Master Thesis

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NEW

URBAN

UNITS

Re ch e r ch e d e n o u ve a u x d i s p o s i t i f s urbains pour la ville contemporaine

MASTER THESIS 2009_2011 Master Stratégies et pratiques avancées Marie-Charlotte Dalin Sous la direction de Christophe Widerski, Ēcole Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon (ENSAL) et Vesta Nele Zareh, Laboratory for Integrative Architecture, Technische Universität Berlin (LIA)


SOMMAIRE 07

Introduction

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Problématique

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Méthodologie et stratégie

13

Définitions

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01_ Nouveau territoire de projet

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02_ Nouveau substrat urbain

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021_ Maille non-structurée et formes autonomes

24

022_ Substance diluée

26

023_ Formes introverties

34

024_ Sur-expression programmatique et diversité scalaire

36

025_ Discontinité

41

03_ Nouvelles échelles d’intervention

44

031_ Nouvelles figures représentatives

48

032_ Nouveau fournisseur d’urbanité

55

04_ Nouvelles propriétés d’urbanité

56

041_ Diversité scalaire agencée

60

042_ Unité environnemetale intégrante

63

05_ Nouvelles configurations spatiales

65

051_ Non-exhaustivité programmatique

65

052_ Diversité scalaire

66

053_ Transpositon d’échelles

67

054_ Non-hiérarchisation fonctionnelle

67

055_ Contiguïté physique

68

056_ Contiguïté visuelle

68

057_ Forme ouverte

97

Conclusion

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Bibliographie


RÉSUMÉ L’urbain a bien changé. La ville contemporaine d’aujourd’hui offre une structure complètement différente de la ville traditionnelle dense, qu’il convient de considérer. Les logiques de l’espace changent et l’urbanité qui lui est associée prend un nouveau sens. Masse bâtie et tissu sont absents de l’aire suburbaine qui constitue une grande partie de la surface des métropoles actuelles. Les formes de la ville prennent leur autonomie. Tous les programmes sont explosés dans des capsules monofonctionnelles, exprimant sans retenue leur contenu. De nouvelles échelles apparaissent. Ces unités, réparties sans principe hiérarchique ou compositionnel, offrent un système spatial et architectural introverti. Leur relation uniquement topologique, et leur monofonctionnalisme, empêchent toute contiguïté et ainsi toute co-présence de pratiques différentes. Devant cette nouvelle matière urbaine, qui semble certes exprimer une absence de pensée organisationnelle de la ville, l’urbanité renouvelée revêt de nouveaux caractères. Les interventions de ce futur territoire de développement doivent aussi trouver de nouvelles règles. Il faut alors se détacher des langages provenant de l’urbanisme traditionnel, qui essaieraient de recoudre une masse inexistante et de réinvestir une rue où le piéton est absent. Mais alors, si on ne peut pas compter sur l’échelle d’intervention urbaine pour créer la ville, ne faut-il pas trouver de “nouvelles figures représentatives”, de nouvelles unités de pensée de la ville? Le phénomène des “malls”, centralités actuelles du territoire métropolitain, dénonce clairement la prise en charge de l’urbain par l’unité bâtie. Il semble que l’urbain se fraye de nouveaux chemins, et que face à l’autonomie grandissante des formes, l’unité d’intervention bâtie se pare de nouveaux enjeux. Pourvues de ces objectifs, les unités d’intervention bâties doivent acquérir de nouvelles qualités pour prendre part à la constitution et à l’amélioration du territoire urbanisé. Elles doivent mettre en co-présence et agencer une diversité d’échelles de programmes, qui ayant pris leur autonomie, ne sont plus contenues dans une forme cohérente urbaine multi programmatique, et donc de populations aux pratiques différentes. Ceci tout en proposant, non pas, un système autosuffisant insulaire, fermé à son environnement, mais prenant part, plutôt, à l’enrichissement de l’environnement urbain proche et s’installant dans un système relationnel de polarités, aux apports fonctionnels complémentaires. La mise en place des propriétés renouvelées des unités de la ville, passe par la recherche de nouvelles typologies et de nouveaux dispositifs spatiaux.

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INTRODUCTION ET OBJET DE L’ÉTUDE Le travail de recherche présenté dans ce mémoire, souhaite aborder le vaste et complexe sujet de l’urbain, plus précisément sous l’angle du projet. Il s’agit de s’interroger sur comment projeter l’urbain ; question qui taraude nos esprits de concepteurs d’espaces et de villes. Où et comment intervenir dans le territoire urbanisé? De tout temps, cette question s’est posée aux architectes et urbanistes. Et même si elle n’a pas toujours guidé le développement des villes, les enjeux politiques et économiques primant, elle a toujours, au final, été inhérente à leurs desseins. La réponse associée ayant évolué au fil des siècles, la société changeant, la ville prenant de nouvelles formes, la matière urbaine de nouvelles qualités et l’urbanité de nouveaux sens. Aujourd’hui, il semble tout à fait pertinent de se poser la question encore une fois. Car les villes contemporaines, éternellement tributaires de la ville moderne, interrogent toujours la qualité de l’urbain d’aujourd’hui et de celui à venir. En sa position toute modeste de mémoire de master, ce travail souhaite essayer de s’y attarder un peu, l’objectif étant de parvenir à stimuler quelques pistes de réflexions pour les éventuels projets à venir. Il ne prétend pas faire de révélations, mais propose un regard parmi d’autres sur le sujet traité. La recherche se limitera à la question de l’urbain en termes de qualités spatiales et d’urbanité qui sont intimement liées. La démarche du travail sera donc dans un premier temps d’observer la matière urbaine actuelle sous un regard nouveau afin de cerner ses caractéristiques. Une fois explicitées, celles-ci orienteront la recherche de qualités d’intervention et de dispositifs urbains pour la ville contemporaine à venir.


PROBLÉMATIQUE Dans le but de tenter d’aborder et de répondre partiellement à la vaste et générale question soulevée en introduction (comment faire de l’urbain dans le territoire actuel?), la recherche amorcée par ce mémoire souhaite plus précisement soulever les interrogations suivantes : Quelles sont les nouvelles formes urbaines à penser pour la ville contemporaine? / Quelles peuvent être les qualités des interventions urbaines à venir? L’objectif inhérent à l’investigation étant de trouver des références de formes d’intervention et de dispositifs spatiaux pour la ville future. > Dans un premier temps, le travail introduira, la question de savoir : Où intervenir dans le territoire? / Avec quels enjeux? > Dans un deuxième temps, l’analyse consistera à faire état de la qualité du substrat de la ville d’aujourd’hui, en se demandant : Qu’en est-il de l’urbain? / En quoi consiste le territoire urbanisé? / Quelles sont les qualités intrinsèques, mais aussi les maux et les déficits de celui-ci? Ainsi, un constat sur le territoire actuel aura pour objectif de dégager les qualités de l’urbain qui conditionnent le développement de la ville contemporaine, et permettra de ce fait de se demander : Comment intervenir? > Dans un troisième temps, nous poserons la question de l’échelle de conception et d’intervention. A quelle échelle est-il légitime de penser et faire l’urbain aujourd’hui? Nos standards de l’urbain sont-ils toujours et les systèmes de planification traditionnels sont-il toujours d’actualité? Les formes d’intervention actuellement développées répondent-elles de manière pertinente au nouveau substrat de la ville? Quelle est la nouvelle forme urbaine? Le travail proposera de s’intérroger sur la légitimité éventuelle d’opérer à l’échelle d’unités d’intervention bâties autonomes. Ne paraissentelles pas plus judicieuses face aux caractériques de développement spatial de la ville contemporaine? > Dans un quatrième temps, nous définirons au vu des caractères de l’urbain explicités dans la première partie, les qualités d’une intervention qualifiée d’urbaine dans le contexte de nos métropoles contemporaines. > Et dans un cinquième et dernier temps, l’observation typologique de cas sélectionnés permettra de questionner la mise en place possible de ces qualités. Nous chercherons à déterminer : Quels critères spatiaux et quelles qualités typologiques peuvent permettre la mise en place des caractères définis précédemment?

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STRATÉGIE ET MÉTHODE

Approche générale de la recherche L’objectif général du travail est de déterminer les qualités et les propriétés de nouvelles interventions urbaines, sans pour autant les incarner dans un type précis de projet. Cette partie de la conception reste à l’appréciation des architectes. Les projets observés en dernière partie du mémoire, sont présentés exclusivement comme un support d’observation de quelques propriétés spatiales. Ainsi, le mémoire veut révéler des qualités transposables et non pas donner d’image figurative de projets qui répondraient aux questions émises, ceux-ci n’existant de toute façon pas. L’étude souhaite examiner la question de l’intervention urbaine à ces différentes échelles de réflexion : Où, dans quel milieu intervenir? (qualités du substrat urbain) / Sous quelle forme? (échelle de unité d’intervention) / Quelles propriétés urbaines mises en place? (qualités d’urbanité) / Avec quel type de dispositif spatial ? (qualités spatiales). Les propositions de chacune d’elles permettant d’orienter la suivante, sans pour autant la limiter, et l’ensemble conduisant à un plus grand degré de précision. Chaque étape n’est pas la réponse juste et unique aux résultats émis dans l’étape précédente, mais elle en est une formulation de solutions parmi d’autres, ainsi qu’un approfondissement.

Ētude typologique Le travail ne propose pas une étude de cas qui ferait la démonstration de ce que qu’avance le mémoire, qui se base d’avantage sur la synthèse d’apports théoriques pour élaborer les postulats émis dans les différentes parties. Il est plutôt question d’une étude typologique, qui permettra de réaliser des observations à l’échelle du dispositif spatial dans la dernière étape du travail. Cette approche est envisagée comme un tremplin vers la projetation et l’expérimentation de principes d’agencement.


Limitation du sujet Le mémoire ne souhaite pas étudier les interventions relatives à l’installation d’usages et de pratiques non programmés, d’interventions légères et dispersées à caractère évènementiel, spontané ou artistique, ou de type micro espaces publics. Nous n’excluons pas le fait qu’elles fassent partie du système urbain actuel et ne nous ne nions pas qu’elles aient un pouvoir d’urbanité parfois bien supérieur aux interventions architecturales et urbaines plus conventionnelles. Mais il est choisi néanmoins de s’intéresser uniquement à ces dernières, car la production immobilière se perpétue irrémédiablement, et c’est justement son poids dans la qualité de l’urbain et sa pérennité, qui rend sa qualité encore plus cruciale. Le travail s’abrogera également de toutes questions d’ordre économique, politique et social pour se concentrer uniquement sur le sujet de la production de l’espace de la ville.

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01_ TERRITOIRE DE PROJET

1 Rem Koolhaas, La grande ville, Architecture d’Aujourd’hui, 1986.

La ville que l’on a aujourd’hui, la ville avec laquelle il faut se débrouiller, serait plutôt faite de fragments, de bribes de modernité. [...] Elle offre de nouveaux thèmes de travail. On peut y confronter des bâtiments d’époques et de spatialités diverses. On peut aussi apprendre à y jouer d’un substrat qui n’a plus rien de naturel et mélange le projet au projet.1

L’ “urban sprawling”, ou le phénomène d’étalement urbain, est bien connu de tous. Il se définit comme l’étalement de la matière urbaine depuis le centre dense, jusqu’à sa dispersion dans le territoire périphérique suburbain. Ce phénomène a pris toute son importance depuis l’aprèsguerre, en particulier dans l’incarnation du mouvement moderne fonctionnaliste, qui envisageait la ville nouvelle comme une succession de zones monofonctionnelles indépendantes connectées entre elles par le seul moyen de la voiture. Le fait est que cette production du territoire urbain, qui a concerné la majeure partie des grandes villes européennes, et qui, depuis quelques années déjà, fait l’objet de vives critiques, perdure encore aujourd’hui; l’extension pavillonnaire poursuivant irrémédiablement dans cette voie.

