(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)
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LE MUR DES REVES [Sous-titre]
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Du même auteur Aux éditions Pollymnie’Script [La cave des Exclus]
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MEL ESPELLE
LE MUR DES RÊVES
Polymnie ‘Script
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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
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[Dédicace]
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[PrĂŠface]
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Chapitre 1
Mon époux fut nommé garde des sceaux et une tel avancement ne pouvait se refuser. On fit donc nos bagages pour entamer un long périple de plusieurs jours vers le palais royal. Ce dernier dépassait de loin tout ce qu’on pouvait imaginer en matière d’architecture ; de beaux volumes, de belles pierres et un savoir-faire exceptionnel. La main dans celle d’Eldreg je déambulais dans la salle de trône admirant là les détails, Ô combien très riches des fresques, du bas-relief, des baies en ogives entourées de sculptures en albâtre ; on pouvait ainsi rester des heures à contempler pareille magnificence ; on ne s’en lassait jamais. Je passais d’une statue à un autre, cherchant à connaître le visage de nos précédents monarques, en toute une dizaine se dressant solennellement vers la nef, impressionnante de noblesse et de délicatesse, identique à une longue bande de dentelle. Et combien de personnes pouvaient contenir cette salle ? Un millier de sujets ? Tout ici était conçu pour impressionner et fasciner autant que possible. On nous conduisit à nos appartements ; pas moins de cinq pièces aux volumes généreux. De grandes salles ouvertes les
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unes aux autres offrant de la terrasse une vue impressionnante sur le palais, plein sud ; riches tentures représentant des scènes de batailles mythiques, colonnes de stucs, estrade de marbre, cheminées au manteau représentant des lions et licornes. Cela nous changeait de notre résidence principale et des plus impressionnée je suivais le grand chambellan et conseiller du roi, le très célèbre Dueril dont on ne savait pour l’heure ni l’étendu de son pouvoir ni son goût immodéré pour le beau et le sensationnel. « Comment est le roi ? —Il est rustre et impitoyable, exactement le genre d’homme qu’on aime haïr. Il est fort possible que vous ne le rencontriez jamais Niniel, il est si préoccupé par les affaires du pays qu’il s’enferme nuit et jour dans une sorte de recueillement proche de l’abandon. » Le soir de notre arrivée nous mangeâmes à la grande table, l’un en face de l’autre ; six mètres nous séparaient et le vide causé par la distance me terrorisa. « Tu es bien loin de moi Eldreg ! J’adore cet endroit mais la dimension de la table laisse songeur. —Et bien ma belle, une fois que vous rencontrerez le roi fais lui part de cette recommandation ! Nous pourrons faire changer cela dès demain. Encourageons les échanges entre épouses et maris. » D’un bond je quittai ma chaise pour m’assoir sur ses genoux. Je l’aime tellement, inutile de vous le dire. Il me connaissait depuis toujours et depuis toujours je savais que mon destin serait étroitement lié au sien ; voluptueusement je passais les bras autour de son cou.
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« Je ne peux pas croire que nous soyons ici à manger sur cette table de marbre et souper avec tous ces chandeliers autour de nous ! C’est comme rêver éveiller. Tu es garde des sceaux Eldreg et tout le monde te tient en haute estime. Si tu voyais la tête qu’à faite Dueril quand tu lui as tendu ton assignation….Te voilà être un haut fonctionnaire mon chéri et cette victoire tu ne te la dois qu’à toi-même. —je suis soulagé que tu réagisses ainsi. Cette cité est….intimidante et je ne voulais pas que tu t’y sentes oppressée. Comme je te l’ai dit tu risques de passer de longues heures loin de moi. Mais tu apprendras à faire sans et qui sait, peut-être te trouverastu des amies parmi les épouses de ces seigneurs. Embrasses-moi ! » Il partit de bonne heure le lendemain ; je trainais dans le palais, passant d’un point à un autre ; l’humeur inchangé. Pendant une semaine puis quinze jours, le roi refusa de m’accorder une audience officielle, car en tant qu’épouse de son nouveau garde des sceaux je valais bien cela. Or il ‘n’n fit rien. Cela entama quelque peu mon enthousiasme. N’étant pas d’origine noble, issue du peuple je devais mériter ce mépris, somme toute naturelle quand on n’y pense. Les épouses des seigneurs ne songeaient même pas à me fréquenter ; aucune d’elles ne se précipita vers moi pour s’enquérir de notre installation. La solitude commença à devenir pesante et après un mos je regrettais le choix d’Eldreg, je le regrettais amèrement.
