Lettre de la bibliothèque N°20

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ISSN 1291-2441

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A LETTRE LETTRE DE DE LA LA A BIBLIOTHÈQUE IBLIOTHÈQUE N° N° 20 20 -- Automne Automne 2005 2005 Maison de la culture du Japon à Paris

Pour Ôé Kenzaburô Philippe Forest Écrivain

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aluer aujourd’hui la venue d’Ôé Kenzaburô en France ne peut être que l’occasion de rappeler quelques évidences en un temps toujours trop oublieux des vérités qui devraient compter à ses yeux. La principale de ces évidences concerne le caractère proprement monumental de l’œuvre romanesque considérée. Frénétique et juvénile témoignage sur la crise morale de l’immédiat aprèsguerre, scandaleuse et sublime protestation contre l’écrasement dont les nouvelles générations avaient été les victimes un peu partout dans le monde, on sait comment cette œuvre a acquis toute sa dimension au lendemain d’une épreuve personnelle qui obligea le romancier à tout reconsidérer de son expérience passée et à placer au cœur déchiré de sa pensée la question sans réponse du Mal et de la souffrance. De telles données s’est déduite, une série de récits, d’essais à travers lesquelles l’auteur poursuit jusqu’à aujourd’hui une longue et toujours renaissante méditation qui porte à son degré le plus haut de puissance, de complexité, d’humanité l’art moderne du roman. Longtemps après celle de Kawabata Yasunari, peu avant celle de Gao Xingjian, ouvrant très certainement la voie à celles d’autres écrivains d’Asie

qui lui succéderont bientôt, l’œuvre d’Ôé Kenzaburô, en 1994, obtint, comme on sait, le Prix Nobel de littérature et cette récompense trop tardive allant à un écrivain japonais doit être reçue comme le signe annonciateur d’une nouvelle conscience proprement universelle de la culture et de la création littéraire. On dit d’Ôé qu’il est un écrivain japonais, le plus grand peut-être des écrivains japonais vivants, et c’est à ce titre qu’on le célèbre parfois. Cela est vrai sans doute. Mais, engagée dans un continuel dialogue avec les littératures d’Occident (et tout particulièrement celle de France à laquelle le lient les noms de Rabelais, Sartre, Camus ou Céline), il est peu d’œuvres qui, autant que la sienne, résistent à ce qu’on les réduise à n’être que l’expression d’une conscience nationale. Son Japon est une terre rêvée, un monde de marges, un pays où sur la périphérie se tient le peuple formidable des rebelles et des exclus, des dissidents et des parias, une contrée où dans le miroir magnifique des mythes se réfléchit l’extrême modernité d’une conscience attentive mieux qu’aucune autre à son temps et irréductiblement universelle. Qu’on me permette pour finir de faire état d’un souvenir personnel. En 1999, à une

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époque où pour des raisons politiques qui l’honorent il avait choisi de mettre quelque distance entre lui et la France, Ôé Kenzaburô a accepté de me recevoir chez lui à Tokyo, moi, tout jeune écrivain français convaincu de trouver chez l’auteur du Jeu du siècle et de Lettres aux années de nostalgie le signe salutaire d’une littérature encore magnifiquement vivante. Longtemps – et ce fut le cas d’Ôé lui-même – les jeunes écrivains japonais ont fait le voyage vers l’Europe. Par un juste retour des choses, il me semble que ce sont les jeunes écrivains d’Europe qui aujourd’hui éprouvent le besoin de faire le voyage vers le Japon car ils savent que vivent et écrivent là-bas quelques-uns à l’école desquels ils doivent mettre leur art. De par le monde, nombreux sont les auteurs, les lecteurs pour qui le nom d’Ôé brille d’une signification toute particulière. Pour eux, pour nous, ce nom désigne un homme à qui va toute notre admiration amicale, respectueuse – et aussi désuet que soit ce mot dans notre langue, aussi suspect que ce mot puisse paraître à notre tempérament individualiste et souvent anarchisant –, un homme en qui nous reconnaissons un maître, un maître dans l’art d’écrire. Et, en vérité, davantage encore.