2 Fumihiko Maki, Hidetoshi Ohno, Fiber city Tokyo 2050, JA 63.

Face aux questions de la décroissance et du développement durable de l’environnement urbain, les récentes visions de la ville proposées appellent à une façon de projeter moins extensive. Dans son projet “Fiber City”, F. Maki explique qu’il ne faut plus “inventer” mais “éditer” la matière urbaine déjà existante : “From inventing to intervening, or editing”. The act of creation is not just an intervention from nothing, but an intervention in a preexisting context, or a rearrangement of elements. It is, in other words, a kind of editing. 2 Dans la projection de la ville future, nous devons donc envisager le réarrangement et l’amélioration de ce qui a déjà été occasionné. Et le produit de l’étalement urbain, qui finalement consiste en l’aire suburbaine des métropoles contemporaines, fait partie du lot des territoires à repenser dans une prospective d’urbanité durable. Car c’est par lui que la ville prend toute sa dimension métropolitaine, non seulement en matière de surface, mais également quant à sa qualité. C’est lui qui apporte les nouveaux programmes de la ville contemporaine, et un nouveau type d’urbanité, que nous décrirons partiellement dans la prochaine partie. Si la ville arrête de s’étendre, et qu’elle se transforme à l’intérieur de ses propres limites, la qualité de l’urbain de cette ville contemporaine représente un enjeu considérable dans l’avenir de notre territoire.


Néanmoins le suburbain a souvent été négligé dans la production architecturale et urbaine. Et aujourd’hui encore, bien que les projets de consultation internationale et les concours d’idées tels que “Europan”, le “Grands-Paris” ou “Reburbia” s’orientent vers ce type de territoire, il n’est toujours pas considéré comme un lieu privilégié de projet. While the contemporary city remains everywhere and always seen, it is fully transparent to the urban conceptions under which we continue to operate. 3

Mais le principal problème réside dans le fait que, non seulement il est estimé comme un territoire sans qualité, mais surtout qu’il n’est souvent pas considéré comme un territoire à part entière, mais plutôt comme un sousproduit de la ville dense. Au regard de l’urbain traditionnel, ce territoire apparaît comme une dégénérescence de la ville historique, et ses qualités, qui s’apparentent plus à des défauts, sont constamment présentées en référence à cette dernière. On parle souvent de “distension du tissu urbain” ou encore de sa “déstructuration”, de sa “fragmentation”. Mais peut-être est-il temps de ne plus considérer le territoire suburbain comme une sous-forme de l’urbain, mais plutôt comme un nouveau substrat qui propose des qualités et des logiques spatiales autres. The contemporary city is, for the most part, understood as a sub-set of known urban conventions in the process of formation. Read as a literal extension of the conventional prewar urban core – as a sub-urb – it is implicitly understood to carry, in premature formation, the qualities and characteristics of the more mature form of urbanism found in the core. Yet, as suburban growth continues, it is apparent that the urban/sub-urban dynamic is failing. Contemporary urban development is not sub-development, rather it is alter-development. As time passes, and the sheer size of new construction approaches a critical mass, it becomes less and less plausible to regard the contemporary city in a subordinate relation to anything at all. It must finally be recognized that new development is less an extension or outgrowth of the core than a unique organism, presently at the brink of overwhelming its host.

3 Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.

4 Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.

As a form of parasite, the contemporary city possesses characteristics completely alien to its conventional urban sponsor. What was yesterday an innocuous extension of conventional form today turns out to be, not a ‘sub-urb’, but an entirely unprecedented type of urban development. It is necessary to separate this new parasitic city from its identification with the host, from its conceptual moorings as mere urban supplement and, after nearly fifty years of construction, attempt to raise it into discourse. 4

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Alors, comment envisager le suburbain comme le territoire de développement de la métropole future ? Ce travail ambitionne de considérer cette portion de l’aire urbanisée comme une matière à projet, et de soulever les questions relatives à la projection dans ce type de territoire. Et dans un premier temps, il convient de changer son regard. La deuxième partie de ce mémoire souhaitera ainsi observer le territoire suburbain pour ses qualités objectives intrinsèques. Il s’agira de révéler les caractéristiques propres du substrat, qui incarneront les nouvelles logiques à suivre pour la pensée de la ville future. Cette appréciation plus objective ne souhaite pas nier les défauts et déficits de cette matière urbaine, mais au contraire souhaite les révéler pour les intégrer dans la pensée du projet. Il n’est pas désiré voir tout en noir ou tout en blanc, mais finalement envisager ce territoire dans tout son paradoxe, de défauts et qualités émergentes. Ainsi l’aire de la ville contemporaine peut être considérée comme un nouveau substrat de l’urbain, et envisagée comme un lieu d’expérimentation. 5 Jacques Lucan citant R. Venturi dans Learning from Las Vegas, 1977, Composition, non-composition, Architecture et théories, XIXe-XXe siècles, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2009.

“ […] c’est peut-être dans le paysage quotidien, vulgaire et dédaigné, que nous trouverons l’ordre complexe et contradictoire dont notre architecture a un besoin vital pour former des ensembles intégrés au cadre urbain.” Il est donc impossible de fermer les yeux sur l’univers des banlieues et autres périphéries urbaines, sur ce que Venturi nommera “l’étalement spatial” (spatial sprawl), et dont il fera l’exact opposé de l’espace clos de la ville (italienne). Dans un mouvement que l’on pourrait considérer inverse de son investigation romaine, c’est à Las Vegas que Venturi va chercher la compréhension du “rand espace ouvert” (large open space), d’un type nouveau de forme urbaine qui émerge en Amérique et en Europe et qui est radicalement différent de celui que nous avons connu auparavant. 5


02_ NOUVEAU SUBSTRAT URBAIN Afin de cerner les enjeux relatifs aux interventions urbaines à venir, il convient dans un premier temps de faire état de l’urbain d’aujourd’hui. La métropole contemporaine, voici la matière à projet. Car de nos jours, il ne s’agit plus d’envisager d’écrire encore la ville, mais plutôt de faire avec ce qui a déjà été produit. Alors, qu’en est-il de la matière urbaine de nos métropole? Quelles sont les qualités du substrat urbain avec lequel les architectes et urbanistes doivent travailler aujourd’hui ? Et puis, quels sont les problèmes à gérer, les manques à pallier pour améliorer la qualité de notre environnement urbain? Plus encore, l’urbanité prend-elle un nouveau sens? L’objet d’étude de cette partie du mémoire est de cerner les qualités spatiales et organisationnelles de la ville contemporaine ainsi que l’urbanité qui lui est associée. Ceci de manière à relever ses propriétés propres et intrinsèques, qu’elles soient originaires ou non, de ce qui pourrait être considéré comme un déficit ou un défaut. Il ne s’agira donc pas de s’éterniser sur une description détaillée de ce territoire, ce qui a d’ailleurs été fait plus d’une fois par d’autres plus experts, mais plutôt de cerner clairement ses caractéristiques constituantes, qui conditionnent toutes les interventions éventuelles qui pourraient y être occasionnées. Et ainsi les éléments riches à utiliser et les déficits à combler si l’on veut y développer un avenir urbain.

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A Extrait de tissus urbains de Paris (en haut) et Lyon (en bas), en centre ancien (à gauche) et en périphérie (à droite).


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021_ Tissu non-structuré et formes autonomes 6 Rem Koolhaas, Stefano Boeri, Mutations, Actar, 2001.

Les régions ‘de ville diffuse’ et les zones de “relâchement des liens” [se rapportant aux grandes zones industrielles et aux grands services urbains de la ville du XIXe siècle] semblent conjointement configurer une société urbaine qui, au prix de déchirements et de « vides » internes, a physiquement et de manière désordonnée conquis une nouvelle dimension géographique. […] Ainsi, de nombreux territoires de l’Europe contemporaine s’apparentent-ils aujourd’hui à une unique grande conurbation indistincte, résultat chaotique d’une société urbaine privée de hiérarchie et de règles d’établissement. […] La plupart des phénomènes d’extension et de diffusion de l’urbain n’ont en effet pas été réalisés par l’ajout de nouvelles parties homogènes, de “grands projets unitaires”, mais par la répétition intensive de petits « bonds » édilitaires non synchrones et souvent privés de toute logique combinatoire. 6

La ville contemporaine est qualifiée de “générique”, ou encore d’ “autoproduite”. Il est vrai que son processus de développement pourrait se résumer à l’ajout successif et non contrôlé de “pans individués” de territoire, au cours de ces dernières décennies. En effet, depuis l’aire industrielle du XIXe jusqu’à l’extension pavillonnaire actuelle, en passant par l’essor des grands ensembles, et des zones commerciales durant la période d’après-guerre; l’urbanisation de notre territoire s’est effectuée par l’adjonction non coordonnée de ces zones. Des secteurs monofonctionnels au langage répétitif, et aux principes d’agencement uniquement fondés sur la desserte. Ainsi la ville se construisant d’elle-même, n’ayant pas de principe organisationnel de son ensemble, hormis celui de l’intégration fonctionnelle et de la connectivité, le substrat urbain contemporain se présente sous une spatialité non-structurée, non-composée, tant au niveau de l’organisation du tissu qu’au niveau de la forme urbaine qui le compose. Aucune règle compositionnelle d’assemblage des formes et des objets urbains ne prévaut. Nous sommes donc bien loin de la ville traditionnelle, où la trame urbaine intègre en son sein l’agencement des formes urbaines et architecturales, entre elles et par rapport à l’ensemble urbain. Ici, les objets constituants de la ville sont autonomes, et n’appartiennent à aucun ordre supérieur qui régisse l’agencement d’un quelconque ensemble.

Dans l’introduction de “La Città di Padova”, Aldo Rossi rejette l’idée que l’architecture puisse être divisée entre ancienne et moderne. Il pose cependant la nécessité de l’étude sur la ville contemporaine, celle-


ci pouvant être “une agrégation construite différente de celles qui ont précédé.” Il se demande même si le rapport entre typologie architecturale et morphologie urbaine subsiste encore face à “la perte d’une forme générale de la ville, intelligible et reconnaissable dans l’ensemble et dans les parties.” 7 En outre, à ce substrat urbain non hiérarchisé, s’associe une pratique de l’espace de qualité identique. Ascher parle de la “ville à la carte”8, où tout le monde peut accéder à tout très vite et directement. Des recherches, plus récentes encore, montrent que le développement des mobilités se traduit par l’émergence d’une “ville au choix” qui est aussi une ville par points et une ville des appartenances multiples. Les territoires urbains contemporains permettent en effet aux individus de desserrer les contraintes que font peser les groupes d’appartenance et leur donnent la possibilité de se construire un univers relationnel qui leur soit propre, élargissant par ce biais, la variété des choix et des perspectives.

7 Jacques Lucan citant R. Venturi dans Learning from Las Vegas, 1977, Composition, non-composition, Architecture et théories, XIXe-XXe siècles, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2009.

