Lettre de la biliothèque n°23

Page 1

n° 23 - Hiver, février 2007

La Conférence annuelle

Bibliothèque

de l’EAJRS à Venise C’est à Venise que se sont réunis cette année les membres de l’European Association of Japanese Resource Specialists (EAJRS) pour leur 17ème conférence annuelle. L’Universita’ Ca’ Foscari di Venezia a ainsi accueilli du 27 au 30 septembre 2006 soixante-quatre spécialistes de la documentation japonaise venus d’Europe, des États-Unis et du Japon. L’intervention de Mme Kurita Junko, responsable de la Japan Foundation Information Center Library à Tôkyô, n’a pas manqué d’intéresser tout particulièrement les responsables des bibliothèques de la Fondation du Japon en Europe. Fermée pendant plusieurs mois pour réorganisation, la bibliothèque a réouvert en avril 2006 sous la dénomination de « centre d’information ». Devenue désormais un véritable bureau central d’informations sur la culture japonaise et les échanges culturels internationaux, la bibliothèque joue aussi un rôle important dans la coordination des activités des 18 bibliothèques de la Fondation à l’étranger. À noter plus spécifiquement, la mise en ligne sur son site internet de la base de données Japanese Literature in Translation Search (http://www.jpf.go.jp/e/jfic/lib/db.html), base bibliographique des traductions faites entre 1945 et 1990 d’œuvres littéraires japonaises, élaborée en collaboration avec le Japan Pen Club.

Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75740 Paris cedex 15 Tél. 01 44 37 95 50 Fax 01 44 37 95 58 www.mcjp.asso.fr

Ouverture Du mardi au samedi de 13h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 20h Fermeture Les dimanches, lundis et jours fériés

Grand thème d’actualité, les ressources électroniques ont fait l’objet de plusieurs interventions, notamment celle de Mlle Ebisu Ryûko (Bibliothèque Nationale de la Diète) qui a fait l’état des lieux de l’offre de la bibliothèque nationale japonaise en matière de données numériques. Aujourd’hui, les services en ligne proposés à partir du site internet (www.ndl.go.jp) sont les suivants : consultation du catalogue (NDL-OPAC), des documents de la bibliothèque numérique, des documents officiels issus de l’activité de la Diète (Parlement japonais), accès aux expositions virtuelles ainsi qu’aux services de l’ILCL (International Library of Children’s Literature) dont l’objectif est de promouvoir la littérature enfantine dans le monde. Sont en projet : le NDL Digital Archive System, système d’archives numériques pour la conservation à long terme de documents numériques (sites web, livres numérisés en mode texte ou image, bases de données en ligne…), ainsi que le NDL Digital Archive Portal, portail d’archives numériques, qui offre un accès facilité aux ressources électroniques grâce à la collaboration de la bibliothèque nationale avec d’autres institutions japonaises. M. Egami Toshinori (Université de Kyôto) a fait part d’une initiative tout à fait intéressante menée à titre privée depuis septembre 2003 par une trentaine de bibliothécaires de son université. Ces derniers ont créé des sessions d’étude des kuzushi-ji (Kuzushi-ji wo yomu kai), caractères en écriture cursive utilisés dans les textes écrits avant l’ère Meiji. Ces réunions qui ont lieu une à deux fois par mois sont l’occasion pour les participants qui, pour la plupart n’ont pas de formation littéraire ou historique spécifique, de se former à la lecture de ces caractères ainsi qu’à l’utilisation des sources bibliographiques. En conclusion de ce court compte-rendu, citons le vœu formulé par le Professeur Vande Walle, Président de l’association, dans son allocution de bienvenue, d’ouvrir encore plus largement ce colloque à des participants en provenance des pays de l’Europe de l’Est d’une part, et de Chine et de Taïwan d’autre part, afin de multiplier les échanges et le partage d’expériences entre professionnels de la documentation. F. P.

