ces principes d’inventaire, à l’échelle d’un territoire, sont héritière de la culture patrimoniale, renforcée par la loi du Grenelle 2 qui a substitué les AVAP (Aires de mises en valeur de l’architecture et du patrimoine) aux ZPPAUP (Zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager). Ils sont nés de l’élargissement progressif de la notion de patrimoine aux abords et ensembles bâtis dont la qualité est reconnue d’intérêt collectif. Les notions d’AVAP et de ZPPAUP ont récemment été regroupé sous le terme Site Patrimoniaux Remarquables. Ainsi, afin d’assurer la préservation et la valorisation de leur patrimoine, les collectivités missionnent des architectes et urbanistes pour étudier leur patrimoine bâti et en envisager l’évolution pour répondre aux enjeux actuels de développement durable et de rénovation thermique du bâti existant. Ce type de missions s’offrant aux architectes qualifiés sont larges et peuvent aussi intégrer l’études des centres historiques visant à leur redynamisation. De nombreux programmes, directement lancés par les municipalités ou par l’intermédiaire du ministère de la Cohésion des territoires, s’adressent ainsi aux architectes qui rejoignent des équipes pluridisciplinaires, mêlant historien, paysagistes, urbanistes, et s’attachent à révéler les potentiels d’un site à travers son patrimoine bâti.

Si ce type de missions offrent de nombreuses commandes aux architectes du patrimoine, qualifiés pour réaliser les études nécessaires à cette transition, l’agence Silo à Grenoble, bien que ne disposant pas du titre d’architecte du patrimoine, réalise également des études urbaines portant sur les bâtis existants. Dans leur cas, ce n’est pas le port du titre architecte du patrimoine qui leur ouvre la porte à ce type de missions, mais plutôt l’expertise reconnue par une pratique dans le champ de la réhabilitation, complétée récemment par la thèse d’une des associés au sujet du patrimoine moderne de la commune de Grenoble.

3.2.b « Garant du territoire » : se saisir d’un écosystème local

Au-delà de constituer des missions complémentaires, elles sont aussi l’opportunité de s’inscrire dans des réseaux plus larges et de rencontrer des acteurs variés, potentiel moyen

d’accès à des commandes futures. Mais elles sont surtout l’occasion, pour les architectes, d’oeuvrer dès les phases décisionnaires, au maintien et à la préservation du cadre bâti existant. Ces démarches sont amenées à se développer dans les années à venir, où la fabrique de la ville ne s’intéresse plus tant à l’urbanisation par extension, mais plutôt à la transformation des tissus urbains pré existants. Elle demande alors, de plus en plus, des connaissances à l’échelle architecturale. De nombreuses agences revendiquent d’ailleurs une approche transcalaire, où l’architecture et l’urbanisme sont deux échelles d’intervention qui se nourrissent mutuellement.

La pratique de certains architectes, installés en dehors des métropoles, est particulièrement remarquable en ce sens. La nature des projets, la connaissance fine du territoire et de ses acteurs est une opportunité pour s’immiscer en amont des projets et de participer aux réflexions dès l’élaboration de la commande. L'architecture devient un moyen pour réinvestir tout une série d’acteurs de la construction ; "mois que la qualité ou l'originalité de sa production, ce qui nous intéresse ici, c'est le rôle qu'endosse l'architecte qui choisit d'exercer en milieu rural. A l'image du médecin de campagne qui sillonne son territoire pour soigner les maux les plus bénins comme les cas les plus graves, l'architecte est présent au chevet des petites communes : conseiller, concepteur, formateur, proche de ses commanditaires et de ses usagers."1.