8 François Ascher, L’âge des métapoles, Odile Jacob, 2009.

Face à cette matière, nos logiques d’agencement spatial sont réévaluées. Les penseurs de ville ne devraient-ils pas intégrer cette non-hiérarchisation des espaces de la ville et de sa pratique dans leur conception? Ce territoire nous propose un système plus ouvert de juxtaposition d’éléments urbains non-hiérarchisés. Les différents composants de la ville, indépendants les uns des autres, font tous directement face au grand territoire auquel ils sont connectés. Si l’urbain échoue n’est-ce donc pas à l’intérieur de ces unités qu’il faut penser la ville ? L’urbain ne prendrait-il pas place dans ces nouvelles pièces territoriales ? Si nous devons adhérer à une structuration de l’ensemble urbain, un dispositif organisationnel ne pourrait-il pas avoir lieu à une autre échelle ? Devrionsnous nous contenter d’un dispositif d’agencement à une plus petite échelle d’intervention ? Ne faut-il pas appréhender l’urbain, sa complexité et sa richesse à une autre échelle de projet ?

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022_ Substance diluée

9 Jean-Samuel Bordreuil, Changement d’échelle urbaine et/ou changement de formes, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

[..] des “plates-formes”, qui, d’une part consomment intrinsèquement énormément d’espace, et d’autre part en consomment encore plus “extrinsèquement” : le vide environnant est leur élément de prédilection, leur site idoine, soit pour manifester leur puissance (grandes surfaces ; entreprises high-tech, qui indexent leur grandeur en affichant leur capacité à avoir “pignon sur parc”, de préférence paysagé) soit comme signe d’ascension sociale. [...] Si quelque chose a changé ce n’est donc pas que, désormais, la ville se produirait d’ellemême, c’est que les formes spatiales produites par cette automaticité ont changé de principe structurant : bien des fonctions urbaines (à commencer par celle de l’habiter) cherchent et trouvent le principe de leur plein exercice dans l’écart plutôt que dans le rapprochement. 9

En réalité, s’il existe un précepte à l’agencement des objets urbains de la ville contemporaine, autre que celui de la connectivité, il semble que ce soit le principe d’écartement. En effet, dans cet endroit de la métropole, l’espace paraissant disponible en quantité illimitée, chacun s’installe en s’entourant d’un grand espace vide pour gérer sa confrontation à l’autre avoisinant. Et de cette logique d’espacement, s’en résulte une quantité de vide important qui préfigure la matière urbaine. Le substrat de la ville contemporaine se trouve complètement dilué. Et là encore une fois, la pensée traditionnelle de l’espace de la ville, est remise en question. C’est cette longue durée de la posture urbanistique que la ville diluée prend de court. La forme ne peut plus s’y appuyer sur son autre pour le tenir à distance. Elle se trouve suspendue dans le vide, dans une position archaïque. 10 Jean-Samuel Bordreuil, Changement d’échelle urbaine et/ou changement de formes, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

En d’autres termes, l’urbaniste se trouve face à une tâche énorme, et impossible, du fait du langage formel dont il a hérité : énorme puisqu’il ne s’agit plus seulement de donner forme à la masse urbaine, mais de donner corps à l’ensemble; et impossible, puisque une bonne partie de son langage repose sur l’hypothèse de ce corps compact, de cette masse préexistante et “autoproduite”. C’est donc pour lui, d’abord, que la perte de corps est dommageable et catastrophique. Lui, surtout qui l’enregistre comme telle. Et, encore une fois, toute la validité de son geste, toute sa souveraineté idéalisée, reposait ironiquement sur ce chaînage automatique et incessant d’initiatives fonctionnant au rapprochement et trouvant leur prospérité dans le “faire masse”, le “plan masse”. 10


Comme l’explique Albert Poppe, dans son ouvrage intitulé Ladders, le vide étant un élément constituant de la ville contemporaine, il convient alors, afin de pouvoir envisager de projeter dans ce territoire, d’abandonner la primauté de la forme. As proposed many times, from Garden Cities of Tomorrow, to The New City, to Learning from Las Vegas, S,M,L,XL, it is not built form which characterizes the city, but the immense spaces over which built form has little or no control. [..] Only by abandoning the primacy of built form is it possible to reposition form so that it may effectively respond to a city dominated by space. One of the most basic relations in the logic of conventional urban development is the working dialectic between built form and urban space. [..]

11 Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.

The interaction between space and form continues to be a vital urban relation, but this relation may be exploited only if its recent and radical shift toward the spatial is acknowledged. 11

Les penseurs de l’espace de la ville ne peuvent plus compter sur cette masse environnante, par rapport à la quelle toute intervention se positionne dans la ville traditionnelle. Encore une fois, la forme urbaine et la forme bâtie se trouvent totalement autonomes, ne pouvant compter que sur leurs propres prérogatives pour s’établir. D’autre part, la masse, la forme, et le volume, s’avèrent maintenant avoir été relégués au second plan et tout semble être misé sur le relationnel. Le dispositif spatial prendrait peut-être alors le pas sur la forme.

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023_ Formes introverties

12 Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.

[…] the city is not opening up, but is, in fact, closing down. The superurban stage occurs when closed centripetal development overwhelms the open centrifugal city, and native urban space fades in relation to its acquired simulation. It is the moment when the space of the open centrifugal “world” implodes. The imploded spiraling path – from freeway to feeder to collector to development spine to driveway – forms the trajectory of a closed urban system. Turning inward upon itself, the path configures a series of discrete segments. Each segment devolves into the next smaller stage of development, forming a pattern of increasing exclusion. 12

La ville générique semble être celle du grand espace ouvert qui connecte tous les éléments du territoire : la force centrifuge. Mais au final, les formes constituantes de cette ville sont en réalité plutôt introverties. Albert Pope parle d’un phénomène d’ “implosion urbaine”. D’une part l’organisation spatiale ne relève pas d’un tissu traversant, mais plutôt d’un réseau où le principe de la desserte en cul-de-sac prévaut. On parle souvent de l’urbanisme en boucle, par lequel chacun apporte son propre système de desserte, lorsqu’il veut se soustraire à l’ensemble du territoire. Et d’autre part, à cette individuation sur le plan de la connectivité, s’ajoute l’herméticité des secteurs, qui exclut spatialement leur environnement proche. Barrières, haies, murs... On ne dénombre plus les dispositifs qui séparent les zones monofonctionnelles, entre elles ou de la rue. Sans compter que les bâtiments eux-mêmes font preuve d’une forte encapsulation de leur contenu. C’est le principe même du “mall”, qui crée son propre milieu interne, totalement artificiel et coupé de son environnement proche. Que ce soit donc tant au niveau de la forme urbaine que de la forme bâtie, les entités de la ville contemporaine sont d’avantage connectées au grand territoire, voire au reste du monde, qu’à leur environnement proche. Elles sont en réalité des îles introverties et aseptisées, des capsules complètement hermétiques au milieu qui les entoure. Considérant leur environnement comme disgracieux ou trop différent, elles ont choisi de se retourner sur elles-mêmes et de construire leur propre monde, leur propre réalité déconnectée. 13 François Ascher, Métapolis ou l’avenir des villes, Odile Jacob, 1995.

Au-delà de la sphère domestique, on retrouve en permanence l’organisation de l’espace en sphères, bulles, capsules, enclaves et isolats fonctionnels : qu’ils se nomment secteurs, camps, parcs, aires résidentielles, centres, shopping malls etc., ils sont tous caractérisés par la force de la limitation et de plus en plus par la surveillance des entrées. Les murs, cet emblème de la limite, n’ont jamais été aussi nombreux depuis des lustres. 13


Un monde urbain en réduction, où se croisent des populations très diverses qui souvent s’ignorent, évitent tout frottement. [...] Une île, en principe toujours propre et nette, soustraite au monde alentour sale et bruyant, mais qui ne survit que grâce à l’intense liaison avec l’extérieur. Une île où l’on s’évertue à créer pour le spectateur un assemblage d’espaces et de temps qui l’arrache du quotidien. [… ] Les aéroports et les parcs s’avèrent être des microcosmes localisés, des espaces parfaits qui compensent par leur perfection le désordre général qui les borde et qui se lient avec d’autres espaces parfaits du même genre. La planète ainsi, se couvre de ces enclos de perfection conçus, qui constituent des modèles dont on s’inspire pour d’autres sphères. 14

14 Michel Lussault, L’homme spatial, Editions du Seuil, 2002.

Face à cette encapsulation des programmes de la ville, qu’advient-il du milieu urbain qui les environne ? Il devient donc le négatif de ces bulles, au contenu contrôlé et aseptisé. Il se résume principalement au parking, à la desserte, à la pratique voiture, prenant le pas sur celle piétonne. Celui-ci est irrémédiablement appauvri, le hasard, la sérendipité disparaissant avec l’espace de la rue et du trottoir. Ascher donne l’image de “paquebots au milieu des flots urbains”. II apparaît que, l’urbain s’étant transposé dans la forme bâtie, l’urbanité du milieu environnant soit plus que négligée, voir même abandonnée. Si la forme urbaine, et surtout la forme bâtie, continuent à nier l’environnement, que va-t-il advenir de notre milieu urbain? Doit-on tout miser sur cette vie encapsulée ? Le piéton, même s’il se fait rare, existe encore, et le paysage sinistre qu’il lui est donné à voir, est le même que celui qu’on observe depuis sa voiture. Il faut alors se poser la question de savoir comment, une éventuelle intervention qui souhaiterait participer à la construction de la ville pourrait couper court à cet irrémédiable appauvrissement du milieu. Il parait certes difficile, de faire exister de nouveau la rue dans la même fonction que celle qu’elle promeut dans la ville traditionnelle, mais faut-il pour autant complètement se retourner sur soi-même? A l’inverse ne doit-on pas accorder plus d’importance et de qualités aux lieux spécifiquement métapolitains? Il faut accorder plus d’importance à la qualité des centres commerciaux, aux universités, à tous les immeubles qui tournés vers des espaces centraux intérieurs, avec leurs propres services, leurs commerces et leur cafétérias transforment la ville en archipel, condamnant les rues à n’être que des voies d’accès et limitant les échanges et la monofonctionnalité. 15

15 Michel Lussault, L’homme spatial, Editions du Seuil, 2002.

19


B The Settlement Unit by Hilberseimer, Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.


C The Supersurban Stage (en haut), The Supersblock (au milieu), The Commercial Mall (en bas), Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.

21


D

Ten Grid Points (en haut) etTen Ladder Points (en bas), Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.


E

Elkhorn, Wisconsin replanned in four stages, Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997.

23


024_ Sur-expression programmatique et diversité scalaire 16 Albert Pope, Ladders (Architecture at Rice, 34), Princeton Architectural Press, 1997. 17 Michel Lussault, L’homme spatial, Editions du Seuil, 2002.

There is a vital connection between the decline of contemporary metropolis and the emergence an ego-centric urban subject freed from existence within or obligation to the greater metropolitan body. 16 Par le fait même de l’urbanisation générique, et du zonage fonctionnel et social qui tend partout à s’imposer, l’espace urbain devient un assemblage peu clair et infigurable de fractions (…) Mais, parallèlement, elles sursignifient dans le cadre identitaire et constituent donc, chacune, un « monde en soi » pour ceux qui y vivent, reliés à d’autres « monde en soi » associables en termes de valeurs. 17 En l’absence de structure hiérarchisant les rapports des différents programmes de la ville contemporaine, ceux-ci sont dispersés dans le territoire. Contrairement au tissu dense, où ils sont contenus dans une forme urbaine régulière, dans le suburbain, ils sont dispersés au sein d’unités monofonctionnelles. Comme une explosion programmatique à travers la nappe, où chaque programme se retrouve figé, dans une zone urbaine ou un bâtiment monofonctionnel. Chacun s’individualise, prend sa place, et l’espacement réglant tout problème de cohabitation, sur-exprime sa fonction sans retenue. Les programmes qui autrefois se contenaient aux mesures limitées du tissu urbain dense prennent aujourd’hui leur indépendance spatiale. La consommation devient le “mall”, l’habiter devient la maison individuelle, ou la barre. Ainsi le territoire suburbain devient le lieu du très petit et du très grand, du “mall” et de la maison individuelle.

