LES GRANDS VOISINS

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LES GRANDS VOISINS PROJETS SUR LE SITE DE L’ HÔPITAL SAINT-VINCENT-DE-PAUL PARIS ENSA PARIS MALAQUAIS P5 VISIONS PÉRIPHÉRIQUES 2016-17



P5 VISIONS PÉRIPHÉRIQUES « LES GRANDS VOISINS » SITE DE SAINT-VINCENT-DE-PAUL / PARIS



de musulmans , pour l’accomlier de l’Islam. mpressionnant mobarak, archie nationale suquais, arraché 3 novembre. Le mi, ses orientaultiples entrent n an après la

nvite à habiter onorer cette indes trajectoires ndividuels batif. Interprétons orps et l’événeet le paysage espace sacré.

Cet hommage se veut le début d’une conversation. Lorsque les architectes donnent corps à l’intangible, ils ouvrent l’espace à tout ce qui reste à penser et à dire. Maya Nemeta, Meriem Chabani. Titre librement inspiré du livre Léon l’africain de Amin Maalouf

ENSA Paris-Malaquais Espace Callot, 1 rue Jacques Callot, 75006 Paris Entrée libre du lundi au vendredi de 10 h à 19 h 30, le samedi de 10 h à 18h30. www.paris-malaquais.archi.fr

P5 VISIONS PÉRIPHÉRIQUES Enseignement du projet Licence P5 1er semestre ENSA Paris-Malaquais 2016-2017 Enseignants Anne Mie DEPUYDT et Thierry MANDOUL avec Maya NEMETA Étudiants Evgenia AFANASYEVA, Louis ALLART, Guillaume BALDY, Agnès BANG, Clément BILLARD, Justine DAVEINE, Tina EMAM, Céline EPSTEIN, Petru GANGURA, Céline GOURVIL, Mathilde HENAUX, Gautier HENNETON, Hoyeon HWANG, Taechaeon KIM, Arda KORAY, Guillaume LEMOINE, Mathilde LHOPITALIER, Verena LOPES, Eléonore MARC, Pauline MARETTE, Pietro MARIAT, Laury-Anne NOLLET, Maëlle PALUMBO, Marguerite RENAUDIN, Aymeric ROUOT, Augustin SAUZEY, Vanessa SEAIBY, Paul-Louis SPIRAL, Xinyu YAN En bleu, les textes dont les étudiants sont les auteurs. Ouvrage réalisé dans le cadre des séances de TD Coordination Maya NEMETA Enseignants du P5 : Thierry MANDOUL coordonnateur, Arnaud BICAL, Anne Mie DEPUYDT, Bruno HUBERT, Sandra PLANCHEZ, Joanne VAJDA, enseignants du projet P5 Les Grands Voisins - site de Saint-Vincent-de-Paul 75014 Paris ENSA Paris-Malaquais, 14 rue Bonaparte, 75006 Paris


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Source : IAU îdF, 2017


Dans le cadre de notre enseignement de projet du cinquième semestre du cycle Licence intitulé :Visions périphériques, nous avons souhaité réfléchir à la transformation de l’ancien site hospitalier SaintVincent-de-Paul dans le XIVème arrondissement de Paris. Depuis plusieurs mois une expérience singulière s’y déroule, désignée par les « Grands Voisins ». Grâce à la présence d’associations et d’accords passés avec la Ville de Paris, certains exclus de la société ou ceux qui n’y trouvent que difficilement place : populations migrantes, jeunes générations, créateurs d’entreprises, artistes, etc., résident pour un temps dans ce lieu. Une utopie se réalise au jour le jour. Ses occupants y expriment une grande créativité et une volonté d’engagement social et politique intense. Que faut-il penser de ce type d’occupation éphémère? Comment cet urbanisme temporaire influencera-t-il la réflexion sur la ville de demain ? Quelles seront les conséquences de ces expériences sur le devenir du site ? Est-ce un avatar d’un re-développement économique du néo-libéralisme ? Ou bien est-ce une autre façon de concevoir la ville, de la rendre plus accueillante et plurielle, plus ouverte à de nouvelles pratiques et à la diversité des usages ? En quoi ces occupations transitoires préfigurentelles la mise en œuvre d’un projet suscitant la participation des citoyens envers l’aménagement de leur cadre de vie ?

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vue aĂŠrienne du site saint-vincent-de-paul


OBJECTIFS ET MÉTHODES Le premier objectif est d’apprendre par le projet de cette situation d’urbanisme éphémère avant la réalisation de grands travaux de réhabilitation. Pour cela, il convient à la fois d’observer, de décrire de manière réfléchie et attentionnée, cette occupation temporaire amenée à disparaître sur le site des Grands Voisins. Il s’agit de tirer des leçons des valeurs inventées par les associations, les collectifs et les individus vivants sur le site et de voir dans quelle mesure ces tactiques d’usagers peuvent-elles donner jour à des stratégies de projets urbains et de nouvelles architectures. La pédagogie consiste alors à apprendre aux étudiants à révéler ce qui peut être essentiel, à prendre position selon des circonstances de production et des contextes déterminés. Toute la difficulté réside dans la capacité de l’étudiant à saisir les interdépendances d’un système où les questions sont de plus en plus transversales, multidimensionnelles et globales. Notre pédagogie vise à faire de lui un intellectuel, un chercheur de la forme – au sens scientifique du terme –, avec formulation d’hypothèses, de problématiques, de méthodes et d’objectifs. Quelles parts d’inventions, d’adaptations, ces appropriations peuvent-elles suggérer aux étudiants ? Ces observations et remarques doivent conduire les futurs architectes à remettre en cause les dispositifs déjà mis en place par la maitrise d’œuvre et d’ouvrage, à inventer un avenir plus radieux.


CONFÉRENCES Nous avons souhaité écouter quelques-uns des acteurs de cette transition lors de prises de paroles publiques. Ces conférences, données à l’Ecole d’Architecture de Paris-Malaquais, ont été retranscrites dans cet ouvrage. Mardi 4 Octobre 2016, 18h / Lukas Drygas, artiste/activiste, membre de l’association YES WE CAMP. Mercredi 12 Octobre 2016, 9h / Jean-Baptiste Roussat, urbaniste, secrétaire général de l’association PLATEAU URBAIN. Mardi 25 Octobre 2016, 18h / Yannick Beltrando architecte/urbaniste de l’agence d’architecture et d’urbanisme ANYOJI-BELTRANDO. Lauréats du projet urbain de reconversion. Mercredi 9 Novembre 2016, 11h / Pascale Dubois, coordinatrice du projet Les Grands Voisins - site de Saint-Vincent-de-Paul, au sein de l’association AURORE. Mardi 22 Novembre 2016, 18h / Sébastien Thiéry, politologue et enseignant à l’ENSAPM, coordinateur des actions du PEROU. Témoin.


SOMMAIRE 10

Préalable historique du site de Saint-Vincent-de-Paul TRANSFORMATION DE L’HÔPITAL : LE PROJET ÉLU

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ANYOJI BELTRANDO Le projet urbain, les acteurs, les étapes Yannick Beltrando / architecte-urbaniste de l’agence d’architecture et d’urbanisme

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Anyoji-Beltrando. Lauréats du projet urbain de reconversion.

EMPREINTE Retrouver le rapport au sol. Habiter les entre-deux.

EN ATTENDANT, OCCUPONS-LE ! 40

AURORE Accueillir des populations défavorisées Pascale Dubois / coordinatrice du projet Les Grands Voisins - site de Saint-Vincent-de-Paul

56

YES WE STAY Pérenniser ce lieu d’accueil pour des populations défavorisées.

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PLATEAU URBAIN Agence immobilière du transitoire, mettre en réseau des gens et des espaces vacants Jean-Baptiste Roussat / urbaniste, Secrétaire général de l’association

76

RE-MIXED-USE Vers un partage des espaces de vie et de travail.

86

YES WE CAMP Camper, occuper l’espace temporairement, créer in situ, impliquer les gens, communiquer Lukas Drygas / artiste-activiste, membre de l’association Yes We Camp

96

FAIT MAIN Péréniser l’idée de la fabrique urbaine. Agir local pour penser global.

106

CHAMP LIBRE Laisser le champ libre à l’appropriation de l’espace public par les usages.

118

FROM INSIDE TO OUTSIDE Actions-Manifestes : un mode d’emploi pour pratiquer les Grands Voisins ?

QUE FAUT-IL RETENIR DE L’EXPÉRIENCE ? 126

PEROU Identités du transitoire. Sébastien Thiéry / politologue et enseignant à l’Ensapm, coordinateur des actions du Pérou. Témoin

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THEATRUM BOTANICUM Prolonger le jardin sauvage de Baumgarten.

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UTOPIE RÉALISÉE Questionner la biodiversité pour favoriser les échanges sociaux.


PRÉALABLE HISTORIQUE

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1 Le document 1 est extrait de l’étude historique de l’apur pour le site SaintVincent-de-Paul. Les documents 2 à 5 sont extraits de l’étude historique de la mairie de paris pour le site Saint-Vincent-de-Paul.

1 Abbé Delagrive, nouveau plan de Paris et ses faubourgs, 1727


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1795 - ò ÙÝ 1930 : ½’«ÊÝÖ® Ý Ä¥ ÄãÝ ãÙÊçò Ý Öç®Ý Ý Ä¥ ÄãÝ ÝÝ®Ýã Ý 1810 - Ö½ Ä ¦ Ä Ù ½.

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Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents iconographiques, 793Foss-27.

1899 - Ö½ Ä ¦ Ä Ù ½.

A îĮÝãÙ ã®ÊÄ ¦ Ä Ù ½ ½’ ÝÝ®Ýã Ä Öç ½®Øç P Ù®Ý, Les établissements hospitaliers : cinquième volume, Paris, 1912. (Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents figurés, C660-V)

V ÙÝ 1886-1893 : Ö½ Ä ¦ Ä Ù ½.

Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents iconographiques, 793Foss-27.

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Hôpital Saint-Vincent de Paul (72-86 avenue Denfert-Rochereau / 51-53 rue Boissonnade, Paris 14e) - Étude historique et documentaire, ave 86 Rapport final - GRAHAL R&E, juin 2013 72-

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4 2 1650-1795 : le Noviciat de l’Oratoire. 1795 - plan général Verniquet, atlas du plan général de la ville de Paris levé géométriquement, Paris, an IV

5 3 1795 - vers 1930 : l’Hospice des enfants trouvés puis des enfants assistés. 1810 - plan général. archives de l’APHP, documents iconographiques, 793foss-27

4 vers 1886-1893 : plan général. archives de l’APHP, documents iconographiques, 793foss-27

Hôpital Saint-Vincent de Paul (72-86 avenue Denfert-Rochereau / 51-53 rue Boissonnade, Paris 14e) - Étude historique et documentaire, Rapport final - GRAHAL R&E, juin 2013

5 1899 - plan général administration générale de l’assistance publique de Paris, les établissements ereau / 51-53 rue Boissonnade, Paris 14 ) - Étude historiqu Denfert-Roch hospitaliers : vol. 5, de Paul (72-86 avenue Hôpital Saint-Vincent documentaire, Rapport final - GRAHAL R&E, juin 2 paris, 1912. archives de l’APHP, fig.c660-v e


- accessible d’une porte cochère percée dans un mur de clôture 1886 - AÄÊÄùà - Ö«Êãʦ٠֫® . En pierre deassistés taille,: allée la nouvelle aile à droite de la cour d’honneur, Hospice des enfants séparant la buanderie en façade sur la rue des Charbonnier, une cour d’honneur centrale ; du corps en de logis principal dede l’ancien noviciat. située vis-à-vis l’ancienne église, comptait sur un étage de figurés, D-875. - à droite de cette cour d’honneur, l’église ayant sa propre cour Archives et de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents sous-sol un rez-de-chaussée, deux étages carrés et un étage de porte cochère sur la voie publique, composée au-delà d’un portail, combles prenant le jour par des tabatières (toutes remplacées en précédé d’un perron et couronné d’un fronton triangulaire, d’une nef 1954 par des lucarnes pour rendre plus confortable le “dortoir des sociales et graveur. convoyeuses chargées d’accompagner les au chœur en chevet plat cantonnée de chaque côté d’une chapelleassistantes et S Ýã® Ä P Ù ½½ , noviciat de l’Oratoiredans les agences”). Elle formait retour enfantsLe assistés envoyés d’un collatéral ; E. D., éditeur - carte postale e au XVII siècle.

La cour Robin et l’aile de l’ancien noviciat de l’Oratoire reconstruite à la fin du XIXe siècle.

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Publié dans : Hélène Verlet, Épitaphier du vieux Paris : recueil général des inscripƟons funéraires des églises, couvents, collèges, hospices, cimeƟères et charniers depuis le Moyen Âge jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, tome XI, Paris, 1998..

www.delcampe.fr (décembre 2012)

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1 1883 - AÄÊÄùà - Ö«Êãʦ٠֫® . Aò Äã Le noviciat de l’Oratoire: corps de bâƟment sur la rue d’Enfer.

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Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents figurés, D-875.

1886 - AÄÊÄùà - au fond de cette cour d’honneur, un grand corps de logis d’équerre avec le corps de logis principal du noviciat etÖ«Êãʦ٠֫® . Hospice des en principal comptant sur quatre berceaux de caves un rez-de-chaussée communiquait de plain-pied directement avec lui. Elle était trèsassistés : la bua cour intérieure abritant le réfectoire, la cuisine, le garde-manger, etc., deux étages certainement desservie, comme l’indique un plan général debassin pour les Archives de l’Ass carrés au-dessus avec les chambres et les dortoirs, ainsi qu’un étage l’hospice levé en 1890 : publique des hôp Paris, Docum de combles pour des pièces de service (lingerie, resserre pour les- par un escalier particulier central prenant le jour sur lade figurés, D-875. nouvelle cour (et aujourd’hui disparu) ; meubles…) et un grenier que surmontait un clocher ; - au-delà de ce grand corps de logis, un vaste jardin entièrement- à chaque étage par un corridor central de part et d’autre duquel était disposée une suite de pièces regardant pour les unes clos de murs pour le séparer des propriétés voisines. la cour d’honneur, pour les autres la nouvelle cour. Il existait alors une petite cour aménagée contre le flanc nord de Cette nouvelle cour, dite des services généraux, était quant à l’église et servant aux cuisines.

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elle bordée : 4- sur la rue, par un premier corps de bâtiment en pierre de taille de sept travées de face, haut sur sous-sol d’un rez-de-chaus(loge de concierge), d’un -étage carré (appartement du direc1 Sébastien Perelle, 2 e. d., éditeur 3 avantsée 1883 4 anonyme 5 1886 - anonymeHôpital Saint-Vincent Paul (72-86 avenue Denfert-Rochereau / 51-53 rue Boissonnade, Paris 14 ) - Étude e teur) d’un14étage dedehistorique combles prenant le jour pardocumentaire, des tabatières ; Hôpital Saint-Vincent deNoviciat Paul (72-86 avenue Denfert-Rochereau / 51-53 rue Boissonnade, ) - Étude et graveur. Le carte postale. - anonyme - etParis photographie. la photographie. Rapport final - GRAHAL R Rapport final - GRAHAL R&E,implanté juinen 2013 la cour Robin et l’aile documentaire, buanderie 1886 : Hospice desceenfants de l’Oratoire au 17e photographie. - toujours sur la rue, à l’extrémité sud de premier siècle. de l’ancien Noviciat le Noviciat de de bâtiment, cour avec corpsassistés : la cour des corps parintérieure un deuxième de bâtiment formant

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Publié dans : Hélène Verlet, Épitaphier du vieux Paris : recueil général des inscriptions funéraires des églises, couvents, collèges, hospices, cimetières et charniers depuis le Moyen Âge jusqu’à la fin du 18e siècle, tome 11, paris, 1998

de l’Oratoire Divisions. l’Oratoire: corps de le bassin pour les reconstruite bâtiment sur la rue lessives. archives de archives de à la fin du 19e siècle. d’Enfer. l’Assistance Publique l’Assistance Publique e Hôpital Saint-Vincent de Paul (72-86 avenue / 51-53 rue Boissonnade, ÉtudeHôpitaux historique etde documentaire, www.delcampe.fr Archives de Denfert-Rochereaudes Hôpitaux de Paris 14 ) -des Rapport final - GRAHAL R&E, juin 2013 (décembre 2012) l’Assistance Publique Paris, documents Paris, documents figurés, d-875 figurés, d-875 des Hôpitaux de Paris, documents figurés, d-875

EÄãÙ 1880 ã 1883 - GÊ ¥ÙÊù - Ö«Êãʦ٠֫® . Le noviciat de l’Oratoire: corps de bâƟment sur la rue d’Enfer pendant leur démoliƟon. Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, Photographies, LIII-30.

1886 - AÄÊÄùà - Ö«Êãʦ٠֫® . Hospice des enfants assistés : allée séparant la buanderie du corps de logis principal de l’ancien noviciat.

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Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents figurés, D-875.

1886 - AÄÊÄùà ֫Êãʦ٠֫® Hospice des enfants assistés : la cour des divisions. Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents figurés, D-875.

Hôpital Saint-Vincent de Paul (72-86 avenue Denfert-Rochereau / 51-53 rue Boissonnade, Paris 14e) - Étude historique et documentaire, Rapport final - GRAHAL R&E, juin 2013

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6 1886 - AÄÊÄùà ֫Êãʦ٠֫® . Hospice des enfants assistés : la buanderie, cour intérieure avec le bassin pour les lessives.

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Archives de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Documents figurés, D-875.


graphie en 1960 : ne cour sions”.

communes de dix lits ou en boxes individuels. Ce nouveau bâtiment possédait son propre escalier particulier montant de fond en comble, implanté au milieu, éclairé au sud par une grande trémie en béton incrustée de carreaux de verre translucide et conduisant à chaque étage à des couloirs centraux de part et d’autre duquel était disposée une suite de pièces regardant soit vers le corps de logis principal de l’ancien noviciat, soit vers la maternité Adolphe Pinard.

moyen d’une galerie, ne comptait quant à elle sur rez-de-chaussée qu’un étage carré couvert en terrasses. Absolument symétriques, elles se terminaient à leur extrémité ouest par un pavillon dans lequel était implanté un escalier, lui aussi montant de fond en salles pour le personnel. Le rez-de-chaussée était occupé par comble et en saillie. Chaque étage se composait d’une manière plusieurs services, chacun possédant une entrée propre et générale d’une suite de chambres et de pièces disposée de part et particulière : d’autre d’un couloir de circulation central. Cet immeuble était alors chauffé par une usine en béton et brique de parement haute seulement d’un rez-de-chaussée, construite spécialement avec sa cheminée indépendante dans la partie sud du jardin, à côté de la buanderie. Cette usine se composait : - d’un avant-corps abritant dans une grande pièce centrale voûtée, éclairée de manière zénithale par un lanternon aux carreaux de verre incrustés, la machinerie fournie par la société parisienne Niclausse; - de part et d’autre de cet avant-corps, d’un arrière-corps latéral 8 de moindre hauteur et d’une seule travée de face, distribué en pièces de service de plus petites dimensions.

nce publique s.

7 l’ensemble de ces documents est extrait de l’étude historique de la mairie de paris pour le site Saint-Vincent-de-Paul.

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Archives de l’A publique des Paris, Docume 3Fi-4-Saint-Vi

Photographie La chauīerie : générale, 2012

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deuxième troisième étages).central, Le dernier étage enainsi retrait - dans leetcorps de bâtiment se trouvaient auabritait milieu La clinique infantile, dont le programme fut élaboré sous la une petite animalerie. la policlinique de consultation avec son hall d’entrée desservant supervision de son directeur, le pédiatre Marcel Lelong (1892Pourboxes desservir cet ensemble, existait deuxdes escaliers salles, et cabinets médicauxilpour l’examen patients,rampe d’un †1973), premier titulaire de la chaire de puériculture fondée en sur rampe, chacun accompagné de leur ascenseur et d’un monte1946, fut conçue comme un pendant à la maternité Adolphe côté les locaux réservés à l’enseignement, notamment un grand implantés dans le de bâtiment principal, premier Pinard, édifiée au début des années 1930 par Félix Debat, dont malade, amphithéâtre, disposé encorps gradins sur deux niveaux et leoccupant elle reprenait l’architecture de brique et de béton, tout en en àune droite du hall d’accès, le second à l’ e xtrémité nord-est. partie du sous-sol, de l’autre les bureaux administratifs pour simplifiant les volumes, beaucoup plus uniformes et moins l’hospitalisation ; découpés. Comme cette dernière, elle était organisée autour d’une Le deuxième qu’ouvrirent à la même époque, en - dans les corpschantier de bâtiment en aile, étaient disposés le service cour centrale et composée de trois corps de bâtiment formant AÄÊÄùÃ - p 1965, dans le cadre de la réorganisation et restructuration et les un U. Aux sous-sols, éclairés en partie par des cours anglaises, de radiologie La clinique M l’établissement, les architectes Marcel Desprez et André 131960 : le gra 9 prenaient place les installations techniques, des vestiaires et des de laboratoires. de l’A Larrousse consista aménager, en bordure de la rue Boissonade, Archives Les étages, au ànombre publique des acquise par l’Assistance où moderne était alors Paris, Docume anonymepublique 1886 - anonyme / 51-53 rue7Boissonnade, anonyme8 anonyme -sur la chaufferie de une trois, en :terPar parcelle sa9couverts monumentalité, le 11 caractère résolument nt de Paul (72-866avenue Denfert-Rochereau Paris 14 ) - Étude historique et documentaire, 3Fi-4-Saint-Vi vue générale, 2012. photographie. - photographie. photographie. photographie HAL R&E, juin 2013 logée l’et école des infirmières, dans un immeuble construit à lacet aluminium, se composait : le centre d’accueil de son architecture de débrique et béton sobre et recherchée, rasse entièrement l’immeuble François la clinique infantile cliché grahal cd Hospice des enfants eff et, luiàaussi endebéton et aux façades en murs rideaux :assurant 2012/110-06 Lepage dans les anglaises assistés : allée corps deen 1960 : façade Marcelen Lelong : fonctionnalité cour - d’un premier bâtiment principal, étant vis-à-vis ses distributions avec ses cours volus l’hospitalisation, 1980 :sur façade intérieure. Archives séparant la buanderie sur l’ancienne cour - une nouvelle morgue (celleannées existante le site se révélant de la maternité Adolphe Pinard, haut sur deux étages de sous-sol présentaient dans chacun sur le jardin de du corps de logis centrale des « de l’Assistance 10 anonyme santephotographie. au développement services médicaux et prenant le jour par des cour anglaises, d’un rez-de-chaussée, desdecorps desuite bâtiment un l’Hôpital.des Archives de principal de l’ancien Divisions ». Archives Publique des insuffi Hôpital Saint-Vincent de Paul (72-86 l’Assistance avenue Denfert-Rochereau rue Boissonnade, Paris 14 ) - Étu Publique Noviciat.carrés Archives de l’Assistance Hôpitaux de le Paris, la clinique Pierre chirurgicaux) ainsiaux que les laboratoires centraux/ 51-53 d’anatomocinq étages et de d’un sixième étage partiel en retrait, tout corridor central cloidocumentaire, Rapport final - GRAHA l’Assistance Publique Publique des documents figurés, Petit en cours des Hôpitaux de pathologie ; sons largement vitrées pour couvert terrasse ; Paris, documents Hôpitaux de Paris 3fi-4-Saint-Vincent de construction desen Hôpitaux de Paris, documents Paul 1971. figurés, 3fi-4-Saint- et des logements dedefonction (en remplacement notamment faciliter la Archives surveillance - en suite de ce premier corps de bâtiment, dedeplain-pied avec l’Assistance Publique Vincent de Paul figurés, d-875 distribuant suite logements supprimés occupant une partie de l’ancien noviciat, lui, d’un deuxième corps de bâtiment venant lotir l’anciennedes cour desune Hôpitaux de de Paris, documents chambres ou dortoirs dévolu en intégralité auaméservice d’aide sociale à l’enfance). centrale, ne comptant que deux sous-sols et un rez-de-chaussée AÄÊÄùÃ figurés, 3fi-4-SaintL’immeuble nagés de part et d’autre. aussi couvert en terrasse. Vincent de Paul dans les an e

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Hôpital Saint-Vincent de Paul (72-86 avenue Denfert-Rochereau / 51-53 rue Boissonnade,publique Paris 14edes )Paris, documentaire, Rapport finalDocum - GRA

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Les travaux, autorisés par arrêtés du 12 août 1968 et du 3 mars Le second sous-sol était occupé par des locaux techniques, 1970, des salles d’archives, des réserves et vestiaires pour le personnel. ne commencèrent qu’en 1977 pour s’achever en 1981. Le Le premier sous-sol était aménagé en bloc opératoire avecnouveau salles bâtiment, appelé de nos jours François Lepage (1905†1978), d’opération, de plâtrage, d’endoscopie, etc. Le rez-de-chaussée du nom de l’accoucheur des hôpitaux de Paris, était alors


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plan du site des Grands Voisins sur le site de l’ancien Hôpital Saint-Vincentde-Paul, 2015-2017


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CONFÉRENCE À L’ENSAPM / MARDI 25 OCTOBRE 2016

Yannick Beltrando architecte/urbaniste de l’agence d’architecture et d’urbanisme ANYOJI-BELTRANDO lauréats du projet urbain de reconversion

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CONTEXTE DU PROJET : DENSIFICATION, CONSULTATION, ACTEURS Yannick Beltrando : Le site de l’ancien Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dont la vente est encore en cours à ce jour, a été cédé par l’APHP à la Ville de Paris. L’hôpital avait cessé ses activités en 2012. La vente, qui devait être conclue fin 2016, a été l’objet d’une passation avec l’établissement du foncier d’Ile-de-France, et son prix a été estimé à 92 millions d’euros après négociations. Une telle somme s’explique par la particularité du site : de la même manière que les terrains de la SCNF ou d’EDF, les sites des hôpitaux publics sont généralement vendus au prix fort, même aux collectivités publiques, car ils permettent de renflouer les caisses de l’Etat. En intégrant les 8000 m² situés au niveau des cours anglaises présentes sur le site, on compte 40 000 m² de bâti au niveau du sol pour ce site de 3,4 hectares. La densité y est déjà importante, à l’image d’un quartier parisien du 14e arrondissement. Habituellement, dans une opération d’urbanisme classique, le foncier (donc le prix du terrain) représente environ 25 à 30 % de l’opération. Or ici la Ville de Paris part avec un handicap de 60 % du coût de l’opération, et les recettes du bilan seront affectées au coût du foncier. Cela induit une économie extrêmement aiguë, et une nécessité de densifier davantage le site chargé d’histoire, où des propriétés religieuses sont notamment encore présentes. D’autre part, les riverains sont eux attentifs au fait que rien ne change dans ce quartier assez chic et aéré, où le prix du mètre carré est relativement élevé. L’équation est complexe : la nécessité pour la Ville de Paris de construire de manière assez dense dans un environnement à tendance réfractaire. Cela a été le point de départ de l’étude urbaine préalable, à la base des négociations entre la Ville de Paris et l’APHP. La surface de plancher totale retenue devait atteindre 60 000 m² et fixait la valeur du prix du foncier.

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C’est dans ce contexte que nous avons commencé à travailler sur ce projet urbain au sein de l’agence ANYOJI BELTRANDO. Parce que le site avait déjà fait l’objet d’études préalables et qu’il était contraint par des enjeux complexes et des intérêts contradictoires, il a fallut agir sur un temps très court, et en incluant les élus et la population dans le processus de projet. En parallèle de notre approche du site par son histoire et son patrimoine, nous avons organisé un travail de consultation : des visites de site et une série d’ateliers pour mettre en place des scénarios avec les riverains, et tenter d’accueillir au mieux l’objectif de densité de la ville. Nous avons travaillé en parallèle avec d’autres acteurs également présents sur le site : l’association AURORE, chargée de gérer des foyers d’accueil pour personnes défavorisés, déjà présents sur le site au moment où nous avons commencé notre étude ; et deux autres associations qui sont arrivées plus tard, YES WE CAMP et PLATEAU URBAIN, eux chargés de proposer une occupation temporaire du site pendant le temps des études. Ces acteurs avaient pour objectif de créer un dispositif d’occupation temporaire du site, et ont su inventer une économie intéressante dans cette période d’intervalle. Quant à nous, notre approche devait répondre au programme de densification du site dans une durée plus pérenne.


L’HISTOIRE DU SITE : UN LIEU D’ACCUEIL ET D’HOSPITALITE 1655-1795 : Le Noviciat Le pavillon de l’Oratoire est le plus ancien bâtiment du site, construit en 1655. A l’arrière du bâtiment s’étendait un vaste jardin clos divisé en deux parties, un jardin d’agréments et un jardin potager et planté appelé « le bois ». L’établissement était chargé de l’instruction et de l’enseignement théologique des prêtres de l’église catholique, jusqu’en 1795. Le bâtiment en pierre était organisé autour d’une cour d’honneur centrale, et disposait d’une chapelle. Malgré ses qualités patrimoniales, il n’a jamais été classé aux monuments historiques ; les Hôpitaux de Paris ayant négocié avec l’État que les bâtiments hospitaliers puissent être transformés dans le temps. 1795-1930 : La maternité et l’orphelinat A la révolution française, les biens de l’Eglise furent saisis et l’institution fut affectée en maternité, puis en orphelinat à partir de 1814. L’hospice des enfants trouvés dépendait alors de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, chargée de recueillir, héberger, nourrir et instruire les enfants abandonnés ou orphelins, ou ceux dont les parents ne pouvaient plus s’occuper pour cause d’emprisonnement, de maladies, ou encore de misère. Entre 1835 et 1845, de nouvelles grandes constructions furent édifiées dans l’enceinte de l’orphelinat. Dans le jardin d’agrément, de part et d’autre de la perspective centrale, deux bâtiments furent érigés, nommés « Division », destinés à accueillir, l’un les filles et l’autre les garçons. Cette période voit aussi l’établissement se doter d’une nouvelle buanderie, d’un vaste séchoir et d’un bâtiment des bains. A partir des années 1880 commença une période de profonde modernisation, avec d’une part l’élargissement de l’avenue Denfer et d’autre part la mise en oeuvre de techniques plus avancées en matière d’hygiène, de prévention et de soins des maladies. Pour lutter contre les maladies infectieuses sont ainsi créés au XIXème siècle des pavillons d’isolement en fond de parcelle. De ces constructions, seule la Maison des Médecins est encore là. 1930-2012 : L’Hôpital A partir des années 1930, le site devient un hôpital spécialisé dans les naissances, les accouchements, le traitement et la prise en charge des maladies infantiles. Des campagnes de modernisation se sont succédé sur le site, rognant peu à peu les espaces dédiés aux jardins. En 1930, une grande maternité fut inaugurée dans l’actuel bâtiment Adolphe Pinard, dont l’architecture régionaliste, les grandes hauteurs sous-plafond et des façades porteuses libérant des espaces libres de 8 mètres de profondeur, en font un bâtiment remarquable, et facilement adaptable aujourd’hui. Cet édifice est accompagné d’une chaufferie en béton et en brique pourvue d’une grande cheminée. Le bâtiment Pinard a été l’une des plus grandes maternités de Paris : une estimation décompte près de 500 000 naissances en 70 ans d’activité. Entre 1955 et 1959, la maternité est dotée d’un nouvel équipement, la clinique, dans le bâtiment Marcel Lelong. Conçu en forme de U, les corps de bâti d’une épaisseur de 13,50 mètres distribués par un couloir central, permettent une adaptabilité intéressante, avec la possibilité de dégager des espaces de plancher entièrement libres, sans points porteurs. Enfin, l’essor de la voiture a eu un impact important sur le site, avec la création de nouveaux accès pour la voirie et de parkings souterrains. A compter de 1962, l’hôpital subit une réforme structurelle importante, avec notamment de 1963 à 1971 la mise en place d’une nouvelle clinique de chirurgie infantile dans le bâtiment Pierre Petit. En 1981 s’acheva la construction du bâtiment François Lepage accueillant une nouvelle morgue en sous-sol, des laboratoires de recherche, ainsi que des logements de fonctions. La dernière construction fut réalisée en 1993 et 1997.

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LES PRINCIPES DU PROJET URBAIN D’un site chargé d’histoire à un hôpital fonctionnel, la technique a prit une place prépondérante dans la densification du site. La fonctionnalité a été préférée à la conservation d’axes de composition d’origine, notamment la perspective depuis l’Oratoire. Fallait-il recréer ces axes en détruisant les bâtiments existants, comme le suggérait l’étude réalisée par les architectes du patrimoine ? Allait-on conserver la Maison des Médecins, la Chaufferie, le bâtiment Marcel Lelong ? Quid de la relation avec la Fondation Cartier voisine ? Toutes ces questions ont fait l’objet d’un certain nombre de débats. Recréer des axes historiques VS faire projet avec le déjà-là

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Notre approche du site a été en premier lieu de prendre du recul face aux conclusions des historiens et des architectes du patrimoine. Ce qui nous intéressait était non seulement son état d’origine, mais surtout sa sédimentation, le fait qu’il y ait un certain nombre de couches historiques qui se superposent, plus ou moins heureuses, avec des bâtiments plus ou moins intéressants. Il nous semblait pertinent de travailler avec cette histoire du site, et d’éviter l’écueil d’un site « muséifié ». Plutôt que de retracer des axes de composition disparus, nous nous sommes intéressés à la trame, singulière et intéressante, des espaces publics présents aujourd’hui. On peut décomposer le site selon les blocs suivants : un bâti ancien sur l’avenue Denfert-Rochereau, avec notamment l’Oratoire et le bâtiment Pierre Robin ; un double-bloc formé par la Chaufferie et le bâtiment Pierre Petit ; un autre double-bloc composé par les bâtiments Adolphe Pinard et Marcel Lelong ; et enfin un accès sur la rue Boissonade à travers le bâtiment François Lepage. L’ensemble relié par une trame de grandes allées plantées, qui assure la desserte carrossable. Les architectes du patrimoine avaient identifié l’Oratoire et le bâtiment Robin comme des entités à conserver à tout prix, le bâtiment Lelong était listé comme « à transformer/surélever », la Maison des Médecins et la Chaufferie faisaient également partie des bâtiments à conserver. Or le bâtiment Pinard ne faisait pas partie de cette liste, malgré ses qualités architecturales indéniables. Un exemple de notre approche du site a été de prendre le parti de conserver ce dernier bâtiment plutôt que la Chaufferie, les deux édifices datant de la même époque. Questionner les limites de la parcelle en relation avec son environnement Si l’on restitue la parcelle vis-à-vis de ses voisins, se pose la question de la perméabilité des espaces entre eux et par rapport à la rue. Au Sud de la parcelle, les Œuvres des Jeunes Filles Aveugles est géré par six Sœurs, et une école y accueille des enfants mal-voyants. L’institution a pour projet de s’agrandir avec la création d’un foyer d’accueil pour personnes atteintes d’autres handicaps. Un grand jardin occupe la partie arrière du site, avec des vues dégagées sur la Fondation Cartier toute proche. Au Nord de l’ancien hôpital, le Couvent de la Visitation est constitué d’un magnifique parc de 8 hectares où réside une dizaine de Sœurs. Cet écrin de nature, très peu dense, avec ses belles allées plantées de tilleuls, a fait l’objet d’une négociation en faveur d’une ouverture possible au public, mais celles-ci n’a pas aboutie, les moyens d’actions étant limités. L’ensemble constitue une trame végétale très forte, renforcé par les alignements de platane le long des avenues Raspail et Denfert-Rochereau, qui datent de l’époque d’Haussmann. Dans ce contexte, nous avons prit le parti de conserver l’isolement du site, entièrement clos de mur. En effet, l’enclos est ici fondamental dans l’histoire du lieu, puisqu’il est lié aux différentes entités religieuses présentes depuis plusieurs siècles. Cet enclos souligne la qualité d’intériorité et la rigueur nécessaire pour bien gérer la cohabitation des futurs programmes. Sur l’avenue, les murs en pierre sont massifs, épais, ce qui confère à l’espace une intériorité intéressante. A partir de là, il a fallut faire des compromis entre ces enjeux de conservation et de mise en valeur de situations intéressantes et l’objectif de densité demandé par la Ville.