La pratique de Simon Teyssou, fondateur de l'Atelier du Rouget, illustre cet ancrage au territoire, et le rôle que peut assumer l'architecte. Installé dans le Cantal, son travail consiste à "réparer les dégâts causés par l’urbanisme de ces dernières décennies sur le tissu des villages et des centres-bourgs" . Face au désengagement progressif de l'Etat dans les territoires ruraux, l'architecte développe une pratique inscrite sur le long terme, impliquant autant les politiques que les entreprises de construction à s'emparer du devenir de leur territoire. Ainsi, pour la transformation d'une ancienne usine en école de danse à Aurillac, l'architecte a exploité toutes les possibilités du bois, de la structure aux finitions de planchers à travers la sollicitations des charpentiers de la région et l'adhésion à une associationde professionnels. "Les scieurs locaux, autres acteurs de la filière, le préviennent lorsqu'une futaie est abattue. Il peut alors la réserver pour son projet, si nécessaire. Avec toutes ces personnes, il organise des voyages à l'étranger pour visiter des réalisations examplaires ou s'informer sur des techniques expérimentales."1.

A travers ses collaborations, il se positionne ainsi comme un acteur engagé de la fabrique du territoire, où son attention aux savoirs-faires et bâtiments pré existants est

1 Mulle Félix, "L'architecte, médecin de campagne", in Criticat 13, 2014, p.8.

1

l'occasion de construire une réflexion sur des territoires "à priori ordinaires". Il participe ainsi à l'émergence d'une culture commune, favorisant l'émergence de compétences, notamment artisanales.

3.3 Défendre une architecture engagée

Ces approches semblent alors particulièrement intéressantes lorsqu’il s’agit de défendre une architecture du déjà-là. Travailler à l'échelle des territoires, en intervenant en amont du processus architectural, implique des échanges rapprochés avec les décideurs et politiques. Les stratégies imaginées peuvent alors oeuvrer pour favoriser le maintien de l’existant, et participent à définir une stratégie d’agence pleinement ancré sur le déjà-là. Elles sont aussi l'opportunité de faire reconnaître des savoirs-faire propres à l'architecte et de mettre en place les conditions d'une pratique engagée avec l'existant. Elle peuvent aussi constituer, pour de jeunes agences, l'opportunité d'accéder à la commande. C'est le cas des missions de diagnostics évoquées précédemment ou des missions de conseils visant à l'élaboration d'un programme.

Néanmoins, il est important de reconnaitre que défendre de telles postures demande un engagement personnel et financier. Ainsi, il semble important de trouver une manière de faire rémunérer ces prestations "intellectuelles"; pour considérer l'intervention architecturale autant que toute la réflexion qui participe à la fabrication du projet. "On va peut-être passer plus de temps à participer, observer, diagnostiquer, réfléchir ensemble pour ensuite peut-être moins intervenir sur le bâti."1

Christine Leconte, "Réparer la ville", entretien avec Sylvain Grisot, 2021.

Conclusion

Soucieux des enjeux écologiques et sociétaux, ce mémoire dresse le portrait d’un architecte transformateur plus que constructeur, où le cadre bâti existant constitue le fondement d’interventions créatives. Au-delà des considérations patrimoniales et esthétiques, l’enjeu est de trouver une place dans une réalité qui privilégie la construction neuve, pour que la ville et les territoires déjà-là, riches de leur épaisseur historique et sociale, constitue le terreau majeur des interventions de demain. L’architecte, par ses engagements, ses compétences et le cadre de son exercice, démontre les capacités pour participer à ce changement de paradigme bien qu’il soit difficile de trouver une place dans ce marché concurrentiel et exigeant. Sous le prisme des transformations de l’existant, ce mémoire esquisse ainsi les prémices d’une future pratique en nom propre ; sans volonté d’énoncer une manière unique d’envisager l’architecture, il est l’opportunité d’esquisser l’attitude avec laquelle je souhaite appréhender la maîtrise d’oeuvre en nom propre.