18 Rem Koolhaas, Stefano Boeri, Mutations, Multiplicity, Actar, 2001.

Les paysages de l’expérience subjective et de la traversée dynamique des nouveaux territoires de la diffusion urbaine révèlent un espace européen où les règles de contiguïté entre les différents « faits urbains » semblent oubliées : résidences unifamiliales à côté de hangars, petits immeubles à coté de grands centres commerciaux, petites fabriques à côté d’équipements de loisirs, etc. 18 Il n’est donc pas rare qu’à l’intérieur du territoire une maison individuelle côtoie un supermarché, sans qu’aucune configuration spatiale d’une entité architecturale ou urbaine n’en gère la confrontation, une voie et une clôture en guise de séparation. Nés de l’augmentation de l’échelle de la ville, ces objets “hyperscalaires” (“hyperprivé” et “hyperurbain”) se juxtaposent. Dès lors, il n’est plus question uniquement de programme, mais aussi d’échelle. En effet, le fait qu’un logement côtoie un lieu de consommation, est moins à prendre en considération, que le fait qu’un élément accessible à un unique propriétaire jouxte un espace qui accueille toute la métropole, ou qu’un bâtiment très petit coexiste avec un bâtiment très grand. On parlera réciproquement d’ “échelles d’impact programmatique” et d’ “échelles spatiales.


Dans les conditions hyperurbaines, produire de l’intégration fonctionnelle revient souvent à faire disparaître les éléments d’urbanité : ainsi de ces murs anti-bruits qui fonctionnent de l’autre côté comme des murs anti-vue. Plus largement, quand il n’y a plus de ”principe de gravité”, quand la ville s’évase, on se retrouve avec une urbanité flottante, un urbanisme de “plates-formes”, plus ou moins juxtaposées. Plate-formes logistiques, commerciales, d’activités, résidentielles, “bases de loisirs “ ; un urbanisme de “plateaux techniques”. En même temps ces “pans” individués sont violemment hétérotopiques : ils conjurent les mixages et s’étayent sur des coupures environnementales.19

Les configurations spatiales de la métropole impliquent donc une nouvelle diversité, une diversité scalaire. C’est en partie dans cette nouvelle qualité de l’urbain, que réside l’urbanité de la ville contemporaine. Même si elle peut être comme de l’ “hyper-urbanité”, ne réside t-il pas un nouveau sens à l’urbain dans cette matière? L’enjeu ne résiderait-il pas dans la proposition d’une alternative à l’agencement de cette diversité? La ‘“syntaxe” des nouvelles villes consiste en quelques règles d’organisation et en une multitude de mots : c’est un langage appauvri faisant un usage répétitif de quelques petites fractions seulement d’un riche vocabulaire. 20

19 Jean-Samuel Bordreuil, Changement d’échelle urbaine et/ou changement de formes, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

20 Rem Koolhaas, Stefano Boeri, Mutations, Multiplicity, Actar, 2001.

Mais alors comment organiser cette diversité d’échelles qui ne sont pas vraiment faites pour cohabiter, mais qui pourtant signifient pleinement l’urbanité de la métropole actuelle?

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025_ Discontinuité

21 François Ascher, L’âge des métapoles, Odile Jacob, 2009.

Division du travail, métropolisation et croissance des mobilités quotidiennes participent à l’affaiblissement du rôle des formes urbaines dans la constitution et l’entretien des “liens sociaux organiques”. Le quartier devient de moins en moins le territoire commun des pratiques sociales ; des liens sociaux autrefois forts parce que polyvalents perdent peu à peu de leur épaisseur.21

Dans la ville contemporaine, le relationnel prend un nouvelle forme par rapport à la ville traditionnelle. La forme réticulaire du territoire ne se base que sur la connectivité, la continuité topologique, et non pas sur la continuité topographique, pour établir les contact entre les formes urbaines introverties. Les continuités spatiales entre les différents programmes s’amoindrissent. Et la proximité, qui procurait le lien entre les différentes populations d’une entité de la ville, tend à disparaître. 22 François Ascher, L’âge des métapoles, Odile Jacob, 2009.

Aujourd’hui la vie des villes se déroule à une autre échelle et la coïncidence des différentes sphères des relations sociales est de plus en plus faible. Les voisins sont de plus en plus rarement des copains d’enfance, des collègues, des amis, des parents. […] après la solidarité mécanique de la communauté villageoise, et la solidarité “organique” de la ville industrielle, émerge donc une troisième solidarité, la solidarité “commutative” qui met en liaison des individus et des organisations appartenant à une multitude de réseaux interconnectés. L’enjeu pour la démocratie est alors de transformer cette solidarité commutative de fait en une solidarité “réflexive”, c’est-à-dire en une conscience de l’appartenance à des systèmes d’intérêts collectifs. La moindre de nos activités est ainsi insérée de fait dans une multiplicité de relations. 22

23 Michel Lussault, L’homme spatial, Editions du Seuil, 2002.

L’organisation spatiale urbaine associe donc des sphères, des bulles d’espaces sociaux et fonctionnels interagissant, la mobilité servant de liant à cette écume spatiale qui partout s’épanche. Des modèles de sphères s’imposent, constituent des attracteurs et des références. 23

24 Rem Koolhaas, Stefano Boeri, Mutations, Actar, 2001.

Capsules en réseau dans une ville diffuse : c’est là un modèle spatial indéfiniment répété plus qu’infiniment varié, qui traduit le nouveau code génétique des territoires suburbains européens. 24

Le territoire se résume ainsi à la mise en réseau de capsules monofonctionnelles. Celles-ci rassemblant donc des individus qui effectuent indéfiniment les mêmes pratiques. Les différentes populations de la métropole ne se croisent donc jamais. L’un des déficits important de cette ville est que, intégrant la grande échelle du territoire dans sa structure, elle oublie l’échelle urbaine. Ne misant que sur la connexion


topologique, le topographique a été délaissé. Or il est un des constituant même de l’urbain. Le contact topographique n’a lieu à aucune des échelles du territoire. Les zones se jouxtent mais dressent des barrières et les capsules monofonctionnelles bâties qui s’y trouvent ne mettent à aucun moment des populations différentes en relation. Or la performance de la ville mise sur ces deux échelles.

25 François Ascher, Métapolis ou l’avenir des villes, Odile Jacob, 1995.

La ville doit disposer de lieux qui attirent des gens différents et pour des raisons distinctes. Il n’est pas nécessaire que la mixité fonctionnelle et sociale soit permanente mais il faut des attracteurs multifonctionnels et multisociaux. 25 L’un des enjeux de l’avenir urbain de la ville contemporaine pourrait résider dans la mise en relation, en tout cas en coprésence, des différentes populations qui pratiquent le territoire, dans leur mise en continuité topographique. Mais comment, et dans quelle mesure peut-elle être envisagée? Si dans tous les cas la continuité fonctionnelle ne se fait pas avec l’environnement proche, peut-on imaginer un autre type de continuité avec celui-ci?

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Le substrat urbain métropolitain n’apporte pas de régence supérieure de l’espace. Il s’agit plutôt d’une succession d’objets directement connectés à l’échelle du grand territoire. Le territoire ne propose pas de structure avec la quelle composer, ni de masse sur laquelle s’appuyer. Les interventions à venir ne peuvent plus compter sur ces prérogatives. Il n’y a plus d’urbanisme au sens classique pour guider ou diriger. Les formes prennent leur indépendance. Cette non-structuration de l’ensemble laisse un degré de liberté qui peut être effrayant, mais qui entraine que chaque objet peut, et doit, établir ses propres règles. Ce qui rend encore plus cruciale la qualité de toute intervention bâtie. La non-hiérarchisation de l’espace urbain et sa pratique fondée sur le ce mode de fonctionnement, est une caractéristique forte de ce territoire que l’on ne peut nier, et qui a son intérêt. C’est un mode d’urbanité bien différent de la ville traditionnelle, mais qui s’apparente complètement à la pratique actuelle de l’espace urbain. Il faut en tenir compte. En réalité, la ville contemporaine veut orienter la pensée de l’espace vers des structures urbaines plus ouvertes, moins hiérarchisées qui proposent des relations spatiales plus diverses. L’encapsulation des programmes de la ville, contraint terriblement à l’appauvrissement de l’environnement urbain qui se retrouve n’être plus qu’une aire de voitures ayant vue sur parkings, bassins de rétention, clôtures, et murs aveugles. On peut se demander si l’indépendance des objets urbains doit-elle forcément conduire à la nécrose du milieu ? C’est également dans la production d’objets “hyperscalaires” que réside l’urbanité de la ville contemporaine. Et cette richesse, cette intensité de l’ “hyperville” n’est pas à déconsidérer. Elle parait difficile à appréhender, mais elle est riche de nouvelles qualités. Cette partie a donc souhaité expliciter les nouveaux préceptes à l’avenir de l’urbain dans la ville contemporaine, les clefs déterminantes à l’intervention dans ce territoire. Il est clair que la conception de l’espace et de l’urbain a bien évolué depuis la ville dense historique. Beaucoup de notions de l’urbain, ses qualités et les rôles de chacun de ses éléments, sont remis en question. Face à la ville actuelle, les penseurs de ville doivent proposer de nouvelles façons de faire l’urbain, de projeter et d’agir.


03_ NOUVELLES ÉCHELLES D’INTERVENTION Dans le contexte urbain de la ville actuelle, dont nous venons d’exposer les caractéristiques, comment intervenir ? Comment construire l’urbain ? C’està-dire comment contribuer au développement de la ville pour participer à la qualité urbaine de l’environnement tout en respectant les nouvelles logiques déjà en place dans le territoire ? Devant un substrat urbain autoproduit, fragmenté, pour qui les règles compositionnelles d’urbanisme sont inexistantes, devant des formes urbaines autonomes qui définissent leur propre logique, nous pouvons nous interroger sur l’échelle et la forme d’intervention adéquate dans la ville contemporaine. Et cette échelle de pensée semble être plus intimement liée à l’échelle d’action qu’auparavant, puisque la ville semble maintenant passer par le projet et non plus par la planification de l’espace public. Ce dernier n’existe plus vraiment, et la privatisation des interventions de la ville prend son essor. L’urbain se faisant plus par le bon-vouloir des investisseurs privés que par une pensée publique souveraine. Alors si en tant qu’architectes et urbanistes nous cherchons comment agir dans l’urbain, nous devons nous interroger sur les échelles de sa conception et les formes de sa réalisation. Le milieu actuel offre une juxtaposition d’éléments urbains non-hiérarchisés, où les différents composants de la ville, indépendants les uns des autres, font tous directement face au grand territoire auquel ils sont connectés. S’il s’avère qu’il parait difficile de penser le territoire dans son ensemble, n’est-ce donc pas à l’échelle de ces unités autonomes qu’il faut penser la ville ? L’urbain ne prendrait-il pas place dans de “nouvelles pièces territoriales”?

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F Situations d’importation de tissus continu en tissu suburbain du Grand Lyon, centre-ville de Bron (en haut), centre-ville de Vaulx -en-Velin (en bas).