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REGARDS SUR LE FONDS SOCIOLINGUISTIQUE - OKAMOTO, Shigeko Japanese language, gender, and ideology – Cultural models and real people. Oxford : Oxford University Press, 2004. 300p. Cet ouvrage présente l’ensemble des études qui favorisent la compréhension du rapport langue japonaise / genre, grâce à la mise en perspective des pratiques linguistiques locales face aux clichés et aux modes de pensée dominants. Les thèmes abordés sont les suivants : genre et courtoisie, histoire des faits du langage, langue des romans et des revues de mode japonaises, conversations de bar, définitions de dictionnaire et utilisation de la première personne. Ces études constituent une avancée indéniable dans ce champ de recherche, et seront d’un grand intérêt pour les sociolinguistes, les anthropologues, les sociologues, ainsi que pour les chercheurs sur le Japon ou sur la langue japonaise. - CALVET, L.-J. et GRIOLET, P. (dir.) Impérialismes linguistiques hier et aujourd’hui. Aixen-Provence : INALCO / Edisud, 2005. 383p.

Cet ouvrage, qui réunit les actes d’un colloque organisé à Tokyo en 1999 par la Maison francojaponaise, l’Institut des Langues et Sociétés de l’Université de Hitotsubashi ainsi que par l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO), propose les

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réflexions d’universitaires sur la diversité linguistique en la situant dans l’histoire des colonialismes passés et actuels. Bien que le français et le japonais soient au centre des débats, l’ouvrage ne se limite pas à ces deux langues, mais analyse les enjeux d’un monde où toutes les langues pourraient coexister de façon harmonieuse face à la mondialisation grandissante. Ce colloque a ainsi soulevé la question essentielle de la hiérarchie entre les langues et de l’avenir réservé aux dialectes, aux langues régionales ou « minoritaires » face aux langues dites « officielles ».

ART - CLARK, John Japanese exchanges in art 1850s to 1930s with Britain, continental Europe, and the USA. Sidney : Power Publications, 2001. 352p. Cet ouvrage résulte d’une étude menée sur les échanges d’œuvres d’art au cours des XIXe et XXe siècles entre le Japon et l’Occident. Ainsi présente-t-il un intérêt de premier ordre pour tous ceux qui travaillent sur les échanges artistiques nippo-européens, essentiellement avec la Grande-Bretagne, mais aussi pour tous ceux qui étudient l’histoire nationale ou l’histoire de la photographie moderne japonaise. Rassemblant les différentes sources existantes sur Felice Beato, le Baron R. von Stillfried-Ratenicz ou encore C. Wirgman, cet ouvrage comporte également des notices biographiques complètes d’artistes européens en villégiature au Japon ou d’artistes nippons inspirés par l’art européen au XIXe siècle. - OHNO, Kazuo et OHNO, Yoshito Kazuo Ohno’s world from without and within, trad. de John Barrett. Middletown (CT) : Wesleyan University Press, 2004. 323p. Ôno Kazuo est l’un des danseurs fondateur du butô, danse avant-gardiste apparue au Japon dans les années 1950. Aujourd’hui âgé de 97 ans, il continue à se produire sur scène et à explorer les possibilités du corps humain. L’ouvrage débute par une série d’interviews d’Ôno Yoshito, fils et

partenaire de danse d’Ôno Kazuo. La seconde partie donne la parole au danseur lui-même et se présente sous forme d’aphorismes, paroles prononcées par le maître pendant les répétitions et traduites ici pour la première fois en anglais. Près de 150 photos d’archives en noir et blanc viennent compléter le portrait de ce danseur atypique.

LITTÉRATURE - Gouverneurs de province et guerriers dans les histoires qui sont maintenant du passé – Konjaku monogatarishû, trad. et comment. de Francine Hérail. Paris : Collège de France / IHEJ, 2004. 183p.

On ignore le nom de l’auteur ou du compilateur du Konjaku monogatarishû, récits de la dernière partie de l’époque de Heian (XIXIIe siècle), mais l’on ne peut ignorer celui de Bernard Frank, qui proposa en 1968 une première traduction en français d'extraits de ce recueil, Histoires qui sont maintenant du passé. Les quarante-deux récits qui composent l’ouvrage de Francine Hérail sont traduits ici pour la première fois. Tous, ils mettent en scène des gouverneurs de province et des guerriers, permettant ainsi au lecteur de voir se dessiner la figure du guerrier qui dominera les siècles suivants. - NAKAHARA, Chûya Poèmes traduits par Yves-Marie Allioux. Arles : Philippe Picquier, 2005. 196 p.

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cartographique de l’espace urbain analysé comme l’incubateur le plus propice de la modernité. - FOREST, Philippe La beauté du contresens et autres essais sur la littérature japonaise. Nantes : Cécile Defaut, 2005. 331p.