Composer avec les réalités des marchés

J’avais rejoint l’école d’architecture motivé par l’interdisciplinarité des études, reflet d’une «discipline» à la croisée de champs multiples ; économiques, techniques, culturels et politiques. Diplômé d’architecture, quelques années après être passé des études à la profession, ce travail a été, dans un premier temps, l’occasion de comprendre les réalités des marchés dans lesquels l’architecte exerce. Si les pratiques ont longtemps scindées de manière caricaturale le neuf de l’ancien, en tenant à distance les spécialisations d’architectes de l’existant du reste de la profession, un nombre croissant d’architectes envisagent différement leur mission. Face à un marché concurrentiel et parfois difficilement rémunérateur, ils mettent en place des stratégies particulières pour concentrer leurs pratiques sur l’existant et agir comme des acteurs importants de ces évolutions. En revendiquant des expertises particulières tout en se saisissant des évolutions récentes de la commande, ils définissent une pratique responsable, où l’attention au-déjà-là, de la réparation à la réhabilitation lourde, constitue le coeur de leur pratique. Dans la veine d’architectes précurseurs, tels que Patrick Bouhcain, Lacaton Vassal, Bernard Reichen et Philippe Robert, les considérations patrimoniales et les enjeux énergétiques deviennent un prétexte pour mettre en place une pratique du projet globale, où le processus compte autant que la finalité.

Saisir les cadres réglementaires et contractuels

Chacune de ces démarches engage des méthodologies distinctes, marquées par la singularité de chaque situation. Les architectes investis sur ces sujets mobilisent des attitudes particulières : les cadres réglementaires, contractuels et les savoirs-faires techniques constituent autant d’arguments pour défendre une pratique consciencieuse à faire valoir aux maîtres d’ouvrage. La deuxième partie a ainsi été l’occasion d’explorer dans quelle mesure les architectes peuvent-ils mettre en place des outils respectueux du déjà-là. La reconnaissance du contexte bâti pré existant est le point commun à chacune de ces approches : à la manière d’un «archéologue», l’architecte dresse une lecture attentive des réalités constructives et culturelles du bâtiment à transformer. Socle des interventions à venir, cette étape fondatrice du projet, est cruciale pour maîtriser l’économie, les délais et la qualité du projet. Face à des situations toujours inédites, transformer l’existant est alors souvent une démonstration d’adaptation à des situations spécifiques. Alors que la viabilisation économique de telles opérations et la difficulté à composer avec des réglementations toujours plus exigeantes compromettent les transformations de l’existant, pouvant mener jusqu’à des démolitions, questionner les manières de faire mais aussi les règles de la commande s’avèrent crucial pour mener à bien de tels projets. L’importance des éléments contractuels, les procédures expérimentales ainsi que l’expertise de chacun des acteurs investis est à mobiliser pour que les contraintes deviennent prétexte à réinterroger et faire émerger les qualités du déjà-là. Ainsi, «conserver et transformer [deviennent]des moyens de se glisser dans les interstices des déréglementations, de la diversité, de la multiplication des cas et des attitudes"1

Pour une pratique élargie de l’architecture

Plus qu’ailleurs, transformer l’existant nécessite de recourir à des compétences et interactions transversales pour faire émerger des projets parfois complexes. Rendre viable les transformations de l’existant, c’est considérer le bâtiment comme matière du projet : certains éléments préliminaires d’une mission d’architecture (le programme, le planning...) doivent alors être requestionner au regard de ses réalités et contraintes constructives. La deuxième partie de ce mémoire, en révélant des manières d’aborder la conception autant que la construction d’un projet, met en exergue des compétences propres à l’architecte. Puis, la troisième partie a

été l’occasion de comprendre comment cette expertise acquise par la maîtrise d’oeuvre peut constituer une opportunité pour élargir les champs d’actions et défendre une architecture du déjà-là, en s’immiscant parfois dès la formulation de la commande.

Par la compréhension des batiments, la connaissance des territoire et la capacité à porter un regard «global» sur chaque situation, les architectes sont en mesure de diversifier leurs missions et mettre à profit leur compétences aux cotés d’acteurs variés, tels que les programmistes et les urbanistes, pour faire naître des projets résilients aux réalités du contexte bâti existant. Cet engagement, au-delà de la maîtrise d’oeuvre, participe à la création d’une culture commune agissant pour les transformations de l’existant. Les missions complémentaires, de l’élaboration de programme au diagnostic, sont un moyen pour consolider des attitudes engagées auprès des décideurs et des collectivités, et ainsi faire reconnaître la valeur des situations bâties à leur disposition.

Quel patrimoine demain ?