031_ Nouvelles figures représentatives

L’aménagement du territoire et la planification urbaine combinent plusieurs échelles d’intervention et à chacune d’entre elles correspond un problème ou un ensemble de problèmes à résoudre. La région est le niveau pertinent du développement économique, l’agglomération celui de la programmation des infrastructures, du logement et des parcs d’activités et le quartier celui du projet architectural. Les espaces s’emboîtent les uns dans les autres à l’image des pièces, aux limites bien définies, d’un puzzle. […]

26 Gilles Novarina, L’architecture du territoire: de la mesure au dessein, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

Dans cette représentation de l’espace, l’agglomération (échelon supérieur de l’organisation urbaine) est un simple assemblage de quartiers et d’unités de voisinages (échelons inférieurs) car il n’existe ni recoupements ni chevauchements entre les unités autonomes qui la composent. […] Et l’agglomération est par essence multipolaire. 26

Jusqu’à aujourd’hui encore, la pensée de la ville s’organise en une cascade hiérarchique d’échelles de planification. Celles-ci sont réparties en fonction des traditionnels échelons géographiques de la région, de l’agglomération, de la commune, du quartier… Chacune d’entre elles envisageant son lot d’interventions et de programmes strictement associés à sa dimension propre. Dans les annales de la recherche urbaine, consacrées aux échelles de pensée de la ville, Gilles Novarinna parle d’ “une spécialisation des outils de l’urbanisme par échelon géographique.” Il apparaît que cette vision compartimentée de la programmation de l’urbain, qui viendrait se figer dans le territoire, n’est pas appropriée à la structure de la ville contemporaine. L’inconvénient d’une telle façon de planifier la ville, est qu’elle ne permet pas la confrontation de toutes ses échelles de programmes et d’intervention, à une seule et même échelle de pensée. Ce qui n’était pas une gêne dans la conception de la ville traditionnelle. Celle-ci offre une structure réceptacle, dont le pouvoir organisationnel permettant l’agencement de tous les programmes entre eux, et par rapport à l’environnement. Mais ce qui pose problème dans la ville contemporaine, où aucune structuration d’un quelconque tissu n’existe, et où ces derniers se retrouvent indépendamment distribués. Cette planification accompagne ainsi le zoning, cette vision de la ville où tout se juxtapose et jamais n’interagit. Si on admet que les acteurs, qu’ils s’agissent d’entreprises, d’institutions ou de simples habitants sont capables de structurer l’espace en fonction de leurs propres exigences, en établissant des connections entre des points, alors le territoire doit être perçu comme un enchevêtrement de réseaux de natures diverses. Les pratiques d’urbanisme fondées sur le découpage et le zonage, bien qu’elles aspirent à une appréhension globale et maîtrisée de la ville, rencontrent de plus en plus de difficultés à rendre compte de la complexité de la 31


27 Gilles Novarina, L’architecture du territoire: de la mesure au dessein, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

structure réticulaire des territoires urbains. L’analyse de celle-ci passe plutôt par la juxtaposition et la confrontation de visions partielles et la construction de nouvelles figures représentatives. […] Les urbanistes, pour structurer leur réflexion et organiser leurs programmes d’action, font appel à la notion d’échelle territoriale du problème traité. On ne pratique pas de la même manière à l’échelon de l’agglomération, de la commune ou du quartier. Mais la question de l’articulation de ces échelles dans le cadre de plans ou de projets ne se pose pas dans les mêmes termes selon que l’on se représente le territoire comme une juxtaposition d’aires indépendantes les unes des autres ou comme un réseau de points d’importances différentes. Un regard rétrospectif sur l’histoire récente de l’urbanisme permet de comprendre pourquoi il convient aujourd’hui d’abandonner l’idée d’un emboîtement des échelles territoriales et de placer le projet au cœur des démarches de planification.27

Admettre une non-hiérarchisation des composants de la ville et l’autonomie de ses formes, ne signifie pas que ces dernières doivent restées monofonctionnelles, et monoscalaires. Fortes de leurs nouvelles logiques, c’est peut être à l’intérieur de ces pièces autonomes que l’on pourrait envisager une nouvelle richesse de l’urbain, et une nouvelle complexité. Dans son article des annales de la recherche urbaine, Anna Grillet-Aubert qui tente de cerner les nouvelles échelles de la planification du territoire urbanisé actuel, émet l’idée de “micro-corps territoriaux”, qui seraient le résultat d’interactions des systèmes d’échelles local et global. 28 Anna Grillet-Aubert, A quelles echelles plannifier le territoire?, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

Dans un territoire qui ne comprend plus aucune structure hiérarchique, où chaque système apparaît comme le lieu des interrelations entre un système local et un contexte global, les rapports de hiérarchie dépendent des relations entre systèmes locaux et globalisation.28 La recherche aboutit à la définition de compartiments appelés “pièces territoriales” indivisibles. L’identification de ces “micro-corps territoriaux” sans limites précises tient compte de leur insertion dans un réseau de relations plurielles d’échelles différentes, locales et internationales. Face à de nouvelles échelles d’action, il conviendrait donc de songer à de nouvelles échelles de conception auxquelles envisager l’agencement des constituants de la ville. Et même plus généralement, de nouveaux systèmes de pensée de l’urbain seraient souhaités. Il est peut-être temps de travailler à l’échelle de nouveaux corps indivisibles qui figurent toute la complexité de l’urbain.


Le territoire est en effet un tout indissociable et à chaque niveau territorial (quartier, commune, agglomération), il convient de poser la question de l’articulation des échelles temporelles (court et moyen termes) et géographiques (grand territoire ou bassin d’emploi, bassin d’habitat, proximité ou voisinage). […] A chaque niveau (agglomération, commune, périmètre opérationnel), il convient de poser la question de l’articulation des échelles du grand territoire, du bassin de vie et de la proximité.[…]

29 Gilles Novarina, L’architecture du territoire: de la mesure au dessein, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

L’urbanisme vise dès lors moins à rendre l’espace homogène qu’à améliorer les prestations de chacun des nœuds composant les réseaux. L’activité de projet, parce qu’elle cherche à analyser et transformer des sites particuliers, joue un rôle central dans les démarches contemporaines de planification urbaine. 29

La répartition hiérarchisée de la ville parait obsolète, puisque chacun est autonome, ne faut-il pas penser à tout, à toutes les échelles? Et les nouvelles échelles de projet ne doivent-elles pas concevoir plus de complexité? Devant une ville individuée multipolaire, ne faut-il pas améliorer les prestations de chacun? Il est peut-être temps de trouver de nouvelles figures représentatives urbaines, de nouvelles échelles de pensée de la ville à l’intérieur desquelles l’on pourrait imaginer l’entrelacement des échelles et ainsi pouvoir les confronter et les agencer. Et plus généralement, une échelle d’intervention à laquelle penser et fournir l’urbanité.

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032_ Nouveau fournisseur d’urbanité

30 Rem Koolhaas, Guide to shopping, Project on the city 2-Harvard design school guide to shopping, Taschen, 2001.

Few activities unit us as human beings in the way shopping does. Shopping also overwhelms other activities by attracting more people. It is now the defining activity of public life. […] Shopping, after decades of sucking the public away from urban centres, has proven to the city that it can now create all the qualities of urbanity -density of activity, congestion, excitement, spectacle- better than the city itself has been able to do in recent memory.30

Le “mall”, ou le grand centre commercial, joue un rôle considérable dans l’urbain actuel, et ceci bien au-delà de ses limites physiques. Il représente le nouvel espace public, le nouveau, voir unique, lieu d’émulsion urbaine offert par les conditions “hyperurbaines” de la métropole. Au-delà du fait que l’activité quotidienne du shopping est devenue la première source de loisir des habitants métropolitains, il est l’un des seuls endroits de cette ville à les rassembler dans un unique grand espace. Mais le plus notable dans le phénomène du “mall”, est que, au-delà du fait qu’il apporte à la métropole une nouvelle échelle à l’activité de consommation, il prend en charge l’urbanité de l’aire suburbaine. En d’autres termes, non seulement il procure un nouveau type d’urbanité à l’échelle du territoire, mais en plus, il incarne un substitut à l’espace urbain du territoire environnant. Celui-ci, constitué plus à l’échelle de la voiture, est déserté, tandis que la grande surface commerciale offre un immense espace piéton toujours bondé. Dans le nouveau substrat de la métropole, il semble que l’urbain ait été transposé de la rue au du centre commercial. En outre, cela se manifeste par la reconstitution des qualités d’une ville dans la capsule bâtie, tant au niveau du contenu programmatique (magasins, restaurants, bars, attractions pour les enfants), que spatial (rue, place, bancs, kiosques). Et au final, le “mall” devient le centre d’urbanité pratiqué à la fois par des populations venant de loin, et par celles vivant à proximité, et essaye de promouvoir l’urbain à travers un programme hyper-urbain. 31 Steven Holl, Aurora Fernandez Per, Javier Mozas, Javier Arpa,This is Hybrid, Editions a+t, 2011.

The planning of suburban malls responds to these promises. Interlinking does not exist, nor does the grafting of activities. Relationships are not meant to increase personal contact or exchange. The resulting volume is obtained by adding simple containers that with no control take up land and are attracted among themselves exclusively by the colour of money. |…] The programme tends to be common, luxury apartments, wellequipped offices, shopping centre with top brands and five-star hotels, all this varnished with cultural services, auditoriums or theatres and works of art spread throughout highly cared-for public spaces but which give culture a more decorative function. 31


Nous ne nions pas que les qualités d’urbanité du “mall”, soient plus que discutables. Car la capsule introvertie, uniquement focalisée sur la consommation, ne met en présence que des populations qui sont toutes là pour la même chose, et dénie tout environnement proche. Mais ce qui est intéressant, c’est le rôle qui lui incombe dans la pensée de l’urbain. Quelles que soient les origines d’apparition du phénomène du “mall”, il peut être considéré comme un révélateur de la prise en charge de l’urbanité à une nouvelle échelle d’intervention, celle de l’unité bâtie. Car sa forme urbaine n’est rien de plus qu’un bâtiment entouré de sa surface de parking. C’est comme cela que l’urbain semble s’être frayé un chemin dans une structure environnementale démunie. Il apparaît donc aujourd’hui, que non seulement les objets de la ville sont défaits de tout précepte d’urbanisme, mais que de plus, ils décident de proposer en leurs seins, une forme d’urbanité. Alors on peut se demander si l’urbain ne chercherait pas à s’incarner dans de nouvelles formes, et se loger dans de nouveaux dispositifs ? De nouvelles unités bâties ne pourraient-elles pas le prendre en charge?

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G Espaces du centre commercial des 7 chemins, Vaulx-enVelin.


H Plans des galeries commerciales de grandes surfaces en France.

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Nous sommes dans un territoire où tissu, forme urbaine et architecture semblent avoir pris de nouveaux sens face à la pensée et la construction de la ville. Les rôles et les objectifs de chacun sont révisés, et les architectes et urbanistes doivent l’intégrer à leur conception de l’urbain. De nouvelles figures représentatives doivent être conçues par les penseurs d’espace et de ville. D’autres formes, aux nouvelles propriétés et aux configurations spatiales inédites doivent être proposées. Ne serait-il pas le rôle de nouvelles unités d’intervention bâties, fortes de leur autonomie, d’imaginer et de proposer la ville et de contribuer à la construction du milieu urbain ? Il ne sera pas question de mettre au placard toute approche globale du territoire. Au contraire la pensée ici avancée n’est pas exclusive. Mais il s’agira plutôt de dire que toute intervention physique, qui ne peut plus avoir lieu à l’échelle du tissu, mais doit se tenir à l’échelle de l’unité urbaine autonome. Toute intervention de ce type doit être consciente des nouveaux enjeux qui lui incombent. Il pourrait être envisagé une forme intermédiaire entre l’architecte et la forme urbaine, une intervention de type urbano-architecturale. Mais ce niveau de définition ne concerne pas ce travail qui souhaitera de préférence s’attacher aux propriétés des interventions en question. Pour ce travail, nous parlerons d’ “unité d’intervention urbaine”.