Identifier des qualités architecturales remarquables Certains lieux ont retenu notre attention de part leurs qualités architecturales indéniables. La conservation du bâtiment Adolphe Pinard a été un élément majeur du projet. Sa faible densité et la générosité de ses volumes lui confèrent un statut particulier, idéal pour accueillir un futur équipement public. Le bâtiment Marcel Lelong est également un édifice remarquable de part sa structure et ses proportions. Or il est aujourd’hui dans un état déplorable (infiltrations, humidité, amiante). L’un des enjeux du projet est donc de le remettre en état d’usage. L’Oratoire, sa cour d’honneur, sa chapelle et sa grande nef à l’étage, constituent évidemment des lieux atypiques et de grande qualité. Le bâtiment Pierre Robin présente également des qualités remarquables : l’appartement de l’ancien directeur de l’Hôpital notamment. Enfin, la présence de nombreuses cours anglaises constitue un élément assez particulier du site et de sa densification par le dessous : de nombreux espaces de ce type ont été aménagés dans les sous-sol de l’Hôpital pour accueillir divers laboratoires et blocs de chirurgie. La cour anglaise est un dispositif très rare dans l’urbanisme parisien, elle n’a jamais été développée, de peur d’y trouver un compromis peu onéreux pour y loger les populations. Sur le site, certaines ont depuis été condamnées. L’enjeu de les utiliser est primordial, il s’agit de tirer parti du déjà-là pour les futurs usages des bâtiments. Enfin, en sous-sol, de nombreuses galeries permettent de relier les bâtiments les uns aux autres, créées à l’origine pour permettre la circulation des brancards de la maternité à la clinique et aux espaces de chirurgie. Ces accès techniques situés au deuxième sous-sol (moins de 17 mètres sous terre) sont voués à être conservés et réutilisés dans le cadre du futur projet, afin de s’inscrire dans une démarche de réemploi de ces espaces aujourd’hui non utilisés. Toutefois la question de la faisabilité de ce dernier aspect est encore à l’étude. Intériorité VS perméabilité : espaces publics et privés, accès différenciés Le site de l’ancien hôpital n’est donc pas considéré comme une enclave, mais bien comme une parcelle fermée recelant de grandes qualités d’espaces. Il est ressorti des différentes concertations avec les résidents du quartier que l’enjeu principal consistait à leur faire accepter la construction de 600 logements et donc l’arrivée de près de 1500 habitants sur le site. C’est pourquoi la possibilité de créer une nouvelle rue reliant l’avenue Denfert-Rochereau à la rue Boissonade n’a pas semblé pertinente : la difficulté était d’ouvrir le site vers l’extérieur tout en préservant son intériorité, sa présence discrète au sein du quartier alentour. Plutôt que la création d’une rue, l’idée retenue pour rendre le site poreux a été d’une part d’ouvrir la cour du bâtiment Pierre Robin, ainsi que l’accès en fond de parcelle sous le bâtiment François Lepage. Favoriser les entrées piétonnes au maximum et limiter l’accès carrossable à une seule voie permettant de desservir l’ensemble des constructions, principalement pour les véhicules de livraison, de ramassage des ordures ménagères et les accès réservés aux pompiers. Il s’agissait donc d’utiliser la voirie déjà existante sur le site, en particulier la boucle périphérique, et d’intervenir sur la croisée centrale pour en faire un espace piéton paysager. Pour compléter cette nouvelle trame d’espaces publics ouverts à tous, il a été décidé d’ouvrir les cours des bâtiments Adolphe Pinard et Marcel Lelong ainsi que la cour d’honneur de l’Oratoire sur l’avenue. En contrepartie, l’objectif était de conserver les qualités privées de certains espaces non visibles depuis le domaine public, notamment des futurs logements. C’est ce que nous avons pu obtenir après des négociations avec les services de la Ville de Paris. Implantation des différents programmes Le bâtiment Adolphe Pinard, préalablement identifié comme l’édifice le plus approprié pour accueillir un équipement public, a été choisi de manière assez évidente pour accueillir le groupe scolaire prévu au programme de la Ville de Paris, regroupant une école, un gymnase et une

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crèche. Le gymnase pourra être aménagé dans les espaces de parkings existants en sous-sol de l’édifice, pour en faire une construction semi-enterrée. La crèche sera répartie sur plusieurs niveaux de l’aile Sud, alors que l’école occupera l’ensemble de la partie Nord du bâtiment. Les toits seront aménagés pour les rendre accessible, avec notamment la création de la cour de la crèche en toiture, permettant un certain désenclavement. D’autre part, le groupe scolaire étant situé en fond de parcelle, des flux seront naturellement générés à l’intérieur du site, plus public. La Maison des Médecins n’est quant à elle pas encore programmée pour l’avenir. Il a été question d’ouvrir le site sur la Fondation Cartier, et donc d’utiliser ce bâtiment dans cette intention, mais les négociations n’ont pas abouties. On tente aujourd’hui de réengager le débat. En plus de ces programmes à valeur culturels et d’éducation, la future programmation est essentiellement résidentielle. Les bâtiments Pierre Robin et le Pavillon de l’Oratoire seront transformés en logements luxueux, de manière assez logique étant donné leurs qualités patrimoniales. Toutefois il est essentiel qu’ils restent ouverts sur l’espace public, afin d’éviter de créer des enclaves. Deux blocs de bâtiments seront construits à l’emplacement de l’actuel bâtiment Pierre Petit et de la Chaufferie, pour créer de nouveaux logements. Quant au bâtiment Marcel Lelong, il sera également transformé en logements et fera l’objet d’une surélévation. La réflexion sur la densité, menée sur plusieurs fronts, des Architectes des Bâtiments de France aux ateliers participatifs, a aboutit à la définition de plusieurs principes : d’une part l’intérêt de conserver une faible hauteur en périphérie du site (donc pour les bâtiments anciens), avec une possibilité de densité plus forte en cœur de parcelle ; d’autre part la nécessaire mixité des différents types de logements ; et enfin l’important de la question écologique sur l’ensemble du site. 22

Le stationnement Les questions d’implantation du stationnement pour les riverains a fondamentalement changé à Paris ces dernières années. Depuis le mois de Juillet 2016, le PLU de la Ville de Paris n’oblige plus à créer une place de stationnement par logement comme c’était le cas auparavant à partir de 800 m² de surface construite. Le règlement va même plus loin : il y a désormais un nombre de places maximum à ne pas dépasser à proximité des activités tertiaires lorsqu’elles sont situées à moins de 300 mètres d’une station de métro. Le projet s’inscrit donc dans la nouvelle politique de la ville, qui consiste à favoriser les déplacements en transport en commun plutôt que l’utilisation de la voiture. L’accord trouvé avec les riverains consiste à créer des places uniquement dans une partie du site, celle la plus proche de l’avenue Denfert-Rochereau. Ces places seront mutualisées, accessibles à l’ensemble du quartier, aux nouveaux résidents et aux utilisateurs des futurs équipements publics. Au total, seulement 150 places de stationnement seront créées. Et les logements libres à l’accession seront vendus sans place de parking. Densité et programmation : négociations et appels à projet En résumé, le projet conserve 60 % des surfaces bâties existantes. Les nouvelles constructions seront évidemment plus denses. Le nivellement du site ainsi que tous les arbres existants sont conservés (hormis ceux dont l’emplacement est trop proche des bâtiments à démolir). Le programme d’origine proposait la création de 600 logements répartis sur 40 000 m² de surface de plancher. Aujourd’hui, nous avons réussi à faire bouger le curseur pour atteindre les 42 000 m² de logements, toujours répartis en 600 logements, et proposant davantage de logements réservés aux étudiants. Le programme propose en outre 6 000 m² de commerces et d’activités. Le destin des cours anglaises fait partie inhérente du projet, pour en faire des espaces capables d’accueillir des activités de notre temps, comme le co-working, ce qui pourrait d’ailleurs intéresser une partie des utilisateurs qui sont actuellement sur le site. C’est notre réponse pour tenter de conserver une


2 ORIENTATIONS ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE

Les orientations d’aménagement 1 6

2 ORIENTATIONS ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE

Les orientations d’aménagement Lelong

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Ilot(s) à créer

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21ORIENTATIONS ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE

Pinard : îlot superéquipé

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Oratoire et Robin

rénovés Un site ouvert sur le : quartierlogements,

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surélevé et : et

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Lepage reconstruit

Oratoiretransformé et Robin rénovés logements : logements, activités commerces, activités.

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Lelong surélevé et : logements et transformé : logements et passage public activités

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Lepage reconstruit : logements et Chaufferie et passage public reconstruits : piétons-cyclistes

piétons-cyclistes

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Oratoire

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Pinard : îlot superéquipé Lelong

Oratoire Robin

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Ilot(s) à créer

Ilot(s) à créer

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commerces, Espace public paysager activités.

Ilot(s) à Pinard créer 3

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Un site ouvert sur le quartier

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Chaufferie et Petit activités reconstruits : logements et activités

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Denfert :équipement grand privé équipement privé d’intérêt général d’intérêt général

Le schéma de circulation 23

2 ORIENTATIONS ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE

Le schéma de circulation

Chaussée Espace piéton Zone de rencontre Entrée véhicules

Chaussée

Espace piéton

Zone de rencontre

Entrée piétons

Entrée véhicules Entrée piétons

2 orientations et programmations retenues par la Ville 1 les orientations d’aménagement 2 schéma de circulation illustrations agence Anyoji-Beltrando


2 ORIENTATIONS ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE

Mise en valeur du patrimoine

1

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DIRECTION DE L’URBANISME – Service de l’aménagement

orientations et programmations retenues par la Ville 1 mise en valeur du patrimoine 2 le programme du quartier 2 ORIENTATIONS illustrations agence ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE Anyoji-Beltrando

Le programme du quartier

2 ORIENTATIONS ET PROGRAMMATION RETENUES PAR LA VILLE

Le programme du quartier

équipements Activités / CINASPIC

équipements

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Activités / CINASPIC

commerces

commerces


partie de l’activité présente sur le site aujourd’hui. D’autre part, la Ville de Paris a souhaité conserver 6 000 m² réservés à un grand équipement pour une fondation d’art contemporain par exemple, et il n’est pas exclu que ce soit la Fondation Cartier. Un appel à projet a été lancé auprès d’investisseurs potentiels pour poursuivre les échanges dans cette direction. Parmi les différentes négociations engagées avec les Architectes des Bâtiments de France (ne pas tenter de recréer à tout prix les axes historiques, conserver le bâtiment Pinard plutôt que la Chaufferie, etc.), la question des hauteurs des édifices a bien sûr été abordée. Le PLU autorise actuellement une hauteur de 31 mètres en cœur de site. Il est donc possible de surélever les bâtiments Marcel Lelong et Adolphe Pinard. Toutefois, le prospect à respecter en fonction de la largeur des rues réduit en fait cette hauteur maximale de 31 mètres. Concernant le mode d’attribution des lots à construire, nous proposons à la ville de Paris d’organiser des concours d’architecture lot par lot, sans exiger une forme définitive du bâtie, mais en prescrivant uniquement les surfaces à construire et en respectant les gabarits établis dans le PLU. Concernant les cours anglaises, nous proposons d’utiliser les 5 000 m² disponibles existants aujourd’hui, dans les bâtiments Marcel Lelong et Adolphe Pinard notamment, ainsi que d’en créer de nouvelles. En parallèle du travail de concertation, nous travaillons actuellement avec des acteurs présents dans les espaces de co-working (davantage les utilisateurs de ce type de lieux que les grands acteurs institutionnels) afin de proposer des espaces de qualité répondant aux besoins des utilisateurs. Là aussi, il est prévu de lancer des appels à candidature une fois le cahier des charges établit. L’intérêt de la mutualisation : trouver des réponses spécifiques et pertinentes Revenons sur l’intérêt de transformer le bâtiment Adolphe Pinard en équipement scolaire. D’abord les proportions de la cour centrale et sa situation d’intériorité lui confèrent les qualités requises pour une cour d’école. Pour une école de 8 classes, la norme requiert habituellement 800 m² d’espaces extérieurs. Or la moyenne parisienne est de 650 m². Ici, l’espace est généreux avec une cour de 1 200 m², ce qui en fera l’école proposant le plus grand ratio de m² d’espace de récréation par enfant à Paris. Mais cet intérêt devient vraiment pertinent quand on se pose la question de la mutualisation d’un espace qui est habituellement fermé au public. C’est ce à quoi nous travaillons aujourd’hui. Comment établir un mode de gestion qui permettrait que la cour de l’école soit ouverte au public le week-end, par exemple pour accueillir un terrain de basket accessible aux jeunes du quartier. Et ce n’est pas évident de faire accepter cette idée auprès des riverains, qui pourtant ont tout à y gagner. Restent encore beaucoup de questions ouvertes. Est-ce seulement un équipement scolaire ou est-il souhaitable d’y combiner la création de logements? Faut-il surélever l’édifice ? Dans ce site très contraint, il est essentiel de parvenir à un équilibre juste dans l’articulation complexe des programmes et surfaces. Trouver des points d’accord avec les différents acteurs du site est primordial.

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QUESTIONS-RÉPONSES Comment expliquer le prix d’achat exorbitant du site ? La ville de Paris n’a t-elle pas plus de moyens de pression pour négocier avec les Hôpitaux de Paris, sachant que tout cela est institutionnel et que la ville passe aussi par des concessions ? Y.B. : Je ne peux répondre à leur place, nous ne sommes pas intervenus à ce stade du projet. Néanmoins, je peux apporter quelques éléments de réponse. À l’origine, aucun des bâtiments n’étant classé aux monuments historiques, l’APHP pouvait imaginer que le site ferait l’objet d’une table rase totale pour reconstruire l’équivalent de 80 000 m² de surface de plancher. Il faut bien comprendre que ce qui fixe le prix d’un tel terrain, ce n’est pas ce qui est présent aujourd’hui, mais bien le potentiel des constructions à venir. En outre, ils n’avaient pas envisagé la construction de logements sociaux. C’est donc à partir de là qu’ont commencé les négociations entre l’APHP et la ville de Paris. Comment se manifeste ce que vous appelez « l’habitat participatif » ?

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Y.B. : En effet, nous tentons de développer sur certains lots ce que l’on appelle « habitat participatif ». L’habitat participatif permet à des groupes de citoyens de concevoir, créer et gérer leur habitat collectivement, pour mieux répondre à leurs besoins, en cohérence avec leurs moyens et leurs aspirations, en particulier en matière de vie sociale et d’écologie. Par ce processus, nous tentons d’impliquer non seulement les résidents du site, mais aussi les élus. Ce qui est complexe avec l’habitat participatif, c’est qu’il est indispensable de bien chiffrer en amont les opérations. Lorsque l’on n’a pas affaire à un professionnel de l’immobilier mais à une multiplicité d’individus, mener l’opération jusqu’au bout peut s’avérer compliquée, notamment à cause des prêts immobiliers individuels qui pourraient être refusés et mettre en cause l’ensemble du montage financier de l’opération. Actuellement, nous développons sur le site deux types d’habitats participatifs. Le premier cas concerne une opération d’une cinquantaine de logements au niveau du bâtiment François Lepage. Il s’agit d’une opération d’envergure. En effet la ville de Paris a lancé un appel à projet en 2014 où avaient été mis en vente des sites dédiés à l’habitat participatif. En général ces opérations concernent une vingtaine de logements, et sont regroupé plutôt dans l’Est de Paris (où les loyers sont moins chers que sur le site de Saint-Vincent-de-Paul). Or ces opérations ont du mal à voir le jour. L’habitat participatif est très développé en Allemagne, aux Pays-Bas ou dans la région de Strasbourg, là où le foncier est beaucoup moins cher qu’à Paris. A partir du moment où le foncier devient un élément déterminant, il devient complexe de mener une opération participative. L’opération dont nous parlons est une opération privée, et évidemment nous imaginons qu’il sera compliqué de déterminer quelles seront les personnes qui pourront y participer, et donc acheter. Il sera peut-être nécessaire de faire une loterie. La seconde opération d’habitats participatifs est actuellement en train d’être engagée en relation avec un bailleur social, chargé de monter un programme-type de logements sociaux et de trouver les futurs locataires de ces logements en travaillant avec des familles qui attendent un logement social depuis longtemps. Tout cela étant très expérimental à Paris. À Montreuil par exemple, il existe des habitats participatifs mais il s’agit davantage de volontariat avec des personnes qui se connaissent et qui se regroupent. Ici, le foncier est tellement cher que l’on développe trop souvent de l’habitat participatif très haute gamme. Mais l’objectif est de réussir à toucher tous les publics.


Sur les 60 000 m² de l’opération, quelle est la part de surface réhabilitée et la part de neuf ? Y.B. : Environ 60% de la surface existante est conservée dans le projet actuel. On pourrait augmenter ce pourcentage en fonction du type d’habitat développé. En réalité, cela dépendra aussi des diagnostics techniques dont nous n’avons pas connaissance à ce jour. Quelles sont les connections envisagées avec la Fondation Cartier, le Couvent de la Visitation, ou les œuvres des Jeunes Filles Aveugles ? Une possible perméabilité entre les différents jardins a-t-elle été évoquée dans le projet ? Y a-t-il un raisonnement sur l’ensemble de l’îlot ? Y.B. : En effet, ces questions ont fait l’objet de débats. La Fondation Cartier pour l’art contemporain est une fondation privée qui accueille quelques œuvres en extérieur. Le jardin de la Fondation est un lieu magnifique créé par l’artiste Lothar Baumgarten. C’est une œuvre en devenir permanent, fondée autour de l’idée d’offrir au visiteur le spectacle d’une nature à la fois calculée et sauvage. La notion du temps y est essentielle, le principe est de laisser pousser tout ce qui pousse naturellement : « il n’y a pas de mauvaises herbes ». Ici, l’intervention humaine est réduite au minimum, il n’y a par exemple pas d’utilisation de désherbant, ce qui le fragilise. Or si on décidait d’ouvrir ce jardin à l’échelle de l’ilot, ce dernier risquerait d’être piétiné et serait voué à disparaître. Malgré sa superficie restreinte, ce jardin constitue pourtant une grande réserve écologique à Paris et dans le 14ème arrondissement. Il figure notamment comme un espace majeur selon des études menées par l’APUR (Atlas de la nature à Paris en 2010). La diversité végétale y très importante, ce lieu est donc rare et précieux, il serait imprudent de l’exposer davantage au public. D’autre part, le jardin accueillant des œuvres d’art, le risque est d’autant plus élevé. En effet, la possession d’œuvres d’art étant dé-fiscalisée en France, celles présentes à la Fondation Cartier peuvent être apparentées à des coffre-forts. Ainsi, si le jardin devenait public, le coût des assurances serait beaucoup trop élevé. En ce qui concerne le jardin du Couvent de la Visitation, son ouverture pose problème à d’autres égards. En effet, les Soeurs y vivent dans un espace clos, le parc est fermé au public, et changer ces habitudes risque de prendre du temps. Enfin, les Œuvres des Jeunes Filles Aveugles est en cours de réhabilitation. L’ouverture du jardin au public a fait l’objet de négociations, il est possible qu’il soit accessible ponctuellement, par exemple certains week-ends pour des visites privées. La végétation y particulièrement riche, avec des espèces rares. Dans l’ensemble, ces jardins ne supportent pas bien la foule. Leur accessibilité est pertinente dans la mesure où elle est contrôlée, et ce afin de les protéger. Nous sommes donc partis du principe que leur ouverture au public n’était pas primordiale, mais pourrait constituer un plus. De ce fait, ces limites ne constituent pas un problème. Au contraire, la situation d’enclave de la parcelle permet d’y développer un projet atypique. Quid de l’environnement et de la biodiversité ? Une continuité végétale est-elle prévue entre les deux parcs de part et d’autre du site ? Y.B. : Nous avons en effet travaillé avec des ingénieurs écologues. La valeur écologique de ces parcs est indéniable. Si comme expliqué plus haut nous n’avons pas négocié d’accès aux personnes, nous sommes néanmoins en discussion avec les voisins afin de permettre une perméabilité écologique, notamment par des ouvertures dans les murs pour que certaines espèces puissent circuler d’un jardin à l’autre. Pour les hérissons et les renards, des ouvertures de type « chatières » sont envisagées. Nous nous sommes engagés à placer des bois dans l’espace public, notamment au niveau de la croisée centrale, afin que les hérissons puissent se cacher sans se faire écrasés. Les chauve-souris ont également un vrai intérêt écologique, elles éliminent les rongeurs et les

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insectes. Les observations menées par écologues ont confirmé l’existence de parcours de chauvesouris d’un site à l’autre. Elles aiment se nicher dans des points hauts, et c’est notamment pour cette raison qu’une maison de chauve-souris sera installées dans le clocher de l’Oratoire. Enfin, le sujet de l’agriculture urbaine, assez à la mode ces temps-ci, est également abordé, notamment en toiture. Dans le bâtiment Adolphe Pinard par exemple, les jardins pédagogiques pour les enfants seront installés en toiture. Nous imaginons des accès indépendants afin que certaines associations aient également accès aux toits. D’autres toitures pourraient être végétalisées. Car le sol de l’ancien hôpital a été diagnostiqué comme relativement pollué, avec notamment la présence de mercure. La dépollution étant très onéreuse, l’ARS nous a demandé d’éviter l’implantation de toute forme d’agriculture urbaine au sol. C’est aussi pour cette raison de salubrité que nous n’avons pas prévu de planter d’arbres fruitiers. Aujourd’hui, un certain nombre de choses très intéressantes se passent sur le site de l’ancien hôpital. Est-ce qu’au fur et à mesure du processus de projet, l’activité temporaire a généré chez vous des adaptations de l’étude, des remises en question ? Comment réagit-on, en tant qu’architecte-urbaniste, face à une telle situation d’occupation ? N’y aurai-t-il pas là un paradoxe, entre votre projet basé sur un travail de mémoire, à partir de l’histoire du site, et d’un autre côté l’abstraction de ce qui se passe actuellement sur le site ?

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Y.B. : C’est le propre des opérations urbaines. Aujourd’hui, en plus des 400 travailleurs sur le site, 600 personnes en situation de précarité vivent sur place. Il s’agit du plus gros foyer d’accueil en France. D’abord, cela nous a aidé au fil des concertations avec les riverains : quand les réfractaires au projet nous ont demandé quand ces populations allaient venir, nous leur avons répondu qu’elles étaient déjà sur place. Et qu’elles ne dérangeaient personne ! Ce qui nous a permis de négocier un certain nombre de choses dans le projet, comme par exemple le fait d’intégrer un grand nombre de logements sociaux. Pendant cet intervalle de temps où l’on pense le projet, la ville de Paris a délégué la gestion du site à l’association AURORE, qui a quant à elle délégué l’animation du site à l’association PLATEAU URBAIN. Ce dernier acteur, qui ne constitue pas une puissance publique, a pu choisir tel ou tel occupant sur des critères qui leur sont propres. Si l’on revient sur la logique de fonctionnement de PLATEAU URBAIN, on comprend en quoi elle est pertinente. L’intérêt principal de leur méthode est qu’ils interviennent sur des sites de grande ampleur. Dans ce site qui autrement serait vide d’occupation pendant toute la durée des études, ils prennent l’ensemble des espaces en location et gèrent les charges. Pour le site du projet, cela revient à un million d’euros par an, en comptant le loyer et les charges en chauffage et en frais d’entretien. En contrepartie, ils sont gestionnaires du site et proposent des loyers peu chers, et donc attractifs. C’est un moyen pertinent de gérer cette période transitoire du site. La nouveauté ici a été que les gestionnaires « temporaires » ont réellement su jouer du caractère éphémère de l’occupation du site. Évidemment, cela fait mal au cœur que ces populations soient amenées à s’en aller pour construire du neuf et densifier le site. Mais la règle du jeu était écrite à l’avance : le terrain a été acheté, a un prix extrêmement élevé, et on ne peut remettre en cause la valeur du futur projet. L’enjeu d’aujourd’hui est de savoir qui on reloge et pourquoi, de décider comment fait-on pour gérer la période transitoire. Surtout, l’objectif est de tout faire pour que le site soit constamment occupé, pour éviter la dégradation des bâtiments. Tout le travail à venir va être de maintenir le site en activité pendant que les chantiers auront lieu.


Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer que dans le futur programme certaines surfaces soient allouées à retrouver le même esprit qui règne actuellement sur le site ? Y.B. : Les cours anglaises des bâtiments Pinard et Lelong seront allouées à ce type d’activités pour des coûts d’occupation peu élevés. Aujourd’hui, la ville de Paris cherche à trouver des occupants proches d’une économie sociale et solidaire, plutôt que des investisseurs. La ville cherche donc à savoir qui pourrait, au long terme, installer son activité dans les cours anglaises de ces édifices. Quelles sont les raisons de conserver le bâtiment Lelong, très amianté ? Est-il plus rentable de conserver l’existant plutôt que de construire un bâtiment neuf à son emplacement ? Y.B. : Le bâtiment Marcel Lelong est en effet porteur d’amiante, notamment dans ses fauxplafonds. Le désavantage aura un coût non négligeable. Néanmoins, les qualités du bâti sont indéniables. Sa structure - façades porteuses libérant une profondeur libre de 14 mètres sans point porteur - en fait un bâtiment facilement adaptable. Les planchers en béton sont solides, avec leur épaisseur de 60cm. Le bâtiment est une merveille. Il porte beaucoup, c’est pour cela que l’on peut le surélever. Il est réellement pertinent de conserver les édifices Marcel Lelong et Adolphe Pinard, parce qu’ils sont qualitatifs, solides, avec une possibilité de surélévation, mais aussi parce qu’ils sont facilement réutilisables. Quelles places auront les équipements destinés aux enfants ? Y.B. : Le programme compte une crèche, un gymnase et une école. En outre, l’espace public central accueillera sans doute des espaces pour les enfants. En tant qu’urbanistes, nous aurions pu tout dessiner en se mettant d’accord avec les riverains, mais nous avons préféré négocier les invariants pour laisser le reste plus libre. Dans l’idée que les premiers occupants créeront les espaces nécessaires. Dans une économie où le rapport du prix du foncier au m² de surface de plancher est très élevé à Paris, le chiffre de 92 millions semble mirobolant. Mais si l’on refait le calcul, pour 60 000 m², la charge foncière reviendrait à 1 500 euros le m². La moyenne du foncier dans ce quartier étant de près de 10 000 euros/m², ce ne semble pas si incommensurable. Comment expliquez-vous cela ? Y.B. : Le calcul doit être fait un peu différemment. Sur les 60 000 m² au total, il faut d’abord enlever 5 000 m² d’activités qui seront vendus pour des sommes dérisoires. À cela, il faut également soustraire 6 000 m² de fondation privée qui ne vaudra quasiment rien. Enfin, la surface dédiée aux équipements est également à soustraire de l’équation, soit 5 000 m². D’autre part, un bailleur social a la possibilité d’acheter l’équivalent deux fois moins cher qu’un opérateur privé. Il y aura donc des logements privés de primo-accédants et des logements privés de grand luxe. Par exemple dans l’opération, les logements créés dans l’Oratoire seront vendus le plus cher possible. La ville fait le choix politique de créer des logements sociaux, des équipements publics, une école. En réalité, les écoles du 14ème arrondissement auraient pu absorber les 200 nouveaux élèves, mais il y avait un risque de saturation. C’est aussi un choix politique de dédier l’équivalent de 5 000 m² à bas coût pour favoriser l’implantation de jeunes activités. L’équation est donc plus complexe qu’elle n’en a l’air.

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EMPREINTE Repenser le rapport au sol. Guillaume LEMOINE Maëlle PALUMBO Vanessa SEAIBY

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La tradition d’une vie artistique Le projet de P5 de ce semestre propose de se pencher sur le site de l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Ce dernier se situe au cœur du 14ème arrondissement de Paris. Il est entouré par le Couvent de la Visitation, par le Foyer des jeunes filles aveugles et par la Fondation Cartier. Très bien desservi par les transports en commun, le site est entouré de trois stations de métro à moins de 500 mètres. Actuellement, ce quartier est faiblement animé, il fut pourtant un haut lieu de fréquentation artistique et ce dès le milieu du XIXème siècle. Principalement picturale à ses débuts, cette vocation s’est étendue à tous les domaines des arts et de la littérature, marquant la vie du quartier par ses cafés tels que la Closerie, et redéfinissant son cadre bâti par la construction de programmes spécifiques (les ensembles d’ateliers d’artistes et institutions scolaires et culturelles, notamment l’École Spéciale d’Architecture (1904) et l’American Center (1934) remplacé en 1994 par la Fondation Cartier). La rue Boissonnade, qui longe l’arrière du site de l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, compte parmi les rues emblématiques du quartier du Montparnasse artistique des années folles. Elle fut l’adresse de très nombreux artistes, et des ateliers pérennisent aujourd’hui la mémoire de cette activité artistique. Le quartier présente encore un certain nombre de programmes qui témoigne de ce passé artistique. Le site des Grands Voisins propose aujourd’hui des espaces à des artistes et artisans ayant des pratiques aussi différentes que la maroquinerie et l’art thérapie. Une galerie éphémère y a été ouverte. En implantant ces espaces à proximité les uns des autres, les Grands Voisins incitent les artistes à collaborer ensemble. Ce qu’ils font bien volontiers. Offrir des lieux pour de nouvelles pratiques artistiques Le site de l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul est constitué de grands pavillons hospitaliers bordés de cours anglaises, ce qui les isolent d’autant plus les uns des autres. Ce dispositif revient souvent dans les ensembles hospitaliers. Ces galeries techniques permettent de connecter les différentes entités (ou bâtiments) par le sous-sol. Le projet ambitionne de réinterprêter le passé artistique du quartier tout comme les Grands Voisins

qui proposent une nouvelle pratique artistique du site. Nous souhaitons surtout remettre en usage les sous-sols et les galeries souterraines déjà présentes. Ces espaces sont modifiés par le projet pour leur attribuer de nouveaux usages. Les cours anglaises et les galeries sont élargies pour devenir des espaces publics ou de circulation plus conséquent et les soussols sont réhabilités pour de nouvelles pratiques. L’ensemble des bâtiments du site sont conservés à l’exception de l’extension de Lelong qui se voit remplacée par un espace à ciel ouvert. Pavillon Lelong, une offre de galeries pour la Fondation Cartier Le bâtiment Lelong profite de sa proximité avec la Fondation Cartier pour déployer dans ses sous-sols une extension pour des expositions artistiques. Trois entrées sont possibles pour y accéder. La première se situe à l’intérieur du jardin de la Fondation au niveau de l’espace de méditation, la seconde au rezde-chaussée du bâtiment Lelong, et la dernière au niveau -2 du bâtiment Lelong. Les espaces creusés en plus pour l’exposition sont conçus de telle manière que l’ancien tracé des souterrains au niveau -2 soient encore perceptibles. Une partie de la lumière est apporté par les cours anglaises. Le parcours propose ainsi un espace à ciel ouvert qui vient impacter le rezde-chaussée de la cour de Lelong. Le rez-de-chaussée et les étages supérieurs sont utilisés pour des programmes privés tels que des logements ou des bureaux. Les halls d’entrées au rezde-chaussée permettent un accès au niveau-1 dans les cours anglaises élargies qui rejoignent le réseau de souterrains, favorisant ainsi son dynamisme. Cette circulation permet notamment de rejoindre les cours anglaises de Pinard par des galeries que le projet met en place. Pavillon Pinard, de nouveaux espaces de travail Les cours anglaises du Pavillon Pinard, élargies afin d’apporter plus de lumière au deuxième sous-sol, auront un statut public. Les espaces des sous-sols sont transformés afin de générer des lieux de travail traversants pour des artistes et créateurs. De plus, les cours anglaises sont toutes reliées entre elles par des nouvelles galeries. Tout comme dans le bâtiment Lelong, le rez-de-chaussée et les étages supérieurs


1 1 cour située au r-1 entre les bâtiments CED et Pierre Petit 2 cour située au r-1 entre les bâtiments CED et Pierre Petit 3 entrée du bâtiment Lelong surplombant une cour anglaise en sous-sol r-1 4 cour du bâtiment Pierre Petit au r-1

2 5 cour anglaise devant le bâtiment Pinard 6 cour anglaise devant le bâtiment Lelong 7 cour anglaise devant le bâtiment Pinard 8 entrée en pente du bâtiment François Lepage

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sont employés pour des programmes privés tels que des bureaux ou des logements et un accès direct pour les cours anglaises est possible. Pierre Petit et la bibliothèque Le bâtiment Pierre Petit est réhabilité pour accueillir une bibliothèque. Un accès par chaque étage est possible. Les planchers du rez-de-chaussée et du premier sous-sol de l’extension du bâtiment Pierre Petit sont retirés et remplacés par un plancher intermédiaire pour libérer une plus grande hauteur sous plafond pour des espaces de travail et de consultation de livres. La cour anglaise est élargie et permet un accès pour lire en extérieur. Devant l’extension de Pierre Petit, une cour est créée pour générer un nouvel accès et apporter plus de lumière. 32

Bibliographie GOB André, MONTPETIT Raymond (sous la direction), La (r)évolution des musées d’art, Cultures & Musées, Actes Sud, Arles, n°16, 2010 ZUMTHOR Peter, Atmospheres, Paris, Birkhäuser, 2008 ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, Paris, Birkhäuser, 2010 Monographie El Croquis « Lacaton & Vassal 1993 2015 - Post media horizon », Espagne, 2015

Le bâtiment CED et son amphithéâtre Sous le CED se déploie un amphithéâtre accessible par la cour anglaise et les galeries au premier soussol et en rez-de-chaussée. Pierre Robin et Oratoire Ces bâtiments sont réhabilités pour abriter un espace d’échange artistique. La cour de Pierre Robin est creusée en premier sous-sol et des passerelles tout autour permettent de la traverser en rez-de-chaussée. Les espaces en sous-sol sont alors éclairés grâce à cette cour creusée. La cour, avec sa mezzanine, est pensée comme un espace d’expression libre. Un espace de rassemblement pour Colombani Le bâtiment Colombani a été choisi pour abriter un espace de rassemblement tout comme l’était la lingerie auparavant car il est l’espace vers lequel convergent le plus de galeries souterraines. L’ossature du bâtiment est conservée mais l’intérieur est modifié en partie pour introduire une triple hauteur. Le bâtiment abrite un espace commercial ouvert sur une cour creusée sur laquelle se branche toutes les galeries souterraines qui viennent de Pinard, de Lelong, de la bibliothèque et de l’espace d’échange artistique. Elle se connecte également avec le deuxième soussol qui met en place une nouvelle zone commerciale éclairé par la cour existante de Colombani.

1 usages hospitaliers pré-existants en sous-sols des bâtiments du site 2 lieux de vie artistiques du XIVe arrondissement en 1940 3 lieux de vie artistiques du XIVe arrondissement en 2017


1

LeLong

Pinard

CoLombani

Crèche du personnel Bureaux Laboratoire Chaufferie

Bureaux Laboratoire Chaufferie Archives Salle de lecture Vestiaires

Stockage magasin Archives services Vestiaires Groupe électrogène Salle de détente Ateliers

Pierre Petit

Ced

raPine

Vestiaire homme Vestiaire femme Archives Salle de lecture Bloc de chirurgie

Vestiaires Bureaux Laboratoire Circulation Salle de réunion Chaufferie

Vestiaires Salle de réunion Archives Archives médicales

Usages hospitaliers en sous sols des bâtiments du site 33

LIEUX 2 DE VIE ARTISTIQUE DU XIVe EN 1940

LIEUX 3 DE VIE ARTISTIQUE DU XIVe EN 2017


CAISSES

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1 plan de rez-dechaussée existant 2 plan de rez-dechaussée projeté


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3 plan du premier sous-sol existant 4 plan du premier sous-sol projeté

5 plan du deuxième sous-sol existant 6 plan du deuxième sous-sol projeté


1 l’art et ses manifestations 1 activisme artistique sur les bâtiments existants 2 nouvel accès projeté depuis la Fondation Cartier 3 utilisation des sous-sols pour une nouvelle distribution et appropriations par des manifestations chorégraphiques

4, 5, 6 aménagement des cours anglaises 7 visualisation d’une salle d’exposition en sous-sol 8 coupe sur la galerie souterraine entre les bâtiments Lelong et Pinard 9 coupe sur le bâtiment Colombani et la bibliothèque

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LeLong Crèche du personnel Bureaux Laboratoire Chaufferie

CAISSES

Pinard

CoLombani

Bureaux Laboratoire Chaufferie Archives Salle de lecture Vestiaires

Stockage magasin Archives services Vestiaires Groupe électrogène Salle de détente Ateliers

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37 Pierre Petit

Ced

raPine

Vestiaire homme Vestiaire femme Archives Salle de lecture Bloc de chirurgie

Vestiaires Bureaux Laboratoire Circulation Salle de réunion Chaufferie

Vestiaires Salle de réunion Archives Archives médicales

Usages hospitaliers en sous sols des bâtiments du site

LeLong

Pinard

CoLombani

Crèche du personnel Bureaux Laboratoire Chaufferie

Bureaux Laboratoire Chaufferie Archives Salle de lecture Vestiaires

Stockage magasin Archives services Vestiaires Groupe électrogène Salle de détente Ateliers

CAISSES

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Coupe sur la galerie entre Lelong et Pinard Pierre Petit

Ced

raPine

Vestiaire homme Vestiaire femme Archives Salle de lecture Bloc de chirurgie

Vestiaires Bureaux Laboratoire Circulation Salle de réunion Chaufferie

Vestiaires Salle de réunion Archives Archives médicales

Usages hospitaliers en sous sols des bâtiments du site

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Coupe sur Colombani et la bibliothèque


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atlas référentiel 1 Thermes de Vals, Peter Zumthor 2 The Feuerle Collection, Jown Pawson 3 Palais de Tokyo, Lacaton Vassal 4 The Feuerle Collection, Jown Pawson


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CONFÉRENCE À L’ENSAPM / MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016

Pascale Dubois coordinatrice du projet « les grands voisins » sur le site saint-vincent-de-paul au sein de l’association AURORE

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Quels sont les objectifs de l’association Aurore ? Comment êtes-vous arrivés sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul ? Pascale Dubois : Au sein de l’association Aurore, je suis en charge de la coordination du projet des Grands Voisins depuis bientôt deux ans. J’ai étudié les sciences politiques, puis j’ai travaillé pendant cinq ans dans une association qui accompagnait d’autres associations. Il s’agissait de les aider à pérenniser leurs emplois et à gérer leurs activités. Cela m’a permis à la fois de découvrir un certain nombre d’associations différentes, et de faire de la gestion de projet. Je me suis ensuite rapprochée d’Aurore, qui m’intéressait pour plusieurs raisons : d’abord par la dimension sociale, avec l’accompagnement et la lutte contre l’exclusion, et aussi pour son ouverture au public et ses rapports avec différents acteurs (entreprises, municipalités, résidents, etc.). Ce travail est vraiment passionnant.