A l’heure des considérations environnementales, ces enjeux semblent d’autant plus cruciaux pour envisager une pratique demain, et les situations d’autant plus exigeantes. Les dernières décennies ont vu naître des formes de villes distendues, où les réalités architecturales hérités des années 80 semblent parfois offrir moins de potentiels que les bâtiments du siècle passé. Le «patrimoine» de demain est le résultat de ce qui est construit aujourd’hui. Plus que jamais, le rôle de l’architecte est essentiel pour reconnaitre les qualités d’un patrimoine ordinaire, là où il existe par l’attachement des gens qui y habitent plus que par sa qualité spatiale reconnue. Il s’agit d’aborder, sans aucun jugement, toutes les situations en regardant les yeux ouverts ce qui pré existe et ce qu’on peut en tirer. Un lieu est à considérer pour ses capacités à être mise en œuvre, et à répondre aux enjeux du projet plutôt que pour sa dimension historique. L’histoire est un outils de plus pour développer une atitude pragmatique, participant à la résolution du projet. L’attention au patrimoine bâti, développé tout au long de ce mémoire, se veut révélateur d’une approche personnelle, où le déjà-là constitue un prétexte à l’architecture. Bâti ou non, il s’agit de toujours questionner ce qui existe pour définir une architecture responsable, basée sur des faits plus qu’une intention. «La transformation est un acte de foi en l’avenir, en la possibilité d’une création architecturale, urbaine et paysagère unique parce que partant d’un substrat spécifique, mémoire matérielle et mémoire immatérielle des lieux formant l’ADN du projet comme du renouvellement du site. Œuvre unique et ouverte à la fois, fruit des projets d’auteurs successifs, que les usages revisitent sans cesse. »

1 Prost Philippe, «L'architecture ou l'art de transformer le réel» in Les cahiers de la pierre d'angle, ANABF, Paris, 2017, p.73.

illustrations et photos

101 - Glasgow Atlas, 2014, crédit : ETH Zurich

102 - Transformation d'une maison individuelle, BAST, crédit photo : BAST

103 - Relevé sanitaire d'une façade existante du Pavillon du Trône, Atelier AM&C

104 - Relevé, studio Tom Emerson, illustration d'étudiant réalisée à l'ETH Zurich

105 - Tour Bois le Prêtre, Lacaton Vassal, crédit photo : Frédéric Druot

106 - La Trocante, Ile de Nantes, crédit photo : Alexandre Chemetoff

107 - Croquis d'observations et de relevés, Bernard Quirot, croquis personnel

108 - Twiggy, architects de vylder vinck taillieu, Ghent, crédit photo : The Architectural Review

109 - Réunion de projets, 51N4E, crédit photo : 51N4E

110 - Détail, Atelier de la Verrerie, Antoine Dufour

111 - Atelier de la Verrerie à Brioude, Antoine Dufour, crédit photo : Marine Boutron

112 - Relevé sanitaire d'un plafond, Neues Museum, David Chipperfield

113 - Anti-Villa, Brandlhuber, Burlon, crédit photo : Erica Overmeer

114 - Place Léon Aucoc, Lacaton Vassal, crédit photo : Lacaton Vassal

115 - Occupation temporaire du CCN Building, 51N4E, crédit photo : 51N4E

116 - Occupation temporaire du CCN Building, 51N4E, crédit photo : 51N4E

117 - Plan de diagnostic urbain, AVAP pour la ville d'Andresy, SOJA Architecture

118 - Centre de danse, La Manufacture, Aurillac, Atelier du Rouget, crédit photo Simon Teyssou

120 - Transformation d'une maison pavillonaire, Mimizan, Bast et Littoral Architectes, crédit photo : Bast

121 - Transformation d'une maison pavillonaire, Mimizan, Bast et Littoral Architectes, crédit photo : Bast

120 - Transformation d'une maison pavillonaire, Mimizan, Bast et Littoral Architectes, crédit photo : Bast

médiagraphie

Ouvrages, revues, articles

Baldassari Sophie, ELAN de la réhabilitation de l'architecte à l'heure du développement durable, Sciences de l'Homme et Société, 2018.