04_ NOUVELLES PROPRIÉTÉS D’URBANITÉ Si nous envisageons la conception d’unités d’intervention renouvelées pour la ville contemporaine, nous devons nous questionner sur les qualités qu’il leur est nécessaire d’acquérir pour participer de l’urbain dans ce substrat inédit. Il ne s’agit pas de définir clairement quelles pourraient être les nouvelles formes de la ville, dans leur taille, leur type, leur insertion physique. Ce que l’on considérera comme découlant de la rencontre des prérogatives fixées par le mémoire avec un contexte, et appartenant à l’étape de projection. Il est en réalité question de cerner leurs propriétés cruciales. Effectivement, nous essayons dans le contexte urbain actuel de trouver une alternative à la capsule monofonctionnelle. Tout l’enjeu étant de permettre à l’ “hyperville” d’être urbaine, par ses qualités propres.

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041_ Diversité scalaire agencée, imbriquée A l’issu de la partie précédente de l’analyse, que nous souhaiterions envisager de nouvelles figures de l’urbain qui seraient capables de combiner les différentes échelles de pratique du territoire actuel. Comme une unité indivisible, qui intégrerait, et rapporterait à une nouvelle échelle d’intervention, la complexité et la richesse de la ville contemporaine, sans pour autant atteindre son exhaustivité. Une unité d’intervention, qui apporterait ainsi, une intensité urbaine en elle-même, et en référence au reste du territoire. 32 Co-présence : Recherche du contact topographique. Il s’agit là de rassembler en un même espace, en contiguïté physique, des entités et objets spatialisés afin de rendre possible leurs relations. (Michel Lussault, L’homme spatial, p.56, Editions du Seuil, 2002).

33 Michel Lussault, L’homme spatial, p.324, Editions du Seuil, 2002.

Dans la deuxième partie de l’étude, nous avons noté que l’une des caractéristiques de la grande ville, est la diversité scalaire des programmes, tant au niveau de leur échelle spatiale, que de leur échelle d’impacte sur le territoire. Et cette grande diversité, qui n’apparaît que dans cette aire de la métropole, exprime en un sens la présente qualité de l’urbain. Le problème présent est que les configurations de la ville, n’offrent pas de les agencer et chacun s’isole dans son secteur. Mais cette diversité d’échelles ne pourrait-elle pas être un merveilleux atout d’urbanité, si on lui proposait un arrangement judicieux? Un nouvel agencement ne pourrait-il pas enfin mettre en “co-présence”32 des populations qui ont des pratiques différentes dans un même système urbain? Le rôle des nouvelles unités serait la mise en relation, tout en respectant les logiques présentes.

L’urbanité permet de caractériser un état de l’organisation des réalités de société au sein d’une situation urbaine donnée, considérée du point de vue spécifique de l’arrangement spatial de la densité et de la diversité. L’urbanité d’une situation urbaine est d’autant plus élevée que la densité et la diversité sont fortes et leurs interactions importantes celles-ci étant liées en partie au potentiel de la configuration spatiale. […] Le niveau d’urbanité d’une situation urbaine ne dépend pas du seul niveau de la densité et de la diversité sociétales, ni même des registres du couplage densité-diversité, mais aussi de la configuration spatiale de celui-ci. A masse égale de densité et de diversité, deux situations urbaines peuvent être qualifiées par une urbanité différente du fait d’une différence d’agencement spatial et des potentialités particulières que celui-ci est susceptible d’offrir. Dans certaines circonstances, l’arrangement spatial permet même à une entité urbaine de rattraper, par exemple, un déficit de diversité par une spatialisation efficace de la densité et des accessibilités et contacts qu’elle autorise. 33 Dans une définition générale, Lussault explique que les armes de l’urbanité sont densité, diversité et surtout agencement de celle-ci. Le remède ne pourrait-il pas, dans le cas présent, rester le même, mais contenir d’autres ingrédients et proposer une nouvelle façon de les mettre ensemble?


Il faudra bien évidemment assimiler que les types d’arrangements spatiaux et la mise en co-présence de la diversité évoquée, ne soient pas de qualité identique à ce qui est proposé par le tissu urbain traditionnel. Ici, dans le nouveau territoire de la ville contemporaine, l’urbanité doit se faire un autre chemin. La pratique discontinue et non hiérarchisée des espaces programmés n’est pas à omettre.

Rem Koolhaas a souhaité aborder cette question avec sa proposition de “Bigness” publiée dans S, M, L, XL. Une façon inédite d’intervenir dans la ville, qui prend en considération les nouveaux enjeux de l’urbain contemporain, et dans laquelle il prône l’indépendance et la nonhiérarchisation des programmes. Ce concept offrirait l’intérêt, par rapport au choix d’une structure sur laquelle se combineraient les différents programmes, de permettre aux différents objets de se singulariser tout en se contaminant entre eux jusqu’à produire un agglomérat qui serait la ville. Ainsi, au niveau formel, l’architecture fait le choix de privilégier la juxtaposition et la superposition de programmes, plutôt que le dessin d’une structure pour les relier et les accommoder entre eux. Un très grand bâtiment permet ce qui est décrit par ailleurs comme des “hybridations / proximités / frictions / chevauchements / superpositions […] tous moyens de montage inventés au début du siècle pour organiser les relations entre les parties indépendantes. 34 Il est certain que nous ne sommes plus dans la composition architecturale et urbaine d’antan, mais l’agencement spatial n’est peut être pas pour autant à bannir, si nous recherchons l’urbanité de la ville future? La superposition peut être une solution, mais avec quelle subtilité, quelle qualité?

34 Xavier Malverti, La grande échelle de Rem Koolhaas, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

En outre, si le relationnel des populations aux pratiques diverses est recherché, il faut trouver sous quelle forme, celui-ci peut être imaginé. Il est clair, que la continuité fonctionnelle des programmes d’une unité d’intervention n’est pas nécessairement souhaitée, puisque les habitants de la ville mutlipolaire pratiquent les espaces à la carte, grâce à leur grande connectivité. Mais même si l’intervention n’envisage pas de passer d’un espace de pratiques à un autre, leur contigüité n’est peut-être pas pour autant à omettre. Dans leur recherche, intitulée “Made in Tokyo”, les membres de l’atelier Bow-Wow font le relevé d’étranges unités de l’aire suburbaine de la capitale, qu’ils nomment ‘Environmental Unit’. Il est question en réalité de portions du territoire, où l’adjonction de pratiques très diverses, est rendue possible

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par une hybridation des dispositifs architecturaux et urbains, ainsi que par la flexibilité de ces derniers. 35 Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto, Made in Tokyo, Kaijima Institute Publishing Co., Japan, 2006.

Our interest is in the diverse methods of making and using coherent environments within the city, together with the urban ecologies seen there. This includes the unexpected adjacency of function created by cross categorical hybrids, the co-existence of unrelated functions in a single structure, the joint utilisation of several differing and adjacent buildings and structures, or the packaging of an unusual urban ecology in a single building. If we take again the example between, express way and department store, the traffic above and the shopping, below are simply sharing the same structure, but belong to different categories and have no use relation. In other words, it is only structural order which unites this example. 35 Les différents programmes sont mis en contigüité topographique, qui ne se qualifie pas de fonctionnelle mais de structurelle, ou tout simplement physique. Et c’est dans cette mise en place, que la co-présence recherchée pourrait peut-être se matérialiser. Dans les exemples de “Made in Tokyo”, cette coprésence n’est souvent pas planifiée, mais de telles qualités ne pourraient-elles pas être envisagées par les unités d’intervention urbaines à venir ? Les contigüités physiques, et peut-être aussi visuelles, d’espaces appartenant à différentes échelles de la ville pourraient-elles être prises en charge par de nouveaux systèmes urbains ?

Les nouvelles unités urbaines de la ville contemporaine doivent pouvoir ainsi intégrer les différents échelons de la ville, en agençant des programmes d’échelles d’impactes et de pratiques différentes (“hyper-privé,” “urbain”, et “hyper-urbain”), tout en offrant une configuration spatiale impliquant plusieurs métriques, piéton et voiture. Ascher parle d’une sorte de “dualisation des échelles de la vie urbaine” dans la métropole contemporaine, qu’il faudrait arriver à combiner pour assurer l’avenir urbain de celle-ci. 36 François Ascher, L’âge des métapoles, Éditions de l’Aube, 2009.

D’un côté le quartier, territoire des métriques courtes, des petites distances. De l’autre côté, il y a la zone métropolitaine. La qualité de vie et les performances d’une agglomération passent par la combinaison de ces deux échelles et de ces deux vitesses. 36 En d’autres termes, les échelles doivent s’agencer, mais aussi s’entrelacer, s’enchevêtrer; les hiérarchies doivent tomber et les qualités se transposer. L’hyperurbain doit faire urbanité. On continue trop souvent de concevoir toute une cascade hiérarchique d’espaces et d’équipements qui ne correspondent plus aux pratiques de la majorité de la population.


[… ] A l’inverse ne doit-on pas accorder plus d’importance et de qualités aux lieux spécifiquement métapolitains, espaces de mobilités, fonctionnalités multiples, des rencontres, de la centralité, de l’urbanité ? Car si les relations de voisinage régressent, c’est en se déplaçant non seulement vers l’habitat mais aussi vers la ville. […] il faut en faire des lieux urbains au double sens d’aimable, de confortable et de propice à l’urbanité, c’est-à-dire à la coprésence d’individus et de groupes divers et à l’exercice de fonctions différentes.37

37 François Ascher, Métapolis ou l’avenir des villes, Odile Jacob, 1995.

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042_ Unité environnementale intégrante Il est vrai que dans le contexte de la ville actuelle, les éléments constitutifs de l’espace urbain que sont les formes urbaines et les bâtiments, faute de règle d’agencement, ont pris leur indépendance par rapport à l’environnement qui les entoure. Et la théorie de la “Bigness”, s’inscrit totalement dans cette vision. 38 Xavier Malverti, La grande échelle de Rem Koolhaas, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999.

Bigness ne fait plus partie d’aucun tissu urbain. Il existe ; au plus il coexiste. 38

39 Carlos L. Marcos, Rethinking Bigness, Universidad de Alicante, Departamento de Expresión Gráfica y cartografía, Apartado de Correos, alicante, 1999.

The increasing sculptureness of the architectural form and a rising indifference towards the urban context may be a consequence of the Bigness theory but are nonetheless moot. Such architectural and urban design strangely resembles modernist urban approach as radical as Le Corbusier’s Plan Obus which was certainly more than controversial. The question remains unresolved. Can this kind of architecture produce urban tissue and public space realm for the global XXI century world? 39

L’autonomie des unités d’intervention de la ville est admise. Mais l’introversion qui en est souvent déduite, est-elle nécessaire ? Comme nous l’avons vu en deuxième partie, elle est même nuisible à la construction d’un environnement urbain.