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Assise sur un banc donnant sur un cloitre recouvert de lierre je laissais divaguer mon esprit quand en tournant la tête je vis qu’un homme me regardait ; grand et costaud, portant une barbe fournie et de longs cheveux longs et noirs. Pourquoi me fixer ainsi ? En me voyant le regarder, il s’empressa de disparaître derrière la colonne. Pendant deux jours il fut là et le troisième jour je décidais de prendre le taureau par les cornes en me surprenant à son propre jeu. « Pardon ! Veuillez m’excuser se connait-on ? » Il sursauta et se retourna pour me faire face ; grand il était et visiblement très surpris par mon audace. En temps normal je serais partie dans un rire sonore avant de partir gaie comme un pinson, importunée d’autres indiscrets. « Oui vous êtes là à m’épier depuis le début de la semaine alors lasse de votre petit jeu, je viens vous demander si l’on se connait. » Il ne trouva rien à répondre. « J’ignorais que je puisse vous déranger. Ce cloitre mène à la Salle des Victoires, étape incontournable pour passer à la Chambre des Conseils. Argua ce dernier sans me lâcher des yeux. Je pourrais me montrer irréconciliable en vous demandant ce que vous fichez dans une partie du palais réserver aux dignitaires de ce royaume. —Oh ! je l’ignorais ! Je n’étais pas censée savoir que le roi tenait pour secret certains lieux de son palais ! Quel roi égoïste donnerait une pleine mesure de sa
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richesse pour n’en dévoiler qu’une partie à ses sujets ? —Un roi qui a certainement de bonnes raisons de le faire. » Cette conversation commençait sérieusement à m’agacer et lui si grotesque me prenait de haut. Il m’écrasait de sa haute taille et cherchait à maintenir une certaine pression entre lui et moi. Peste soit ses seigneurs hautains et impétueux ! « Je l’entends bien ! Mais un roi qui se cache de ses sujets ne peut-être…. —Ne peut-être quoi ? Vous n’avez pas terminé votre phrase ! —Je ne sais pas pourquoi je vous parle ! Les hommes comme vous n’écoutent pas les femmes comme moi ! —Oui surtout si ces dernières sont des minaudes incapables de mettre un peu d’ordre dans leurs pensées. » La gifle partit. Il l’avait bien mérité celle-là. Dueril apparut dans toute sa splendeur. « Majesté ! Nous vous attendons ! » Mon cœur battait à vive allure. Je venais de gifler le roi. Je venais de gifler le roi. Après une profonde révérence je partis m’enfermer dans nos appartements, y faire nos malles et me tenir prête à disparaître. Mon époux ouvrit la porte »J’ai giflé le roi ! Je l’ai giflé, Eldreg ! Il m’a provoqué et je l’ai giflé, sans savoir qui il était ! Je suis sincèrement navré, cela ne devait pas se passer comme cela et…je te demande pardon. —Le roi dis-tu ? Il ne m’a pas parlé de cela. Si tu avais giflé le roi comme tu dis l’avoir fait, il y a longtemps qu’on t’aurait arrêtée et jetée dans un sordide cachot puant et rempli de rats. Le roi dit-on veut se marier et il a d’autres idées en tête que
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celle de nuire à l’épouse de son Garde des sceaux. Tu devrais te reposer un peu Niniel et….on reparlera de tout cela après. » Trois heures après je reçus une invitation en bonne et due forme disant que le roi acceptait de me recevoir, cependant je fus tout sauf soulagée et heureuse. Il allait me jeter dans cette geôle humide avec pour seule compagnie les rats et l’extrême solitude liée la détention. Qui plus est je fus seule, mon époux n’ayant pas été conviée à ce que je pourrais qualifiée de mise au pilori. Dans la salle se tenait seulement le roi en personne, me présentant son dos et son conseiller le plus illustre, le seigneur Dueril. Oui le roi me tournait bien le dos comme pour mieux appuyer son rejet des convenances. « Je veux pouvoir m’expliquer ! —Ne parlez que si vous êtes interrogé, Dame Niniel ! Votre époux ne vous a-t-il pas appris à vous tenir ? Avancez un peu plus près et saluez votre Roi comme il se doit ! » Maladroitement je m’exécutais, ma révérence n’ayant rien d’une révérence. Devant cette imposante estrade, j’avais l’air si insignifiante, si peu intéressante écrasée par la masse de pierres, les enluminures, la lumières, les fresques et mosaïques ; le roi ne daigna même pas me regarder, les mains jointes dans son large dos. Cela joua un peu plus à ce malaise apparent, ce vertige qui vous prenait aux tripes. « Dites-lui Dueril qu’on en finisse. —Oui majesté ! » Et lui avança vers moi, ses longs cheveux blonds caressant son torse. Il me faisait songer à l’un de ces grands arbres se déplaçant gracieusement poussé par le vent changeant. Les lèvres
