Mensonge de l'Idiot

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(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)

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LE MENSONGE DE L’IDIOT [Sous-titre]

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Du même auteur Aux éditions Polymnie [La cave des Exclus]

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MEL ESPELLE

LE MENSONGE DE L’IDIOT

Polymnie

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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

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[Dédicace]

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[PrĂŠface]

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Chapitre 1

Il y avait cette voiture, une vieille Ford grise garée non loin de mon mobil-home. Elle est partiellement recouverte de végétation et j’ai tourné autour surveillé par Twain. Les portières sont verrouillées à l’exception d’une. Voilà comment je m’y introduisis. Les voitures ça me connait et après avoir mis le contact, la musique s’échappa du poste. On capte plutôt bien ici. C’est de la New Wave et j’essayais de trouver du funk. Je me mis à fredonné Summertime de Joplin. Janis. Une pure merveille. En changeant la station je tombai sur Madonna et son Vogue. Le réservoir est rempli de moitié. C’est bien moins qu’il m’en vaut pour gagner la Nouvelle-Orléans pour saluer les miens avant la Noël. Quelle surprise cela seraitelle ! Boite à gants vide. J’ai fouillé partout à la recherche de papiers attestant l’identité du propriétaire. Mais rien. Ce fut en ouvrant le coffre que je découvris les sacs. Trois gros sacs de voyage. J’en tâtais un avant de me décider à l’ouvrir et là… des billets de banque ! Des liasses de billets verts. La panique me saisit. Comment autant de billets pouvaient-ils avoir atterris ici ?

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Pour combien il y en avait-il ? En tremblant je refermai le coffre tout en regardant autour de moi, craignant que l’on ne me surprenne la main dans le sac, pour ainsi dire. Ensuite j’avalai un grand verre d’eau et Twain me fixait, la gueule grande ouverte et son regard semblait vouloir dire : Et bien quoi ? De quoi as-tu peur ? Cet argent est maintenant le tien alors tires-toi avant qu’il ne soit trop tard ! Profitant de l’obscurité j’ai enterré l’argent dans une planque connue de moi seule, prenant soin d’en condamner l’accès par de grandes bûches. Personne jamais ne trouverait le fric. Mais à peine l’avait enterré que la paranoïa me gagna et alors que je fumais une énième cigarette sur mon banc donnant sur les berges du Mississipi, Twain se mit à aboyer. Je sortis mon fusil à pompe pour le braquer droit devant moi, prête à faire feu sur ce qui se présenterait à ma vue. Ce n’était qu’un raton laveur, un stupide raton laveur ! Je ne devais pas fermer l’œil de la nuit. Et Twain non plus, il restait là à me fixer de ses yeux pétillants de malice et de temps à autre levait le museau pour s’enquière de mon état nerveux. Avec tout le fric, je pouvais me barrer loin d’ici, tirer un trait sur cette vie de chienne ; adieu la galère pour une vie de rêve au soleil. Où irai-je ? Pas question de crever ici dans l’indifférence générale. Je me donnais deux jours avant de ficher le camp, trois jours pour rassembler mes esprits et élaborer une stratégie de fuite. Il me faudrait changer d’identité pour éviter que le FBI ne se mette à me traquer sans relâche ; ou mieux que cela, je disparaitrais ! Des centaines d’individus le

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faisaient par an alors pourquoi pas moi ? Je simulerai ma mort et celle de mon chien, pourquoi pas un banal accident de voiture ? On retrouverait mon véhicule trois semaines après mon départ, à moitié immergé dans les eaux tumultueuses du Mississipi. J’avais déjà ma petite idée sur la question. Non ! Je devais réfléchir mieux que cela. Il ne me fallait laisser aucune trace ce mon passage. Pas un mot, un agenda qui pourrait me trahir, pas même une conversation échangée avec un collègue. Pendant deux jours je devais agir avec prudence et n’éveiller les soupçons de personne. Plus facile à dire qu’à faire en théorie, car notre ville est plutôt une sorte de village où tout le monde connait tout le monde depuis le début de l’humanité et je dois dire que c’est assez déroutant. Si je venais à disparaitre les mégères diraient de la situation : Elle venait de la Nouvelle-Orléans, une femme sans histoires mais assez mystérieuse ! Elle vivait seule avec son chien….et je vous épargne la suite. Mais cela ne sent pas bon. Peut-être devrais-je aller trouver le marshal Donovan pour lui raconter ma trouvaille ? Ainsi je n’aurais pas à m’inquiéter pour la suite, pas de prison et la dignité assurée. En roulant sur la nationale, fenêtre ouverte je passais devant le carrefour quand les sirènes hurlantes de la police m’arrachèrent un cri de panique. « Merde ! Merde ! » Je jetai le reste de mon pétard par la portière et vaporisa du parfum d’intérieur dans ma vieille Ford avant de me mettre sur le côté de la chaussée. Donovan quitta sa berline pour arriver sur moi et se penché vers mon volant. « Est-ce que tout va bien Hailee ?

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—Je crois que oui. » Répondis-je sans oser le regarder dans les yeux. « Tu roulais un peu vite et ton feu arrière est cassé. Je vais devoir te verbaliser. —Euh merde ! —Quoi donc ? Tu sais je fais l’impasse sur le joint que tu as fumé mais ton conduite laisse à désirer. Je veux voir ton permis, c’est la procédure. » Je m’exécutai sans rien dire et lui ne me lâchait pas des yeux. Je devais lui parler du fric trouvé la veille mais les lèvres refusèrent de coopérer tout comme mon cerveau bloqué la veille sur mes actions raisonnables à venir. Il consulta mon permis avant de le glisser dans ma direction. « Pour cette fois je ferme les yeux mais arranges tout ça aujourd’hui, cela fait mauvais genre. » En panique je le laissais repartir avant de rouler au pas chez Scott mon ami. Il tenait un garage non loin de la route, une sorte de décharge publique où tous venaient déposer leurs vieilles caisses. Accroupit sur une montagne de pneus, une tasse de café à la main il me regarda me garer sans piper mot et cracha au loin un jet de salive. Il hocha la tête avant de me dévisager de la tête aux pieds. « Je peux quoi pour toi ? Tu me dois déjà du fric et tu lis l’écriteau ? La maison ne fait pas de crédit ! Il faut que je vive moi et tu nies sérieusement à mon commerce. —Arrêtes un peu veux-tu ? Déclarai-je d’une voix rauque et grincheuse due à ma grande nervosité et de mon manque de sommeil évident. Regarde mon feu arrière. As-tu du café pour moi ? Il m’en faut un noir et bien noir si tu as ça.

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—Ben tu sais où c’est, non ? Fais comme chez toi ! » Prestement je rentrais dans son logis tel un zombie à la recherche de sa dose d’hémoglobine pour tenir le coup. Scott avait toujours un arsenal de pansements, de dopants dont des amphétamines pour tenir le coup. Il était une sorte de dealer, un peu spécial il faut en convenir mais toujours disponible 24heures sur 24 et 7 jours sur 7, j’adorais son service après-vente et tous ses extras qui lui valait de bonnes relations ici à Campford et sur les rotules, je me servis un café dans un mug sale. Que cela ne tienne, j’en avais sérieusement envie ! Je le rejoignis dehors et force de constater qu’il venait de réparer mon feu arrière avec la rapidité d’un thaumaturge. Il savait que je bossais chez Tyler en temps partiel, le reste du temps c’était pour moi une récréation partagée avec des employés de l’administration de la City Hall. Tyler s’il me voyait arriver en retard commencerait à se montrer infect et irait dire un tas de truc erroné à Beck, mon ex fiancé depuis peu à une petite salope du Sud : Avril Paine. Entre elle et moi c’était la guerre des trachées, cette petite salope jouait les dominatrices, régnant sur cette ville comme une reine de harem forte de son succès, distribuant des grâces et des peines à tous les mâles qu’elle avait eu l’audace de mettre dans son pieu. Une vraie salope. Les lunettes de soleil sur le nez, je fouillais dans mon sac à main. Après tout n’étais-je pas à l’abri du besoin pour des milliers de siècles à venir ? Je n’avais que dix dollars en poche et Scott eut pitié de moi, je le lus à son regard.

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« Ecoutes, je plaisantais avec toi toute à l’heure. Je sais que les temps sont durs pour toi, alors gardes ton fric. Tu en auras plus besoin que moi. » Le sang tapait furieusement dans mes veines et je fis une grimace entendue avant de remonter dans mon véhicule titubant comme un marin hors de son pont. Scott matait mes fesses, il le faisait toujours une fois que j’avais le dos tourné. Il avait fait l’expérience des filles d’ici et on peut dire qu’il revenait de loin. Il était adorable mais un peu bizarre quand on y songe, un peu dingue même ; il fait des trucs hallucinants quand il est en confiance avec ses relations et il perdit en crédibilité sur le terrain de l’amour. « On se revoit quand Hailee ? Tu n’as rien pour moi en ce moment ? —Non, c’est plutôt calme en ce moment. J’ai….non laisses tomber. Je t’appellerais quand j’aurais une piste. Ne t’éloigne pas de ton téléphone. A plus tard ! » Rouler fut une épreuve avec cette dose de caféine dans le sang. Je manquais d’écraser un chien, puis deux gosses et plus tard, dans la rue principale une espèce d’armoire à glace me fit un doigt d’honneur après quoi je hurlais qu’il pouvait bien aller se faire foutre. On mais ! Des fois j’ai des envies de meurtre que je peux tout à fait expliquer. Tyler m’attendait devant sa boutique, les cheveux plaqués derrière ses oreilles et en me voyant débarquer passant ses doigts à la commissure de sa bouche. J’ai franchement du mal avec les hommes sui portent la barbiche. Il la sait et m’a dit d’aller me faire foutre. Mes relations sont on ne peut plus compliquer avec les

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hommes, surtout quad la majorité manque cruellement d’humour. « Tu as dix minutes de retard Hailee ! Dix minutes ! —Oui je sais ! J’ai croisé Donovan sur la route et pour un feu défectueux j’ai du passer illico chez Scott, ce qui n’était pas prévu, cela va sans dire. Mais bonjour Hailee, j’apprécie aussi ! » Il m’escorta jusqu’à mon bureau. On avait touché à mon bordel. Probablement dixie, cette raclure de Dixie ! Bien-sûr il le nierait mais je sais que c’est lui ! Il ne peut s’empêcher de toucher à mon bureau. « Il faudrait songer à ranger ton bureau Hailee, cela ne devrait pas être autorisé de travailler dans pareil bordel, lança-t-il en fonçant droit sur moi, l’œil bouillonnant de colère. On cherchait un dossier client assez important et pas moyen de le trouver. —Ils ont inventé le téléphone ! Ce n’est donc pas pour les chiens ! Tonnais-je en ôtant mes lunettes de soleil. Aujourd’hui je veux travailler dans de bonnes conditions, alors lâches-moi la grappe veux-tu ? » Croyez-le ou pas mais j’ai pioncé sur mon bureau, la tête posée sur une montagne de documents à archiver. Je crois bien avoir ronflé, serrant mon sac à main sur mon ventre. Cet enfoiré de Dixie m’a laissé pioncer. Pour lui cela serait jouissif d’entendre Tyler gueuler contre moi et c’est bien ce qu’il fit. « Quelle partie du récit j’ai manqué Hailee, tu peux me le dire ? Tu arrives chez moi avec du retard et tu te permets de poursuivre ta nuit en toute impunité dans mon local ? Prends tes affaires et tirestoi ! » La police viendrait interroger Tyler quelques jours après ma disparition. Oui,

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elle est arrivée avec du retard et complètement défoncée. Je ne l’avais jamais vue ainsi et j’ai du la virer, vous comprenez ? Cela pourrait être une belle piste exploiter et alors que je réfléchissais à la suite à apporter à cette fable, le téléphone sonna. Tyler m’interrogea du regard, glissant son œil du téléphone à ma personne et de ma personne au téléphone. . « Tu comptes décrocher ? —Et bien je croyais que j’étais virée ! —On verra après, décoches. » Tyler n’en était pas à sa première menace en même temps. Une fois par mois au moins il réitérait ses menaces. Il me supportait seulement parce qu’il fréquentait Beck en dehors du travail et Beck était pour lui un frère. Je pris l’appel et l’autre excité au bout du fil commença à éructer de rage. Pourquoi ? Pour qui ? On ne saura jamais mais il se trouvait que j’étais au bout du fil. « Ecoutes Hailee, c’est bien comme ça que tu t’appelles ? Je devais attendre du matériel ce matin sur mon chantier et j’attends toujours. Or il est près de midi et force de constater qu’il n’y a toujours pas un de vos collègues à faire le boulot. Je ne veux pas payer une bande de fainéants et d’amateurs tu comprends, alors fais-moi venir l’un ou l’autre de tes collaborateurs, tu seras mignonne. —Je n’ai pas compris qui vous êtes ! —est-ce à moi de faire ton boulot ? Regardes l’agenda de Tyler et tu verras qui je suis. Vous ne devez pas avoir beaucoup de clients en ce moment, vrai ? Alors pas de lézard…. » Il me raccrocha au nez. « Euh….Tyler ? Tu avais une livraison à honorer ce matin ? J’ai un de tes clients furax qui espère

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qu’on bougera notre cul pour venir le dépanner. Je suis censée faire quoi ? —C’est réglé laisses tomber, répondit-il les sourcils froncés, il vient d’emménager à Creek sand et veut retaper le hangar à bateaux de Nixon. Le problème est qu’on lui a envoyé un gars : Baxton et il a refusé de travailler avec lui. S’il rappelle, dit lui qu’on prend on compte ses doléances mais que pour l’heure tous nos gars sont en déplacement. —Et qu’est-ce que Baxton a pu dire ou faire pour le mettre dans un tel état ? —Baxton est noir c’est ça qui lui a déplu selon les dire de Sanders. Il a dit vouloir travailler avec n’importe qui sauf Baxton sans même l’avoir vu à l’œuvre. Alors j’en déduis qu’il a un problème avec les personnes issus de la minorité. » Quel enfoiré ! Faire ça à Baxtn, la crème des employés de Tyler ! Et puis ce n’était qu’un gosse qui avait trainé pas mal de casseroles avant que Tyler lui donne sa chance. Cela me faisait de la peine pour lui car j’imagine qu’il a du prendre sur lui pour ne pas l’insulter en retour. Le téléphone ne sonna plus, excepté dans le bureau de Lola, probablement des commandes pour du matériel de terrassement. Bientôt il serait midi et il me faudrait filer grignoter quelque chose avant de rallier la city hall pour ma récréation journalière. J’allais aller fumer une cigarette sur le trottoir quand un imposant SUV se gara devant notre devanture et en sortit un grand rouquin portant un t-shirt sur le devant duquel on pouvait lire : MARINES en lettres capitales. Il ouvrit la porte et quand il me fit debout là à quelques mètres de lui, il chargea droit sur moi.

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« C’est toi que j’ai eu au téléphone ? La petite garce qui n’a pas donné suite à mon appel. —Oui c’est moi. Tyler dit que vous avez refusé l’un de nos collaborateurs et…. —Cela ne te regarde pas, coupa-t-il froidement. Où est Tyler, j’ai à lui parler ? » La colère m’envahit. La suite fatale de la nuit passée à cogiter au sujet des billets de banque et tout le reste ; la pression exercée se faisait méchamment ressentir et notre vedette du Kentucky allait savoir de quel bois l’on se chauffe ici dans l’Arkansas. « Vous êtes un pauvre con vous le savez ça ? Je préfère vous le dire parce que les autres n’auront pas les couilles de vous le faire savoir ! Et si c’est un remboursement que vous voulez, je pense savoir que Tyler s’en chargera volontiers et s’il faut on le fera de notre poche pour avoir la certitude que vous n’apparaitrez plus ! Maintenant soyez aimable de nous laisser travailler entre personnes civilisées ! » La porte s’ouvrit sur Tyler de retour de chantier. « Si tu veux bien me suivre Cole ! Je suis très soulagé qu’on ait pu trouver une solution. Tu verras Billie fait de l’excellent travail ! C’est bon Hailee, tu peux t’en aller, je n’ai plus besoin de toi ! » Oh, la boulette ! Je venais de faire une sacrée boulette et ça, Tyler ne me le pardonnera jamais ! Comment avais-je pu insulter son client ? Plus que jamais je devais fuir avant de me retrouver avec un procès au cul pour diffamation et injures faites sur autrui Je sais ce qu’il trouverait dire quand la police l’interrogera à son tour : Une véritable furie ! Elle a commencé à m’insulter avec son regard

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injecté de sang et il est fort possible qu’elle se soit foutue en l’air. Elle n’avait pas l’air très bien….Je virais à la folie là. Tout fichait le camp pour moi. Quelle honte pour moi et après avoir avalé un sandwich indigeste chez Mado je filais me mettre derrière mon guichet, accueillie par la réaction immédiate de la grosse Betty, cette excentrique obèse qui me déteste plus que je ne la déteste. Donovan se trouvait être là à blaguer avec Scarlett. Il fit semblant de ne pas me remarquer et attendit que je fus installée pour sournoisement approcher de moi. « Tu as des trucs à me dire ? » Il savait pour le fric. J’étais cuite, archicuite. J’allais passer le restant de mes jours dans une cellule très réduite à fantasmer sur l’argent que j’aurais pu dépenser à défaut de le rendre aux autorités. Il sourit d’une oreille à l’autre, ce sourire je ne l’aimais pas. Il me passerait les menottes sans cesser de sourire, l’œil pétillant de malice. Une superbe prise que cette Hailee et quelle belle promotion pour moi, dira-t-il à la presse venue l’interviewer à mon sujet. Oh, oui il obtiendra du galon suite à mon arrestation. La sueur perla dans mon dos et crispée sur la lanière de mon sac je me demandais si je devais continuer à me déshabiller ou bien gentiment le suivre après qu’il m’ais déclaré mes droits. Alors je m’éclaircis la voix pour me donner de la contenance. « Non, je ne vois pas… qu’est-ce que j’aurais à te dire ? » Betty gloussait en me laissant un regard noir. Elle serrait la première à décocher son téléphone pour prendre une vidéo de mon arrestation. « Et bien ton phare arrière gauche ! » Je crus bien pleurer de joie, sombré en plein délire

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en explosant littéralement de joie. A la place de cela je pris un air penaud, le regard fuyant. Le sourire s’effaça de ses lèvres et il fronça les sourcils. Quoi encore ? « Tu es sûr que ça va toi ? » Je haussai les épaules, la gorge nouée. Donovan aurait pu être un ami comme un autre mais le fait qu’il porte un uniforme nuisait sérieusement à nos rapports amicaux et puis il me dérangeait de la façon qu’il avait d’engager la conversation, de toute évidence il cherchait à m’impressionner, à m’intimider peut-être aussi. Il roulait de nuit bien après son service pour venir dans mon secteur et y faire des rondes, juste pour le plaisir parce qu’il n’y avait aucune nécessité à le faire, c’était plutôt cool le long de la rivière. Il y a des chances pour qu’il m’ait vu enterrer mon butin hier dans la nuit et il va me tuer à petits feux avec ses insinuations et ses regards inquisiteurs. « Tu veux qu’on aille prendre un verre ce soir ? » Il le savait et profiterait de notre tête à tête pour en parler. Si j’acceptais de le voir, il allégerait ma peine carcérale si je refusais, alors il irait chercher un mandat d’arrestation chez le procureur de Liittle rock. « Oui pourquoi pas ? » Ma réponse n’eut rien de naturelle, j’étais trop tendue pour me montrer enthousiaste et très excitée à l’idée de prendre un verre avec notre marshal. Il s’en alla sans demander son reste et quand la journée toucha à sa fin je filais sournoisement vers ma voiture quand Donovan sorti de l’ombre. « Où veux-tu qu’on aille ? Tu as une idée ? » Comme je restais paralysée d’effroi, je me laissais bêtement conduire par Donovan dans un bar sans prétention

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donnant sur les rives du grand Mississipi. Une sorte de pub à flics et des plus mal à l’aise je cherchais une parade pour filer à l’anglaise, plutôt que de devoir supporter leur présence. Donovan apporta deux bières à notre table et sans me lâcher des yeux, il tenta un sourire. Sortir avec un flic c’était pour moi une grande première et la nausée au bord des lèvres, j’esquivais à mon tour un sourire. « Il faudrait que tu te détendes un peu Hailee. Je n’ai pas l’intention de te jeter en cellule si tu te laisses aller en buvant un peu trop ! —Oui les choses pourraient mal tourner. Je crois que tu devrais ne pas me ménager, j’ai eu une journée difficile et….je sais que tu as l’intention de m’arrêter. —Et pour quelles raisons ? Dis-moi, un peu. Tu possèdes des armes à feu en règle, ton permis de port d’armes est valide et si tu fumes quelques pétards de temps à autres, je ne pourrais malheureusement t’inculpé pour quelques malheureux grammes disséminés dans la nature. Mais peut-être il y a-t-il autre chose ? A toi de me le dire. —Je comprends mieux pourquoi je ne suis jusqu’à maintenant jamais sortie avec un flic. Il doit être difficile pour toi de séduire sans paraître trop cool. —Alors c’est une chance que tu aie accepté. » Fanfaronna ce dernier. La peur devait se lire sur mon visage et pétrifiée par la peur je n’osais pas respirer de peur qu’il ne détecte en moins la mauvaise hormone. Les flics ont ce genre de détecteurs dans leur sang et lui ne me lâchait pas des yeux. Je sais ce que tu as fait du fric Hailee, alors je veux conclure un marché avec toi. Mes yeux s’embuèrent