Les dispositifs urbains actuels de la ville contemporaine l’ont bien montré: le milieu extérieur urbain est inexistant, ou du moins de mauvaise qualité. Il parait difficile de créer un quelconque dialogue avec l’environnement proche. Les capsules bâties ont plus de relations avec ce qui est loin, qu’avec ce qui les entoure. L’architecture a appris à se retourner sur ellemême, à créer un monde urbain en soi. Mais allons-nous continuer dans cette voie? Le milieu urbain va-t-il finir par se résumer à une quantité de “mondes en soi”, où nous prendrons notre voiture pour changer d’ambiance quand il nous plaira, où tout sera choisi et contrôlé. Renforcées de nouvelles qualités et de leur autonomie, les unités de la ville ne peuventelles pas s’ouvrir et prendre en charge l’enrichissement de l’environnement urbain au-delà de leurs propres limites?

Après s’être détachées du tissu pour créer elles-mêmes leur propre richesse urbaine, n’est-il pas venu le temps pour les nouvelles unités autonomes, de se retourner vers leur environnement proche pour le nourrir ? Peut-on imaginer de nouvelles formes qui participent de la construction du milieu? 40 Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto, Made in Tokyo, Kaijima Institute Publishing Co., Japan, 2006.

Living space is constituted by connections between various adjacent environmental conditions, rather than by a single building. Can’t we draw out the potential of this situation and project that into the future? If we can, it may be possible to counter the typical Japanese Modernist public facilities which are cut off from their surroundings


and packaged into a single box. We can place attention on the issue of how usage (software) can set up a network, where public facilities can be dispersed into the city whilst interlapping with the adjacent environment. Spaces from living can penetrate into various urban situations and thereby set up new relations among them. 40 Alors nous pouvons essayer de nous imaginer ce que pourrait être les nouvelles qualités des unités urbaines à venir. Il ne s’agira pas de structurer l’environnement ou de générer du tissu. Nous avons vu que ce langage ne concerne plus le territoire actuel. L’objectif est plutôt d’imaginer des dispositifs qui participent de l’intégration de l’environnement proche à leur logique et à la ville. Le but étant de retourner le système introverti de la capsule vers une configuration plus fluide, voir centrifuge, dont l’influence ne se limiterait pas à l’enveloppe bâtie. Et ainsi, de participer à la création d’ “unités environnementales urbaines”. We are in a fluid situation, where rigid distinctions such as between shallowness and depth or front and back, are easily overturned by a shift in the setting of the ecological unit. 41 Alors nous nous interrogeons sur la manière dont un tel pouvoir, un tel potentiel, pourrait être mis en place? Dans un premier temps, il parait évident que le contenu de l’unité ne peut préfigurer de l’autonomie programmatique d’un système, qui serait complet dans son fonctionnement. Ensuite l’on pourra se demander, si la forme géométrique de l’unité peut engendrer un certain type de relation au milieu environnant.

41 Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto, Made in Tokyo, Kaijima Institute Publishing Co., Japan, 2006.

C’est un peu ce que les mat-buildings avaient tenté d’esquisser en leur temps. Even though mat buildings typically extend over a large area, they are interspersed regularly with courtyards, which allow a mat building to respond to changes that extend beyond the boundaries of the envelope. 42 Mais entre géométrie pure et structure agrégative, n’y t-il pas d’autres formes intermédiaires? Et puis, si l’unité met en contiguïté ses différents espaces de pratiques, peut-elle aussi le faire avec son environnement externe?

42 Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto, Made in Tokyo, Kaijima Institute Publishing Co., Japan, 2006.

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05_ NOUVELLES CONFIGURATIONS SPATIALES Nous avons précédemment tenté de cerner les qualités d’une unité d’intervention urbaine qui pourrait concerner la ville contemporaine. La question qui se pose dans cette dernière partie du travail, est alors de se demander comment ces qualités pourraient être mises en place ? Et quelles configurations spatiales le permettraient ? Cette partie ambitionne ainsi de questionner les éléments typologiques et spatiaux qui pourraient être déterminants, à l’établissement des caractéristiques développées dans la partie précédente. Il n’est pas souhaité de trouver des réponses parfaites aux propriétés énoncées. Les projets analysés n’ont pas été produits à cet effet, ni dans ce contexte. Mais il s’agit plus de trouver les caractéristiques spatiales qui peuvent les conditionner. Cette partie du travail de recherche tente de faire un pas vers l’étape de projection. Nous allons donc présenter l’étude typologique de trois interventions, qui ne relève pas vraiment d’un type. Il s’agit de forme urbaine, d’architecture ou de méta-architecture, architecture grossie. Même s’ils ont été sélectionnés car ils compilaient un certain nombre de caractéristiques qui apparaissaient intéressantes aux yeux de l’orientation donnée par les parties précédentes de l’étude, les bâtiments analysés ne le sont pas dans leur entièreté, comme des objets directement transposables tels quels, dans leur dimension, leur forme, leur programmation. Mais leurs qualités d’agencement spatial, abstraites de tout contexte, sont le sujet de l’étude. Les champs d’analyse des diverses caractéristiques de dispositifs spatiaux, sont étudiés séparément, bien qu’interdépendants. Il est important de souligner que les typologies étudiées n’apportent pas forcément de propositions salvatrices, mais sont plutôt un support d’interrogation. Cette partie tend plus à trouver des supports d’analyse et de représentions, et à faire émerger des descripteurs de projet, qu’à trouver de véritables réponses qui ne peuvent être obtenues que d’un véritable test de projection dans un contexte. Cette analyse typologique se dotera de deux caractéristiques importantes. La première est que les interventions étudiées ne sont pas regardées avec leur contexte originel d’établissement. Elles sont donc décontextualisées, considérées comme des objets génériques dont on veut observer le potentiel intrinsèque et le pouvoir de générer de l’urbain, là où il ne faut pas compter sur sa préexistence. Nous sommes bien évidemment conscients qu’un contexte urbain, social et économique influence nécessairement le développement d’un projet, mais en l’occurrence ici, c’est du potentiel propre à l’unité dont il s’agit.


La seconde caractéristique de cette étude est qu’elle essaye de limiter son observation au dispositif spatial. L’art de l’architecture n’y est pas considéré. Nous souhaitons nous intéresser uniquement à la configuration spatiale mise en place, qui pourrait mettre en relation les éléments urbains de l’unité entre eux et par rapport au contexte. La sélection du corpus s’est basée sur les critères suivants : _ des interventions réalisées récemment dans un contexte de grande ville Européenne, mais pas nécessairement dans un contexte suburbain ; _ des objets autonomes, relativement indépendants de leur contexte, qui ne sont pas empreints d’une logique urbaine environnante, proposant euxmêmes un nouveau système spatial urbain ; _ une typologie innovante de par la forme qu’elle propose ; _ une forme générale ouverte, qui ne relève pas d’une forme géométrique pure fermée, _ un contenu muliprogrammatique, et multiscalaire ; _ un développement plus horizontal que vertical. Ensuite, chacun des trois projets a été choisi pour quelques propriétés individuelles. _ De Citadel présente une diversité de programmes aux échelles très différentes, et qui concernent typiquement la ville contemporaine : logement individuel et grande surface. _ Market Hall propose l’agencement d’un espace très grand, avec des unités de logement collectif. _ Centrum.odorf inclue une grande diversité de programme dans un volume qui s’apparente au langage architectural moderne et est le seul projet à avoir été originellement conçu dans un contexte suburbain.

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051_ Non-exhaustivité programmatique L’exhaustivité programmatique, qui relève de l’étendue de la panoplie d’activités offertes par l’intervention, doit être évitée. En effet bien que nous souhaitions aller à l’encontre de la monofonctionnalité, une trop grande diversité de programmes aurait tendance à rendre l’unité d’intervention autonome dans son fonctionnement. Son autonomie spatiale est approuvée, mais il est préférable qu’elle reste incluse dans le système réticulaire urbain, ou chaque polarité apporte son lot de pratiques complémentaires aux autres. Dans le cas contraire, une trop grande autonomie fonctionnelle poursuivrait dans l’encapsulation des entités urbaines. Très souvent, les typologies hybrides actuels ont tendance a proposé tout un arsenal de programmes, qui au final, recrée une ville dans la ville. Dans les cas présentés, seul Centrum.Odorf procure une programmation diverse et relativement complète : des programmes à la fois de consommation, de logement, de loisir et d’éducation. Le Market Hall et De Citadel, quant à eux, restent relativement simples dans leurs contenus, seules les activités de logement et de consommation sont fournies par les deux dispositifs. Mais devant cette faible diversité de programmes, le Market Hall et De Citadel n’en sont pas pour autant moins riches. Car au regard de nos critères d’urbanité, auparavant définis, la diversité recherchée serait plutôt scalaire. C’est-à-dire la présence au sein de l’entité, de programmes d’échelles d’impact et spatiales très différentes. Attendu que c’est elle qui révèle l’une des principales qualités de l’aire métropolitaine.

052_ Diversité scalaire Centrum.odorf semble contenir une panoplie de programmes mais qui s’apparent tous de la même échelle d’impact : crèche, supérette, logement collectif, MJC… On se situe plutôt dans l’arsenal de l’urbain classique, du centre de proximité. Centrum.odorf se rapproche plus d‘une “unité d’habitation”. Dans la forme, il veut architecturalement associer des éléments de la ville moderne, mais dans la programmation, il se limite à l’échelle locale de proximité. Mais c’est d’ailleurs à cet effet qu’il a été pensé, pour recréer un centre de quartier au milieu de grands ensembles. Ce projet ne combine donc pas les échelles de la ville, alors le Market Hall et De Citadel offrent une plus grande diversité scalaire avec le peu de programmes qu’ils possèdent : le


premier allie l’activité métropolitaine du marché au logement, ainsi qu’une très grand espace (halle) avec de petites entités (logement); le second agence les deux extrêmes de la ville contemporaine, “hyper-privé” (logement individuel) et “hyper-urbain” (grande surface commerciale). Il est donc préférable que les unités d’intervention limitent leur diversité de programmes, afin de rester intégrés à l’environnement urbain, et s’attardent plutôt sur l’agencement de quelques-uns aux échelles disparates.

053_ Transposition d’échelles

Plus que l’agencement d’un contenu d’échelles diverses, il est souhaité que les celles-ci impliquées s’entrelacent, s’enchevêtrent et que l’ “hyperurbain” devienne “urbain” pour combiner les différentes échelons de pratique de la ville. Dans les projets regardés, des éléments typologiques de l’urbain traditionnel semblent avoir été transposés aux systèmes bâtis de l’hyperville. Dans le cas de Citadel, le mall est hybridé avec une rue; et pour Centrum. odorf c’est une place qui lie la dalle de commerces et la tour. Mais ces systèmes spatiaux peuvent-ils être efficaces si l’on les envisage dans un contexte suburbain? Ces deux projets donc mettent en avant des éléments spatiaux qui s’apparentent au langage de l’urbain classique : la rue traversante, et la place fédératrice. Mais dans l’hypothèse de la transposition du langage classique vers la ville contemporaine, il faut se questionner sur la validité de ces systèmes si l’environnement appauvri de ce contexte ne les fourni pas en passage.