Chadoin Olivier, Etre architecte : les vertus de l'indétermination, Presses Universitaires de Limoges, 2017.

Chadoin Olivier, Le champ architectural et ses marchés : un cas de "réhabilitation symbolique", Le Seuil, 2016.

Choay François, Le parimoine en question : anthologie pour un combat, Paris, Seuil, 2009.

Druot Frédéric, «Ne pas démolir est une stratégie» Architectes d’Aujourd’hui, n°374.

Prost Philippe, «L'architecture ou l'art de transformer le réel» in Les cahiers de la pierre d'angle, ANABF, Paris, 2017.

Rambert Francis, Carboni Christine, Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création, Paris, Cité de l'architecture et du patrimoine, 2015.

Real Emmanuelle, "Reconversions l'architecture industrielle réinventée.", in In Situ, 2015.

Rubin Patrick, "Transformer le bâti est réjouissant", in Le Moniteur, 2021.

Saint-Pierre Raphaëlle, "Transformer, un impératif, une volonté", in Le Moniteur, 2021.

Toussaint Jean-Yves, Concevoir pour l'existant. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2006, Lausanne

Toussaint Jean-Yves, Concevoir pour l'existant, restitution du colloque du 17 oct. 2006, Lyon.

Les chiffres MAF, Edition 2021, Mutuelle des architectes français.

Bâtiment en chiffre, Edition 2020, Fédération Française du Bâtiment, 2020.

Entretiens, discussions

Jean-Aimée Shu, architecte associé Soja Architecture

Yann Damiani, architecte associé Silo Architecture

Roshane Faïfe-Lajonie, architecte du patrimoine Atelier AM&C

Gaëlle Parpaillon Lhommedé, architecte HMONP, Titan architecture, en charge de la transformation de la médiathèque et CIAP de Pont-Péan.

Textes réglementaires et législatifs

Journal officiel du 4 janvier 1977, loi n°77-22 du 3 janvier 1977 sur l'architecture

Contrat type "pour travaux sur existants", proposés par l'Ordre des Architectes

Guide de la MICQP

Modèle de marché de maîtrise d'oeuvre, Réutilisation ou réhabilitation d’ouvrages de bâtiment, Mission

DIAGNOSTIC

Conférences

Prost Philippe, «Pas de création sans mémoire», Leçon inaugurale à la Cité de Chaillot, Paris, 2015.

Dufour Pierre, «Récit d’agence Antoine Dufour», conférence à l’ENSA Grenoble, 2021.

Trévelo Pierre-Alain,«La transformation de bureaux en logements à l'épreuve des réalisations", conférence à la Cité de l'Architecture, 2016.

Chemetoff Alexandre, «Patrimoine commun", Leçon inaugurale à la Cité de Chaillot, Paris, 2010.

BAST, «Faire c'est dire", conférence à l'ensap Lille, 2020.

Christine Leconte, "Réparer la ville", entretien avec Sylvain Grisot, 2021.

retours sur la formation

synthèse transversale

Les séminaires de HMONP m’ont marqué par la richesse et la diversité des pratiques architecturales. La pluralité des intervenants, qu’ils soient architectes, membre de l’Ordre ou acteurs du monde la construction ; promoteurs, économistes.. en est sans doute le premier reflet et donne à voir une multitude de possibilités. La formation HMONP, dans sa manière à faire succéder les acteurs, reflètent toute l’émulation inhérente au domaine de la construction.

Les différentes interventions au cours de la formation m’ont permis d’appréhender la largeur des responsabilités inhérentes au métier d’architecte ainsi que l’importance du cadre juridique et réglementaire de la pratique. Si ces réalités peuvent à première vue constituer un frein, la formation HMONP a permis de les envisager comme des atouts précieux à faire valoir pour que l’architecte demeure indépendant et garant de l’intéret public. Les interventions de Laurianne Guégan et Philippe Martial, au nom de l’Ordre des Architectes des Pays de la Loire, ont décrit finement les responsabilités qui incombent à l’architecte ainsi que le cadre déontologique. Toutefois, au delà d’une profession réglementée, garante de l’intérêt public, il n’en demeure pas moins une profession libérale, pleinement dépendante du contexte économique et politique, qui impose une réelle stratégie de montage financier et administratif. Il s’agit d’un forme de dualité propre au métier d’architecte, qui me semble en constituer la richesse autant qu’une partie de ses fragilités, mettant parfois la profession en tension.