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L’histoire du site Saint-Vincent-de-Paul est celle de plusieurs transformations successives. C’est un site en mouvement, en particulier ces dernières années. Cette histoire a commencé avec le Noviciat en 1655, où les prêtres s’étaient installés dans le premier bâtiment du site, l’Oratoire. Cela a duré jusqu’à la Révolution Française, au cours de laquelle la vocation religieuse a disparue. Puis l’histoire a ouvert un nouveau chapitre, avec le soin et l’accueil d’enfants abandonnés. Il y avait tellement d’abandon qu’on a créé une sorte de tournique, devenu malheureusement assez connu, le « tourniquet des filles-mères ». Les femmes déposaient leurs enfants, anonymes, et de l’autre côté du dispositifs les Sœurs les récupéraient pour s’en occuper. Petit à petit le site a été agrandi pour accueillir les enfants et les besoins associés à l’orphelinat et la maternité. L’hôpital a été créé en 1930. Les bâtiments ont été peu à peu ajoutés au fil des décennies et des avancées techniques et scientifiques de la médecine. Le site est vaste - 3,4 hectares - et assez dense, avec des constructions d’époques très différentes. À partir de 2008, pour diverses raisons, l’hôpital a commencé à arrêter ses fonctions sur le site. À cause de la vétuseté des locaux, et aussi parce que les Hôpitaux de Paris (APHP), propriétaires du site, agit dans une logique de regroupement des services hospitaliers. Les services présents à Saint-Vincent-de-Paul ont été délocalisés à l’endroit de l’Hôpital Cochin, voisin, et du centre hospitalier du Kremlin-Bicêtre. Certains scandales ont aussi accéléré sa fermeture, notamment le scandale des foetus (des foetus qui ont été retrouvés dans des mauvaises conditions de conservation); il y a eu aussi le décès tragique d’un enfant le jour de Noël à cause d’une erreur médicale… C’est donc dans ce contexte que les fonctions de l’Hôpital ont quitté les lieux et que nous avons investi l’endroit. Quand nous sommes arrivés sur le site, cela ressemblait déjà vraiment à un hôpital désaffecté, beaucoup de fenêtres avaient été murées. L’association YES WE CAMP a eu l’idée de rebaptiser le projet « Les Grands Voisins », car nous l’appelions tous « ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul ». Ce nouveau nom nous a permis de rêver cet endroit, de créer un nouvel imaginaire, d’évoquer un futur baigné de l’idée de voisinage, de vivre ensemble, c’était important. L’accompagnement social, qui est donc la mission de votre association, se traduit-il concrètement uniquement par l’hébergement de personnes en situation précaire, ou bien proposez-vous d’autres types d’accompagnement ? Comment définissez-vous la notion d’hospitalité, d’entraide ? Pour répondre à cette question, je voudrais dire quelques mots sur l’association Aurore et sur l’historique de ce projet. En 2011, le taux de personnes à la rue était alarmant. L’Etat s’est mobilisé pour ouvrir de nouvelles places d’hébergement d’urgence. C’est dans ce cadre que nous intervenons sur ce projet. Notre association lutte contre l’exclusion. Pour cela nous avons plusieurs priorités : l’hébergement,


le soin et l’insertion. L’hébergement d’urgence est la première solution pour mettre à l’abri les personnes à la rue, mais il y a aussi d’autres formes d’hébergement, plus stables, qui permettent de prolonger le parcours vers l’autonomie. Car c’est bien notre principal objectif : permettre le retour à l’autonomie des personnes en situation de précarité. C’est pourquoi le travail d’insertion est primordial : cela peut se traduire par des activités d’insertion, parfois rémunérées, comme des chantiers d’insertion. Par exemple, à Sevran, il y a un potager maraîcher où travaillent des personnes en situation d’insertion. L’association a été créée en 1872 et développe aujourd’hui un certain nombre d’activités. A l’origine, l’association était dédiée à l’accueil des personnes sortant de prison, avec déjà pour objectif de lutter contre l’exclusion sociale et de tenter l’insertion des personnes. Aujourd’hui, parmi les différents pôles d’actions, je fais partie de ceux qui aident à l’hébergement d’urgence et à l’accompagnement professionnel pour le retour à un logement plus stable. Dans l’histoire de nos projets, nous avons déjà eu l’occasion d’héberger des personnes sur des lieux où l’activité est mixte. C’était notamment le cas pour l’un de nos projets, l’Archipel, situé juste à côté de la Place de Clichy à Paris. Il s’agissait des anciens locaux de l’INPI (l’Institut National de la Propriété Intellectuelle) qui quittait les lieux pour la construction de logements sociaux. Dans l’intervalle, l’Etat nous a confié ces espaces vacants pour une mission d’hébergement d’urgence. Le bâtiment était un ancien couvent du 19ème siècle, accompagné d’une magnifique chapelle. Le lieu était beau, accueillant, et l’idée est venue assez naturellement d’ouvrir une partie du site au public pour y proposer d’autres activités et permettre ainsi une certaine mixité entre les personnes en situation de précarité, le grand public et les associations, pour que ce site de 15 000 m² devienne aussi un outil pour le travail social. Cette première expérimentation de mélange des activités nous a permis d’apprendre beaucoup, car tout cela n’existait pas avant, nous n’avions pas de mode d’emploi. Certaines choses ont bien fonctionné, d’autres moins. On a appris en faisant. On nous a confié la gestion en 2011 d’un premier bâtiment, Pierre Petit. Nous en avons fait un service d’hébergement de stabilisation pour des personnes qui ont eu un parcours de rue très long et qui ont besoin de temps pour leur retour à l’autonomie. A cette époque, il y avait encore quelques services hospitaliers sur le reste du site. En Octobre 2014, quand toutes les fonctions de l’hôpital ont déménagé, nous avons eu la mission de gestion de l’ensemble du site. Cela a été possible car, entre temps, nous avions pu assurer des périodes d’hébergement hivernal dans certains autres bâtiments, notamment les bâtiments Pasteur et Jalaguier. Pendant les périodes de grand froid, il arrive souvent que l’Etat donne des crédits aux associations pour l’ouverture de places pendant l’hiver. Cela nous a permis de créer des liens avec les Hôpitaux de Paris, qui ont aujourd’hui une relation de confiance avec nous. Il est important que les propriétaires des locaux que nous occupons aient confiance en notre association. D’autre part, l’APHP était en train de fermer le site, de poser des parpaings aux fenêtres. Il faut savoir qu’entretenir un site vacant coûte très cher : 1 million d’euro par an, en gardes-chiens, entretien minimum, réparation des dégâts des eaux, etc. Nous confier la gestion des lieux était une solution économiquement intéressante pour l’APHP. Et surtout, utile ! Car on ne peut laisser une parcelle de 3,4 hectares et une quinzaine de bâtiments vides en plein Paris. Continuer sa fonction première, celle de l’accueil et de l’hospitalité, était somme toute assez logique. Pour l’anecdote, Martin Hirsch venait tout juste d’être nommé Directeur des Hôpitaux de Paris. C’était son premier jour, et pour marquer sa volonté de faire du « social », il a décidé de signer la convention de gestion avec l’association Aurore à ce moment-là. Et il n’était pas le seul à être engagé. Les acteurs opérationnels l’étaient aussi : je me souviens notamment d’une directrice au niveau local de l’APHP dont l’engagement était très fort, militante au niveau social, « facilitatrice » en quelque sorte, de ce lien là. Car c’est avant tout une histoire de personnes, de volonté, une conjonction de facteurs positifs.

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La Mairie de Paris avait déjà ce projet de construire un éco-quartier. L’accord s’est donc fait entre ces trois acteurs, l’APHP, la ville, et Aurore. L’accord nous garantissait l’utilisation des locaux jusqu’au mois de Juin 2017. Nous voulions faire en sorte que le site vive pendant ce laps de temps, et que cela préfigure un futur quartier. Car il allait vraiment être « habité » : 600 personnes y sont hébergées, 1200 y travaillent quotidiennement (gestion des déchets, sécurité, autres activités, etc.). On est déjà à l’échelle de la ville. Quelles sont les raisons qui ont poussé Aurore à solliciter les autres associations, Yes We Camp et Plateau Urbain ? Cela vous permet-il de prendre du recul face à votre action ?

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Comment d’autres activités peuvent-elles cohabiter avec l’hébergement d’urgence ? Comment faire en sorte que les espaces extérieurs soient agréables et partagés ? C’est pour répondre à ces questions que les autres acteurs sont arrivés sur le site. Nous avions déjà travaillé avec l’association PLATEAU URBAIN pour le projet Archipel, et nous leur avons assez naturellement proposé de travailler avec nous sur le site de l’ancien hôpital quand nous en avons eu la gestion complète. Leur mission est d’utiliser à bonne fin les locaux temporairement vacants. Ils se comparent au site « AirBnB », plateforme qui permet de mettre en relation, dans leur cas, les espaces vacants et les acteurs de projet. C’est la Ville de Paris, plus particulièrement la Mairie du 14ème arrondissement qui fait appel à YES WE CAMP par le biais d’un appel d’offres, pour l’animation des espaces extérieurs. L’expérience a été fort enrichissante, car ce partenariat s’est constitué au fil du projet, et n’était pas prévu au départ. Cela n’a pas été évident, car nos trois associations relèvent de champs très différents, aux intérêts variés. Une dimension clairement sociale pour AURORE, le mélange de l’urbanisme, des acteurs de projet et de l’économie sociale et solidaire pour PLATEAU URBAIN, et les constructeurs, architectes et artistes pour YES WE CAMP. En outre, les trois associations ont des statuts bien différents : 1 600 salariés et une ancienneté de longue date chez AURORE, PLATEAU URBAIN est une association très jeune, qui était encore en train de se créer au début du projet, YES WE CAMP compte quant à elle une trentaine de personnes. C’est parce que nous avons appris à travailler ensemble que le projet est tel aujourd’hui. Au sein du site des Grands Voisins, nous proposons donc plusieurs types d’hébergements. Dans le bâtiment Pierre Petit, les personnes hébergées sont relativement d’âge mur, et ont eu un parcours de rue assez long. Le Service Cœur de Femmes propose un hébergement en collectivité composé exclusivement de femmes, orienté vers l’accompagnement pour retrouver un logement autonome. La plupart de ces femmes travaille, et sont en bonne voie vers la réinsertion sociale. Le Centre Pangea accueille 30 jeunes migrants qui viennent d’arriver en France, ce sont des jeunes de 16 à 25 ans, la plupart scolarisés, en apprentissage du français. L’association d’aide et d’accompagnement social COALLIA gère un foyer de travailleurs migrants hébergés dans le bâtiment Adolphe Pinard, l’ancienne maternité. La majorité sont maliens, certains viennent du Senegal. Ils louent une chambre au sein du foyer d’accueil. Ce sont souvent des personnes qui sont en France depuis un certain temps. Le Centre d’hébergement d’urgence accueille également des personnes en situation d’extrême précarité. C’est la première solution de mise à l’abri des personnes qui vivent à la rue. Au numéro d’appel d’urgence, le 115, c’est la première solution qu’on leur propose : un contrat de 3 mois renouvelable tant que les personnes n’ont pas d’autres moyens d’hébergement (selon leurs problématiques de soins, d’ouvertures de droits au RSA ou à Pôle Emploi). Enfin, le Centre d’hébergement et de stabilisation Albert 1er est un service accueillant des personnes jeunes de moins de 30 ans, en situation de réinsertion.


Dans ce contexte, l’ouverture du site à d’autres activités doit être un facteur de lien social. Ces autres activités doivent pouvoir servir aux personnes hébergées sur place, soit parce qu’elles permettent de créer de l’emploi, soit parce qu’elles donnent les moyens de pratiquer une activité, et donc de mettre en valeur les compétences des uns et des autres. Car il faut savoir qu’il y a énormément de personnes sans papiers dans les services d’hébergement, et qui sont vraiment bloquées, qui n’ont pas le droit de travailler, circuler, etc. Ce sont des situations très difficiles à gérer. Le fait de proposer des activités directement sur le site, qui soient ouvertes, sans les barrières économiques de la vie courante, permet de créer un réseau. C’est donc très important. Ces activités représentent sur le site des Grands Voisins 150 structures : notamment des associations, des artisans, des artistes. Aujourd’hui, 1 000 personnes travaillent quotidiennement sur place, et occupent des locaux d’une surface de 6 500 m². Gérer cela représente un gros travail de logistique, et c’est la mission de PLATEAU URBAIN. Ils privilégient des programmations ouvertes et réhabilitent le plus simplement possible (eau et électricité), puis ce sont les occupants qui prennent le relais. Cette dimension de partage des charges financières est importante. Il s’agit de partager ce que nous coûte le site entre les différents occupants, ce qui revient à payer moins cher que le marché classique pour des bureaux. On ne voulait pas que les structures viennent seulement par opportunisme, car les locaux sont moins chers, mais qu’elles viennent réellement apporter au projet et aux personnes en situation de précarité. Par exemple, il y a un luthier sur le site, qui répare des guitares. Il donne aussi des cours de guitare aux personnes hébergées sur place. De la même manière, des artistes interviennent en créant des choses pour améliorer la vie sur le site. Il y a vraiment cette valeur du collectif. C’est ce que défend l’association YES WE CAMP, par l’ouverture au public notamment. Transformer l’espace désaffecté pour en faire un chantier participatif et créer un nouvel imaginaire du lieu par la signalétique et les usages. Notamment avec l’aménagement de la Lingerie en un lieu de vie et de rencontres pour les utilisateurs des Grands Voisins. Ils se posent également la question de la nature en ville et de l’agriculture urbaine. Cela nous a permis de créer des emplois pour les personnes hébergées sur le site - 10 jardiniers s’occupent de l’entretien des espaces verts du site (9h par semaine), un résident travaille à l’entretien du poulailler. La présence de ruches, de permaculture et d’aquaponie permettent également de favoriser certaines rencontres. Le terrain de football et l’organisation de concerts fonctionnent aussi très bien pour cela. Un camping destiné aux touristes de passage à Paris a également été ouvert. Il y a des boutiques solidaires à l’entrée du site, notamment la « Ressourcerie Créative », qui facilite le recyclage et le réemploi des meubles par exemple. La Manufacture Pasteur vend des objets réalisés sur place par des artistes. Nous avons également créé une économie alternative sur le site qui nous permet d’échanger des biens et des services. Pour les personnes qui n’ont pas de papiers, cela permet de recréer une forme de richesse. Nous organisons par exemple un grand couscous tous les mercredi soirs. Si une personne donne un coup de main, deux heures de son temps, pour la préparation, il peut échanger ce temps donné contre des produits, des vêtements, des tickets de métro. C’est le système du troc-shop. Tous ces outils, mis en place par YES WE CAMP, permettent la rencontre entre les différentes personnes. L’association AURORE s’occupe de la gestion économique de l’ensemble du site, en plus de l’hébergement d’urgence. Et comment tout cela fonctionne ? Aujourd’hui, le site nous coûte 2 millions d’euros. D’abord, il y la sécurité et la médiation, qui représentent le travail quotidien de 15 personnes. Le lieu n’a pas été évident à sécuriser, nous faisions face à beaucoup de squat et d’intrusions au début du projet. Une partie du budget a aussi été allouée à la réhabilitation des bâtiments, les charges d’entretien (électricité, eau, chauffage), qui représentent une somme assez importante, environ 600 000 euros par an. Les bâtiments sont anciens, nous avons eu un certain nombre de dégâts des eaux. Enfin, il faut compter la rémunération des différents acteurs du site, les personnes employées par les associations comme AURORE. Concernant les loyers que versent les différentes structures installées dans le site, ces derniers permettent à 50% de contribuer aux charges d’entretien du site. Le montant du loyer correspond à 17 euros par m², donc une structure qui loue un local de 15 m² paye environ 250 euros par mois.

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Pour l’hébergement, c’est un peu différent. C’est l’Etat qui prend en charge en grande partie le coût de l’hébergement d’urgence, en finançant la nourriture, l’accompagnement social, etc. Cette aide est versée selon des forfaits journaliers. Dans les centres d’hébergement, les personnes qui disposent de ressources financières contribuent au versement du loyer en payant une participation équivalant à 10% de leur revenu. Si elles n’ont pas de ressources, elles ne payent rien. La prise de risque est importante, car beaucoup d’occupants ne disposent pas des moyens nécessaires. Mais selon nos calculs, toutes les places étant occupées - qu’il s’agisse des centres d’hébergement ou des locaux à louer - nous devrions trouver un équilibre entre nos dépenses et nos revenus d’ici la fin de l’année.

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Aujourd’hui, nous pouvons déjà tirer des leçons de cette expérience. Certaines choses fonctionnent mieux que d’autres. Depuis un an, les lieux ont repris vie, dans une atmosphère de solidarité et de bienveillance. Par exemple, la « Conciergerie Solidaire », un service créé par AURORE, accompagne le retour à l’emploi des personnes accueillies dans les centres d’hébergement et a notamment permis de créer 30 emplois, en distribuant des repas sur le site tous les midis. Contribuer à passer le pas, la première marche, s’habituer à travailler, à arriver à l’heure, pour ensuite trouver un travail fixe, à temps plein. Parmi les personnes hébergées aux Grands Voisins, 8 d’entre elles ont retrouvé un emploi à l’extérieur du site. Le système de troc-shop a aussi permis de belles rencontres dont les résidents du site peuvent témoigner. Par exemple, « Alternative Urbaine » et « Unicité » sont deux associations qui ont pu se rencontrer sur le site des Grands Voisins, et qui depuis travaillent ensemble pour aider les personnes en difficulté pour accéder à un emploi stable. Il y a aussi « Biocycle », une association qui récupère les invendus alimentaires en triporteur : ils se sont mis en lien avec deux résidents particulièrement doués en mécanique, ainsi qu’avec une autre association qui dispose d’une cuisine sur le site et qui y prépare les invendus. Ou encore, il y a une chocolatière sur place qui « embauche » des résidents du site pour emballer les boites de chocolat à l’approche des fêtes de fin d’année, et les rémunère avec la monnaie-temps, en s’inscrivant vraiment dans ce système de troc-shop. Enfin, des bénévoles viennent aider sur le site pour servir au bar de la Lingerie, ou à l’occasion de participer aux chantiers, etc. Et demain ? Beaucoup de choses ne sont pas encore figées. En mai 2016, le terrain est passé des mains des Hôpitaux de Paris à l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France, et sera vendu à la fin de l’année à un aménageur qui s’occupera de la cadence des travaux ; à qui et comment vendre les lots. Ce projet des Grands Voisins nous demande beaucoup d’énergie et de motivation. Or il n’est que temporaire. Mais c’est justement ce qui permet au site de vivre dans cet intervalle, de conserver un dynamisme. Ce projet est expérimental, nous apprenons en faisant, à créer une ville plus accueillante, plus généreuse, plus « insérante » pour les personnes en difficulté. Il s’agit de créer un territoire intermédiaire entre les centres d’hébergements, qui protègent les résidents tout en tentant de les insérer socialement. Il s’agit d’éviter que ces personnes qui se retrouvent dans une grande précarité décrochent de la société. On a ici quelque chose d’intermédiaire, avec une bienveillance sur le site. Des bancs pour s’assoir, se poser, une façon de concevoir les choses pour effacer les barrières. L’enjeu pour nous va être de continuer de creuser ces liens qui existent entre les personnes du site, pour les rendre encore plus forts, car tous les résidents ne sont pas sensibles à cela. Et surtout, nous allons préparer la fin de cette occupation : quand il nous faudra rendre les clefs des Grands Voisins. Cette étape doit se faire selon certaines règles. Il s’agit de montrer que ce type de projet fonctionne, qu’il est intéressant à la fois pour les propriétaires et pour des enjeux de société et qu’il peut permettre beaucoup de créativité et d’appui sur le travail social. Notre enjeu aujourd’hui est de montrer que cela peut être appliqué ailleurs. Notre objectif pour demain est de convaincre des propriétaires d’autres espaces vacants pour accueillir des services d’hébergement et recréer des lieux mixtes à l’image des Grands Voisins.


Les Grands Voisins devient de plus en plus populaire vis-à-vis du grand public. Dans ce contexte, comment cela est-il ressenti par les résidents, mais aussi par vous-même au sein de l’association Aurore ? Y-a-t-il un sentiment de « malaise » des habitants, qui se sentiraient dérangés ? La popularité du site est-elle ressentie comme du voyeurisme ? Ou au contraire est-ce que cela est bienvenu ? Comment trouver l’équilibre entre les différents publics présents sur le site, nécessairement fragile ? Au début, sur l’ensemble du site, il n’y avait pas d’autres activités que l’hébergement d’urgence. Puis il a été question d’ajouter la présence d’associations, d’entreprises et du grand public. Cela à suscité deux types de réactions parmi les personnes hébergées sur le site. D’un côté, le site reprenait vie et devenait plus agréable par rapport à l’atmosphère « glauque » du début. L’amélioration du cadre de vie était réelle. Mais aujourd’hui, l’affluence est parfois très importante, et les personnes hébergées peuvent se sentir dérangées lorsqu’elles veulent profiter des espaces extérieurs, qu’elles n’arrivent plus à s’approprier. De plus, l’organisation de visites de groupe peut amplifier ce phénomène. Ces groupes de curieux peuvent être là par envie de savoir ce qu’est l’hébergement social - ce qui est positif pour AURORE - car l’hébergement d’urgence fait peur à cause du manque de connaissance du public. Cela nous donne une opportunité de changer le regard des gens. Cette question rejoint celle de la relation du site au quartier. Lorsque le site n’accueillait que l’hébergement d’urgence, les a-priori étaient nombreux : il y avait des rumeurs dans le quartier au sujet d’une augmentation des vols et d’une baisse de la sécurité. L’ouverture au public du site a complètement fait taire ces rumeurs et de démystifier l’hébergement d’urgence. Le revers est qu’il y a parfois des intrusions dans les centres d’hébergement, comme des gens cherchant les toilettes et arrivant sur une chambre par exemple, ce qui est problématique. Cet équilibre fragile demande un ajustement quotidien ainsi que beaucoup de confiance entre les acteurs principaux du site que sont nos trois associations. AURORE s’occupant de l’hébergement d’urgence, et YES WE CAMP s’occupant de l’ouverture au public, il a été nécessaire de travailler ensemble notamment sur la programmation afin de la réfléchir comme quelque chose de plutôt familial et définir ensemble des horaires d’ouverture, jusqu’à 23h, pour permettre de concilier les équilibres de chacun. Cet été, où l’affluence a été à son comble, a été difficile à gérer. Il y a peu d’endroit similaires à Paris où l’on peut s’installer librement et faire un barbecue ! Ce projet a-t-il un rôle défini par rapport à son environnement, dans le 14ème arrondissement, ou plus globalement pour la ville de Paris ? Quelle est votre ambition pour ce site ? La relation au 14ème arrondissement est à la fois dans le changement de vision sur l’hébergement d’urgence mais aussi dans l’accueil d’associations et d’artistes qui ont leur locaux sur place en réponse à une demande du quartier. Par exemple, des goûters d’anniversaire sont organisés dans la Lingerie par des résidents du quartiers. Le lieu répond à une demande des habitants du quartier et prend quasiment un rôle de parc, malgré qu’il soit très minéral, on peut s’y promener, et il n’y a pas de voitures. Beaucoup de « voisins » viennent s’y promener le week-end et leurs échos sont très positifs. Cela va d’ailleurs devenir un aspect important à gérer : comment faire la transition entre ce moment récréatif de liberté et le moment où le lieu va se transformer en éco-quartier ? AURORE travaille de concert avec la ville de Paris afin d’assurer que la transition se passe bien, pour éviter que ce moment ne soit qu’une période enchantée révolue quand le quartier sera construit. Il faut absolument réussir cette transition. Nous n’avons pas encore les réponses, mais nous tentons de les construire au fur et à mesure, l’idée étant de s’inspirer des choses qui fonctionnent pendant cette période afin d’influencer le quartier en amont, ce qui suscite l’enthousiasme de l’équipe municipale.

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2 foyer de réinsertion / bâtiment Pierre Petit 1 salle à manger commune au rez-dechaussée 2 salle commune au 3ème étage 3 rencontre avec Robert, résident du foyer

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4 réserve alimentaire 5 préparation du service des repas aux résidents 6 la chambre d’un des résidents du foyer 7 chambre d’un autre résident


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11 résidence de travailleurs migrants / bâtiment Adolphe Pinard 8 couloir desservant les chambres au 1er étage 9 cuisine commune au rez-de-chaussée 10 les boites aux lettres des résidents

11 cuisine commune au premier étage 12 devant l’entrée du bâtiment, des résidents discutent entre-eux 13 un homme vend du maïs dans la cour 14 le linge sèche sur le toit-terrasse

photos prises par les étudiants du groupe « Yes we stay »

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Comment ont été fixées les règles de temporalité du projet ? Le projet aujourd’hui ne mériteraitil pas de vivre plus longtemps ? Il est évident que beaucoup de choses qui se passent sur le site aujourd’hui pourraient être prolongées, comme l’agriculture urbaine, qui a été développée sur des circuits courts, etc. Mais la demande en logements est tellement importante à Paris - le futur éco-quartier prévoit la création de ces 600 logements, notamment des logements sociaux - que sa construction est d’une réelle utilité. On ne peut laisser une friche indéfiniment. Nous sommes là pour l’occuper le temps nécessaire, tant que c’est possible, mais les règles de temporalité du projet des Grands Voisins avaient été fixées dès le début. Ce projet tire son énergie de sa temporalité courte, et il n’aurait très certainement pas atteint le niveau qu’il a atteint en un an si il avait été pensé sur le long terme. L’objectif aujourd’hui est plutôt de tenter de reproduire, de dupliquer ce fonctionnement ailleurs, et de laisser la place au futur projet d’éco-quartier sur le site, qui par ailleurs doit répondre aux enjeux économiques de ses nouveaux propriétaires. Comment va s’organiser le départ du site pour les associations et les habitants ?

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Sur le projet Archipel dont je vous parlais plus tôt, il a été possible de trouver un autre lieu d’accueil à Nanterre, dans d’anciens locaux de la Poste où les résidents ont été relogés. Quant aux associations - une trentaine de structures, certaines se sont déplacées sur le site de Saint-Vincentde-Paul ; d’autres se sont installées dans des locaux qui leur sont propres ; d’autre encore ont cherché des locaux en « colocation » avec des structures voisines au moment du projet Archipel et ont formé des partenariats. Cette expérience et son achèvement furent donc une réussite. Cependant, le site des Grands Voisins correspond à une échelle bien plus importante, avec les 150 structures présentent sur les lieux. Nous avons alors prévu des sessions d’accompagnement, avec PLATEAU URBAIN, afin d’aider ces structures et leur donner les outils nécessaires à leur transition, notamment dans la recherche de nouveaux locaux. Il s’agit de les rendre progressivement autonomes. Certaines structures arrivent à 3 ans d’occupation sur le site. Ainsi, pour des structures qui démarrent leur activité, cela correspond à un cycle de projet. Si le projet ne décolle pas, la structure peut quitter les lieux au cours de la période de transition. Si au contraire l’activité démarre, la structure se déplace alors dans des locaux plus adaptés. Dans certains cas, les structures peuvent être amenées à soutenir AURORE, en nous suivant dans notre prochain lieu d’hébergement. La ville de Paris affirme qu’un appel à projet sera lancé pour un futur quartier similaire aux Grands Voisins. Cependant, les détails n’ayant pas encore été communiqués, le prix des futurs espaces ne sont pas connus et les structures ne peuvent donc s’engager pour la suite. Par exemple, si l’on prend le cas de la Ressourcerie Créative, elle ne peut interrompre son activité. Il lui est donc nécessaire de trouver un lieu dès la fin du projet des Grands Voisins. Sa logistique est donc encore incertaine. Le site des Grands Voisins a la particularité d’être en plein centre-ville, à Paris. C’est une situation spécifique par rapport aux autres sites dans lesquels vous intervenez d’habitude, plutôt en périphérie des villes. Est-ce que cette situation représente un réel avantage ou au contraire est-il plus compliqué d’intervenir dans un quartier de ce type, relativement aisé ? Quelles peuvent-être les réactions des habitants quand ils devront déménager dans un centre d’hébergement beaucoup moins favorable ? C’est indéniable : le précédent centre d’hébergement était situé au métro Maison-Blanche, Porte d’Ivry. Le changement a été radical. Le fait que le lieu soit central a permis de faciliter l’accès pour les bénévoles venant de Paris et a généré une grande affluence des gens du quartier. Dans l’ancien site, les services avaient perdus beaucoup de bénévoles du fait de l’importante allonge du


temps de parcours. De la même manière, l’accompagnement aussi bien médical, psychologique et administratif ont pâti des difficultés d’accès du site, alors que la proximité actuelle des Grands Voisins avec toutes les infrastructures de transport facilite justement beaucoup l’accès à ces services. Il y a donc une vraie notion de transition à prendre en compte. Pour Archipel, le déménagement à Nanterre pour les gens logés initialement près de la Place de Clichy, constitue une rupture dans l’accompagnement de certaines personnes et complique leur re-localisation. Cette contrainte est de fait acceptée, mais elle n’est pas idéale. L’idéal serait de disposer des lieux fixes, permettant un accompagnement continu. Cela faciliterait le travail des équipes d’AURORE qui doivent aujourd’hui constamment changer de lieu de travail. De plus, les déménagements renouvelés replacent les habitants dans une situation de précarité qu’ils ont déjà connu par le passé et expérimentent à nouveau avec AURORE. Si disposer d’espaces à long terme serait idéal, la réalité ne le permet pas. Les espaces temporaires sont donc ce qu’il y a de mieux aujourd’hui pour la mise en place de situations d’accueil. Est-ce que vous vous inspirez de ce qui se passe dans les autres pays européens, notamment en Allemagne ? A Hambourg, une ville relativement bourgeoise et puissante économiquement, l’accueil de migrants se fait parfois de manière assez intéressante. Une stratégie alternative consiste à réquisitionner des parcs publics de la ville pendant un certain laps de temps, pour y installer des structures légères pour l’accueil des personnes. Le dispositif s’est peu à peu renforcé et est devenu plus permanent. Peut-on imaginer que les villes mettent en place des lieux d’hébergement de ce type, qui renouvelleraient ainsi la question de l’accueil, avec des espaces moins déterminés, aux situations variables, ou l’urbanisme temporaire peut être réinventé par tous ? Les collectivités et autres foncières visitent régulièrement le site des Grands Voisins. Nous savons qu’il y a un réel intérêt, ou en tout cas une curiosité, de la part de ces acteurs pour ce type de projet. Mais nous sentons encore une forme de réticence. Certains pensent encore que notre occupation des lieux relèvent du squat, alors que ce n’est pas du tout le cas. Nous avons signé une convention d’occupation avec la Ville de Paris pour une durée déterminée. Notre fonctionnement s’inscrit dans un système cadré, il ne s’agit pas de l’action de quelques rebelles. Je pense qu’il faudra attendre que nous ayons quitté les lieux pour que les acteurs de projet aient réellement confiance en nous et notre capacité à rendre les murs une fois la période d’intervalle révolue. J’espère que ce type de projet pourra se généraliser par la suite et je pense que ce sera possible car le gain économique est réel pour les propriétaires de tels sites. Dans le cas de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France a dû économiser l’équivalent d’un million d’euros de coût de gestion. Aussi, il y a une prise en conscience du public, cela choque de plus en plus d’avoir autant de gens à la rue quand on sait le nombre d’espaces vacants en ville. D’autant plus que l’économie sociale et solidaire est au coeur des problématiques contemporaines. Les gens ont conscience de l’aberration entre d’un côté un nombre trop important d’espaces inoccupés et coûteux, et de l’autre des gens à la recherche de locaux pour se loger ou travailler. Il est urgent de faire le lien entre les deux. Concernant ce qui se passe ailleurs en Europe, nous n’avons malheureusement pas assez de recul, souvent trop pris par l’urgence de nos projets. D’après PLATEAU URBAIN, les Grands Voisins constitue le plus gros lieu d’accueil temporaire en Europe. Personnellement, je n’en ai aucune idée. Nous nous inspirons surtout de projets en Europe du Nord, notamment au Danemark et en Allemagne. Pour ce qui est de la France, nous avons été contacté par la ville de Marseille notamment pour y développer des centres d’hébergement. De notre côté, nous tentons de nous rapprocher de l’Armée, qui dispose de nombreux lieux vacants suite à la fin du service militaire. Ainsi que La Poste, ou encore la SNCF.

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Votre intervention s’inscrit comme une interface entre le site et son devenir, celui d’un écoquartier. Avez-vous saisi cette opportunité pour vous poser la question d’un autre devenir du site ? Les usages qui existent aujourd’hui n’appellent-ils pas à une autre vocation, une autre forme d’urbanisme que celle de l’éco-quartier ? Nous ne pouvons pas réfléchir en ces termes, pour la simple et bonne raison que les règles du jeu étaient définies dès le début du projet et définissaient les conditions mêmes de notre intervention. Tous les acteurs du site ont dû accepter ces contraintes pour faire partie de l’aventure. Il s’agit d’un projet temporaire et si cela n’avait pas été le cas, il aurait été très différent. Par ailleurs, l’objectif pour AURORE est de réitérer l’opération, de continuer à rendre ces projets possibles. La première condition pour se faire est de gagner la confiance des propriétaires des lieux en respectant les engagements pris au départ. En fait, il n’est pas de notre intérêt de se placer à l’échelle du site en tant que tel, mais bien des personnes que nous hébergeons, et donc de continuer à gagner la confiance des acteurs de projets pour qu’ils mettent ces lieux à notre disposition.

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Avec ce projet, on considère que le temporaire permet de créer des choses beaucoup plus rapidement et de manière beaucoup plus légère qu’un projet classique. En somme, l’éphémère peut être vecteur de légèreté et de gain. En tant qu’architectes-urbanistes, nous voulons, peutêtre à tort, souvent penser les projets pour qu’elles restent ! Pour tenter de s’inscrire dans une démarche plus pérenne, avez-vous mesuré de manière quantitative les surfaces ou les opérations dans Paris avec lesquelles il serait possible d’établir une stratégie pour rejouer ce jeu de l’éphémère sur le long terme ? Par exemple, transformer un lieu pendant 3 ans, puis passer au suivant, ensuite répartir les centres d’hébergements sur plusieurs sites à la fois, etc. En d’autres termes, existe-il une cartographie des « possibles », repérant les opportunités potentielles ? En effet, pérenniser le temporaire pourrait se traduire par le repérage et l’anticipation des opportunités foncières pour pouvoir plus rapidement rebondir de lieux en lieux. Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais d’après PLATEAU URBAIN il y aurait l’équivalent de quarante tours Montparnasse d’espaces vacants à Paris et en Ile-de-France. C’est donc davantage à leur association qu’il faut s’adresser pour ce type de données. Mais dans les faits, l’anticipation n’est pas toujours possible et nous avons l’habitude de travailler dans l’urgence. La dimension temporaire fait partie intrinsèque de notre travail d’hébergement d’urgence, et encore plus avec la saison hivernale. Nous disposons par exemple d’un service logistique, avec des stocks de mobilier, prêts à être réquisitionnés dans l’urgence. Concrètement, sur le site des Grands Voisins, ce stock occupe le sous-sol du bâtiment Pinard, qui compte des centaines de lits, de tables et de chaises. Nous sommes en capacité d’ouvrir un centre en moins d’une semaine. Il suffit de recruter une équipe, de déballer les cartons et l’accueil des personnes peut se faire en un temps record. Nous avons récemment ouvert un certain nombre de centres sur des temporalité très serrées, quasiment du jour au lendemain, pour l’accueil des migrants. Quand l’Etat décide de démanteler un camp pour ouvrir des places d’hébergement, l’évacuation du-dit camp peut se produire en moins de 48 heures, comme nous l’avons vu récemment à La Chappelle, à Paris. Dans ces cas-là, c’est l’Etat qui finance et aide à chercher des locaux. Soit nous signons des conventions avec les propriétaires (les Hôpitaux de Paris, La Poste, etc.), soit c’est carrément l’Etat qui réquisitionne ces lieux et les confie directement à l’association. Ce type de fonctionnement fait que c’est ancré dans notre culture d’association de pouvoir, très vite, transformer les espaces en lieux d’hébergements. Les premiers jours sont souvent un petit peu chaotiques, mais une fois que la machine est lancée les choses se mettent en ordre rapidement, et l’essentiel est que cela permet de mettre des personnes à l’abri.


En tant que membre de l’association Aurore impliquée sur le site ces dernières années, remettezvous en cause le programme prévu par la ville de Paris pour ce site ? Sur le fond, non, car il permet de répondre à un besoin de logements à Paris. Sur les 600 logements prévus, la moitié seront des logements sociaux, et 20% seront des logements intermédiaires. Il y a donc a priori une vraie possibilité d’accès au logement pour les populations moins aisées. D’autre part, la programmation d’une école, d’une crèche, cela semble répondre à un besoin pertinent à Paris. Au sein des lieux dont dispose Aurore, quelle est la part de lieux temporaires par rapport aux lieux dont l’occupation est pérenne ? L’hébergement d’urgence est-il toujours voué à être à l’image des gens qu’il accueille : c’est-à-dire « précaire » ? Ce n’est pas tout à fait vrai. L’assocation Aurore dispose à ce jour d’environ 160 activités et services, répartis sur un certain nombre de lieux différents. L’occupation temporaire de locaux n’est pas quelque chose de généralisé, mais est vraiment propre au Pôle Urgence, spécialisé dans l’hébergement d’urgence, service dont je fais partie. Et au sein de ce pôle, environ 30 % des espaces que nous occupons sont sur des durées temporaires : notamment les centres d’accueil pour les migrants qui ouvrent régulièrement en fonction de la demande. ainsi que l’hébergement hivernal. Je précise que cela ne veut pas dire que le centre ferme automatiquement à la fin de l’hiver (!), mais que ces structures sont plus flexibles, moins fixes, comme par exemple les Grands Voisins. En réalité, la plupart des lieux que nous occupons sont fixes : résidences sociales, logements privés classiques et alors notre mission peut être de l’accompagnement par des travailleurs sociaux qui rendent visite à des personnes pour les guider vers l’autonomie, etc. En résumé, seule une partie de notre activité s’inscrit dans des locaux temporaires. Vous nous avez parlé des dispositifs mis en place pour permettre plus de mixité et de liens entre le grand public et les gens en situation de précarité sur le site. Avez-vous tenté de créer des dispositifs pour permettre un brassage entre les cultures et les différentes populations ? Par exemple, j’ai le sentiment que les travailleurs migrants notamment sont isolés, moins au contact des autres personnes présentes sur le site. Peut-être est-ce dû à l’emplacement du bâtiment qui les accueille, situé en retrait des activités ? En effet, si dans l’idéal on souhaite tous que des rencontres se fassent naturellement, en réalité il faut trouver des prétextes, des liants. Au sein de l’association d’Aurore, c’est d’ailleurs la mission d’un certain nombre de membres de l’équipe dédiée aux Grands Voisins. Tenter de créer du lien avec les gens qui travaillent sur place, avec les gens qui y résident. Cela passe notamment par l’animation de chantiers participatifs, c’est beaucoup ce que fait YES WE CAMP. Par exemple, le mobilier d’extérieur présent sur le site a été réalisé en grande partie dans ces chantiers ouverts à tous. En ce qui concerne le foyer de travailleurs migrants, celui-ci est géré par l’association COALLIA. La particularité est que son fonctionnement est très communautaire et donc la difficulté de créer du lien avec le reste du site est réelle. Il y a effectivement l’emplacement du bâtiment par rapport aux autres, mais il me semble que c’est surtout son fonctionnement communautaire qui ne facilite pas l’insertion de ses résidents. Le centre dispose d’un directeur et de représentants internes qui établissent des règles propres à ce foyer, contrairement aux autres lieux d’accueil sur le site. Par ailleurs, le centre ne propose pas d’accompagnement social, les résidents y sont en fait très autonomes. Enfin, le fait que ce soit une autre association qui s’en occupe rend de fait les relations plus complexes. Les travailleurs sociaux d’Aurore, en lien avec une vingtaine de résidents, avaient proposé d’organiser une soirée d’accueil pour les nouveaux résidents au moment de leur arrivée,

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mais finalement cela ne s’est jamais fait. Il y a eu des échanges, mais cela n’a pas vraiment pris. Le lien se créé de personne à personne en fonction des rencontres et des affinités, il est très difficile de l’organiser. Mais dans le cas de ce foyer, il est vrai qu’il n’est pas simple de créer les conditions de ces rencontres, car la plupart des personnes qui y sont hébergées travaillent la journée, et sont moins disponibles. C’est en tous cas l’un des enjeux du projet, de réussir à créer des liens entre des personnes de différentes cultures et dont les problématiques sont très variées. Créer des liens prend du temps, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Nous tentons de mettre en place des outils : par exemple une cafétéria mobile, petite installation sur roulette créé par YES WE CAMP. On offre le café et c’est l’occasion d’entamer une conversation. L’association Aurore dispose-t-elle d’autres sources de revenus que les subventions publiques ? Comment ces financements fonctionnent-ils ?