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et le cœur battant à rompre, je voulais que ça se finisse. Sonny qui n’était autre que le gérant de ce tripot augmenta le son du téléviseur. On parlait d’une folle poursuite ayant eu lieu en Alabama ; un routard passionné de vitesse apparemment faisait des pieds de nez aux flics et filait sur la high way sans se soucier du grabuge autour de lui. les autres pequenots attablés près de moi ricanaient en l’appelant « rodeo man ». Rien ne se passait vraiment ici alors quand un débile décidait de passer la cinquième et de semer les autorités, alors là, cela devenait intéressant. Donovan se retourna de nouveau vers moi. « Et ça se passe comment au boulot ? —Oh, je risque de me faire virer. J’ai insulté un client aujourd’hui. Je suppose que Bryant a du enregistrer sa plainte. Il a refusé de faire travailler Baxton alors tu comprends que…. Ce n’est pas facile de parler avec un flic. —Et pourquoi ? Tu aurais des choses à te reprocher ? —Tyler propose du matos à des types pas nets comme cet entrepreneur et….pace qu’ils sont du fric…. » Je laissais ma phrase en suspend. Il me fallait quitter l’Arkansas au plus vite ! Tant pis pour mon plan de route. Donovan me fixait avec trop d’insistance et il pouvait lire dans l’esprit de n’importe qui comme dans un livre ouvert et je n’avais pas d’autre choix que de filer le plus rapidement possible, sans demander mon reste. Les emmerdes, j’en avais par-dessus la tête. En rentrant chez moi le soir, soit vers dix heures je commençais à trier mes affaires : ce que j’allais laisse et ce que

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j’emporterais. La sortie avec Donovan avait été une épreuve. Twain me collait le train, devinant que quelque chose se tramait. Peut-être avait-il peur que je l’oublie ? On toqua à la vitre de son mobilhome. Je crus mourir de peur. Twain grogna, puis se mit à remuer la queue. Cela signifiait dans son langage canin : ami en vue. Ce gros nounours de Twain pouvait coucher un homme en une seconde, avec lui je pouvais me sentir en sécurité mais n’empêche qu’il restait préférable que je garde mon arme à feu dans ma ceinture. Tyler se trouvait être derrière la porte. Que me voulait-il ? J’ouvris les verrous les unes après les autres et les bras croisés sur la poitrine je l’interrogeais du regard. « Salut Tyler ! Je peux rentrer une seconde ? —C’est à quel sujet ? J’allais me mettre au lit figures-toi. Ecoutes pour ton client, je suis désolé. Seulement il l’a bien cherché non ? —Oui sauf que j’ai du le convaincre de ne pas porter plainte contre toi. Cela aurait des répercussions négatives sur notre travail à tous et c’est un client qui paie bien. Je peux rentrer ? » Alors je le laissais passer et lui caressa Twain avec entrain. Il avait mon chien dans la poche. D’autre aurait contourné l’obstacle mais Tyler aimait nos compagnons à quatre pattes et cela m’agaçait sérieusement, Twain était là pour gérer la sécurité de mon patrimoine et je le payais en croquettes pour qu’il reste dans ses bottes. « Tu as de la bière ? » Je doute que sa nana apprécie sa virée nocturne chez moi. On ne finirait pas de jaser si on l’apprenait. Il décapsula la bière

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et s’assit à la table, plaquant ses cheveux en arrière. « Je me fiche de tes opinions politiques Hailee et le fait que tu veuille rendre la justice toi-même n’est pas aux goûts de tous ici. J’ai une entreprise à faire tourner et je ne veux pas qu’un type comme Cole vienne nous chier dans les bottes. Sur ce coup-là tu as merdé et il attend à ce que tu lui fasses des excuses. Dans l’Arkansas c’est ainsi qu’on règne les conflits et pour ta gouverne Cole a les bras longs, c’est une grosse pointure qu’on ne peut rudoyer comme bon nous semble. On ne veut pas avoir de problèmes et je ne veux pas que Donovan vienne fouiner son nez dans mes affaires. Qu’est-ce que tu faisais avec lui ce soir ? —Il m’a simplement invité à prendre un verre. —Prendre un verre ? Questionna Tyler, les sourcils froncés, des plus sceptiques. Donovan est un maniaque, une sorte de merdeux qui ne m’a pas à la bonne. La moitié de mes gars ont fichés pour délits dans cet Etat et tu sais combien il a été dur pour moi de recruter mes petits gars. Or ils font partie de ma famille et….tu n’es pas stupide au point de tous les mettre au trou, hein ? —S’il n’y a pas de plainte, alors je ne vois pas pourquoi en parler. —Je veux seulement te mettre en garde. Tu piges ? ne t’approche pas de Donovan et tout ira pour le mieux. Dis-moi tu comptes déménager ? —Oh, non ! Je fais seulement un peu de rangement. —Ouais je vois. » Il me fixait avec intensité, tout en tapant la table de ses ongles. Ce bruir répétitif

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m’angoissait au plus haut point et j’eus envie de lui dire d’arrêter sur le camp. Il cherchait à attirer mon attention sur autre chose, sur le fait probablement qu’il était un homme, un vrai avec une solide paire de couilles et un super crochet du droit. Il cognait dur quand cela était justifiait et ses employés le respectaient comme un frère parce qu’il les protégeait tous sans se poser de questions. « Tu me dirais si tu avais des ennuis ? —Du genre ? C’est plutôt calme par ici, non ? —Tu as mon numéro, alors tu peux m’appeler n’importe quand. Je suis sérieux. Tu avais une drôle de tête ce matin et tu sais que je te connais Hailee. Je sens quand tu me caches la vérité. Je ne voudrais pas qu’on te cherche des histoires parce que tu es une chouette fille même si parfois tu ne sais pas te dire. —Hum….tout va bien Tyler. Tu peux maintenant rentrer chez toi et rassurer tout le monde. —Ah, ah ! Alors si tu ne vois pas d’inconvénients je te laisse à ton message et je te remercie pour la bière. On se voit demain d’accord ? En attendant, essayes de réfléchir à ce que je t’ai dit au sujet de Cole. On ne veut pas d’embrouilles avec les blanc becs du Kentucky. » Il s’en alla et le silence envahit les lieux. En temps ordinaires le calme ne m’angoissait pas, mais là je ne tenais plus en place. Je braquais ma lampe extérieure vers la berge que je balayais d’amont en aval ; parfois des petits malins s’amusaient à sillonner le fleuve sur leur embarcation. Ils chantaient à tue-tête et le lendemain on retrouvait les cadavres de leurs bières sur les abords du fleuve. Les riverains et moi

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les avions signalés à la police locale et ils nous avaient fiché la paix pendant tout un semestre. Il restait possible qu’’un groupe d’acharnés cabotent silencieusement de nuit. Cela me fichait les pétoches et j’armais alors mon pétoire prête à faire feu sur tout mouvement suspect.

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CHAPITRE 2 De bon matin, je mis ma barge à l’eau quand cet andouille de Scott débarqua sans crier gare. Il se tenait là accroupit, suçant entre ses doigts une tige de sauge et mon chien couché près de lui humait l’air sans se montrer importuné par cette visite. « Qu’est-ce que tu fiches là Scott ? —Et bien Tyler m’a dit de garder un œil sur toi. Il dit qu’il y a un truc louche avec toi, alors je monte la garde, déclara-t-il en tapotant sur son springfield. —Tu es sérieux là ? —Et comment ? Il y a des choses pas normales qui se passent ici et il n’y a que moi à m’en rendre compte apparemment. D’abord les Wallais perdent leur terrain, soi-disant déclaré zone inondables. Les vieux quittent la région et peu de temps après l’autre gusse du Kentucky débarque et achète les parcelles de terrain proches de chez des Wallis. Il dit vouloir drainer le marécage pour rouvrir le chantier. Une belle promesse d’avenir pour la région mais le hic c’est qu’il n’a pas l’intention de rester. —Et comment tu le sais ? —Sans vouloir te vexer chérie, tout le monde parle ici et Eddie a vu ce type il y a plusieurs mois de ça inspecter les réserves derrière, déclara ce dernier en allumant une cigarette. Souvent les potes et moi ont descend boire une bière à la Riviera et là, les mecs parlent de Gorman comme du messie. Saug que Cole Gorman n’est pas un enfant de chœur. —Je l’avais remarqué oui, répondis-je en quittant le banc de ma barge rafistolée en

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express pour ficher le camp avant la fin de la journée. —Il est dans les transactions immobilières, tu vois le genre. Il sait tout sur tout : qui doit vendre, qui doit acheter et il grasse la patte de l’administration pour avoir la mainmise sur les terrains exploitables. Lui et ces petits promoteurs s’en mettent plein les poches et ils achètent pour mieux revendre. —Oui jusqu’à maintenant ça c’est toujours fait. Où est-ce que tu veux en venir concrètement ? —Ben….ils vont vouloir ratisser large et prendre le terrain de Johnson. —Tu déconnes là ? « Johnson me louait le terrain, du moins le mobil-homme et celui de six personnes ici. Pour le moment c’est en pourparler mais tu es expulsable à tout moment. Le vieil indien dit qu’il en a malheureusement les droits. Johnson n’a pas d’héritier et il est suffisamment gâté pour céder son bail aux promoteurs. Il te faudra par conséquent te trouver une autre planque. » J’accusais le coup et abasourdie par l’annonce, je m’allumai une cigarette, tournant le dos à Scott. Sur les six personnes vivant sur les barges, aucune de nous ne voulaient se voir être délogées. Nous étions bien ici, suffisamment pour devoir renoncer à notre petit paradis. « Et que sais-tu d’autres ? —Tyler est persuadé que tu le sais déjà et il n’a pas envie que tu t’en prennes personnellement à Gorman car cela pourrait accélérer les négociations. Tu sais Tyler cherche à obtenir suffisamment de fonds pour racheter les terres viables du nord. Il a des partenaires sérieux mais si tu venais à trop l’ouvrir, ils se rétracteront

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tous pour aller vers un plus sûr investisseur. —Ah, ah ! Tout ça c’est aberrant ! Il faudrait donc que je ferme ma gueule et que je laisse les choses se produire ? —Il y a plus grave encore. Et là je ne sais pas si je dois d’en parler. Donovan t’a dans le collimateur. Dixie a dit que tu files des tuyaux à un certain Jenkins et…. —Jenkins ? Mais ce tordu m’a seulement demandé des renseignements sur la cadastre et…. Jenkins fait tourner la scierie et il embauche une dizaine de gars. Alors oui, je l’ai renseigné ! Mais ce genre d’infos est publique, il n’y a rien de confidentiel ! —Ce n’est pas l’avis de Donovan. Il pense que tu as été plus loin avec lui. Tu aurais pu avoir eu vent de choses plus délicates passées entre les types de l’administration et notre sénateur. —Attends ! J’essaye d’y voir clair Scott et….je suis seulement là pour faire mon boulot ! Rien de plus. —Je sais tout ça Hailee mais le souci est que tu n’as pas été réglo par le passé. —Qu’est-ce que tu appelles réglo ? Alors oui j’ai distribué des tracts pour la survie des espèces menacés, j’ai fait circuler des dizaines de pétitions en accord à la protection des animaux et je milite pour un environnement plus sain ! Est-ce que tout cela fait de moi une criminelle ? Scott, je…. Je suis allergique aux cons et je refuse de me laisser intimider par des types comme ce Gorman ! On va trouver une solution. » A dix heures je sonnai à la porte de Cole. Il vivait une grande baraque peinte en blanche et vert pour les volets. Le genre de maisons que l’on rêvait tous d’avoir quand

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on a réussi sa vie professionnelle. Deux grosses voitures se trouvaient être garées devant et après avoir frappé, une silhouette passa derrière un rideau. Je sonnai de nouveau et Cole apparut le bras posé sur le liteau de la porte. « Je peux quoi pour toi Hailee ? On dirait que tu es venue seule. Tu as laissé Donovan à ses rondes ? Alors, vous avez baisé hier soir ou il t’a sagement raccompagnée à ta voiture ? J’espère seulement que tu te montreras plus intelligente que Tyler. Tu trouves normal ton comportement d’hier, hein ? —J’ignore ce dont vous avez parlé tous deux mais…. —Tu viens me faire des excuses c’est ça ? » Un radieux sourire apparut sur ses lèvres. Non mais quel enfoiré ? Il me relooka de la tête aux pieds et son regard se posa sur ma poitrine. « Ouais une jolie paire de nichons et une belle paire de fesses. Assez bandante je dois dire. Qu’est-ce qui a cloché avec Beck ? Vous étiez ensemble un petit moment avec qu’il se décide à se taper cette négresse ? Un peu radical, non ? —Il fat ce qu’il veut. —Ton petit papa était un Sioux c’est ça ? » Il n’avait pas à parler de mon père ainsi ! Il cherchait à me mettre en colère, je refusais de rentrer dans ce jeu à quelques heures de mon départ pour l’inconnu. Le grand plongeon vers le vide. J’avais préparé ma barque et de nuit je ramerais jusqu’au delta et là, je disparaitrais avec Twain. Il me serait impossible de le laisser derrière moi. « Tu sais Hailee j’étais prêt à te laisser une chance de mieux me connaitre mais tu m’as véritablement déçue en acceptant de

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d’exhiber avec ce Donovan. Qu’est-ce qui t’excite tant chez lui ? Le port de l’uniforme ? Profites-en bien car dans les jours qu’i viennent il sera attaché aux Laws Enforcement Agencies. Et oui, il a des envies de grandeur et aspire à être un Agent fédéral et dira adieu aux petites histoires de ménagères du comté. Apparemment il aurait donné satisfaction d’après les commentaires du gouverneur Paddridge. —Je suis heureuse pour lui, soulignais-je sans me démonter pour autant, les mains enfoncées dans les poches. Après tout il est ambitieux et c’est tout le mail qu’on lui souhaite, poursuivis-je en tentant de dourire. —Ouais, et tu ne lu ne lui es pas indifférente. » Non sans blague ? Je haussai le sourcil de façon narquoise et me félicitais de ne pas rentrer davantage dans son jeu. Donovan Agent spécial. Le monde ne tournait décidément pas comme je le souhaitai. Il savait des choses connues de lui seul et il devait se douter que je préparais mon départ. La sueur coula de nouveau dans mon dos et mon œil devint brusquement sec au point qu’il me fallut cligner des yeux plus que d’ordinaire. « Et tu comptes te barrer avec lui ? Oui quand on y songe, rien ne te retient ici. tu accumules deux jobs merdiques, payés une misère et tu vis dans une sorte de caravane donnant sur une rive infestée de produits corrosifs et d’algues polluantes. Qui accepterait de vivre près des alligators et des nègres ? Et je trouve même étrange qu’un homme aussi distingué que Donovan ait jeté son dévolu sur toi. Mais

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peut-être il y a-t-il autre chose ? Comme le sens aigu de la justice, par exemple. —Il faut lui poser la question. —Non c’est à toi que je la pose ! Pourquoi es-tu là Hailee ? Ce n’est surement pas pour me faire tes excuses, tu es bien trop fière pour ça. Moi je crois que tu as des ennuis plus graves que cela et que tu cherches quelqu’un pour te tirer de là, déclara ce dernier affichant un rictus sur sa face de beau démon. Parles-moi un peu de Scott, il est quoi pour toi ? —C’est un ami. On dirait que rien ne t’échappe et je dois en conclure que je te fascine à ce point. —Disons que je défends ma propriété et mes intérêts. Tous mes intérêts » La peur m’envahit. Lui aussi savait ou bien il parlait au sens large, englobant tout sous le terme propriété. Je maintenais mon regard dans le sien, comprenant à quel point je m’étais fourvoyée par mégarde. A présent je ne pouvais franchement plus reculer. Mourir ou vaincre ! J’affichais un radieux sourire, le plus beau de toute ma collection. « Comment sais-tu que je garderai ma langue dans ma poche ? Je sais ce que tu t’apprête à faire et….le mieux pour nous deux serait de trouver un terrain d’entente avant que l’envie ne me prenne de mettre le feu aux poudres. —Tu me menaces ? —Non. Je fais seulement connaissance avec toi et comme les présentations sont faites, il ne me reste plus qu’à partir. Bye ! » Vers onze heures, Tyler me sortit de mes pensées d’un claquement de doigt et assis sur le rebord de ma table, il m’étudiait avec attention. Le local se trouvait être

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désert et il avait laissé ses gars se rendre chez ses clients sans trop insister sur l’ordre du jour. Pauvre Tyler, il risquerait de ne pas s’en remettre de mon départ. Et la porte s’ouvrit avec fracas sur frank. « Vous ne connaissez pas la meilleure ! On a retrouvé trois cadavres du côté de Fallon bridge ! Donovan et sur place avec son équipe pour fouiller le coin. C’est près de chez toi ça, Fallon Bridge ? Il parait que ce n’est pas joli à voir. Nous on nous a dit de dégager et que c’était une scène de crime. Putain, trois macchabées ! C’est complètement fou ! la presse locale est déjà sur place et ils vont fermer le pont et tous les différents axes qui conduisent vers Fallon. —Merde ! Il ne manquait plus que ça ! Et où sont les autres ? Alex et Till n’étaient pas avec toi ? —Si, mais on était tellement tous le choc que Dixie nous a accordé quelques minutes supplémentaires sur notre temps de pause ! Putain, ça fait froid dans le dos. J’espère que ce n’étaient pas des types du coin. » L’horreur devait se lire sur mon visage. Trois types retrouvés morts près de chez moi et la police du comté ratissait l’endroit au peigne fin. Le début du cauchemar pour moi. On ne manquerait pas de venir m’interroger ! A bon ? Vous êtes certaine de ne rien avoir vu de suspect ? Et Tyler attendit que Frank quitte la pièce pour conclure :. « Un règlement de compte tu crois ? Une histoire de pot-de-vin qui aurait probablement mal tourné. Ecoutes Hailee, je ne veux pas insister avec ça mais je pense que tu devrais me le dire avant que

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les fédéraux commencent à mettre le nez dedans. —Te dire quoi ? Tu penses que c’est moi qui les ai tués ? Tyler, tu n’es pas sérieux là ? —Non je ne dis pas cela. Viens avec moi dans la voiture, je te déposerais au city Hall, j’ai un truc à faire dans ce même secteur. » Il se gara non loin du bâtiment administratif, cet espère ce casino donnant sur une rivière le public y accédait côté berge et les employés coté cour. Cet endroit restait un piège à touristes ; on aimait plus qu’ailleurs parler de la Guerre de Sécessions, de l’intervention des Sioux et des exaltations du Ku Klux Klan avant que cet Etat devienne un havre de paix pour qui espère se repentir des fautes commises dans une autre vie. Je fixais la rue, droit devant moi sans oser regarder mon patron. Ce dernier coupa le moteur de son SUV et lorgna dans ma direction. Son regard gris métal me sondait et je ressentis alors non pas de la gêne mais de l’effroi. Si j’avais détenir les sacs rempli de billets, je ferais de lui mon complice et de cela, je ne voulais pas. « Hailee, tu sais que je tiens beaucoup à toi. —Oui, comme un frère ! je sais très bien ce que tu fais pour nous tous et je t’en suis infiniment reconnaissante. J’apprécie que…. —On devrait pouvoir tout se dire toi et moi. A la place de cela tu préfère te taire comme si je ne comptais pas pour toi. —Oh, Tyler, il ne s’agit pas de cela. —Tu comptes beaucoup pour moi.