054_ Non-hiérarchisation fonctionnelle Nous avons noté précédemment, que la pratique des espaces de la ville n’est plus hiérarchisée. Chacun peut accéder à tout quand il le souhaite, sans traverser des surfaces intermédiaires. Il apparaît clairement que la continuité fonctionnelle à l’intérieure de l’unité urbaine n’est pas ciblée. Dans ces conditions, le Market Hall apporte une proposition intéressante, où restaurants, halle du marché et les logements sont quasiment tous accessibles directement depuis le milieu environnant, les entrées étant uniformément réparties autour du bâtiment. Citadel permet l’abord direct et indirect des programmes, suivant que l’on passe, ou pas, par la rue de

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l’unité. Et Centrum.odorf, quant à lui, ne laisse que très peu de marge de manœuvre à l’accès piéton. La desserte est presque exclusivement centralisée par la place. Dans ces deux projets, les deux espaces de la rue et de la place sont un préambule aux autres programmes, alors que dans le Market Hall, le grand espace de la halle, n’introduit souvent pas le parcours dans le bâtiment, mais il le finalise en quelque sorte. Car une fois arrivée dans son logement, c’est une vue sur le marché qui est offerte depuis l’unité privée. Cette non-hiérarchisation fonctionnelle parait s’inclure dans la logique spatiale contemporaine. En outre, elle permet l’implication de l’environnement proche dans la desserte piétonne. Mais reste à savoir si elle constitue la meilleure option. N’est-il pas préférable, dans un contexte démuni de circulation piétonne, de proposer un espace centralisant par lequel desservir une multitude de programmes directement ? La réponse dépendra certainement des situations.

055_ Contiguïté physique Les projets de Citadele et du Market Hall mettent, tous les deux, en contiguïté physique leurs programmes de différentes échelles, entre eux. Dans le premier, les logements individuels se superposent à la grande surface, les deux entités restant relativement autonomes. Dans le second, les unités de logements collectifs enserrent la halle du marché, cette relation physique voir structurelle conditionne leur indépendance.

056_ Contiguïté visuelle Si l’on ne souhaite pas que les espaces de l’unité d’intervention soient en continuité fonctionnelle, rien n’empêche de faire co-présence pas le visuel. Dans le Market Hall par exemple, même si une personne habitant le bâtiment peut y entrer sans passer par la halle, celui-ci pourra apprécier l’espace et son activité, depuis la cage d’escalier collective, voire même depuis son unité intime et privé.


De Citadel, quant à elle, correspond plus à une superposition de couches dont la percée verticale par deux fois entre le parking et le mall, et entre le centre commercial et les logements, permet la contigüité visuelle des espaces consignés à leur étage. Au dernier niveau, le dispositif propose une terrasse avancée, émergeant de la toiture de la grande surface, en direction des logements individuels. Ainsi le propriétaire qui est dans sa maison et le touriste consommateur se côtoient. D’autre part, la fluidité visuelle de l’espace de l’unité vers l’environnement, et inversement n’est pas à négliger, si le dispositif veut établir une relation avec le milieu. Le grand espace traversant, vitré de toute sa hauteur, de la halle du marché, donne l’impression que le bâtiment s’inscrit tout en continuité du vide environnant, comme s’il venait juste se superposer à une portion du territoire.

057_ Forme ouverte

Ce qui est particulièrement intéressant dans les trois dispositifs analysés, c’est que la forme de leur unité bâtie est inédite. De part leur autonomie par rapport à un tissu ou une masse préexistante, leur dispositif impose leur propre espace concave, qui reste ouverte sur l’environnement alentour. Et aucun d’entre eux ne relève d’une forme géométrique pure, aux façades équivalentes. Dans le cas de Citadel, le traditionnel block carré centripète est altéré par les rues traversantes. Pour le Market Hall, la forme est allongée, traversée de toute sa longueur et sa hauteur par la halle vitrée. Et en ce qui concerne Centrum.Odorf, le dispositif en L, veut cadrer la place tout en s’ouvrant sur l’extérieur. Les dispositifs spatiaux à venir pourraient focaliser leur attention sur les points évoqués dans cette partie. Il faut redoubler d’inventivité pour trouver les configurations qui matérialisent les nouvelles qualités de l’urbain. Dans les cas présents, il semble encore difficile de se dégager des références urbaines, traditionnelles de la rue et de la place. Ne peut-on pas chercher d’autres dispositifs, d’autres typologies encore? Il est fort possible que oui. D’autre part, les trois projets sélectionnés font peut-être preuve d’un manque de proposition originale par rapport à la voiture. Celle-ci est séparée du reste des espaces. À aucun moment, elle n’est considérée pour amener une autre dimension à la pratique de l’unité. Si ce point souhaite être observé, il faut inclure d’autres références à l’analyse.

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I Descriptif des trois typologies étudiées : De Citadel, Market Hall, Centrum.odorf.

Nom : De Citadel Année : 2006 Architecte : Christian de Portzamparc Localisation : Almere / Pays-Bas Contexte urbain : centre dense / ville nouvelle Contexte de l’intervention : masterplan OMA Échelle d’intervention : forme urbaine Type : block / dalle Surface au sol : 18 000 m2 Surface plancher : 45 000m2 Dimensions : 132 * 134 * 20 m Nombre de niveaux : 4 Programmes : logements individuels / logements collectifs / boutiques / centre commercial / parkings


Nom : Market Hall Année : 2014 Architecte : MVRDV

Nom : Centrum.odorf Année : 2006 Architecte : Frötscher Lichtenwagner

Localisation : Rotterdam / Pays-Bas Contexte urbain : centre dense d’aprèsguerre Contexte de l’intervention : plan de restructuration Echelle d’intervention : architecture Type : halle couverte

Localisation : Innsbrück / Autriche Contexte urbain : grand ensemble Contexte de l’intervention : Europan IV Echelle d’intervention : forme urbaine Type: hybride tour / place

Surface au sol : 8 300 m2 Surface plancher : ? Dimensions : 71 * 117 * 40 m Nombre de niveaux : 12 Programmes : logements collectifs / halle de marché / restaurants / cafés / supermarché / parkings

Surface au sol : 9 000 m2 Surface plancher : 21 700m2 Dimensions : 79 * 114 * 10 / 52 m Nombre de niveaux : 2 / 17 Programmes : logement collectifs / bureaux / salle polyvalente / commerce / maison pour jeunes / crèche / centre de jour pour adultes / superette

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J Vue aérienne des trois projets(De Citadel à gauche, Market Hall au milieu, Centrum.odorf à droite) à l’échelle du tisssu (en haut), de la forme urbaine (au milieu), de l’élément architectural (en bas).


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K Plans et coupes du dispositif spatial (De Citadel Ă gauche, Market Hall au milieu, Centrum.odorf Ă droite).


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L Exhaustivité programmatique et diversité scalaire (De Citadel à gauche, Market Hall au milieu, Centrum.odorf à droite). La diversité d’échelles (hyper-urbain, urbain, hyper-privé) est croisée avec la diversité des pratiques. Plus une intervention présente de gris différents, plus la diversité d’échelles est importante. Lorsque celle-ci possède plusieurs pastilles du même gris, l’on tend vers l’exhaustivité programmatique.

CONSOMMER

SE LOGER

S’ĒDUQUER

PRODUIRE

SE DIVERTIR

hyper-urbain

urbain

centre commercial

boutiques

logement collectif

hyper-privé

logement individuel


hyper-privé

hyper-urbain

urbain

hyper-urbain

urbain

halle marché

café restaurant

superette boutique

logement collectif

logement collectif

hyper-privé

crèche

MJC salle polyvalente

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M Relation fonctionnelle entre les espaces De Citadel (à gauche). 01 _ rue 02 _ logements 03 _ grande surface 01 _ commerces Market Hall (au miieu) 01 _ logements 02 _ halle de marché 03 _ commerces 04 _ commerces 05 _ supermarché Centrum.odorf (à droite) 01 _ place 02 _ salle polyvalente 03 _ hall 04 _ logement collectif 05 _ bureaux 06 _ jardin 07 _ logement collectif 08 _ commerce 09 _ logement collectif 10 _ crèche 11 _ centre jour 12 _ superette

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N Contiguïtés visuelles des dispositifs (De Citadel à gauche, Market Hall au milieu, Centrum.odorf à droite). 01_ environnement > unité 02_ unité > environnement 03_ programme > programme 04_ programme > programme


O Espaces et pratiques des dispositifs (De Citadel Ă gauche, Market Hall au milieu, Centrum.odorf Ă droite). 05_ pratiques 06_ pratiques 07_ pratiques 08_ overview

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P Vue isomĂŠtrique du dispositif spatial de De Citadel.

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Q Vue isomĂŠtrique du dispositif spatial du Market Hall.

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R Vue isomĂŠtrique du dispositif spatial de Centrum.odorf.


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S Plans et coupes 1/1000 (De Citadel).


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T Plans et coupes 1/1000 (Market Hall Ă droite, Centrum.odorf Ă gauche).

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CONCLUSION De manière générale, il est difficile d’envisager la pensée et la réalisation de l’urbain dans la ville contemporaine. Car même si les propriétés de l’hyperville représentent nos modes de vie actuels et donnent à l’urbain de nouvelles logiques au riche potentiel, certaines qualités paraissent immuables et difficiles à occulter, telles que la co-présence, la sérendipité. Devant un système spatial qui tend à s’y opposer, il est difficile de leur trouver un chemin. Il faut redoubler d’abstraction et d’inventivité. De nouveaux systèmes d’intervention urbaine doivent être envisagés. Leurs qualités et leurs typologies doivent réévaluées, réinventés. La recherche qui a commencé à être mise en place dans ce mémoire, veut initier un processus de projetation. Car l’on continue trop souvent de fabriquer l’espace sans inclure le projet dans une pensée théorique globale, et d’investiguer sans jamais dessiner. Ce travail souhaite donc se placer à la pierre angulaire entre recherche et production architecturale. Et dans la poursuite de cette étude initiée, l’on pourrait peut-être envisager de passer au projet. Au du moins, l’expérimentation projectuelle des qualités proposées, et des tests de transposition typologique seraient imaginés dans le contexte du territoire de la ville métropolitaine.


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_ Jacques Lucan, OMA: Rem Koolhaas: Architecture 1970-1990, Princeton Architectural Press, 1996. _ Xavier Malverti, La grande échelle de Rem Koolhaas, Les annales de la recherche urbaine n°82, PUF, 1999. _ Carlos L. Marcos, Rethinking Bigness, Universidad de Alicante, Departamento de Expresión Gráfica y cartografía, Apartado de Correos, alicante, 1999.

Ouvrages et articles sur les mat-buildings et les mégastructures

_ Yhan Zhu, Neo-Mat-building, The 4th International Conference of the International Forum on Urbanism, Amsterdam/Delft, 2009. _ Hashim Sarkis, Pablo Allard, Timothy Hyde, Case : Le Corbusier’s Venice Hospital and the Mat Building Revival, Prestel, 2002 _ Arnulf Lüchinger, Structuralisme en architecture et urbanisme, Krämer, Stuttgart, 1981.


Ouvrages sur les hybrids

_ Joseph Fenton, Hybrid Buildings, Pamphlet Architecture n°11, New York, San Francisco, 1985. _ Steven Holl, Aurora Fernandez Per, Javier Mozas, Javier Arpa,This is Hybrid, Editions a+t, 2011. _ Aurora Fernandez Per, Javier Mozas, Hybrids I, Editions a+t, 2008. _ Aurora Fernandez Per, Javier Mozas, Hybrids II, Editions a+t, 2008. _ Aurora Fernandez Per, Javier Mozas, Hybrids III, Editions a+t, 2009.

Ouvrage sur le concept d’ “Environmental Unit”

_ Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto, Made in Tokyo, Kaijima Institute Publishing Co., Japan, 2006.

Ouvrages de référence analytique

_ Données de LIA, Laboratory for Integrative Architecture de l’agence LIN de Finn Geipel, TU-Berlin. _ Like Biljsma, Jochem Groenland, The Intermediate Size,a handbook for collective dwellings, SUN, 2006. _ Aurora Fernandez Per, D Book-Density, Data, Diagramms, Dwellings, éditions a+t, 2007.

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