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Très peu. Sur la totalité de l’association, 106 millions de budget annuel pour l’ensemble des services, le financement public représente environ 98%. Le Pôle Insertion dispose d’une petite part de fonds privés, notamment l’insertion par l’activité (restauration, chantier, etc.), qui est aidée par la vente et des fondations. Les financements publics ne suffisant pas pour l’activité en général, nous nous aidons de ces financements privés. Mais cela représente très peu à l’échelle de l’ensemble de l’association. Les financements publics sont des conventions établies sur 3 ans. Ce sont des contrats-cadres de 3 ans qui sont ensuite à renégocier tous les ans. L’hébergement est financé notamment par l’Etat, par la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement (DRIHL). L’association dispose donc de très peu d’autonomie en terme de budget. Tout est négocié à l’avance sur la base d’un prix de journée, puis chaque lot est approuvé ou non par l’Etat. C’est la mission de l’Etat d’assurer le droit au logement. C’est aussi sa mission d’en assurer le financement (et de le contrôler) quand cette mission d’utilisé publique est confiée à une association. Une dernière question sur le devenir de ce site par rapport à l’expérience que vous avez construit, sans remettre en cause sa dimension éphémère, intrinsèque à la notion même d’expérience. Ce site porte depuis sa création certaines valeurs que sont l’accueil et le soin. Vous avez réellement poursuivi cette intention collective à travers votre occupation des lieux. Est-ce que l’on ne pourrait pas imaginer qu’une part de cette action persiste, aussi infime soit-elle ? Ne rêvez-vous pas que cette ambition d’hospitalité, menée depuis plusieurs siècles, soit en partie maintenue ? Des arguments en faveur du maintien d’une part des populations les plus démunies, en plus de son histoire, pourraient être la centralisé du site, ou encore la proximité avec les autres hôpitaux. D’autre part, qu’est-ce qui pourrait faire perdurer ce site et l’énergie que vous y déployez ? La façon dont les habitants du 14ème arrondissement, et plus généralement les parisiens, se sont appropriés les lieux est significative : certains viennent s’y promener, y ont pris de leur habitudes, des familles y laissent leurs enfants dans des ateliers de peintures le temps d’un aprèsmidi, etc. La fin des Grands Voisins risque de créer un manque immense ! Avez-vous pu évaluer ou valoriser ces actions, ces accueils, de cette population du 14ème arrondissement ou des arrondissements mitoyens ? Ces deux ans de vie du lieu ne méritent-ils pas aussi de laisser des traces dans l’histoire de demain ? C’est une question complexe. D’un côté, les valeurs portées par ce projet - le soin, l’accueil de l’autre, la solidarité - font partie des thèmes souvent abordés pendant le travail de concertation mené par la ville de Paris et la structure « Ville Ouverte » qui animait le débat sur le futur écoquartier. Quand on demandait aux habitants du quartier ce qu’ils voulaient retrouver dans ce lieu, les dimensions d’histoire et de patrimoine, d’accueil et de soin, étaient des souhaits récurrents.


Cela a d’ailleurs probablement facilité notre arrivée sur le site après le départ de l’APHP. En ce qui concerne la suite, si dans l’ensemble des logements sociaux, il y avait une petite partie dédiée aux services assurés par AURORE, ce serait idéal ! Mais ce n’est pas du tout envisagé pour l’instant, nous n’avons pas encore trouvé les bons interlocuteurs pour évoquer cette possibilité. Cela dit, nous serions prêts à rêver cela : par exemple un service d’une trentaine de lits pour un hébergement stable. Cela pourrait bien sûr nous intéresser et permettrait de pérenniser une partie de nos services sur le site. Enfin, concernant la valorisation des usages et des relations créées aux Grands Voisins ces deux dernières années, nous préparons justement la réalisation d’une étude d’impact, pour apprendre de cette expérience afind de la dupliquer ailleurs, mais aussi pour souligner les bénéfices pour le quartier d’accueil. Cela nous aidera à prendre du recul sur le projet et développer un argumentaire pour tenter de réitérer l’expérience autre part. Evidemment, si cet outil peut servir à la collectivité, cela ne peut être que bénéfique. Il y a tellement d’aspects à analyser que pour l’instant on ne sait pas vraiment par où commencer. Nous souhaiterions que l’évaluation soit participative, faisant intervenir les résidents des centres d’hébergements et les habitants du quartier. Cela représente un travail colossal, qui commence à peine. Et effectivement il serait intéressant de comprendre quels sont les impacts des Grands Voisins sur le quartier et ses habitants.

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YES WE STAY Pérenniser ce lieu d’accueil pour des populations défavorisées. Agnès BANG Mathilde LHOPITALIER Augustin SAUZEY

Parce que nous avons découvert le site par le biais de ses habitants, nous avons souhaité que notre projet s’adresse à eux et soit dédié à la pérennisation de ce qui fait l’essence du projet des Grands Voisins : sa vocation intégratrice. Une longue phase d’immersion a été nécessaire pour réellement saisir l’enjeu d’un site où près de 600 personnes de parcours variés étaient hébergées et associées à un public extérieur, qu’il soit artiste, jeune entrepreneur, artisan, bénévole ou simple visiteur-consommateur. Là où les habitants du site étaient trop souvent qualifiés indistinctement, nous avons souhaité appréhender cette population à travers la singularité des individus et des existences qui la composaient.

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À chaque visage, un nom Notre attention s’est donc naturellement portée sur les six foyers du site, mais surtout les plus importants d’entre eux en termes de population, c’est à dire le foyer de réinsertion du bâtiment Pierre Petit, le foyer d’hébergement d’urgence du bâtiment CED, et la résidence de travailleurs migrants du bâtiment Pinard. Décrivant leur fonctionnement et spatialisant leurs usages, nous avons ensuite souhaité imaginer comment pérenniser les usages et améliorer les espaces. Partant de l’individu, des individus et la façon dont ils vivent ces lieux, nous avons observé la subtilité des frontières entre espaces d’intimité, de partage, de communauté et d’exposition, voire de surexposition et de vulnérabilité; en constatant l’équilibre plus ou moins réussi entre ces nuances dans l’existant. Nous avons cherché à imaginer comment elles pourraient être articulées les unes aux autres d’une manière idéale en proposant un remodelage de l’existant. Vivre ensemble mais séparément Ces propositions se sont faites d’abord à l’échelle de la chambre, puis de l’articulation entre les chambres et la création « d’ailes » d’habitation elles-mêmes articulées autour de lieux de vie commune. Le tout entoure « un cœur de foyer » appellé par la nécessité des repas pris en commun par les habitants des foyers de réinsertion. Il nous a semblé opportun, dans la suite des contrats de premières heures et des chantiers de réinsertion déjà expérimentés par Aurore, d’associer ce cœur de foyer à un pôle de formation et à une

cuisine centrale de collectivité qui fournirait les repas non seulement du foyer mais également des écoles et foyers de la parcelle et de la parcelle voisine. Inspirés par les projets CAPS, nous avons également imaginé amener une population d’étudiants engagés dans un projet social en échange de loyers bas, et ayant constaté l’interaction réussie entre artistes et habitants - parfois eux-mêmes artistes, nous avons pensé pérenniser ce lien en permettant au foyer d’accueillir des artistes en résidence. Quel programme, quel projet ? Conscients de l’investissement colossal fait par la mairie pour l’achat de la parcelle, nous avons également mené une réflexion sur les moyens de densifier le reste du site et de satisfaire le programme proposé par le projet d’éco-quartier afin d’esquisser un scénario plausible de maintien de ces foyers sous couvert, évidemment, d’une volonté politique suffisamment forte. Ce faisant, nous avons imaginé rassembler les six foyers dans les trois bâtiments cités plus haut et les lier étroitement entre eux en récupérant une partie du bâti jusqu’ici assignée à une location d’espaces de travail entre le CED et Pierre Petit en créant une passerelle entre les bâtiments Pierre Petit et Pinard. En surélevant Pinard et en l’élargissant de deux coursives extérieures, nous avons gagné de l’espace tout en permettant d’imaginer des logements plus adaptés pour des travailleurs indépendants qui partageaient souvent leurs chambres à plusieurs. Quels espaces ? En créant une rue privée entre les foyers et en imaginant un dédale de cours par ailleurs, nous avons souhaité donner la possibilité d’une diversité d’ambiances et d’appropriations. Répondant au projet de foyer pour handicapés et d’agrandissement de l’école pour enfants malvoyants sur la parcelle voisine, nous avons également créé une école en cohérence avec ce voisinage, les deux écoles se répondant en lien avec un cœur de site qui garderait les qualités de déambulation et de vitalité que permet actuellement sa basse densité et son ouverture. Là où la parcelle était extrêmement minérale et où son sol tout entier était consacré à la circulation automobile, nous avons souhaité imaginer un site


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1

2 rencontre avec des résidents de la résidence de travailleurs migrands du bâtiment Pinard 1 Papa Kanté, 60 ans, retraité, ancien éboueur 2 Issa, 25 ans, récemment arrivé, et Abdoulkarim, jardinnier 3 Aboubaker, en recherche d’emploi

rencontre avec un résident du foyer d’hébergement du bâtiment Pierre Petit 4 Mamadou, 47 ans, ébenniste, percussionniste, brocanteur 4

5 rencontre une personnalité atypique des grands voisins 5 Maël, peintre, poète, vidéaste, ancien journaliste, nous offre une visite guidée des grands voisins, nous présente ses voisins et nous invite dans son atelier d’artiste

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piéton, où les seuls véhicules seraient ceux des livreurs, des services poubelles et des pompiers qui traverseraient ponctuellement le site. Libéré des voitures, le sol pourrait alors se végétaliser et le cœur de site se transformer en un grand parc où les bâtiments iconiques comme la Lingerie, la Chaufferie et les tours de Colombani s’assimileraient à des folies et garderaient leur rôle de lieux de convivialité. Le 17 janvier, le Président de la République choisissait d’annoncer l’inauguration d’une fondation pour l’investissement social et le développement humain aux Grands Voisins, lieu qu’il déclarait symbolique. La fortune médiatique du lieu nous réjouit, mais ne doit pas faire oublier qu’il est un équilibre fragile et éphémère au cœur d’une capitale prospère. Bibliographie BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Paris, Actes Sud, 2006 BOUCHAIN Patrick, Simone et Lucien Kroll, une Architecture Habitée, 2013, 360p. KROLL Lucien, The Architecture of Complexicity, MIT Press, 1987, 124p. PEREC Georges, Les Choses, Paris, 1965 58 1

4

5


Sanitaires Associations Cuisines Grand Salon Télé Travaux, Keita

Autres espaces partagés

Fauteuils luxes, Chaises, Table Oeuvres d’art

Malien, Entretenir bâtiment Il a des clés des salles. Gérer des créneaux de la buanderie

Locaux techniques et bureaux de l’association gestionnaire

R3 Buanderie condamnée

CED L’horizon (Aurore) Centre d’hébergement d’urgence 135 personnes

Associations

Croisé : Une poignée d’hommes, Manon, assistante sociale, Mael, artiste et personne ressource de l’association, Benoit, assistante sociale SDF, Elisabeth, Kibly, habitant, Keita, travailleur du bâtiment

Salle de vie commune Salon Télé Fauteuils modernes, Rangements Fermeture de la salle 00H 30

R2

Associations Chambres

Atelier d’un habitant - artiste Maël

Faire ses oeuvres, Art therapy

Salle de réunion

temporaire - 2,3fois/mois

R1

Porte 8

l’Entrée d’associations Cage Escalier chez les association

Salle à manger

Associations

25 places, TV au mur Evier, Bouilloir, Micro-ondes

Chambres Salle Frigo

Salle Outils

Porte condamnée

180 Plats livrés Ekilibre 3 repas (5 euros) par jour

Elisabeth

Congolaise. Habitante depuis 1an. Déménagé de l’autre foyer de la banlieu parisienne. Elle aide les évènements du foyer comme son travail.

Ascenseur condamné Cage Escalier chez les habitants

Toilettes, Douche commune

Le bureau de Chef CED

Buanderie RDC

Trois nouvelles machines à laver et trois sèche-linge. Sur inscription auprès des agents d’accueil.

RDC

Le bureau de Manon et Benoit

- Assistants socials Chacun s’occupe de 28 personne dans le foyer CED.

Baby Foot Lounge, Kibly - Habitant. Il s’est déjà fait interrogé plusieurs fois de la part d’étudiants surtout des question d’activités.

Ateliers d’artistes

Porte 1

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l’Entrée d’ateliers d’artistes

2

3

6

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état des lieux et enquête exhaustive sur les espaces partagés des centres d’hébergement 1 résidence de travailleurs migrants dans le bâtiment Pinard 2 foyer de réinsertion du bâtiment Pierre Petit 3 foyer d’hébergement d’urgence dans le bâtiment CED

work in progress 4 maquette d’analyse de l’occupation temporaire des bâtiments Pierre Petit et CED 5 analyse urbaine 6 maquette du site 7 espaces communs présents dans les étages

Escaliers chez les artistes

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1

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4 foyer de réinsertion bâtiment Pierre Petit 1 entrée du bâtiment et espace d’accueil (rdc) 2 espace d’accueil (rdc) 3 cuisine commune (rdc) 4 salle à manger commune (rdc)

Maison des Médecins 5 future cuisine partagée Pavillon de l’Oratoire 6 cuisine commune 7 salle à manger partagée

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5

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9 foyer d’hébergement d’urgence dans le bâtiment CED 8 couloir desservant les chambres à l’étage 9 espaces de circulation et d’affichage 10 laverie partagée (rdc) 11 salle TV (r+2) 12 salle de vie commune (r+3) 13 atelier de travail (r+1) 14 salle à manger et TV (rdc)

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pierrepierre petit petit

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ced

ced

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redistribution des bâtiments existants 1 bâtiment Pinard : distribution par coursives extérieures, espaces de services partagés entre deux chambres 2 bâtiment Pierre Petit : distribution galerie

centrale, espaces de services partagés entre deux chambres 3 bâtiment CED : chambres individuelles mutualisables 4 bâtiment CED : chambres doubles

nouveaux espaces communs 5 bâtiment CED et Pierre Petit : salon partagé en double hauteur 6 bâtiment Pinard : de grandes cuisines en relation avec des loggias

7 bâtiment Pinard : espace de restauration augmenté en rez-dechaussée et r+1 8 bâtiment CED et Pierre Petit : salle de restauration autour d’une cour


pinard pinard

5

pinard

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pinard

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MAISON DES MEDECINS

LEPAGE

PINARD

PIERRE PETIT

CED

ORATOIRE

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en accueillant étudiants et artistes en résidence au sein des foyers pérennisation des usages dans les bâtiments Pinard, Pierre Petit et CED 1 un nouveau lieu de restauration dans un espace augmenté dans le bâtiment Pinard 2 une salle agrandie et ouverte aux croyants de l’extérieur en utilisant les soius-sols

3 une laverie commune en rez-de-cour 4 une nouvelle structure enveloppe le bâtiment Pinard et permet sa surélévation et son élargissement 5 maquette des nouveaux espaces dans les bâtiments Pierre Petit et CED 6 un nouvel ensemble


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atlas référentiel 1 École maternelle, Armand Nouvet 2 Immeuble de logements, BabledNouvet-Reynaud 3 Tour Bois-le-Prêtre, Lacaton Vassal

3

4 Université de Lausanne, BrutherBaukunst 5 Laboratory Building, David Chipperfield


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CONFÉRENCE À L’ENSAPM / MERCREDI 12 OCTOBRE 2016

Jean-Baptiste Roussat 69

urbaniste secrétaire général de l’association PLATEAU URBAIN


UN PROJET TEMPORAIRE AU SERVICE DE LA VILLE

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L’association PLATEAU URBAIN, créée en 2013, est spécialisée dans l’urbanisme temporaire, par l’exploitation d’interstices temporels et spatiaux dans la fabrique de la ville, afin d’y contribuer, notamment par l’expérimentation. La notion d’interstice est centrale à notre approche. Nous travaillons sur la vacance immobilière, c’est-à-dire sur les espaces disponibles mais dédaignés du marché immobilier, qu’ils soient anciens (notamment les biens en attente de démolition) ou neufs. On compte aujourd’hui près de 4 millions de mètres carrés de bureaux vacants en Ile-de-France, dont un peu moins d’un tiers se trouvent définitivement en dehors du marché. Ces espaces peuvent pourtant avoir une valeur d’usage, mais ils n’ont plus de valeur économique. Notre problématique est donc de trouver des moyens de les mobiliser, sachant que, d’un point de vue territorial, ces locaux sont souvent mieux répartis dans la métropole que l’offre des espaces neufs, qui est soumise à des jeux plus concurrentiels. La notion d’interstice temporel représente donc ce glissement, à la fois par rapport à la vie d’un bâtiment, mais aussi par rapport au temps du projet de transformation, puisqu’il y a souvent un intervalle de temps entre le moment où des locaux deviennent vacants et le moment où les travaux de démolition ou de réhabilitation commencent. C’est dans ces interstices que nous pensons qu’il y a matière à faire projet. De manière générale, à toutes les échelles, ces occupations temporaires - peut être davantage que les occupations traditionnelles et les projets urbains - permettent de se placer à la convergence des préoccupations de tous les acteurs d’un territoire, quel qu’il soit. Et en jouant, car c’est notre métier, sur cette convergence d’intérêts, notre stratégie est de convaincre les propriétaires des bénéfices qu’ils auraient à tirer d’une occupation temporaire : on peut faire advenir des choses de manière plus rapide et plus souple que dans un processus classique de projet (dont je précise bien qu’il est à nos yeux tout aussi indispensable et qu’il a bien sa place). En fait, c’est une question de temporalité et de moyens. Notre approche vise à compléter ce processus traditionnel, qui a aussi ses propres évolutions, mais certainement pas à s’y substituer et à faire du temporaire qui dure ad vitam aeternam, en considérant que le marché n’a aucune raison d’intervenir, ni les acteurs politiques ou sociétés civiles ou autres groupes. Le site des Grands Voisins est un bon exemple de cette usage temporaire. Ce site a eu plusieurs vies depuis sa création en 1650, avec différentes étapes : la parcelle a d’abord été une grande emprise ecclésiastique, puis un orphelinat et une maternité, et enfin un hôpital, et donc une juxtaposition d’activités. Les Grands Voisins est en quelque sorte la continuité de cet esprit d’accueil et d’hospitalité, avec le regroupement temporaire de plusieurs activités dans une démarche d’économie sociale et solidaire, pendant une période de deux ans (2015-2017). La présence de l’association AURORE remonte quant à elle à l’année 2012, avec l’implantation de premiers services d’hébergement d’urgence quand l’hôpital n’avait pas encore fermé. La transition d’occupation du site s’est donc fait progressivement. La programmation pour l’évolution futur du site a été développée par la maitrise d’œuvre, assurée par l’atelier Anyoji-Beltrando, qui propose une intervention a priori assez respectueuse du patrimoine existant. Ce futur éco-quartier présente toutefois une équation financière complexe, avec la création de 600 logements dont la moitié sera consacré à du logement social, mais également plusieurs milliers de mètres carré d’activités, pas forcément commerçantes, mais aussi favoriser le type d’activités advenues grâce aux Grands Voisins qui pourraient s’y re-développer. Ce site en transition a été confié par l’APHP à l’association AURORE, en 2014, dans son intégralité : 3,4 hectares, 40 000 m² de bâtiments à chauffer, entretenir, gardienner. La gestion de l’ensemble représentait un coût très conséquent. Depuis le début du projet, la facture s’élève aujourd’hui à plus d’un million et demi d’euros par an. Une réflexion était nécessaire à la fois d’un point de vue technique et humain pour aborder autrement cette occupation temporaire. D’une part parce pour résoudre l’équation financière que posait la gestion du site. AURORE est financée en fonction du nombre de places d’hébergement d’urgence disponibles à la nuitée. Ici, 600 personnes sont hébergées sur le site à titre temporaire. Or le financement de ces 600


places ne couvrait que la moitié du coût total de gestion du site. Si l’on ne trouvait pas d’autres sources de financement, donc d’autres usages du site, le risque de voir l’occupation se clore de manière anticipée était réel. La réflexion, très pragmatique, que je vous expose ici était renforcée d’une réflexion plus urbaine et plus généreuse, portée à la fois par la mairie de Paris et par AURORE, dont la mission d’insertion sociale est évidente. La ville peut être un milieu agressif voire franchement hostile, il est nécessaire d’entourer les personnes en situation de précarité pour mieux les accompagner vers leur retour à l’autonomie. Il fallait pour cela ouvrir le site, en diversifier les usages et travailler la cohérence de l’ensemble de ces occupations conjointes. C’est dans ce contexte qu’AURORE a accompagné son action par deux nouvelles compétences pour le site des Grands Voisins. Celle de YES WE CAMP, qui propose d’investir des lieux délaissés pour y développer des activités populaires partagées, généreuses et parfois incongrues pour participer de l’attractivité d’un site et faire changer le regard sur ces lieux d’entre-deux dans nos villes. Et celle de PLATEAU URBAIN, qui propose d’élaborer des modèles économiques d’occupation temporaire de biens immobiliers, de définir les possibles investissements économiquement intéressants pour les bâtiments, de les remettre en l’état, et de les mettre à disposition via des appels à candidatures porteurs de projet associatifs, économiques et culturels. Aux Grands Voisins, YES WE CAMP a comme sphère d’intervention les espaces extérieurs, leurs coordinations, leurs animations via des interventions soit qu’ils mènent littéralement avec leurs mains soit qu’ils amènent sur le site. Ils assurent également la gestion d’espaces partagés qui sont des points centraux dans la démarche de créer du lien entre des personnes d’univers très différents dont le plus éminent est le restaurant associatif, la Lingerie. Notre mission au sein de PLATEAU URBAIN est en quelque sorte d’assister la maitrise d’ouvrage pour le compte d’AURORE. Nous avons établis un diagnostic précis des possibilités d’occupations de l’ancien hôpital. Nous avons mené des appels à candidatures, des visites de site, en somme tout le travail nécessaire pour faire venir des gens qui soient à la fois une source de financement mais aussi une source d’énergie et de compétences au service d’un projet plus large. Car un tel site, dont les bâtiments et infrastructures sont parfois anciennes, doit se gérer avec beaucoup de soins. Un dégât des eaux inopiné rend toute occupation impossible. Nous assurons cette coordination technique des interventions de maintenance, du changement d’une pompe au changement d’une serrure. Le projet a commencé en 2014, et le site des Grands Voisins a ouvert au public à la rentrée 2015, accueillant sur place une diversité d’acteurs autour de ces 3 axes forts que sont une programmation mixte, une ouverture au public, et un lien social pour créer les conditions à ce que les public d’horizons très différents, qui parfois dans la ville sont juxtaposés les uns aux autres, puissent ici réellement interagir. Il y a une grande diversité des acteurs sur le site. Deux tiers des activités correspondent à de l’hébergement ou du travail d’insertion, le tiers restant étant ventilé entre associations, entreprises, artistes, jeunes créatifs, etc. selon une mixité très fine. Notre intention était d’éviter de « clustériser » les différentes activités par secteur, mais plutôt de faire ce que l’on appelle une programmation ouverte en utilisant au mieux les locaux pour répondre aux besoins à faible coût. Les loyers sont à 17 euros par mètre carré, soit moins de la moitié qu’un bureau traditionnel ou d’un atelier d’artiste dans le 14ème arrondissement. La mixité permet de créer des synergies parfois incongrues. Il y a par exemple une chocolatière et une start-up en « escape game » qui partagent le même palier, et le chocolat devient le prix accordé aux participants qui ont gagné la partie de ce jeu à la mode. Ce sont ces petites choses qui aident les gens à développer leur activité. En matière d’usagers, il y a donc 600 personnes qui habitent sur le site, et entre 1 000 et 1 400 personnes qui y travaillent. Le développement de l’activité est tel que le public croît très rapidement. Nous sommes passés de 70 structures à 140 structures ces derniers mois ! Les locaux sont aujourd’hui complets, il n’y a plus de place aux Grands Voisins. Finalement, nous sommes arrivés à une phase de stabilité du projet où le but va être d’approfondir les liens davantage que de continuer à croitre.

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72 artistes, crĂŠateurs et artisans dans leurs ateliers aux Grands Voisins photos du site web lesgrandsvoisins.org


Et cette réelle diversité d’activités est pertinente car le marché contemporain n’arrive justement pas à créer ces conditions-là, où alors très difficilement. Les incubateurs par exemple, qui sont une des plate-formes qui pourraient se rapprocher des Grands Voisins, peine à être « démocratique ». Il faut venir d’une grande école et savoir faire des business plan, etc. On n’y trouve ni artistes, ni associations de quartier. C’est donc l’une des forces de l’urbanisme temporaire et des Grands Voisins en l’occurrence que d’être capable de fédérer des acteurs d’horizons très différents au-delà de filières qui, même si elles permettent d’être compétitif, sclérosent un peu la manière de voir le Monde. Aux Grands Voisins, il y a au cœur du projet la démarche d’AURORE, qui représente un acteur majeur de l’action sociale en France (l’association gère entre autres 250 centres d’hébergement et accompagne plus de 39 000 personnes chaque année). C’est leur légitimité et leur solidité financière qui permettent de porter ce projet. La notion de solidarité est essentielle, et il n’est pas anodin que le projet prenne place dans un ancien hôpital avec le nom de Saint-Vincent-de-Paul, qui était justement une grande figure de l’aide aux plus démunis. Les structures qui louent des locaux sur le site sont impliquées et deviennent réellement des acteurs de ce projet collectif. La diversité des activités génère des besoins sur place, et créé ainsi de l’emploi dont certains sont des supports d’insertion. La Conciergerie Solidaire est par exemple une association qui permet notamment le retour à l’emploi des personnes hébergées sur le site. Aussi, les usages et l’appropriation des espaces extérieurs représentent de vrais supports d’insertion et d’abaissement des barrières envers son prochain. L’ouverture du site au public est un aspect que l’on retrouve souvent dans l’urbanisme temporaire, mais dont les acteurs ont généralement un objectif commercial ou événementiel. Ici, c’est un peu différent. La proximité des populations plus précaires appelle la bienveillance et le partage, davantage que la simple consommation. Nous voulions à tout prix éviter la violence symbolique qu’est l’indifférence. Il ne fallait pas qu’une population en chasse une autre, mais qu’il y ait réellement la possibilité de l’échange. Et cela est extrêmement sensible sur le site : les travailleurs sociaux nous alertent en permanence sur le besoin d’être toujours plus respectueux, sensibilisés en la matière. Cela a nécessité de poser des règles strictes de gestion pour éviter les nuisances sonores notamment l’interdiction de l’alcool à l’extérieur et la fermeture au public à 23h. Le sujet est assez sensible politiquement d’autre part, dans un contexte où l’hébergement d’urgence n’est pas forcément bien accepté par les résidents des quartiers voisins. Malgré les réticences au début du projet, les habitants du 14ème arrondissement ont finalement laissé tomber leurs a priori sur la présence des centres d’hébergement dans leur quartier. Mais on voit malheureusement que ce n’est pas toujours le cas, le triste exemple de ce centre de 200 places du 16ème arrondissement qui a été volontairement incendié récemment est l’expression de ces tensions. Ici, c’est par l’ouverture au public que nous avons fais le pari de démythifier le monde du travail social et la peur de l’autre. Ce travail sur l’acceptabilité de l’hébergement social est un chantier à part entière. Ce modèle mixte entre accueil des populations et intégration au sein d’un projet plus large, permet finalement de résoudre certaines oppositions rencontrées traditionnellement. Ce coup de projecteur médiatique permet de faire évoluer la carte mentale de beaucoup d’utilisateurs parisiens. La parcelle occupée par l’ancien hôpital est en quelques sortes dans le ventre mou de l’arrondissement, le long d’une avenue très routière, entre deux espaces clos tournant le dos à la ville. Aujourd’hui, probablement plus de parisiens sont capables de situer l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, les Grands Voisins et peut-être demain, l’éco quartier. Cela contribue aussi à cette évolution des mentalités. Un projet expérimental comme les Grands Voisins permet enfin l’incubation à moindre coût d’activités qui n’ont pas encore de modèle économique viable, ou qui relèvent de l’économie sociale et solidaire très faiblement rentable, et donc qui n’ont pas forcément leur place dans le marché classique. L’expérimentation se fait aussi autour des communautés. Le terme en France est connoté, mais l’idée est la mise en place d’une gouvernance Ad Hoc que l’on élabore de manière très itérative. C’est un point intéressant dans la fabrique de la ville. Il n’y a pas eu de grand plan d’aménagement pour le site, que l’on aurait dessiné pendant 6 mois pour ensuite l’appliquer. Il y a eu des intentions et des axes de travail naturellement (occuper les lieux, veiller à leur sécurisation, l’ouverture

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du site, l’attractivité, etc.), mais l’essentiel de ce qu’il se fait aujourd’hui sur les Grands Voisins vient des justement des Voisins, au travers notamment du « Conseil des Voisins », une instance mensuelle où des tables rondes thématiques permettent aux structures, et aux personnes hébergées de s’impliquer dans les projets, d’en proposer de nouveaux, et même de se placer en chefs de files sur certains sujets. Cela passe par du travail social, de l’insertion professionnelle, la communication du projet, la programmation culturelle, l’agriculture urbaine, etc. L’agriculture urbaine est un très bel exemple de ce croisement de logiques qui représente un des apports majeurs de l’urbanisme temporaire. Il y a une forme d’urgence qui incite les acteurs à se mobiliser et à investir des lieux qui par ailleurs n’auraient pas forcément été valorisés. L’agriculture urbaine est assurée, en coordination avec YES WE CAMP, par des acteurs « proto-industriels » spécialisés, sur place. Une sphère hydroponique a par exemple été construite par l’équipe de constructeurs de YES WE CAMP pour ce qui concerne sa structure, mais son fonctionnement a été conçu par les spécialistes de La Paillasse, qui travaillent sur le site. Il y a également des projets qui participent de l’insertion sociale : une champignonnière, un poulailler, etc. Cela peut sembler « gadget », mais le but du jeu ce n’est pas tant de gagner de l’argent par ces activités que d’amener des gens à retravailler et finalement se consacrer à des animaux. D’autre part, l’agriculture est le moment idéal dans notre société pour mettre les mains ensemble dans de la terre ou du composte, pour faire un projet ensemble et participer de la mixité sociale aux Grands Voisins.

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Pour revenir sur la question de l’urbanisme temporaire, nous considérons les Grands Voisins comme un modèle intercalaire : il ne s’agit pas de faire obstacle au projet, et notre engagement ferme est de rendre les lieux à la fin de la mission. Ce modèle intercalaire présente des bénéfices très nets que l’on cherche à mettre en avant auprès de tous les partenaires, notamment par l’auto-financement et le co-pilotage, la mixité sociale et programmatique, ou encore les attentes sociétales, et l’interaction entre le temporaire et le projet à long-terme. L’autofinancement du projet était un vrai défi. Le budget actuel du projet s’élève à près de deux millions d’euros par an payé par AURORE et financé pour plus de la moitié par les utilisateurs du site, le tout sans subvention spécifiquement dédiées au projet. Jusqu’à présent, l’urbanisme temporaire était très dépendant de financements extérieurs. Ce modèle économique est donc intéressant, car il s’agit d’un projet majeur, l’un des plus grands regroupements de populations temporaires en Europe actuellement. Le co-pilotage est un processus pertinent. Aux Grands Voisins, nous avons réussi à élaborer une gouvernance de projet partagée entre des structures dont ce n’était pas la vocation première. Le Conseil des Voisins est devenu le lieu des débats, et nous avons pu créer des relations de confiance avec nos interlocuteurs, notamment la ville de Paris et les riverains, dans un contexte où les rapports de force sont parfois très présents. D’autre part, nos compétences en matière d’aménagement nous permettent de discuter d’égal à égal sur la programmation, par exemple lors de difficultés techniques. La mixité sociale est souvent posée comme un objectif de politique publique mais dont la réalisation s’avère souvent problématique. La mixité programmatique concerne la capacité à conserver en ville des acteurs à très forte valeur ajoutée mais dont les modèles économiques peuvent s’avérer peu stables. Enfin, le projet répond à des attentes sociétales. L’une des clés du succès des Grands Voisins est de répondre à l’envie des gens d’accéder à des sites fermés, de re-mobiliser un patrimoine vers de nouveaux usages, de toucher à un certain imaginaire métropolitain autour des friches et des espaces vacants en général. L’envie d’être ensemble, de partager, de faire des belles rencontres, de bénéficier de lieux accueillants, ouverts, et explicitement généreux.


Beaucoup de ce que nous sommes en train de mettre en œuvre va être amené à disparaitre, et cela fait partie des règles du jeu. Le principe des projets temporaires est que les choses évolueront en dehors de notre maitrise. L’intérêt n’est pas tant de tout conserver à tout prix, mais de mettre le doigt sur quelques pratiques intéressantes pour que celles-ci enrichissent la réflexion sur le projet futur, et créer ainsi des interactions entre état temporaire et projet pérenne. Un certain nombre d’aspects de notre démarche actuelle intéressent déjà les acteurs du projet à long terme, notamment la mixité programmatique, ou les interactions sociales. Donc ces interactions programmatiques, cels interactions aussi de communauté, on considère, Les Grands Voisins aura aidé à créer une nouvelle identité sur le site, dont chacun a pu s’approprier un imaginaire, beaucoup moins informel qu’un programme classique de ZAC. Les espaces publics du futur éco-quartier pourraient retrouver certaines des composantes des Grands Voisins, par exemple l’agriculture urbaine : on peut imaginer que certains acteurs du site vont réinvestir les lieux. Ces choses-là ne sont évidemment pas actées, elles relèvent de la spéculation, et c’est notre défi pour les mois à-venir : continuer le projet des Grands Voisins dans son ambition et continuer à approfondir les relations, les interconnections et les synergies entre acteurs, et aussi préparer notre départ. La convention liant AURORE avec l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France (EPFIF) prend fin en juin 2017. En deux ans, beaucoup de choses auront été créées, dont une partie nous échappe. Même à des postes proches du noyau de coordination, on ne voit que 20 à 30% du projet global, qui est extrêmement foisonnant. Nous travaillons à un processus d’auto-évaluation des différents aspects du modèle intercalaire que constituent les Grands Voisins pour tenter de le reproduire ailleurs, selon les opportunités foncières. Une tour d’habitation ou un site en grande périphérie de ville peuvent aussi bénéficier d’une ouverture au public. L’ enjeu est que ce projet expérimental porte ses fruits vers d’autres « petits » Grands Voisins.

75


RE-MIXED-USE Vers un partage des espaces de vie et de travail. Evgenia AFANASYEVA Guillaume BALDY Petru GANGURA Laury-Anne NOLLET

Outre la dimension festive et ludique des Grands Voisins, de nombreuses personnes y habitent et d’autres y travaillent. Ces deux activités sont spatialement très séparées dans ce lieu. On trouve des espaces de résidence plutôt au Nord de la parcelle avec par exemple les bâtiment Pierre Petit et Adolphe Pinard qui accueillent respectivement des foyers de SDF et de migrants. Alors que le travail se concentre plutôt dans la partie Sud, avec notamment les bâtiments Colombani où il y a les bureaux d’Aurore, et le bâtiment Marcel Lelong où des ateliers partagés ont été créés. Notons tout de même que ces usages cohabitent tout autour du bâtiment CED et de l’Oratoire.