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—Je le sais. » Murmurai-je la gorge nouée. Sa main se posa sur mon épaule et raide comme un piquet je tentais de garder le contrôle d’émotions quand je fondis en larmes, à bout de nerfs. « Je veux t’aider Haillee Il ne sera pas question pour moi de te laisser tomber. On va s’en sortir tous les deux. » Sa main se posa sur la mienne et dans un mouvement nerveux je l’ôtai de son étreinte, essuyant rapidement mes yeux du pan de mon cardigan. Alors je le regardais pour lui prouver que tout allait bien. « Je suis un peu sous pression en ce moment. Le boulot. Les traites. Les impôts. Mais ce n’est pas insurmontable, j’y arriverai. Tu n’as pas de raison de t’inquiéter. Maintenant je vais aller travailler. —Pas si vite. J’ai une piaule en ville sur la Lincoln street et tu pourrais y rester quelques jours le temps que la police dégrossisse cette affaire de meurtres. Tu en seras plus en sécurité. Prends ces clefs elles sont pour toi. —Non, je ne peux pas accepter. Je ne veux pas me cacher comme une criminelle. J’e n’ai rien à voir avec tout ça. —J’aimerais te croire Hailee mais pour le cas où les choses tourneraient mal j’aimerai te savoir ici, tout près de moi. —C’est gentil de ta part. J’apprécie vraiment. —Tu es….une chouette femme et je veux t’aider, juste faire ce qu’il faut pour un membre de sa famille, une personne que l’on estime et que l’on apprécie suffisamment fort pour prendre tous les risques à sa place. Tu comprends ? Je ne veux pas que tu te réveille un matin, seule

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et effrayée. J’ai….une petite amie en ce moment. —Je suis au courant oui et je t’en félicite. —Elle est brillante et….je ne veux pas mélanger les affaires et ma vie sentimentale, tu comprends ? Il est important pour moi de ne pas tout mélanger pour garder mes objectifs intacts et ne pas être influencé par autrui. Mais avec toi, c’est très difficile de rester intègre. Tu es….allez, file, je ne veux pas te mettre en retard avec mes élucubration ! » Vers dix-sept heures je fouillais dans mon sac à main pour en extraire mes clefs quand deux types m’encerclèrent. « Miss Haillee Stevens ? Agent Spécial Edney et l’agent spécial Kinstry ! » Le blond au regard froid me brandit son insigne sous le nez, tandis que l’autre grand, pince sans rire me défigura sans pudeur. « nous travaillons avec le marshal Donovan et nous avons quelques questions à vous poser. S’il vous plait… » En tremblant je les suivais. Ils roulèrent jusqu’au Département de Justice du marshal Donovan, sur la Creeks street et là un tas de flics passaient et repassaient en tous sens. Une véritable fourmillière dans laquelle quelqu’un venait de donner un coup de pied. Cela sentait le café et la sueur malgré la clim qui tournait à plein régime en ce mois de septembre. Les fédéraux étaient déjà sur place et reconnaissables par le costumes bleu acier et leur cravate bien propre. Donovan m’avait piégé. Je vivais là mes dernières heures de liberté. On m’installa dans un bureau donnant sur la rue de chaque côté de l’angle de la

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pièce et ils s’installèrent avec moi avec leur dossier, leur café et leur stylo. « Vous vivez sur les rives de l’affluent du Mississipi., l’Arkansas ? Vous confirmez ? —Non il s’agit de bayou Fourche. C’est notre affluent, donc sous-affluent du Mississipi. » Tous deux me lancèrent un regard noir et inquisiteur. Edney mâchouillait un curedent, la chemise ouverte sur son torse et fit glisser une photo dans la direction de son collaborateur. « Et qu’avez-vous fait avant-hier soir ? —A partir de quelle heure ? —J’ai fait un peu de bricolage. —Chez vous ? —Oui chez moi. —Et vous avez remarqué quelque chose d’anormal ? Un bruit ? Une voiture ? Des types ? Je crois savoir que tout le monde donnait tout le monde sur les bords du Bayou Fourche. Quelque chose de suspect, alors ? » La fin des haricots. Si je répondais « oui », on m’inculperait pour complicité de meurtre et si je répondais « non » j’entravais l’enquête et on m’arrêterait pour faux-témoignage. La presse allait se régaler de mon témoignage. Miss Stevens, pouvez-vous nous dire qui est l’auteur de ces monstrueux crime ? Allô ! Allô ! Notre Etat pratiquait la peine de mort et on m’injecterait une dose létale dans le sang. « Oui, il y avait une voiture. » Edney échangea un regard à son complice. « A quelle hauteur ? Pouvezvous clairement identifier sa présence sur cette carte ? (il me remit la carte et je pointais mon index dessus) En êtes-vous certaine ?

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—Et pourquoi vous ^tes-vous retrouvée là-bas, questionna Kinstry, ce n’est pas près de votre lieu d’habitation, alors à moins d’avoir une bonne raison de vous y rendre…. —Il y a un vieil hangar désaffecté là-bas. J’y ramasse des vieilles pièces pour leur redonner une nouvelle vie. —Et quel modèle de voiture était-ce ? —Une vielle ford grise. —Un autre détail vous aurait parut suspect ? demanda Edneyen jetant un œil derrière la vitre sans teint de la petite sale. Derrière la table, je flippais à mort, la gorge nouée. « Oui. Elle était recouverte de branchages. —Et l’avait découverte ? —Non ! —Alors comment savez-vous qu’il s’agisse d’une Ford ? —Je sais distinguer un véhicule d’un autre, tout simplement et elle était partiellement couverte. De façon à ce que n’importe qui puisse identifier le modèle à vingt bons mètres ! —Etes-vous entrée à l’intérieur du véhicule ? » Si je répondais « non » ils diraient avoir mes empreintes digitales. Le grand me regardait du coin de l’œil. En rentrant je partirais bien vite, il le fallait afin d’assurer ma pérennité. Prestement Donovan entra et n’eut aucun regard dans ma direction. Les lèvres serrées, il s’assit près de notre agent spécial Edney. Il dirait certainement un truc comme : On a vos empreintes Hailee, alors vous devriez contacter votre avocat ! Je me passais la main dans les cheveux ; le rencard de la veille n’était qu’une

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épouvantable mise en scène, il savait très bien ce qu’il faisait et il devait jubilait en me vouant là, face à ses futurs subalternes du bureau d’investigation. « Tu sais pourquoi tu es là n’est-ce pas ? Tyler a du te mettre au courant. On a trois victimes sur le bras et il va falloir que tu coopères mieux que ça Hailee. Alors on va récapituler. Tu veux passer ta soirée d’avant-hier soir pépère à bricoler et tu décides de faire un saut à trois kilomètres de chez toi. Et là, tu découvres une vieille Ford grise à l’abandon et recouvert de végétal. Et ensuite il se passe quoi ? As-tu entendu des coups de feu ? As-tu vu quelqu’un ? —Non c’était désert et…. —Tu n’as pas pensé à forcer la portière pour pénétrer à bord de la Ford, pourtant tu es connue pour forcer des serrures, non ? Tu es la meilleure dans ta catégorie alors je me demande ce qui t’aurait empêché de le faire. —la voiture était vieille mais pas défoncée. Je me suis dis que quelqu’un passerait la récupérer. —Et tu n’as pas cru bon prévenir Scott. Vous êtes pourtant comme cul et chemise vous deux ! je t’ai envoyé le voir hier matin, tu aurais pu lui en toucher un mot, tu ne crois pas ? C’est assez inhabituel de voir une voiture abandonnée, recouverte de branches le long de Bayou fourche. D’habitudes pour moins que ça tu préviens les autorités. Mégots, capotes usagées, canettes de bières, avec toi tout y passe et là…rien…pas un appel. Alors qu’est-ce que je dois en déduire ? » A cet constant je sus que je le détestais. Au fond de son regard on pouvait y lire du mépris. J’étais le suspect principal et

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quoique je dise les dés étaient jetés. Acta jacta est ! On allait m’inculper pour trois meurtres et le vol de trois sacs. Donovan aurait pu s’exprimer ainsi : Hailee tu aurais tout me révéler hier. Il me fallait répondre quelque chose ou bien accepter mon sort. « Ce n’est pas ce que tu crois, j’ai dépassé ce stade de travaux illégaux, je me plie maintenant à un quelconque conformisme mais si vous voulez arrêter tous les néo-écologiques de Campford allez-y. nous n’avons jamais eu la même vision des choses et…. —Je n’approuve pas cette idée. —Laquelle ? Questionnai-je le cœur battant à vive allure, sur le point de m’évanouir. —Tu as peut-être imaginé que tout se passerait comme tu l’as prévu mais c’est faux. Gorman a fini par porter plainte contre toi. —Oh, quel trou du cul ! —Tu l’as menacé. « Pendant un bref instant aucun son ne sortit de ma bouche et privée de raison autant que de souffle, je mer perdis dans les pensées les plus sombres. Quel enfoiré ! Mes ongles s’enfoncèrent dans l’intérieur de ma main et mon intention se porta sur les autres bâtiments de la rue. « Si vous n’avez rien contre moi, j’aimerai m’en aller. Avons-nous fini ? » Jamais je n’avais roulé aussi vite pour rentrer chez moi. La police locale contrôlait à partir de Sand ford et de Tautum Stunt et à contre cœur je leur présentais mon permis. Pour un peu l’on se serait cru lors d’une grande parade pour la national Day et pour moi il serait impossible de fuir ni par la route ni par le

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fleuve ; cette maudite enquête ajournait mon départ. Le flic, un flic d’une vingtaine d’année à en juger par son visage poupon me rendit ma carte. « Vous habitez à barrow Land ? On vient de fermer l’accès à la réserve, alors je vous conseille de changer d’itinéraire si vous ne voulez pas qu’on vous ennuie davantage. C’est bon vous pouvez y aller ! » J’’empruntis comme indiqué par le jeune flic un autre itinéraire pour me rendre chez moi et arrivée en haut de la colline boisée, quelle ne fut pas ma surprise en voyant une cohorte de flics fouillant les environs avec leurs chiens et tout le tremblement. Je me garais comme d’habitude à proximité de mon logis quand un inspecteur, une femme cette fois-ci arriva droit sur moi, l’insigne à la main. « Inspecteur Brooks du bureau du Marshal ! Je peux savoir qui vous êtes ? » Après avoir décliné mon identité, elle me laissa me garer. Ils étaient partout, près de ma barque, non loin de l’enclos de Twain et sur la berge à relever des empreintes. Brooks attendit que je rentre chez moi pour me suivre et sortit un calepin de la poche interne de sa veste en cuir. « J’ai quelques questions à vous poser Hailee. Connaissez-vous cet homme ? demanda-t-elle en me brandissant le portrait d’un type aux traits anguleux. Non, jamais vu ! Et cet homme ? Regardez bien Hailee….Aucun de ces deux là alors ? Peut-être le troisième ? —Non je suis désolée, croyez-moi. —Si la mémoire vous revient, voici mon numéro. Je sais que le marshal Donovan appréciera votre aide. Oh, une dernière question ! Pourquoi n’avoir pas avoué avoir trouvé la voiture hier ? On sait

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qu’elle est immatriculée dans l’Etat de Georgie et sue son propriétaire est le troisième homme sur la photo. Arthur H. Downey. Cela ne vous dit toujours rien ? » Absolument rien. J’avais beau me creuser les méninges ce nom ne me disait rien. Epuisée je me posais sur mon canapé pour sombrer dans un sommeil lourd de conséquences. On toqua à ma porte, cela me réveilla. J’attrapais mon arme à feu pour me diriger vers le bruit. Twain grogna puis se tut. Il n’y avait personne à l’extérieur. On me faisait une farce. Je braquai mon silencieux vers l’obscurité quand Scott me ramena à l’intérieur et éteignit la lumière. Une fois qu’il fut certain que le calme fut revenu, il ouvrit la bouche : « Trois types se font descendre mais pas un coup de feu n’ait entendu. J’en déduis alors qu’on a déplacé les corps et qu’on a pris soin de laisser suffisamment d’indices pour que la police les retrouve à Fallon Bridge et non ailleurs. Ceux qui ont fait le coup voulaient mettre la lumière sur cette partie de barrow Land. Et… Chut ! —Quoi ? Il se passe quoi ? —La personne qui a fait le coup t’a vu à un moment sortir de chez toi et te diriger vers la voiture abandonnée. Il t a ensuite vu sortir l’argent du coffre et filer avec. » Il commençait à me faire peur. Comment savait-il pour la voiture. Le visage dans les mains, je ne sus que dire ; Scott m’avait grillé. Il ne me restait plus qu’à passer aux aveux. « Maintenant tu es très embêtée. Les fédéraux te tournent autour et quand ils auront rassemblé toutes les preuves tu seras accusée de complicité de meurtres et de détournement de fonds. A moins que tu avoues tout maintenant. Donovan pourra

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alléger ta peine et tu seras relaxée au bout de douze ans peut-être, si toutefois tu te tiens à carreau dans le centre pénitencier dans lequel il aura jugé bon de t’envoyer. » Scott semblait être ailleurs. Où était-il vraiment ? Entre la terre et Jupiter ? il porta une pistache à sa bouche et sans sourciller la croqua. Devais-je continuer à me raconter ou le laisser redescendre ? Après un tel stress, je n’avais qu’une envie, celle de respirer un bon coup et me dire que demain serait un autre jour. « Mais comme tu es mon amie je t’ai arrangé le coup. Tu n’as pas de raisons de paniquer. J’ai déplacé l’argent et il est quelque part bien caché. Cela sera notre petit secret d’accord ? Mais je veux que tu me promettes une chose. Quand les fédéraux seront partis, je veux que tu partes avec moi. —Tu n’es pas sérieux là ! Scott ? » De nouveau il fut absent. Il me fut impossible de lire dans son esprit embrumé et il savait qu’il me tenait avec cette histoire de fric. Or je ne pouvais lui promettre une telle chose. Lui et moi c’était amical et je ne pouvais penser qu’il puisse me trouver à son goût car jamais encore il ne m’avait fait d’avance. Le visage entre les mains je tentais de recouvrer la raison. « Je pense qu’on devrait leur rendre le fric. —A qui ? Tu as une idée sur la question ? Tu crois qu’il suffit de poser le fric là où tu l’as pris et d’attendre que ça se passe ? Na ! Tu risques de te retrouver avec une balle entre les deux yeux ou baignant dans une bassine d’acide. Histoire de s’assurer que tu as bien compris le message. Quoique tu fasses tu

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es sur leur liste de personne à abattre. Distoi seulement que tu es en sursis. Le mieux que tu puisses faire c’est de collaborer avec Brooks. Elle est la seule ici à avoir un peu de jugeote. Appelles-la et parles-lui de Gorman. —Pourquoi lui ? Tu crois qu’il est mêlé à tout ça ? —Non, mais les flics aiment bien avoir un os à mâcher en attendant une plus grosse prise. —Il a porté plainte contre moi, Brooks n’est pas stupide au point de ne pas penser que je cherche à me venger de lui ! Elle ne prendra pas ma déposition au sérieux. Qui plus est, je n’ai rien contre lui, si ce n’est son sale caractère et ses idées d’une autre époque ! Cela pourrait me desservir. —Crois-tu vraiment qu’il ait porté plainte contre toi ? Si tu tiens l’information des fédéraux alors tu devrais savoir qu’ils bluffent, d’est dans leur nature de travestir la vérité pour recueillir des aveux. » Pendant une longue minute aucun de nous ne parla. Dans son coin Twain ronflait sans plus se soucier de son environnement. J’allumai une cigarette en refusant d’admettre l’évidence : Scott tenait les ficelles de cette entourloupe. Mais devais-je pour autant me fier à lui ? ma respiration trahissait mon degré de nervosité et le tabac me dégoûta dès la première bouffée à croire que la clope cherchait à me consumer de l’’intérieur. J’écrasais la clope dans le cendrier et me leva, déplaçant la lampe-tempête de quelques pouces comme pour mieux me cacher du regard vide de Scott ; « Alors tu décides quoi ? —Comment ça, je décide quoi ? Ai-je vraiment le choix ? On me suspecte tous

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d’être mêlé aux meurtres et à moins de passer à travers les mailles de l’enquête, je n’ai pas d’autre choix de me rapprocher de Brooks, n’est-ce pas ? —Et ensuite ? As-tu confiance en moi ? —Scott, je…. J’entretiens avec toi des relations amicales. Tu répares de vieilles bagnoles et je ne sais rien d’autres de toi. Tout le monde ici te voit ici comme une sorte de marginal échoué là par hasard et comme Tyler semble te faire confiance, alors je ne vois pas comment je ne pourrais pas te considérer comme un ami. Seulement ne m’en demande pas trop. —Couche avec Donovan. —Il me dégoute. Je n’y ai jamais pensé une seule seconde. C’est un flic ! —C’est le marshal du comté et il en pince sérieusement pour toi. Comme le monde le sait ici, ça finit par se savoir. Il te tourne autour depuis que tu es ici et je crois qu’il apprécierait que tu lui fasses confiance. Derrière son insigne de superflic, il y a un cœur qui bat, alors dis-toi que c’est pour la bonne cause. Oh ! Et dernière chose ! Eloignes-toi de Tyler quelque temps. » De bonne heure je me rendis en ville, non pas pour flâner ou me montrer mais bien pour espérer y croiser Donovan. Comme il n’était pas à son bureau mais sur le terrain, Brooks le contacta sur son téléphone et m’informa qu’il arrivait d’une minute à l’autre. Les bras croisés sur sa veste en cuir, la jolie métisse aux longs cheveux bouclés rassemblées dans une queue de cheval se pencha vers moi, intriguée comme les autres par ma présence au Département de justice. « C’est un peu le désordre ici ! On se porterait mieux si nous avions assez de

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renseignements sur les hommes que l’on recherche. On peut te ramener un café si tu veux ! Nicols, apportes un café pour la demoiselle si tu veux bien ? » Je connaissais cette technique. Ils prendraient mes empreintes digitales sur ce gobelet. Elle attendrait que j’e le termine pour l’envoyer au labo. Je ne leur donnerai pas ce plaisir. Et le regard vert de Brroks plongea dans le mien, vert d’eau pour ne pas le lâcher. L’attente fut longue et pénible quand je vis arriver Cole gorman suivis par deux flics. Oh, merde ! Il m’aperçut et son visage s’illumina. Il vint vers moi après avoir administré une tape dans le dos du flic et il s’assit près de moi, en terrain conquis. « Hailee ! Venue pour déposer ou sur le banc des accusés ? On dirait que tu es très appréciée ici aussi et j’avais vu juste à ton sujet, tout n’est qu’une histoire d’uniforme, déclara ce dernier les avantbras posés sur ses genoux. Et tu fais quoi après ? On pourrait aller manger un morceau toi et moi. —Et qu’est-ce qui t’a fait croire qu’on pourrait s’entendre toi et moi ? T’aurais-je encouragé d’une quelconque façon ? —Ecoute ma mignonne, on est dans l’Arkansas et non pas à New York ou Los Angeles, c’est là-bas que tu vivais non ? » Crispée je détournai la tête. Il avait enquêté sur mon passé cela me terrifiait à l’idée qu’il puisse tout savoir de moi. Campfort restait un village ni plus ni moins et érigé en 1852 d’après les premiers cadastres de la ville. Avant cette ville n’était que terrain en friche et scierie, repères de hors-la-loi, de nègres en fuite et

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de no man’s land au temps de la prohibition. « A moins que cela ne soit San Francisco. On n’a pas été très clair sur ce sujet. C’est étrange de devoir se retrouver là non ? Au milieu de tous ces sudistes à l’accent trainant, ces fils d’esclavagistes et membres du Klan. Ce n’est certainement pas une destination que j’aurais choisi à ta place. —Mais on ne t’a sûrement pas dit pour quelle raison je me trouve être ici, murmurai-je sans le lâcher des yeux. Peutêtre est-il préférable que tu ne sache pas, cela pourrait te rendre irascible et irrationnel. —Mais je ne demande qu’à savoir. Je t’offre un déjeuner chez Willow si tu veux, on va dire à midi trente. » Et il se leva après m’avoir broyé l’épaule gauche. Il ne se figurait quand même pas que j’allai le suivre ? Dans des temps pas si anciens que cela, il m’aurait jeté sur sa selle pour aller me forcer dans un quelconque endroit de la vallée. Personne n’aurait pris le temps de me chercher, pas même le marshal. Ce dernier me laissa entrer dans son bureau. Aussi curieux que cela puisse paraître, Cole restait dans mon esprit comme la lueur d’une ampoule après qu’on eut éteint la lumière. « Est-ce que ça va Hailee ? Questionna Donovan assis sur le rebord de sa table. Brooks m’a dit que tu voulais enregistrer une déposition. —Non ce n’est pas tout à fait ça, mais…. » Le sourire s’effaça de ses lèvres. Il devait trouver hallucinant que je vienne le voir seulement pour discuter alors qu’ils enquêtaient sur le meurtre de trois inconnus survenus à Campford.

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« Mais quoi ? Tu dois savoir que la situation est plus que tendue dans le coin. On a drainé le rivage sur huit kilomètres en amont comme en aval mais ça n’a rien donné de ce côté-là. On a interrogé tous les riverains mais ce qu’on obtient ce ne sont que des divagations et on n’a rien de vraiment sérieux. —Mais vous avez pourtant une piste en le propriétaire de la Ford. Vous pourriez peut-être l’exploiter ! » Amusé il me regarda avant de soutenir son menton de son bras. « Hum, cela reste une possibilité, ouais ! Fouiller dans le passé d’une victime pour en extraire des informations. Voilà ce qui est bien pensé, je vais en avertir tout le reste de l’équipe. —Je t’ai menti hier. —Oui mais cela ne regarde pas. Ce que tu fais avec Tyler je m’en contrefiche. Oui, il est venu déposer hier, après dix-huit heures, argua-t-il en déplaçant un pressepapier de son bureau. C’est un excellent alibi ça, se taper le mec de Joan. Tu confirmes avoir été avec lui le soir du meurtre ? —Non ! Enfin….c’était quand pour toi le soir du meurtre ? —Le mardi 18, mais si votre liaison est antérieure à cela alors cela restera entre nous. Mieux ne vaut pas que Joan le sache. » Pourquoi a-t-il fallu qu’il l’ouvre ? La tête entre les mains, je tentais de revenir à moi ; Donovan ne voudrait jamais de moi tant que Tyler me tournait autour et je comprenais les conseils de Scott à ce sujet. Donovan ne voulait pas perdre la face ; en tant que marshal il ne pouvait passer pour un amateur.