Ne laissant derrière lui que deux recueils poétiques achevés, Nakahara Chûya (1907-1937) est aujourd’hui encore l’un des poètes les plus lus et les plus aimés par les jeunes Japonais. Sa vie vouée à l’art et à un amour impossible pour une jeune femme, sa disparition prématurée ont créé autour de lui une aura de légende. De son inclination pour les poèmes de Rimbaud viennent les influences de la poésie française sur ses propres compositions ; en voici une soixantaine minutieusement annotées qu’Yves-Marie Allioux a parfaitement réussi à rendre en français. L’ouvrage est, en outre, fort documenté avec des photographies, des reproductions et des dessins de l’auteur, auxquels s’ajoutent une chronologie et une bibliographie que le traducteur a établies avec précision.

Le romancier et critique Philippe Forest a réunit dans ce volume les textes qu’il a consacrés depuis une dizaine d’années à la littérature japonaise. Il évoque des grands noms du roman japonais contemporain tels Ôé Kenzaburô, Mishima Yukio, Dazai Osamu, Tsushima Yûko ou encore Nakagami Kenji, proposant une réflexion sur la création littéraire en Orient et en Occident, ainsi que sur les formes de l’écriture autobiographique. Sur ce dernier sujet, on pourra lire du même auteur Les romans du Je, essai paru en 2001 aux Editions Plein Feux. - ISHIDA, Ira Ikebukuro West Gate Park, trad. par Anne BayardSakai. Arles : Philippe Picquier, 2005. 318p.

HISTOIRE - SABOURET, Jean-François (Dir.) La dynamique du Japon – Histoire de la première modernité d’Asie. Paris : Saint-Simon, 2005. 430p. Cet ouvrage collectif rassemble les contributions d’une trentaine de spécialistes de six nationalités différentes qui tentent de retracer l’histoire de la modernité japonaise depuis 1853, en privilégiant une approche thématique. Les auteurs traitent ainsi de sujets aussi variés que la religion, la philosophie, l’éducation, l’institution impériale, l’armée, les technologies, les médias ou la jeunesse. Le parti pris est d’étudier le passé pour mieux comprendre les secrets de la modernité japonaise, de saisir son ampleur, son cheminement à travers l’histoire, mais aussi de prévoir les évolutions de la société japonaise et les choix que fera le Japon dans sa politique mondiale. - KATSURAGAWA, Hoshû Naufrage & tribulations d’un Japonais dans la Russie de Catherine II (1782-1792). Trad. et notes de Gérard Siary. Paris : Chandeigne, 2004. 430p.

- MAEDA, Ai Text and the city: essays on Japanese modernity. Durham (NC) et Londres : Duke University Press, 2004. 408p. Cet ouvrage collectif présente, pour la première fois en langue occidentale, onze essais de Maeda Ai (1931-1987), connaisseur de la littérature nationale et de l’histoire de la société nippone, sociologue et critique littéraire de renom du XXe siècle. Sélectionnés par James A. Fujii, ces textes mettent la modernité japonaise en question, en se fondant sur les théories littéraires et ethnosociologiques actuelles. Maeda, qui a su exercer son esprit aux pensées occidentales les plus complexes, y aborde avec une rare acuité les thèmes suivants : fictions populaires et magazines féminins, systèmes carcéraux et utopies, théâtre et littérature, représentation

dimension sociologique, reflet des espoirs et angoisses de la jeunesse tokyoïte.

Ce thriller, qui a obtenu le grand prix de littérature policière au Japon, dépasse de loin le cadre d’un simple roman policier. A travers la vie des jeunes gens du quartier branché d’Ikebukuro, il dresse le portrait d’une jeunesse en déperdition avec son lot d’otaku, de dealers, de prostituées et de clandestins. Le héros, un jeune débrouillard de dix-neuf ans, tente avec sa bande de copains de résoudre des crimes, d’aider les plus démunis et de ramener la paix entre les gangs… Il en résulte une œuvre vive, poignante, doublée d’une véritable

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Gérard Siary nous propose la traduction française du Hokusabunryaku, récit de voyage de Kôdayû, un marchand japonais, unique rescapé d’un long périple en Russie. En 1782, le Shinshômaru, bateau de commerce, quitte le petit port de Shiroko, fort d’une cargaison de 90 tonnes de riz et d’autres marchandises à destination de la capitale Edo. La tempête, cependant, déroutera ce navire qui malmené par des vents furieux, échouera après une longue dérive sur l’une des îles Aléoutiennes, Amtchitka, alors sous domination russe. Kôdayû va alors, avec son équipage, traverser le Kamtchatka, la Sibérie et la Russie pour finir à Saint-Pétersbourg où il est reçu par l’impératrice Catherine II. « Plein d’usage et raison », il se voit rapatrié au Japon où Katsuragawa Hoshû consigne son témoignage dans cet édifiant récit.

