(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)
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LE FIL DE LA LAME [Sous-titre]
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Du même auteur Aux éditions Pollymnie’Script [La cave des Exclus]
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MEL ESPELLE
LE FIL DE LA LAME
Polymnie ‘Script
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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
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[Dédicace]
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[PrĂŠface]
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Chapitre 1
« Notre monde n’est pas différents du leur : les hommes vivent et meurent ; parfois ils se reproduisent et engendrent des fils qui iront se battre pour une cause qui leur est chère. On fait nos propres choix, c’est quelque part ce qui nous différencie de ce qui est immobile, qui n’est pas voué à se doter d’une conscience, c’est ce que père Antonin enseigne à ces brebis égarées qui cherchent et espèrent obtenir des réponses de l’Eglise. Pour tous je suis Alan, l’orphelin et c’est ainsi que l’on me connait même si peu de monde sait seulement à quoi je ressemble. Je suis l’écuyer du Seigneur Olaf et c’est la seule chose que vous connaitrez de ma personne. » D’un coup de pied, on tira le gosse du réveil. Possible qu’il ne dorme pas vraiment, si l’on devait considérer le froid mordant à cette altitude ; de quoi vous geler sur place et les chevaux, immobiles semblaient s’être figés en statue de pierre. « Apportes de l’eau pour le maître ! Hâtestoi ! » D’un bond Alan fut sur pied et on eut dit un animal de courte taille, assez
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velu pour qu’on le confonde avec un sanglier que la présence des hommes n’excitait plus. A quatre pattes Alan avançait, glissant entre la boue et le crottin de cheval, serrant les dents pour faire taire sa souffrance. La main sur son flanc aux côtes saillantes, le garçon marchait en boitillant vers la tente dressée là, solennelle et presque irréaliste si l’on considère ces corps inertes, allongés près des foyers éteints. Ils dormaient là, comme des chiens guettant la couche du maître ; Alan enjamba tous ses corps avec précaution au risque de se voir rouer de coups. L’autre écuyer, le jeune Pippin n’avait pas survécu —on prenait les enfants de bon âge afin de les former à cette vie de labeur ; or rien jamais ne les mettait à l’abri de cette existence des plus ardues—, et finissant les quelques mètres en se tenant le flanc, Alan clopina sur sa jambe la plus valide pour atteindre le rebord du camp. Un corbeau se fit entendre et le clapotement de l’eau sur la roche noire et visqueuse. On envoyait les écuyers accomplirent les sales besognes et personne ne se plaignaient, pas même le père Antonin voyant d’un bon œil ces services rendus aux Puissants de ce monde. Alan glissa sur les fesses pour atteindre le rivage de la rivière et après s’être assuré que personne ne le regardait, il souleva son linge de corps pour vérifier l’état de sa blessure. Cela n’était pas joli à voir. La veille il avait recousu la chaire ; la plaie s’infectait inexorablement. Il avait bien pensé trouver des plantes pour éviter l’infection mais on ne lui laissait pas le temps de vaquer à ses occupations botaniques. Il grogna après avoir à peine
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effleuré l’immonde boursouflure. La douleur ne s’estomperait pas de sitôt. Les premières gouttes de pluie s’abattirent sur la forêt, ralenties par les feuilles des arbres et cette pluie ralentirait ces hommes ; peut-être l’occasion de se soigner avant de se remettre en chemin ? Il se mordit les lèvres jusqu’au sang et sursauta en voyant un homme assis sur ce rocher immergé. « Ce n’est vraiment pas joli à voir. Tu devrais te faire examiner au risque que cela ne te colle une fièvre de cheval. Tu ne voudrais quand même pas manquer les festivités, petit !
« Ils partirent pêcher. Les plus gros poissons tombèrent dans leur filet. Bran adorait suivre sa mère à travers les collines. Le petit garçon de neuf ans n’en finissait pas d’être émerveillée par la généreuse nature. Le bâton à la main, il balayait les hautes herbes pour en faire sortir les reinettes et divers insectes. Non loin sa mère veillait telle une louve sur sa progéniture. Au loin les hennissements des chevaux leur rappelaient leur devoir envers cette ferme qu’ils avaient érigée de leurs mains. Le soleil caressa le lac faisant scintiller l’étendue en une poussière d’argent. Ils avaient là un avant-goût du paradis. Ils revinrent vers midi et Ava fit cuir les poissons sur une brochette. L’odeur du fumet fit saliver le dogue assis non loin du foyer.