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Notre regard se croisa, aucun de nous ne parla. Des plus mal à l’aise j’allais clore la discussion quand il croisa ses jambes, les fesses appuyées contre la table et approcha la main de mes cheveux. « Attends, ne bouge pas, tu as une araignée dans les cheveux ! —Oh ! Je ramène un peu de campagne avec moi. » Ma main frôla la sienne au moment où j’allais envoyer ma mèche de cheveux de l’autre côté du visage. Il fixa droit devant lui pour ne pas avoir à me regarder. Je me mordis l’intérieur des lèvres, trouvant gênant de n’avoir rien à se dire. Autant il pouvait être très à l’aise en face de violeurs, de pédophiles et de criminels mais devant moi, il n’en menait pas large. La porte s’ouvrit sur Brooks. « Désolé, Donovan ! On a Little rock au téléphone, tu les prends ou Edney s’en charge ? —Non, c’est bon ! Transferts l’appel. » Elle s’en alla et moi de me lever prestement. « Je vais y aller ! Et….au sujet de Tyler….on n’a pas de liaison ensemble. Il est réglo et….Joan n’a pas à s’en faire. » Folle de rage j’allais retrouver Tyler dans son hangar. Il y était avec deux ses employés pour l’inventaire du matériel et en me voyant arriver dans mes motardes et les poings serrés, il renvoya Pitt à l’arrière pour me pousser vers les planches de bois stockées là pour le besoin des charpentiers et menuisiers. « Qu’est-ce que tu as été dire à Donovan ? —Ce n’est ni l’endroit, ni le moment pour en parler. D’ailleurs tu devrais être au bureau à cette heure-ci, tu as maintenant quarante-cinq minutes de retard ! —Je pourrais bien aussi ne plus avoir à travailler ici pour sue tu ne sois plus à te

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soucier de mes horaires de travail ! Pour moi, cela serait….un réel soulagement. Tu ne crois pas ? Et puis ta petite amie ne me le pardonnerait jamais si d’aventures son merveilleux compagnon n’est pas réglo avec elle. —Oui tu as raison. Tu n’aurais qu’à lui poser la question ce soir. Elle comptait d’appeler pour le ranch des Davies. Si… toutefois tu es toujours intéressée par cette ferme. » La colère s’estompa en songeant à Joan et aux efforts qu’elle avait entrepris pour trouver des personnes susceptibles de s’associer à mon projet, à savoir tenir une coopérative, une sorte de ferme. J’e convoitais l’ancienne ferme des Davies ; le logis était encore en bon état mais laissé depuis de très nombreuses années à l’abandon. Le jardin ressemblait plus à une jungle qu’à un jardin digne de ce nom et un énorme chêne ployait ses robustes branches ajoutant un peu plus de fraicheur à cet endroit coincé entre les bois et les marécages identiques à des mangroves de la Floride. Ce Bayou avait quelque chose de si mythique qu’on craignait de le voir détruit par les cupides promoteurs en quête de nombreuses terres à fructifier. Dans mes rêves les plus fous je me voyais vivre et mourir dans cette vieille ferme à un seul niveau et aux grandes portes-fenêtres aux volets vert mais aux bois fendus et décolorés. « Joan t’aurait-elle donné le nom des personnes intéressées par l’offre ? —Oui cela n’a pas été une mince affaire mais elle a quelqu’un. Maintenant retourne travailler s’il te plait, nous avons beaucoup à faire aujourd’hui !

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—Euh….C’est assez inattendu, je dois dire. En fait, je n’y croyais plus vraiment. Mais si Joan dit avoir trouvé quelqu’un, alors…..je n’ai plus qu’à te croire ! » Et je n’allais pas au travail. Je garai ma voiture devant la pancarte : A vendre ! Dressée devant la vieille barrière et j’y descendis séduite par les pépiements des nombreux oiseaux installés ici depuis des générations. Et dire que j’avais songé partir, quitter cette terre pour aller m’échouer ailleurs ? Et je j’entendis déjà le juge me demander : Pourquoi avoir renoncé finalement à fuir vos rêves pour être un hors-la-loi ? Le sourire aux lèvres, je me disais que mes rêves allaient peutêtre se réaliser. Il y a longtemps de cela mon père m’avait emmené ici. nous étions très souvent sur les routes et bord de sa caravane j’étais amoureuse de l’Amérique et puis l’Arkansas fut une évidence pour moi quand mon père me conduisit ici sur ce vieux ranch où il avait un jour travaillé pour soigner des chevaux malades. Et je m’étais mise à rêver. A l’époque il y avait une balançoire accrochée à al branche de ce chêne. Ne sachant pourquoi je me sentais être chez moi et souvent je me surprenais à déraciner mauvaises herbes et lierre sauvage. Les rares rayons du soleil filtraient à travers le dôme végétal et assise contre l’imposant tronc du chêne comme y puiser l’énergie nécessaire pour affronter tout cela. J’y restai bien une heure et quand il fut l’heure pour moi de partir, une voiture arriva dans ma direction. Merde ! Le pickup se gara près de la mienne et en sortit Cole. Qu’est-ce qu’il fichait ici ?

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« Tu me devance toujours de quelques minutes, à croire que tu as un sixième sens ou un truc dans le genre ! Et tu fais quoi là ? —Cela ne te regarde pas. » Il éclata de rire attrapant dans le coffre de son véhicule une trousse de cuir marron et un long cylindre contenant probablement des relevés planimétriques. « Tu fais beaucoup de mystère je trouve pour quelque chose que tout le monde n’est pas sans ignorer dans le coin : tu rêves toi aussi d’avoir une maison à toi. » Je ne répondis rien, les mains dans les poches à défaut de pouvoir les mettre ailleurs. « Le vieux Jo dit que tu passes ici au moins une fois par semaine et c’est là que je gare ma caisse quand je descends faire trempette à dix minutes de ce point là. Au moins je suis certain qu’il y aura toujours le vieux Jo pour surveiller les environs. Tu m’accompagnes ? —Sûrement pas, je dois aller travailler. —Ah le travail. Ils sont sur toi hein et ça te rapporte combien tout ça ? Huit cent dollars par mois, peut-être un peu plus mais pas assez pour espérer devenir propriétaire. Pourquoi as-tu lâché ton emploi au Willow ? Les vilains messieurs te mettaient les mains aux fesses, c’est ça ? Ok, je dois aller plier ma bosse, c’est toujours d’accord pour ce midi ? —Pourquoi es-tu là ? Tu aurais pu trouver des milliers d’autres endroits alors pourquoi celui-ci précisément ? —Parce que tu as mon fric, avoua-t-il en me lançant un regard lointain. Au moins avec toi je me dis qu’il est en sécurité. » Je manquais de m’évanouir à cette révélation. Il se rapprocha de moi et sans

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sourciller, je soutins son regard. il me tuerait d’une balle dans la tête et me laisserait dans ma voiture. Tous penseront à la thèse du suicide et personne ne pensera que Cole m’ait abattu de sangfroid. « Tu as mon fric et nos vedettes du FBI le savant aussi. Nous devions mettre la main sur des personnes en particulier mais tu as tout fait capoter. Donovan dit que tu n’y es pour rien et refuser pur l’heure de procéder à ton arrestation mais sitôt que tu aurais déposé ne serait-ce qu’un dollar, tu seras arrêtée et tu prendras pour 25 as à perpétuité. Pourquoi n’as-tu pas ramené le fric pendant qu’il était encore tant ? » La gorge nouée, je sentis mes forces m’abandonner puis je vins à songer à Scott et à ce qu’il m’avait dit au sujet de la condamnation non-fondée par faute de preuves. « Ecoute, je lis ce qui est écrit dans la presse et je vois la télévision quand cela est nécessaire mais quand tu me parle d’argent, je ne vois pas de dont tu parles. Ton fric doit-être de l’argent sale et je m’en contrefiche. Tu me parle de Donovan et des agents spéciaux, mais eux ne m’ont parlé que d’une voiture abandonnée et non pas de billets marqués ! Et tout cela auraitil un lien avec la mort de ces trois gars ? —Ah, ah ! Tu t’es suffisamment mouillée dans cette affaire Hailee et il me tarde de savoir ce que tu feras quand la procureur t’ajoutera des nombreuses années de prison en apprenant que tu as refusé de coopérer avec Donovan et….c’est peut-être le moment pour toi de parler à ton avocat. —C’est cool, répondis-je sans me démonter pour autant. Cette histoire puait

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depuis le début et je ne pouvais lui donner satisfaction en paniquant subitement et en balançant des conneries aussi invraisemblables soient-elles, du genre : Je suis désolée pour tout ça ! Et je fais te rendre ton fric jusqu’au dernier dollar ! On se fixa et lui, le rictus au coin des lèvres déclara : « Si c’est cool pour toi, alors ça l’est pour moi aussi ! As-tu autre chose à me dire, Des confidentes de dernière minute ? —Pas que je sache ! —Alors pour toi tout cela, ce n’est pas si grave. Tu as ton chien et ta caravane, une vieille caisse qui fonctionne quand l’envie lui prend de fonctionner et ton travail merdique auprès de Tyler ! Tu te dis alors que jamais rien ne viendra te troubler, bouleverser ton quotidien mais moi je ne partage pas ton avis. Tu es seulement en sursis Hailee et pour combien de temps ? Ça on l’ignore. —Pourrais-tu êtres plus clair ? Cela t’embête de rentrer dans les détails ? » Il ne répondit rien, attrapa son barda pour ficher le camp. De plus contrariées j’e fis de même comprenant que n’importe qui pouvait nous surprendre : le vieux Jo, Scott capable de fouiner son parti et les agents du FBI chargés de contrôler la région. Toute cette situation m’empêcherait de dormir et plus encore maintenant que Cole me voyait comme la nouvelle propriétaire des sacs de billets. Et au boulot je n’arrivais à rien. Le moindre bruit me faisait sursauter et je craignais voir surgir le FBI avant un mandat d’arrestation en bonne et due forme. Le cœur battant à rompre je restais crispée sur mon fauteuil tapotant nerveusement la table avec mon crayon. Si le téléphone se

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mettait à sonner je n’étais pas certaine de pouvoir le décrocher. Le ventilateur tournait au-dessus de ma tête chassant l’air chaud pour apporter des vagues de fraicheur et la sueur collant mon dos, j’appréciais de ne pas finir tremper comme une soupe. Tyler arriva peu avant midi et après un rapide regard dans ma direction se servit un verre d’eau à la fontaine située derrière moi. « Est-ce que ça va toi ? Questionna ce dernier en s’asseyant en face de moi, les jambes croisées l’une sur l’autre, les santiags aux pieds. Comme je ne répondis rien il attrapa mon crayon et la pile de post-it jaune sur laquelle il griffonna quelque chose. « Les autres ne font pas tarder à revenir alors je préfère que cela reste entre nous. C’est l’adresse exacte sur la Lincoln street avec le numéro du digicode. J’aimerai que tu y aménage ce soir, je serais plus soulagé si tu y dormais quelques nuits. —Oh, Tyler ! J’en ai un peu marre qu’on veuille me dorloter. Je ne suis pas à ce point à me torturer l’esprit avec tout ça et ci le criminel est dehors je saurais me défendre comme une grande fille ! Il faut que tu te l’admettes une bonne fois pour toutes ! —D’accord ! Alors on ne parle plus de ça ! Tu étais où ce matin, de dix à onze ? —Quoi ? Il faut maintenant que je justifie tous mes allées et venues ? C’est fou, ça ! Tu m’as fait suivre ? Non, parce que si c’est ça je te trouve vraiment tordu Tyler ! Tu parles d’amitié mais tu fais croire à Donovan qu’on s’envoie en l’air, alors dis-moi un peu comment tu veux rester crédible a jouer le mec hyper-

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protecteur ? Tu sais il y a un truc qui ne tourne pas rond avec toi. —Tu es allée à la ferme c’est ça ? La propriété de Davies ? Hailee si les flics m’interrogent je dois être capable de savoir ce que branle mon personnel sur ses heures de travail. Ecoutes, tu me dis seulement que tu étais à la ferme et on en reste là ! Tu étais à la ferme n’est-ce pas ? —Oui, répondis-je en soupirant, les sourcils froncés. Et maintenant ? Il va se passer quoi ? Tu vas t’empresser d’appeler Donovan pour lui dire : Ecoute vieux, Hailee n’était pas à son poste ce matin mais elle avait une bonne excuse de ne pas l’être puisque de temps à autre je trouve formidable de m’envoyer en l’air avec elle ! Et bien vas-y ! Appelle-le ! On n’est pas à un mensonge près ! ne te dérange pas pour moi, je ferais comme si je n’écoutais pas. » Brusquement il me saisit par le poignet et debout devant moi m’enfonça un regard noir chargé de reproches au fond de mes yeux verts, comme ça, juste pour me glacer le sang. Et ensuite que me ferait-il ? Se mettrait-il à aboyer comme Beck que je suis qu’une bonne à rien, une petite dévergondée et neurasthénique ? Avec calme j’attendis la suite, pourtant cette étreinte me fit mal et sa bouche contre mon oreille continua à voix basse. « si je ne te baise pas c’est pour des raisons valables propres à mon éthique mais sache que si je venais à le faire tu t’empresserais d’aller trouver Beck pour lui dire que je t’ai forcée. Et ensuite tu me feras des tas d’histoires pour te prouver que tu es une femme en qui on peut avoir confiance et nous avons déjà évoqué le fait que tu puisses être effrayée par ta propre

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mesquinerie. Or je ne voudrais pas être médisant envers toi-même si je pense que tu dépasse les ornes depuis longtemps et que l’hypothèse même que tu puisse démissionner nous soulagerait tout à chacun, n’est-ce pas ? Vois cela comme une opportunité. Il se puisse que tu veuilles également quitter la région en emportant avec toi ce qui ne t’appartient pas. Est-ce que tu me suis là ? —Alors tu me propose un plan c’est ça ? Que je puisse créer un scandale pour me disculper de ce que j’aurais commis sans l’avoir commis à la date du 18 septembre ? Tu n’as rien trouvé de mieux apparemment Tyler et je me fais du souci pour toi. » Il me lâcha et passa sa main dans se cheveux bruns et soyeux. Il se leva sans me lâcher du regard. « Alors j’accepte ta démission. Te virer ne te servirait à rien compte tenu de tes plans de carrière. Tu n’as pas idée du temps que tu me fais perdre. Maintenant….tires-toi avant que je trouve une raison valable pour te ficher dehors ! » Oh, oui ! J’allais me tirer le plus rapidement possible pendant qu’il en était encore temps et rassemblant mes affaires, je ralentis cependant en voyant le pick up de Gorman se garer devant l’édifice. Tyler partit se réfugier dans son bureau, je me disais que je ne pouvais pas partir ainsi pour tomber dans la gueule du loup ; quelque part Tyler restait mon gardechiourme et quand la porte s’ouvrit je filais saluer Tyler dans l’encorbellement de la porte. « Si tu n’as plus rien à me dire, alors je peux m’en aller ? Mais je crois que tu devrais te montrer plus pragmatique à l’avenir. Cette situation je ne l’ai pas

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voulue. Maintenant il me faille faire avec. » Cole me dévisagea de la tête aux pieds avant de placer un sourire carnassier sur son visage. « Es-tu prête ? Ou bien j’arrive trop tôt ? Attends-moi ici, veux-tu ? J’ai un mot à dire à ton patron ! » Il se figurait que j’allais l’attendre. Or c’est seul que je me rendis chez Willow et au comptoir je commandais une salade verte et un verre de lait de soja quand il me rejoignit près de ma chaise haute. Concentrée sur le bulletin d’information de CNN je feignais de le remarquer et sans plus attendre commanda une bière blonde et une assiette de steak-frites. L’un des clients demanda à changer de chaines et le barman passa sur un programme local. La journaliste parla des cadavres retrouvés dans le con et affirma que le FBI lançait un appel à témoin concernant l’une des victimes. Tous les autres clients suspendaient leur repas pour écouter ces renseignements de dernière minute. «Et que fait Donovan ? C’est lui qui est chargé de l’affaire non ? » Entendis-je derrière moi, et un autre répliqua : « il est peut-être trop occupé à choisir la couleur de son nouveau bureau ! » On l’attendait au tournant parce qu’il osait se prendre pour un super héro digne des comics de Marvel et comme d’autres réclamaient le silence, mon regard se posa sur Cole. Il me plaisait beaucoup et je ne saurais dire quoi lui en me faisait autant d’effet. Son côté : Je toise tout le monde de ma superbe et j’emmerde tous ceux qui conteste ma supériorité ! Cela me collait des frissons tout comme ses muscles que je devinais sous sa chemise à carreaux bleu claire et grise. Plus jeune il aurait pu être enfant de

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chœur avec son visage d’ange et ses boucles auburn. Maman l’aurait mis à la chorale de bonne heure pour s’assurer qu’il resterait dans le droit chemin et papa l’aurait initié aux armes à feu pour s’assurer que son fils ne serait pas une tafiole. Ses cibles : les nègres, les latinos et tous ceux qui ne défendaient pas les couleurs de leur Amérique blanche et protestante. Mes yeux se posèrent dans son entrejambe pour mieux l’imaginer devant moi. Il semblait être bien monté et j’eus envie de tirer mon coup pour ne pas avoir à le regretter. « Alors comme ça tu vas démissionner ? Questionna-t-il en croquant dans l’extrémité d’une frite. Ce n’est pas un peu prématuré en sachant que ton ami de toujours, ce Donovan n’en a pas fini avec toi. Démissionne maintenant et tous les fédéraux se feront une joie de finir fouiller ton cul à la lampe torche. —Merci de t’en inquiéter ! J’ignorai que Tyler et toi trouviez récréatif de parler de moi en plein travail ! je vais peut-^être finir par finalement te trouver sympathique car plein d’empathie pour ton prochain. —Ah, ah ! Non juste toi ! Disons que je me fous un peu des autres comme tu auras pu le remarquer. Seulement toi tu as eu la chance de t’être retrouvée au bon moment et à la bonne heure. J’agis presque toujours par profit qui plus est quand mes intérêts sont menacés. » J’inspirai profondément en détournant la tête. Les potes du vieux Jo se trouvaient être là à tailler le bout de gras tout comme ceux de Tyler ; on ne pouvait faire un pas ici sans que tout le monde ne soit pas au courant de ce que vous avez commandé

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pour votre déjeuner. Ces hommes lorgnaient dans ma direction trouvant surprenant ma présence près de celle de Gorman déjà tant haï par les habitants de Campford. Ces traites diront au FBI : Oui elle déjeunait avec cet enfoiré de fils-depute de Gorman et cela ne semblait pas la navrer ! Je poursuivis mon repas en me disant que Cole avait raison sur ce pont : partir maintenant et le FBI déploierait toutes ses équipes pour m’épingler en beauté. La porte s’ouvrit et apparut Tyler. Je l’interrogeai du regard et lui alla se placer en face de moi pour commander à Emile une bière. Il ne manquait plus que cela pour définitivement gâcher mon repas. Pourquoi se trouvait-il ici à me fixer de la sorte, la bouche en cul de poule sur le goulot de sa bière ? « On dirait que Tyler ne peut plus se passer de toi. —C’est un endroit public, qui plus et notre gargote bien à nous. Il faut savoir qu’à Campford on a nos petites habitudes, c’est la raison pour laquelle tu as décidé de me rencarder ici, non ? —Rencarder ? j’ai bien entendu rencarder ? Ai-je l’air de vouloir te sauter ? Ma vie sentimentale est assez compliquée pour que je veuille m’enfiler une espèce d’indienne à plumes assez barrée pour qu’on s’intéresse un chouïa à sa personne ! Non, merci et puis sans mentir tu n’es pas mon genre. —J’aime vraiment ta façon de penser. —Ah ouais ? » Il déglutit sa bière tout en me soutenant du regard presque dans le désir de me ficher une rouste pour la forme. Mon air supérieur aurait pu le ravir mais un homme de sa trempe ne supportait

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pas qu’on puisse lui tenir tête. Emile glissa vers moi pour me remettre le journal du jour et après l’avoir remercié, jetai une rapide attention aux gros titres. On ne parlait ici que des trois cadavres repêchés dans le coin et à rien d’autre. Je l’aurai refermé mais ne souhaitant pas causer à Cole je me mis à le lire entièrement de la Une à la page des résultats sportifs. Cole commençait à s’impatienter. « J’eusse espérer que tu te sois montrée plus acharnée. —A quel sujet ? Questionnai-je sans lever le nez du journal. Toi et moi on est juste là pour déjeuner. Le reste, on s’en moque, non ? —Tu n’as pas toute mon attention, murmura-t-il à mon oreille. C’est pour moi ma meilleure chance de t’approcher et de te toucher dans tes émotions mais tu sembles rester impénétrable. Pourtant j’avais pensé que tu aurais des tas de choses à me dire. Est-ce que Beck est un bon coup ? Ah, ça y est, j’ai ton attention ! Juste cinq minutes d’accord ? A part Donovan qui te tourne autour ? —Pourquoi veux-tu savoir ? Cela changerait-il quoique se soit dans ta vie ? —Il y a Tyler ? Demanda Cole à voix basse. Il en pince pour toi non ? Il s’inquiète un peu trop pour toi tu sais. Il ne serait pas là à t’observer si ce n’était pas le cas et puis j’ai cru que ton comportement de toute à l’heure lui a laissé un goût de : joli petit cul à fesser ! Il fantasme sur toi. Si tu venais à me gifler il s’empresserait de venir me coller un pain. —Bon ! As-tu fini ? —Non, il me reste encore trois frites et un morceau de steak mais si tu as autre chose à faire, je ne te retiens pas. je t’offre

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le repas comme convenu. Au revoir Hailee et….pas de quoi ! » En rentrant chez moi, Twain ne fit la fête et après l’avoir longuement caressée j’allais rentrée quand Twain se mit à aboyer furieusement, le poil hérissé. Le temps pour moi d’attraper une arme à feu et suivre Twain à travers les bois. Mon chien partit au loin presque en courant. Soudain un violent coup porté à la tête me fit tomber. Mais qu’est-ce que…. ? Un type portant un bas sur la tête m’assena un autre coup au visage avant de me trainer par les pieds. La tête contre le sol je tentais de recouvrer la raison. Ce que je vis me paralysa d’effroi, le type gratta une allumette en direction de ma cabane qui aussitôt s’embrasa tel un fétu de paille. Oh mon dieu ! Lui me saisit avec brutalité par les cheveux ; « Le fric demain ou c’est toi qui y passe ! » Il me fut impossible de répondre et plus tard Twain me lécha le visage pour mieux essuyer mes larmes.

