Musique de Melrose

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(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)

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LE VENTRE DU LOUP [Sous-titre]

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Du même auteur Aux éditions Polymnie’ Script Antichambre de la Révolution Aventure de Noms Cave des Exclus Chagrin de la Lune Désespoir des Illusions Dialectique du Boudoir Disciple des Orphelins Erotisme d’un Bandit Eté des furies Exaltant chaos chez les Fous Festin des Crocodiles Harmonie des Idiots Loi des Sages Mécanique des Pèlerins Nuée des Hommes Nus Obscénité dans le Salon Œil de la Nuit Quai des Dunes Sacrifice des Etoiles Sanctuaire de l’Ennemi Science des Pyramides Solitude du nouveau monde Tristesse d’un Volcan

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Vices du Ciel Villes des Revenants

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MEL ESPELLE

LE VENTRE DU LOUP

Polymnie ‘Script

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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

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[Dédicace]

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[PrĂŠface]

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Chapitre 1 Youn voyait New York dans toute sa grandeur….Une détestable impression de vertige…et de déjà-vu. .En haut d’un building, l’inconnue n’avait qu’à se baisser pour entendre les lointains Klaxons émerger de cette couche de brouillard, noyant ces vertigineuses tours. La jeune femme avait froid….Rien de plus normal à cette altitude ! Mais, elle en avait que faire, bientôt elle ne serait plus de ce monde… Le café avalé ce matin lui collait l’estomac comme un hydrocarbure à la détestable odeur. Le café, elle le détestait ! Comment avait-elle pu avaler cette saleté ? Elle serra son manteau contre elle. Un froid polaire. Jamais, elle n’eut aussi froid que ce matin-là. Elle se rapprocha du bord. On tomberait d’effroi sur son corps, étendu sur la chaussée, les flics fouilleraient ses poches et ne trouveraient rien, excepté ce minuscule cylindre en aluminium. Youn avala sa salive. Un matin, elle s’était réveillée avec un creux dans le ventre. Elle n’en pouvait plus vivre de cette façon. Personne ne l’avait regardée passer. Elle n’existait pas ou du moins, en avait-elle l’impression ? Elle avança encore un peu. De grosses larmes coulaient de ses yeux d’un bleu intense. Elle renifla. Elle serait bien plus heureuse ailleurs que dans ce monde aux tristes couleurs. Youn se concentrait pour sauter et ainsi retenue par le vide à ses pieds, elle ne vit pas l’homme derrière elle.

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Il se tenait près du bord. Leur regard se croisa. Youn ne pouvait se résoudre à sauter et lui ne semblait pas vouloir bouger. De longues secondes d’angoisse passèrent. Le cœur de Youn battait furieusement. Elle se sentait prête, mais pourtant… Il fallut que le téléphone portable de l’homme sonne. Il la déconcentrait. L’appel bascula sur la messagerie. La jeune femme l’étudia plus sérieusement. « C’est vous qui m’avez appelée n’est-ce pas ? » Elle ne répondit pas, submergée par une indescriptible angoisse. Il ravala sa salive. Sa journée s’annonçait très mal. Il s’essaya à un sourire. Ils replongèrent dans un morne silence. De nouveau, il la regarda. « Je suis Andrew Zimmer et j’ai reçu un appel concernant un meurtre et… Et si vous voulez que je vous offre un café. On pourrait peut-être en discuter, vous en pensez quoi ? » Son esprit était ailleurs ; la présence de l’inspecteur ne fut rien d’autre qu’une présence inexistante, invisible et trop lointaine pour être perçue par ses sens. Sortie de sa torpeur, elle remarqua son tic nerveux, ce mouvement de maxillaire inférieur, comme s’il broyait de l’air. Il n’était pas sûr de lui. Elle accusa l’émotion d’être à l’origine de ce tic ou ce manque de sommeil qui l’accablait. Elle devait sauter ou le regretter à jamais. « J'aime beaucoup cet endroit. New York au petit matin, c’est surréaliste, déclara t-il en jetant de furtifs regards inquiets sur la jeune femme, qui les yeux fermés semblait être loin de tout ça. Et vous, vous aimez New York ? On a une merveille vue de la baie d’Hudson par ici et s’il n’y avait pas tous ces immeubles, on pourrait se croire sur une île ». Les mains dans les poches il cherchait à gagner sa confiance. Elle le regarda sans vraiment le regarder. « Je me demandais si je pouvais vous offrir un café ». La question précédente lui parvint enfin et la chute vers le monde réel s’accompagna d’une impression de déjà vu. Elle dévisagea l’homme, se rappelant l’avoir appelé la veille, elle ne savait trop pour quelle raison. Oui elle se souvenait de son visage. Il était là à présent

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et elle ne pouvait sauter en sa présence, cela lui serait impossible. Et youn sortit de sa torpeur. « Un café ? — Oui vous savez cette substance noire que l’on avale pour se donner plus d’élan, une soudaine pulsion d’énergie quand on semble en manquer ou bien quand on en perçoit le manque». Il se passa un moment de silence où pleines de choses heurtèrent le crâne de la jeune inconnue. L’inspecteur la fixait, se balançant maintenant d’avant en arrière. Ce témoin pouvait donner l’alarme et mieux fallait reporter cela à plus tard. « Vous avez une cigarette ? » Oui, une cigarette. Il sortit son paquet de Marlboro de sa poche et le lui tendit. Elle en prit une et il l’alluma. Elle tira dessus calmement. La fumée se répandit autour d’elle venant s’ajouter à la couche de brouillard. « Je m’étais dit que j’arrêtais de fumer, souligna Zimmer. —Il n’est jamais trop tard. Vous commencerez après celle là». A présent, les sons alentour lui parvenaient. Les battements de son cœur laissèrent place aux milles bruits de cette métropole. Youn étudia la cigarette entre ses doigts tremblants. « Vous êtes un bon flic Andrew, ne laissez personne en douter. Votre heure arrivera, croyez-moi. » Interdit il se redressa. Leur regard se croisa. Elle baissa ses yeux bordés de longs cils. Elle avait tant de choses à dire, mais ne savait par où commencer. La cigarette se consumait. Youn se sentait en confiance auprès de lui comme jamais encore elle ne l'avait été depuis de longs mois, voire de longues années. « J’avais besoin de parler à quelqu’un. Je ne sais plus où j’en suis. Tout se précipite dans ma tête et… c’est bien moi qui vous ait appelé hier soir. J’étais passée au commissariat, mais vous n’étiez pas là. — Oui c’est fort probable. Je suis très occupé ces derniers temps ».

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Elle sourit. Elle avait trouvé ici un allié. Il allait lui sauver la vie. Elle serra ses doigts sur une minuscule ampoule. Le microfilm. Lui, rêvait d’être loin d’ici. « A quoi ressemblent les Enfers ? —C’est également la question que je me pose quand l’Enfer est bel et bien ici, à nos pieds. J’imagine que c’est un endroit chaud et plein d’âmes qui jamais ne trouveront le repos qu’un Dieu quelque part leur refuse. —Ce matin j’ai...J’ai pris le métro. C’est la première fois pour moi. J’ai longtemps marché avant d’arriver ici et… je suis aujourd’hui très fatiguée. J’ai pourtant une dernière chose à faire afin que vous compreniez le but de ma présence ici. —Ah oui et laquelle ? — Celle-ci… » Elle sauta. Il tendit la main pour la rattraper mais en vain. Elle venait de sauter. Comment cela pouvait être possible ? Elle venait de se foutre en l’air ! Non, il devait cauchemarder. Il ferma les yeux… Rêvait il encore ? Etait-ce bien réel ? Des plus paniqués, il appela l’ascenseur, mais l’engin descendait lentement, trop lentement à son goût. Andrew sentit que quelque chose n’allait pas. L’ascenseur arriva au rez-de-chaussée. Du monde attendait en bas et il les bouscula sans s’en excuser. Il n’avait pas le temps pour ça, une jeune femme venait de sauter du building. Il se précipita vers la sortie, le cœur battant la chamade. New York réveillée et les piétons s’amassaient sur les trottoirs. Les taxis stationnaient le long de l’immense édifice. Il tourna sur lui-même. Il chercha la femme… du moins, son cadavre. Il ne le trouva pas. Pourtant, elle avait bel et bien sauté. « Merde ! Chiotte ! Quel con ! » Il prit son Samsung et sans quitter de vue les hommes postés là appela Mills, son nouveau collègue. Il n’avait pourtant pas rêvé. Alors où pouvait bien être ce maudit corps ?ème « Mills, j’ai besoin du coroner au coin de la 101 et de Broadway. Une femme vient de sauter d’un building et…

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— Oh ! Lança une piétonne. Vous pourriez faire attention quand même ! » Il ne leva pas cette remarque, quand soudain… Youn sortit du building. Leur regard se croisa. Cela était à ne rien comprendre ! Elle avait pourtant bien sauté non ? Pour en avoir le cœur net, il se mit en tête de la poursuivre, mais il la perdit dans la foule. « Tu peux répéter Zim ? » Il l’avait oublié son co-équipier au bout du fil. —Je te reprends plus tard, d’accord ! » Toujours en courant, Youn gagna la première station de métro pour s’y engouffrer. Son cœur battait fermement dans sa tempe. Elle ne savait pourtant pas où aller. Les voitures de police fonçaient en faisant aboyer leurs sirènes. Elle pénétra dans la rame de métro quand Zimmer arriva, mais trop tard, sur le quai. Zimmer, assis dans son fauteuil fixait son mug de café noir. Journée merdique. D’abord l’intervention manquée dans l’Upper West side, puis l’engueulade de son patron pour une broutille de flics. Un jour sans, à ajouter à sa liste de journées merdiques. Satanée journée et moi qui pensait… Il enfila son manteau et fouilla dans son tiroir à la recherche de son calibre 30. Les bras croisés derrière la tête Mills l’étudiait attentivement. « Où est-ce que tu coures encore Zimmer ? — J’ai fini ma journée Scott. —Une journée de six heures, t’appelles ça une journée, toi ? — Oui, si l’on compte les heures sup ! » Il allait s’en aller quand Scott Mills jeta une balle de baseball vers son co-équipier. « Très bon réflexe vieux ! Dis-moi c’était qui cette nana ? La meuf dont tu parlais ce matin, la grande suicidaire ! —J’en sais rien. —Comment ça tu n’en sais rien ? Tu appelles sur mon poste mon pote et puis plus rien. ZZzzou tu affirmes qu’il ne s’est rien passé. Moi je ne te crois pas. Tu sais tout le monde pense que tu es cinglé mais à ce stade de la compétition j’avoue de supplanter.

