Trois contes sur un même thème Écrits, illustrés et enregistrés par les participants du projet de médiation culturelle « On se raconte ! » à la Bibliothèque de Saint-Laurent Printemps 2010
PRÉFACE Le projet « On se raconte ! », inscrit dans le cadre du programme de médiation culturelle des arrondissements montréalais, a rejoint une douzaine de familles n’ayant pas comme langue maternelle le français. Ce projet leur a permis de se familiariser avec la langue française par l’univers du conte. Ainsi, au cours des dix-huit rencontres prévues, les participants ont eu la chance de côtoyer plusieurs artistes professionnels tels qu’un conteur, un musicien, une comédienne et une artiste visuelle. Ils ont su, chacun à leur façon, appuyer les participants dans le processus de création. Ces belles rencontres ont permis la réalisation de trois contes collectifs. Cette initiative avait pour objectif d’inviter les participants à s’exprimer en français et de vivre une première rencontre avec le monde des mots. Ce recueil est entièrement l’œuvre de ces participants dévoués, et aura sa place au sein de la collection de la Bibliothèque de Saint-Laurent.
INTRODUCTION Chacun des contes qui suit a été construit à partir d’éléments communs, prédéterminés par les participants, dont : des personnages : • un chauffeur • une femme avec trois yeux et de grandes dents • une femme avec un bec, une queue de poisson et des ailes qui crache du feu des lieux : • une île • un autobus • une rivière des émotions : • la fatigue • l’exaltation • la violence des verbes ou actions : • chanter • parler • faire de la magie des objets : • un porte-clés • une chaise volante • une baguette magique en forme de cœur
ArrivĂŠe en terre inconnue Une crĂŠation de Ana Cristina Martinez et Greline S. Jaramillo
La nuit. Paul, le chauffeur d’autobus, s’en va à Québec. Il est fatigué et s’endort au volant.
Il rêve à une femme méchante avec trois yeux et des grandes dents. Elle lui dit : « Tu vas mourir ! »
Il se réveille et l’autobus tombe dans la rivière. Il se réveille...
Sous l’eau, il rencontre une femme avec un bec, une queue de poisson et des ailes. Elle crache du feu. Elle lui chante une belle chanson qui l’apaise parce qu’il est blessé.
Elle le met sur son dos et vole au-dessus de la rivière, jusqu’à une île. Là, il marche dans le sable, épuisé. Soudainement, le sable se met à bouger sous lui et laisse apparaître une baguette magique en forme de cœur. Exalté par sa découverte, il fait de la magie en transformant ses blessures en papillons. Il se réveille dans son lit et se dit : « Est-ce que j’ai rêvé ? »
FIN
Arrivée en terre inconnue Une création de Raffa Shreef, Dina Shreef, Feng Ming Qian et Gabriela Martinez Vega
Le chauffeur d’autobus conduit. Il est fatigué. Il chante pour ne pas dormir. Subitement, il s’endort et fait un accident. Il se retrouve dans le coma à l’hôpital. Il se réveille sur une île. Il rencontre sur une plage une femme méchante avec trois yeux et des grandes dents.
La femme est agressive. Elle a peur de l’homme car il n’a que deux yeux. Elle le chasse. Elle lui dit : « Retourne à la terre ! »
Le chauffeur s’en va, surpris.
Il arrive à une rivière et rencontre une femme avec un bec, une queue de poisson et des ailes. Elle crache du feu. Elle chante et sa voix est magnifique.
Le chauffeur se demande : « Qui sont-elles ? » La femme-poisson lui demande : « Pourquoi es-tu surpris ? »
Le chauffeur répond : « Parce que j’ai rencontré sur la plage une autre femme comme vous. »
Le chauffeur est fatigué. Il demande à la femme : « J’ai besoin de quelqu’un pour me reconduire à l’hôpital. »
La femme-poisson lui demande pourquoi. Le chauffeur répond : « Quand j’ai eu l’accident, je suis tombé dans la rivière. Je dois retourner pour revenir à la vie. »
Le chauffeur est content car il revient Ă la vie.
FIN
ArrivĂŠe en terre inconnue Une crĂŠation de Lin Song, Xin Cheng Shen, Ruben Martinez et Ali Masud
Le chauffeur est fatigué. Il conduit pendant deux jours d’affilée... Il arrive dans un village. Les gens sont de différentes cultures et langues. Le chauffeur ne comprend rien. Il se sent très fatigué.
Dans ces moments-là, il joue avec son porte-clés. C’est ce qu’il fait toujours pour clarifier ses pensées, pour se reposer.