Directeur de la publication

Masateru Nakagawa Rédaction

Chisato Sugita Florence Paschal Pascale Takahashi Racha Abazied Conception graphique et maquette

La Graphisterie Impression

Imprimerie d’Arcueil Dépôt légal : 1er trimestre 2007 ISSN 1291-2441 4

La lettre de la bibliothèque Munakata Shikô : la force du bois, les crocs de l’histoire Michael Lucken, Professeur des universités, INALCO n restaurant de poisson cru à proximité de la Meiji dôri. Sur un mur, une gravure sur bois, les formes noires et rondes d’un corps de femme qu’illuminent quelques taches de couleurs profondes. À des milliers de kilomètres de là, dans une maison de la campagne française, sur un mur jauni, une œuvre similaire. Les planches de Munakata Shikô se rencontrent dans des lieux ordinaires, dans des cadres que recouvre une pellicule de gras comme un signe du temps qui s’est accumulé, sans que personne ne les regarde comme des objets sacrés. Ce sont juste des motifs du décor.

U

Ces souvenirs sont malgré tout anciens et il est certain que la hausse récente du marché de l’art rend tout ce qu’a pu faire Munakata de plus en plus précieux. Bien qu’il s’agisse d’un artiste très prolifique lié au mouvement des arts populaires (mingei) et que le support de la gravure qu’il a beaucoup utilisé multiplie le nombre des pièces originales, le prix de ses œuvres a considérablement augmenté dans les dernières années. Une peinture de sa main est cotée actuellement autour de 300 000 euros. Le système national de classement des objets d’art au Japon place au sommet de la hiérarchie les Trésors nationaux. Viennent ensuite les Biens culturels importants, parmi lesquels un peu moins de 2 000 peintures. Pour l’heure, aucune œuvre postérieure à la Restauration de Meiji (1868) n’est répertoriée parmi les Trésors nationaux et la plus récente

classée Bien culturel important est une peinture sur soie d’Uemura Shôen datant de 1936. On attend avec impatience les prochaines commissions de classement pour savoir si des œuvres postérieures à 1940 seront enfin distinguées. Si tel était le cas, on pourrait imaginer qu’une peinture de Munakata Shikô figure parmi les premières lauréates, récompensant du même coup l’ensemble de son activité.

parfois uniquement parce que d’autres pièces plus belles ou plus précieuses ont été détruites. Admirés à titre conservatoire, ils portent en filigrane le souvenir de choses mortes.

Poèmes de l’exil – Caverne des lions, 1953 © Musée Ôhara

Conférence

Les œuvres les plus connues de Munakata datent de l’après-guerre, et particulièrement de la période 1945-1965. Pourtant, l’artiste, né en 1903, avait déjà une production importante avant la guerre et il resta très actif durant toute la durée du conflit. Hélas l’incendie de sa maison et de son atelier dans les bombardements de Tôkyô en 1945 a entraîné la destruction d’une grande partie de son travail. La Seconde Guerre mondiale a évidé le patrimoine culturel japonais, et les objets qui sont aujourd’hui appréciés le sont

Aucune des œuvres de Munakata n’étant estampillée Bien culturel important, son nom n’est pas présent dans les manuels d’histoire qui, en matière d’art, ne citent quasiment que ce qui a été légitimé par les instances publiques. Un livre fait toutefois exception, le nouveau manuel de la Tsukuru-kai (« Société pour la rédaction de nouveaux manuels d’histoire »), ouvrage qui continue de faire polémique pour sa vision réactionnaire de l’histoire. Munakata devient dans ce livre le symbole d’une nation ancrée dans sa terre qui valorise les « émotions » (kanjô) qui se dégagent des œuvres sans attendre le jugement des commissions officielles. Il est d’autant plus important de comprendre et d’aller voir les œuvres de Munakata Shikô, dont les deux dernières grandes expositions en France se sont tenues en 1976 et 1983, qu’elles font l’objet d’une tentative de récupération. Cette dernière remarque nous rappelle toutefois une réalité : la valorisation esthétique est intrinsèquement liée au politique. ■

Exposition MUNAKATA Shikô – La collection du Musée Ôhara Du mercredi 7 mars au samedi 7 avril 2007 à la Maison de la culture du Japon à Paris 1


Regards sur le fonds Littérature Mémoires d’une éphémère (954-974) par la mère de Fujiwara no Michitsuna Trad. et comment. de Jacqueline Pigeot Paris : Collège de France, Institut des Hautes Etudes Japonaises, 2006. 342p.