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—Ah oui vraiment je serais heureux de l’entendre mais pas maintenant Mills ». Une fois à l’extérieur de l’édifice, il gagna sa Dodge pour s’installer au volant. Il aurait au moins un bon quart d’heure à perdre dans sa bagnole avant d’arriver chez lui et prendre une bonne douche. Il habitait un loft à Harlem dont le courrier s’amassait sur le sol. Il le ramassa sans même prendre le temps de le consulter. Son chat Marlowe l’avait abandonné, ce salaud. La vaisselle s’amoncelait dans l’évier et les cartons de pizza recouvraient son sofa. L’odeur de renfermé et de tabac froid rappelait certains squats et si vous vous penchiez vous reculeriez d’épouvante à la vue de cafards vivants et morts grouillant derrière les rares meubles. Il posa sa veste sur son canapé et tandis qu’il déboutonnait sa chemise, il écoutait son répondeur. Toujours les mêmes appels. Sa pauvre mère qui se faisait du souci pour la vie de flic qu’il menait, son ex petite amie d’université devenue Attorney ; son frère Willie se demandant quand ce dernier passerait les à Los Angeles. Il éteignit l’appareil et jeta la chemise au loin. En cette fin de journée, il voulait tout simplement décrocher. Je suis minable, difficile de faire plus minable. Et il partit dans la salle de bain. Son Samsung sonna. Glaciale cette eau ! Celle-ci lui fit du bien et soutenu par ses bras, il laissait l’eau ruisseler sur son dos. Il pensa encore à la jeune femme et l’effet de l’eau plus celui de ce souvenir lui glaça le sang. Il devait penser à autre chose. La folie petit à petit le gagnait et il ne pourrait rien contre elle ; le mieux serait de ne plus y penser, alors il concentra son attention sur l’eau fuyant entre ses pieds. Youn atteignit sa planque après de longs détours. Elle avait peur de ce qui allait se produire, car cela allait se produire dans les jours à venir. Elle devait le prévenir de tout. Assise sur le lit, elle laissa ses oreilles apprivoiser les bruits extérieurs de New York, cette véritable jungle. Il va me protéger, il est là pour cela.

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On frappa à la porte. « Youn, c’est moi… » Alors elle ouvrit à Matthew Lange, celui qui l’hébergeait depuis son arrivée au 13 janvier. Le ténébreux Lange portant son sac à dos sur son hoodie, pénétra les lieux, une pizza à la main. « Alors ? Tu l’as vu ? Etait-ce comme dans tes rêves ? » Elle ne répondit rien, les jambes en tailleur, convoitant la pizza fumante coincée dans cet emballage de carton. « Et cela a donné quoi ? —Je n’en sais rien. Les hommes sont difficiles à cerner. Il y a tant de mystère en eux. J’ai croisé une vieille femme dans la rue et elle m’a remise toutes ses économies en me disant d’aller m’offrir ce que je voulais. J’ai refusé mais elle a insisté. Je crois que je lui ai faite pitié. —Toi ? Cette clodo devait être trop ivre pour voir à qui elle avait à faire, ironisa-t-il la bouche pleine. Mange avant que cela ne refroidisse. C’est une pizza de chez Luigi, le meilleur pizzaïolo de Manhattan ! Ce qu’il fait, c’est…une tuerie. —Une tuerie ? C’est une expression d’ici ça ? —Ouais. On l’emploie quand on admet que certaines cochonneries alimentaires surpassent les morceaux de choix vendus 45$ dans les restaurants de la 5ème avenue ! Alors, tu en penses quoi ? —Hum….c’est une tuerie ! S’exclama-t-elle, savourant sa part. J’admets que c’est bon. Tu sais Matthew je n’ai pas d’argent pour te payer. —Je t’ai déjà dit que ce n’était pas important pour moi. Je le fais parce que je ne peux te laisser ainsi. C’est un peu moche comme situation, alors je ne saurais la compliquer davantage. Tu restes ici autant de temps que tu veux. Je sais que ce n’est pas l’Hilton ici, mais c’est toutefois mieux que rien. —Hilton ? C’est quoi Hilton ? —Une chaine d’hôtel. » Perdue dans ses pensées, elle le fixait sans vraiment le voir. Lui mangeait, se délectant de ce plat de choix et la bouche pleine, ouvrit son portable. « Et alors cet inspecteur ? —C’est plus compliqué que tu ne le crois. Il aurait pu… il aurait du voir ! Je me tenais très près de lui et

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j’ai sauté dans le vide mais il est resté comme pétrifié. » Matthew cessa sa mastication. « Tu as sauté dans le vide ? Alors, moi je comprends qu’il ait flippé. Tu sais ces types-là ne sont pas de grands rêveurs. Ils sont cartésiens et aiment donner des vérités scientifiques à ce qu’ils voient. Ils sont assez rasoirs et parfois on se heurte à une barrière infranchissable. —Alors je vais aller le retrouver. —Non, attends tu divagues ? Pas ce soir ? Je veux dire…. C’est un peu tôt. Peut-être bien que tu devrais le laisser un peu cogiter, trouver les indices lui-même et il finira par te retrouver. —Mais le temps presse ! J’ai besoin que tu me déposes, là où il vit. —Maintenant ? Et qu’est-ce qu’on fait de la pizza ? » Avant de contacter Zimmer, elle avait rêvé qu’une force l’attirait irrémédiablement vers le bas. Le mouvement de la rue s’amplifiait à ses pieds. Ces monstres la poursuivraient. Elle les vit venir vers elle, mâchoire ouverte et crocs acérés. En pleine chute elle déploya ses ailes et essaya de les fuir, mais s’écroula telle une masse, les ailes brisées, sur l’asphalte du trottoir. Etendue sur le sol et baignée dans son sang, elle tenta de ramasser un micro film quand une lourde chaussure se posa sur sa main. A ta place, je ne ferais pas cela. Se débattait avec rage pour chasser ce mauvais rêve, Youn vit l’homme-créature tuer Zimmer et elle se débattit avec rage, tout en appelant à l’aide. D’un bond, elle se mit debout. Une voiture de police passait à vive allure, toute sirène pimpante. Il venait de pleuvoir et la chaussée demeurait glissante. Personne dehors, excepté ces clochards se regroupant autour des foyers de combustion. Rester sur place c’était s’exposer au Mal dans toutes ses formes et sa priorité restait la survie de l’humanité. Notre Youn arriva à Greenwich à 0200 du matin et sonna à la porte n°123. Personne ne semblait être là. Zimmer pouvait être sorti. Impatiente, elle laissa son doigt sur la sonnette. Enfin la lumière s’engouffra sous

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la lourde porte, des serrures furent tournées avec violence et la porte s’ouvrit laissant échapper une odeur de putréfaction. Non mais je rêve là ? Il resta interloqué sur le seuil, ne sachant que faire. Sans demander son reste, elle rentra en tendant de la bière. Zimmer n’en crut pas ses yeux et pourtant ils étaient ouverts. Il voulait des explications rationnelles, sans pour autant savoir comment les formuler. Youn jeta son manteau sur le canapé et tenta un timide sourire. Il la dévisagea, des plus perplexes, médusé et angoissé. « Que faites-vous ici ? Et qui êtes-vous ? Le grand numéro de la suicidaire c’était pour qui, hein ? Vos petits copains planqués aux étages inférieurs ont du bien se marrer en me voyant sur les trottoirs. J’ignore comment vous vous y êtes pris mais ce genre de blagues est loin de m’amuser. Alors ? — J’ai essayé de vous joindre au téléphone, mais vous ne répondiez pas. Il n’y a rien à manger ici, questionna cette dernière en plongeant son doigt à l’intérieur d’une boite de conserve. C’était quoi ça ? Des haricots ou bien des vers ? Peut-être les deux ? —Ecoutes, je… j’ignore qui vous êtes et je ne veux pas utiliser la manière forte pour vous ficher dehors, alors ayez l’intelligence de partir de vous-même avant que mon sens de l’hospitalité touche à sa fin. —Arrêtez-vous Andrew, je vous sens tendu comme un nerf de bœuf. Je me prénomme Youn Morgan et je suis votre ange-gardien. —Ma quoi ? Vous vous payez encore de ma tête or je n’ai plus beaucoup d’humour. Youn, c’est ça ? En d’autres circonstances j’aurai peut-être apprécié cette entrevue mais là, je crains ne pas être celui qu’il vous faut. —Je sais Andrew. Ne croyez pas que je sois ignorante et si j’interviens aujourd’hui c’est bien pour la survie de l’Humanité. Je savais que vous réagiriez comme ça et c’est pourquoi je tiens à éclairer votre lanterne. — Essayez toujours. J’ai besoin d’être impressionné en ce moment.

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—Ne soyez pas si cynique, cela va pour Mills mais pas pour vous. On m’a chargé de veiller sur vous. Comme cela va être long, merci de ne pas m’interrompre. Les questions seront à poser plus tard. Alors donc voilà, j’ai grandi loin de New York, loin de la civilisation. On est recruté sous différents critères et j’ai ensuite obtenu mon agrégation avec succès. La liste de mes potentiels protégés s’élevait à 230 personnes dont seulement 110 correspondaient à mon profil. Vous étiez dans cette liste Andrew et j’étais impatiente de faire votre connaissance. Les occasions n’ont pas manqués : il y eut Sand Creek, le Nevada, la baignade en Ontario et récemment votre incident à la Monument Valley et…je vois que je vous ai perdu. —Vous avez rencontré ma mère et mon frère j’imagine. Ils sont assez loquaces depuis… sortez s’il vous plait ». Youn décapsula sa cannette de bière et la glissa dans sa direction. «Votre femme d’où elle est vous observe. —Ne parlez pas de… de ma femme ! Je vous interdis de parler d’elle, est-ce clair ? —Alice me dit qu’il te faut t’accrocher et continuer à y croire, poursuivit-elle en larmoyant. Dehors ils ont encore besoin de toi. Rome brûle et…Alice me parle souvent de ce chandail rouge et demande si tu y prends soin. Je suppose qu’elle doit parler de celui-ci. J’aimerai un verre d’eau avant de partir ». Seule dans le salon, Youn finit par s’allonger. Quand il revint elle dormait à poings serrés. Il posa le verre d’eau et trouva une couverture pour la recouvrir. Tu rêves mon pauvre gars, cette fille te mène en bateau. Depuis des jours, dans l’attente du moment favorable pour enfin s’exposer au grand jour, Youn n’avait pas dormi aussi bien. « Mills, c’est moi. Peux-tu passer à mon domicile, mon problème est revenu. La fille dont je te parlais ce matin est là, dans mon salon. Il est possible que je divague, que je vois des choses que nul autre ne voit. C’est pourquoi j’ai besoin que tu rappliques sur-lechamp ».