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Heures d’ouverture

La Conférence annuelle de l’EAJRS à Lund en Suède

Du mardi au samedi 13h00-18h00 Nocturne le jeudi jusqu’à 20h00

Le ciel de Copenhague était gris et sombre. Le train, traversant la mer brumeuse, nous fit entrer en Suède, où des terrains vagues et désolés se déployaient à perte de vue. Sur cette presqu’île se niche l’une des plus anciennes universités d’Europe: l’Université de Lund. C’est en ces lieux de savoir que s’est tenue la 16e conférence annuelle de l’European Association of Japanese Resource Specialists. Inaugurée en 1668, l’Université de Lund est la plus grande université de Scandinavie, particulièrement renommée pour son département de technologie et d’informatique, et pour ses trente bibliothèques qui jouent un rôle capital dans la vie universitaire de Lund, grâce à un catalogue collectif, appelé Lovisa, http://lovisa.lub.lu.se, qui les relie les unes aux autres. La présente conférence, organisée par le Centre for East and South-East Asian Studies de l’Université, s’est déroulée du 21 au 24 septembre 2005 au Musée Culturel et Historique. Les 76 participants venus du Japon, des États-Unis, et d’ Europe se sont réunis pour évoquer l’état de l’art des technologies informatiques et discuter de l’avenir des bibliothèques électroniques. En outre a été soulignée l’importance du contact humain entre les lecteurs et les bibliothécaires qui peuvent les aider dans leurs recherches documentaires. Citons des extraits choisis de quelques exposés : Monsieur Horiuchi, de la Bibliothèque Nationale de la Diète, a parlé des trois collections récemment constituées : les documents historiques de la politique japonaise moderne composés de lettres, journaux, documents officieux d’hommes politiques, de fonctionnaires, ou de diplomates ; les documents microfilmés aux États-Unis concernant les différentes administrations du Japon sous l’occupation alliée ; et enfin, les données recueillies en Amériques centrale et du Sud, en Amérique du Nord et à Hawaii sur l’ immigration japonaise. Les professeurs Aiba et Miyake du Nichibunken ont achevé leur projet de numérisation des documents japonais conservés à la Library of Congress: 1640 estampes et dessins de l’époque d’Edo. Tous ces documents ont été numérisés et catalogués par des spécialistes japonais et cette base de données sera consultable sur le site internet du Nichibunken. Le professeur Takayama de l’Université Nisho-gakusha a évoqué l’importance de l’étude du Kanbun, longtemps ignorée dans les écoles japonaises. En France où l’on enseigne encore le Kanbun, notamment à l’INALCO, les ouvrages ne sont pas répertoriés dans le catalogage du fonds japonais de la bibliothèque de l’Institut. Cet exposé avait pour objectif de recenser l’ensemble des documents conservés en Europe. Par ailleurs, Monsieur Todd de la British Library est intervenu pour attirer l’attention des participants sur ce qui se passait, depuis cet été, à la SOAS (School of Oriental and African Studies), Université de Londres : quatre bibliothécaires, parmi lesquels la bibliothécaire responsable du département japonais, ont brutalement été licenciés sans aucune raison justifiée. A l’unanimité, nous nous sommes engagés à prendre leur défense et à nous battre contre cette décision injuste des administrateurs de la bibliothèque de la SOAS. E.M.

Fermeture

Les dimanches, lundis et jours fériés Du 24 déc. 2005 au 3 janv. 2006 inclus

BLOC-NOTES • Ôé Kenzaburô, prix Nobel de littérature, donnera une conférence le jeudi 24 novembre à 18h30 à la MCJP sur le thème : «Ayant vécu soixante-ans depuis le nouveau départ… » avec traduction consécutive en français. Entrée libre sur réservation à partir du 26 octobre au 01.44.37.95.01.

MAISON DE LA CULTURE DU JAPON À PARIS BIBLIOTHÈQUE 101 bis, quai Branly 75740 Paris cedex 15 Maison

Tél : 01.44.37.95.50 - Fax : 01.44.37.95.58 - internet : http ://www.mcjp.asso.fr

de la Culture du Japon à Paris

Directeur de la publication : Masateru NAKAGAWA Rédaction : Etsuko MORIMURA – Kazuo LEE – Florence PASCHAL – Pascale TAKAHASHI – Racha ABAZIED – Cyrille ROBERT Composition : Texto! Roubaix - Impression : Imprimerie Artésienne Liévin Dépôt légal : 4e trimestre 2005

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