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Bran souriait. Sa mère et lui allaient se régaler. La frange sur les yeux, il la dégagea avant d’étaler la pate sur la table. Ensuite il étalerait les mures l’une après l’autre pour les recouvrir de sucre. Elle lui caressa la tête et sentit la terre trembler. On approchait. Le chien aboya, le poil hérissé. Immédiatement elle ouvrit une malle et en sortir une épée dans son fourreau, attrapa son fils par le poignet et partit en courant se réfugier dans les grandes herbes. Ils tuèrent le chien. Bran sanglota dans les bras de sa mère. Les chevaux n’étaient plus qu’à six mètres d’eux et les soldats à pied fouillèrent minutieusement les fougères. « Où sont-ils ? Il nous les faut vivants, elle et son bâtard ! Fouillez la moindre parcelle et brûlez cette putain de forêt s’il le faut ! » Ils avaient fini par la trouver. Un cheval passa si près d’eux qu’ils purent remarquer les harnais de la selle. Elle colla un doigt sur les lèvres de Bran et se mit à ramper pour les prendre de revers. Vingt cavaliers pour une mère et son fils. A quoi s’attendaient-ils ? Un couteau fendit l’air et fit tomber l’un d’eux ; aussitôt elle monta à cheval, attrapa son fils et galopa aussi loin qu’elle put. « Mon Seigneur ! Nous avons la femme et…son fils. —Comment se portent-ils ? Demanda le roi en quittant sa chaise comme piqué par une mouche. J’ai demandé à ce qu’aucun mal ne leur soit fait et j’espère seulement que vos hommes aient exécutés mes ordres ». Quand il la vit son cœur s’emballa de nouveau. Il attendait ce moment depuis dix ans. Dix ans de longue attente pour enfin
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la voir, elle et son enfant. Elle avait fui, emportant le nouveau-né loin de ce roi. A présent il voulait le fils que la nature refusait de lui donner. Il observa l’enfant. Ses yeux étaient bien ceux de son grandpère, le roi Eddard et ce nez légèrement retroussé révélait cette filiation. C’était bien son fils. Bran était bien son fils et il ne put retenir son sourire. Bran recula face à cette main tendue et Ava se préparait à mordre, à l’étriper s’il osait lui prendre son fils. « Toi et l’enfant resterez ici et…j’ai pris toutes les dispositions pour que vous ne manquez de rien. Il n’a pas été vain de vous retrouver mais à présent cette demeure est la vôtre. —Pour quelles raisons Mordreg ? Tu n’es pas le père de Bran alors pourquoi revendiques-tu sa paternité ? Trouves-toi une épouse à engrosser et laisse mon fils en dehors de tes problèmes politiques. La guerre menace. Partout l’on ne parle que de ton incapacité à assoir ton pouvoir et la présence d’un enfant ici ne changera rien. Laisses-nous repartir. A grands pas, elle progressait le long de la rivière sans cesser de regarder derrière elle. Piquer du pain pouvait lui causer bien des ennuis et pas des moindres. Notre Père qui êtes au Ciel, que Ton nom soit sanctifié que ton règne vienne sur la terre…ses pieds nus s’enfoncèrent dans le lichen tapissant les pierres froides. La pauvre enfant pressait le pas ; il menaçait de neiger. Les nuages passaient bas et les corbeaux croassèrent sans relâche audessus de sa tête. Elle se confectionna des
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souliers à l’aide d’écorce noués par le tissu de sa tunique. Tremblante de froid, elle s’empressa de trouver des brindilles pour s’allumer un feu ; le seul moyen pour survivre ici. Le feu éloignait les loups, les ours et autres rodeurs. La nuit tomba vite et les genoux contre son ventre, la petite observait la course des étoiles dans les cieux. Un loup hurla, un autre répondit. Que ton nom soit sanctifié que Ton règne vienne…Lentement elle s’assoupit, la tête dans le creux de ses bras. A son réveil, la neige avait recouvert la végétation. Elle ne sentait plus ses bras, ni ses pieds ; il lui faudrait les frictionner de longues minutes durant pour activer le sang. Si elle ne bougeait pas, elle mourrait ici sans sépulture chrétienne.
« Toi petit, prends mes affaires et tiens toi non loin de moi ! » Le petit Karsten attrapa les affaires de Thurn pour les poser dans un endroit sûr. Il ne voulait pas d’ennuis avec les villageois de Gercht et il avait ses habitudes : fréquenter l’auberge du Bois Tendre et il ne voulait pas qu’on l’y dérange avant le lever du soleil. Or le soleil ne se levait plus depuis des semaines déjà, les ténèbres semblaient recouvrir les cieux. L’Apocalypse. On ne parlait que de cela depuis que six cadavres furent retrouvés dans la vallée. On parlait de
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sorcellerie et l’Eglise déjà cherchait des responsables. « Il n’y a plus rien de sacré en ces terres, petit ! Retiens-le et ne t’éloignes des chemins tracés par le Christ ! » Karsten hocha la tête en promettant obéissance et loyauté au Christ. « Ce petit n’est pas très malin, glissa-t-il à l’intention d’un curieux jetant un œil dans sa direction, mais il est brave c’est la raison pour laquelle je l’ai pris sous mon aile. Pas de famille. Pas de nom, mais une aptitude à la survie. » En ces temps difficiles, on ne pouvait espérer mieux pour un orphelin que celui de servir comme écuyer. « Une fois que tu en auras fini avec les chevaux, tu pourras aller me faire couler un bain ! »
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[Epilogue]
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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France
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