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Vingt minutes plus tard il sonna à la porte. Calmesmoi mon grand, ce n’est que Mills. Et lui d’entrer prestement les mains dans les poches et le col de son manteau redressé sur son cou. « C’est une chance pour toi, je traînais dans le coin. La femme de ménage s’est taillée ou quoi ? Putain c’est elle ? Où est-ce que tu es allé chercher ce morceau-là vieux ? Elle est… on reconnait les bons amis là, puisque c’est moi que tu appelles pour te délivrer de tes petites aventures de la veille. Tu lui a donné ta bouffe à manger ou quoi ? —Alors elle… elle est bien réelle ? Tu la vois comme je la vois n’est-ce pas ? —Ah ça oui ! En chair et en os ». Et son regard se posa sur les cannettes de bières. « Tu l’as saoulée, ce n’est pas très orthodoxe comme façon de faire. —Non, elle s’est écroulée de fatigue après avoir parlé d’Alice et de mon incident à la Monument Valley et de tas d’autres événements de mon passé pendant lesquels j’ai failli clampser. Tu crois cela ? Je veux que tu fasses des recherches sur elle. —C’est bien Andrew il faut avancer. Alice aurait voulu ça. C’est étrange ce que je vais te dire mais…j’ai bien vu ce matin à ton regard. Elle te perturbe et c’est un excellent début, un excellent début. Une rencontre comme celle-ci c’est une aubaine dans ta carrière d’inspecteur sur le déclin. —Merci j’apprécie ton soutien. M’aideras-tu oui ou non à m’en débarrasser ? » Et Mills de se lever pour fouiller dans le manteau usé à la corde de la jeune étrangère. « Tu n’as pas pensé à commencer par là ? Zimmer, la clef de tes réponses se trouve ici ! Voyons voir…il y a parfois autant dans les poches que dans les sacs de nos pépées. Tu ne vas pas me croire, elles sont vides. Bel et bien vides. —Elle dit s’appeler Youn Morgan et m’a parlé d’un bazar, une sorte d’école probablement un Institut psychiatrique. Les fous reconnaissent les fous entre eux et celle-ci ne peut pas taire sa nature. Quoi ?

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—C’est marrant que tu dises ça parce que…jusqu’à ce que je n’arrive, tu n’y croyais pas persuadé que ton esprit te jouait des tours et maintenant tu feins la supériorité de ton mental. —Elle a sauté d’un building et je devrais continuer à croire que cette action est des plus anodines ? Normal, on vit à New York et ce genre d’événements se produit tous les jours sans personne n’ait à redire. Cela fait partie du quotidien de ces dix neuf millions d’habitants, banlieues comprises et quand l’un de ses sombres crétins est pris à témoin alors là, on fait venir toute cette armada de gens-foutres pour vous torcher le cul ! Cela rime à quoi, je te le demande ? Ah rien ! Tu viens de commencer dans ce service Mills mais bien vite tu vas devenir imperméable à cette merde ou bien tu trouveras ton salut dans les narcotiques, l’alcool et j’en passe. Tous des gensfoutre ! —Tu es en colère ? —Je le suis oui ! —Mais elle est en vie. N’est-ce pas là un détail à considérer ? —Ne te fous pas de moi ! » Les deux hommes s’observèrent. Tu n’es qu’un gros naze, Mills lui-même s’en aperçoit. Notre Zimmer croisa les bras, le cul posé sur sa commode portant les griffures de Marlowe, ce maudit chat et Mills de remarquer son absence. « Hey ! Où est donc passé ton félin, celui qui avait un comportement de taré ? Lui aussi tu l’as viré manu militari ? —Il a trouvé un autre foyer. Quoi de plus normal pour un matou fugueur à moins que la définition du félidé : animal de basse extraction, à l’intense besoin de reproduction et sans grande attache tout particulièrement avec le genre humain. Je ne pouvais pas mieux tomber. Au moins mes meubles seront épargnés. —Alors je préfère m’en aller. Il est préférable que tu fasses davantage connaissance avec cette séduisante créature.

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—Non. Mills ? —Mon intervention est un peu comme un appel de l’OPP (One Police Plaza) en pleine partie de jambes en l’air, c’est un crime contre la perpétuité de l’espèce ou plus prosaïquement à l’acte charnel définissant les préliminaires, le coït, la jouissance et le lâché de futurs petits Zimmer ou de petites Morgan. C’est une excellente entrée en la matière pour… tu sais là… comment tu appelles-ça déjà ? La digne reproduction. —Je ne vois pas le rapport. —Alors je vais te laisser y réfléchir. Je dois y aller, suis mal garé en fait et on se revoit demain de toute façon, à moins que ta Juliette n’ait pas l’antidote à ton malheur ce qui aurait pour effet d’aggraver ton cas. Je file d’accord. Restes positif et travailles-la bien. En toi je crois ». Resté seul avec l’inconnue, Zimmer n’en crut pas ses yeux et après s’être frotté le crâné se dirigea vers sa kitchenette à la recherche de quelques substances alimentaires non périmées. Seul restant, le beurre de cacahuète. Et merde ! Ça non plus, tu es incapable de gérer. Il envoya tout par terre, pris dans un excès de colère. « Merde ! Merde ! » Le chat gratta contre le carreau. Immédiatement Youn se réveilla, elle aimait les chats, leur côté mystérieux cela allait s’en dire et celui-là, elle le trouvait amusant avec ses tâches marron sur le dos et son pelage long et soyeux. Marlowe jeune femelle affectueuse ce soir-là avait décidé de rentrer dormir au chaud. Youn sourit, ouvrit la fenêtre pour la prendre dans ses bras. Non effrayée le chat se laissa faire. Zimmer tendit l’oreille. La jeune femme manifestement ne dormait plus et prenait certaines libertés comme celle d’ouvrir la fenêtre en pleine nuit. Le cœur battant à grande vitesse. « Je vous ai réveillé ? Regardez un peu qui on a, regardez qui vient nous rendre visite ! Marlowe dit bonsoir à Andrew ». Incrédule il se frotta l’arête du nez. Vires-la, qu’on en finisse une bonne fois pour toutes ! Cette inconnue connaissait le nom de son chat…Impossible. D’in geste

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confus voire fébrile il remplit le filtre de café et en tremblant s’alluma une cigarette. « Je ne dormais pas. Je ne dors plus depuis des mois. —Je sais. Mais tu n’en es pas responsable Andrew. Arrêtes de te fustiger de la sorte, tu n’y gagneras rien. Apprends à faire le vide dans ta tête. —La ferme ! Merde ! J’aimerai vraiment que tu te taises ! C’est bien plus que je ne peux tolérer, alors cesses un peu de parler !’ » Prenant un air désolé, notre inconnue regagna son sofa et replia ses jambes sous ses fesses. Dehors la pluie tombait depuis de longues heures et New York semblait prise sous un manteau de poix, visqueux et noir. Il pleuvait et les dernières précipitations menaçaient de faire déborder l’Hudson hors de son lit. Le nez dans la manche de son pull, Youn écouta le martèlement de la pluie contre le carreau gras et sale de l’appartement-squat de Zimmer. Prenant sur lui il vint s’assoir près d’elle. La sirène d’une patrouille se fit entendre et les pneus crissèrent sur la chaussée. « D’où est-ce que tu viens, hein ? Tu as bien un chez toi ? Je doute que tu vives dans la rue et dans moins d’une heure je pars travailler, alors je ne peux te garder ici. —Je vis chez un ami. Il étudie l’informatique et il est adorable. On mange des pizzas et… —C’est génial ça ! Et bien, pourquoi ne pas retourner chez lui pour… continuer cette conversation. Lui au moins doit avoir une vie bien ordinaire pour se permettre de te délirer en ta compagnie. Pas franchement gentil mon comportement mais là, Youn, je suis las. —Là d’où je viens…. —Non, je me fiche de l’endroit d’où tu viens ! Ce que je veux, c’est que tu t’en aille et… —je me suis évadée pour te retrouver Andrew. —Ok ! Tu t’es évadée d’un centre de détention, un institut, quelque chose dans ce genre et ensuite tu as décidé de venir me tourmenter ! Raisonna-t-Il dans un

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éclat de rire sarcastique. D’accord Youn, je vais prendre les choses en main, le temps pour moi de prendre une douche et je te dépose où tu veux. » L’eau de la douche coulait avec abondance. Sur la pointe des pieds, elle déposa le microfilm, prit ses affaires et jeta un dernier coup d’œil au couloir. Personne. Elle pouvait s’en aller comme elle avait l’habitude de le faire : avec audace et discrétion. Soulagé par son départ, notre inspecteur s’assit sur le sofa quand il remarqua son portable noyé dans le café. Tenter de le sauver serait bien inutile, tout le système et la carte-Sim avaient cramés. Pauvre con, tu n’as jamais eu de chances avec les fous ! Marlowe bondit dans ses jambes en sifflant, le poil hérissé et le dos rond des matous apeurés. Ce chat semble te renier on dirait. Il tenta d’amadouer le chat. Ce dernier le griffa avant de détaler. « Aïe, sale bête enragée ! » Dieu seul sait quel germe Marlowe allait lui transmettre. Il irait au boulot de bonne heure. Cela lui changerait les idées. A cinq heures du matin il n’y avait guère de monde dans les rues. Youn descendait les marches pour déboucher sur le quai. Le métro venait de partir il lui fallait attendre le suivant. Zimmer roulait vers son lieu de travail quand on l'appela sur les ondes. Un homicide non loin de l'endroit où il se trouvait. Sa journée commençait ainsi : par les horreurs de la vie. Le Gyrophare installé sur le capot de son véhicule il appuya sur l'accélérateur. Des flics en uniforme quadrillaient la rue. On le laissa passer à travers le cordon de sécurité. Les curieux regardaient, tentant d'apercevoir quelque chose. Mais en vain. « Tiens donc une revenante ! Qu’est-ce que tu fais là Zim ? Questionna Orson Dewindt. J’étais persuadé qu’on ne te verrait pas avant un long moment, coincé entre la paperasse et ton thérapeute. Il te prescrit quoi en ce moment une bonne dose de volonté ? Ravi de te revoir. Entre nous cet Mills se donne beaucoup de mal pour arriver à ta cheville. —Gardes tes salamalecs pour toi ».