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CHAPITRE 3 Donovan arriva après les sapeurs qui depuis deux heures tentaient de maitriser le feu. Lui et Elly Brooks prirent le relais de la police locale chargée de connaître la nature de cet incendie. Donovan interrogea ses subordonnés avant d’arriver vers moi afin de suivre la procédure selon Brooks. Allait-il seulement faire preuve d’empathie ? La procédure, mon cul, oui ! Il s’accroupit devant moi tel un père tentant de rassurer un gosse ayant fait un plongeon de plusieurs mètres du haut d’une falaise jugée dangereuse par ce dernier ; peut-être allait-il me passer un savon ? Il fronçait les sourcils, une expression bien condescendante pour ensuite briller de mille feux devant le cordon de journalistes postés derrière la zone à sécuriser. « Quelqu’un peu-til t’héberger ce soir ? — Tu ne me demande même pas ce qu’il s’est passé ? Tu pourrais au moins faire semblant de t’intéresser à ce qui s’est passé ici ! Je ne sais pas, tu débarque ici et tu… pas un mot pour savoir ce qu’il s’est passé ! —Ecoute Hailee, tu es en état de choc. On parlera de tout cela plus tard. Tout ce qui m’importe c’est que tu n’aies rien. Et le danger semble être écarté. —Ah, ah ! C’est absurde…. Qu’est-ce que tu en sais ? —Brooks ! Essayes de voir avec les services sociaux pour qu’elle puisse passer la nuit le plus confortablement possible. Ensuite, je veux ton rapport Brooks ! Tu es dans de bonnes mains Hailee ! » Je cauchemardais….tout cela ne pouvait être réel et Brooks qui me parlait de je ne

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sais quoi derrière le volant de sa voiture. Près d’elle un flic heureux de se taper quelques miles avec son supérieur… Ils parlèrent des derniers résultats de baseball. Lui supportait telle équipe et Brooks telle autre, alors chacun défendait le jeu de leur favori. Oui, tout cela était bien absurde. Pour l’heure, les services sociaux furent difficiles à contacter. Le policier, un certain hans Kruger fut bien aimable avec moi et me demanda si je souhaitais porter plainte contre mon logeur actuel pour non mise aux normes de mes équipements électriques. Quelle assurance me couvrirait dans ce sinistre affaire ? Aucune, pour la simple bonne raison que je n’étais couverte par personne. Il aurait été préférable que je me casse un membre au moins ma couverture médicale financer par Tyler m’aurait indemnisée pour la forme. Hans Kruger revint vers moi. « Vraiment, il n’y a personne que vous puissiez contacter ? Non, parce que j’essaye de joindre les services sociaux et ils me disent qu’ils ne peuvent rien faire pour le moment. Alors je m’étais dit qu’un de vos potes et collègues pourraient peutêtre vous héberger ! Hailee ? Vous m’écoutez ? Quelqu’un pourrait vous héberger pour ce soir ? —Mon chien est introuvable. Vos collègues me disent qu’ils vont faire le nécessaire mais je connais Twain, il ne se laissera pas facilement attraper et le vieux Jo pourrait peut-être être contacté. —ben cela va être assez compliqué. Il est déjà suspecté dans l’affaire qui concerne le triple homicide, alors…. —Vous vous fichez de moi, là ? Le vieux Jo suspecté ? Vous pensez vraiment qu’il a pu avoir fumé ces trois types ?

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—Et bien, on est sûr de rien mais comme la vieille Ford était entre sa propriété et la vôtre…. En fait, c’est assez compliqué à élucider mais Donovan y travaille. On peut lui faire confiance, c’est un fin limier. Quant à cet incendie, fort possible que cela soit accidentel. Ces vieilles installations électriques sui pètent, c’est légion au bayou Fourche. On devrait mettre à l’amende les propriétaires un peu trop négligeant, vous ne croyez-pas ? » J’eus envie de me confier à lui. Il y avait un type. Impossible à identifier mais qui m’a menacé. Alors ensuite je peux vous assurer qu’ils seraient tous venus me trouver pour en savoir plus. Les plus vieux auraient fait le rapprochement entre la voiture volée, les macchabées et cet incendie criminel ; autant me taire et garder cette information pour moi. Kruger me laissa seule dans la salle au milieu des derniers employés de l’établissement de justice. En somme je faisais partie des meubles et un de plus ou un de moins, personne n’y faisait attention. Un officier de police prit un appel avant de tendre le combiné vers Brroks. « C’est pour toi ! Un type qui doit avoir vu quelque chose de suspect du côté de Fermont ! » Notre inspecteur à la queue de cheval lâcha son ordinateur pour prendre la communication. Je voulais une clope. Bien que je ne fume pas par mesure d’hygiène j’avais sérieusement envie de me changer les idées en absorbant une bonne dose de nicotine. Bon et ensuite, que se passerait-il pour moi ? Les services sociaux étaient soi-disant débordés et quelque part dans la boite à gant de ma voiture, les clefs de l’appartement de Tyler.

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« S’il vous plait ! j’ai peut-être un appel à passer ! » Et la main crispée sur le combiné j’appelai Tyler. C’est Joan qui décrocha. Surprise de mon appel elle pouvait l’être et quand Tyler prit le téléphone, il parut en proie à une vive panique. « Où est-ce que tu es ? —Au Département de Justice. Je n’ai plus de toit pour ce soir, alors accepteraistu de venir me chercher ? » Dix minutes plus tard montre en main, il vint pour signer une pseudo-décharge. Et dans sa voiture, il n’y alla pas par le cos de la cuillère. « Il s’est passé quoi là-bas Hailee ? Joan est dans tous ses états en sachant ce qu’il vient de se passer. Elle insiste pour que tu ‘installe chez nous, le temps pour toi de reprendre tes esprits. Tu n’as rien trouvé pour te faire remarquer alors ? —Je me suis faite agressée…un type est venu pour incendier ma maison et….je suis restée un moment assommée par terre à ne plus pouvoir réagir. Je ne l’ai pas dit à la police, parce que je….je n’ai sus plus à quel Saint me vouer. Cette situation m’échappe complètement et il est possible que Donovan découvre la vérité. Cela sent la prison pour moi pour avoir fait obstruction à l’enquête en cours. —Ok. On va trouver une solution à ton problème, argua ce dernier en se caressant le menton de façon très ennuyé. On va trouver une solution d’accord. Mais il fat que tu me raconte tout depuis le début. » Et je lui racontais tout sans rien omettre à mon récit rocambolesque ; Tyler ne parut pas surpris et quand j’eus terminé sa main se posa sur mon épaule afin de me réconforter. « Viens par là. » Il me serra tout contre lui et baissa mon front.

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« Il faut que tu ailles tout raconter à Donovan. C’est lui que tu dois convaincre de ton innocence. L’argent est en sûreté quelque part et une fois que la somme leur sera restituée alors cette ardoise sera épongée mais si tu t’obstines à lui faire barrage alors il sera contraint de te mettre au trou. Profite encore de ta présomption d’innocence et…. —pourquoi étais-tu au Willow ce midi ? » Son regard plongea dans le mien et il démarra sans vouloir répondre. Pourtant arrivé devant sa baraque, il me répondit. « je crois que tu connais la réponse. » Joan en me voyant arriver me serra chaleureusement dans ses bras. Elle venait de faire la vaisselle si on n’en juge par l’odeur du citron se dégageant de ses mains et gentiment m’installa sur leur sofa. Joan m’avait toujours apprécié contrairement à la petite amie de mon ex. cette Afro-américaine aux traits fins et élancée serra mes mains dans les siennes ne sachant comment entamer la conversation. « Tyler a du te dire mais tu es la bienvenue ici. C’est tellement affreux ce qu’il t’arrive….maintenant si tu as besoin de quoique se soit d’autre, tu peux compter sur moi. Un coup de puce pour tes finances et….ceux de la communauté t’aideront à leurs manières. Tu ne seras pas seule dans cette épreuve, tu peux en être certaine. On va bien s’occuper de toi hailee, sois sans crainte ! » La communauté. Et de quelle communauté parlait-elle ? de vieilles réac’ incapables de discernement et de vieux râleurs qui continuaient de voir d’un mauvais œil cette recrudescence de gens

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de couleur dans leur administration. Comment pouvais-je accepter que ces hypocrites me viennent en aide ? Il m’arrive de temps à autre de me rendre dans une église baptiste composée exclusivement d’Afro-américains représentant à eux seuls 34% de la population de cette ville et quand j’y allais tous me donnèrent l’impression d’être membre de ma famille ; quelque part cela me dérangeait des gens que je ne connaissaient pas s’empressaient de venir me saluer. Joan me déposa non loin du centre-ville, le temps pour moi de déposer au courrier une lettre à mon propriétaire quand je vis la fille de Beck, la bretelle de son sac de cours coincé sur son bras. Timidement elle me sourit, haussant à peine lever le bras. « Salut Debbie ! —Salut ! Euh….je ne commence pas les cours avant deux heures alors si tu veux je peux t’offrir un café ? » Dieu qu’elle était touchante cette Deborah ! Comment pouvais-je refuser ce si charmant appel ? L’adolescente aux cheveux auburn m’accompagna jusqu’au Dominos, une sorte de snack pour les adolescents cherchant un QG pour leur école buissonnière. « Alors, comment vas-tu ? —C’est à moi de te demander comment tu vas ? Papa vient d’apprendre ce matin ce qu’’il s’est passé pour toi. Alors, est-ce que tu survis ? » Comment beck l’avait appris ? Il a du se dire en l’apprenant : Ce qui devait arriver est arrivé ! Elle tenait tant à jouer aux écolos….j’entendis déjà sa petite amie du moment ricaner sous cape. Le malheur des uns font le bonheur des autres selon un

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vieil adage et ma Debbie dans le dos de sa future belle-doche jouait les messagères comme les adolescents savent si bien corrompre les humeurs de leur beauxparents. « Comme tu peux t’en douter, papa est dans tous ses états. Il a dit qu’il passerait peut-être ce soir chez Tyler pour venir te saluer. Avril a pété un câble. Il y a un truc qui ne tourne pas rond avec elle. Il lui arrive d’être méprisant. Bref ! Alors pour éviter que cela se s’envenime j’ai pensé venir te saluer vite fait…. —Mais tu as eu raison. Rassure ton père d’accord. C’est un chouette type….et comment ça se passe au lycée ? Tu as toujours ton petit copain ? Henry c’est ça ? Non, me dis pas que c’est terminé entre vous, vous étiez si mignons ensemble ! —Et bien ce n’était pas l’avis de papa ! Coupa-t-elle franchement. Il veut que je bosse dur pour que je puisse avoir le choix pour les universités et je pense que je vais m’orienter vers l’environnement comme toi. Avril dit que ce n’est pas folichon mais je me moque bien de son avis. Tout ce que je veux c’est m’éclater dans ce que je fais ! Tu es d’accord avec moi pour dire que c’est l’essentiel, non ? —Deborah, je…. Ton père et moi nous n’étions pas toujours d’accord sur des tas de sujets dont l’enseignement secondaire alors ne me demande pas de conseils fiables là-dessus ! —Papa n’est pas heureux ! lança-t-elle promptement remuant nerveusement sa cuillère dans son chocolat chaud. Au moins avec toi il s’éclatait ! Avril est trop chiante et peuvent ils se sont disputés l’autre soir, j’ai vraiment cru qu’il allait lui demander de se casser.

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—Ce sont des choses qui arrivent. —Depuis ce n’est plus rose. Déjà que cela ne l’était guère avant, alors tu peux imaginer l’ambiance actuelle à la maison….Elle parlait de son cabinet juridique et d’un certain type qui venait d’aménager. Comme papa s’occupe de certaines transactions immobilières avec ceux du privé dont une compagnie de déforestation, un truc dans le genre. J’ai compris qu’Avril n’aurait pas le dernier mot. Elle, parlait du rachat de Barrow land par un entrepreneur qui payait rubis sur ongle et…. —Attends ! Attends, un peu. Tu veux me dire que Paine savait que la propriété de mon bailleur allait être en vente ? —Oui, en tous les cas ils parlaient de cela tous les deux. Franchement je n’aurais pas donné suite à leur discussion jusqu’à ce matin. Tyler appelle ce matin pour dire que ta cabane avait pris feu. Papa était fou de rage et il a dit qu’il ne laisserait pas faire ça. Oui, j’ai pensé que cela t’intéresserait de savoir. » Debbie croisa les bras sur la poitrine, les sourcils froncés attendant ma réaction qui ne vint pas. Elle fouilla dans son sac pour en sortir une chemise cartonnée à rabats et élastiques. Elle l’ouvrit devant moi pour en extraire des pages. « Paige laisse trainer des feuilles sur son bureau. J’ai pensé que tu voulais voir ce dont il est question. Tu peux garder tout ça, ce sont des photocopies. Maintenant il faut que j’y aille. Surtout ne dis pas à papa que c’est moi qui t’ais donné ça, il risquerait de ne plus vouloir me financer mes études. Au revoir Hailee et….franchement tu me manques ! »

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Alors Scott avait raison depuis le début : Cole soudoyait l’administration pour récupérer des terrains et Tyler de son côté ferait tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas le laisser faire. Fin de l’histoire. Pas tout à fait à vrai dire, les choses demeuraient plus compliquées qu’elles laissaient le supposer car il y avait maintenant des cadavres au nombre de trois et un incendie, le tout survenant sur un même périmètre. Mon café ne passa pas et la nausée au bord des lèvres, je fus soulagée de voir la dépanneuse me ramener ma voiture à demi-carbonisée. Tant qu’elle roulait je pouvais me rendre où bon me semble. Les papiers remis par Deborah comportaient diverses colonnes dans lesquelles certains chiffres étaient entourés en feutre. Rien de très compréhensible pour une personne lambda ; il s’agissait de codes comme une sorte de nomenclature. Comment les exploiter si ce n’était qu’en les remontant aux personnes compétentes en ce domaines, soient les fonctionnaires de l’administration. J’entends déjà beck me dire : Mais tu es folle ou quoi ? Comment veux-tu que je sache moi ? Où as-tu trouvé ça ? la vérité risquerait de lui faire mal et une fois de plus Avril paine risquerait de péter de nouveau un câble (pour reprendre l’expression de Debbie) pensant que son petit ami fouillait dans ses affaires quand ses dernières trainaient « délibérément » sur son bureau. Devant le bâtiment de Tyler mes collègues fumaient leur clope et en me voyant arriver tous furent pris de compassion. Et je ne cessais de penser à Twain lâché dans la nature. Frank m’envoya une bourrade amicale à l’épaule.

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« On est désolé pour toi Hailee, Tyler nous a dit pour ta baraque et tu sais que tu peux compter sur nous pour palier à tout ça….tu sais tes besoins matériel et tout le toutim. A-t-on retrouvé ton chien ? —Non, pas de nouvelle de Twain. Ce qui m’inquiète c’est qu’il est un peu trouillard malgré son poids et son imposante taille. Mais j’apprécie que tu poses la question. —C’est normal », répondit-il en souriant laissant dévoiler ses rides d’expressions à la commissure de ses lèvres et autour des yeux. Il m’avait offert des verres à maintes occasions et pour Tyler il s’agissait d’un bon élément : disponible toujours et au courant de tout ici comme ailleurs. »Tu es une chouette fille Hailee, alors ce qui t’arrive contrarie tout le monde. C’est vrai, tu es comme notre petite sœur à tous et on doit empêcher qu’on te fasse du mal. —Oui ce n’était qu’un incident électrique. Des fusibles mal isolés apparemment. —Oui jusqu’à ce que les experts disent qu’il s’agisse dune avarie déclenchée par l’homme. Tu sais il y a beaucoup de types à Campford qui aiment jouer avec le feu. Tu vois ce que je veux dire ? —Pas vraiment non. » Il me suivit dans le local et après m’être installée derrière mon bureau, il prit une chaise à roulettes pour venir en face de moi tandis que les autres finissaient leur clope avant de prendre leur ordre de mission. « Tu ne vois pas de quoi je parle ? L’autre requin-là, ce type à la super permanente. Comment c’est déjà ? Mais si tu vois bien. Il a ait des tas d’histoire au sujet de Baxton. Moi je te dis, un trou duc ça ne devrait pas être ici à vouloir faire la

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loi. Il cherche des ennuis à tout le monde. On ne l’aime pas beaucoup ici. » Cherchait-il à me dissuader de l’approcher ? Son regard gris acier me fixaient avec intensité et il caressa lascivement son bouc perdu dans ses pensées. Il pouvait penser ce qu’il voulait de Cole, il y avait toujours un méchant et un gentil mais Cole n’était peut-^être pas le méchant ; sinon quel risque prendrait-il à s’exposer de la sorte en sachant que tout le monde le voyait comme un dangereux sociopathe ? « Tu sais quoi Hailee, si Tyler ne veut plus de toi chez lui et bien tu pourras venir chez moi. Tu as besoin de protection et je suis l’homme de la situation. J’ignore qui aurait l’audace de venir te chercher des poux dans la tête si tu décidais de venir t’installer chez moi ? j’ai de nombreuses relations dans ce comté. Des anciens extaulards et il faut que tu le sache, on ne ‘en prend pas à la famille. » Sans desserrer les lèvres je le fixais, me demandant ce qui clochait chez lui. Oui il avait fait de la taule comme un bon nombre de mes collègues. Il avait pris trois ans pour avoir vendu des armes et agressé des représentants de la loi. Une petite frappe qui menait ses petites actions. Toujours illégales et apparemment se moquait de replonger tant qu’il s’en mettait dans les poches à la barde du fisc. « Retrouves mon chien, après on verra. » Comme les autres arrivaient il se leva, fit un clin d’œil pour prendre la clef de la camionnette up de Tyler garé dans le parking de la cour arrière. Et une fois que les gars partirent après avoir signé la consigne des clefs, je prévins Tyler que

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j’absentais. Derrière son écran d’ordinateur il se leva d’un bond. « Non, je ne peux pas te laisser partir sur tes horaires de travail. Tu vas avoir besoin de fric, alors il va te falloir faire des heures supplémentaires. Tu as un nouvel emploi du temps, déclara-t-il en se levant pour me le présenter. Tu n’as plus le choix d’accord et c’est une fleur que je te fais. —Mais je ne t’ai rien demandé. Tyler je travaille au City Hall avec ces vieilles peaux du service des archives municipales. C’est un boulot déjà assez chiant dont j’aimerai me passer parce qu’il ne m’apporte rien mais ce sont les relations de Beck alors j’accepte le deal parce que j’ai couché avec lui mais il ne pourrait en être de même avec toi Tyler. Je te dis que je dors, alors je sors. Désolé pour ce désagrément. —Non, tu restes ! Lola ne vient pas avant onze heures à cause de son gosse et je ne peux compter que sur toi. Ecoutes tu n’as plus aucun jour à récupérer et je ne peux pas te donner des congés anticipés pour des raisons qui ne sont pas valables. —Pas valables ? Dois-je te rappeler que ma maison a pris feu hier et que le type qui m’a agressé….mon chien est dans la nature. Je n’ai plus que lui, alors il est de mon devoir de le retrouver. La police serait capable de me coller une amande pour abandonnant d’animaux sur voie publique ; je ne suis plus à l’abri d’une mauvaise surprise À plus tard Tyler. » Ma voiture fut garée non loin de la berge. Les bras croisés sur la poitrine je fixai les restes de mon logement dévoré par les flammes. Il me tardait de lire le rapport des experts. Les larmes aux yeux je refusais de partir ; j’en avais pas la

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force. Le peu de souvenirs que j’avais pu sauver avait été réduit en cendres. Oui, le peu de souvenir… Mon père me disait de ne jamais m’attacher aux choses matérielles, alors je m’étais efforcée de ne rien conserver de mon passage dans cette vie. Je battais la campagne depuis plus d’une heure à la recherche de Twain. Le vieux Jo n’était pas chez lui à sa place son fils Felix. « Mon père n’est pas là, tu devrais le savoir pourtant avec tout le raffut qui s’est passé hier. Les fédes sont passés ce matin avec un mandat d’arrêt pour mon père. Mandat signé par le procureur de la république, une dénommée rachel nielson. —Je l’ignorais. —Ouais apparemment tu ignores plein de trucs ! Scott est venu me voir peu avant. Il a dit qu’il se cassait avant que cela ne commence à chauffer dans le coin. Il a parlé d’un truc comme : j’ai mieux fait de me tirer avant que Haillee se mette à piger la moitié de ce qui se passe ici. Possible qu’il se fasse du souci pour toi mais possible qu’il ne s’en fasse pas non plus. Tout le monde connait Scott, il est haut perché. Pas étonnant qu’il se mette à délirer tout seul dans son coin. Frank lui refile de la merde et cela lui a détruit un grand nombre de neurones. —Crois-tu vraiment qu’il se soit tiré ? —Tu n’écoute pas ce que je dis, hein ! Il s’est carapaté et il a eu raison. Le FBI fait le ménage dans le soin et tu vas voir que les derniers font se barrer parce qu’on parle déjà de cet endroit comme d’une terre maudite. Ils en disent quoi aux archives ? »