76

Nous avons voulu questionner ces usages. En particulier la relation qu’ils entretiennent entre-eux et nous poser la question de la place du travail. Comment travaille-t-on aujourd’hui ? Qu’est-ce que travailler dans un tel site ? Nous avons pour cela exploré d’autres lieux alternatifs qui proposent des espaces de travail en investissant des locaux abandonnés ou inutilisés. Le 6B Situé à Saint-Denis, il s’agit d’un ancien immeuble de bureaux où l’on peut louer individuels ou à plusieurs des espaces moins cher que sur le marché de l’immobilier. Le Lavoir Situé à Ivry-sur-Seine, un collectif d’artistes et de créateurs a investi un ancien garage et propose des espaces de travail partagés. Nous avons fait la connaissance de Vincenzo, architecte, qui travaille au Lavoir. Pour son activité professionnelle, il a aménagé son appartement comme un studio où il peut travailler chez lui. Habitant à 5 minutes à pied du Lavoir, il a ainsi la possibilité de choisir le lieu le plus adapté à ses besoins pour travailler. Cette notion de rapport entre habitat et travail nous a fortement intéressé. Les Grands Voisins Ce lieu est un espace de partage où l’on trouve, comme vu précédemment, des résidents, des associations et des travailleurs. Le site s’étend sur

3,4 hectares dont un peu plus de 20 000m² sont dédiés au travail. Dans notre réflexion autour de ce site, nous souhaitons expérimenter une cohabitation entre des espaces de vie et des espaces de travail tout en nous insérant dans l’existant actuel pour profiter de ses spécificités spatiales. D’où le nom de notre projet « re-mixed-use », la compression de « re use » et de « mixed-use ». Comprendre, observer la construction existante Pour ce faire, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à deux bâtiments : Pinard et Lelong, que nous prenons comme des échantillons permettant d’aborder notre réflexion pour envisager une intervention plus vaste sur l’ensemble du site. Bâtiment Lelong : situé en fond de parcelle par rapport à l’avenue Denfert-Rochereau, c’est un bâtiment des années 60 dont le chantier a été supervisé par le médecin Marcel Lelong. Le bâtiment est réparti en trois ailes, entourées de cours anglaises et avec une cour intérieure. Le bâtiment se réparti sur 4 niveaux avec une hauteur sous plafond de 3,70 mètres. La façade étant porteuse, cela permet d’envisager de libérer les plateaux de chaque niveau et de se soustraire à des contraintes structurelles. Aujourd’hui, le rez-de-chaussée est le seul niveau encore utilisé, partiellement. On y trouve dans l’aile Est les ateliers partagés et la Galerie Y de l’école d’art contemporain de Cergy. Bâtiment Pinard : bâtiment construit en 1942, constitué de 3 ailes initialement.Comme pour Lelong, le bâtiment est entouré de cours anglaises. La hauteur des niveaux est de 3,50 mètres. Ce bâtiment a connu un rajout au cour du XXème siècle avec l’aménagement des sous-sols de la cour intérieure en parking et la création d’une 4ème aile venant fermer le complexe. Distribuer autrement Se pose maintenant la question de la réhabilitation intérieure de ces anciens espaces hospitaliers. Comment créer une mixité d’usage entre habitat et travail au sein de l’espace existant ?


1

2

LIEUX DE VIE DE VINCENZO

3

AIL VIE

NZO

6

4 les grands voisins 1 ateliers de travail du bâtiment ced 2 atelier de fabrication et de réparation d’un artisan luthier 3 espace de travail partagé 4 espace de travail d’un photographe dans les sous-sols du bâtiment ced, donnant sur une cour anglaise

le lavoir à ivry 5 espace de travail partagé dans un ancien garage réaménagé 6 espace de travail au domicile de Vincenzo, l’un des utilisateurs du lavoir 7 usages mixtes entre un lieu de vie et un lieu de travail au domicile de Vincenzo, habitant à deux pas du lavoir

ET DETRAVAIL

LE LAVOIR

TRAVAIL

ESPACE DE TRAVAIL D’UN PHOTOGRAPHE DANS LES SOUS-SOLS DU BÂTIMENT CED.

ET DETRAVAIL

5

7

LIEUX DE V DE VINCENZ

77


En 2003, dans le bâtiment Silodam1 à Amsterdam, les architectes MVRDV ont expérimenté une hybridation typologique, explorant une diversité d’espaces de distribution (le pallier, le couloir, la cour...). Nous nous sommes basés sur ce projet pour, à notre tour, expérimenter ces outils dans les deux bâtiments Lelong et Pinard. À travers plusieurs maquettes nous avons testé différentes méthodes de programmation des bâtiments et de distribution, en essayant de favoriser cette notion d’hybridité qui nous paraît déterminante. Enfin, pour véritablement expérimenter les relations entre habitat et travail, nous avons déterminé des organisations spatiales qui questionnent la place du travail et son lien avec l’espace de vie.

78

Dans un premier temps, nous avons abordé l’espace de travail comme un espace rajouté à l’appartement, à travers deux scénarii : Cabinet de travail : dans ce scénario, nous avons voulu considérer le lieu de travail comme pièce rajoutée dans l’appartement, c’est un lieu en retrait, qui se met à distance de l’appartement grâce à la hauteur sous plafond qui permet une différence de niveau de sol. Bow Window : Ce scénario, basé sur la même notion d’espace rajouté, questionne une potentielle percée de l’appartement à travers la façade, générant ainsi une prolongation de salon qui peut devenir un lieu de travail, en retrait. Il est possible aussi dans cette configuration d’envisager un espace de travail partagé avec l’appartement voisin. Ensuite, nous nous sommes posés la question des parties communes : comment envisager d’autres installations partagées ? Et quel lien peuvent-elles avoir avec un espace de travail ? Salon sur palier : dans cette configuration, nous avons conservé un espace de travail clairement délimité, qui était dans notre imaginaire un cabinet médical. Nous avons ensuite questionné la partie commune attenante à cet espace, comment peut-il être une prolongation du lieu de travail ? Et avons donc imaginé une salle d’attente. Paliers communs : Ce scénario a été envisagé d’abord à partir de notre expérience de vie étudiante. Il a pour concept de proposer des espaces de vie de taille

modeste avec des espaces communs aménagés en lieu de vie. Ainsi l’appartement se prolonge dans les parties communes et nous pouvons envisager d’y aménager des espaces de travail en conséquence. Dans une troisième idée de scénario, nous avons essayé d’imaginer un appartement pour un jeune adulte qui se lance dans la vie professionnelle et qui aimerait pouvoir dédier le maximum d’espace possible de son appartement à son activité, puisqu’il travaille chez lui, n’ayant pas assez de revenu pour envisager la location ou l’achat de locaux. Ce scénario propose de réfléchir à une adaptabilité de l’espace de vie et à un aménagement qui pourrait se développer et se rétracter en fonction des besoins. Bibliographie FISCHER Gustave-Nicolas, FOUSSE Chantal, « Espaces de travail et communication – Une lecture psychosociale », Communication et organisation [En ligne] HALL T. Edward, Le langage silencieux, Paris, 1973 HEDGE Alan, « Design Innovations in Office Environments », in Design Intervention: Toward a SILODAM, AMSTERDAM More Humane Architecture, New York: Van Nostrand MVRDV Reinhold, W. Preiser, J. Vischer, E. White, (Eds.), 1982, p.301 MEDA Dominique, Le travail, 5e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2015, 128 pages

“IT HA CROS THE A SO YO FAMIL OLDE PEOP HOBB ATTIT AND T ONE B

1 1 Silodam, Amsterdam, MVRDV « it has become like a cross-section of the Amsterdam society, so you’ll find families, older people, people

with many different hobbies, attitudes and lifestyles, and they’re all united in one building » nathalie de vries


RESIDENTS: ARTISTES

RESIDENTS

RESIDENCE CULTURELLE, ARTISANALE, ARTISTIQUE

200

150

700 M2

SURFACE

LIEU DE CREATION

DIFFUSION ARTISTIQUE/CULTURELLE

POUR

7000 M2

SURFACE

ATELIERS

24 ET 25 SEPTEMBRE

2010

2016

6-10 QUAI DE SEINE

IVRY-SUR-SEINE 24H/24

7j /7

le Lavoir

6B

LUNDI-JEUDI

VENDREDI

14H30 -16H30

A 7 MIN DE LA GARE DE SAINT-DENIS

ATELIERS D’ARTISTES

A 500M DE LA LIGNE 14 LIGNE 7 Pierre et Marie Curie ou RER C Ivry

ASSOCIATIONS

QUARTIER DE NEAUCITE

PETITES ENTREPRISES

REPARATION

LUNDI-VENDREDI

VERNISSAGES

CREATION

13H-15H 3/5

SPECTACLES

ANCIEN GARAGE DIRIGE PAR UN CONSEIL D’ADMINISTRATION PRESIDE PAR L’ARCHITECTE JULIEN BELLER

2

3

POPULATION

600

ANCIEN IMMEUBLE DE BUREAU 79

USAGES: TRAVAILLER / HABITER

VILLAGE UTOPIQUE

RESIDENTS

1000-1400

TRAVAILLEURS

TOTAL

ENTRE

LE

14H30 - 18H00 LE LAVOIR, IVRY-SUR-SEINE

ATELIERS PLURIDISCIPLINAIRES ARCHITECTURE PHOTOGRAPHIE MENUISERIE DESIGN TEXTILE/MOBILIER PRODUCTION MUSICALE ARTS PLASTIQUES SCULPTURE 3D VIDEO

SAINT-DENIS

MARCHE ASSOCIATIF/ ARTISTIQUE/ HEBERGEMENTS SURFACE

3.4

HECTARES

1600 ET 2000 SURFACE DE TRAVAIL PERSONNES

20 210

M2

RESIDENCE 250 hab

2012

30 0

110 hab

UN ESPACE DE PARTAGE

95 hab

TRAVAIL

82 AVENUE DENFERT-ROCHEREAU 14EME ARRONDISSEMENT

PARIS

OUVERTURE AU PUBLIC JUSQU’A 22H-23H les GRANDS VOISINS

7j /7

UNE MIXITE D’OCCUPATION

A 6 MIN DU METRO DENFERT-ROCHEREAU A 4 MIN DU RER B (PORT-ROYAL)

LOGEMENTS DANS LE BÂTIMENTS PINARD E

92 hab

RESIDENCE

LES GRANDS VOISINS, PARIS XIV TRAVAIL

UN ESPACE DE TRAVA BÂTIMENT CED.

5

ASSOCIATIONS MIGRANTS

MERCREDI-SAMEDI

10H-23H

SDF

DIMANCHE

ATELIERS D’ARTISTES

11H-21H DANS L’ANCIENNE LINGERIE

COORDINATEURS DU PROJET

4

AURORE PLATEAU URBAIN YES WE CAMP

ANCIEN HOPITAL SAINT-VINCENT -PAUL

analyse comparative d’espaces de coworking à Paris et en Île-de-France 2 le Lavoir, Ivry 3 le 6B, Saint-Denis 4 les Grands Voisins, Paris

5 aux Grands Voisins les fonctions sont séparées, d’un côté l’hébergement des populations démunies, de l’autre les artistes et jeunes entrepreneurs


1 situation des bâtiments faisant l’objet d’une reconversion 2 situation des bâtiments faisant l’objet d’une reconversion

3 état des lieux du bâtiment Pinard, le plan montre les cours anglaises en rez-dechaussée PINARD 4 cours anglaises, R+2 circulations verticales et aménagements du bâtiment Lelong

5 le scénario bowwindow est envisagé pour l’aménagement du bâtiment Pinard 6 la prolongation du salon devient un lieu de travail, en retrait

SALON + ESPACE DE TR

SALON + ESPACE DE TRAVAIL

5

SALON

6 BOW WINDOW SALON

3

4

MAQUETTES D’ETUDE: BOW WINDOW

80

Pl.150x40

Sorbonne

tique

Poste Informa

SECRETARIAT SECRETARIAT

Poste Informatique

Pl.455x40

BUREAU MEDECIN

PP 80x204

Negatosc. 130x17

SALLE DE LECTURE

80x204 PP

Poste Informatique

PP 80x204

Poste Informatique

Negatosc. 130x17

Cour Anglaise

Cour Anglaise

PP 80x204

Poste Informatique PV 90x204

90x204 PV

Cour Anglaise

Poste Informatique

PP 100x204

80x204 PP PP 130x204

BUREAU SURVEILLANTE PV 180x204

Negatoscope 207x17

80x204 PP

SANITAIRE

BUREAU GESTION

65x204 PP

65x204 PP

65x204 PP

65x204 PP

90x204 PV

93x204 PP

PP 93x204

ACCUEIL ET ATTENTE

65x204 PP

80x204 PP

80x204 PP

3.27

4229 S: 8,45

PP 80x204 PP 80x204

80x204 PP 80x204 PP

160x204 PP

ESCALIER D.E.F.

PP 80x204 65x204 PP

PP 65x204

PP 65x204

P metal 90x204

Sanitaires Plb 20/10° 80x204

123x30

55x36

PUPITRE

Table de Radiologie

65x224 PP

POSTE 2

DETENTE

PP 65x204

Table de Radiologie 225x68

300x30

Negatoscope 158x18

Plomb 20/10ø 127x223

PLB 20/10 60x204

PP 60x224

CIRCULATION

Cour Anglaisepour aire de jeux

PP 80x204

Sorbonne

DESHAB. 2

PP 90x224

BUREAU MEDECIN 3.20 PP 80x204

Develop. 81x70

Bain 53x42 Casset.

PP 83x204

Passe

Batterie

Bac 70x59

50x40 Plomb.20/10ø 110x220

PV 90x204

DORTOIR 2 S: 40,90

ATTENTE

PP 83x204

PP 83x204

SALLE DE JEUX S: PP 120X204

90x204 PV

PP 73x204

ECHOGRAPHIE POSTE 1

BUREAU MEDECIN

OFFICE

PP 83x204

83x204 PP

SALLE A MANGER

PP 83x204

Plomb.20/10ø 120X224

80x204 PP

Jardiniere

83x204 PP

PV 90x204

60x50

PALIER

93x204 PP

140x204 PP

C.H.D. 80x53

140x204 PP

CHANGE

SALLE INFORMATIQUE PP 65x204

275x122

PP 63x204

PP 100x204

Local compacteur

HALL

PP 100x204

100x204 PP

Monte LINGE SALE

Monte Linge-sale PP 103x204

PP 83x204

Ascenseur

Ascenseur

73x204 PP

ESCALIER A

Monte MALADES

RESERVE Monte MALADES

BUREAU EDUCATRICE

186x64

Laser Printer

SANIT

WC

Attente Brancard

ATTENTE SCANNER

80x204PP

60X204 PP

140x204 Plb.1mm.

PP 103x204

80x204 PP

1302 HALL D'ENTREE S: 57,05

PP 60X204

Archive PP 70x204

80x204 PP

83x204 PP

PP 83x204

PP

Monte MEDECINS

80x204 PP

AMPHITHEATRE DES COURS FACULTE

160x204 PP 80x204 PP

.

Plb.2mm 80x204

RESERVE

PP 70x204

103x204 PP

PP 83x204 PP 80x204 160x204 PP

Monte

LINGE PROPRE

ACCUEIL / SECRETARIAT LOCAL TECHNIQUE

BUREAU CHEF DE SERVICE 73x204 PP

80x204PP

PP 80x204

RESERVE

PP 83x204

120X204 Plb.2mm.

80x204 PP

PREPARATION

ATTENTE CHEF DE SERVICE

POSTE COMMANDES

Monte VIVRES

Archives Pharmaco. PP 83x204

LAVABO

S.I.H. 80x204 PP

DEVELOPPEMENT

P 90x204

Plb.1mm 60X204

SALLE EXAMENS SCANNER

SECRETARIAT CHEF DE SERVICE

Protection

PP 70x204

Kodak

SALLE DE LECTURE

Monte VIVRES

Attente

228x70

PP 70x204

PP 140x204

PP 140x204

PP 144x204

PP 63x204

PP 63x204 PP 63x204

PP 83x204 PP 83x204

63x204 PP

PP 63x204

83x204 PP

83x204 PP

PP 60X204

PP 83x204

83x204 PP

PP 70x204

LOCAL TECHN.

PP 140x204

83x204 PP 83x204 PP

113x204 PP

60X204 PP

PP 60X204

Implantation des extracteurs

PP 80x204

70x60

PP 80x204

PP 83x204

PP 70x204 140x204 PP 180x204 PV

PV 180x204

PV 180x204

Plb.2mm 60X204

PV 90x204

PUPITRE

130x223 Plomb 15/10ø

65x204 PP Bureau 280x75

CHAMBRE NOIRE 80x204 PP

180x204 PV

PP 80x204

PP 83x204

PP 80x204

Terrassepour aire de jeux

Terrassepour aire de jeux

Plomb 20/10ø 100x224

90x204 PV PP 80x204

Cour Anglaise 90x204 PV

Cour Anglaise

PP 123X204

Ecran

55x55

55x55

PP 180x204

Pail. INOX

65x204 PP

80x204 PP

Accueil

90x204 PV

PV 90x204

RESERVE STOCKAGE R.I.A.

MAQUETTES D’ETUDE: BOW WINDOW

Plancher Informatique

73x204 PP

passerelle

Cour Anglaise

passerelle

Cour Anglaise

passerelle

Cour Anglaise

RAPINE

T ETA

NGX RDC ELO L LIEU S E LES GRANDS VOISINS, PARIS XIV D

T ETA

1 RD DC R PINDA IEUX ES L

JALAGUIER

2

PASTEUR V

ROBIN CHAUFFERIE

LAVERIE

COLOMBANI

LELONG

ORATOIRE

LELONG CED LEPAGE

PIERRE PETIT PINARD

PINARD

MAISON DES MEDECINS

V

ETAT DES LIEUX RDC

-MIXED-USE

PLORER UNE COHABITATION ENTRE BITAT ET TRAVAIL DANS L’EXISTANT


SEJOUR

SALON PARTAGE CUISINE

BIBLIOTHEQUE

ESPACE DE TRAVAIL

TERRASSE

DUPLEX

R+1

7

LELONG

LELONG. PARIS

81

COULOIR

L O G G I A

GALERIE

PALIER

L O G G I A

DUPLEX

DUPLEX

DUPLEX DUPLEX DUPLEX

8

APPARTEMENT VALISE

DUPLEX

DUPLEX

DUPLEX

R+3

LELONG

9

7 le scénario paliers communs, inspiré de l’expérience construite Kraftwerk1 à Zurich, propose de prolonger les appartements de taille modeste dans les parties

communes, et d’y aménager des espaces de travail. Cette stratégie permet d’optimiser l’économie des logements tout en proposant des espaces qualitatifs

8 localisation des différents scénarios dans le bâtiment Lelong : au 3ème étage, on imagine duplex, loggias et des studios modulables

9 le bâtiment Lelong, de part ses façades porteuses, peut accueillir différents plans d’aménagements intérieurs, créant une réelle mixité d’usages entre les étages


SURFACE 52M² T1

R+4

SURFACE TYPOLOGIE ESPACES DE TRAVAIL

52 m² T1

ELONG

SURFACE 63M² T2

31.5 m² T1

R+3

1

82

SURFACE TYPOLOGIE ESPACES DE TRAVAIL

ESPACE COWORKING

R+2

SURFACE 76M²

1 recherche de Duplex dimensionnement des espaces de travail partagés 2 axonométrie éclatée des différents niveaux visualisant les redistributions des

espaces communs et des lieux de travail et de résidence dans le bâtiment Lelong 3 à 10 maquettes exploratoires des potentiels du système mis en place

R+1

RDC

RDC / R+1 DE L’EXISTANT

RDC / R+1 INTERVENTIONS

2

V.H.


3

4

5

6

7

8

9

10

83


1

84

atlas référentiel 1 Silodam, MVRDV 2 330 Park Street Collective, Hip V Hype 3 KraftWerk2, Adrian Streich 4 Silodam, MVRDV 5 Share House, Naruse Inokuma 6 A/D/O working space, nArchitects 7 Axel Springer Campus, OMA

2

PROGRAMMES MIXTES

5


3

85

4

MSTERDAM

6

7


86


CONFÉRENCE À L’ENSAPM / MARDI 4 OCTOBRE 2016

Lukas Drygas 87

artiste/activiste membre de l’association YES WE CAMP


Lukasz Drygas : Après des études à l’Ecole d’Art de Cergy, je me suis très vite intéressé aux questionnements relatifs à la place de l’artiste dans l’espace urbain. Après diverses collaborations avec des architectes-urbanistes, j’ai mené une réflexion sur le destin des espaces temporairement vacants, ces lieux dont on sait qu’ils seront inoccupés pendant un temps donné. Comment faire pour que les propriétaires de ces lieux nous fassent confiance et nous laissent ces espaces à disposition pour en faire quelque chose ?

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Les choses sérieuses ont commencé lors de ma rencontre avec Nicolas Détrie, actuel directeur de l’association Yes We Camp, qui m’a proposé de commencer l’aventure avec un premier projet à Marseille en 2013, à l’occasion de l’événement Marseille - Capitale Européenne de la Culture. Tous les hébergements disponibles étaient bookés plusieurs mois avant le début de la manifestation qui devait se dérouler pendant l’été. Nous avons alors imaginé un camping éphémère dans lequel on pourrait tenter et expérimenter de nouvelles choses pendant la durée du festival. Et pour permettre de réaliser ce qui était à l’origine simplement une belle idée, un fantasme en quelques sortes, il nous fallait un trouver un lieu. Nous étions alors une petite bande d’architectes, designers et artistes à croire en ce projet, et nous avons proposé d’organiser un week-end festif à Marseille au mois de Janvier 2013, pour le lancement de l’événement cutlurel. Chacun est arrivé avec sa boite à outils et quelques croquis des installations qu’il voulait construire : l’accueil, une douche, un espace de repos, etc. Nous avons travaillé pendant une semaine à construire ce qui allait devenir une micro-ville pendant un week-end, et cette première expérimentation nous a donné des idées et des techniques pour monter ensuite des dossiers de demande d’occupation de friches. Ainsi nous avons réussi à convaincre les élus pour louer gratuitement un terrain vague sur le lieu d’une ancienne usine. Nous avons choisi d’utiliser l’échafaudage comme matière et structure de base pour tous les éléments construits, des dortoirs aux douches, des bars aux ateliers pour les artistes. Chaque structure a été conçue à partir de l’échafaudage, nous avons pu monter un partenariat avec un fabricant d’échafaudage ce qui nous a permit d’avoir à disposition une quantité infinie de pièces. Nous dessinions des structures avec eux et inventions des systèmes pour les habiller, comme les palettes de chantier, en ayant pour objectif principal de produire le minimum de déchets. Pendant les six mois de construction et d’exploitation, le camping a accueilli des milliers de personnes, dont notre équipe qui vivait sur place. Le climat estival nous a permis d’y dormir et manger, mais aussi d’organiser des concerts, ou d’autres événements festifs et créatifs. Nous avons invité des artistes en résidence, l’idée était de tout créer sur place pour échanger au maximum avec les gens, nous avons pu faire de très belles rencontres ou chacun avait la possibilité d’apporter son expérience et « faire ». Notamment autour des cycles d’usage de l’eau. Par exemple, une benne qui était censée accueillir l’eau des douches, une fois filtrée, a été transformée en piscine. D’autres personnes ont inventé des systèmes d’irrigation interactifs pour les plantes : s’il n’y a plus d’eau, on reçoit un sms pour prévenir que la plante a soif ! L’idée était que chacun pouvait proposer son projet, tant que les règles simples de sécurité et de bon comportement étaient respectées. Cette première expérience marseillaise avait tellement changé nos vies que nous ne pouvions pas nous quitter ainsi. Nous sommes restés en contact les uns avec les autres, et nous avons vite été contacté par différentes structures, comme Les Laboratoires d’Aubervilliers. Cette association, extrêmement importante pour l’art en Île-de-France, voulait davantage s’ouvrir aux habitants d’Aubervilliers en créant un lieu créatif sur une friche du quartier, et en donnant à la population la possibilité de devenir les acteurs du changement. Nous avons alors construit divers systèmes d’agriculture car nous pensons que cultiver, manger et jouer sont les actions qui rassemblent le mieux les gens. En 2014, le Théâtre du Fil de l’Eau nous a proposé d’intervenir à l’occasion de la 2ème Biennale Urbaine de Spectacle à Pantin, sur le thème de la ville en chantier. Le théâtre avait une situation très particulière, tout proche du canal Saint-Martin et pourtant très isolé. Nous avons alors tenté de questionner les habitudes du quotidien à notre manière, et pour que les gens s’y arrêtent, il


créer quelque chose de fort, un signal tant par la forme que par l’usage. Alors nous avons posé la question de la baignade en ville, le fait d’être dénudé dans l’espace public. Et pour inciter les gens à se baigner, nous avons tout simplement construit une douche-totem que nous avons nommé l’Escale. Nous nous sommes alliés avec Baignade Urbaine, un groupe de jeunes gens qui militent pour la baignade à Paris. Nous avons construit un système de chauffage solaire pour l’eau, et heureusement le beau temps a contribué au succès de l’événement qui n’a duré qu’un week-end. La temporalité très courte de ce projet a été très formatrice : travailler pendant deux à trois mois pour une manifestation qui ne dure que deux jours, il faut anticiper au maximum, mais surtout savoir improviser en cas d’imprévu. Nous avons ensuite été contacté par l’Université Foraine de Clermond-Ferrand, pour intervenir sur un terrain vague où se tenait d’anciens HLM démolis deux ans plus tôt. Ce lieu en friche était devenu un terrain de jeu pour les enfants du quartier, mais aussi un terrain de deal. En fait, les habitants n’osaient plus vraiment passer par là. Pour évacuer les tensions, nous avons retourné le problème et tenter de faire descendre les gens de chez eux pour faire quelque chose ensemble. C’était justement la fin du Ramadan, l’occasion parfaite de fabriquer une grande cuisine ouverte à tous pour rompre le jeûne ensemble. Nous avons réutilisé le système des échafaudages pour construire comme dans un campement une cuisine en plein air qui pourrait nourrir des centaines de personnes. Pendant la semaine de construction, les jeunes du quartier, curieux, venaient nous demander ce qu’on était en train de fabriquer, et c’est comme ça que le bouche à oreille à prit, nous tentions de faire venir les résidents. Le troisième jour, une confrontation assez violente a eu lieue, quelqu’un a écrit un tag antisémite là, devant tout le monde. Cela a lancé un débat, et puis ça s’est transformé en dialogue, et finalement l’auteur du tag l’a effacé le lendemain. Finalement, parce que nous étions dehors, ensemble, l’incident nous avait rapproché plutôt qu’il nous avait éloigné. Alors on a continué dans cette lancée, et nous avons proposé un concours de cuisine ou tout le monde pouvait participer. Chacun a constitué des groupes pour réaliser la meilleure soupe, cette petite compétition entre les enfants du quartier épaulés par leurs parents a été un joli prétexte pour créer de l’échange. En 2014, nous avons monté un autre projet, la Caravanade, avec l’Ecole de la Deuxième Chance à Marseille. Il s’agit de construire des caravanes, et chaque caravane devient un outil pour aller quelque part et inventer de nouvelles choses. La première caravane a été conçue comme un atelier, un lieu de construction mobile. Ce qui nous permet de se déplacer où l’on veut, partout en France, sortir nos outils et construire dans un lieu public, puis repartir quand c’est fini… et faire ça avec les gens. C’est un vrai outil d’action participative. La seconde caravane que nous avons construite est dédiée au multimédia, elle nous permet de diffuser des films, faire des conférences, créer une radio locale et tout autre action mobile en rapport avec le multimédia. Nous avons d’autres projets de caravanes, qui alimentent notre rêve d’un projet itinérant, nomade, au gré des besoins et des rencontres. Ensuite la ville de Paris nous a mandaté pour deux interventions. La première posait la question du sport et du partage sur les berges de Seine. Nous avons naturellement proposé de détourner le jeu de la pétanque, lieu ludique et d’échanges. Le second projet consistait à construire des douches encore une fois pour inciter à des usages atypiques en plein Paris. Nous avons proposé de créer des espaces de quelques mètres carrés en extérieur, au centre de Paris, un petit coin intime où on pourrait bronzer, puis prendre une douche en regardant un paysage magnifique des berges de la Seine face au Louvre. Et nous y avons ajouté la dimension éducative sur des questions d’utilisation de l’eau. Nous avons conçu un système de filtration à base d’algues pour l’arrosage des plantes, nous avons également développé des prototypes de chauffe-eau à faire soi-même chez soi. Une architecture temporaire, ludique, favorable aux échanges.

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Nous sommes arrivés en Août 2015 sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul. La particularité de ce début de projet était qu’un autre acteur, AURORE, était déjà présente sur le site, leur mission en tant qu’association portant sur l’hébergement d’urgence dans des espaces vacants de ce type. A Paris, la concentration de ce type d’activité est très forte, à cause du nombre élevé de populations précaires, voire totalement démunies. L’association AURORE était donc présente dès le début, au moment même où l’hôpital était en train de se vider de ses fonctions. Cela a permis de ne pas laisser les bâtiments vacants et donc d’éviter que leur dégradation soit accélérée par leur inoccupation. D’autre part, ce type de transition, instantané, permet de contourner les règles de mise aux normes habituelles : il n’y a donc pas de coût d’aménagement. Les espaces étant déjà des chambres d’hôpital et les lits étant déjà là, il n’y avait quasiment rien à faire. En fait, il serait intelligent de rendre ce procédé systématique, interdisant l’abandon de bâtiments car les coûts engendrés par la dégradation, l’absence d’occupation, sont hallucinants ! Quoi qu’il en soit, la Ville de Paris a souhaité limiter le nombre d’hébergement d’urgence à seulement une partie du site, pour éviter d’en faire un « ghetto » et favoriser les usages et les rencontres avec les riverains. L’endroit était un peu glauque, triste, il n’y avait rien à y faire, certains commençaient à squatter. Il y a eu de plus en plus de vols et de dégradations des lieux. Il a donc fallu inventer quelque chose de nouveau pour véritablement « habiter » ce site pendant l’intervalle, ouvrir au public cette réserve parisienne de 3,4 hectares. Se pose alors la question du statut de cet espace, dont la typologie la plus proche est l’exemple du parking de supermarché : un terrain géré de manière privée, dont la propriété est privée, mais mis à disposition du public selon les horaires. A l’image d’un parc, comment transformer ce lieu pour que les usages y soient publics, communs, mixtes ? Comment perturber nos habitudes et nos attentes pour donner la possibilité de nouveaux échanges, de rencontres, de cohabitations ? C’était tout l’enjeu de ce projet qu’on a appelé assez naturellement Les Grands Voisins. 90

La première étape concrète de notre intervention a été de mettre en place une signalétique pour se repérer sur le site et définir les différents espaces et leur occupation. Nous avons donc fait de la peinture, avec tous les bénévoles qui se sont portés volontaires. La Lingerie est assez logiquement devenu le lieu central, l’endroit où l’on se retrouve et on se rencontre : un bar, restaurant, salle de concert, d’exposition, de location temporaire, etc. Nous y mangeons toujours à midi, l’offre de restauration à proximité du site étant quasi inexistante. Il faut dire que la parcelle est très cloisonnée, avec d’un côté le Couvent de la Visitation et de l’autre les œuvres des Jeunes Filles Aveugles, deux grandes parcelles boisées et clos de mur. D’ailleurs, ce qui nous est d’abord apparu comme une réelle contrainte, ce cloisonnement de la parcelle, notamment par le fait que le deuxième accès au site sur la rue Boissonade n’a jamais été autorisé par les riverains, est en fait devenu une force pour concevoir le projet d’occupation temporaire. Celui-ci ne pouvait pas être pensé comme un site que l’on traverse, mais l’unique accès nous a forcé à que ce qui se passe à l’intérieur fonctionne un peu à la manière d’un aimant. C’est pourquoi l’emplacement de la Lingerie, à l’entrée du site et en même temps déjà au cœur du site, était stratégique. C’est un passage obligé, pour tous les utilisateurs du lieu (ceux qui travaillent dans les bureaux, ceux qui résident dans les foyers d’hébergement, ceux qui sont accueillis en tant qu’artistes, ou encore ceux qui sont des visiteurs ponctuels, etc.), et donc le lieu idéal pour faire découvrir l’ensemble des choses qui s’y passent, et notamment la valeur sociale du projet des Grands Voisins davantage qu’une simple occupation des lieux. Pour la signalétique, nous avons retenu le principe d’un code couleur en fonction des usages. Le site étant déjà assez difficile à appréhender, nous avons essayé de simplifier sa lecture. C’est pourquoi nous avons décidé de garder les noms des bâtiments existants, pour éviter de créer un langage supplémentaire qui risquerait d’apporter de la confusion. Une fois que les noms sont enracinés, il est très difficile de changer les habitudes. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec le nom du projet qui est venu tardivement, « Les Grands Voisins » : entre nous, nous continuions à l’appeler « Saint-Vincent-de-Paul » !


Une fois l’espace de la Lingerie investit et la signalétique en place, nous avons commencé à réellement investir l’espace extérieur. J’étais personnellement chargé de la coordination artistique sur le site des Grands Voisins, pendant toute la période d’occupation du lieu. Donc j’avais pour mission d’accompagner tous les utilisateurs du site, artistes ou non, dans leur démarche d’appropriation, en les encourager à proposer, expérimenter de nouvelles choses. Plutôt que de prétendre jouer le rôle d’un lieu pour l’art contemporain à Paris, j’ai envisagé ce moment comme un temps d’expérimentation, qui s’apparente plus à une école. Le terrain est donc devenu un lieu d’expérimentation, d’apprentissage, de création. J’ai contacté des écoles d’art, d’architecture et de design, en proposant aux étudiants de venir sur le site et de saisir cette opportunité de proposer un projet dans ce lieu « public ». Les contraintes étant très lourdes en terme de sécurité notamment, ils avaient « carte blanche » sur le reste. La plupart des projets ont été expérimenté directement sur place, avec les moyens du bord. Très peu de pièces ont été livrées de l’extérieur. Parmi ces rares pièces, on trouve les sculptures d’un artiste allemand : des blocs de béton, très lourds (1,6 tonne par bloc) questionnent la construction des nouveaux quartiers aujourd’hui. Est-ce le genre de quartier que l’on veut avoir naître demain ou bien est-ce que l’on a envie d’autre chose ? Quelques mots pour clarifier notre mode de fonctionnement au sein de l’association Yes We Camp : si certaines tâches sont réparties de manière assez évidentes (cf mon rôle de coordinateur artistique par exemple), nous évitons d’instaurer une hiérarchie dans notre quotidien. C’est pourquoi chacun doit remplir un certain nombre d’actions quotidiennes que nous nous partageons : l’accueil, le camping, la cuisine, etc. Nous changeons d’activité, à tour de rôle, pour que chacun ait une vision globale du fonctionnement du projet. Cette mise en situation nous permet de faire remonter les incohérences de manière très efficace, et aussi d’apprécier les bonnes surprises du quotidien. Nous sommes donc dans un rapport d’ajustement quotidien du projet, tout peut bouger en permanence, rien n’est figé. On créé, on ajuste, on rectifie, on observe, etc. Parmi les modes d’occupation du site, nous avons aménagé des terrasses, des espaces extérieurs, et même un « bania » ! C’est un bain de vapeur chaude, pratiqué en Russie, qui diffère du sauna scandinave à chaleur sèche. On obtient cette vapeur en aspergeant d’eau chaude un poêle en brique. Il y a tout un rituel : la tradition veut qu’on se fouette vigoureusement avec des branches séchées de bouleau ou de chêne, pour nettoyer et assouplir la peau. Nous avons aussi mis en place un système expérimental d’aquaponie, réduit dans des serres. L’aquaponie est une forme d’aquaculture intégrée qui associe une culture de végétaux en « symbiose » avec l’élevage de poissons. Ce sont les déjections des poissons qui servent d’engrais pour le végétal cultivé. La mise en place de ce type d’agriculture urbaine a été possible en collaboration avec un ingénieur spécialisé qui développe ce projet sur le site actuellement. Cela ne nous permet pas évidemment de produire de manière industrielle des légumes, mais cela fonctionne très bien pour la production auto-suffisante d’herbes aromatiques par exemple. La Ressourcerie Créative a également pris ses quartiers dans l’ancien site de l’hôpital. C’est un lieu dédié à l’économie sociale et solidaire, spécialisé dans le réemploi, avec notamment la valorisation des déchets, des ateliers de réparation et de création, des partenariats avec des éco-organismes notamment pour recycler des meubles non vendus. La question de l’économie est essentielle. Les personnes qui travaillent actuellement sur le site ont souvent des structures assez récentes, précaires. Nous avons tenté de proposer une diversité d’activités pour favoriser les échanges et permettre de mutualiser les savoir-faire. L’idée était de créer une forme d’auto-suffisance pour éviter d’avoir à faire appel à des structures extérieures, plus chères, quand c’est possible. Cela a permis non seulement des échanges en terme de compétences, mais aussi de créer des nouveaux liens d’amitié.

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Et cette micro-économie était tellement pertinente à l’échelle du site que nous avons instauré à titre expérimental un système de troc-shop entre les différents acteurs du site. C’est un système basé sur l’échange de temps plutôt que l’échange de devise. On propose un service contre un autre, et la valeur est jugée par la durée du service, par exemple un cours de guitare donné en échange d’un déjeuner offert, ou une après-midi de jardinage en échange d’un autre service rendu, etc. Cela incite à essayer de nouvelles choses, et permet à ceux qui veulent aider de le faire plus facilement. En fait, cela valorise les « coups de main » dans un monde qui a tendance à enfermer les gens sur eux-mêmes. Nous avons ouvert le camping pendant l’hiver 2015, au moment de la COP 21. Cela a été un succès pendant toute la durée de l’événement, nous avons hébergé des gens du monde entier. Nous avons donc réitéré l’opération pendant l’été, avec des modifications pour l’hiver 2016 : démontage d’une partie des tentes et isolation thermique des cabanes en bois. Tout cela, nous le faisons « ensemble », avec les habitants du site. C’est très important pour nous, dans notre démarche. L’impact est réel dans la vie des gens, qui très naturellement ont envie de participer, d’agir, de travailler, alors que parfois la société les en empêche pour des questions administratives ou fiscales. Le volontariat est salvateur dans certains cas. Que ce soit le bricolage, le chantier, la cuisine, l’art, le jardinage, chacun trouve un plaisir à se rendre utile. Nous avons fait de très belles rencontres grâce à ce principe là.