Les réalités économiques et concurrentielles influent sur les décisions, l’architecte étant «dépendant» de la commande. La pluralité des architectes intervenants nous a ainsi fait comprendre la variété des conditions d’exercice, en partageant leurs difficultés, leurs stratégies d’agences ou encore leur positionnement sur les marchés. De leur propos, je retiens l’importance du «contrat» d’une mission de maîtrise d’oeuvre, garant à de nombreux égards du bon déroulement des projets. Au-delà de «garantir» un revenu et de rendre viable leur pratique, ces démarches reflètent aussi des choix effectués pour honorer, de la meilleure manière, leurs engagements en tant qu’architectes. Claire Shorter, architecte-urbaniste à Paris, nous a ainsi indiqué avoir du abandonner certains projets, parfois à des stades avancées, tant ils prenaient des directions non soutenables. Ces choix parfois difficiles illustrent toute la tension pesant sur

notre métier. En effet, l’architecte, par ses responsabilités et son engagement, est tenu d’assumer des choix radicaux, parfois difficiles à faire comprendre aux autres acteurs investis.

«Construire plus, mieux et moins cher » : alors ça, si ce n’est pas un slogan de supermarché ? » notait Philippe Martial, à propos de la loi ELAN ; face à ces réalités exhacerbées par les mutations contemporaines, les conditions d’exercice de l’architecture et les stratégies d’agences évoluent. Face aux nombres grandissants d’interlocuteurs et à la montée en puissance des maîtrises d’ouvrage privée, une connaissance fine des contours juridiques et réglementaires est rendue indispensable pour que les architectes puissent continuer à défendre une posture de conception indépendante, responsable de l’intérêt public. Si Sylvain Grisot présentait l’architecte comme « responsable de la chaine de production dans laquelle il s’inscrit», son poids semblent parfois bien mince face aux maîtrises d’ouvrage privées ou aux majors de la construction. Néanmoins, ces réalités semblent en partie définir les nouvelles règles du jeu. Face à cet immense enjeu, il s’agit alors de faire preuve d’engagement autant que de résilience pour définir une architecture ancrée dans le réel, attentive aux normes et usages tout en démontrant la capacité à prendre du recul sur la pratique et la mettre en critique.

L’architecture se veut plus collective, et défend son expertise à la croisée de plusieurs disciplines. Si certains jeunes architectes ont fait le choix du marché public, et agissent aux côtés des maîtrises d’oeuvre publiques, d’autres privilégient des formes détournées de la commande classique pour se créer une place et défendre une architecture de qualité. C’est le cas du collectif Bellastock, qui, par la mise en place d’un statut juridique particulier, est en mesure d’intervenir sur des champs variés et multiples, de la conception d’architecture éphémère à l’assistance à maîtrise d’ouvrage en réemploi. De la même manière, Gwladys ... , dont la carte de visite cache le titre «architecte», développe son activité de maîtrise d’oeuvre à travers le conseil au particulier. Ces attitudes témoignent d’un changement de stratégie, où les architectes, en décloisonnant leurs pratiques, tentent de faire reconnaitre et valoriser à juste titre les prestations intelectuelles en plus de leur capacité à construire l’espace. Cet engagement d’une partie de la profession est nécessaire pour défendre une architecture de qualité. Ainsi, aux côtés des architectes, de nombreux acteurs, qu’ils soient CAUE, Ordre des Architectes, collectivités territoriales et autres maîtrises d’ouvrages engagées,

synthèse d’une session : le chantier

L'acte de construire, s'il est peu abordé lors de la formation initiale, me paraît central dans la formation HMONP, tant il cristallise un nombre important de responsabilités et règles incombant à l'architecte. Au delà de quelques expériences ponctuelles en agence, je n’ai pas encore eu la chance de suivre l’intégralité d’un chantier. Pourtant, si le temps de la conception constitue déjà la rencontre avec une partie des réalités de l’architecture, le chantier marque une sorte d’aboutissement du projet, où l’architecte, après avoir convaincu sur plans la maîtrise d’ouvrage, se donne la chance de l’éprouver par «l’usage».