Le porte-clés est magique. En jouant avec les clés, il se sent reposé. Il ne sait pas que l’autobus se conduit tout seul.
Quand il arrête de jouer, il se trouve sur une île. Il voit un château. Il descend de l’autobus pour explorer. La porte du château est verrouillée. Il prend son porte-clés et trouve qu’il peut ouvrir la porte.
Dans le château, tout est sombre. Il entend chanter et la voix est si belle qu’il décide de chercher la personne qui chante. Il trouve une horrible femme avec trois yeux et de grandes dents.
La femme frappe le chauffeur et le force à s’asseoir sur une chaise volante. Elle l’attache avec une corde. Le chauffeur est prisonnier. La femme recommence à chanter de sa belle voix. Le chauffeur s’endort. La femme vole le porte-clés magique du chauffeur. La chaise volante s’envole.
Une femme avec un bec qui crache du feu, une queue de poisson et des ailes voit le chauffeur.
Le chauffeur demande son chemin Ă la femme avec un bec qui crache du feu, une queue de poisson et des ailes. Il peut retourner chez lui.
FIN
Merci à tous les participants et à l’équipe du projet « On se raconte » : Mariève Bibeau Comédienne et animatrice du projet
Belinda Campbell Artiste visuelle et co-animatrice du projet
Pierre Labbé Conteur-musicien
Sueanne O’Hanley Bibliothécaire, programme « Hors les murs » Bibliothèque de Saint-Laurent
Virginie Simard-Tozzi Agente de développement culturelle Arrondissement de Saint-Laurent
Danielle Saint-Sauveur Organisatrice communautaire, École Enfant-Soleil
Anouk Sugar Chercheure, Département de Sociologie, UQAM Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale
Le projet « On se raconte ! » a été subventionné par le programme de médiation culturelle des arrondissements montréalais
L’équipe se raconte ... « Pour moi l’arrivée en terre inconnue, __ c’est la richesse de l’instant ; __ c’est apprivoiser la peur de ne pas savoir faute de pouvoir anticiper ; __ c’est la beauté de découvrir et d’apprendre jour après jour comme au premier jour ; __ c’est la position d’ouverture dans laquelle l’esprit et le cœur se place pour rencontrer l’autre ; __ c’est ce que j’ai vécu avec le projet de médiation culturelle « On se raconte ! » Merci à tous et chacun de vous qui avez participé avec cœur, créativité, assiduité et confiance à ce voyage en terre inconnue : Gabriela, Ali, Raffa, Greline, Feng Ming, Ana Cristina, Lin Song, Ruben, Julio, Frida, Dina, Xin Cheng, Belinda, Virginie, Sueanne, Pierre, Anouk, Safia. Sans oublier ceux qui ont dû quitter en cours de route, merci : Jesus, Jose, Viviana, Lonn, Suganthi, Selvatharsini, Arani, Ahalyaa, Arvinth, Tharsan. »
— Mariève Bibeau
« Participer l’atelier « On se raconte ! » a été une expérience de rencontre et de partage avec d’autres origines. J’ai autant eu d’occasions de transmettre ce que je connais que j’ai appris des participants. Ce fût un atelier du cœur, fait avec le cœur. »
— Belinda Campbell
« Je suis arrivée en terre inconnue avec ma fille Safia, alors que l'atelier avait déjà bien roulé. Nous y avons été accueillies et intégrées par tous. Au fil des semaines, les cœurs se sont ouverts, les langues se sont déliées avec pour intérêt commun de se connaître, de partager, de se comprendre à l'aide de cette langue difficile et belle : le français. Je voudrais remercier chacun pour cette merveilleuse expérience. »
— Anouk Sugar
« Pour moi, une arrivée en terre inconnue est une expérience à la fois épeurante et vivifiante. Au cours de ces ateliers, les participants ont connu, à la fois, la peur de ne pas se faire comprendre et la stimulation d’arriver à comprendre et apprécier les histoires des autres. J’applaudis le courage de tous et je me sens privilégiée d’avoir eu la chance de passer des moments précieux avec vous. »
— Sueanne O’Hanley
« C’est le propre de l’être humain d’avoir peur de ce qui lui est inconnu. Mais une fois cette peur surmontée, de grandes découvertes peuvent surgir. Le projet « On se raconte ! » a su rassembler des gens de partout qui, à coup de volonté, de courage et d’éclats de rire, ont su créer bien plus qu’un recueil de contes. Malgré les différences linguistiques, le groupe a créé une cohésion où le positivisme et l’entraide étaient toujours au rendez-vous ! À vous, que cette terre inconnue soit vôtre et que vous vous y sentiez chez vous ! »
— Virginie Simard-Tozzi