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Et on ne s’arrête pas là, les projets sont encore en cours. Le mois prochain nous accueillons un workshop d’une centaine d’étudiants de toute la France, pendant deux semaines. Nous travaillons à l’aménagement de nouveaux espaces de partage, comme une place avec du mobilier d’extérieur et de quoi s’abriter où l’on pourra pique-niquer. Nous essayons aussi de construire un cinéma de quartier, en se posant la question de ce que cela veut dire, quelle type de programmation, etc. Nous allons continuer à construire des cabanes, en essayant de traiter le bois sans utiliser de produits chimiques. Nous proposons des conférences, des concerts. Bref, nous allons continuer jusqu’au dernier jour. Et c’est parce que nous savons que ce projet à une fin que nous pouvons nous investir à 300% ! Il faudra expérimenter, tant que ce sera possible. QUESTIONS-REPONSES Quels sont les moyens de subsistance de l’association ? L.D. : Pour ce projet, nous avons d’abord obtenu une subvention de la Ville de Paris. Mais celle-ci a été supprimée quelques mois plus tard. Ce sont les aléas avec la politique, ce n’est pas la première fois que cela nous arrive. Mais cela étant, la situation a été assez difficile. Nous avons travaillé pendant trois mois sur la base de nos économies personnelles, et finalement la subvention n’est jamais arrivée. Il a donc fallu trouver une solution d’auto-financement. Soit on quittait les lieux sérieusement endettés, soit on changeait notre système économique. Nous avons donc tout misé sur la Lingerie, en proposant une restauration de qualité à moindre coût : tout est « fait maison », contrôlé et géré par nos soins. Pari réussi, nous avons rapidement remboursé nos dettes grâce aux recettes de la vente/restauration et de quelques concerts. Une fois que nous avons équilibrés nos dépenses, nous avons cédé la gestion de la restauration à une structure à la fois interne et externe au site : il s’agit d’une conciergerie solidaire qui emploie et rémunère des personnes, dont beaucoup résident sur le site de l’ancien hôpital, pour la confection des repas qui sont livrés quotidiennement. Nous avons en revanche conservé la gestion de la buvette pour permettre de financer les projets qui continuent à voir le jour, comme le camping. Une fois le camping construit, la location des places finance également l’occupation du site, comme la construction de la serre et l’ouverture des ateliers partagés. Nous essayons de trouver une formule qui permettrait aux personnes de


l’extérieur de participer aux ateliers de création contre rémunération, tout en permettant un accès libre aux personnes hébergées sur le site. C’est un vrai défi, car les artistes résidents ne payent pas de loyer pour les locaux, car nous-même ne payons pas de loyer pour ces mêmes locaux. Notre seule dépense concernant les locaux a été pour la mise aux normes pour l’accès de ces espaces au public. Les artistes et artisans en résidence proposent des ateliers d’initiation, de création, ou l’on peut apprendre la sérigraphie, la gravure, la photographie, le sténopé, la menuiserie, etc. L’idée de gratuité est importante à l’intérieur du site, avec le système de troc que nous avons instauré. On ne paye que la matière première, le service est gratuit. Donc pour que cela puisse exister, la formule est de s’ouvrir sur l’extérieur, cette fois contre rémunération. D’une petite dizaine de personnes, nous sommes aujourd’hui entre 20 et 30 personnes en permanence sur le site. Nous sommes présents tous les jours, entre 9h et 23h, heure à laquelle le lieu ferme au public. Ce projet était-il une commande ou un appel d’offres ? L.D. : Nous avons effectivement répondu à un appel d’offre. Mais en pratique, notre implication s’apparente davantage à une collaboration, une coproduction avec les autres acteurs du site. A l’origine, le projet devait être une mise à disposition des espaces, aidé d’une subvention. La subvention était censée permettre de payer les loyers à l’association AURORE. Dans chacun de nos projets, nous essayons de faire en sorte que l’argent soit utilisé pour rémunérer les gens sur place. Nous tentons à chaque fois de créer des boucles, en ayant le moins possible besoin de subventions extérieures pour exister. L’objectif est que tout l’argent qui rentre soit automatiquement redistribué, pour que cela tourne en permanence. L’économie crée de l’emploi, les gens dépensent de l’argent, cela fonctionne assez bien. J’insiste sur ce point pour vous sensibiliser sur la question du social et de la pratique du quotidien. Il est très important de souligner que ce lieu n’est pas un squat. Ce n’est pas un lieu où chacun vient et fait à sa guise. C’est un lieu où l’on fait « ensemble », chaque personne est invitée à se comporter comme chez soi, mais avec les autres. La communication, le fait de demander les avis des uns et des autres est primordial. Si vous discutez avec les gens qui vivent sur le site, vous risquez de faire des rencontres merveilleuses : ces gens ont un vécu, une histoire, il y a d’anciens militaires, des banquiers, des éducateurs, ils ont tous quelque chose à nous apprendre, à partager. Plus on est sensible à ces échanges, plus ce qui en ressort est fort et pertinent. J’ai assisté à plusieurs réunions sur place, dont une lors de laquelle la Ville de Paris exposait le projet de l’avenir du site en le qualifiant de « quartier écologique ». Parmi le public - de nombreux résidents et intervenants sur le site, un artiste les a interpellé de manière assez pertinente. Voici ses mots : « Vous parlez d’écologie, mais de quelle écologie parlez-vous ? Si vous regardez autour de vous, l’écologie est déjà là ! Ce qui est en train de se faire sur le site se fait avec les ressources locales, qu’il s’agisse de la végétation, des bâtiments existants ou des ressources humaines, puisque s’est montée toute une organisation qui fonctionne à la manière d’un petit village. Pourquoi est-ce que vous ne bâtissez pas le futur quartier écologique à partir de ce qui s’y fait maintenant ? » Que pensez-vous de cette question de l’écologie et de l’attitude des politiques ? L.D. : C’est en effet une question complexe. Sur un tel site, les acteurs sont nombreux, et les intérêts sont parfois contradictoires. Il faut prendre en compte les promoteurs immobiliers et la valeur du foncier. Il y a aussi des questions techniques, comme le désamiantage ou la mise aux normes de certains bâtiments. Il est illusoire de penser que le projet en l’état pourrait être pérennisé sur le long terme, c’est une utopie. En revanche, ce qui est intéressant, c’est que la Ville de Paris et les futurs aménageurs ont la possibilité d’interroger le projet qui est en train d’être mené par l’observation de ce qui est en train

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de s’y passer. A partir de là, il y aura une vraie intelligence, un vrai recul sur la manière d’occuper les lieux, si on arrive à prendre en compte les leçons de l’expérimentation pour la fabrication du futur quartier. Mais je ne prétend pas que ce que nous faisons est forcément ce qu’il faut faire. Au contraire, je préférerais que parmi la multitude des choses que l’on propose, la moitié soit pertinente et l’autre moitié ne le soit pas. Et si la Ville décide de poursuivre seulement les choses pertinentes, alors on aura gagné ! Quant à la question de l’écologie, c’est vrai qu’il ne faut pas tomber dans le piège commercial des « salades » en façade qu’on appelle de manière assez creuse « écologie ». Mais ce serait dommage de réduire la Ville de Paris à cela. Par exemple, il y a un véritable questionnement sur le réaménagement des toitures à Paris. La volonté de réaménager les toits pour l’agriculture urbaine est réelle, et complexe. Peut-être qu’une étape expérimentale serait nécessaire, dès aujourd’hui, pour commencer à tester des choses sur les toits des bâtiments qui seront conservés, et voir comment cela peut évoluer pendant l’année qui vient. Mais il n’est pas évident de fonctionner comme cela, car l’argent public implique des temps de projets beaucoup plus longs. Et c’est justement cette problématique des temps longs pour générés les grands projets publics qu’une telle occupation d’un ancien hôpital est possible ! Le paradigme est complexe. Partout dans le monde, on se rend compte que la micro-économie fonctionne de manière pertinente : si on réduit les distances, on gagne du temps, et on gagne en qualité de vie. Et c’est ce que recherche notre génération : pas tellement l’argent, mais bien la qualité de vie. Comment vivre mieux ? Qu’est-ce que cela veut dire « vivre mieux » ? Pour nous, c’est déjà cuisiner tous ensemble à midi et bien manger, partager un repas, simplement (et non pas se payer un très bon restaurant). C’est par les petites choses qu’on améliore le quotidien. 94

Qu’en est-il de la présence des animaux dans le site ? L.D. : C’est une question assez compliquée à gérer. D’abord il y a un poulailler. La présence des poules est assez importante, notamment pour l’insertion sociale : il est difficile d’imposer un travail à quelqu’un qui n’a pas travaillé depuis longtemps, par contre, s’il y a une bonne raison pour se lever le matin, comme le fait de s’occuper des poules par exemple, alors on rechigne moins à la tâche. Cela peut permettre de re-motiver certaines personnes, en réalisant une tâche « utile ». En revanche, il y a depuis quelques jours des moutons sur le site. Leur présence n’est vraiment pas évidente à gérer, nous avons de gros problèmes de propreté. Le problème est que l’espace extérieur n’est pas vraiment adapté ici. Les seuls espaces libres sont les cours anglaises, qui ne sont pas vraiment adaptées aux animaux. Nous cherchons actuellement un moyen pour faire venir d’autres animaux, notamment des lapins. Mais la ville n’est pas faite pour avoir des animaux beaucoup plus gros. Les nuisances sont nombreuses (nuisances sonores, mauvaises odeurs, problèmes d’enclos, etc.). Quels sont les rapports avec les voisins ? Vous avez évoqué plus tôt une situation conflictuelle avec les résidents de la rue Boissonade, cela se ressent-il encore aujourd’hui ? L.D. : Au début, il y avait en effet beaucoup de réticence de la part de certains habitants, qui voyaient notre intervention d’un mauvais oeil. Et puis, nous avons tentez d’inciter les gens à participer à la création de ce futur quartier, à nous montrer ce qu’ils avaient envie d’avoir à côté de chez eux. Les architectes-urbanistes du futur projet ont aussi fait des ateliers de consultation participative. Finalement, nous n’avons quasiment pas eu de mauvaise presse. L’ouverture du site à tous a probablement permis un meilleur accueil du projet.


Nous sommes ici dans un cadre académique, dans lequel nous avons souvent tendance à classer, à désigner les choses par des mots précis. Alors comment qualifieriez-vous votre travail ? Vos actions relèvent-elle d’un activisme social, politique, ou bien est-ce plutôt un travail artistique ? L.D. : Je préfère le qualifier de travail « citoyen ». Mon action aux Grands Voisins est une forme de militantisme du quotidien. Je pense que les petites choses que l’on fait au quotidien sont beaucoup plus importantes que les grands gestes. En tant qu’artiste, mes manières d’agir sont orientées assez naturellement vers l’éducation et l’échange. Je préfère questionner le geste plutôt que de tenter de l’imposer. Je trouve que chaque action influence le reste à venir. Que faut-il entendre par cette belle appellation des « Grands Voisins » ? L.D. : C’est un projet social, un projet humain. Nous sommes tous « Voisins ». Nous l’avons nommé les « Grands Voisins » parce que l’on considère qu’il n’y a pas de hiérarchie, il n’y a pas de « petit » voisin.

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FAIT MAIN Péréniser l’idée de la fabrique urbaine. Agir local pour penser global. Justine DAVEINE Céline GOURVIL Pauline MARETTE Xinyu YAN

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Observation du quotidien et expérimentation Sur le site des Grands Voisins, nous avons pu observer et expérimenter, en participant à des ateliers partagés, de nombreuses activités valorisant le travail créatif et le travail tourné vers les autres. Les habitants des Grands Voisins profitent de différentes formes d’activités, mobiles et autonomes, « des formats de travail hybrides qui investissent et croisent des échelles temporelles et spatiales multiples». Nous avons également remarqué le foisonnement d’expérimentations, telles que le camping, les installations, les espaces de travail pour de jeunes créatifs et les ateliers partagés, créatrices de valeurs. Il nous a semblé intéressant de développer ces dimensions dans notre projet. La fabrication manuelle et collective joue également un rôle central dans l’organisation des Grands Voisins et nous avons souhaité développer la notion de «chantier continu», dans lequel le processus est aussi important que la finalité pour notre projet. Faire et faire soi-même Notre réflexion porte donc sur l’introduction du faire et du faire soi-même dans l’aménagement urbain et architectural. L’idée est d’élaborer des situations construites permettant la participation des occupants dans la construction de leur environnement ainsi que mobiliser les habitants du quartier par de nouvelles activités et pratiques du travail. Dans une volonté écologique et économique, le patrimoine est préservé au maximum et le réemploi motive la conception des nouvelles constructions. Le projet cherche à se fonder sur une superposition de temporalités, due aux renouvellements continus et une variation d’échelles, de l’appartement à une composition urbaine. Espaces adaptables Le projet propose donc des espaces adaptables, surmesure, personnalisables et singuliers, des coquilles permettant aux usagers de s’approprier l’espace, de faire, de créer leur environnement. Un paradoxe apparaît alors entre la volonté de laisser chacun construire son chez soi et la nécessité de planifier l’espace pour permettre cette liberté. L’architecte se trouve ainsi entre l’ingénieur, qui planifie, qui construit et le bricoleur, qui s’approprie, qui crée avec

ce qu’il a. Le titre «Fait Main», souligne la variabilité et l’échelle humaine de fabrication de l’espace sans nier l’utilisation des produits de l’industrie et la préfabrication. L’architecture devient ainsi réactive et abordable. Une architecture modulaire Le module devient un élément central pour notre projet, il permet la variation et la mobilité des espaces. Nous avons choisi deux types de modules différents par leurs tailles et leurs fonctions. D’une part, des conteneurs réemployés, de 6x2.5x2.5m, servent aux activités de travail, de commerce, de fabrication et d’interaction avec le public. Leur assemblage flexible génère des espaces collectifs, permettant la déambulation. D’autre part, un module préfabriqué de 6x4x3m destiné aux logements crée des espaces déterminés par les usagers, grâce à l’utilisation de panneaux de différentes matérialités, bois, verre et métal, et caractéristiques, taille et nombre d’ouvertures. Ces modules peuvent être disposés à différents endroits du site selon leurs typologies et les activités envisagées. Les modules d’activité se trouvent au sol, répartis dans tout le site selon les besoins. Deux pôles accueillent en priorité ces conteneurs, offrant les services et espaces techniques nécessaires aux activités, ainsi que des lieux partagés, espaces capables modulables. Les modules de logement, quant à eux, se trouvent liés aux bâtiments existants soit en étant pensés comme une surélévation, comme sur les bâtiments Lelong et Colombani, soit en se glissant dans une structure poteaux-poutres, comme dans les bâtiments Petit, Pinard et Lepage. Lumière sur les espaces de travail L’intérêt pour le faire et le faire soi-même pose la question des espaces de fabrication et de travail. La volonté du projet est donc de créer des espaces répondant aux divers formats de travail, qu’il soit manuel ou intellectuel et de créer des liens entre ces différentes pratiques. Pour cela, nous avons profité des typologies offertes par l’existant et créé de nouvelles situations favorables à ces pratiques. Dans le bâtiment Lelong, les sous-sols éclairés par des cours anglaises sont conçues comme des espaces communs de fabrication, mettant à la disposition


1 1 buffet africain organisé par des résidents du site devant le local de l’association la Ressourcerie 2 salon de coiffure aménagé par les résidents avec des matériaux de chantier récupérés 3 plantes en « sac » devant le bâtiment Robin

2 4 à 7 séance de travail à l’un des ateliers partagés : apprentissage avec Mathurin Maine de la technique du papier marbré, décoration de papier à la cuve avec flottage d’encre en surface avec des motifs réalisés directement sur l’eau

3

4

5

6

7

97


98

du public, des matériaux et machines, les grands espaces capables au rez-de-chaussée, ouvrants sur l’espace public extérieur, permettent l’organisation d’événements, expositions, conférences, ventes éphémères... et le dernier étage, libre et lumineux, est dédié à un espace de travail partagé, pour les habitants. Les modules d’activités sont disposés par les usagers afin de créer des relations et des interactions entre les différentes formes de travail et de favoriser les échanges de savoir-faire, comme nous l’avons constaté aux Grands Voisins. Le bâtiment Pinard, permet une cohabitation plus importante entre travail et logement, grâce aux grands espaces en sous-sol sur cour anglaise et des bâtiments d’un ou deux étages favorisant une typologie de maison de ville. Cette typologie permet de créer des souplex sur cour anglaise plus adaptés aux ateliers privés. Au-dessus, des duplex en prêt à finir permettent une adaptabilité des espaces à différents profils familiaux et professionnels. Bibliographie CRAWFORD Matthew B., Eloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail, éd. La Découverte, 2010 DELPRAT Etienne, Manuel illustré de bricolage urbain, YA+K et N. Bascop, éd. Alternatives, 2016 RAMBERT Francis, CARBONI Christine, COLOMBET Martine, Un bâtiment, combien de vie?, La transformation comme acte de création, 2015 SENETT Richard, Ce que sait la main : La culture de l’artisanat, éd. Albin Michel, 2010 VIVANT Elsa, Qu’est-ce que la ville créative?, éd. La ville en débat, 2009

1


PROJET BELTRANDO

ETAT DES LIEUX C

C

A’

A

A’

A

B’

B

B’

B

PROJET BELTRANDO 2

ESPACES DE TRAVAIL 1:2000

VERTICALES C’

3

CIRCULATIONS ESPACES DE TRAVAIL

N CIRCULATIONS

C

PROJET BELTRANDO N

VOITURE

1:2000

VERTICALES 1:2000

C

C’ 1:2000

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A

A’

B

A’

1:1000

COUPE AA’

1:1000

A

B’

COUPE AA’

B

B’

4

5

CIRCULATIONS ESPACES DE TRAVAIL

N

VOITURE

VERTICALES 1:2000 1:1000

C’ 1:2000 installations

COUPE BB’ éphémères

1 expérimentations et partage sont des outils actuellement mis en oeuvre sur

1:1000 1:1000

COUPE CC’

VOITURE ESPACES DE TRAVAIL

1:2000 le site1:1000 des Grands Voisins, notamment par l’association Yes We Camp

1:1000

COUPE AA’

VERTICALES circulations verticales et automobiles 2 état existant 3 état futur prévu avec le projet de l’agence Anyoji Beltrando

1:1000

C’

N CIRCULATIONS

lieux de travail 4 état existant 5 état futur prévu avec le projet de l’agence Anyoji Beltrando

1:2000

COUPE BB’

COUPECOUPE AA’ CC’


UNE ARCHITECTU MODULE D’ACTIVITE CONTENEUR REUTILISE

UNE ARCHITECTURE MODULAIRE MODULE D’ACTIVITE 2.4m

CONTENEUR REUTILISE

UNE ARCHITECTURE MODULAIRE

2.9

MODULE D’ACTIVITE 2

1

2.4m

CONTENEUR REUTILISE

2.9m

DEUX POLES D’ACTIVITE DEUX POLES LES D’ACTIVITE ACCUEUILLANT CONTENEURS 2.4m

6m

ACCUEUILLANT LES CONTENEURS 2.9m

100

5

4

3

PARTAGE

REUNION

PARTAGE

REUNION

CIRCULATION

FLEXIBILITE

CIRCULATION

FLEXIBILITE

8 MODULE D’HABITATION

7

6

COMPOSITION URBAINE COMPOSITION URBAINE

CHOIX DES PANNEAUX

3.2m

GREFFES GREFFES AA L’EXISTANT L’EXISTANT 9

6m

4m

10

11

MODULE D’HABITATION

CHOIX DES PANNEAUX

3.2m

4m

12

module d’activité 1 modularité des espaces de travail 2 les ajouts se fixent à une trame de poteaux/poutres 3 décomposition des modules

6m

13

4 idem 5 réutilisation de conteneurs pour fabriquer les modules

module d’habitation 6 extension verticale sur le toit de Lelong 7 la modularité se décline sur l’ensemble du site 8 compositions urbaines potentielles

de ces deux activités 9 aménagement du toit de Lelong 10 idem 11 décomposition du module d’habitation et choix des panneaux de façade

architecture modulaire 12 l’ensemble des ajouts se greffe à l’existant 13 idem


COHABITATION TRAVAIL HABITAT

COHABITATION TRAVAIL HABITAT R-1

RDC

DES ESPACES ADAPTABLES

R+1

R+2

LOGEMENTS R-1

RDC

ESPACES DE TRAVAIL

R+1

R+2

ESPACES DE FABRICATION

N

LOGEMENTS ESPACES DE TRAVAIL ESPACES DE FABRICATION

N

17

A FINIR

PRET A FINIR

DUPLEX 14

18

101

19 15SOUPLEX

20 16 cohabitation entre travail et habitat 14 aménagement de duplex et souplex dans le bâtiment Pinard, les surfaces sont en prêt-à-finir, adaptables en

fonction des besoins 15 des possibles aménagements des logements 16 des possibles aménagements des espaces de travail et de fabrication

prêt-à-finir 17 l’exemple d’une surface livrée en prêà-finir

tirer profit de l’existant 18 aménagement des espaces de travail et utilisation des cours anglaises 19 idem, avec la cohabitation entre habitat et travail

20 surélévation du bâtiment Lelong, possible par sa structure porteuse solide


102

1

1 maquette du projet sur le site des grands voisins 2 dĂŠploiement du projet en fonction des circulations verticales

3 Ă 6 les ĂŠtapes de la pollinisation progressive de la situation existante


2 103

3

4

5

6


1

104

atlas rĂŠfĂŠrentiel 1 architecture mobile et vivante, Yona Friedman 2 Garden House concept, Penda 3 House NA, Sou Fujimoto 4 Share House, Naruse Inokuma 2


105 3

4


CHAMP LIBRE Laisser le champ libre à l’appropriation de l’espace public par les usages. Clément BILLARD Céline EPSTEIN Mathilde HENAUX Pietro MARIAT

106

Partir du site et de l’observation des usages de l’espace public Notre première observation marquante sur le site de l’ancien hôpital Saint Vincent-de-Paul a mis à jour une importante appropriation des espaces extérieurs par les usagers. Il existe un foisonnement d’usages, plus ou moins intimes, sur l’intégralité du site. Nous avons relevé de nombreux usages informels et sportifs extérieur sur le site actuel des Grands Voisins. Certaines qualités du site permettent et amplifient ces usages extérieurs tels que : le fait qu’il soit piéton, clôturé, et dans un entre deux (après hôpital Saint Vincent-de-Paul, avant ZAC). Nous avons alors noté des usages relevant de la rencontre, du jeu, du divertissement, du temporaire, de l’informel, de la microarchitecture, de l’appropriation ou encore de la transposition. Ce qui nous intéresse est cette liberté d’usages dans l’espace « public » qui crée la qualité et l’identité du site. Un projet prévu qui prévoit la « mise en ordre » de l’espace public Quel va être le projet de demain ? Que va devenir le site ? Dans le futur projet de l’architecte-urbaniste Beltrando une mise en ordre de l’espace public apparaît. L’espace public hospitalier tend à devenir un espace public très défini, ordonné «en croix ». L’impact principal de cette mise en ordre conditionnera nous semble-t-il la liberté des usages car l’espace public devient trop conditionné et trop restreint, notamment dû à la densification nécessaire du site. Comment, au sein du futur site, rendre possible la pratique des usages relevés aux Grands Voisins ? Comment laisser un champ libre et retrouver ces usages ? Structure Afin de multiplier des espaces publics différenciés, de libérer le RDC tout en densifiant le site, nous avons décidé de soulever le bâti du sol. Pour cela, nous avons imaginé une structure à partir d’une trame de 10m par 10m élaborée depuis les sous-sols existants... Les piliers viennent rythmer la surface au sol, l’espace soulevé. Le bâti, large de 10m et à hauteurs variables, repose sur cette trame. Chaque bâtiment vient s’insérer de

façon plus ou moins espacé, de manière plus ou mois élévé dans la structure créant une « canopée » ponctuée de vides et de pleins. L’espace public est qualifié par ces entre-deux qu’ils soient horizontaux ou verticaux, entre le sous-sol, le sol et le bâti. Les points de vues et les usages varient selon la hauteur et l‘espacement du bâti. Cette trame structurelle se prolonge de manière plus poétique sur le reste du site de manière végétale ou symbolique. Programmes Afin de ponctuer ce champ libre en RDC, nous avons suggéré certains programmes qui sont situés sous la trame dans des espaces à parois plus ou moins transparentes : salles d’exposition, cafés ou encore salles de sport. Chacun d’eux fait écho à un programme déjà présent dans le projet prévu par Beltrando et la ville de Paris. En effet le café se retrouve à l’entrée du site et est une réponse à l’ancien café (la « lingerie »), la salle d’exposition est placée en relation avec les futurs ateliers de Lelong, et la salle de sport en sous-sol est en relation avec la future école de Pinard. Cependant pour générer des flux plus importants en dessous de cette trame, nous avons mis en place une mixité des programmes dans les étages des nouveaux bâtis: coworking/logements, ateliers/ logements, association/logements. Le travail partagé, les ateliers et les associations seront en lien direct avec le RDC. Diversité Ce champ libre dans un cadre spatial strictement mesuré et défini, laisse place à la libre expérimentation des usagers et leur offre des espaces plus ou moins intimes, plus ou moins ouverts. C’est une diversité de parcours qui est proposée. Liberté d’usages rétablie On pourra alors retrouver sur le nouveau projet les mêmes usages relevant de la rencontre, du jeu, du divertissement, du temporaire, de l’informel, de la microarchitecture, de l’appropriation ou encore de la transposition, qui existaient sur le site des Grands Voisins, de manière établie ou suggérée.


1

2

3

4

1 lieu propice au divertissement dans la cour en contre-bas du bâtiment Pierre Petit et du CED 2 vente informelle de nourriture avec ce barbecue mobile devant la cour du bâtiment Pinard 3 lieu de rencontres, jeux et échanges entre la chaufferie, le bâtiment Colombani et la Lingerie

6

4 terrain de pétanque situé le long du bâtiment de la Lingerie 5 la terrasse de la Lingerie, la buvette des Grands Voisins 6 terrain de sport miniature pour la pratique du football et du basketball 7 camping ouvert aux touristes 5

7

107


1 relevé à la main de l’appropriation par les usages 2 cartographie des usages actuels dans l’espace public

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1

3 machine de musculation extérieure et ludique 4 transposition du mobilier de l’hôpital : l’escalier devient un belvédère avec vue sur le magnifique jardin voisin 5 plateforme-cabane mobile, installations de l’artiste argentin Pedro Marzorati 6 appropriation de l’espace devant l’entrée du bâtiment CED

3

4


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2

5

6


Projet initial de Beltrando

1

Elévation du bâti à 6m

Découpe du bâti

Utilisation des sous-sols existants

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2

Entre-deux rythmé par le bâti

3

Mise en place d’une structure de 6m de haut et d’une trame de 10m

4

1 espace public existant VS espace public du futur projet de la ville 2 projet de densité planifié par la ville VS libérer le rez-de-chaussée pour permettre le champ libre 3 le champ libre est possible par la libération du sol en élevant le bâti sur une structure porteuse 4 coupe perspective montrant la liberté d’appropriation de l’espace public est retrouvée

5 le sol de l’espace public, libéré par la trame de poteaux portant les bâtiments au-dessus (non représentés dans ce dessin) permet une réappropriation par les usages, établie ou suggérée 6 vues perspectives des usages potentiels sur le site (rencontre, jeu, divertissement, temporaire, informel, microarchitecture, transposition, etc.)

Projet initia


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5

6


112

1 1 maquette : vue générale du projet

2

3

4

2 à 5 maquette : vues de détails des espaces publics


5

113

Bibliographie COPAN Richard, Phaneo : Le batiment paysage (documentaire vidéo), Arte, 2009 (26min) MASBOUNGI Ariella, (Ré)aménager les rez-dechaussée de la ville, Le Moniteur, 2013, 142p. SOULIER Nicolas, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde et pistes d’action, Paris: Ulmer, 2012, 285 p. STALDER Laurent, Atelier Bow-Wow: A Primer, Cologne : Verlag der Buchhandlung Walther König, 2013, 249p. Kazuyo Sejima, El Croquis, n°77, Madrid : El Escorial, 1996, 132p. Facility of Kanagawa Institute of Technology, n°67, The Japan Architect, Automne 2007, p.67-72.


114

1

atlas référentiel 1 Kanagawa Institute of Technology KAIT, Junya Ishigami 2 Los Angeles’ Arts District, BIG 3 Kanagawa Institute of Technology KAIT, Junya Ishigami

4

4 Theatre and Arts Centre De Kunstlinie, SANAA 5 Sol LeWitt


2

115

3

5


FROM INSIDE TO OUTSIDE Actions-Manifestes : un mode d’emploi pour pratiquer les Grands Voisins ? Louis ALLART Gautier HENNETON Marguerite RENAUDIN Verena LOPES

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Lors de nos visites nous nous sommes attardés sur un élément du site : son portail d’entrée sur lequel sont énumérés des verbes. Ces verbes ont la valeur d’une démarche éthique ou d’un code de conduite à adopter au sein du site. Nous les lisons comme l’énoncé manifeste du grand projet social que représentent les Grands Voisins. Nous avons souhaité les utiliser pour développer notre analyse en observant la manière dont ils se manifestent au sein du site. De cette analyse découlent d’abord certains espaces dont la qualité architecturale ou la valeur mémorielle en font des éléments immuables. C’est par exemple le cas de l’amphithéâtre de médecine, présent dans le corps principal du bâtiment Lelong, lieu d’une pédagogie progressiste de la pédiatrie. De tels éléments sont valorisés dans notre projet pour qualifier les espaces avoisinants. Nous proposons de prolonger cet archipel de situations manifestes. L’idée est d’approcher la ville par des micros architecture, à contrepied de certaines approches modernistes qui ont privilégié le plan masse. Chacun de ces espaces est qualifié d’un verbe valorisant une action en relation avec la charte éthique des Grands Voisins. Nous présenterons d’abord rapidement le concept de chaque situation, puis préciserons certaines pour mieux comprendre la démarche du projet. Regarder Le rapport de voisinage avec le grand parc de la Visitation incite à developper une continuité visuelle entre les deux parcelles mitoyennes. En résulte un belvédère sous lequel prennent place des usages différents. Partager Le moment du repas est un événement de partage par excellence. Nous proposons une salle à manger publique qui requalifie une relation entre l’espace intérieur et l’espace public.

Créer Le foisonnement des associations, jeunes créateurs et entreprises produit une atmosphère dynamique. Nous proposons de les replacer dans les sous-sols et les rez-de-chaussées. Visibles depuis l’extérieur, ces espaces sont distribués et éclairés par des cours anglaises. Rencontrer Le programme d’activités (essentiellement créatives ou méditatives) dispensé par les Grands Voisins a une influence sur le quartier et la région. Ces activités pourraient se condenser autour d’un jardin d’hiver qui fournirait l’espace intermédiaire entre des espaces méditatifs et l’espace public. Partager La pratique du co-working tend à s’intensifier et correspond aux idéaux des Grand Voisins. Nous envisageons des séquences spatiales en relation à des lieux de travail singuliers. Composer L’appropriation spontanée est omniprésente, nous avons observé la recomposition perpétuelle du site par le déplacement des chaises au sein de la parcelle. Nous proposons un espace sous pilotis où la trame structure un espace appropriable avec différentes intensités. Grandir La question de l’enseignement et de la culture est récurrente. Nous envisageons une bibliothèque qui, par son atrium à double hauteur, sa verrière et ses alcôves place l’usager dans une situation studieuse où l’on perçoit indirectement la présence de chacun. Jouer Le jeu occupe différentes places dans le site des Grands Voisins. Il constitue un objectif majeur en tant que condensateur social. Ces lieux de divertissement se veulent ouverts, surprenants et accueillants. Concernant le terrain de sport, la différence de


1 entrée du site par le boulevard DenfertRochereau 2 la signalétique commence dès le portail d’entrée

1

3 sur le portail, on lit un ensemble de verbes qui annoncent comme un code de conduite à adopter au sein du site

2

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3

PRENDRE LE TEMPS - SALUER - RENCONTRER- CRÉEr - CO-HABITER GRANDIR - COMPOSER - ESSAYER - PARCOURIR - ÉCOUTER - VISITER REGARDER - DANSER - RIRE - JOUER - TRANSFORMER - IMAGINER SOIGNER - CULTIVER - OUVRIR - NAîTRE - PARTAGER - CONSTRUIRE RéUNIR - éCHANGER - COMMENCER - SURPRENDRE - ACCueILLIR - RêveR


niveaux alors crée un jeu de gradins, redéfinissant les relations entre joueurs et spectateurs. Revenons maintenant sur 3 situations pour les développer. Il s’agit de mieux comprendre les valeurs qu’elles incarnent, leur origine et leur application.

118

Terrain de sport Le terrain de sport actuel est l’interface le plus signifiant du dialogue entre résidents actuels, les mal logés, et visiteurs. Comme l’explique à plusieurs reprises Bourdieu, le jeu permet l’annulation des normes sociales pour se soumettre à des règles équitables. Le terrain de sport devient l’incarnation de valeurs sociales et culturelles partagées dans notre projet. Le passant observe la scène du jeu comme un spectacle, cet espace oscille entre terrain de sport et grande scène qui accueille des représentations : un tracé de terrain polyvalent, une situation de contrebas, des loges, des estrades qui se font face. Bibliothèque L’enseignement est un enjeu important puisqu’il permet l’intégration et l’affranchissement de chacun. La culture est un espace commun qui permet l’intéraction. Actuellement aux Grands Voisins, l’éducation passe par un enseignement du français dans la cour de l’Oratoire et de nombreux ateliers ponctuels très diversifiés. Le programme de la bibliothèque publique, ouverte à tous est l’un des derniers programmes qui incarne ces valeurs. Nous envisageons donc sa place au sein de notre projet. Cet espace développe les symboliques d’élévation par la connaissance avec une lumière zénithale. Il propose une diversité d’espaces aux niveaux d’intimité différents. Ils communiquent dans un vide central dynamisé et conduit par la verrière qui accentue le rapport entre mezzanine et rez-dechaussée.

Cantine Une cantine commune est prévue pour le développement de l’hébergement dans le bâtiment Pinard. Les barbecues ou les couscous sont devenus des événements de rassemblement importants. On observe que l’interaction autour du repas est essentielle. Une salle à manger, une grande cuisine commune permet d’accentuer cette dynamique. Ici, l’enjeu est de proposer un espace intérieur qui se lie autant que possible à l’espace public. Les parois proposent l’interpénétration des espaces intérieurs et extérieurs. Il s’agit de concevoir une architecture qui invite à entrer. Par ailleurs un système de parois amovibles offre la possibilité de fournir une grande salle de banquet autant que des alcôves plus intimes. La mezzanine souligne l’horizontalité de cet espace fragmenté. La seconde phase de notre projet réside dans l’exploitation des situations. Nous avons imaginé leurs relations et la qualification qu’elles transmettent aux espaces alentours et sur l’ensemble du site. Afin d’intensifier ces qualifications et de densifier raisonnablement le lieu, nous proposons de prolonger l’existant et d’en détruire le minimum. Les espaces publics sont requalifiés et mieux délimités. Ils deviennent des places, des cours, des passages dont les qualités sont pensées en fonction de leur nouvelle qualification. Prenons l’exemple de deux espaces où nous intervenons. Entre les bâtiments CED et Colombani Le bâtiment Colombani correspond en terme de volumétrie et de structure à la bibliothèque. De plus, la proximité avec la Lingerie permet de l’enrichir d’un café. La salle à manger peut profiter de l’orientation idéale de l’ancien CED. Se dessine alors un espace public pouvant être envahit par les tables des deux espaces de restauration. Ses connexions en font un espace central, une place, véritable foyer du site et sa luminosité le rendent accueillant.


jouer

Notions connexes : rire, rencontrer

onduite proposé par les Grands Voisins

es

r

Notions connexes 1

La cour de Pierre Petit et du CED Cette cour est creusée de 4 mètres. Le terrain : partager, prendre le temps de sport présenté précédemment peut profiter de cette situation. Nous la rendons plus accessible en transformant une partie du rez-de-chaussée de Pierre Petit en un espace sous pilotis. L’agitation du terrain de sport implique d’en éloigner au maximum les logements, les premiers étages de Pierre Petit peuvent ainsi accueillir les espaces de coworking. On peut enfin envisager une continuité entre l’emmarchement du terrain de sport et l’ascension du belvédère. La cour devient le lieu du jeu et du loisir. En les multipliant et les requalifiant spatialement par les usages qui leur sont associés, les cours deviennent les éléments essentiels du nouveau projet de réhabilitation du site des Grands Voisins.