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pincées et les sourcils froncés, aucune expression négative ne troublait sa beauté. « Son Altesse royale a pour dessein de trouver une épouse très prochainement et vous l’aiderez à faire son choix. Votre époux vous dit clairvoyante et très éclairée. Vos conseils seront donc très appréciés. Maintenant vous pouvez disposez, Ma Dame ! » La discrétion était de mise je devais rencontrer le roi en présence de Dueril et de mon époux. La première rencontre fut éprouvante ; le roi n’était pas très causant et ils parlèrent politique pendant une heure avant que le roi ne pose son regard sur moi. Difficile de ne pas le trouver rustre, sauvage et méprisable. Un grand silence survint pendant lequel Elldreg et Dueril s’interrogèrent du regard. « N’aviez-vois pas une question à poser à Niniel ? —Non, je…je n’en ai pas le souvenir. » Il semblait si sûr de lui mais au fond de son âme il était terrifié. Son regard le trahissait et à aucun moment il ne soutint mon regard. Eldreg sentait la situation désespéré et après trois jours de lutte contre lui-même, Eldreg anéanti me dit rendre cette situation plus supportable. . ce fut peine perdue, le roi était un taciturne, incapable selon moi de se faire violence et Eldreg tut le premier à juger l’entreprise bien périlleuse ; il y avait tellement de choses à changer chez lui à commencer par son « horrible » barbe et ses cheveux. Le jour suivant, force de constater qu’il avait rasé sa barbe et coupé ses cheveux. Il fut pour le moins méconnaissable. Il me fallait le féliciter pour ce radical changement. « Vous êtes différent je dois dire, plus séduisant que ce que vous étiez avant.
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C’est un bon début majesté et j’en suis tout à fait charmée ! Et maintenant que j’ai à faire à un autre homme, nous allons tout reprendre depuis le début. Qu’attendezvous vraiment de moi ? —Je pensais pourtant avoir été clair ? Je n’ai ni sœur ni mère pour valider mes choix quant à la future reine. Dueril dit que…vous avez l’expérience des femmes étant vous-même une femme….expérimentée. —Comment cela, expérimentée ? j’ai mon époux mais…. —Vous m’avez très bien comprise ! » Non, absolument pas ! Nos relations risqueraient d’être houleuses. Il me fixait intensément. Que voulait-il dire par expérimentée ? Je n’avais pas vu à quel point il avait de beaux yeux… « Vous me comparez à des putains ? Non parce que je n’ai rien à voir avec ces femmes-ci si c’est ce à quoi vos pensez alors…. —Oh Niniel ! Je pensais que cela serait plus simple avec vous, soyez aimable de ne pas me compliquer la tâche ! Dueril m’a dit que vous avez fait un mariage d’amour. Vous sans le sou et Eldreg….riche héritier. Il n’a pas eu peur de faire une mésalliance avec vous, mettant de côté tous ses principes pour uniquement raisonner en tant qu’amant passionné. Je lui ai demandé si cela valait la peine et il m’a répondu que oui. J’aimerai un beau mariage. Je sais que cela peut vous paraitre improbable mais j’espère trouver l’amour en la personne de ma future. Vous trouvez cela…ridicule ? —Oh non ! Non pas du tout ! C’est très…stimulant au contraire. Mais jamais
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je n’aurais pensé cela de vous. Vous êtes si…. —Si quoi ? A votre place j’essayerai de ne pas porter de jugements trop hâtifs. Enfin si Dueril croit en votre potentiel, je n’ai plus qu’à le croire sur parole. —Personne ne vous force à lui faire confiance ! » De nouveau le grand silence et ce regard inquisiteur. A tout instant il se retient d’être détestable à mon égard. Cette retenue et on ne peut plus maitrisée et cela m’amuse quelque part ; il est vrai que je l’avais bien mal jugé dans le fond. Attable face à moi il resta coi, les mains posées l’une sur l’autre. « On a du vous dire que j’étais une jeune mariée ! —Et après ? Vous êtes mariée non ? —mais que depuis deux ans ! Je n’aurais donc de conseils à apporter sur le secret de la passion qui dure éternellement. —Je vous trouve vraiment étrange. —Comment cela ? —C’est donc moi qui vous rends si nerveuse ? » Je ne répondis pas, il voulait que je réponde à son énième provocation. « Alors, votre Majesté vous vous êtes réveillé un bon matin et vous vous êtes dit : je veux aimer comme Niniel aime son Eldreg ! Vous avez pense à juste titre que je pourrais vous aider mais j’avoue que cette requête est des plus déroutantes. —Comment sait-on qu’on est amoureux ? Comment avez-vous su qu’Eldreg serait l’homme de votre vie ? —Majesté, je…. —Malner ! Appelez-moi Maner. —….et bien Malner, je l’ai toujours su. Au premier rang pour être franche. Je l’ai imaginé comme étant le père de mes enfants.