Il est des écrits fondateurs. Celui-ci, rédigé dans la deuxième moitié du Xe siècle par la fille d’un gouverneur provincial mariée à un grand seigneur de cour, inaugure à la fois la littérature autobiographique et la prose féminine au Japon. L’auteur, dont la postérité ne retiendra pas le nom, y relate sa vie d’épouse avec une grande liberté de ton : tour à tour jalouse, furieuse, résignée vis-à-vis de son mari aussi spirituel que volage, elle finit par se consacrer à son fils. Pour le penseur Katô Shûichi, aucune œuvre classique, exception faite du Dit du Genji, n’offre une palette aussi subtile de nuances psychologiques. Loin de se limiter à la vie intime de son auteur, le récit évoque également sa vie sociale, ses amitiés, et s’orne de poèmes et de récits de voyage.

SHISHI Bunroku

L’école de la liberté Trad. de Jean-Christian Bouvier Paris : Éd. du Rocher, Série japonaise, 2006. 365p.

Dans le Tôkyô de l’après-guerre, Minamimura Iosuke, colosse nonchalant et allergique au travail, est chassé de son foyer par une épouse en colère. Sans argent, il est recueilli par un chiffonnier qui va lui faire découvrir et partager l’existence marginale des exclus de la nouvelle société nippone. De son côté, sa femme Komako s’efforce de refaire sa vie dans un Japon où les mœurs évoluent et dans lequel la liberté est une notion dont les limites restent à expérimenter… Ce roman plein de drôlerie, mettant en scène des femmes « libérées » par la récente démocratisation du Japon, des hommes qui doutent d’eux-mêmes et un système de valeurs bouleversé par l’influence américaine, porte un regard aigu et ironique sur la société japonaise. Dramaturge et écrivain, Shishi Bunroku (1893-1969) est aussi l’auteur de nombreuses fictions populaires, dont Un papa poète, traduit à L’École des loisirs en 1991.

2

Art

Technologie

Histoire

SUZUKI Akira, TERADA Mariko

Timothy N. HORNYAK

Christian POLAK

Archilab Japon-Orléans 2006 : faire son nid dans la ville

Loving the machine: The art and science of Japanese robots

Sabre et pinceau par d’autres Français au Japon, 1872-1960

Orléans : Éd. HXY, 2006. 289p.

Tokyo ; New York ; London : Kodansha International, 2006. 159p.

Tokyo : CCIFJ, 2005. 247p.

Le catalogue des Septièmes Rencontres internationales d’Orléans met le Japon à l’honneur en présentant, en 2006, une trentaine d’équipes d’architectes japonais parmi les plus importants de la génération actuelle. La centaine de projets présentés dans ce catalogue nous offre un panorama des nouveaux architectes qui ont débuté dans les années 1990. Les plus célèbres en France sont sans doute Ban Shigeru, Sejima Kazuyo, Nishizawa Ryûe et l’emblématique Atelier Bow Wow, chef de file de cette nouvelle génération. Questionnant les liens entre espace domestique et paysage urbain caractéristiques de l’habitat japonais, ce catalogue nous plonge dans la ville organique de Tôkyô, gigantesque laboratoire urbain, symbole des mutations profondes qui investissent toutes les grandes mégapoles.

Pourquoi un Aibo ou un Asimo est-il si aisément considéré comme l’ami de l’homme au Japon, alors qu’en Occident on en est encore à craindre un Robocop ou un Terminator ? Premier pays au monde à avoir intégré les robots au quotidien, le Japon est connu pour son amour des robots humanoïdes, objets d’une véritable culture de masse. Très illustré et bien documenté, ce livre explique la place que ces fascinantes machines occupent dans la vie et l’imaginaire nippons, de leurs origines — sous leurs premières formes d’automates — aux dernières avancées technologiques.

Langue Christian GALAN, Jacques FIJALKOW (dir.)

Langue, lecture et école au Japon Amy Reigle NEWLAND

The Hotei Encyclopedia of Japanese Woodblock Prints (2 vol.) Amsterdam : Hotei Publishing, 2005. 600p.