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Le corps étendu sur l’immonde moquette souillée de sang et de cervelle réduite en bouillie restait dissimulé sous un drap mortuaire. Zimmer enfila des gants en caoutchouc, souleva le drap et tomba d'effroi devant ce qu'il voyait devant lui. L'homme mort était un flic. Son collègue de travail, un certain David Gorse-Walker. « Qu'est ce qu'il s'est passé? — Pour le moment personne ne le sait vraiment. D’après la voisine il aurait reçu une visite de bonne heure. Une femme de type caucasien, cheveux très longs et plutôt svelte. C’est tout ce qu’on a. Les voisins du dessous se seraient plaints du bruit et quand nos gars sont arrivés, il était déjà froid. Un crime passionnel tu crois ? — J’n’en sais rien. A quelle heure précise aurait-on entendu du bruit ? —Cinq heures quinze. Tu devrais aller voir avec Mills. C’est lui le limier dans l’histoire, moi je pars grailler. Ma femme est au régime et je pourrais manger le cul d’un rhino tellement j’ai la dalle ». Devant l'ordinateur, Zimmer n'arrivait à se concentrer. Le monde gesticulait autour de lui, pareille à une ruche et lui, le seul parmi tout ce monde à rester immobile. Le nez dans son mug de café il n’entendit pas Mills lui parler. Néanmoins boulette de papier eut raison de lui. « Tu dormais la bouche ouverte et ce n’est pas beau à voir l’intérieur de ton palais, crois-moi. Tu devrais consulter quelqu’un pour tes troubles du sommeil, parce là tu as vraiment l’air d’un zombie, une sorte de mutant sortant d’un comics de Marvel. Que penses-tu de tout cela ? —De quoi tout ça ? —Et bien du meurtre. Une femme vient l’abattre, lui à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession. Je ne peux pas croire qu’on lui ait fait sauter la cervelle. Mais peut-être suis-je trop naïf et je me fourvoie complètement sur mes collègues. Toi par exemple mis à part ton aspect de défoncé au crack, tu m’as toujours donné l’impression d’être un mec sur de lui, un peu comme un ecclésiastique, l’un de ses culs-

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bénits de catholiques, toujours à prêcher la bonne parole. —Je l’étais oui. —Quoi ? Un cul-bénit ? —Non un séminariste, sombre crétin ! J’étais jeune et sous l’influence de mon père et surtout de mon oncle à la tête d’une paroisse dans le New Hampshire. Le bon catholique que j’étais aurait pu suivre cette voie mais Alice est entrée dans ma vie…j’ai fait le choix qui m’a semblé être le plus juste pour moi. Je viens de casser le mythe du bon cow-boy en te faisant cette confidence. —Tout le monde est au courant ici, mais on t’aime bien quand même sois sans crainte. As-tu déjà célébrer ? —Oui à Rome, lors de mes années de théologie ». Youn aussi avait eu vent de tout cela pour monter son coup. Sa tasse de café vide, Zimmer se leva pour la remplir de nouveau. Oui il se souvenait clairement du Vatican et de l’oncle Paul ; son père déçu par son choix refusa de le voir. A sa mort, sa mère brisa le silence. Andrew la chair de sa chair ne devait être mis à écart. Lox Angeles. La Cité des Anges ! Depuis des années, il repoussait la date de sa visite. Il disait ne pas avoir le temps et surtout n’avoir rien à leur dire. Le temps perdu ne se rattrapait pas. Jamais. « Le public de fidèles ne devaient être composés que de vieilles peaux de papistes. J’ai déjà eu une petite amie catho. —Vraiment et quelle leçon en as-tu tiré ? —Un super bon coup cette Caroline. Regarde qui arrive…ton grand gourou de Duran ». Un géant arriva en costume noir, se déplaçant entre les tables tel un rétiaire prêt à jeter son filet sur son ennemi et le planter de son trident. Mais à la Plaza aucun secutor pour l’attaquer et les muscles saillants sous sa chemise blanche, il broyait des épaules en guise de salut. Zimmer tourna sur lui-même pour l’étudier. Oh oui le gladiateur entrait en scène et tous s’effaçaient sur son passage.

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« Salut les petits gars. Zim je peux te parler un instant. En privé…c’est au sujet de ton appel d’hier soir. —Tu peux y aller Mills est déjà au courant et je n’ai pas de secret pour lui, tu le sais bien. Alors parles avant que ton temps n’expire. —Allons bon, comme tu voudras. Il n’existe pas de Youn Morgan. J’ai à ta demande fais le tour des différents centre psychiatriques de la côte-est, du middle west et d’ailleurs ; cela n’a rien donné. Cette Morgan n’existe pas. Il est fort possible que tu aies été en relation un imposteur plus qu’un usurpateur. C’est là que tu interviens dans mon investigation car ton aide me sera des plus précieuses pour définir un portrait psychologique de cette étrangère. Enfin votre aide à tous deux sera plus que nécessaire, affirma ce dernier en s’asseyant le carnet à la main. Bon alors on reprend… Dans quelles circonstances as-tu croisé cette Morgan ? —J’ai reçu un appel. Elle demandait à me rencontrer pour…enfin j’ai pensé qu’elle voulait se fiche en l’air et on s’est rencontré sur le toit d’un building aux environs de dix heures dix. —Elle voulait se foutre en l’air ? » Voyant la gêne de Zimmer à parler d’un tel sujet, Mills quitta son bureau embarquant avec lui dossiers et crayons. Le silence s’installa entre les deux hommes et nerveux, notre inspecteur inspira profondément avant de poursuivre : « C’est ce qu’elle m’a fait croire. Elle a sauté et… quand je suis descendu, j’ai eu le temps d’appeler Mills pour faire venir l’escouade mais…je l’ai vue sortir par la porte du building. —Mais tu l’as vu sauter n’est-ce pas ? —Oui à une certaine distance oui. J’ai cru avoir perdu la raison jusqu’à ce qu’elle apparaisse de nouveau, chez moi cette fois-ci pour tenir des propos incohérents. Elle dit être…mon ange gardien. —Et vous la croyez ? —Bien-sûr que non ! C’est absurde !

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—Pourtant vous croyez en l’existence du bien et du mal, à l’Enfer et au Paradis. Satan n’était-il pas un ange déchu ? Où est donc passé votre Foi en l’Eglise ? Qu’avez-vous fait de vos principes, vos préceptes et votre érudition ? » Pris à la gorge, notre Andrew soupira. Alors quoi, tu vas te démonter Andrew ? Vas-tu le laisser t’humilier ? Zimmer fixa ses mains, constatant leur tremblement. Cela n’aurait de cesse. « Je suis inspecteur de police à la Criminal Intelligence et je tiens ma raison des sciences comme tout bon cartésien. Il y a bien longtemps que je n’ai prié seul ou dans la communauté. De l’Eglise je n’attends plus rien. Je côtoie la mort tous les jours et…aucune prière n’a pu permettre d’éradiquer la souffrance des hommes et Dieu est témoin de toutes ces horreurs sans pour autant nous apporter son salut. Voilà où se situe ma Foi. —Qu’est-ce que ton médecin te prescrit pour tes convulsions ? Tu ne peux rester ainsi mon vieux, au risque de voir cela s’aggraver. —J’ai survécu à pire ». Les bras croisés sur sa poitrine, son regard croisa celui de Scott’Mills au loin ; son collègue ne pouvait rien pour lui. Il le voyait dépérir de jours en jours sans parvenir à le soulager de tous ces maux. Zimmer se gratta le crâne quand son attention fut concentrée sur le tatouage sortant du cou de Duran. Il ne l’avait pas celui-là la dernière fois. Lui Duran de resserrer le nœud de sa cravate sans lâcher l’ancien prêtre des yeux. « Donc nous avons à faire avec un ange qui aurait sauté d’un building ? —Je n’ai pas dit que j’y croyais, je dis seulement que…laisses-tomber Duran. —Etais-tu apaisé en sa présence ? T’aurait-elle fait l’effet d’un relaxant ou d’une autre sensation identique à de puissants narcotiques ? Elle, d’après Mills semblait complètement défoncée. De quoi avez-vous parlé avant qu’elle ne s’endorme ? —De rien d’intéressant.

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—J’ai besoin de savoir Zim. Une aliénée court dans la rue et Dieu seul sait quels autres tours elle sera capable de te jouer. Parles-moi d’elle plus en détail, murmura Duran en se penchant vers l’inspecteur. Mills la trouvait bandante, était-ce également ton avis ? —Oui elle est assez agréable à regarder. — Décris-la-moi. —Cheveux très longs et très noirs, taille 1M73 environ, mince et belle poitrine. Bouche mutine et grands yeux très expressifs, traits fins et elle ne doit pas avoir plus de 20 ans ». Le sourire apparut sur le visage de Duran. Il jubilait. « J’aurai du m’en douter, il fouilla dans sa poche pour extirper la photo de Youn Morgan. Est-ce cette femme ? —Oui, c’est …c’est exactement elle ! —Elle est connue de nos services, c’est en quelque sorte ce qu’on peut appeler une ESP. Elle développe de nombreuses capacités extrasensorielles dont celui en autre de connaître le passé d’un individu, voir le futur, déplacer des objets à distance ; de voir et d’entendre ce qui se passe à l’autre bout du monde. Elle disait juste en affirmant être votre ange gardien Zimmer. Sois sans crainte, elle reviendra te voir et à ce moment-là contacte-moi sans la moindre hésitation. —Vous la connaissez dis-tu ? Qui « vous » ? Cela englobe-t-il la NYPD ? Si c’est le cas j’ignorai qu’on avait des parapsychologues dans les étages ; alors doit-on craindre une invasion martienne ? » Duran se leva quand Zimmer eut une dernière question : « Quel est son nom, son véritable nom ? —Cette information je ne peux te la divulguer pour le moment. Contentes-toi de m’appeler quand la belle réapparaitra ? » Capacités extrasensorielles. Il chercha le sens de ce mot sur son PC et il prit des notes : le nom des différents rédacteurs de blogs et celui de médium ainsi que leurs coordonnées. Il se prêtait au jeu des recherches avec un déconcertant relâchement se fichant bien de ses supérieurs.