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—Vous avez des enfants ? —Non pas encore, mais cela ne saurait tarder. On s’y emploie tout deux frénétiquement et… » Mieux valait se taire, cette partie de notre vie ne l’intéressait pas. il nous arrivait de faire l’amour deux à trois fois par jour et à chacune des fois nous prenions notre pied. Eldreg ne manquait pas d’endurance et moi, d’imagination. Ces pensées lubriques me fit monter des papillons dans le ventre. « Quand vous saurez que c’est elle et bien vous vous sentirez différent, comme possédé. Vous voudrez passer tout votre temps libre en sa compagnie et vos absences seront difficiles à gérer. Comme je vous le dis un simple regard suffit. » Une semaine se passa sans qu’il me sollicite à ce sujet ; Eldreg me posait des questions sur le roi, cherchant à connaitre sa motivation. De deux à trois fois par jour nous étions rendu à seulement une fois, le soir de préférence et après quoi nous nous endormions sans rien échanger que des : ‘Je t’aime…bonne nuit ! » A ce rythme-là je n’aurais jamais mon bébé. Le roi parfois passait près de moi sans me saluer mais à d’autres moments il répondait à ma référence par un léger signe de tête. Un jour alors je le cousais sur un banc exposé à la lumière directe, il vint me retrouver des plus fébriles. « J’ai contacté une jeune princesse… —Vraiment ? Mais c’est…c’est génial ! M’exclamai-je en posant mon ouvrage sur le côté. Et qui est-ce ? —Elle a votre âge et….elle se passionne pour l’astronomie, la philosophie mais elle aime aussi l’équitation et la chasse. Il me tarde de la rencontrer. J’ai prévu pour
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l’occasion quelques jours de fêtes avec banquets, spectacles et tournois. —Oh faites quelque chose de très simple. Imaginez qu’elle ne vous plaise pas ! Contentez-vous seulement de bien la nourrir. Et si elle aime danser, ce qu’apprécient toutes les jeunes femmes, alors faire venir des ménestrels en grand nombre. C’est aussi par la danse qu’on se révèle. Vous dansez n’est-ce pas ? —Non. Je ne connais aucune danse. —Malner il vous faut savoir danser ! Quand est-elle censée arriver ? Il vous faudra apprendre tôt ou tard et j’y veillerai personnellement. Vous ne pourrez y échapper. » Et tous les jours après ses interminables réunions nous dansâmes. Il faut souligner le fait que Malner est un piètre danseur ; il est maladroit et ne sait pas compter en rythme. Il m’écrasait les pieds, ma traîne à tel point qu’il ne s’excusa plus quand il le faisait. Notant cependant qu’il ne rechignait jamais à la tâche, une qualité qui forçait le respect. Il avait les mains moites et le souffle court. Alors que la musique jouait derrière nous, lui me serrais les mans, me les broyant littéralement. Il ne ferait jamais un bon danseur malgré ses efforts. « Alors comment progresse ton élève ? —Ne sois pas si moqueur Eldreg, le roi tient absolument à être à la hauteur et il déploie de gros efforts pour ravir le cœur de sa future. Il est si appliqué que cela en est touchant. Qui eut pu croire qu’un si rustique gaillard puisse être aussi délicat ? —Pourtant ce n’est pas l’épithète que tu avais employé hier ! Tu le trouvais si maladroit et dans ses propos et dans sa gestuelle. Comme tous les rois, il a une
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haute opinion de lui-même mais sur ce plan-là il semble être complètement démuni. En vues des réjouissances à venir, sa Majesté m’accorde ma journée. J’ai pensé à juste que tu apprécierais de visiter la région en ma compagnie. » On partit donc à cheval escorté par os écuyers ; on visita des grottes dans lesquelles saillaient des cascades d’eau, le spectacle fut merveilleux comme tout ce que nous visitâmes au cour de cette journée. La nature nous inspira m’amour. On le fit sur l’herbe, j’aime le regarder quand il jouit, mon aimé. Allongés devant une fontaine nos langues se délièrent. « Es-tu heureuse ici ? Tu dois te dire que je suis un bien vilain mari, te laisser seule des heures entières. J’aimerai plus souvent être prêt de toi. Et quand la Marquise du Berskhire