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Scott partit et j’allais me trouver être face à des ennuis sans précédents. Non, je ne préférais pas envisager cette hypothèse. Felix gratta sa barbe drue avant de renifler bruyamment. « Et tu lui voulais quoi à mon père ? —Twain s’est égaré, j’ai pensé qu’il aurait pu échouer ici. il connait cet endroit on venait souvent se balader par ici. —Non pas vu. Il aurait pu avaler une connerie tu sais. Les locaux empoissent des appâts pour capturer les rongeurs et autres nuisibles qui saccagent leur terrain. Les chiens ne sont pas à l’abri des pièges. —Je sais. J’avais pris l’habitude de le mettre dans son enclos en journée. Oui je crains vraiment qu’il lui soit arrivé quelque chose. Si tu venais à le retrouver, contacte-moi chez Tyler. Je dois te laisser. » De nouveau dans ma voiture je roulais sur Hilton road quand je vis la voiture de Donovan garé sur mon itinéraire. Adossé contre son véhicule il se redressa en me voyant arriver puis me fit signe de m’arrêter sur le bas-côté. « Salut Hailee ! Tyler m’a fait savoir que tu serais dans le coin alors j’ai pensé que nous pourrions avoir une discussion toi et moi. » Il entra dans mon épave sans que je l’eusse invité. Des plus nerveuses, je tentais de garder un semblant de lucidité. De quoi voulait-il parler ? Ecoute sale garce, je sais tout à présent. Scott et Tyler ont causé, alors tu dois passer aux aveux pour alléger ta peine pénitentiaire. La sueur semblait couler de mon dos et oui, j’eus la nette impression de transpirer à grosses gouttes par tous les pores. Lui

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plaça le bras le long des dossiers et sa main me caressa l’arrière du crâne. « Est-ce que ça va pour toi ? Tu dois accuser le coup n’est-ce pas ? On peut dire que tu as morflé hier. J’ai eu le rapport du laboratoire. Liquide incendiaire et forte charge de substances chimiques que l’on ne trouve que dans certaines agglomérations destinées à éradiquer toute forme de colonisation végétale. Tu dois savoir ce dont je parle non ? Tu t’y connais un peu en engrais n’est-ce pas ? —Non, je n’ai jamais eu recours à de tels procédés. —Alors dis-moi qui ? Tu dois bien savoir qui utilise ces produits dans la région si je m’en réfère à tes actions punitives de l’année passée. —Oui il y a une société ou deux….basées à douze kilomètres d’ici. La FGT et la HM firm. L’une et l’autre reçoivent des subventions de l’Etat mais elles ont du revoir leurs engagements du fait des polluants toxiques qu’elles utilisent. —Alors pourquoi il y en avait-il chez toi ? » Je ne sus que répondre. Quelqu’un quelque part cherchait à me nuire en entachant mon honneur et ma réputation de militante écologique. Comme je fixais mon tableau de bord, Donovan se rapprocha de moi et sa main cette fois-ci caressa mon épaule gauche. Puis je me souviens de Beck et ce qu’il avait dit au sujet de Donovan. Il me fallait le mettre dans mon pieu. Une façon pour moi de m’attirer sa sympathie. « Tu crois que j’aurais pu monter tout cela ?

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—Non, je crois seulement que tu es en danger de mort. Le type qui est venu foutre le feu chez toi hier avait les idées très claires. » Comment savait-il pour le type ? Tyler avait-il une fois de plus joué en ma défaveur ? Mon cœur battait fort et je dus prendre sur moi pour ne pas passer aux aveux. Il allait me dire droits et m’arrêterait là sur cette route de campagne, sortant au dernier moment un mandat signé de Nielson. « Tu ne me fais donc pas confiance Hailee ? Je pensais que tu me verrais comme un ami. Je me suis toujours dit que tu finirais par parler mais puisque tu n’as pas l’intention de le faire, je dois essayer de lire dans tes pensées. En ce moment tu dois paniquer à l’idée que je puisse t’arrêter maintenant comme on du le faire pour le vieux Jo Whitley. C’est bien à ça que tu pensais à l’instant ? —Je me pose un tas de questions en ce moment. —Je ne compte pas finir en beauté, auréolé de succès. Travailler pour le Bureau d’Investigation s’est élargir mes horizons et quand je te vois te débattre toute seule dans toute cette merde dont tu n’es pas responsable alors ça me donne envie de taper du poing et d’aller secouer le derrière à ces mégalos de fonctionnaires confortablement assis dans leur bureau qui distribuent des subventions à des sociétés comme la FGT. Je veux seulement que tu te convie à moi comme de vieux potes. Penses-tu y arriver ? —Tu penses vraiment faire de moi ton indic ? —Oui parce que tu es grillée. Tu es horscircuit et tu dois savoir ce que je fais

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quand je veux obtenir la vérité. Je vais chez le procureur avant une demande de mandat et ensuite les confidences viennent naturellement d’elles-mêmes. —Je n’ai probablement rien à te raconter. —Hum….tu pourrais commencer par me parler de ton nouvel ami : Cole Gorman. —Alors je ne suis pas la seule à avoir menti. —Comment ça ? —C’est vous le flic pas moi, répondis-je froidement en lorgnant de son côté mais du coin de l’œil cependant, comme craignant qu’il se mette à lire dans mes pensées. Il dégagea sa main de mon dossier pour mieux m’étudier. Jouait-il ainsi au prédateur avec les autres ? Il restait à l’affut, prêt à bondir sur sa proie et il prenait plaisir à le faire. « Tu as envie de coucher avec lui ? —Non, Cole est le client de Tyler et j’ai cru comprendre qu’il était fiancé. Tu crois vraiment que je sois une briseuse de ménage ? Je dis seulement qu’il nous entube tous autant que nous sommes. —Tu vois finalement, tu as des choses à raconter. C’est un début de piste et qui n’est pas négligeable. Tu as du pif pour ce genre de chose, déclara Donovan en appuyant son index sur mon nez, et tu es pragmatique. Si je le fais tomber, tu seras un témoin-clef et tu n’aurais plus aucun souci à te faire pour ton avenir. » Il me baratinait. Il avança sa tête vers la mienne pour me fixer avec intérêt puis sa bouche s’avança dangereusement de la mienne et au dernier moment recula, comprenant qu’il s’égarait. « Ne le lâche pas d’une semelle. Il va se confier à toi et le moment venu on le

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ferrera. C’est toi qu’il veut alors essayes de te montrer moins sauvage. —Avez-vous résolu le triple homicide ? —ne t’occupe pas de cela, contente-toi de fraterniser avec Gorman et on sera quitte. » Il retourna à son véhicule et partit. Je ne devais pas craquer, ce n’était pas le moment pour moi de craquer et les mains crispées sur mon volant je fus prise d’un excès de colère au point de vouloir tout casser à bord de cette épave me servant de véhicule. Bryant était à bricoler dans son jardin et quand il me vit arriver hocha la tête en approchant de son portail, les sourcils froncés. « Fichtre, alors ! Elle a bien cramée ta voiture ! Si j’avais su que tu passerais…. —La ferme Bryant ! » Son Pitbull aboya en me voyant arriver et il cria à son intention. Contrarié l’animal glissa à l’intérieur de sa niche. Sans être invité je pénétrais dans son mobil home en quatrième vitesse et referma la porte derrière lui. « Où est Scott ? —Bonjour Elias, aurais-tu la gentillesse de me dire ou Scott a pu encore se tirer ? Après quoi je te dirais que je répondrais que je ne suis pas sa nounou. Tu sais Hailee, il faut que tu perdes l’habitude de débouler chez moi en pleine journée, ce n’est pas bon pour mes affaires et tu sais que je suis réglo maintenant. —Donovan dit qu’on a brulé ma maison avec un produit chimique probablement le même qu’utilisaient la FGT et la HM alors comme c’est toi l’expert j’ai besoin d’une contre-expertise. » Bryant me dévisagea de la tête aux pieds. Il manqua de peu de faire de la

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prison mais du payer une forte amende sans parler des injonctions du tribunal concernant sa présence auprès de tel et tel autre personne, soit en tout une dizaine de personne dont il ne pouvait plus s’approcher. Or je figurais être dans cette liste. « Cette fois-ci c’est sérieux, j’ai besoin de ton aide. » Il sembla réfléchir et pinça l’arête de son nez. Il savait que s’il m’aidait il encourrait à de lourdes peines. Le FBI l’avait fiché pour actes « terroristes » et au cours de ces deux dernières années, il s’était tenu à carreaux. « Scott est venu me voir hier soir, aux alentours de cinq heures. On a bu une bière et il s’est taillé. Tu sais comment est Scott, on ne peut pas vraiment savoir ce qu’il fait, ni ce qu’il pense. Où est-ce que tu vis maintenant ? —Chez Tyler pour le moment mais Frank m’a proposé de m’herberger. Je réfléchis à cette proposition mais il est certain que j’aurais préféré être ici. —Ouais c’est sûr….Tu vas t’en sortir Hailee, ce n’est qu’une énième épreuve à surmonter. Je ne me faits pas de soucis pour toi. Tu veux boire quelque chose ? Il me reste du lait de soja et quelques gâteaux aux fruits confits. Et comment Beck l’a pris, le fait que tu sois chez Tyler ? C’est un peu tendu entre eux en ce moment, poursuivit-il en posant la brick de lait devant moi, ainsi que son plateau de gâteaux secs. J’ai entendu dire que Beck comptait déménager. On pourrait penser que c’est sérieux entre eux deux. —Cela ne me surprendrait pas. il est complaisant et compte vraiment fonder une famille, un modèle d’équilibre pour sa

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fille. De quoi avez-vous parlé Beck et toi ? » Il pianota sur sa table sans me lâcher des yeux ; cette attitude il la prenait quand il ne voulait pas répondre à une question embarrassante. Je l’avais pratiqué assez longtemps pour savoir que ma question l’embarrassée et il regarda ailleurs avant de quitter sa chaise. Il revint avec une page de journal découpé qu’i posa près de mon verre de soja. « Tu arrives à voir ce que c’est ? Cela vient de tomber, c’est officiel. On arrive à se convaincre que c’est terminé et l’infection revient telle une gangrène. J’aurais espéré bien pus de ce procès et je ne parle pas seulement d’une compensation financière. Il a fallu que je paie mes avocats pour plaider notre cause et on en est là : au point de départ. » Il parlait évidemment de notre combat contre l’Etat de l’Arkansas ; de longues années de procédures pour faire cesser certains impôts sur des taxes qui ne concernaient malheureusement qu’une infime partie de la population dont les plus démunis. Soit disant l’argent devait leur être redistribué mais le gouvernement soutenait ce genre de pratique fédérale. Elias avait toutes les raisons d’être en colère et je le rejoignais là-dessus. Cependant pieds et poings liés, Elias ne pouvait rien entreprendre au risque de se retrouver au mitard. « Et Scott et toi avez parlé de ça hier ? —Indirectement oui. Il pense que quelqu’un doit faire quelque chose. Hailee, je sais ce que tu penses de tout ça mais tu ne peux pas d’un côté lutter contre la tyrannie de nos dirigeants et fermer les yeux sur leurs transactions, parce que tu

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saurais que tu as tort ! C’est plus qu’un mouvement syndical c’est une action collective pour tous les contribuables qui usent le fond de culotte à trimer toute leur vie pour une retraite de misère causé par ces impôts et, laisses-moi finir ! Il y a Beck et Tyler qui seraient prêts à te filer un coup de main mais toi tu….papillonnes avec tes petites actions écologiques quand tu pourrais défendre la cause d’un plus grand nombre ! —Je ne suis pas venue pour parler de ça Elias ! Je me suis rendue chez le vieux Jo quand son fils m’a dit qu’il avait été contraint de quitter son domicile suite à un mandat signée par Nielsen. Et tu veux savoir pourquoi ? Une société avec un important chiffre d’affaires cherche à racheter des terrains dont ceux de Johnson et par la même occasion nous fiché dehors, soit disant parce que ces zones seraient inondables et non constructibles. Le pire c’est qu’on n’aura aucun recours pour tenter de récupérer ce qui légalement n’est pas de notre jouissance. —Non je crois que tu extrapole un peu et si cela se produisait tu quitterais enfin ce Bayou et ses moustiques. C’est un mal pour un bien. Ceux qui choisissent de vivre à Barrow Land sont un peu dérangés, sauf ton respect Hailee mais avoue qu’il faille être tordu pour accepter de vivre dans ces marais ! » Au Willow je commandais une purée de carotte, avec des pommes frites faites maison et un verre d’eau pétillante et devant le poste de télévision je déjeunais concentrée sur le bulletin d’informations locales. La journaliste une blonde peroxydée parlait de l’enquête qui piétinait et les conclusions peu reluisantes de la

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Police ; à un aucun moment elle ne parla du FBI dont on reconnaissait pourtant les agents spéciaux avec leur imperméable bleu et les grosses lettres jaunes de leur cigle imprimées dans leur dos. Toujours les mêmes images que l’on diffusait sous un angle différent. Allait-on parler de l’incendie de mon logis ? Non, pas à un seul moment et pourtant j’ai attendu qu’on en parle. Et voilà que Cole arriva. Il allait s’assoir près de moi quand Frank arriva pour lui barrer la route. « Désolé mais la place est déjà prise ! Ici ce sont les habitués. J’espère que tu comprends Cole. —Et bien peut-être qu’on pourrait se pousser et faire comme si j’étais un habitué des lieux, renchérit ce dernier en attrapant une chaise haute. —Je ne crois pas non. » Les deux se toisèrent comme des molosses prêts à s’entretuer pour avoir les faveurs de la petite femelle. Déjà les potes de Frank arrivèrent par derrière pour l’encourager à partir. Indifférent à leur menace, Cole commanda le plat du jour. « Je crois que tu n’as pas bien compris, vieux. —Oh si, j’ai bien compris ! Toi et tes petits potes n’allez pas gâcher mon repas. On en est pas là les gars alors je suggère que vous partiez d’où vous êtes venus et tout rentrera bien vite dans l’ordre. Qui plus est il serait mal vu que tu m’houspille, Jack. Oui cela pourrait faire mauvais effet sur son fichier d’ancien détenu de…. Où était-ce déjà ? —Tu ne paies rien pour attendre. J’a un œil sur toi. Hailee, on se voit plus tard et fais-nous savoir s’il te cause des ennuis. »

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*** disais il y a des années de cela, nos vedettes locales du Klan ont exécutés des nègres accusés d’avoir sympathisés avec des poulettes blanches de Pickeford. A l’époque contrairement à aujourd’hui on ne plaisantait pas avec les questions raciales. —D’accord ! Peut-on revenir à l’essentiel ? Je veux dire : qu’est-ce qui vous amène ici ? » Il renifla profondément en se caressant le menton. Il finissait par me mettre mal à l’aise. Des barjots on n’en voyait pas si souvent ici. Bien évidemment, nous avions nos idiots du village, nos têtes brûlés et nos jeunes en quête de grands frissons, mais aucun ne ressemblait à ce type au regard de crotale. « Cela à un rapport avec moi ? —Quoi donc ? —Le fait que je sois étranger. On veut rester entre minorités ici ! On n’accepte pas le sang neuf apparemment. J’arrive ici et…on me fait comprendre que je ne suis pas assez métissé, pas assez enveloppé et que mon nom n’a aucune consonances hébraïque. C’est ça le problème, non ? » Betsy posa son mug sur son bureau et partit en trainant des pieds et elle mit tellement de temps à le faire qu’on aurait pu penser qu’elle n’y parviendrait pas. Seule avec cet enfoiré je décidais de faire bonne figure en tentant un sourire de circonstance, mais cela ne prit pas. Il venait pour l’argent, c’est sûr, il en était le propriétaire non-officiel. « Je vais faire raser cette damnée bicoque et je vais vendre. Je vais vendre

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parce que l’idée qu’on puisse m’associer à ce programme de civil right me dépasse… » Il partit sans rien ajourer d’autre. Qu’est-ce que les Droits civils venaient faire là ? Son passage me trotta dans la tête pendant le reste de la journée. Le train passa et derrière la barrière je pianotais sur mon volant. Quand une voiture arriva, me fit une queue de poisson et s’engouffra sous la barrière à peine levée ; je reconnus là l’autre fou furieux de ce matin. Shit ! Il me suivait pour me coller des sueurs froides. De retour au city Hall, Nelly se limait les ongles et en me voyant ricana. « Tu sais ce que font un africain, un arabe et un chinois dans un Boeing ? » Cette blague me fut racontée par Aaron, l’adjoint du sheriff. Elle gloussait en agitant ses lourdes épaules. « Quoi ? Tu la connais déjà ? Pourquoi cette tête d’enterrement alors? —Je n’arrête pas de penser à ce type. Celui qui est passé hier. Tu sais ce type un peu raciste. —Mr Gorman ? Il vient ici tous les jours depuis qu’il s’est installé à la Dormont Hill avec son épouse. Une chance que tu ne travaille qu’à mi-temps, ma petite ! Il a des insinuations foireuses et je mettrais ma main à couper qu’il en est un. Il a un sérieux problème avec les latinos, les noirs et il a voulu parler au maire concernant la mauvaise qualité d’accueil de ce service. Tu entends ça ? Jamais personne ne sait plaint de moi ici ! Et ce n’est pas aujourd’hui que cela commencera ! —Nelly, que s’est-il vraiment passé làbas ? Je veux dire….est-ce possible tout ce

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qu’il a raconté sur le Klan et des AfroAméricains ? — J’ne sais pas. J’étais trop jeune pour m’en souvenir. Tout ce que je sais c’est qu’un des noirs aurait violé une gosse. C’est tout ce que je sais. » Dormont Hill c’est un endroit paradisiaque coincé dans la verdure, un grand domaine construit dans les années 70 et on y accède aussi bien par la voie fluviale. La terre ici était grasse et fertile. Pour un bon million on pouvait acquérir une parcelle et les promoteurs immobiliers arrivaient à séduire de jeunes couples soucieux d’investir dans le foncier. Je garais donc mon pick up sur la route Bradshaw road habitée par quelques familles dont on ignorait l’identité. Les baraques demeuraient toujours vides et personne n’entretenaient vraiment ces grandes demeures dissimulée derrière les grands arbres, saules et arbustes. Après dix minutes de grimpe sur le versant est, j’arrivais enfin devant la propriété des Gorman. Leur nom figurait sur la boite aux lettres et deux voitures stationnaient devant la maison aux grandes fenêtres. J’entendis des hurlements. Des hurlements mélangés à des pleurs, des bruits de meubles que l’on repousse et Gorman criant : « Assez ! Assez ! » Il y eut comme un coup de feu et puis plus rien. Les meubles cessèrent de remuer et le calme revint bel et bien. Des fantômes ? Etait-ce possible ? Je ne fermai pas l’œil de la nuit et en fouillant sous baraque…les trois sacs avaient disparu. « Qu’est-ce qui se passe jeune fille ? On dirait que tu as vu la mort ! Hey, je te parle Hailee ! » Elle n’est vraiment pas dans son assiette en ce moment. Je crois qu’elle se

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drogue, l’entendis-je murmurer à Sally à l’accueil portant des lunettes à grosses montures et un affreux chandail sur les épaules. —Cela ne m’étonne qu’à moitié, enchaîne Sally en mâchouillant énergiquement mon chewimg gum. Je crois qu’elle a des tas d’ennuis, mais elle est trop fière pour nous en parler. » Oui je n’avais pas fermé l’œil de la nuit. Dans les journaux on lisait des tas de trucs sur des types qui se font dessouder pour un oui ou pour un non. Je ne voulais pas que mon nom apparaisse dans la page nécrologique de Pickeford. Putain de chiotte ! Il me fallait appeler. Juste un coup de fil concernant le véhicule. « Adjoint du shérif Monroe j’écoute ! —Euh, oui, c’est…au sujet d’une voiture. Une Ford. Immatriculée 468-021, j’aimerai savoir si quelqu’un…si quelqu’un l’a réclame. —Attendez, laissez-moi vérifier… » Il me mit en stand by. Boum, boum ! Les battements de mon cœur résonnèrent jusque dans mes tempes et je tremblais de tous mes membres. Betsy ne viendra pas savoir avoir d’avoir absorbée ses deux mokas au chocolat recouvert de crème chantilly, ses cinq donuts et ses cookies faits maison. Elle disait avoir des tas de dossiers à traiter avec Sally et parfois elle n’apparaissait pas avant midi, traînant lamentablement ses kilos jusqu’à mon guichet pour déclarer en sifflant : « Où en es-tu petite avec tes dossiers ? » Je me demandais toujours de quels dossiers elle pouvait bien parler. Son rire gras monta jusqu’à l’étage et j’entraperçus Dixie, du moins son pantalon

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poussiéreux dans l’encorbellement de la porte. « Allô ? Vous êtes toujours là ? Nous avons effectivement une plainte concernant un vol. Où pouvons-nous vous trouver ? Vous avez une adresse ? Allô ? » Je lui ai raccroché au nez. Boum, boum ! Les choses allaient mal. Les trois sacs avaient disparu et…la voiture faisait mention d’un vol. les grelots retentirent à la porte d’entrée et la panique me fit me réfugier dans les WC privés. « Betsy, je…je dois m’absenter une petite heure et je… —Vingt minutes, ça sera pour toi ! —D’accord…vingt minutes. Ma voiture est…je dois l’emmener en garage. Je fais au plus vite ! » Silencieusement elles me regardèrent partir et après avoir déposé ma voiture chez Dennis, je surveillais les horizons. Jamais personne ne passait ici, excepté par nécessité. Une partie du Mississipi oubliée de tous. Les peaux d’alligators séchaient au soleil et au milieu des épaves de voitures, on trouvait de vieux magazines, des canettes de bières et de paquets de cigarettes. Dennis prenait pour 20$ le changement de phares. « Tu as entendu parler de ces noirs que l’on a brûlés à Dormont Hill ? —Vite fait oui, répondit-il en s’essuyant les mains sur son pantalon gras de cambouis. Pourquoi ? —Et que sais-tu des Gorman ? —Connais pas. Je devrais ? —Ils disent que leur maison est hantée et il est possible qu’elle le soit. Elle a été construite sur un lieu d’exécution. Lui est venu aux archives et il a l’intention de tout raser pour ensuite revendre le terrain.