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« Le médecin légiste va pratiquer une autopsie sur le cadavre de Gorse-Walker. J’en ai assez de toute cette paperasse ! Toujours et encore, des tas de pages à rédiger pour ces foutus rapports ! J’aurai besoin de vacances avec la petite Youn Morgan par exemple. —Quoi ? Qu’est-ce que tu viens de dire ? —Ah enfin j’ai ton attention. Tu mates un site de boules ou quoi ? Tu as l’air tellement concentré que le doute n’est pas permis. Le grand moustachu veut nous voir sur le terrain mais in continue d’aboyer sur ces putains de rapports ! Ils nous ont retirés l’enquête pour la coller à cette sangsue de Dewindt et toi tu ne réagis pas ? D’habitude tu es plus combattif que cela. —Crois-tu au paranormal ? —Qu’est-ce que…Oui les bons films avec les esprits sont les meilleurs. Je pourrais t’en citer des tonnes mais tu n’as vocation à m’écouter plus de dix minutes. Duran t’aurait-il implanté une idée dans la tête ? Il est extérieur à nos services, ce n’est qu’un consultant dans le profiling et si ce psychiatre aime te balader au gré de ses humeurs, tu es libre de dégager avant que les affaires internes ne mettent leur nez dans tes affaires personnelles. Tu as déjà été mis en examen pour avoir subi trois mises à pied pour un abus de force. Méfies-toi de ce type, il t’enculera si cela lui permet d’atteindre les hautes sphères. —Pourtant cela ne t’a pas empêché de le contacter hier soir et de le tenir informer de mes ennuis. Tu as su trouver son numéro, alors oui j’apprécie ton soutien à sa juste valeur. —Quoi ? Je ne l’ai jamais appelé et comment auraije pu le faire ? Je n’ai pas son numéro dans mes contacts. Quand bien même je l’aurai je me vois mal le contacter pour balancer des cochonneries sur toi. Réfléchis un peu, qu’aurai-je eu à y gagner ? » Zimmer ferma la page de son moteur de recherche et les mains croisées derrière la tête il fixa Mills. Tu viens de te faire couillonner mon gros. Contrarié par cette révélation Zimmer décrocha le combiné de son poste et composa un numéro.

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« Le bureau du Dr Duran, j’écoute…Allo ? Lieutenant Zimmer, bonjour ! J’ai un message de la part du Dr Duran. Il m’a dit que vous appelleriez avant la pause déjeuner et… ah, le voilà ! Hazel Warren et voici un nouveau numéro pour le joindre 546-743-987. Bonne journée mon Lieutenant ! » Prestement Zimmer se leva et jeta son manteau sur ses épaules. « Je sors » Et Mills de pousser un hoquet de contrariété. « Tu débloques complètement là ! Où est-ce que tu comptes aller ? Zim, je te parle ! Zim ? » Dans la rue ce dernier marchait vite au milieu de ces New Yorkais encapuchonnés ou protégés de leur parapluie. Les voitures longeaient les trottoirs en envoyant de gerbes d’eau vers les passants ; une raison supplémentaire d’en vouloir à l’Humanité entière. Il poussa la porte d’une boutique de matériel informatique. Hans More appelé Oldman se présenta derrière le comptoir. « Zimmer, quel bon vent t’amène ? —Il faut croire que je m’ennuie de toi. —Tu n’avais pas envie de me revoir fils-de-pute et te voilà à jouer les Zorro pour le compte d’un état qui se fiche du sort de ses citoyens. Et on appelle cela démocratie. Laisses-moi me torcher le cul avec la constitution de ce foutu pays. Qu’est-ce que tu veux petit ? —Gorse-Walker a cassé sa pipe. —Oui je sais c’est moche. Mais on continuera à chier dans notre trou sans effleurer la sensibilité de ces bureaucrates. La criminalité reste en hausse depuis des années et la NYPD n’a plus les moyens de canaliser la montée de la violence. Le couvre-feu pour les gosses, le renforcement des caméras de surveillance publique et la délation d’actes suspects rend cet état nauséabond. Pour rien au monde je ne voudrais retourner à la Plaza, ici je jousi d’une certaine dignité qui me ferait presque oublier quel genre de crapule j’étais, l’un de ses ripoux. Mais le crime ne reste jamais impuni, fiston. Le jugement divin pour certain mais Dieu s’en branle de nos conneries

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d’ici bas. Tu finiras par sombrer dans le vice comme tous les autres, je ne me fais pas de soucis pour toi. —Je ne suis pas venu pour t’entendre déblatérez des jérémiades de mauvais chrétiens. Parles moi de Duran. —Duran ? Il n’y a rien à dire sur Duran. Il fait du bon travail et a sauvé plein de pauvres âmes de la dépression et du suicide ; c’est le meilleur de sa catégorie, un poids lourd dont le QI est supérieur à celui d’Einstein. Tu ne seras pas le premier à être impressionné par ses méthodes. En fin psychologue il débusque le gibier dans ces derniers retranchements. Il est fort instructif de travailler avec lui. Je crois qu’il a une sorte de… sixième sens. —C’est pourquoi je suis ici. Dernièrement je l’ai sollicité pour une Hazel Warren. Cela te dit quelque chose ? Il a dit que vous la connaissiez, alors je voulais en être certain avant d’entreprendre des recherches. —Non désolé, ce nom ne me dit rien. —Elle a été classée ESP, ce qui sous-entend son côté étrange, voire paranormal. C’était ton truc ça, le paranormal. —Oui une passion comme une autre. Et ? Tu voudrais peut-être que je rentre en contact avec elle par la pensée ? Ou bien que je me jette sur les rails pour attirer son attention ? J’en sais rien, petit essayes d’être plus clair, qu’est-ce que tu veux quand tu me parles de cette Warren ? Si c’est pour l’objet d’une enquête, n’emploies jamais les termes de ESP, de capacité extrasensorielle, de télékinésie et autres fioritures ; personne ne te prendra au sérieux, déjà que ton palmarès n’est pas folichon. —Crois-tu aux… aux anges ? Aux manifestations du divin ? —Les Anges demeurent sur la terre bien avant les premiers chrétiens et si les Hébreux les appellent les Messagers ce n’est pas pour rien. Toutes les religions se sont appropriées ces divinités en leur consacrant très peu de chapitres à leur sujet mais ces Intelligences n’ont pas réellement de lien avec le Dieu d’Israël. Tu devrais le savoir toi, le Vatican ne t’aurait-

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il rien renseigné sur leur sujet ? Quel est ce rapport avec Warren ? —L’intérêt de Duran pour cette dernière me laisse penser qu’elle n’est pas ordinaire. Il pourrait alors s’agir d’une entité… —D’une entité ? Ça c’est ton point de vue mais quand est-il vraiment ? Parle-t-elle aux morts ? Aux animaux ? —Oui elle développe toutes ces capacités comme celui de voir le passé et l’avenir. La télékinésie lui a permis de s’élancer par-dessus le vide et d’en réchapper. Elle dit vivre dans la rue après s’être enfuie d’un complexe. —Nom de Dieu ! Pourquoi n’as-tu pas commencé par cela ? Il peut s’agir du complexe Alpha situé dans le Colorado. Le gouvernement y parque des gens de type ESP. Ce complexe est souterrain mais il nous sera impossible d’en trouver l’entrée. Si notre Warren dit s’en être échappée, alors prends-la très au sérieux. Si Duran la trouve avant toi alors ton ange n’aura plus aucune raison d’être ». Remarquant qu’il était suivi Zimmer s’arrêta dans le renforcement d’une boutique afin de surprendre le type suspecté de le filer. Or ce mystérieux homme lui rappelait vaguement quelqu’un, une relation jadis croisée à Rome. Oui c’était cela ! Le père Matheson en personne ! Non cela ne pouvait être possible ce dernier étant mort il y a plus de huit ans de cela. Et pourtant… « Avez-vous du feu ? » Le rondouillard à la barbe fouilla dans sa poche et alluma l’inspecteur. « Jésus a dit : Que celui qui ne cherche ne cesse pas de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Et quand il aura trouvé, il sera troublé : quand il sera troublé, il sera émerveillé, et il régnera sur tout. Ceci provient du Papyrus d’Oxyrhynque 654 et écrit par Didyme Jude Thomas. Et cela s’adresse à toi Andrew ». En le voyant entrer, le visage défait, Mills lâcha sa discussion avec Bauer pour talonner son coéquipier. « C’est quoi ton putain de problème Zim ? Tu disparais pendant deux heures et je suis censé te

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trouver un alibi de circonstance ? Mais là, désolé, je sèche. Ils vont te coller une mise à pied. Est-ce cela que tu veux, parce que si c’est le cas ne me colle pas dans tes pérégrinations de névropathes. —Ne commences pas à me taper sur le système, ce n’est pas le moment Scott. Où en es-tu avec l’enquête sur l’homicide Miller ? Tu ne crois pas que tu devrais te pencher là-dessus plutôt que de faire chier ton monde ? » Dépité Mills ne répondit rien. Surgit du néant, une espèce de mendiant en haillons demanda à rencontrer Zimmer et comme on lui demanda son identité, ce dernier se mit à hurler : « La fin du monde est proche ! Les Ténèbres s’ouvriront pour laisser Satan et son armée prendre le contrôle de vos âmes ! La fin du monde est proche et le monde entier ne sera plus que cendres et larme ! » La sécurité bondit sur l’inconnu pour le plaquer face contre terre et le dernier écumant de rage continuait à enrager, l’écume au coin des lèvres. « Encore une de tes relations du moment Zim, bouta Mills en se balançant sur son siège. Quel sera le prochain fanatique à te réclamer ? » Et le numéro de Zimmer se mit à sonner. Numéro inconnu. Il décrocha les yeux rivés sur Mills. « Allo, j’écoute ! —Andrew je… » Son cœur battit en reconnaissant la voix de Youn Morgan. Il s’assit ou plutôt se cacher derrière son écran. « Que puis-je pour toi ? —Quelqu’un de ton entourage te veut du mal ». Il se tint davantage en retrait en serrant son téléphone contre son oreille afin de ne point divulguer d’informations au reste du service. « Et toi comment vas-tu ? —L’homme qui vient d’entrer et quelque chose à te remettre. N’aies pas peur de voir, Andrew et fuis pendant qu’il est encore temps. Ceux qui disent être ton ami ne sont pas aussi sincères qu’ils le prétendent. Vas voir cet homme je t’en prie. »