Le terme d’encyclopédie ne paraît pas usurpé pour cet ouvrage auquel ont participé quelque cinquante spécialistes des estampes japonaises. Outre une approche chronologique classique, depuis l’ère Edo (1603-1868) jusqu’au XXe siècle, des chapitres sont consacrés à des aspects moins courants comme le commerce qui s’organise autour de cet art, les collectionneurs, les techniques de fabrication mais aussi de conservation des œuvres. Le tome 2 fourmille, en outre, de tables et d’index précieux : une riche table biographique concernant différents corps de métiers, les écoles avec leur lignée d’artistes, les noms des artistes en alphabet latin et en japonais, des fac-similés des signatures, les sceaux des imprimeurs et des censeurs, une analyse des différents blocs de textes présents sur une estampe et bien d’autres choses encore.

Après Soie et Lumières, l’âge d’or des échanges francojaponais (des origines aux années 1950), Christian Polak nous livre ici le deuxième volet de l’histoire des relations francojaponaises depuis l’ère Meiji jusqu’au milieu du siècle dernier. La première partie de l’ouvrage, Le sabre, brosse l’histoire de la coopération militaire (aéronautique et navale) entre les deux pays. La seconde, Le pinceau, présente trois figures artistiques françaises — Félix Regamey, Paul Jacoulet et Noël Nouët — qui passèrent pratiquement toute leur vie au Japon et qui contribuèrent à familiariser les Français avec ce pays. Cet ouvrage bilingue français-japonais de grand format est richement illustré de documents d’archives.

Arles : Éd. Philippe Picquier, 2006. 404p.

Cet ouvrage rassemble la somme des débats qui se sont tenus entre le 15 et le 17 mai 2003 à l’université de Toulouse-leMirail autour de la langue japonaise et de la manière dont celle-ci est lue et enseignée. Pour tenter de comprendre le fonctionnement du japonais par rapport aux autres langues, le passage entre la langue parlée et les modalités de l’écriture et enfin analyser les différentes méthodes d’apprentissage de la lecture, des chercheurs de plusieurs disciplines — linguistique, psychologie, pédagogie, sociologie, histoire — présentent l’enseignement de la lecture au Japon et proposent de nouvelles orientations qui prennent en compte la spécificité de cette langue et les contextes de son apprentissage.

Anne KERLAN-STEPHENS, Cécile SAKAI

Du visible au lisible : texte et image en Chine et au Japon Arles : Éd. Philippe Picquier, 2006. 205p.

Cet ouvrage traite des effets de l’écriture en idéogrammes dans l’expression artistique, picturale et littéraire des civilisations qui l’utilisent. Dix spécialistes de la Chine et du Japon développent une réflexion originale qui cherche à rendre compte des liens effectifs tissés entre le texte et l’image. Au cœur du questionnement : la pratique de l’écriture et une certaine éducation du regard, qui donnent à voir et à lire des significations inattendues ou secrètes, qui révèlent l’implicite, qui détiennent le pouvoir de créer ou de renforcer la charge esthétique. Ainsi, peinture, calligraphie, poésie, inscriptions anciennes ou manuscrits d’écrivains sont analysés comme autant de témoins de cette proximité entre le lisible et le visible en Extrême-Orient.

Michael LUCKEN, Anne BAYARD-SAKAI, Emmanuel LOZERAND (dir.)

Le Japon après la guerre Arles : Éd. Philippe Picquier, 2007. 406p.

Voici un livre qui traite de cette période délicate qu’est l’immédiat après-guerre, époque marquée par la défaite du Japon et l’occupation américaine. Dans bien des domaines, la guerre a laissé des traces ineffaçables dans l’esprit des Japonais. La bombe atomique, la nouvelle Constitution et les difficultés économiques du quotidien ont bouleversé en profondeur la société japonaise. Les contributions réunies ici examinent les différentes modalités du rapport à la guerre, sa mémoire ou sa négation. Ainsi, des domaines comme l’éducation, la politique, les lettres et les arts sont analysés par les spécialistes du Japon moderne et contemporain. En annexe sont édités pour la première fois en français des documents historiques de première importance comme la fameuse déclaration impériale du 15 août 1945.

3


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.