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—Et ensuite ? Cela ne te regarde pas. Je ne vois pas où est le problème ? Il a fait une mauvaise affaire et il va évoquer n’importe quelle raison pour se débarrasser de sa bicoque. Il sait que les gens du bord du Mississipi sont des marginaux, des superstitieux et qu’ils seront prêts à croire n’importe quoi tant qu’on parle de mortsvivant, de maisons hantées et de noirs lynchés dans ce village au milieu de nulle part et…décroches un peu Hailee et comme les autres avant lui, il partira sans Il refusa mes 20$. « Aujourd’hui c’est gratis. —Admettons que…que tu trouves de l’argent dans une voiture et que cet argent…disparaissait. Qu’est-ce que tu ferais ? » Il me dévisagea de la tête aux pieds et referma la portière de mon pickup. Il a parfaitement saisi et ouvrit son paquet de blondes pour m’en tendre une. « Il y avait combien ? Tu as compté ? —Je ne pensais pas que…le fric s’est volatilisé et j’ai appelé ce matin concernant le véhicule. Il y a bien eu un signalement. » Il me fixa de ses grands yeux marron, caressant da barbe de trois jours. Il sentait la transpiration et le poisson frit, le tabac froid et l’essence. « Tu es vraiment dans la merde. Il y a au moins une personne qui cherche son fric et cette personne a les fédéraux au cul. Lui va fouiller le coin au peigne fin et…tu as laissé tes empreintes sur la voiture, je suppose ? Tu iras en prison pour crime fédéral que tu sois ou non responsable de cet hold up. Si j’étais toi, je commencerais déjà à chercher un bon avocat ». Cette situation me terrorisait. On pouvait venir me faire la peau, me kidnapper et

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filmer mon exécution pour ensuite le poster sur internet. Denis ne me laisserait pas tomber, il serait toujours là pour me venir en aide et quelque peu soulagée, j’acceptai qu’il me raccompagna dans mon mobil home. Il examina la voiture de fond en comble et regarda sous le plancher. Le bruit d’un moteur attira notre attention et je reconnus celui de Gorman. Que faisait-il là ? Twain battit la queue en le voyant alors j’en déduisis qu’il n’en était pas à sa première visite. « Je peux vous aider ? » Il quitta son volant et ôta ses Ray bans. « Peut-être bien. C’est ici que tu vis Hailee ? » De quel droit se montrait-il si familier ? Redressant le menton, je croisai les bras sur la poitrine et derrière Denis je me sentis pour l’heure invulnérable. En un pas je pouvais rentrer et attraper l’une de mes armes pour l’expédier dans les enfers. « Je suis passé là où tu bosses et on m’a dit que tu t’étais absentée pour une course. Un problème de voiture apparemment. Ta collègue Betsy m’a donné ton adresse. C’est difficile à trouver ceci dit, je m’y suis perdu deux fois ». Twain lui fit la fête, lui qui d’habitude vivait en solitaire, ne supportant pas le rare passage d’étrangers sur sa propriété. Il me fixait de ses grands yeux verts, ce Gorman et indifférent à la présence de Denis continuait à me voir comme une afroaméricaine à abattre. Le travail du Klan se terminerait avec lui. « Cela fait longtemps que tu vis ici ? —Euh…je n’ai pas compris qui vous étiez ! Il se puisse que nous n’ayons rien à vous dire. —Clay. Clay Gorman. Et toi tu dois être Denis Hoffman. Ouais, j’ai vu juste,

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sourit-il en prenant conscience de sa présence. On sait déjà vu quelque part. Je n’oublie jamais un visage. Attends, voir… Alabama, en 2001. Oui c’est ça. Si tu avais voulu te cacher pourquoi ne pas avoir quitté le pays ? Tu as du te dire que de ce côté du fleuve, personne ne viendrait te chercher. Aujourd’hui, je suis là pour Hailee, pas pour toi. Alors éloignes-toi de moi. —Qu’est-ce que vous me voulez ? » Il resta un long moment silencieux. Ce silence ne me disait rien qui vaille. Quant à Hoffman il n’avait pas bougé, utilisant son corps comme bouclier. « Cela te plait de travailler auprès de cette grosse vache de Betsy et de cette emmerdeuse de Sally ? Je ne peux pas croire que tu te plaises dans cette bourgade. Cet endroit file les pétoches mais toi tu t’accroches à ces pauvres gens, tous un peu fêlés d’ailleurs. Des consanguins, des violeurs, des pédophiles et des sodomites, voilà ce qui compose cette ravissante petite ville. Je respecte ton travail ici bien qu’il n’y ait rien d’optimiste à glander toute la journée quand tu pourrais t’épanouir ailleurs. Qu’est-ce que tu en dis ? —Quoi, qu’est-ce que j’en dis ? —Ah, ah ! Voyons Hailee tu as dit à tout le monde que j’étais un putain de raciste, un éliminé et descendant du klan ! Moi je suis seulement un bon citoyen qui paie ses impôts et qui a chargé à se montrer aimable avec les quelques spécimens humains croisés à Pickeford. Et toi tu fais courir le bruit que je suis un déséquilibré. —Hey, hey ! Garde tes distances ! Intima Denis en tendant sa main vers Gorman. Mon œil glissa vers mon mobil

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home estimant la vitesse pour atteindre ma chevrotine. Ne t’approche pas d’elle ! —Détends-toi Hoffman, je m’occuperais de toi après. Hailee et moi sommes devenus des amis et cela implique quelques discussions sincères et amicales. Hailee elle comprend mais pas toi, alors sois gentil de ne pas m’interrompre. » La sueur coulait le long de ma colonne vertébrale et mon cœur menaçait d’imploser. Un pas de plus et il serait sur moi. « Je suis pacifiste et je ne suis pas armé, ricana-t-il en levant les mains en l’air pour prouver sa bonne foi. Tu ne m’offres pas à boire Hailee ? —je ne préfère pas. Je comptais repartir travailler. —Tu ne sais pas mentir. Tu n’avais pas l’intention de retourner auprès de tes charmantes collègues. Tu n’as jamais su mentir Hailee. Que disait Birdy à ton sujet ? Un mensonge vaut mieux qu’un silence ? Ah, ah ! » Comment connaissait-il Birdy ? Il me faisait peur. Les jambes semblaient se dérober sous mes pas et la gorge sèche, je détournai le regard au bord de la syncope. « Tu sais pour quelles raisons je suis ici, hein ? Tu as quelque chose qui m’appartient, alors je viens le récupérer. —Et qu’est-ce que j’aurais qui vous appartienne ? » Il venait pour les trois sacs et que pourrais-je lui dire ? Navré fella mais ton fric, je ne l’ai plus ! Il comprit que je n’avais pas son fric. La raison étant la présence de Denis sur place. Il avait ouvert le coffre de la voiture mais n’avait rein trouvé. Il s’était rendu au city hall pour connaître mon identité. Je n’avais pas son fric et il le comprit immédiatement en

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nous voyant tous deux devant mon mobil home. Il partit dans un éclat de rire et nous tourna le dos, sans cesser de sourire. « Alors je crois qu’on a un petit problème Hailee. Je te donne 24 heures pour récupérer ce que tu sais. 24 heures et pas une heure de plus, tu as saisi ? —Sinon quoi ? —Sinon quoi ? Répéta ce dernier en me dévisageant froidement. Denis m’empêcha d’avancer craignant que je ne jette délibérément dans la gueule acérée du loup en le provoquant si superbement. « C’est bon Hailee, c’est bon ! Ditesnous un peu de quoi il s’agissait. Cela nous ferait gagner du temps. Il nous faudrait une piste, un tuyau, quelque chose qui puisse nous aider à y voir plus clair. —Tu as été en Afghanistan. Et tu as été décoré pour tes brillants états de service. Cela doit te faire étrange de revenir parmi les vivants, toi qui fait le mort depuis quelques années déjà. —Ecoutez Gorman, je ne sais pas qui vous êtes mais à Pickeford on n’apprécie guère les emmerdeurs. —Et je suppose que tu fais allusion à tes frères d’armes d’Alabama qui n’hésitent pas à franchir la frontière pour aller siroter une bonne bière chez Dolly’s, ce bar à putes à une heure d’ici ? Dans ce cas je comprend que les citoyens de Pickeford en a après toi. » Denis se figea et il se tint droit comme pour un garde à vous ; droit le menton relevé et le regard ténébreux. Gorman savait des tas de trucs sur nous ce qui nous plaçait dans une situation délicate. Denis ne baisserait pas les yeux, il avait eu à faire à des situations bien plus stressantes.

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« Si tu veux jouer les gros durs et bomber du torse devant Hailee pour lui en mettre plein la vue, c’est ton problème mais ne marche pas sur mes pieds de bande Hoffman. Un simple coup de fil et la police militaire serait heureuse de renouer avec toi. J’entrevois la cour martiale et quelques années de captivité aux frais du contribuable ; Tu saisis ? Maintenant Hailee, tu sais ce que tu as à faire ! » En tremblant je me servis un café, la cigarette coincée entre mes lèvres tremblantes. Impossible de l’allumer et Denis assis devant sa bière, des plus paisibles. « C’est quoi cette histoire d’Alabama ? Qui es-tu vraiment ? » Il ne me répondit pas, perdu dans ses pensées. En temps normal je n’aurai rien dit mais là j’étais à cran. Il hoqueta en guise de réponse et je vis poindre un rictus au coin de ses lèvres. Il tira sur sa cigarette avec nonchalance et inspira profondément. « Je vais aller lui rendre une petite visite. Je vais lui rendre la monnaie de sa pièce. —Quoi ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Il va revenir pour me buter et si cela te convient j’aimerai que…que tu restes en dehors de cela. Je suis navré Denis mais la suite ne te concerne pas. —Tu es vraiment barrée comme fille. —Oui, je sais. —Tu viens me voir pour me demander de l’aide et du te rétractes ensuite comme craignant que j’aille tout balancer aux fédéraux. Tu n’es pas de taille contre ce maniaque qui fouine un peu partout. —C’est justement ça le problème ! Il fouille partout et…j’ignore ce qu’il compte faire ensuite. Je vais retrouver les sacs et on ne parlera plus jamais de cela Denis,

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arguai-je en m’asseyant en face de lui. Ma main se posa sur la sienne et je fus moimême surprise par ce geste. Ces derniers jours ont été difficiles mais je peux y arriver. —Et comment tu comptes t’y prendre ? Tu ne sais même pas combien il y avait dans ces putains de sacs ! (D’un bond il se leva) Oui tu as un putain de problème Hailee ! Hein ! Un putain de problème qui voudrait te faire passer pour une victime mais tu es…une putain de névrosée paranoïaque ! —Quoi ? Alors tu ne me crois pas ? Tu crois que j’ai inventé toute l’histoire ? —moi je crois que tu sais où sont les sacs. Quand les fédéraux te coffreront pour complicité de crime, tu leur diras que tu n’étais au courant de rien et que j’étais ton alibi ! Tu leur diras que tu pensais bien faire en déplaçant les sacs pour le cas où l’on reviendrait prendre la voiture et que cela te paraissait tout à fait normal de le faire, comme rendre service à un pote ! Sauf que ce porte en question a assez d’éléments sur toi, sur nous pour nous faire tomber comme ses complices. Tu l’as entendu ? Il n’a qu’un appel à faire en direction de mon ancienne base pour qu’on vienne me coffrer ! Le plus pathétique dans l’histoire c’est que l’Etat Major tiendra à me faire passer devant un tribunal compétent pour un crime que je n’aurai pas commis. Et ça me fout les boules ! J’ai vraiment les boules Hailee ! —Tu peux rentrer chez toi maintenant. Je ne t’en voudrais pas. Rentres chez toi Denis. Tu n’auras qu’à passer dans deux jours pour t’assurer que je sois toujours en vie. Personne alors ne te suspectera d’avoir

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aidé un fugitif à se faire la maile. Personne ne te blâmera d’avoir fait ce choix. —D’accord ! Je passerai te voir dans deux jours. Alors, fais attention à toi. Je m’en voudrais s’il t’arrivait quelque chose ! » Les abords du Mississipi ressemblent à des dépotoirs ; on y laisse des tas de cochonneries comme des vieilles machines à laver, des vieux outils, bagnoles rouillées et immondices en tout genre. A l’aide de mon bâton, j’évaluai le fond risquant de tomber à chaque instant sur un alligator. Soudain claqua un coup de feu. Les oiseaux s’envolèrent en une seule et même allure. En courant je remontais la sente sur plusieurs mètres rejoint par Twain. Le long rifle en bandoulière je glissai vers mon mobil home quand sur la route cachée par les arbres, une voiture de flics approcha. Il ne manquait plus qu’eux à cette foire ! J’eus le temps de ranger mes armes et d’ôter mes cuissardes en caoutchouc dans l’armoire prévue à cet effet. En voulant faire vite, je fis tomber mon reste de café par terre. Fichtre ! On toqua à ma porte. Shit ! Shit ! Derrière la baie vitrée je vis la silhouette du shérif Conroy se détacha d’entre les arbres. Son adjoint récidiva. « Il y a quelqu’un ? J’crois qu’il y a personne patron ! » Avi conroy tambourina brutalement à faire péter le contreplaqué et le bois de la porte. « Hailee ! Je sais que tu es là Hailee, alors ouvres cette porte s’il te plait ! Hailee? » Le torchon à la main je restais comme paralysée sur mon vieux divan au-dessus duquel une immonde copie des Tournesols de Van Gogh en guise de décoration.

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Ici tout était rafistolé, de seconde main ; de la breloque : un vieux poste de télé qui ne recevait plus aucune chaîne, une radio émettant par intermittence et un frigo des années 50. Pas de machine à laver, sèchelinge et lave-vaisselle. « Hailee ? » J’ouvris la porte sur Conroy et son regard lubrique me déshabilla langoureusement des cheveux aux chaussettes trempées et marquant le sol de mes empreintes de café où je passais. « Je savais que tu serais là. —Oui veux-tu que je sois ? » Il renifla le doigt sur la narine. Il sniffait de la coke et il était tout sauf un bon shérif. « Aaron dit que tu as des ennuis. —Aaron dit ça ? —Tu as appelé le central concernant une voiture abandonnée par très loin de ta caravane. Une voiture volée apparemment. On a tracé l’appel et cela nous a conduits à toi. Véhicule immatriculée au Kentucky, affirma-t-il-en s’asseyant confortablement à ma table, le chapeau de feutre marron posé près de mon cendrier. Il me sourit d’une oreille à l’autre sans me lâcher des yeux puis il renifla une seconde fois. Tu es une fougueuse Hailee. Et…tu n’as touché à rien ? —De quoi parles-tu ? J’ai fait ce signalement et c’est tout. Pas de quoi casser la pate à un canard. Vous trouverez la voiture derrière le tertre, à deux kilomètres d’ici. » La cigarette à la bouche, je m’efforçais à rester calme. Pourtant au fond de moi un volcan menaçait de cracher sa lave. Conroy se leva et vint se placer devant moi pour soulever mon menton. « Il y avait quoi dans cette bagnole ?

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—Rien, répondis-je en fronçant les sourcils tout en maintenant la tête baisée. J’avoue avoir pensé la récupérer. Les pièces détachées c’est l’affaire de Denis et…je n’ai rien fait parce que je n’ai rien trouvé qu’il puisse l’identifier. La voiture était clean. Alors j’ai pensé…que si quelqu’un avait voulu s’en débarrasser, il se serait pris autrement. » Il me renifla en gémissant de plaisir. « Tu me fais bander. J’ai envie de te la fourrer bien profond. Je ne me suis jamais farci de négresses mais je suis prêt à faire une exception pour toi. Alors mon existence aurait un autre sens. Personne ne m’obligera à le faire mais j’ai très envie d’enfoncer mon gourdin dans ton trou de balle. —Quelle poésie. Je t’ai dit où était la voiture alors tires-toi de chez moi ! —Tu devrais prendre tes antidépresseurs, je n’aime pas te voir dans cet état. Tu perds tout contrôle de la réalité et je crois que tu as été pendue dans une autre vie. Violée, torturée et pendue. Comme tous ceux de ton espèce. » Prestement je me dégageai de lui pour me frayer un chemin vers la sortie. Il avait un plan : celui de me faire craquer. « La porte vous est grande ouverte. Merci de ne pas insister. —Gorman a dit que tu t’étais introduite sur sa propriété. —Qui ? » Mon cœur battait fort. Boum ! Boum ! le sol se déroba sous mes pieds et je compris qu’il m’avait balancé aux autorités sur ce seul délit pour donner un motif à COnroy de venir me rendre visite et enquêter sur la dite-voiture dont pour l’heure il n’avait rien à cirer.

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—Tu as un sérieux problème Hailee. Un problème que je veux régler au plus vite. Pourquoi Gorman ? Tu as commis une grosse erreur en t’en prenant à Clay Gorman. —Il m’avait fait une queue de poisson sur la route et…je ne me souviens pas être allée chez lui. —Alors tu veux dire qu’il ment. —Il m’a pris en grippe et nous ne sommes pas faits pour être de bons voisins. Tu peux me croire. —Et pourquoi je ferai confiance en une négresse ? Tu es bien comme tous les sales négros que l’on voit croupir en prison ou attendant le dose d’injection dans le couloir de la mort. Rien que le mois dernier pas moins de 76 négros… —Casses-toi ! » Heureux il huma l’air frais et son regard s’arrêta sur Aaron fouillant dans ma poubelle. Ils ne pouvaient pas s’empêcher de fouiner partout à la recherche d’indices qui m’inculperaient et qui serviraient devant un tribunal comme pièces à convictions. « Je n’ai pas besoin de te contrôler, ni de te dominer. Tu saurais en temps et en heure ce qu’il faudra que tu fasses si tu ne veux pas finir au trou. Alors tu viendras me supplier de t’aider, tu le feras à genoux prête à me sucer le gland. » Il remit son chapeau sur la tête. « Oh, j’oubliais ! Il te fera la peau si tu remets les pieds chez lui. Finalement je l’aime bien ; lui et moi avons de tas de choses en commun. » Mes oreilles bourdonnèrent. L’odeur de feu attira mon attention. Là dans la clairière brulait le contenu d’un container. Qui l’avait allumé ? Personne à l’horizon.

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Pourtant cette odeur de fioul masquant une odeur de viande. Cela vous collait la nausée. C’est quoi ce bordel, vins-je à penser en m’approchant des flammes. Le vent avait poussé l’odeur jusqu’à chez moi. La tête entre les jambes, je tentais de recouvrer ma lucidité. Trois sacs disparus. Qui pouvait les avoir volé ? Qui avait connaissance de cette planque ? Restons concentrée. Cette rivière longeant le Mississippi n’était pas assez profonde pour y enterrer des sacs. J’avais avancé sur plus de six kilomètres. Quelque chose de dur heurta ma tête. La dernière image que je vis fut celle de Twain me léchant le visage. A mon réveil un type craquait des allumettes assis sur un tronc renversé. A ses pieds Twain allongé inerte là. Twain ? Je revins lentement à moi et je reconnus Tickle, Ed Binkley dit Tickle. Il avait combattu en Irak et passait certaines soirées à se biturer avec Denis. Je saignais du nez. « Est-ce que ça va ? Hailee ? —Qu’est-ce qu’il est arrivé à mon chien ? Qu’est-ce qu’il a ? Demandai-je en rampant vers lui pour constater qu’il ne bougeait plus. —Il a essayé de me mordre. Il est devenu comme vous alors j’ai du le planter. Je suis désolé. » Comment pouvait-il être désolé ? Il avait tué mon chien. Mon chien ! Les larmes inondèrent mes yeux et caressant mon pauvre Twain, je me mis du sang partout sur les mains et le visage. Cet homme était un traitre. Jamais Twain ne l’aurait attaqué sans une bonne raison. Il m’avait assommé et Twain l’avait attaqué. « Je te demande pardon.