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Prestement elle raccrocha et Zimmer de rester coi un petit moment avant de se décider à approcher le clodo menotté contre le radiateur dans le couloir. Il empestait l’urine, la merde et des relents d’alcool. Une horreur ! De la crasse recouvrait ses vêtements et sa peau ; dans sa barbe et sa longue chevelure poivre-sel devaient grouiller poux et parasites en tout genre. « Ah Zim ! Je savais que tu viendrais ! Hi, hi ! Elle vient de t’appeler et toi tu veux te montrer confiant en l’écoutant. Approches-toi plus près pour que je puisse te sentir. Mes yeux n’ont plus pour fonction de voir mais je t’ai vu entrer et sortir de cet immeuble hier matin. Zimmer. C’est marrant comme tu hésites encore. Ne crois-tu pas en la réincarnation de la chair ? —Tu aurais quelque chose à me remettre, dit-on ? —Pressé de ficher le camp, hein ! J’inspire du dégoût et de la peur mais j’ose espérer que tu au deçà de mon apparence. Fouilles dans ma poche et prends l’enveloppe. Si tu es si rusé que Youn le prétend on verra où cela te mènera. Je crois que nous n’avons à présent plus rien à nous dire ». L’inspecteur tourna les talons et n’ouvrit l’enveloppe qu’une fois certain d’être bien seul. Une clef. La missive ne comprenait qu’une clef portant le chiffre 56. Combien d’heures passerait-il à résoudre cette énigme ? Il l’enfonça dans sa poche et sortit des WC pour tomber nez-à-nez sur Duran. « Ça va garçon ? Le grand chef est venu me voir et il veut que je te prenne en consultation une heure après le déjeuner pour faire un point sur tes téléologies. On dit que tu es encore fébrile et que tes absences se font de plus en plus remarquées. As-tu d’étranges visions ? Vois-tu des personnes mortes revenir à la vie ? —Non j’ai eu une période à vide mais ça va mieux. Ils n’ont aucune raison de s’inquiéter. —Tu sais que tu peux tout me dire. T’aurait-elle recontactée ? —Non.

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—Elle aurait pu t’appeler. Savoir si tu la soutenais dans son épreuve. C’est une femme en détresse et elle cherche à survivre dans cette jungle où elle ne semble être qu’une proie facile pour les crocs acérés des félins de la brigade. Tu penses avoir touché le fond Zim mais la chute risque d’être plus brutale si tu t’obstines à jouer les cavaliers solitaires. Alors si la mémoire te revient, contactes-moi, hein ». A toute vitesse il descendit l’escalier pour se rendre aux archives. Il signa un registre, puis un autre avant de fouiller dans un porte-documents portant la mention Classé et prestement tourna les pages les unes après les autres. Un bon café l’aiderait à tenir. Sa vue se brouilla. La respiration de son cœur s’accéléra. Il se pinça l’arête du nez, agita la tête et poursuivit avec la même hargne. Quand il trouva ce dont il était venu chercher, il ferma l’ensemble ; conduisit jusqu’à Brooklyn noyé sous un étrange brouillard et descendit de son véhicule devant un immeuble des plus défraîchis. Un visage déformé par le verre en relief apparut derrière la porte. « Il veut quoi l’inspecteur ? —Et bien je… je suis Andrew Zimmer et …je suis à la recherche de Scottie Banes et je sais qu’il réside à cette adresse. J’ai quelque chose à… enfin il pourrait m’aider à résoudre une énigme. —Quel genre d’énigme ? —Une clef portant le n°56. J’ai besoin de savoir. —Glissez la clef dans la boîte aux lettres ». Il se passa un long moment avant l’ouverture de la porte. D’une trentaine d’année et gothique à en juger par son apparence, MacKenzie Banes dit Scottie le dévisagea de la tête aux pieds et lui fit signe d’entrer. « Si je vous révèle des choses ne me citez pas à comparaître. Je voulais ne plus jamais avoir à faire avec des flics depuis l’Affaire Maret O’Malley, il y a quatre ans de cela. » Banes s’alluma un reste de cigarette posé sur le rebord d’un cendrier rempli à ras-bord.

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« Les flics n’ont aucun égard pour les gens comme moi. Vous avez l’air complètement shooté, vous vous droguez? —Je n’ai rien contre un bon café ». Médusée elle le fixa de ses grands yeux de chat, les bras croisés sur sa poitrine avant d’examiner ses ongles noirs écaillés. « J’ai un peu de gnole mais je ne fais pas dans le café, désolé. La clef appartient à l’hôtel le Sunshine au numéro 56. Dans mes visions j’y ai vu une femme à la fenêtre sous l’enseigne même de l’hôtel et… cela va vous paraitre étrange. —Je suis habitué à fréquenter l’étrange. Dites toujours. —Cette femme a des ailes. Je ne veux pas témoigner face à un jury, devant une cour et être la risée de toute l’Amérique représentative ! Je vois des choses et jamais je n’ai tenté d’influencer le cours de l’histoire par ces visions, jamais ! En sortant de cette maison il vous faudra m’oublier, j’ai assez donné avec ce putain de procès ! —J’ai saisi. On m’a remis cette clef et je suis à la recherche de cette femme. Elle était en ma compagnie ce matin et j’ai refusé de voir et surtout de croire ce qu’il y avait devant moi. —Il y a autre chose. Lors de mes visions, les sujets ont une sorte d’aura au-dessus de leur tête. Pas elle. Vous devriez faire appel à un chasseur d’esprit. J’en connais un à un block d’ici. Cela dépasse mes compétences ». Il n’était que seize heures et déjà la nuit enveloppait New York de son voile noir. Les rares piétons pressaient le pas pour ne pas risquer de tomber en embuscade ou bien pris entre deux tirs de gangs et les patrouilles quadrillaient les quartiers dits sensibles, voire très sensibles par la municipalité. Pour souligner ces dires les chiens aboyaient furieusement sur un rassemblement de sans-abris disposés derrière les hautes grilles séparant le parc, leur refuge et le reste de la 3ème Avenue et 17ème street. Au-dessus de leur tête, deux hélicoptères patrouillaient scannant cette partie du parc à l’aide de leur puissant faisceau.

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Le type derrière son comptoir du Sunshine, le mégot coincé entre les lèvres dévisagea d’un air suspect Zimmer. « Il veut quoi le m’sieur ? —Et bien l’une de mes amies m’a donné cette adresse. Warren Hazel mais la connaissant elle a du se faire inscrire sous un autre nom. Je sais qu’elle occupe la chambre 56 ; en fait j’aimerai lui faire la surprise, vous voyez. Il brandit son bouquet de fleurs. Est-elle rentrée ou dois-je continuer à l’attendre dehors ? —Les fédéraux sont déjà passés. —Vraiment ? —Si je te le dis. Ils cherchaient la fille rapport à un crime. Ils ont fouillé la chambre et un autre typé m’a remis une enveloppe pour un dénommé Zimmer et selon leur description cela pourrait être vous. Ils savaient que vous passeriez, alors ne me baratinez pas avec vos fleurs. Prenez cette foutue enveloppe et monter vous branler dans cette chambre si cela peut vous aider à dormir ! » Surpris par le poids de l’enveloppe, Zimmer la soupesa avant d’emprunter l’escalier. Une violente discussion entre clients retentit sur le palier et au bout du couloir un autre hurlait qu’on les fasse taire. La chambre puait le renfermé et du journal jonché le sol à l’emplacement d’un seau recueillant l’eau croupie de l’étage supérieure. La fenêtre donnait bien sous le gros néon clignotant et Zimmer se demandait comment les clients parvenaient à trouver le sommeil avec ce mauvais éclairage. « Tu n’es qu’une sale putain et je vais te tuer ! » Tonna le client en colère, tapant à présent contre le mur. Assis sur le rebord du lit il ouvrit l’enveloppe. « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Il trouva un carnet, le journal intime d’une pette fille, une vieille peluche montée sur un porte-clefs mais ce qui retint l’intention de Zimmer fut la photo de Duran en compagnie d’une fillette aux joues rondes et à l’électrisant sourire. Hazel Warren. Il tourna la photo sans trouver d’indices, ni sur la date, ni sur le lieu de la photographie. L’adulte et l’enfant posaient devant un

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lac. Il se gratta la nuque avant de ressortir de sa poche la clef de la chambre. Le carnet tenait des tas de notes, des images collées. Le journal intime d’une gosse. Il tourna les pages avec plus ou moins d’intérêt quand il s’arrêta sur un dessin. Un homme figurait sur la page portant une toge et une croix dans la main. La légende renseignait ainsi : Le Dernier Homme, Z. Troublante coïncidence. Cet homme en toge pouvait être lui-même. Prestement il ferma le journal Tout dans ce monde ne tournait pas comme on l’attendait. La tête dans les mains, Zimmer se dit qu’il pourrait essayer de dormir. Trois petites minutes… il’en avait tant besoin. Alors lentement il posa la tête sur l’oreiller. Dans la chambre adjacente la femme pleurait, impuissante face à la colère de son compagnon. Le sommeil ne tarda pas à l’envelopper. Des centaines d’images l’assaillirent simultanément. Youn Morgan apparut. La scène du building. Ce suicide qui n’en était pas un. L’appel du vide. Mills jouant avec son crayon. Le clodo lui remettant cette clef. Duran et son sourire sarcastique. Il se débattit puis finit par se lâcher complètement. Chaque membre l’un après l’autre. Il vit l’océan pacifique lécher la plage de ses vagues rugissantes. Le remous l’apaisait. Tu es mon ami et j’ai besoin de toi. Il sursauta en reconnaissant Youn Morgan au-dessus de New York. Combien de fois penses-tu être mort ? Il voulut la retenir mais elle sauta et lui avec. Il se sentit voler. La sensation de l’apesanteur le fit planer pendant de longues minutes qui en fait n’étaient que de brèves secondes oniriques. Youn riait avant de déployer ses ailes. Toi aussi tu peux le faire. Et avant qu’il tente l’expérience, Youn disparut des cieux et il ne resta plus qu’un tas de plumes. Des flics s’agitaient autour et demandait des informations sur le crime. Est-ce que tu es avec nous Zimm ? Il la cherchait sans la trouver. Duran était là aussi mais sa silhouette s’évanouit. Le froid le gagna. Un froid glacial, cela devait avoisiner les -30 degrés. Ne m’abandonne pas. Un terrible cri strident lui glaça le sang dans les veines. Il tenta de s’extraire de son