2

Bibliographie COHEN Jean-Louis, DAMISCH Hubert, LUCAN jouer grandir partager Jacques, KOOLHAAS Rem, OMA, Rem Koolhaas : 1 le terrain de 2 cours de français 3 barbecues et sport est l’interface et nombreux couscous sont Pour une culture de la congestion, 1979 le plus signifiant ateliers partagés devenus des DECOSTER François, KLOUCHE Djamel, POULIN ement fut le verbe : concevoir des espaces représentatifs du code de conduite proposé par les Grands Voisins du dialogue sont organisés événements de Caroline, Grand Paris Stimulé, l’AUC, 2009 entre résidents et pour favoriser rassemblement Notions connexes : rire, partager, créer KOOLHAAS Rem, MAU Bruce, S, M, L, XL, OMA, rencontrer visiteurs l’enseignement sur chaque semaine le site 1997 MANDOUL Thierry, NP2F, Sports, Portrait d’une métropole, catalogue d’exposition Pavillon de l’Arsenal, 2014 REED Peter, Alvar Aalto : Between Humanism and Materialism, 1998

3

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1

2

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er les espaces qualifiés et qualifiants : places, cours, passages

« Pour changer la vie, il fallait abandonner le rêve d’un avenir uniforme décidé d’en haut et intervenir dans le marché par petites touches. Bâtir un monde plus beau en commençant une chaise, une table ou un banc. » Andrea Branzi

10


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11 : places, cours, passages

Multiplier les espaces qualifiés et qualifiants : places, cours, passages

ouvrir partiellement

retarder la découverte parcourir librement

ère

12

situations manifestes 1 amphithéâtre 2 pilotis 3 belvédère 4 terrain de sport 5 cour anglaise 6 maison des associations 7 co-working

Multiplier les espaces qualifiés et qualifiants : places, cours, passages

13

8 salle à manger 9 bibliothèque 10 chaque cour nouvellement créée est pensée comme un « monde », et l’ensemble devient une succession de mondes

14

succession de pièces urbaines 11 le bâti existant est prolongé en détruisant le moins possible pour multiplier les espaces qualifiés et qualifiants 12 l’espace public

délimité par les bâtiments CED, Colombani et Pierre Petit est clôs au nord pour préserver la lumière 13 le bâtiment Pierre Petit est ouvert partiellement en rez-

de-chaussée avec l’aménagement de pilotis face à la cour en contre-bas 14 l’entrée du site est aménagé de manière à retarder la découverte


nside fromtoinside outside to outside maison des associations AMPHITHéâtre

maison des associations belvedere

belvedere

AMPHITHéâtre

co-working

èche

crèche

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ateliers

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co-working

pilotis

chaufferie

pilotis

terrain de sport

terrain de sport

chapelle, salle polyvalente de l’école

chapelle, salle polyvalente de l’école

n 1 lingerie

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lingerie

bibliothèque

bibliothèque

salle à manger

1 axonométries des situations et espaces manifestes

from inside to outside + 1700m²

salle à manger

SITUATIONS EXISTANTES

SITUATIONS EXISTANTES

SITUATIONS CRées

SITUATIONS CRées

2-3 espaces publics et usages envisagés

+ 1700m² + 800m²

+ 800m²

n

+ 1000m²

+ 900m²

+ 900m²

LOGEMENT

LOGEMENT

COMMERCE

COMMERCE

EDUCATION / CULTURE

EDUCATION / CULTURE

TRAVAIL

TRAVAIL

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EXISTANT

AJOUTS

AJOUTS

n

+ 1300m²

+ 600m²

e

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+ 1300m²

+ 1300m² bib

salle

a man

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+ 600m²


e

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bibliot

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from inside to outside n

Louis allart, Marguerite renaudin, gautier henneton, verena lopes

P5 - visions périphériques, Studio Mandoul - depuydt

rs

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e at

123 rs

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sports

n

3 Louis allart, Marguerite renaudin, gautier henneton, verena lopes

P5 - visions périphériques, Studio Mandoul - depuydt


1 124

atlas référentiel 1 Architectural Compositions, Rob Krier 2 Bank of England, John Soane 3 L’art de bâtir les villes, Camillo Sitte 4 Fünf Höfe 5 Hackesche Höfe 6 Office, David Chipperfield 7 Ahmedabad, Louis Kahn

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CONFÉRENCE À L’ENSAPM / MARDI 22 NOVEMBRE 2016

Sébastien Thiéry politologue enseignant à l’ensapm coordinateur des actions du PEROU

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Sébastien Thiéry : Fondée en 2012 avec Gilles Clément sous la forme d’une structure associative, le PEROU est un laboratoire de recherche-action sur la ville hostile conçu pour faire s’articuler action sociale et action architecturale en réponse au péril alentour, et renouveler ainsi savoirs et savoir-faire sur la question. Nous tentons d’explorer des situations caractérisées par une violence protéiforme que l’on essaye de qualifier. C’est une question importante, celle de qualifier. Parfois il est difficile de qualifier les objets sur lesquels on travaille. On peut énumérer, faire des listes, qui contiendrait « squats », « refuges », « situations d’exils » diverses et variées, en tous les cas qui font l’objet d’une violence protéiforme. Nous tentons de nous y immiscer et de créer, de définir une position qui se placerait juste-après la violence et juste-avant le projet. Le premier objet d’articulation, c’est de ré-articuler des mondes, des espaces, des temps ; et en contre feu de procédures d’expulsion, de destruction, essayer de déclencher des processus de projet. La notion d’articulation m’intéresse parce qu’elle est assez ambiguë. Elle viendrait du Latin artus qui signifie jointure, mais en même temps, dans le sens commun, articuler c’est séparer, c’est partager, c’est distinguer. Une élocution audible est une élocution qui travaille sur un certain art de séparer, donc il y a ce double sens qui est assez intéressant : cette ambiguïté-là, à la fois de joindre et de séparer. L’enjeu du PEROU aujourd’hui est varié, mais il consiste principalement à articuler des temps, des espaces, des habitats, des programmes, et ainsi de se placer en contre feu de cette manière de faire la ville qui se développerait de tabula rasa en tabula rasa, de destruction en destruction, de pelleteuse en pelleteuse, voire de projets en projets, au mépris de l’existence du passé, des sédiments, des mémoires, de joies déclarées. Cette violence vient peut-être du développement urbain aujourd’hui, et nous essayons de la contrecarrer en créant des dispositifs articulatoires. Articuler, c’est réparer des zones, des espaces qui sont cassés.

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Réparer le territoire par l’activation d’articulations est aussi une manière de penser le PEROU. Il y a une méprise de la position du PEROU qui serait un organe militant qui viendrait défendre les opprimés, les exclus. Nous nous pensons davantage comme un organe diplomatique qui se réfère à cette fonction articulatoire, où l’on intervient sur ces zones de frictions, de tensions, de conflits et tout notre enjeu est de parvenir à faire ré-articuler des positions existantes et parvenir à créer des conditions d’un projet, permettant de converger dans le projet des intérêts qui sont divergents. Il ne s’agit pas d’écraser des positions en prenant le parti d’autres positions, mais d’essayer de « composer » - et non de compromis, voire de compromissions -, il s’agit bien de travailler dans des écosystèmes complexes et d’essayer d’en articuler les intérêts et les acteurs qui les composent. Nous développons aussi des formes architecturales, multiples, que l’on pense systématiquement comme des formes diplomatiques (j’y reviendrais), sur cette notion d’articulation à travers la fonction diplomatique. Nous nous rapprochons de lieux précis, de zones sensibles, nous nous activons sur un style d’actes, de violence et nous tentons d’opérer des retournements de processus, de déclencher des processus de projets. A Calais, avec les migrants ; à Paris, avec les collectifs de sans-abris ; à Avignon, également avec les collectifs de sans-abris ; à Arles, dans un bidonville ; en Essonne, dans différents bidonvilles aussi. Nous expérimentons, tâtonnons, comme des chercheurs. Nous sommes pas des militants, nous sommes des chercheurs qui venons dans des zones délaissées, dans tous les sens du termes, y compris par les savoirs et par les savoirs faire, et donc souvent dans l’illégalité, mais en utilisant des ressources de légitimation de nos actes, afin de rencontrer des savoirs, d’instruire d’autres situations et d’instruire des acteurs publics. Une autre manière de penser l’articulation, c’est l’illégalité de nos actes à la légalité, à savoir effectivement, comment, à partir de nos actes nous expérimentons et parvenons à produire des récits, des formes de savoir qui sont intégrables dans des politiques publiques notamment. C’est la raison pour laquelle quasi systématiquement, toutes les actions que nous conduisons visent à déposer sur la scène des acteurs publics de différentes manières, des savoirs contre les hostilités qui sévissent. Cette articulation entraine des dégâts, qui entrainent des actes - militants -, de la puissance publique, donc encore une fois des articulations qu’on essaie d’expérimenter. C’est la


raison pour laquelle je vais essayer de vous présenter notre action à partir de formes. Des formes que l’on a « rendues » à des acteurs publics à partir des actions que l’on a conduites. C’est aussi penser que les formes d’écriture, de design, de design graphique sont aussi des questions qui sont singulièrement importante dans nos actions puisqu’il s’agit toujours de traduire des savoirs, de rapporter des expérimentations et de les traduire aux yeux d’acteurs publics. Je vous présenterai deux situations concrètes, colossales en terme de documentation, et pourtant, déjà réduites dans des formes de rapports qui sont assez conséquents. Première situation, en Essonne, dans des bidonvilles dans lesquels on a travaillé pendant deux ans, de 2012 à 2014. Deuxième situation, situation Avignonnaise, qui ressemble à beaucoup d’égards à la situation que vous explorez, à savoir celle des Grands Voisins. SITUATION 1 : A RIS ORANGIS ET GRIGNY En Essonne, nous avons rendu un rapport au PUCA, l’organisme de recherches interministériel (Plan Urbanisme de Construction Architecture). Nous sommes parvenus, presque à postériori, à obtenir une commande, et notre travail a donc été adressé à cet acteur public sérieux, malgré toute l’illégalité dans laquelle nous avons œuvré. A Avignon, de la même manière, nous avons déposé un dossier qui a eu pour conséquence que l’on a réussi à lever une commande à postériori, une commande de l’ANAH, l’agence nationale de l’habitat, à qui nous avons rendu un travail que l’on a appelé « L’étude de programmation ». Aussi, j’aurais pu centrer mon discours sur des projets architecturaux, et le sens dans lequel on peut les entendre stricto-sensu, mais l’une des questions du PEROU, c’est l’articulation des formes diplomatiques (que j’évoquais tout à l’heure), de l’architecture au design, au design graphique, à la performance, à l’écriture, à la photographie, et c’est pour cela que je voulais vous livrer ces formes documentaires que sont ces rapports de recherches puisqu’ils rapportent par bribes, par traces, par indices, les différentes actions articulées qui ont pu mobiliser des architectes certes, mais aussi d’autres acteurs, concepteurs, constructeurs et créateurs. Tout ceci compose un acte, des actes sociaux ou politiques qui prennent des formes et qui consistent en des contre-narrations, visant à faire jaillir auprès des acteurs publics en tout premier lieu, des possibles, d’autres possibles, que la reproduction humaine, c’est-à-dire des expulsions, des destructions, des déplacements. C’est ce que propose ces rapports-là. Aussi, ce que l’on développe au PEROU vient contaminer des formes pédagogiques, des écoles, puisqu’effectivement j’enseigne ici, à l’ENSAPM (en P7/P8/P9) dans un studio de projet qui s’intitule « Construire l’action » avec Charlotte Cauwer, qui est une architecte également membre du PEROU. Chacune des actions qui ont été conduites l’ont aussi été à l’articulation entre différentes écoles, différents groupes de recherche, chercheurs, laboratoires…, et c’est quelque chose que l’on va maintenant systématiser pour le territoire francilien. C’est ce que nous avons d’ailleurs déclaré dans une rencontre à la Colonie, chez Kader Attia : une scission d’école que l’on appelle école de situations, et qui vise à faire s’articuler différents groupes pédagogiques, de recherches, autour de situations de crise que l’on a repéré sur le territoire sur lequel on travaille. Nous avons engagé un studio de projet de Malaquais sur la situation de migrants à Stalingrad à Paris, sur un bidonville à Porte d’Aubervilliers et sur un-dit « squat » -c’est mal nommé -, de sans-abris, à Couronnes. Nous y travaillons aussi avec une équipe d’étudiants de l’ENSAD, les arts décoratifs. L’idée, c’est aussi de travailler à la transmission des formes, c’est-à-dire qu’un studio de projet se termine en général au bout d’un semestre, et les formes produites qui peuvent être cruciales, pourront comprendre, apprendre quelque chose. Ces formes-là finissent sans écho. Alors nous allons essayer de nous évertuer à travailler hors les murs, dans la ville et de transmettre à d’autres groupes, de proches en proches, les résultats des productions de chacun des groupes que l’on a constitué, pour qu’ainsi, à la fin du semestre, il y ait un groupe de recherches de géographes qui va s’emparer des travaux des étudiants de Malaquais, des juristes, des artistes de l’école de Cergy, etc. Cela revient à se poser la question de comment ces situations « aussi larges » se lisent parmi une sorte de Grand Paris ou

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de la région, si on met bout à bout toutes les écoles et les groupes pédagogiques et les laboratoires de recherches qui constituent ce territoire etc., il y a une force inouïe, extraordinaire. Et en même temps sur le même territoire se déploient des politiques publiques d’une misère profonde et d’une pauvreté abyssale. Alors comment parvenir à faire s’amoindrir ce fossé-là, par des articulations en espérant que l’on va réussir à en saisir quelques-uns à travers ce parcours dans ces rapports de recherches. Il me semble enfin important de traverser la dimension narrative des actions que l’on conduit, c’est-à-dire qu’il s’agit bien de toujours raconter d’autres histoires et tous les dispositifs, les actes ou les formes que l’on déploie dans les situations en question sont des éléments de ces histoires et des preuves que d’autres possibles peuvent advenir.

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En Essonne, nous avons d’abord travaillé à Ris Orangis, puis à Grigny. Nous avons découvert cette situation à Ris Orangis à l’automne 2012, il s’agit d’un bidonville sur au bord de la Nationale 7, habité par 150 personnes dites « Roms » qui vivent dans le département depuis parfois près de 10 ans, chacun ayant cumulé l’expérience de multiples expulsions - un homme du nom de Grinovaci étant le détenteur du triste record de 17 expulsions à ce jour. Ces personnes ont l’habitude de vivre sous une forme si précaire et si incertaine, alors que parfois certains sont de très bons constructeurs. En fait, ils intègrent eux-même déjà dans les formes construites qu’ils élaborent, l’idée de la destruction qui va avoir lieu. Et ce bidonville présente cette particularité-là, comme beaucoup, d’avoir intégré dans sa facture-même, la promesse d’une destruction à venir. Cela implique aussi d’ailleurs des modes d’habitat. Donc, le rapport que nous avons rédigé sur cette situation est constitué du récit de l’action, ainsi que de 9 intercalaires qui viennent se glisser dans ce récit, l’entrecouper, sous la forme de grands formats. Ces intercalaires, que l’on a composé en toute fin de parcours, regroupent différentes questions. La première question interroge donc cette nécessité de recommencer, de reprendre nécessairement l’ouvrage. Cela constitue aussi une première articulation, qui est véritablement cruciale au PEROU, qui est de « partir du bidonville », comme une contre-évidence pour les acteurs publics, et qu’on a pourtant essayé de faire valoir très radicalement. C’est-à-dire, qu’en somme, détruire le bidonville est une manière de le reconduire, ou le pérenniser, puisque le détruire conduit à sa re-formation quelques centaines de mètres plus loin. Notre pari était donc de « partir du bidonville » - expression à entendre dans tous les sens du terme. Comment, par un processus d’accompagnement, de construction, d’augmentation, d’intensification, l’urbanité qui a lieu pousse les bidonvilles à rester ce qu’ils sont - ils sont l’existant -, et comment parvenir à outiller les familles qui y habitent, comment parvenir à créer d’autres relations avec les acteurs publics, les acteurs associatifs et créer ainsi des processus vertueux pour inciter les personnes à quitter le bidonville pour rejoindre la ville ? C’est ce que l’on a élaboré d’emblée comme une hypothèse de travail, de recherche. Cela nécessite d’abord de faire un travail de relevés. D’innombrables travaux de documentation ont été faits avant même de poser un acte, quel qu’il soit, un acte pour réécrire autrement la situation, notamment avec des outils qui la déplacent d’emblée dans l’univers graphique du projet urbain. C’était donc déjà un déplacement du bidonville, et d’emblée de manière assez manifeste. Alors comment parvenir à décrire l’existant ? Comment décrire les fonctions qu’il opère ? C’est ce nous avons tenté de représenté, en annonçant qu’il y a là déjà du projet, de la potentialité, ou du potentiel de projet. En même temps, ces formes construites jouxtent un certain nombre d’éléments de crise, comme une boue surabondante, des sanitaires absolument dégueulasses, de la précarité à tous les endroits, le froid…, qui font que l’on rentre dans le diagnostic puisque l’on fait un travail de relevé sérieux. Ces éléments de crise auxquels il faut répondre, mais non parce qu’ils motivent le passage de la pelleteuse, parce qu’il y a danger et qu’il faut évacuer tout le monde. Mais plutôt, comment inscrire le tout dans une dynamique de projet ? Et c’est là une mission du PEROU : quelle que soit la situation que l’on aborde, que ce soit sur un trottoir de Paris ou un bidonville, nous tentons de travailler sur la potentialité du projet. Chaque situation relève d’un projet potentiel dont nous allons essayer de trouver les formes.


Pendant deux mois et demi, nous venions quasiment tous les jours vivre là, et tenter de comprendre et se demander ce que l’on allait pouvoir faire avec tout ce réseau associatif et les habitants qui étaient là. On a donc établi une sorte de « plan sur la comète », qui interroge la manière de ré-articuler les programmes qui sont pensés à priori comme effectivement des programmes s’excluant jusqu’alors. La puissance publique et les acteurs majoritairement présents sur la scène en question voient avant tout le bidonville comme étant un corps absolument étranger à la ville. Ce que l’on essaye d’élaborer à travers ici une bande dessinée, qui raconte une action pendant un an et demi, c’est de montrer justement qu’avec ces nouvelles articulations que l’on a créées à travers des dispositifs qui allaient calmer le jeu, sortir le site de la boue, l’équiper en sanitaires…, comment des processus, des articulations allaient se créer entre le dedans et le dehors, entre le bidonville et la ville, comment les personnes allaient trouver du boulot, allaient rejoindre un logement etc. Et ce processus-là est une manière de faire récit. A la place de chacune des baraques qui allait disparaitre, on allait installer une balançoire et ceci parce que ce terrain qui est un délaissé de voirie officiellement, qui est au bord de la nationale serait alors un chantier de grand centre sportif. Il pouvait alors être intéressant d’augmenter le programme de ce centre sportif en espace de jeu pour enfant. Et ce délaissé de voirie, absolument pas repéré par les cartographies, était alors révélé comme un territoire existant, un territoire potentiel. Comment penser une occupation, même illégale, comme un processus de valorisation d’un foncier, par exemple un foncier indisponible, mais aussi comme un lieu ou en habitant, on va pouvoir rêver, imaginer y programmer des choses puis le restituer une fois l’occupation passée. Un bidonville apparait comme une verrue sur un territoire et sa destruction apparait comme un ramassis de détritus à la fin qu’il va encore falloir nettoyer - à la charge de la collectivité -donc une bonne partie du travail consiste à raconter une histoire, et essayer de convaincre qu’une occupation peut être créatrice de valeur, de valeur foncière mais aussi de valeur programmatique. Ce long processus opéré est devenu une sorte de contrat que l’on a décidé avec les familles au bout de deux mois et demi de discussion, et qui a pris la forme d’une bande dessinée, traduite en roumain. Une partie de ces textes ont été publiés chemin faisant, et ont pris une certaine importance sur le territoire de Ris Orangis. C’est devenu une affaire publique. Cette stratégie de raconter ces histoires et de publier tous ces documents au fur et à mesure qu’on les produit, est très importante pour complexifier la scène et tenter de sortir des impasses de cette situation. C’est à partir de là qu’a commencé un chantier avec un premier objectif qui était, un 22 décembre, de construire un bâtiment dans le but d’accentuer quelque chose que l’on avait repéré sur ce territoire : une relation déjà existante entre des voisins, des riverains qui se risquaient dans le bidonvilles pour apporter des vivres ou des aides diverses, voire des cours de français. Nous voulions donc amplifier cela, le rendre sur-visible à partir d’un acte architectural, et inaugurer ce bâtiment pour une fête, qui allait permettre aux enfants scolarisés du bidonville d’inviter leurs camarades de classe, que jamais ils n’invitaient jusqu’alors. Comment créer une possibilité d’accueil des enfants de Ris Orangis, tout du moins des camarades de classe de ces enfants scolarisés ? Nous avons donc élaboré ce projet avec les familles. Tout le monde voulait accueillir les enfants de la ville dans de bonnes conditions, et le bidonville tout entier s’est mis à éponger la boue, à installer des toilettes sèches et à construire ce bâtiment, c’était une manière de proposer l’hospitalité aux personnes en dehors du bidonville. Ce processus était un retournement des évidences assez intéressant : ce n’était pas le bidonville qui réclamait l’hospitalité de la ville mais c’était le bidonville qui offrait l’hospitalité à la ville, et ce faisant, une fois l’évènement passé, les toilettes sèches restèrent, le bâtiment accueillant les enfants de la ville demeura et le tout est devenu des équipements pour la ville. Pour clore ce premier acte, nous avons fais appel à l’architecte Julien Beller, fondateur du 6B, pour créer ce que l’on a appelé l’Ambassade du PEROU : un lieu pensé comme une sorte d’extraterritorialité au cœur du bidonville, un seuil, une possibilité d’accueillir les personnes de la ville qui souhaitent y venir, et nous les avons invité de manière très active : se retrouver, fabriquer, donner des cours de français, etc. L’Ambassade du PEROU a été construite très rapidement,

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malgré des arrêtés municipaux exigeant l’arrêt des travaux. La construction, accompagnée d’un travail de design graphique réalisé par Malte Martin, est inaugurée par le metteur en scène Didier Galas : dès l’ouverture, le bâtiment accueille d’emblée une foule de Rissois - notamment des jeunes parents, des instituteurs et des enfants - qui a été un acte très marquant pour les familles et pour le territoire lui-même. Le contexte était en effet particulier : sur les 29 000 habitants de Ris Orangis, la moitié était plutôt pro-roms, l’autre moitié plutôt anti-roms, créant une controverse, un rapport de force voire un rapport de « farce » - on connaissait déjà l’issue, à savoir l’expulsion -, l’enjeu était surtout de trouver comment faire apparaître d’autres mobilisations, d’autres impliquer d’autres personnes, sans passer par les chemins de revendication balisés. La création de l’Ambassade a en quelque sorte permit de sortir de cette ornière. Le chantier et les enfants ont été des moteurs d’apparition de multiples autres concernés, qui ont trouvés là des seuils, des moyens, des formes aussi, pour mener des actions qui ont permis de faire apparaître sur la scène mondiale d’autres acteurs. Ce mode d’action prend l’architecture comme « véhicule », comme rotule : un lieu d’articulation, qui a comme programme et comme fonction cette simple mission diplomatique d’articuler les territoires et les acteurs. Alors que l’expulsion devait arriver très vite, nous avons créé un temps, certes modeste, mais qui a permit d’autres rapports, d’autres relations avec les acteurs, qui ont été aussi, petit-à-petit, obligés d’entrer en relation avec nous. Pour les enfants qui n’étaient pas scolarisés - alors que le droit français l’exige -, nous avons fait apparaître une école buissonnière, situation non acceptable pour les acteurs publics, qui a réagit en scolarisant les enfants. Dans tout ce processus, malgré les documents officiels non favorables, menaçants, il y a tout de même des articulations qui se jouent. Par exemple, le maire a déclaré « on va dégager tout ça » pour plaire aux riverains ; cependant les riverains se sont mobilisés tout à fait autrement, en allant donner des cours de français ou autre. Un mois plus tard, la plupart des enfants étaient scolarisés. L’Ambassade est devenu un lieu qui propose des cours de français, ou des actions se déploient avec des artistes, des photographes, des designers. Peu à peu, une sorte de rumeur s’amplifie : « quelque chose a lieu ». Apparaissent alors des collectifs d’architectes qui viennent prêter main forte, par exemple pour construire des toilettes sèches qui viennent jalonner le bidonville. On apprend aussi qu’Israel Galván, danseur et chorégraphe espagnol, vient danser à Paris, et nous l’invitons à venir dans le bidonville. C’est un tzigane, qui danse alors un solo au Théâtre de la Ville sur le massacre des tziganes pendant la seconde guerre mondiale. Il accepte de venir danser. Avant d’être la place du village, ce lieu est d’abord une scène. En plus du travail des actes, des spectacles, il y a aussi un travail de sécurisation. Autant que faire se peut, les installations électriques sont révisées, les baraques aérées, les systèmes de pare-feu améliorés, avec des extincteurs mobiles. Notre action se place donc sur de multiples récits et formes. L’Ambassade devient un véritable lieu de rassemblement où l’on accueille les réunions de quartier. Cette complexification-là est très intéressante pour notre approche du projet. A travers des éléments d’architecture et de design, l’enjeu est toujours de complexifier et de créer de nouvelles articulations. Au bout d’un moment, néanmoins, l’expulsion a lieu. Mais pendant la bataille, le PEROU a gagné une certaine crédibilité auprès des acteurs publics, qui vont faire que deux histoires vont se poursuivre à partir de là. Premièrement, l’expulsion a lieu mais a pu être négociée d’une certaine manière, avec le PEROU, sur la base de l’acceptation de la création d’un lieu d’accueil - le premier pour l’Essonne - qui va voir le jour quelques mois plus tard à Ris Orangis. Le bureau est invité comme assistant à la maîtrise d’ouvrage d’un projet qui va être constitué par le Département et la Mairie. Une cinquantaine de personnes vont être accueillies là, sur des critères, exigés par le Préfet, d’employabilité. Le PEROU va y travailler avec les acteurs publics à Ris Orangis, alors qu’au début, la situation était extrêmement tendue.


Ensuite, les cent personnes qui n’ont pas pu être accueillies dans ce lieu ont été relogées dans un nouveau bidonville à Grigny. Le PEROU y a continué le travail amorcé à Ris Orangis et recréé des formes d’activation ici. Par exemple, des travaux initialement programmés pour le premier bidonville par des étudiants de l’Ecole d’Architecture de Bretagne, ont finalement été installés à Grigny. Nous avons aussi continué à travaillé sur le seuil, en créant une sorte de passerelle entre la ville et le bidonville avec cette installation d’une artiste. Nous avons équipé les associations qui organisaient des colonies de vacances en petit mobilier. D’autre part, la situation dans laquelle allait être installé le lieu d’accueil était déplorable, avec des Algeco comme base de travail. On avons travaillé à équiper ce lieu et à y sur-développer les articulations entre la ville et le bidonville : enlever les barrières, le garde-chien, les dispositifs de sécurité. Ce nouveau lieu est devenu un lieu de résidence pour des équipes d’architectes invités, qui travaillaient avec les familles, pour concevoir d’autres lieux d’accueil – puisque l’on avait la conviction qu’il fallait en aménager de nouveaux. Un premier lieu d’accueil avait donc déjà émergé, et l’objectif était de le transformer, de l’améliorer, y compris dans la définition des relations humaines qui s’y déroulaient, puisqu’on se retrouvait aux confins de la ville dans des Algeco. Nous voulions, à partir de ces conditions de départ, créer d’autres conditions. Nous avons alors invité cinq équipes d’architectes à venir travailler à la conception d’autres projets. Par exemple, nous avons créé une « base de vie » avec Charlotte Cauwer et le collectif d’architectes le Sixième Continent. Nous avons aussi construit un lieu d’activation, une chapelle. La résidence des architectes était occupée à chaque fois une quinzaine de jours, le temps d’un projet. Le dernier projet réalisé avant l’expulsion du deuxième bidonville a été fait avec des architectes en résidence, et qui consistait à transformer le bidonville en un cinéma éphémère. Après avoir recueilli des tissus auprès de chacune des familles, ils ont tissé une immense toile qui a été fixée au-dessus du bidonville afin de constituer un grand chapiteau. En relation avec le Théâtre de Brétigny, nous avons pu installé un écran. C’était devenu un cinéma. Nous y avons instauré un festival permanent, en invitant divers réalisateurs à présenter leurs films pour l’inauguration du lieu. Finalement, là aussi, l’expulsion a eu lieu malgré tout. Les nouvelles négociations déployées pendant tout ce temps ont été très tendues. Les familles qui étaient dans le lieu d’accueil de Ris Orangis depuis alors 6 à 8 mois avaient pour la plupart rejoint des logements sociaux à Grigny, Ris Orangis et Viry-Châtillon, donc de nouvelles places étaient disponibles pour accueillir des familles de ce bidonville. Néanmoins, tout le monde n’a pas pu être relogé dans ces conditions. Mais voilà quelles ont été nos possibilités d’agir et d’œuvrer dans ces situations. SITUATION 2 : A AVIGNON La seconde situation que je présenterai se trouve à Avignon. Le mode d’opération est similaire, caractérisé par une violence extrêmement puissante. Il s’agit d’une friche de 3 000 m² située devant l’ancien tri postal d’Avignon, qui jouxte la gare de trains. Devant cette friche, étaient placés quelques Algeco, acquis de longue lutte par le Collectif d’Action des Sans Abri (CASA), association constituée par des étudiants des Beaux-Arts qui a pour mission d’accompagner des sans-abris. CASA assurait alors dans ce lieu la gestion d’un centre d’hébergement. Or la situation de cette friche est particulière : elle jouxte deux hôtels de luxe (cinq étoiles), dont les balcons surplombent les Algeco. La directrice de l’un des hôtels milite depuis quelques années pour que tout ceci disparaisse et qu’à la place on installe un parking réservé à la clientèle hôtelière. La mairie d’Avignon cherche donc tant bien que mal à déplacer cette verrue, et à chaque fois qu’un projet se constitue pour déplacer le centre d’hébergement hors de la ville, un autre projet de riverains se constitue pour éviter de voir débarquer cette verrue. La situation est a priori une impasse. Comment déplacer ces « indésirables » ? C’est dans ce contexte que le collectif CASA nous contacte, pour engager un autre processus. De la même manière qu’à Ris Orangis ou Grigny, nous avons d’abord effectué une série de relevés et

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de cartographies du territoire, des articulations et jonctions possibles, une étude du bâti, etc. En effet, sur cette friche de 3 000 m², qui représente une emprise foncière non négligeable, personne n’imaginait que l’on allait installer ces Algeco pour accueillir les plus défavorisés, alors que les riverains auraient souhaité les voir disparaître ! Pourtant ce bâti a une certaine qualité, une histoire. On commence donc à l’observer, comme on l’a fait dans le bidonville, à l’aide des relevés. Un processus est donc enclenché : malgré le fait que ce bâtiment est la propriété du Réseau Ferré de France (RFF) et que - ironie du sort - il est censé être « inoccupé » ; nous déclarons l’ouverture d’un chantier de réhabilitation du lieu, en invitant les associations du territoire proche à venir y prendre part. Ce chantier est un chantier de programmation : tester des choses, et faire apparaître dans cette friche en voie de disparition; des potentiels de projet. Faire venir du monde, le voisinage, les associations. Nous nous sommes munis des outils classiques du projet, comme la maquette. Nous avons construit avec une association locale qui produit une architecture de terre, une baraque, installée à côté des Algeco, sous les balcons des hôtels de luxe. C’est la baraque de chantier dans laquelle une personne du PEROU viendra s’installer pendant 9 mois. Elle est l’inaugurée lors des Journées du Patrimoine, en supplément de la visite guidée de l’ancien tri postal par d’anciens salariés du lieu. L’objectif était de révéler la qualité de ce patrimoine, de montrer qu’on ne peut pas simplement le détruire pour y installer un parking. Notre baraque inaugurée devient alors le lieu de rassemblement des acteurs associatifs que l’on invite à venir rêver les lieux. Alors d’innombrables choses se passent : on invite des artistes, des fanfares locales. Nous faisons jouer notre art de complexifier les choses. De mèche avec la DIHAL (Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement), nous organisons une grande rencontre dans le tri postal. Je précise qu’à ce moment-là, notre occupation du lieu est totalement illégale, car contre l’avis du propriétaire. Quoi qu’il en soit, on arrive à faire venir le délégué interministériel, qui est sous l’autorité directe du premier ministre, à faire une conférence dans le tri postal. Dans le même temps, il faut négocier pour chaque action. Cette délégation, venue spécialement à Avignon, nous aide financièrement en nous versant quelques 3 000 euros qui nous permettent de faire des petits travaux d’aménagement. Chaque opération est donc, autant que faire se peut, une occasion pour transformer les lieux, et pour travailler notamment sur l’accueil et sur la sécurité. On développe ce processus en faisant référence à d’autres situations, en faisant venir de multiples acteurs qui, tous, se prennent au jeu de l’idée qu’il y a bien un projet en train de se faire. L’un des paradoxes intéresantes, est par exemple le cas de l’association Terre et Paille, soutenue par les élus de la ville d’Avignon, et donc en conflit d’intérêt dans la conception de ce projet, quand l’élu à l’urbanisme nous envoie une lettre recommandée parce que l’on a construit bien évidemment sans aucune espèce de permis de construire. Petit-à-petit, pourtant, les acteurs publics se saisissent du processus en train de se faire. Un Comité de Pilotage est mis en place par le Sous-Préfet, qui accueille les acteurs associatifs comme le PEROU. Dès la première réunion, soit trois mois après l’inauguration de la baraque de chantier, le Sous-Préfet qualifie ce projet « d’absolument formidable », annonçant que la ville serait bien inspirée d’acquérir ce bien ! Le RFF a pour fonction de vendre ses biens au plus offrant, autant que faire se peut. Il est donc intéressant d’observer comme l’occupation d’un lieu peut être une valorisation pour le propriétaire d’un bien, et comment RFF (alors qu’encore une fois notre action était en toute illégalité) a finalement soutenu notre projet parce qu’il y avait là un moyen de faire monter les enchères. La mairie se retrouve alors prise dans un drôle de jeu dans lequel y compris le propriétaire devient un défenseur de l’occupation du lieu ! Au fur-et-à-mesure, le nombre de réunions augmente, des acteurs associatifs apparaissent, et la programmation s’élabore, avec évidemment, le centre d’hébergement qui en occupe une partie importante, mais aussi des logements, une cantine associative, etc. Le projet se dessine et l’on décide de ce que vont devenir chacun de ces 3 000 m² en fonction des acteurs qui ont pris part à ce travail de programmation active. Dans le même temps, on travaille sur l’accueil de nuit, avec des lits, des placards pour ranger les affaires… de l’équipement.


Nous menons ce projet au sein du PEROU avec l’atelier commun que l’on partage avec Patrick Bouchain, pour activer ce processus extrêmement puissant. Le processus d’occupation a conduit une trentaine d’associations à s’impliquer dans le projet, comme par exemple une crèche qui vise à accueillir une moitié d’enfants handicapés et une moitié d’enfants non-handicapés. Dans le même temps, alors qu’on raconte ces histoires par voie de presse, on rencontre les directrices des hôtels voisins, et on se rend compte que ceci les intéresse particulièrement, le personnel de ménage rencontrant de grandes difficultés à placer les enfants en crèche. A partir de cette petite articulation, nous sommes parvenu à mobiliser les directrices des hôtels voisins dans le projet, ce qui a finalement mené à l’organisation d’une grande fête, où l’on a convié deux chefs étoilés à préparer le repas à partir de rebuts de leur cuisine. Nous avons aussi invité des artistes à mettre leurs œuvres aux enchères pour financer à postériori tout le travail effectué. Les hôtels ont fournit nappes, vaisselle, etc… Nous avons produit une sorte de spectacle, de grande cérémonie, où tous, sans-abris, sous-préfet, directrices, sont venus prendre part à la fête. Depuis, cet ensemble d’associations est en train de finir de se constituer en société coopérative. Le PEROU s’est retiré du devant de la scène, mais reste un membre de cette société coopérative. L’enjeu est réellement de parvenir à déclencher un processus de projet, à équiper les acteurs locaux et à leur donner des outils leur permettant d’être partie prenante du projet lui-même, pour créer cette articulation que l’on espère capable de soutenir le projet jusqu’à sa réalisation effective. Et ici, les acteurs sont en train aujourd’hui de déclencher le projet, du point de vue de la maîtrise d’œuvre, et de réunir les fonds pour le faire. Les outils juridiques sont constitués, RFF fait maintenant partie prenante du processus, et la mairie va très probablement acquérir le lieu, alors que le tout était autrement amené à disparaître. Notre action consiste donc à créer des potentiels au niveau des territoires et des acteurs de ces territoires. QUESTIONS-REPONSES Vous parlez de la revalorisation d’espaces occupés de manière pourtant illégale. Qui, d’après vous, est à l’origine de cette revalorisation des sites ? Les associations ? Aux Grands Voisins, beaucoup d’acteurs différents sont intervenus. Dans les situations dont vous parlez, comment les gens ont-ils pu revaloriser l’espace sans que cela ait été vraiment voulu au départ ? On a coutume de dire dans nos métiers qu’on est là pour répondre à des besoins. Notre travail consiste à faire apparaître des désirs qui ne sont pas forcément formulables à priori, dont on n’a pas tout à fait la mesure. Le fait que les hôtels de luxe s’emparent de l’opportunité de la présence d’une crèche fait apparaître un besoin chez les directrices. Notre travail est donc de complexifier certaines situations, pour des raisons presque politiques, afin de les sortir de leur solitude, et pour les peupler. Ce travail consiste, non pas à mettre tout le monde au diapason, car les intérêts de chacun se projettent par des raisons disjointes - jamais les directrices des hôtels n’abandonneraient leur fonction au motif qu’elles seraient devenues militantes pour les sans-abris. En termes démocratiques, si tant est que la démocratie puisse avoir lieu, ce n’est pas une mise au pas des acteurs et de tous les intérêts en présence ; c’est un travail diplomatique, déjà, de les faire apparaître, un travail premier et nécessaire. Mais souvent, comme à Ris Orangis, on voit bien que de très nombreux acteurs et riverains n’ont même pas l’idée qu’ils ont la possibilité d’agir. Et c’est en faisant apparaître cette pensée là qu’on fait naître les désirs. Nous sommes allés voir les personnes retraitées du quartier qui ont chez eux beaucoup d’outils. Nous leur avons simplement demandé de nous prêter leurs outils : « On a besoin de vos outils dans le bidonville, venez à l’ambassade, c’est bien, il y a des enfants qui ont besoin de ces outils. » Donc on fait apparaître des désirs, qui sont des besoins, et on complexifie la scène.

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C’est un travail de culture, au sens « jardinier » du terme : repérer des potentiels, des désirs, des capacités, et venir les cultiver. C’est pour cela que l’importance de la pensée de Gérard Didier est pour nous cruciale : comment dans une situation reculée, en crise, on jardine la ville, en prenant soin de toutes les petites graines, les petits éléments qui sont disponibles et auxquels on ne pensait pas, dont on n’imaginait pas les fruits qu’ils peuvent apporter ? Derrière votre question, il y a peut-être aussi la question de la responsabilité. Souvent, nous ne partons pas d’un « existant » dans les situations auxquelles on fait face. Ce n’est pas un site avec des besoins auxquels l’architecte, par le projet, viendrait répondre. Notre travail consiste davantage à intervenir tout de suite, et à susciter des possibles, des besoins, des curiosités, des désirs, qui ne sont pas apparents. Ce travail-là, crucial, consiste à peupler la scène de possibles. Il s’agit aussi, avec les outils de l’architecte - des bâtiments, du construit -, de susciter les vocations. A Avignon, il s’agissait au départ de flanquer quelque part ces vingt sans-abris dont on ne sait que faire, et dont la ville entière se fout. Mais la manière dont on articule les choses fait que, au final, il y a aujourd’hui trente associations qui s’en occupent, y compris les grands hôtels voisins qui sont censés être les plus hostiles. Faire germer ces désirs est un travail de fiction, et aussi un travail de création. Jardiner, mais peut-être aussi exciter, forcer, faire apparaitre. Cette jonction, cette articulation, un peu forcenée, d’essayer de brancher les acteurs les uns aux autres, est absolument cruciale pour tout projet. En parlant d’articulation, comment s’articule précisément votre travail par rapport aux personnes qui interviennent - les habitants, les associations, les politiques ?