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— Fermes-la ! Je ne veux pas t’entendre, hurlai-je en me frappant la poitrine de mes mains. Tu m’as trahi ! —Il a dit que tu savais où étaient les sacs. Il m’a dit de te suivre pour le cas où les choses tourneraient mal. Le chien ne faisait pas partie du plan. —De quel plan parles-tu ? —la meuf de Golman…elle est notre otage. Quand il reviendra chez lui, il ne la retrouvera pas et il ne te fera rien tant qu’on tiendra sa femme. » Ma tête tournait encore. Il me tendit une bouteille d’eau. Je partis vomir dans les buissons. Gorman riposterait avant l’heure fatidique et à cette pensée je vomis de nouveau. « Tu n’as pas à t’en faire, Hoffman connait son affaire. —Et tu comptes le suivre jusqu’en Enfer ? Quel genre de manipulateur est-il ? T’a-t-il parlé de ce qu’il avait fait en Alabama ? —En Alabama ? Oui, bien-sûr, l’Armée n’a pas souhaité se prononcer là-dessus mais le tribunal civil l’a innocenté pour faute de preuves. Il a fait ce qu’il pensait être juste de faire. De toute façon son beau-père n’était qu’un salaud. Sa mort n’a chagriné personne. » Une histoire de famille qui a mal tourné. Et mon malinois étendu raide mort devant moi ! les hommes ne pouvaient s’empêcher de tuer. Mon pauvre Twain. Tickle chercha à me serrer dans ses bras mais je me refusais à cette étreinte. « On va s’occuper de Gorman…tous les trois. » Et on va se partager l’argent, semblait-il vouloir dire. Il tenait son canif à la main, celui qui lui avait servi à tuer mon chien. Une longue lame à cran capable d’ouvrir un cerf en deux. Il me

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faisait peur. Le voir si déterminé me collait la frousse. « Où sont les sacs ? » Il se tenait derrière moi, prêt à me trancher la jugulaire aussi facilement qu’on ouvre un robinet. Seul l’argent l’intéressait. Il me caressa la joue s’attardant à la commissure de mes lèvres. Il avait les moyens de me faire parler. La tête dans mon cou, il me pressa contre lui. « Twain va nous manquer. C’était un bon chien. » Il ne pensait pas un mot de ce qu’il disait. On enterra Twain près de mon mobil home et vers 4heures Pm, le vent me rapporta l’odeur de viande calcinée. Mon regard croisa celui de Tickle et lui retourna dans son étude de mes armes à feu. « Il y avait quoi dans cette poubelle ? —Hoff a tiré un chevreuil ce matin. Une façon pour lui de s’entrainer au tir et il l’a découpé très proprement. Quand on coincera Gorman, on ne laissera pas de traces derrière nous. Il ne faudra pas qu’on laisse de traces. —Vous n’êtes pas sérieux là ? —C’est lui ou toi ! C’est un point de vue comme un autre mais on ne laissera personne derrière nous. On fera ça proprement. » Gorman se tenait au pilier de bar. Cela me prit une heure pour le trouver. Ne voulant pas éviter les soupçons j’ai quadrillé le village rue par rue pour repérer sa voiture. Il se tenait là à boire sa pinte de bière, une cigarette se consumant entre ses doigts et l’œil rivé au poste de télé. Nos regards se croisèrent. «Tu as vraiment des putains de couilles. » Peu sensible à la flatterie, je m’assis près de lui. « Tu te dis que c’est stupide tout cela. Qu’en aurait pas du en venir là nous deux

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mais je n’attends rien de toi. Dans quelques jours je t’aurais oublié. Alors j’espère pour toi que tu viens me déranger pour une bonne raison. —J’ai cru à tes histoires de fantômes. Ces innocents qu’on avait brûlés à Dormont Hill. Ils étaient six. Une sale histoire qui a mal tourné. —Où est-ce que tu veux en venir ? Questionna ce dernier en me parlant sous le nez. Le monde est plein de coïncidence et que nous nous soyons retrouvé sur cette terre maculée du sang de ces nègres en est la preuve. Quelque soit l’histoire que tu raconteras, personne ne te croira et surtout pas Conroy. Il est un brin contrarié par ton attitude. On raconte qu’il n’a jamais réussi à conclure avec toi. » Evoquer Conroy me colla la gerbe et par réflexe ma tête se tourna vers la porte. N’importe qui pouvait être sorti pour aller le chercher ; il s’en suivrait alors un long et pénible interrogatoire pendant lequel les mots : « Bite, petite chatte, sodomie, négresse, salope » reviendraient souvent. Pour me donner de la contenance, je triturais la clef de ma voiture dans ma poche de parka. L’autre Gorman me fixait de ses beaux yeux verts et rieurs. « Petite fille tu es passée de foyer en foyer ce qui expliquerait ton goût immodéré pour la fuite. J’inclus celle de la réalité. Tu n’étais pas une gosse facile, je plains tes anciennes familles d’accueil. Elles ont du en vouloir de toutes les couleurs avec cet avorton de macaque voulant se donner des airs de petite blanche civilisée. » Avec intensité on se fixait. Il avait fouillé dans mon passé. De mauvais souvenirs me revinrent en mémoire avec la

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violence d’un tsunami. J’irai donc à l’essentiel ne souhaitant pas m’éterniser près de cet enfoiré. Ma clef s’enfonça dans mon pouce. « Ensuite tu as été en institution spécialisée, des sortes de centres de loisirs pour enfants difficiles. J’en déduis que tu aimes braver l’autorité et il est possible que tu ais eu envie de souffler un peu après ta dernière incarcération dans le pénitencier de la Louisiane. Ce qui me fait dire que tu n’es guère différente de ces nègres qu’on croise partout ailleurs. On ne peut rien en tirer de ces macaques-là. On a pourtant essayé de réduire leur influence par l’esclavage mais un président est passé par-là tenant dans la main un putain d’amendement pour notre belle constitution. Et le sort en fut jeté. Puis d’autres sénateurs vous ont accordé le droit de vote et cela me fout en rogne que des nègres puissent aller voter parmi nous autres citoyens de ce monde. —La discussion commence à être ennuyeuse. —Tu savais que le père de ton pote Hoffman le violait ? Il abusait sexuellement de son bambin et l’autre l’a découpé. Il était encore en vie quand il lui a coupé les parties. L’armée a dit qu’il souffrait de troubles post traumatiques mais qu’il avait un solide alibi. On l’a disculpé mais tu devrais savoir où va toute cette haine qu’on garde longtemps en soi, n’est-ce pas ? Combien de petits cons ont posé leurs mains baladeuses sur toi ? —Ils détiennent votre femme ! —Quoi ? —Je n’ai pas vos sacs. » Il me coupait la circulation du bras et se tint debout près de moi. « De quoi parles-tu ? Ma femme ?

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Viens par là ! Gorman s’en me lâcher le bras me poussa vers les WC et nous y enferma. Répètes-moi ce que tu viens de me dire ? J’ai toute ton attention. —je n’ai pas tes sacs ! Je les avais cachés et quand j’ai voulu les récupérer… alors j’ai tout raconté à Hoffman. Je pensais qu’il m’aiderait à charger mais… —De quels sacs parles-tu ? —Et bien… —Je veux seulement l’enveloppe que Sally vous aurait remise. Elle portait la mention « non-solvable ». Sally dit te l’avoir remise en main propre. —Oui bien-sûr ! Cette enveloppe est au coffre-fort ! Je peux vous la restituer demain matin dès l’ouverture du service ! » Soudain sa main se referma sur mon cou. L’air me manqua et je suffoquais sous la douleur et le manque d’oxygène. Brutale fut son étreinte et il me frappa contre le mur, plus je me débattais et plus ce malade me serrait. « Si tu tiens à ta vie, tu vas faire tout ce que je te dis. Tu vas m’écouter à la lettre et tout se passera bien. Toi et moi, on va s’entraider et on va y arriver. » Il me lâcha et j’éructais, crachant mes poumons au bord du malaise. La tête appuyée contre son torse, je toussais et je toussais encore quand sa main me caressa le dos. « Ils ont tes armes n’est-ce pas ? Et dans deux heures s’ils ne te voient pas revenir ils commenceront à la torturer, lentement et quand ils me feront apparaître, ils feront feu sans se poser la moindre question. Alors nous avons moins de deux heures pour agir. Or il me faut cette enveloppe, tu saisis ? »

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Bien que le bureau fut fermé, j’avais mon passe et après avoir pris l’enveloppe je ressortis par la porte de derrière quand Conroy se manifesta, surgissant de nulle part. « Ah, ah ! C’est bien toi que je voulais. Qu’est-ce que tu fiches ici ? Ce ne sont pourtant pas tes horaires ! On dirait que tu aimes ton travail finalement. Tu as le temps pour un café ? Non, non ! Où vastu ? Conroy me saisit par le bras. Je te propose un café et tu me tourne le dos. Tu ne pourras pas continuellement me tourner le dos. Viens là je te dis ! —Shérif, vous avez une seconde ? —Mr Gorman ! Il y a-t-il un souci ? Parce que je suis occupé là. Si vous avez un souci de voisinage, merci de vous adresser directement à nos bureaux ! —Je pourrais ouais mais je doute que vous souhaitiez voir intervenir le FBI pour ce que vous qualifiez de problèmes de voisinage, railla ce dernier en me dévisageant froidement. Il vous aura donc fallu une journée pour l’appréhender shérif, je constate cotre style implacable. —Avant d’appréhender un suspect il me faut certains éléments susceptibles d’être exploitables lors d’un procès. Je n’ai pas compris qui vous étiez au juste. Vous dites habiter dans l’Oregon c’est ça ? —Je ne l’ai pas exprimé et si cela était le cas, ça vous poserait problème ? —Un peu ouais. La voiture volée provenait certes du Kentucky mais l’ancien propriétaire Niels Doyle dit l’avoir revendu à un type pas très net pour seulement 120$. —Et en quoi cela me concerne? Les intrigues ce n’est pas mon fort, alors faites simple.

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—Ecoutez, vieux. Je suis en ce moment à recoller les morceaux d’un puzzle assez chiant à assemblé, vous voyez ? Si d’aventures vous souhaitiez me parler sur vous savez quoi, vous savez où me trouver ! » Il m’enferma dans son bureau après avoir crié à son assistante : « Deux cafés, McGennis et on se dépêche un peu ! » La rouquine répondit quelque chose et puis plus rien, il venait de refermer la porte de son bureau ; il fit une ligne de coke qu’il renifla bruyamment. « Putain c’est naze ! C’est vraiment naze ! Je vais niker mon costume ! Qu’estce qui te fait marrer comme ça ? Tu es vraiment une chaude toi. On est dans le Southwest ici pas dans ta brousse de la Nouvelle Orléans, alors tiens toi à carreau parmi mes frères blancs. Alors ? —Alors quoi ? —Tu as réfléchi à ce qu’on pourrait faire tous les deux ? Sourit-il en s’installent confortablement dans son fauteuil de cuir. Tu devrais te mettre en mini jupes, il me semblait déjà l’avoir évoqué. —L’heure est grave et tu me parles de sape ? Tu devrais envisager de changer d’emploi. Celui-ci n’a plus l’air de te convenir, ah, ah ! —Tu n’as jamais eu envie de la fermer ? Tu as toujours eu une grande gueule, c’est plus fort que toi hein ? Tu suis un peu l’actualité en ce moment ? Il y a eu un gros casse à Washington D.C à la barbe des fédéraux, soit 5 millions de dollars en grosses coupures. Ouais, tu as bien entendu : cinq millions ! —Et tu crois qu’ils sont ici ? —A toi de me le dire. » On resta à se fixer un petite moment avant que je

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comprenne qu’il me suspectait d’être complice du casse pour ce coup de fil passé au sujet de la voiture immatriculée au Kentucky. L’assistante apporta les deux cafés et toujours aucun de nous ne parlait. J’avais envie d’une cigarette, mais cela aurait trahi ma nervosité. « Tu crois vraiment que je sois assez maline pour faire ce casse ? —Toi non, cela ne fait pas l’ombre d’un doute mais tu pourrais agir en tant que complice. Tu es la complice idéale : pas de gosses, pas de petit copain officiel donc prêt à te faire mettre par le premier venu. L’argent en motiverait plus d’un. Que saistu de Gorman ? Tu as été chez lui dernièrement ? Il n’a pas apprécie la visite tu sais. Lui et sa sœur sont un peu tendus en ce moment. —Sa sœur ? Je croyais qu’ils…je croyais qu’ils étaient mari et femme. —Pourquoi es-tu allé chez eux ? —Pour cette histoire de fantômes. Il a fait tout un barouf concernant des revenants cohabitant avec eux dans leur baraque. Comme je te l’ai dit j’ai pensé vérifier par moi-même pour me détacher de cette idée. Un peu comme un catharsis. —C’est pour une histoire de nègres que tu es allée sur Dormont Hill ? —Exactement oui.je n’avais jamais entendu parler de cette sordide histoire jusqu’à ce que Gorman vienne crier au scandale. Ton père aussi était comme toi ? Un espèce de conservateur en pleine crise identitaire. —Qu’est-ce que mon paternel a à voir avec tout ça ? Tu le connais ? Alors pourquoi tu m’en parles ? Et toi ? Ta junkie de mère, vous partagez quelques points en commun ou tiens-tu plus de ton

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négro de père ? C’était forcément ton géniteur le nègre ! Aucun homme blanc digne de ce nom n’aurait abandonné son foyer. Mon père était un chi type, partit malheureusement trop vite. Revenons à Gorman si tu veux bien. —Il n’y a à ajouter sur ce sujet. —Pour moi cela n’’est pas clair. Vous avez couché ensemble ? —Quoi ? Bien-sûr que non ! —Il te dévorait des yeux toute à l’heure. Alors je veux savoir si tu le connaissais depuis le Kentucky par exemple ? Le Kentucky ou la Virginie ? Il y a quelque chose de pas normal entre vous. Il s’est forcément passé quelque chose entre vous. Il est ton genre d’homme n’est-ce pas ? Il est beau comme un dieu alors tu ne vas pas rester insensible à son poireaux. Ce n’est qu’une question de temps et d’arrangement. » Je me perdis dans mes pensées. Si Conroy avait remarqué cela, il est fort possible que Gorman ait intercepté des signaux venant de ma personne. C’est dément. Il y a ce vol de voitures, les trois contenant cinq millions de dollars, puis la mort de Twain et le délire des gars allant jusqu’à kidnapper la sœur de Gorman. Ensuite cette enveloppe et…Gorman attendant mon retour dans sa voiture. « Tu crois que les fédéraux pourraient mettre leur nez dedans ? Je parle de cette voiture. —Nan ! Cette caisse ne les intéresse pas, mais Gorman pourrait leur plaire. Il a le parfait profil du psychopathe.il est étranger à notre ville et il ne sait pas fait que des amis ici. On pourrait facilement se débarrasser de lui comme tous ceux qui ont jadis posé problème à la quiétude de

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notre ville. Ils finissent tous par s’en aller, hein ! » Je frappais à la porte de la caravane de Tickle. Torse nu il m’accueillit la cigarette au bec. Il enfila un débardeur avant de plonger son nez dans les sacs kraft. « Tu as eu le temps de t’arrêter au snack, c’est cool ça ! » Le téléphone se mit à sonner. « Allô ? Ouais, elle est là…oui tout va bien. Elle a pris de quoi diner…Ramènestoi oui…Il ne va pas tarder à rappliquer. C’était comment…en ville ? As-tu trouvé Gorman ? Hey ! (Il me jeta un projectile) Tu l’as revu ? As-tu revu ce fils-de-pute ? —Tu sais Tickle tu as buté mon chien, alors excuses mes silences à ton égard. Oui je l’ai revu et je lui ai dis pour sa sœur ! Il a été cependant surpris que je lui parle des sacs, visiblement il ne sait pas de quoi je parle. —Quoi ? Qu’est-ce que tu essayes de dire ? —Il ignore l’existence de ces sacs ! Du fric ! Et il voulait seulement récupérer une vulgaire enveloppe. Je ne sais pas ce qu’il y avait dans cette enveloppe ! On l’avait mise au dépôt, dans le coffre-fort. Ne me poses pas de questions ! —Ok ! Tu veux une bière ? Hoffman ne va pas tarder à rappliquer. Tu ne manges pas toi ? Tu n’as pas faim ? » J’ai eu un pressentiment comme l’air chargé annonçant l’orage ; mes poils s’hérissèrent et mon cœur sembla se rétrécir au point d’avoir la masse d’un petit pois. Il dévorait le poulet avec ses doigts et il donnait l’impression de ne pas avoir savouré de plats aussi savoureux depuis nabuchodonosor ; il se délectait attablé en face de moi quand la porte s’ouvrit avec fracas et avant que je ne comprenne

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quoique se soit, Denis se rua vers moi pour me cogner. Il ne l’aurait jamais fait en temps normal mais là le stress joua en ma défaveur. Il me prit par les cheveux pour me ficher une trempe, cela devait le démanger depuis un petit moment ou bien il frappait avec l’énergie d’un salaud cognant sans raison. « Arrêtes Den ! Qu’est-ce qu’il te prend ? Arrêtes mec ! —Elle nous mène en bateau Tickle ! Il n’a jamais été question de sacs. N’est-ce pas Hailee ? Aide-la à s’assoir. On va discuter comme deux vieux amis. » La douleur se réveilla. Sur le coup on ne ressent jamais rien, ce n’est que plus tard qu’on prend conscience de son état physique et psychique. Il venait de me frapper. Dans ma tête, la machine se mit en marche : un puissant Tic-tac bourdonna dans mes oreilles. Il me parlait mais je ne l’entendais pas, la tête baissée entre mes jambes. Un chien qui mord, remordra. Il me fallait fuir. De nouveau partir pour ne pas voir la violence se reproduire. Il me parlait mais je ne l’entendais plus. Il a posé sa main sur moi et je l’ai cogné. De toutes mes forces je l’ai cogné. Il s’en est rixe avant qu’il ne me maîtrisa. « Calmes-toi Hailee ! Calmes-toi ! » Tickle me saisit par le menton tandis que Denis baissait mon pantalon. « Qu’est-ce que tu fais Denis ? Qu’est-ce que tu branles ? —Elle veut nous enculer alors on va lui donner une petite leçon. Tiens la bien Tickle ». En culotte devant lui j’en menais pas large, serrant les jambes et les dents. Il me caressa le visage avant de me frapper dans le ventre. Putain de merde ! J’en eus le souffle coupé.

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« Qu’as-tu fait des sacs, hein ? Tickle, redresse-la, je veux voir son regard. Tu as choisi la voie de la facilité en t’alliant à nous mais toi tu décides de faire cavalier seul. Où est le fric ? Où l’as-tu caché ? —Ah, ah ! J’ai tout inventé. Il n’y a jamais eu de sacs. Je t’ai menti. J’étais fatiguée, épuisée par cette journée de travail. Il pleuvait à verse et les balais essuyaient le pare-brise de façon automatique. Schrup, schrup, schurp, schrup…Je me suis endormie une fraction de seconde. Le choc fut violent, ma tête heurta le volant. Je perdis connaissance. Les balais ont continué leur va-et-vient. Toc-toc. Un type frappa à ma vitre et ouvrit prestement la portière. « Est-ce que tout va bien là-dedans ? » Je le reconnais. C’est Gale l’autre raclure. Il dit ne pas aimer les négros et depuis mon arrivée dans ce bled me fixe intensément. Je sais ce qu’il pense de moi. Il est venu au bureau, mon poste pour insulter mes collègues incapables de faire correctement leur boulot. Normal, Molly est obèse et à part la bouffe ne s’intéresse guère aux doléances des citoyens d’ici, et l’autre grande perche de Suzie tricote toute la journée, ses lunettes papillons enfoncées sur ses yeux de fouine. Il est passé toute la semaine pour heurter le comptoir de son gros poing. « On vous paie pour quoi au juste ? L’argent du contribuable ne servirait qu’à vous permettre de tenir salon ici ? » Il a emménagé une bicoque sur Creek Wood avec sa ravissante femme, une brunette

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aux reflets roux qui pour le moment se refuse de se mêler aux culs-terreux du coin. Ces gens de la ville nous prennent de haut. Il déboucla ma ceinture puis examina mes yeux. « On dirait que vous avez morflé. Il y a des panneaux de signalisation, ce n’est pas fait pour les chiens ! Vitesse maximum : trente miles. Vous étiez bien au-dessus. Qui vous a donc appris à conduire ? Vous pouvez marcher ? —Oui je crois. » Il prit mon sac à main et m’aida à gagner son gros pick-up rouge le même qui m’a éclaboussé la fois dernière. Il a failli buter un chien et une vieille dans la rue principale. Pas un mot d’excuses pour ses queues de poisson, ses accusations publiques et son air supérieur. « Ça va ? L’hôpital le plus proche est à 40 kilomètres d’ici et vous avez seulement besoin d’un pansement et d’un chocolat chaud. Est-ce que cela vous convient ? » Sous une pluie diluvienne il roula jusqu’à Creek Wood, la musique country à fond dans les oreilles. « Hey, t’endors pas ! On arrive bientôt ! Il faut que tu t’accroches. Je vais te remettre sur pieds. » Il se gara devant le perron de la bâtisse et m’aida à y descendre. La maison empeste la peinture fraiche ; ici il y a plein de cartons et il m’installa dans un profond canapé. Il désinfecta mes plaies pour ensuite y poser des pansements. Ce qui me réveilla fut la porte qu’on claqua. D’un bond je me levai pour prendre conscience avoir dormi sur le canapé. « Il y a quelqu’un ? » Personne ne me répondit. Prestement je sortis. Le pickup n’était plus là… »As-tu bien dormi ? » Je me retournai pour étudier Gale fumant dans un rocking-chair.

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« Oui. Je vais rentrer. —A pied ? Ecoutes je finis mon café et je te dépose ensuite où tu veux.

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[Epilogue]

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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France

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