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cauchemar au moment où un démon tentait de le faire tomber du building. On tambourina à sa porte. You Morgan allongée près de Zim lui caressait le visage. Son réveil fut le plus doux des réveils. Son regard si énigmatique. Il voulait lui demander où elle s’était cachée mais You posa son index sur ses lèvres. Pourquoi ne voulait-elle pas qu’il sache ? On tambourina de nouveau. Qui osait troubler leur quiétude ? « Zim, tu es toujours là ? » Et Mills apparut pour réveiller son collègue. « Désolé mon frère mais le chef veut que tu ramènes tes fesses ! —Comment… comment m’as-tu trouvé ? —Je ne t’ai pas trouvé, c’est toi qui es venu à moi, répondit Youn au milieu de la rue dont autour d’elle le trafic continuait à grossir l’artère de la 3ème avenue. D’un geste de la main, le décor se figea et avança vers Zimmer comme si elle eut marché sur des yeux. Venu de nulle part Duran l’emporta dans ses bras, doté d’une paire d’ailes noires, aussi noires que celle d’un corbeau. Le salaud ! s’entendit-il dire et de nouveau il se fustigea. Une fois de plus tu l’as laissé filer ! Son réveil fut violent. Possible qu’il n’ait jamais dormi aussi longtemps depuis de longs mois ; il ne se souvenait plus quand il avait cessé de rêver, puis de dormir. Après avoir observé la pièce dans laquelle il se tenait, il fut bien vite agité par les bruits alentour : couinement d’une femme en plein coït, le long jet d’urine tombant dans la cuvette des toilettes, pleurs d’un nourrisson… Zimmer, la tête entre les jambes constata qu’il avait la gorge sèche. « Boire un bon café me ferait le plus grand bien ». Il rassembla le contenu de l’enveloppe mais fit tomber le carnet à ses pieds. Ce dernier ne comprenait que des numéros, des colonnes entières de numéros dont certains entourés par-ci par-là. En le ramassant il resta interdit sur la page, la série de chiffres et ce qu’il pouvait y interpréter. 234-785-324 son numéro de Social Security, cela ne pouvait être que cela ! A moins qu’il n’ait s’agit que d’un numéro de

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ligne…Réfléchis mon garçon, je n’ai pas le moment de fléchir. Prouves-leur que tu n’es pas un imbécile . Il ferma les yeux pour mettre à plat ses idées et au bout de cinq minutes de réflexion il sortit son téléphone de sa poche pour composer le numéro. Dès les premières touches il entendit des voix, celle d’enfants jouant dans un grand parc tout en chantant des ritournelles. « Deux petits enfants ça chantent, ça chantent ; deux petits enfants ça chantent énormément… » Les rires lui semblèrent proches, peut-être derrière la cloison. Croyant que des gosses lui faisaient une blague, il ouvrit prestement la porte. Rien. Et pourtant il crut distinguer une forme au bout du couloir. « Attend, petite ! Ne t’en va pas ! » Etait-ce le fruit de mon imagination ? La porte de la chambre claqua et avant qu’il n’ait pu rassembler ses esprits, une force le projeta en arrière, si fort que sa tête heurta le mur avec fracas. Assommé, Zimmer peut cependant apercevoir cette forme mouvante se déplaçant telle une nuée. Etait-ce un esprit ? Il lui faudrait consulter un neurologue au plus vite. La forme se matérialisa pour prendre les traits Youn Morgan, plus jeune certes mais reconnaissable par ses grands yeux verts et son teint albâtre. L’enfant se pencha et prit chair dans le corps de Zimmer. « Hey, tu dors vieux ? » Mills lui jeta une boulette de papier pour le réveiller. Ce dernier sursauta comme stimulé par une puissante décharge électrique. « Oui je pense m’être assoupi… » Sur l’écran de veille de son PC défilait des images de villes des USA et d’ailleurs : NYC, Washington, Londres, Paris, Rome, Tokyo, etc. Des villes « Si le patron te voit pioncer, il va te passer un savon. Déjà qu’il pense que tu nous cache des éléments importants pour l’enquête. Mais il n’a pas parlé de tes troubles bipolaires. A aucun moment il ne les a mentionné, il pense seulement comme beaucoup que tu aurais besoin de te relaxer. Hey ! Tu me reçois mon frère ? Zim tu es avec moi ?

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—Qu’est-ce qui t’a poussé à être un flic Mills ? Estce qu’un beau matin tu t’es dit : Je sais ce que je vais faire de ma putain de vie. Je veux réussir où d’autres ont échoué. Alors tu as foncé tête baissée dans l’espoir d’être décoré pour tes brillants états de service, à la place de quoi tu te contentes des restes des inspecteurs corrompus de notre unité. Est-ce qu’un jour tu t’es dit : Bienvenue dans leur réalité mec, je suis tout sauf un homme respectable ! C’est ça que tu t’es dit Mills ? —Je ne vois pas où tu veux en venir mec ? —Peut-être qu’on fait fausse route toi et moi ? Peut-être qu’on est à côté de la plaque. Tu y as pensé ? Un beau matin on se réveille tous pour découvrir que rien de notre monde n’est réel. Absolument rien. Et l’ironie c’est…l’illusion d’avoir été vivant pendant tout ce temps ». Les deux hommes s’observèrent et Mills prit le partit de rire de lui-même. La meilleure arme contre le sarcasme de Zimmer. « En fait, j’ai cessé d’y croire depuis qu’un jour notre monde s’est embrassé et cela doit remonter au Big bang. Je me suis toujours dit que la meilleure façon de s’en tirer c’est de prendre le parti des tortionnaires. S’il nous faut choisir autant être du côté des antipathiques et jusqu’à maintenant personne n’a su prouver le contraire. Pas même ta sacro-sainte Eglise. —A ta place je démissionnerai et j’irai m’enfermer dans une de ces tours sinistres et haute perchée, là où aucun ennui ne t’attendra. Avec l’expérience que tu as et ton aptitude à la survie tu pourrais te faire des tas d’amis là-bas. —D’accord, répondit-il très sérieusement. J’y avais également pensé mais il me manque des fonds pour espérer y avoir une chambre avec vue sur l’océan s’étendant à perte de vue. Pourtant je sais que j’y serais à mon aise avec service d’étage et jolies hôtesses proposant toutes sortes de service. Une vie de pacha pour les quelques décennies qu’il me reste à vivre.

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—On peut arranger cela Mills. Nous avons ici un Département susceptible de prendre ta demande très au sérieux. Si ton cas est intéressant, on t’évitera la paperasse et Bingo ! Tu auras droit à ta suite et à tes gracieuses hôtesses. Pour cela il faut que tu acceptes quelque chose. —Oui je t’écoute. / —Il faudrait que tu rédiges ta déposition. Celle qu’il dit que tu as falsifié ta candidature au poste d’inspecteur au service de l’implacable justice de cette grande nation. Je considère que ton attitude est criminelle. —Il y avait quoi dans cet hôtel ? —Quel hôtel ? » Il parut surpris qu’on lui posa cette question et les sourcils froncés interrogea Mills du regard. « Tu t’es rendu au Sunshine n’est –ce pas ? Il y avait quoi là-bas ? Dewindt dit que tu veux la jouer solo et tu le connais, il ne va pas te lâcher avec ça. Il veut la lumière sur lui et en tant que mégalo qui se respecte il va t’évincer comme d’habitude. —Et quand on parle du loup… ». Arriva Dewindt, avançant un épais dossier sous le bras portant l’inscription 234-782. Zimmer eut un flash. Il avait déjà vu cette combinaison quelque part. Son cœur se mit à battre plus fort et il eut soudain chaud au point de desserrer le nez de sa cravate. « On a des pistes. Et toi qu’as-tu pour nous ? —Je ne travaille pas sur cette affaire. L’aurais-tu oublié ? —Pourquoi tu concentres toute ton énergie à traquer ces criminels. Je sens que tu es sur une piste. N’ai-je pas raison ? Tu as quelque chose vrai ? Sinon tu n’aurais pas pris le soin de contacter Hans More, hein ? —More est un vieux pote. Je ne vois pas en quoi lui rendre visite constitue une entorse à notre règlement interne. Le mieux pour toi serait de contacter les médias et de rendre publique ce genre d’événement. Une petite réception pourrait également convenir. —Je sens que tu vas mieux Zimmer, pas vrai ? Cette rencontre avec le troisième type t’aurait requinqué on

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dirait. Oui je parle de cette autre entité. Comment estce déjà ? Youn Morgan, un truc dans ce genre. On a fait notre petite enquête de notre côté est…c’est le néant. Je m’emploie personnellement à résoudre bien des énigmes. —Ben c’est pour cela qu’on te paie Dewindt. Tu veux autre chose ? —Oui. Regardes un peu… Les caméras de surveillance ont filmé ce qui pourrait être ta Youn Morgan. Tu es prêt ? » Il posa les clichés l’un après l’autre. Il représentait une jeune femme entrant et sortant d’un immeuble celui du fameux matin du 15 janvier où Zimmer pensa être victime d’hallucination ; une autre photo où on la voyait attendre le métro. Une autre où la belle se tenait debout près du corps de Gorse-Walker… « Non ce n’est pas elle ! Non ! Elle était avec moi quand Gorse-Walker s’est fait planter. Si l’heure de la prise de vue coïncide avec l’heure de sa visite à Harlem alors…ce n’est pas elle. Récupère tes photosmontage, je ne marche pas. Il y a ici quelqu’un qui la connait et qui veut, je ne sais pour quelle raison lui faire porter le chapeau. Je te croyais plus perspicace Dewindt. Tes années de service ne t’ont apparemment rien appris. Où est donc passé ton intuition, celle qui te vaut les éloges de la presse ? —Si je comprends bien elle te rend visite et ensuite tu la laisse repartir… —Oui c’est ce qu’il s’est passé, répliqua Zim les sourcils froncés. —Etrange non ? Une jolie minette en détresse et personne pour la protéger. Où est donc passé ton intégrité Zim, celle qui te vaut les honneurs de tes coéquipiers ? Pas de chance pour toi alors ! —Oui ce n’est pas de chance. On commençait à bien s’entendre elle et moi ». Un nouveau flash le prit. Il la revit sautant du haut du building. Aides-moi Andrew. J’ai besoin de toi. Il eut la gorge sèche et se précipita aux WC pour s’écrouler sur la lunette des chiottes et serrer sa tête entre les mains. L’enveloppe. Où était l’enveloppe ? Réfléchis