Cette phase est d’autant plus cruciale qu’elle mobilise un part importante des responsabilités de l’architecte, en particulier la responsabilité décennale. Tel que rappelé par Olivier Lefebvre, juriste à la MAF, les architectes qui exercent la maîtrise d’œuvre sont tenus responsables des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination pendant les dix ans qui suivent la réception des travaux. En ce sens, la réception de l'ouvrage est un moment crucial où l'architecte doit tenir un rôle important auprès de sa maîtrise d'ouvrage. Toutefois, l'ensemble du processus de construction est à considérer, pour que chacun des intervenants, au gré de négociations parfois importantes, contribuent à une construction de qualité. Philippe Clech, architecte de l'agence Ekum à Rennes, est ainsi revenu sur différentes méthodes et outils pour que l'architecte assure son rôle de "coordinateur".

Au-delà du cadre réglementaire, Pierre Bernard, architecte et enseignant à Lille, a également permis de rappeler combien le chantier était une histoire d'hommes et de femme, une rencontre au plus près avec les entreprises, acteurs premiers de la construction. A travers une série de photographies réalisées sur divers chantiers, Pierre Bernard a illustré la question des rapports humains autant que l'appréhension concrète des réalités constructives. Pratiquer le chantier semble ainsi être un lieu d'apprentissage continu pour l'architecte, ou la confrontation au"faire" se doit de nourrir les futurs projets.

A l'heure où certaines agences se désengagent du suivi de chantier, les interventions d'architecte qui ont rythmées cette session, ont rappelé combien le suivi de chantier était essentiel pour assurer une continuité entre dessin et réalisation. Si l'évolution des procédures tend à dissocier la conception de la réalisation, certains architectes font au contraire le choix de centrer leur pratique sur le temps de chantier. L'expérience de Gwladys Poulain, où la question du "faire" est au centre de ses préoccupations, illustre particulièrement bien ces postures.

Annexes / Expériences en agences

Employeur :

Période :

Présentation de la structure :

RAUM (Nantes)

02/2018 - 12/2018

Domaine d'intervention :

- architecture (marché public)

- études urbaines

Taille de l'entreprise :

15 - 20 personnes, 3 associés

Position dans l'entreprise :

Descriptif du poste :

Assistant de projet

Principales missions :

- concours variés, ERP

- développement projets (ESQ, APS, APD, PC...)

- esquisse et études pour la rénovation d'une maison individuelle à Quiberon

Détails des activités :

- conception spatiale et production graphique

- coordination avec les bureaux d'études

- préparation de présentations à la MOA

- dessin de détails techniques

- préparation PC

Employeur :

Période :

Présentation de la structure :

Générale (Bruxelles)

01/2019 - 06/2019

Domaine d'intervention :

- architecture (marché public et marché privé)

Taille de l'entreprise :

8 personnes

Position dans l'entreprise :

Descriptif du poste :

Assistant de projet

Principales missions :

- esquisse et PC de divers projets de maisons individuelles neufs et réhabilitation

- phase APS APD pour extension d'une école, Ixelles

- préparation du carnet de détails PRO / DCE pour un équipement culturel, Bruxelles

Détails des activités :

- relevés sur site des bâtiments existants et dessins des plans

- préparations de dossiers PC

- analyse budgétaire et chiffrage

- travail en BIM (Revit)

Employeur :

Période :

Présentation de la structure :

Position dans l'entreprise :

Descriptif du poste : Ouest (Bruxelles)

06/2019 - 09/2019

Domaine d'intervention :

- architecture (marché public et marché privé)

Taille de l'entreprise : 6 personnes

Chef de projet

Principales missions : - concours pour l'extension / réhabilitation du Kaai Theater, Bruxelles en collaboration avec Bruther

Détails des activités : - conception - coordination avec les BET - coordination interne entre Ouest et Bruther lors de la co conception

Kaaitheater, Brussels (BE) Renovation and addition of a theater, 2019, competition, OUEST + BRUTHER.