descendit de carrosse, je pris une claque, une belle leçon de savoir-être. Cette radieuse beauté était l’illustration-même de la courtisane dans toute sa splendeur : altier port de reine, atours somptueux et taillés pour sa silhouette élancée et destinés à la séduction. Trois hommes l’escortèrent qu’elle me présenta comme étant ses « Poulains » ; en fait il s’agissait du Duc Henri de Norfolk, neveu du Roi et prétentieux en son état ; Timothy Wilburg of Wales et William P. Jones-Woods, un gringalet aux joues creuses aux manières efféminées. Notre Marquise me dévisagea de la tête aux pieds, le sourire espiègle et l’œil
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brillant. « Nous savons que vous manquez cruellement de compagnie Votre Excellence ! C’est la raison pour laquelle je n’ai pu m’empêcher de vous ramener un peu de compagnie ! Ceux-là seront vous distraire par leur esprit. » Tous quatre attendirent ma réplique qui ne vint pas. « Alors Henri, comment trouvez-vous notre jeune Duchesse de l’Essex ? —Je dois dire que ce château représente plus d’attraits que notre hôte, ricana ce dernier en me défigurant littéralement, j’avoue ne manifester nulle joie ni nulle audace à la vue de ce petit bout de femme chétive et effrayée que vous tenez en si haute estime sans que j’en connaisse les raisons ! —Taisez-vous donc Henri, enchaina William en tentant un timide sourire, elle pourrait nous surprendre bien plus que nous l’eûmes supposés. N’est-ce pas vous qui dites sans cesse qu’une rose peut naître du néant ? » Je pris sur moi pour ne pas exprimer ma contrariété. L’autre Timothy resta coi mais son sourire en dit long sur ses pensées. Il lisa sa fine moustache noire et suivit la Marquise dans mon antre. Cette dernière ricana, se laissant baiser le cou par Henri. « Dieu du ciel ! Que cet endroit est austère ! Comment faites-vous pour supporter l’insupportable ? Le Duc n’a-t-il pas d’argent pour vous pourvoir ? Cet endroit ressemble fort à un couvent et si vous tenez à nous garder près de vous il vous faudra ajouter quelques artifices à notre confort ! —Surtout que l’on sait le Duc généreux dans l’établissement de ses maîtresses ! Ricana Henri, la dernière en date s’est vue
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offrir un somptueux hôtel particulier non loin de Saint-James ! N’ai-je pas raison William ? En plus d’y faire des réceptions de choix, l’on ne craint ni de prendre froid, ni de mourir de faim. Songez à ajouter des rideaux à ces fenêtres et ne lésinez pas sur la consommation de vin. Nous ne sommes pas de puritains organistes de Votre Ordre ! Ah, ah ! Pitité ma belle, égayez cet endroit ! Que ferez-vous pour nous distraire ? Aviez-vous dans l’idée de nous chanter des cantiques ? » Timothy partit dans un fou rire et son dos tressautait furieusement ; la messe était dite et j’en voulais au Duc de m’avoir abandonnée loin de la Cour où j’aurais pu parfaire mon éducation que l’on sait précieuse dans ce monde impitoyable. Mon regard croisa celui de la Marquise du Berskhire avachie dans l’unique fauteuil du salon aux murs lambrissés. « Dites-lui donc de se taire ou bien nous l’aurons toute la soirée à l’entendre geindre Votre Grâce ! Dites-lui n’importe quoi pour qu’il se taise, nous sommes lasses de l’entendre discourir sur les petites chéries du Duc. Il n’a pas su les garder près de lui et par conséquent en veut au monde entier ! Londres est un si petit village que l’on ne s’étonne plus d’avoir des amants et maîtresses apparentés à la même famille. —Ne vous méprenez pas ma belle ! J’ai plus d’atouts que le Duc pour ravir le cœur des vierges de la Cité. Il faudrait que vous soyez complètement aveugle pour ne pas vous en être aperçue ! Et qui donc vient vous saluer hormis votre métayer et vos soubrettes ? Verra-t-on l’ombre d’un Omfret franchir les grilles de votre domaine ? Ou bien ce scélérat de Kent ?
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[Epilogue]
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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France
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