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Dans cette situation, plus de 150 personnes habitent le bidonville. Leur participation relève d’une évidence, parce que l’on travaille à partir d’une situation existante, concrète. Néanmoins, ces 150 personnes ne font pas corps, comme un seul homme, avec nous, en train d’œuvrer et de construire. Cela s’articule ou non, cela se joue plus ou moins naturellement. Parfois ils sont 150, parfois ils ne sont que 2, quand les 148 autres perdent complètement espoir en ce projet. A l’Ambassade du PEROU, nous organisions tous les lundis soirs pendant 4 mois des notes de travail qui prenaient la forme de réunions de chantier. Tout le monde venait, on remplissait la salle autant que possible, et on débattait de ce qu’il s’était passé la semaine précédente et de ce qui était à venir. Pas à pas. Je ne sais comment qualifier cette assemblée, sinon qu’elle n’est pas toujours équivalente, qu’il ne s’agit pas toujours des mêmes participants. Néanmoins, il y a quelque chose de l’ordre d’une assemblée de constructeurs. A Avignon, c’était même plutôt une assemblée de rêveurs, constituée de 30 associations, rarement toutes présentes en même temps, et de personnes sans-abris, parfois complètement moteurs, parfois simples spectateurs, qui alors voient le chantier leur échapper. Cela peut créer des pertes, mais aussi des ajouts, certaines personnes décrochent en cours de route, d’autres se raccrochent aux wagons. Je refuse de formuler la fable selon laquelle tout le monde vient à chaque fois, et qu’une sorte d’armée se met en marche, rythmée, au diapason. C’est faux, il y a d’innombrables conflits internes. Tout ce qui se passe ne se présente pas comme une évidence, certaines choses auraient dû être faites et ne l’ont pas été. Mais parvenir à créer des espaces et des temps, c’était l’objectif de l’ambassade et de la baraque de chantier : créer des lieux de travail. Ces travaux sont réalisés in situ, car le PEROU n’a pas de lieu de travail en soit. On équipe chaque situation que l’on traite d’un lieu de travail couvert, et peuplé. A Ris Orangis, les séances étaient atypiques, parce qu’il y avait toujours une interprète présente dans la salle, qui traduisait en temps réel les deux heures de réunion hebdomadaires. C’était intense, parce que ce sont des moments partagés, assez singuliers. Quant aux politiques, le maire de Ris Orangis nous a transmis des arrêtés et des interdictions dès le début, et a déclaré par voie de presse que nous étions « instrumentalisés » par des militants, et cela à quelques mois des élections municipales. Cela ne facilite pas les échanges. Pour nous, tout le travail consiste à défaire ces récits et à en construire de nouveaux, et donc d’entrer dans une relation pacifiée avec un maire qui a tout intérêt à raconter que ce qui se passe là est une


opportunité à saisir plutôt qu’un acte à condamner. Cela se joue à différents niveaux. D’abord, il s’agit de faire apparaitre d’autres individus concernés, d’autres attachements, avec par exemple des personnes qui viennent oeuvrer dans le bidonville et qui au bout d’un moment ne sont plus repérables, ni par le maire, ni par les journalistes, comme étant des militants. C’est par cette Ambassade, par ces lieux, par ce chantier, qu’apparaissent de nombreux autres intérêts, et que la fable politique finit par s’écrouler. Finalement, on arrive à entrer en relation, non sans difficulté, avec les pouvoirs publics. C’est ici le préfet qui devient « l’articulateur en chef », et qui nous convie à mettre en place ensemble un projet en bonne intelligence, avec les habitants locaux, et donc le département, qui est le maitre d’ouvrage sur le territoire de Ris Orangis, et avec l’appui de la délégation inter-ministérielle. C’est un travail de lutte permanente, qui se joue sur la durée. Cela se joue à la fois sur le terrain et sur la scène publique, considérant que c’est une seule et même scène d’une certaine manière. C’est ce que nous produisons sur le terrain qui nous permet d’opérer des déplacements sur la scène publique. Evidemment, il y a des conflits d’intérêts politiques, certains acteurs publics voient d’un mauvais oeil des rapports que l’on peut entretenir avec tel ou tel acteur, membre d’un autre parti politique. Certains retours de bâton peuvent être très violents. Tout cela se joue au jour le jour. Notre stratégie consiste à complexifier, à faire apparaitre d’autres acteurs, par les « bords », en quelques sortes. Le site des Grands Voisins est quant à lui dans un moment un peu particulier de sa transformation, avec les associations Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain, il y a une sorte de magie. Et puis, on imagine le sort de ce lieu amené à devenir un « éco-quartier »… Quels seraient d’après vous les enjeux dont on pourrait s’emparer pour l’avenir de ce site ? Pour répondre à cette question, je voudrais vous parler d’un projet que nous avons réalisé sur ce site il y a quelques années, avec les Enfants du Canal. A l’image des Enfants de Don Quichotte, les Enfants du Canal est une association créée sur le canal Saint-Martin. Cette structure, très intéressante dans ses pratiques, occupe aujourd’hui une partie des locaux des Grands Voisins. Avec cette association, nous avions mis en place les conditions d’un concours que l’on avait appelé « Paris Hospitalité », et qui visait à repérer les emprises foncières disponibles sur le territoire parisien. En effet, les Enfants du Canal avaient pour projet la création d’un nouveau centre d’hébergement, et cet appel à projets ne pouvait malheureusement voir le jour parce que l’association ne disposait d’aucune réserve foncière ou de bâti vacant. Ils avaient gagné un appel à projets parmi 10 autres candidatures, et pourtant la mairie leur opposait un manque d’opportunités foncières. Les Enfants du Canal nous ont alors appelés pour tenter de révéler des opportunités foncières qui ne sont pas repérées comme telles. Accompagnés d’artistes, d’architectes, nous nous sommes mis à déambuler dans le territoire, à suivre le chemin des sansabris, et à essayer de cartographier le foncier disponible, gelé, en attente de projets. Il fallait ajuster l’objectif, la lunette d’approche, en regardant Paris comme rempli de poches de vides, à saisir, temporairement, pour y inventer des stratégies d’occupation. Parmi les sites identifiés, le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, mais aussi quelques autres cas d’école, que l’on a soumis à un appel à projet pour « Paris Hospitalité ». Le cahier des charges a été inventé avec les Enfants du Canal et notamment cinq personnes sans-abris, qui ont travaillé pendant 6 mois à élaborer ce cahier des charges. Puis il y a eu un jury constitué d’une dizaine de membres, dont ces personnes sans-abris. Dix projets ont été lauréats. Ce qui était assez intéressant, c’est que l’on connaissait les projets à venir sur chacun des sites, tel que le projet d’éco-quartier à Saint-Vincent-de-Paul. La première question était d’emblée d’interroger deux articulations cruciales : l’articulation dans l’espace et l’articulation dans le temps. C’était quelque chose que revendiquaient notamment les personnes sans-abris. Car une situation d’accueil n’est viable que si elle n’est pas une enclave, mais un lieu poreux à la ville et au territoire. Le cahier des charges prévoyait des espaces d’accueil équipés, et augmentés d’équipements publics pour le territoire, comme un théâtre par exemple. Il s’agissait alors de repérer dans le territoire des compagnies de théâtre qui n’avaient pas de lieu de répétition. Donc d’emblée, le centre

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d’hébergement nomade devait proposer un équipement public, ce qui le plaçait automatiquement comme un lieu d’articulation avec le territoire, et voir - et c’est le deuxième objectif - en quoi cela pouvait « contaminer » le devenir du projet. Nous avons donc inscrit, dans la stratégie même du cahier des charges, non pas l’idée d’une occupation qui viendrait défaire ou disqualifier un territoire, mais davantage comment une population viendrait le qualifier. A chaque fois, cela est pensé très en amont. C’est quelque chose que l’on retrouve dans beaucoup de ces projets, et c’est le cas notamment aux Grands Voisins, avec des associations comme Yes We Camp. Souvent, les pouvoirs publics placent des collectifs d’architectes ou d’artistes de manière trop aléatoire : on leur pourvoit juste le bâti pour q’ils occupent, et c’est à eux de se débrouiller avec les finances. Cela permet simplement que ces terrains ne soient pas occupés par d’autres. Ces acteurs viennent en quelque sorte « neutraliser » le territoire, pour l’éloigner des « indésirables », et dont le bail précaire permet leur évacuation rapide pour mettre en place le projet qui était prévu au départ. C’est le cas par exemple place Stalingrad à Paris, avec la mise en place de dispositifs anticamps, anti-squat, par l’occupation du territoire de manière désirable avec des architectes, des artistes, etc. Cela pose un certain nombre de questions dans la définition même de la mission de ces collectifs. Comment peuvent-ils d’emblée penser leur articulation par rapport à un territoire et à des acteurs ? Ces collectifs ne devraient pas se considérer comme étant « bouche-trou », mais davantage comme activateur du processus. Comment penser la programmation de cette occupation temporaire comme un travail d’expérimentation, de tests, de contamination de ce qui se profile à venir, sans tomber dans ce qui pourrait être une opération de nettoyage ? Par exemple, à Aubervilliers, le collectif MU occupe une friche, la Station - Gare des Mines, et dans le même temps, la mairie est en train de déployer un grand projet d’aménagement des portes de Paris, qui, en vue aérienne, nous raconte l’histoire d’un territoire « lavé », « nettoyé ». Plus de traces de bidonville, de squatteurs, de prostituées. Ces opérations sont en fait des sortes de nettoyage urbain. Il est alors intéressant de les parasiter, en donnant la parole à celles et ceux qui vivent et occupent ces territoires jusqu’alors. Les acteurs comme Yes We Camp, ou le collectif MU, se placent dans ces logiques extrêmement difficiles. Comment penser un autre départ, une autre manière de venir dans ces lieux ? Cela ouvre d’autres questions, notamment celle de l’instrumentalisation par rapport au capital, dans une société qui a le pouvoir, et qui d’une certaine manière « instrumentalise » ces associations, ces groupes. Dans ce contexte, on est un peu tiraillé, parce que d’un côté on est témoin de la valeur qu’Aurore a apporté au site, et de l’autre, on comprend que des sociétés financières, immobilières, sont extrêmement intéressées par l’existence de ces groupements, qui leur assure une paix sociale par rapport au quartier. L’opération des Grands Voisins en est la preuve : lors d’un atelier participatif, des habitants inquiets de l’arrivée imminente des migrants ont été très surpris quand on leur a dit que 600 personnes habitaient déjà-là depuis plus d’un an - ils ne s’en étaient même pas rendus compte ! Il y a une sorte de jeu de pouvoir assez subtil, qui peut être presque terrifiant… Qu’est-ce qui vous anime personnellement dans ces actions ? Dans le domaine vous placez-vous : la philanthropie, la stratégie politique, le conseil social, l’altruisme ? Je suis politologue, chercheur en sciences politiques. A ce titre, je « prends part », je me place aux endroits où des crises politiques ont lieu pour essayer de les comprendre. Il se trouve que je suis arrivé à ces actions-là en devenant, très accidentellement, l’écrivain public des Enfants de Don Quichotte, une petite organisation qui a beaucoup fait parler d’elle, au point que les bureaux des ministères se sont ouverts très vite à nous. Je me suis donc retrouvé face aux acteurs publics très tôt. Or je n’étais absolument pas formé à cette question, avant cette action avec les Enfants de Don Quichotte et la forme qu’elle a prise. C’était en 2006, et je n’étais pas particulièrement sensibilisé à la problématique des sans-abris. Et c’est donc par l’action, que m’est apparue cette question. Ainsi, je me suis retrouvé happé, concerné.


D’autre part, la confrontation à des acteurs publics, dans le cadre de cette action-là, m’a permis de me rendre compte que tous les registres militants se posent en dépendance, par la plainte, à l’endroit d’acteurs gouvernementaux dont on attendrait la mise en place des réponses. Or, ces réponses, on ne les trouve pas, par manque de volonté politique. Il y a réellement une vacuité abyssale des réponses disponibles. Militer, faire pression, s’installer en position dépendance, par la plainte. Et finalement être confronté à des acteurs publics absolument pas outillés, avec aucune connaissance, aucune culture, des expérimentations menées dans ces domaines par des architectes ou des artistes, malgré tous les dossiers et les conseillers à leur disposition. Cela a été personnellement un moment de crise extrêmement puissant, extrêmement violent. Il m’a semblé presque dangereux de demander l’aide de ces acteurs-là, vu leur méconnaissance du sujet. A partir de là, comment agir face à ces questions, collectivement, sans passer par le constitutionnel a priori ? A posteriori, certes, ces acteurs interviennent, en recomposant des récits, en remobilisant des outils, et en travaillant à tracer les perspectives d’autres réponses qui, par définition, n’existent pas. J’ai donc mis de côté mon militantisme pour reprendre mes habits de chercheur, face à une question qui me semble assez cruciale et face à laquelle nous sommes totalement démunis. C’est réellement ce travail d’outillage qui m’anime, en tant que chercheur. Evidemment, il arrive qu’il y ait des malentendus sur la mission du PEROU, mais il me semble que notre association est animée par des forces très « étrangères », et c’est aussi pour cela qu’elles sont pertinentes. L’épreuve du terrain est également fascinante. Nous avons travaillé pendant un an à Calais, très régulièrement dans ce que l’on appelle la « Jungle » de Calais. Il y a là une sorte de gâchis humain. Enormément de choses s’inventent là-bas, se construisent. Des mouvements militants sont mis en place. Les migrants sont tout sauf de pauvres vulnérables sans ressources ! Les acteurs publics sont passés à côté d’une chance inouïe pour Calais, et ont dépensé des sommes invraisemblables - 150 000 euros par jour pour mobiliser des CRS, 50 000 euros par jour pour les loger dans des hôtels, etc. Tout est fait à l’envers ! C’est très frustrant, de voir la puissance de ces situations, à Ris Orangis ou à Aubervilliers, et à quel point ce que l’on y met en place est déplorable. Nous nous opposons à cette réponse, à base de pelleteuses et de CRS, pour après mettre en place des dispositifs de consolation, de placement et déplacement, ce qui rend ces populations vulnérables : après la destruction, on créé « des niches en plus » pour « les corps en trop ». Ce désastre est particulièrement inquiétant, et c’est ce qui compose notre société politique aujourd’hui. C’est pour cela que l’on s’appelle le PEROU, le Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines : on ne parle pas de nous, mais des ressources déjà-là, et qui sont absolument inactivées, désactivées. C’est avec cette douleur, cette colère-là que nous intervenons. Et l’on tente alors de produire d’autres formes que des formes de colère. On ne travaille que sur ce qui s’affirme, s’invente, se construit, et on essaie de cultiver la passion joyeuse. On active des processus, on se refuse à toute forme d’indignation, d’affliction, considérant que d’énoncer la misère, c’est énoncer la misère en nous aussi. C’est une ligne directrice que l’on se donne, presque une discipline de travail. On ne tient que sur des positions affirmatives : à quoi dit-on « oui » malgré tout, partout, là où on se trouve ? Comment amplifier ce « oui » et l’intensifier ? C’est un travail d’augmentation de la réalité urbaine. Comment aggraver ce qui est puissant ? Cela pourrait être appliqué aux Grands Voisins : comment faire apparaitre ce qui ne peut disparaitre ? C’est presque un travail de design et de signalétique. Quelque chose de l’ordre d’un miracle se passe aux Grands Voisins. Comment fait-on apparaitre ces miracles au point qu’il ne soit absolument plus envisageable de les faire disparaitre ? Comment passer de l’animation urbaine, culturelle, temporaire, à une situation pérenne ? Une stratégie consisterait à repérer, désigner, amplifier, exagérer, intensifier par le récit des formes cruciales, qui viennent baliser ce site comme étant partie prenante du territoire, et que l’éco-quartier ne pourra pas balayer. Ajouter une dimension symbolique, charger ces situations par des actes et leur donner force de nécessité, c’est écrire l’histoire de lieux qui n’en ont pas.

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THEATRUM BOTANICUM Prolonger le jardin sauvage de Baumgarten. Taechaeon KIM Aymeric ROUOT Paul-Louis SPIRAL

L’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul occupe 3,4 hectares au milieu d’un ilôt du 14ème arrondissement. Il est constitué de bâtiments hétérogènes en état de fonctionnement, d’une grande diversité architecturale. Le bâti au sol est de 18 174 m2, le tout en surface de plancher est de 50 958 m2. Grâce à la présence de grands jardins privés mitoyens, dans le Theatrum Botanicum de la Fondation Cartier, l’ilôt compte l’une des plus grandes biodiversités de Paris avec 175 espèces de plantes, 23 espèces d’oiseaux et 117 arbres.

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De l’hôpital à aujourd’hui, historiquement, le site est depuis toujours l’écrin d’un vecteur social fort, mais c’est aussi la forme de son bâti diversifié qui crée la rencontre : petits bâtiments à échelle humaine au sud, nombreuses allées entourées d’arbres où l’on se croise, cours plus intimes ou bâtiments hauts aux toits accessibles amenant des vues. Désormais, le site est habité par Les Grands Voisins ; un regroupement d’associations qui loge les personnes sans domicile, les jeunes en difficulté, aide les Start Up à se développer et promeut le travail en communauté. Dans deux ans, les Grands Voisins devront quitter le site. La destination sociale de ce lieu s’éteindra pour laisser place à une grande opération immobilière dirigée par la mairie de Paris : 43 000 m2 de logements, 6 000 m2 d’activités / commerces, 5 000 m2 d’équipements de proximité, 6 000 m2 d’équipement d’intérêt général. Sur les 15 bâtiments différents existants, seuls 5 seront épargnés. Il y aura 4 000 m2 d’espace vert central qui s’ajouteront au jardin de la maison de retraite Marie-Thérèse et au jardin du Couvent de la Visitation - deux parcs privés inaccessibles parmi les plus grands de Paris - et au Jardin de la Fondation Cartier. L’année passée, on pouvait lire dans la presse que La Fondation Cartier souhaitait étendre de 6 000 m2 sur le site de SaintVincent-de-Paul son theatrum botanicum, un jardin sauvage « sans mauvaises herbes » imaginé par Lothar Baumgarten, comprennant un nouveau hall d’exposition, un café et une boutique.

Prolonger la dimension sociale du site Notre projet est de garder les objectifs de la mairie de Paris avec le même nombre de m2 demandé en voulant conserver le vecteur social de ce site. Cela, en gardant le bâti existant dont la forme favorise la rencontre, en proposant que le futur équipement d’intérêt général prévu puisse accueillir une MJC (maison des jeunes et de la culture). Celle-ci pourrait, à la manière des Grands Voisins, créer un lien social fort sur le site avec un grand espace couvert. Un jardin d’hiver ouvert à tous qui formerait l’extension de la Fondation Cartier avec un hall d’exposition vitré. L’objectif est de déployer l’esprit du Theatrum Botanicum sur le site de Saint-Vincent-de-Paul. Grâce à une architecture aux formes géométriques simples, une faune et une flore exceptionnelle, l’intégration de la végétation à l’architecture, le tout pour un lieu en perpétuel changement. Quelles espaces ? Premièrement, conserver les objectifs de la mairie de Paris demande évidemment de créer de la surface. En comptant les logements et toutes les activités, il faut 60 000 m2. Or la surface totale de plancher actuelle étant de 50 958 m2, il manque 9 000 m2. Ensuite, parmi les 6 000 m2 que souhaite la fondation Cartier, il ne faut pas que le Hall d’exposition mais un café, une boutique, des locaux... Disons que 3 000 m2 seront destinés au hall d’exposition souhaité qui sera hebergé par l’espace couvert et 3 000 m2 devront donc être ajoutés. En tout : 9 000 + 3 000, il faut ajouter sur les bâtiments existants 12 000 m2. Pour cela, nous nous sommes interessés aux travaux des architectes Lacaton et Vassal, notamment leurs projets d’extensions vitrées en façade de bâtiments anciens, le tout en faisant des économies par rapport au coût de destruction de ces bâtiments. Ainsi nous ajoutons une nouvelle peau sur les bâtiments les plus hauts privilégiant les expositions au Sud. Cette typologie d’habitat apporte de la lumière mais élargie aussi les bâtiments les rendant paradoxalement sombres au centre. Les extensions seront de 2 à 3 mètres d’épaisseur en fonction des bâtiments pour ne pas avoir d’appartements plus profond que 8 mètres. Le programme incitant aussi à créer des équipements scolaire et sportif, les toits des bâtiments les plus larges accueilleront une


1 Theatrum Botanicum, un jardin sauvage « sans mauvaises herbes » imaginé par Lothar Baumgarten

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au Printemps 1 Avril 2 Mai les bourgeons s’ouvrent, les feuilles se déploient, la végétation prend du volume avant la floraison

en Été 3 Juin la saison des fleurs se termine, le jardin présente à présent un vert homogène

photos extraites du site internet de la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain

en Automne 4 Septembre 5 Novembre les plantes annuelles flétrissent et se fanent, ne restent d’elles que leurs graines qui germeront au Printemps. Les vivaces, elles, font des réserves et s’apprêtent à passer l’hiver

en Hiver 6 janvier les plantes sont en dormance, cependant, on peut vite voir réapparaître à la fin de la saison, ça et là, de nouvelles feuilles, quelques fleurs, et les premières couleurs de l’année 141

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1 1 état des lieux des bâtiments existants, et de la faune et de la flore 2 extension du bâtiment Lelong en façade, aménagement des appartements

avec des doubles hauteurs, inspirés de la cité radieuse du Corbusier à Marseille 3 utilisation du toit du bâtiment Colombani pour un équipement sportif en plein air


13 m

5m

R +1

R +2

R +3

143 2 Utilisation des toits plats ayant les plus grandes surfaces pour les équipements scolaires et sportifs prévus dans le programme de la Mairie de Paris. Stade de type B (20 x 30 m) => Superficie du bâtiment Colombani

R +1 1 /100

Activités et commerces au Rdc et au premier étage.

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cour d’école et un stade. (20m par 30m, idéal pour occuper le toit du bâtiment Colombani). Le toit plat du bâtiment Pinard et les toits du CED et du bâtiment Pierre Petit accueilleront les locaux de la MJC.

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Enfin, le grand espace couvert sera matérialisé par une structure métallique de 21 mètres de haut à son maximum (hauteur du plus haut bâtiment : Lelong), dont la trame poteaux/poutres sera de 20 mètres de portée, longeur permettant d’avoir des poteaux arrivant en façade des extensions pour les allées principales, sur les bâtiments Pierre Petit, CED et Pinard. La trame des poteaux est ainsi placée pour ne pas gêner les vues et s’inscrire au mieux sur les bâtiments. L’espace est couvert par des panneaux vitrés et des pars-soleils à la manière des serres pour gérer la température du site. Les pars-soleils sont équipés de panneaux solaires pour créer de l’energie au sein du site. Chaque carré de 20 par 20 de panneaux vitrés a une hauteur adaptée à l’espace qu’il couvre. Sept mètres au-dessus du bâtiment Colombani pour le stade, 20 mètres au-dessus du CED comme toit de la MJC ou 5 mètres au-dessus de la cour de Pinard.

1

2

L’enjeu désormais est de créer une structure qui réponde le mieux à la problématique de cet espace couvert, vecteur de rencontres, et abritant toutes les activités, portant l’esprit du Theatrum Botanicum. Bibliographie BANHAM Reyner, LANDAU Royston, ALLFORD David, Cedric Price : Works II, Architectural Association Publications, 1984, 116p. CLEMENT Gilles, Le jardin en mouvement, Paris, Pandora, 1991 LACATON Anne, VASSAL Jean-Philippe, Transformation de la tour Bois-le-Prêtre 1959 / 2006, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 2006

3 Theatrum Botanicum 1 architecture aux formes géométriques simples 2 faune et flore exceptionnelle 3 intégration de la végétation à l’architecture

Projet ; galerie publique et hall couvert 4 vue sur l’espace central avec hall d’exposition pour la Fondation Cartier et jardin ouvert à tous 5 vue de la nouvelle entrée du site


CONTROLER LA LUMIERE

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1 toit rendu habitable 2 extension des bâtiments existants en façade 3 trame de poteaux disposés sur une grille orthogonale 4 les hauteurs varient en fonction

des programmes 5 panneaux vitrés et par-soleil pour mieux gérer la température 6-7 maquette de recherche pour une surface couverte active


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3

atlas référentiel 1 Fun Palace, Cedric Price 2 Station Z, Werner Sobek 3 Fun Palace, Cedric Price 4 École d’architecture de Roubaix, Lacaton Vassal

5 FRAC Dunkerque, Lacaton Vassal 6 Art Mill Museum Doha, Lacaton Vassal 7 Second Home, SelgasCano 8 JVC Omnilife Headquarters, Jean Nouvel

7

8


UTOPIE RÉALISÉE Questionner la biodiversité pour favoriser les échanges sociaux. Tina EMAM Arda KORAY Hoyeon HWANG Eléonore MARC

150

D’après Michel Foucault, une hétérotopie est une forme d’utopie réalisée, définie dans un lieu « localisable » à l’intérieur duquel tous les autres emplacements réels sont à la fois représentés, contestés, inversés (cf. «le château des Pyrénées»1959 - René Magritte). Nous portons un intérêt pour la place des affiches, omniprésentes sur le site de Saint- Vincent-de-Paul. Elles nous permettent une lecture du site et de ses usages. Après avoir classé ces affiches en plusieurs catégories, on réussit à lire la présence de diverses populations : les coordinateurs du projet (Aurore, Yes We Camp, Plateau Urbain), une population exclue, maintenue sur le site (hébergement d’urgence, foyer de travailleurs étrangers...), des résidences d’artistes, des jeunes entreprises. Le lieu est également dynamisé par son ouverture au public. D’autre part, on constate tout un intérêt pour le naturel, la place du végétal à travers des micro-constructions (serre aquaponique, à semis, poulailler, compostes, buttes de permaculture, ruches ...). De ce constat, s’est introduit la notion de sociobiodiversité . Nous conditionnons et définissons celleci par la pluralité de groupes sociaux, mais également de leurs statuts sur le site: diverses manières d’habiter (camping/résidence/ habitat d’urgence) , de travailler (bénévolat/entrepreneuriat/salariat) et de vivre. D’autre part, la biodiversité est caractérisée par la variabilité des êtres vivants de toutes origines et par son complexe écologique (cf. insee). Le projet est cette utopie qui est réalisée, que l’on va tenter de réinterpréter et de rendre plus pérenne ? Comment pourrait-il y avoir une symbiose entre cette sociodiversité, cette biodiversité et la situation existante ? Notre hypothèse Ce lieu, que l’on a observé doit devenir cette sorte d’utopie réalisée avec une relation particulière entre cette diversité de classe sociale, et une présence du végétal/ de l’agriculture, à différents niveaux, à la fois l’agriculture plus ou moins intensive, à la fois dans du jardinage, à la fois dans le maraîchage... Comment notre société s’intéresse à ces questions aujourd’hui : ce retour de la nature en ville ? On retrace

alors l’histoire de l’agriculture urbaine à travers les jardins ouvriers, les premiers jardins communautaires et à des exemples comme les villes de Détroit et Todmorden qui, en situation de crise, cultivent leur propre nourriture. Cette agriculture urbaine est porteuse de lien social, de notion de partage, d’une dimension économique et de questions écologiques. Solutions architecturales envisagées Pour parvenir à notre hypothèse, nous proposons d’investir tout le site sous de grandes serres répondants à la trame des bâtiments existants. On se réfère aux atmosphères des serres du XIXeme et de la structure des serres hollandaises pour y implanter ces programmes d’espaces partagés. Des plugs viennent dynamiser et faire fonctionner l’ensemble des serres , ils sont à la fois des lieux de rencontres : café, ateliers pédagogiques, cuisine partagée ... mais également espaces de logistique. De plus, des émergences verticales s’implantent dans la trame afin de densifier par du logement et des espaces plus privés. Bibliographie FOUCAULT Michel, Des espaces autres, Hétérotopies, Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 4649 CHOAY Françoise, La règle et le modèle, Sur la théorie de l’architecture et de l’urbanisme, Paris, Le Seuil, 1980 DION Cyril, LAURENT Mélanie, Demain, (film documentaire), 2015

Définition «Utopie réalisée»

D’après Michel Foucault, Hétérotopies = sortes d’utop lieux « localisables » à l’int emplacements réels sont à la inversés.

6 grands principes: 1. elles « sont une constant 2. elles varient dans le tem 3. elles ont le pouvoir de j lieu plusieurs espaces en eu 4. elles ont un rapport au nie) 5. elles supposent un systèm qui les isole et les rend pé 6. elles ont une fonction pa

cf. Michel Foucault, « Des espaces a architecturales, 14 mars 1967),in Ar octobre 1984, pp. 46-49, Dits et écrits II, 1976-1988, Quarto cf. «le château des pyrénées» - 1959 rené magritte

« Le Château des Pyrénées », René Magritte, 1959


DES CULTURES, DES VILLES Affiches artistiques

Informations pour résidents

DES CULTURES, DES VILLES S CULTURES, DES VILLES

, DES VILLES Petites annonces

Gestes communs

Règles pour résidents

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sociodiversité

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Regles «vivre ensemble»

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Evénements

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1 2 3 4 5

règles de vivre ensemble événements/expositions indication/nomination endroits anciennes affiches de l’hôpital petites annonces

9 6 7 8 9

informations pour les résidents règles pour les résidents sensibilisation à la biodiversité indication des gestes communs


produire autrement

produire autrem

produire autrement 1

2 Ancienne serre de l’hopital

préservée Site Saint-vincent-de-Paul

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3

4 produire autrement 1 serre aquaponique en lien avec Philémon de la Paillasse Paris, nous avons imaginé une serre entièrement dédiée à l’aquaponie, la culture hydroponique associée à l’élevage des poissons, dans un système en boucle à semis de l’hôpital préservée

vivre autrement les espaces du camping : 6 lieu de rencontre 7 terrasse et mobilier extérieur 8 cabane de camping 9 les tentes sur l’estrade

Site Saint-vincent-de-Paul

vivre autrement vivre autrement

Site Saint-vincent-de-Paul

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cultiver cultiver

5

Se nourrir 7

8 7 « Les 48 heures de l’Agriculture Urbaine » 8 permaculture 9 potager partagé 10 ateliers participatifs 11 cuisine extérieure 12 restauration sur site 13 bar « la Lingerie »

9

les Site photosSaint-vincent-de-Paul de cette double-page sont extraites du blog des Grands Voisins mis en ligne par l’association Yes We Camp

Se nourrir 153

Se nourrir Site Saint-vincent-de-Paul Site Saint-vincent-de-Paul

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Se nourrir

Site Saint-vincent-de-Paul

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Site Saint-vincent-de-Paul

Site Saint-vincent-de-Paul


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Durabilité environnementale

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Agriculture urbaine Agriculture urbaine

Socio-diversité Sociodiversité Biodiversité Bio-diversité

diagramme programmatique

diagramme programmatique

3

4

5 Dynamisme des serres

1 collage exploratoire 2 sociodiversité / biodiversité 3 agriculture urbaine 4 durabilité environnementale 5 l’ensemble du site est recouvert par des serres

6 processus de recherche sur la trame des serres 7 la serre et ses usages 8 stratégie de projet au regard des parcelles mitoyennes 9 axonométrie éclatée


trame regulière

alignement de la trame aux batiments existants

Restructuration

Emergences

6 Processus de recherche sur la trame

Flexibilité des programmes

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diagramme programmatique

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axon écla Couloir de biodiversité

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PLAN MASSE 1/1000

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1

1 plan d’inscription du projet en relation aux parcelles mitoyennes 2 perspective figurant une insertion de la serre dans sa relation aux bâtiments existants, à gauche, la Chaufferie

2

3 axonométrie du projet en relation aux parcelles mitoyennes 4 coupe transversale du projet


Hétérotopies=

sortes d’utopies effectivement réalisées lieux«localisables» àl’intérieur desquels tous les autres emplacements réels sont à la fois représentés, contestés, inversés.

premiers jardins communautaires

jardins ouvriers «liz christy community garden» / new york / 1973-aujourd’hui

axonométrie

157 3

dins, mais elle ne va pas remplacer l’agriculture rurale. Les deux doivent marcher main dans la main. Les zones urbaines, périurbaines et rurales doivent toutes produire de la nourriture. C’est assez logique, la majorité de la population mondiale étant concentrée dans les zones urbaines, que la nourriture pousse plus près de là où les gens vivent. Et c’est meilleur pour l’environnement. Aux USA, la nourriture parcourt en moyenne 2400 kilomètres entre là où elle pousse et là où elle est consommée. L’impact écolo-

Malik yakini, co-gérant

« il y a beaucoup de romantisme autour de l’agriculture urbaine. C’est le nouveau truc sexy, non ? Ça n’a rien de neuf, mais beaucoup voient ça comme un nouveau moyen de faire revivre les villes et c’est exactement ça. Le potentiel est immense. Mais ce romantisme qui l’entoure, c’est très loin de la réalité du travail qu’il faut fournir. Voila pourquoi je dis parfois que les fermes urbaines, ça à l’air génial sur une présentation PowerPoint. L’agriculture urbaine a un grand potentiel...pour nourrir les cita-

serre hollandaise

gique est phénoménal. »

DEMAIN, Cyril DION & Mélanie LAURENT, 2015

Tina EMAM

PLAN RDC 1/250

utopie Socio-diversité réalisée Bio-diversité

ine

Arda Durabilité environnementale ENSAPM - Visions périphériques

KORAY 2016-2017 Eléonore MARC

axonométrie eclatée

enseignants: Anne-Mie Depuydt + Thierry Mandoul - P5

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Hoyeon HWANG LES GRANDS VOISINS, PARIS 75014

cf. «le château des pyrénées» - 1959 - rené magritte

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D’après Michel Foucault,

Hétérotopies=

sortes d’utopies effectivement réalisées durabilité lieux«localisables» àl’intérieur envrionnementale desquels tous les autres emplacements réels sont à la fois représentés, contestés, inversés.

premiers jardins communautaires

ja «liz christy community garden» / new york / 1973-aujourd’hui

jardins ouvriers

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axonométrie

trame de serre


PLAN RDC 1/250

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1


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2 1 plan des rez-dechaussÊes figurant l’occupation possible des sols

2 maquette du projet


1

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5

atlas référentiel 1 FRAC Dunkerque, Lacaton Vassal 2 Serre 3 Maison-serre, SaintMars-de-Coutais 4 Collège Pierre Gilles de Gennes, TOA 5 Second Home, SelgasCano 6 Aménagement d’un quartier de Dublin, Lacaton Vassal 7 Joolz headquarters Amsterdam, Space Encounters

2

6


3

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4

7


Bibliographie indicative BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Paris, Actes Sud, 2006

JACOBS Jane, Déclin et survie des grandes villes américaines, Mardaga, 1995

BOUCHAIN Patrick, Simone et Lucien Kroll, une Architecture Habitée, 2013

KROLL Lucien, The Architecture of Complexicity, MIT Press, 1987

CHASE John, CRAWFORD Margaret, KALISKI John, Everyday Urbanism: Featuring John Chase, Margaret Crawford, Monacelli Press, 1999

MEDA Dominique, Le travail, 5e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2015

CHOAY Françoise, La règle et le modèle, Sur la théorie de l’architecture et de l’urbanisme, Paris, Le Seuil, 1980 CRAWFORD Margaret, SPEAKS Michael, MEHROTRA Rahul, Everyday urbanism: Margaret Crawford vs. Michael Speaks, University of Michigan, A. Alfred Taubman College of Architecture, 2005

MEHROTRA Rahul, VERA Felipe, MAYORAL José, Ephemeral Urbanism, ListLab Laboratorio Internazionale di Strategie Editoriali, 2017 PEREC Georges, Les Choses, Paris, 1965 SOULIER Nicolas, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde et pistes d’action, Paris: Ulmer, 2012

CRAWFORD Matthew B., Eloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail, éd. La Découverte, 2010

ROSA Marcos, WEILAND Ute, Handmade Urbanism: From Community Initiatives to Participatory Models : Mumbai, São Paulo, Istanbul, Mexico City, Cape Town, Jovis, 2013

DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire, Gallimard, 1990

SENETT Richard, Ce que sait la main : La culture de l’artisanat, éd. Albin Michel, 2010

FOUCAULT Michel, Des espaces autres, Hétérotopies, Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984



P5 VISIONS PÉRIPHÉRIQUES Enseignement du projet Licence P5 1er semestre ENSA Paris-Malaquais 2016-2017 Enseignants Anne Mie DEPUYDT et Thierry MANDOUL avec Maya NEMETA Étudiants Evgenia AFANASYEVA, Louis ALLART, Guillaume BALDY, Agnès BANG, Clément BILLARD, Justine DAVEINE, Tina EMAM, Céline EPSTEIN, Petru GANGURA, Céline GOURVIL, Mathilde HENAUX, Gautier HENNETON, Hoyeon HWANG, Taechaeon KIM, Arda KORAY, Guillaume LEMOINE, Mathilde LHOPITALIER, Verena LOPES, Eléonore MARC, Pauline MARETTE, Pietro MARIAT, Laury-Anne NOLLET, Maëlle PALUMBO, Marguerite RENAUDIN, Aymeric ROUOT, Augustin SAUZEY, Vanessa SEAIBY, Paul-Louis SPIRAL, Xinyu YAN Ouvrage réalisé dans le cadre des séances de TD Coordination Maya NEMETA Enseignants du P5 : Thierry MANDOUL coordonnateur, Arnaud BICAL, Anne Mie DEPUYDT, Bruno HUBERT, Sandra PLANCHEZ, Joanne VAJDA, enseignants du projet P5 Les Grands Voisins - site de Saint-Vincent-de-Paul 75014 Paris ENSA Paris-Malaquais, 14 rue Bonaparte, 75006 Paris


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