EEN COMPACT NIEUW VOLUME BOVEN DE KAAI

EEN GENEREUZE INFRASTRUCTUUR

Het nieuwe volume is opgebouwd als een duidelijk leesbare structuur: 3 vloeren, op 15m, 25m en 30m hoogte, dragend op een regelmatig grid van 10 stalen kolommen. Daartussen: functionele dozen die het specifieke programma bevatten, en een systeem van passerelles en mezannines die het volume maximaal benutten.

Het gebouw is makkelijk te decoderen, en presenteert zich als een genereuze infrastructuur die op een vrije manier het programma in zich opneemt. Het brute en uitgebeende karakter van de structuur wordt tegelijkertijd zijn fysionomie, naakt en expressief.

EN OPEN GELIJKVLOERS

De kleine zaal wordt opgetild boven het niveau van de Citroënfaçade, en creëert een vrij en open gelijkvloers, in continuïteit met het hele bouwblok. De productiekant van het theater (logistiek, ateliers, studio’s) wordt in dit volume georganiseerd: dicht bij de publieke kaaien, in een utilitaire ruimte met een karakter dat dichter bij een werkplaats ligt dan bij een klassieke representatieruimte.

STEDELIJKE IDENTITEIT

Het gebouw plaatst zich in een zelfbewuste relatie met de omliggende gebouwen: assertief, maar respectvol. De volumetrie vermijdt een onduidelijke overlap met de Kanal-façade, die de lectuur van beide gebouwen zou vervagen. Het gebouw schrijft zich in in de logica van het bouwblok, maar door zijn plaats aan de rand geeft het het theater een duidelijk nieuwe expressie en plek in de stad.

Structuur: vloeren / kolommen / dozen passerelles

Maquettefoto: façade Akenkaai

VRIJ

Employeur :

Période :

Présentation de la structure :

51N4E (Bruxelles)

10/2019 - en cours

Domaine d'intervention :

- architecture (marché public et marché privé)

- études urbaines et paysage

Taille de l'entreprise : 50-60 personnes

Position dans l'entreprise :

Descriptif du poste :

Co chef de projet

Principales missions :

- concours et développement (APS - PRO DCE) pour la transformation des bâtiments Robin Oratoire, Paris

- études PRO pour un projet mixte, Tirana, Albanie

Détails des activités :

- conception et production graphique

- coordination avec les BET pour phases d'études avancées

- suivi hebdomadaire du projet Robin Oratoire

- présentations régulières à l'aménageur PM&A

- détails techniques

- BIM

rénover, réparer, réhabiliter, recycler, réemployer, reconvertir, reconstruire, restructurer, restituer...

Une variation de "re" s’est installée dans le langage architectural et souligne la multitude des interventions possibles sur les bâtiments existants. Face à la raréfaction des ressources autant que du foncier, aux impératifs économiques et écologiques, la transformation architecturale est rendue impérative. Pourtant, si chacun des termes en «re» évoqués précédemment renvoie à une multitude d’interventions, ils représentent une part minoritaire du travail des architectes, pourtant acteur essentiel de la chaîne de construction. Ces impératifs doivent nous pousser à considérer les situations construites comme nouveaux lieux de projets. Les architectes, en raison de leurs compétences spécifiques et de leurs expériences, semblent aujourd’hui les plus à même à répondre à ce type de problématique. Ce mémoire, à travers des échanges avec différents architectes engagés dans les transformations de l’existant, mais aussi au regard de ma pratique en agence sur différents projets de transformations, est l’occasion de comprendre en quoi travailler avec l’existant peut-il constituer l’opportunité d’une pratique engagée et élargie de de l’architecte, acteur de la fabrique des territoires ?

maxime le droupéet- ensa nantes - 2021

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