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bien, tu étais dans ce putain d’hôtel et que s’est-il passé ensuite ? Réfléchis putain ! La tête entre les mains, il ne parvenait pas à retenir ses larmes. Il ferma les yeux et se concentra. Pourquoi ne me souviens-je pas de ces dernières heures ? Il fouilla dans sa poche et en sortit une photo montrant Duran en compagnie d’une fillette. « Des enfants ! Il y avait des enfants ! » Il revint prestement vers Mills lui occupé à enfiler sa veste. « Il y a du grabuge sur la 3 ème. Des coups de feu, un homicide et des témoins disant avoir aperçu en jeune femme tirer. Tu crois aux coïncidences Zim ? —Pas tant qu’elles n’interfèrent pas dans mon existence. Rapproches-toi un peu Mills…Comment saistu que je me trouvais dans cet hôtel ? C’est Duran n’est-ce pas ? —Oui il nous a dit que tu l’avais mis au courant et j’avoue être un peu jaloux en ce moment. Tu sembles le préférer à moi alors que je pensais que nous formions un super couple. —Je ne lui en ai jamais parlé. Il lit dans mes pensées. —Quoi ? C’est quoi ces conneries ? —Pour Hans More il s’agit d’un sixième sens. Le complexe Alpha cela te dit quelque chose ? Normal c’est un complexe servant à parquer tous les cas d’ESP recensés à ce jour et Warren s’y serait enfuie. —Et pourquoi toi ? Pourquoi recevrais-tu ses signaux et pas nous ? Il y aurait-il eu une loterie nationale ? Auquel cas j’aurais aimé faire partie du grand tirage. Rien d’excitant ne m’arrive alors tu comprends ma frustration. —C’est un ange. —J’avais cru deviner oui. Depuis que tu l’as connais tu n’es plus tout à fait le même. Tu es différent. —Comment ça ? Non, tu te méprends. Je parlais d’un ange en tant que créature ailée. —On en parle après si tu veux bien. Tu viens avec nous j’espère ? » La fusillade eu lieu à 17h15 et les témoins disaient avoir vu une femme faire feu sur un individu tenant un

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attaché-case. Zimmer se fraya un chemin à travers les flics et enjamba le cordon pour étudier la scène de crime. On avait retrouvé les deux douilles et on les enverra à la balistique. Accroupit près de la mare de sang, Zimmer observa la foule autour d’eux, la configuration de la rue et les conditions météorologiques. Il allait se mettre à pleuvoir. Son regard glissa vers les véhicules stationnés pêle-mêle dans la rue quand il reconnut Hans More au milieu des badauds. « Que fais-tu ici ? —Et bien on dirait que tu as l’air heureux de me revoir. Elle est chez moi Zim. Elle dit n’avoir nulle part où aller. Retrouves-moi où tu sais ». Il fonça dans le couloir pour emprunter le vieil escalier et se retrouva bien vite sur le palier du second étage. Il frappa et tomba des nues en voyant Hazel Warren devant lui. Bonté divine ! C’est bien elle, je ne rêve pas ! Et bien vas-y ducon rentres et ne fais pas chier ! « Zimmer, par ici ! » Interdit il fixait Hazel sans trop y croire. « Qu’est-ce que tu ne piges pas Zim ? C’est pourtant bien elle ! Je suis entrain de faire mes délicieux cookies, mais je suis un peu rouillé. J’aurai peut-être besoin d’un extra en cuisine. Suis-moi ! Ça va toi ? —Depuis quand est-elle là ? —Depuis hier soir mais elle ne voulait pas que je te contacte. —Elle s’appelle Hazel Warren. —Non ! Plus maintenant. C’est Youn Morgan. Pour toi. Pour moi et pour tous ceux qui croiseront leur route d’ici à demain. Tu sais elle m’a dit où te trouver et surtout à quelle heure tu y serais. Elle connait un paquet de trucs, Zim et je ne piges pas quelle saloperie tu avais dans la tête pour lui refuser ton aide. —Je continue à apprendre de mes erreurs. —Et la négliger en était une belle. Tu l’as laissée dans la rue, Zim, sans protection et à la merci de ces prédateurs dont tu connais le degré de folie. Ici au moins elle est en sûreté. —Contre qui ?

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—Le complexe Alpha. Je pensais t’en avoir déjà parlé. Tu ne m’écoutes pas quand je parle ? Elle dit s’être enfuie. Il y a d’autres gosses là-bas à qui l’on fait subir un lavage de crane et toutes sortes d’expériences médicales. Ce sont des cobayes d’un nouveau genre. —J’aimerai lui parler. Il y a quelqu’un qui se fait passer pour elle et qui en est à son deuxième homicide. Il pourrait s’agir d’une coïncidence, mais je veux en être sûr tu comprends ? —Non je ne comprends pas justement ! Expliquesmoi, avec tes mots Zim, répliqua ce dernier en croisant les bras après avoir lissé sa barbe poivregrise. Elle m’a envoyé te chercher mais pas pour ces conneries d’inspecteur! Ne l’ennuie pas avec ça ! Tu ignores ce qu’elle a enduré alors laisses tomber pour cette fois. Relax et tout se passera pour le mieux, fiston » Assise sur le canapé Youn fixait la télévision, perdue dans ses pensées. Il s’assit près d’elle et au moment où il allait ouvrir la bouche et la petite serra sa main dans la sienne. Dis-lui quelque chose crétin ! Parleslui de l’enveloppe. « As-tu fermé les yeux? As-tu dormi dans cet hôtel? —Tu sais pourquoi je suis ici n’est-ce pas ? Je vois des choses que je ne devrais pas voir et…je me suis rendu à l’hôtel le Sunshine et mon esprit…j’ai perdu le contrôle du fil. Tu sais le fil conducteur qui te permet de relier un point A à un point B. Je me souviens mettre allongé sur le lit et ensuite on peut parler de Black-out. Pourrais-tu m’aider à reconstituer ce puzzle ? » Hans More s’adossa contre le chambranle de la porte, un mug de café chaud à la main. « Parles-lui de l’enveloppe Zim. Tu as bien trouvé une enveloppe sur place non ? » Zimmer se caressa la nuque, quelque peu agité. Cet endroit était propre et éclairé partout des livres posés sur des étagères, à même le sol, sur les meubles ; ils servaient de décoration. Or ces derniers truffés de micro, servaient de planques à des documents ; dans

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certains il avait entouré des lettres, des mots, des numéros de page. A quelle fin ? Zim attrapa un journal posé surèmela table basse qui disait : Attentat du la 43ème et la 7 , la police déplore la participation des groupuscules intégristes… et l’inspecteur fit craquer les jointures de ses doigts. « Oui le gérant du Sunshine m’a remit une enveloppe. Pourquoi te donner tout ce mal Hans quand tu savais où me trouver ? Les Fédéraux sont passés avant moi et ont fait le ménage. Tu savais qu’ils passeraient Hans mais tu m’as laissé me rendre sur place. Pourquoi ? Tu dois me dire Hans parce que je commence à ne pas aimer ça ». Hans rapprocha son fauteuil recouvert d’un plaid écossais et laissa poindre un rictus à la commissure de ses lèvres. « Ok ? Alors quel est le problème selon toi ? Tu as alerté toute la brigade en disant avoir été témoin d’un suicide suite à un étrange appel et… Oui, tes supérieurs t’ont mis sur écoute et tu n’es plus aussi blanc et innocent qu’avant ta naissance ! Force de constater que tu as merdé lors de l’Affaire Brown et ton insomnie vient de là, fils. —Qu’est-ce que… C’est de toi que je devrais le plus me méfier Hans ? Tu divulgue des putains d’informations aux Fédéraux et aux plus offrants, je connais tes méthodes d’investigation ! —Dans ce milieu c’est donnant-donnant ! Ce n’est pas à toi que je vais apprendre les ficelles du métier ! Zim réveilles-toi un peu ! A-t-on avis pourquoi es-tu là ? Le temps s’est du pognon et nous allons en manquer Zim ; on ne va pas te raconter des salades mais il y a actuellement des millions sur la tête de Youn Morgan et tu es le seul à pouvoir enrayer cette impressionnante machine ; sitôt que tu accepteras de l’aider, le gouvernement va faire son ménage et tu sais ce que cela signifie ? Ils te remercieront pour tes brillants états de service et si tu es un peu chanceux, tu pourras bénéficier de ton identité, tes cartes de crédit et ton miteux loft ! Tu es d’ors et déjà condamné.

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—Ce sont des foutaises ! —Alors dis-moi ce qu’il y avait dans cette enveloppe ? L’as-tu au moins ouverte ? J’ai bossé à la NSA et à la CIA. Ensuite les Fédéraux m’ont recruté pour faire leur sale boulot. A l’époque il consistait à rechercher des cas d’ESP pour ce que le gouvernement appelait des Séquences cognitives. Ils valaient rentrer en communication avec eux et les encourager à prendre la bonne décision ; à savoir nous suivre sans se poser de questions. Ce que j’ignorais c’étaient toutes ces expériences dont ils furent l’objet. On peut parler de détention forcée et… —Et c’est là que tu es censé intervenir. Combien de gosses as-tu sauvé jusqu’à maintenant ? —Quatre. Et cela va faire cinq avec Youn ? Nous avons un réseau souterrain. Des gens qui souvent n’ont rien à perdre. Des gens comme toi et moi Zim. Chacun des membres de cette organisation agit indépendamment des autres et, c’est ainsi qu’ils s’en sortent sans éveiller les soupçons du gouvernement. —Je vois et ensuite que font-ils, où vont-ils ? —Je ne peux te dire mais là où ils se rendent, ils sont au moins libres. Tu comprendras que je doive m’en aller, pour la mettre à l’abri. C’est la dernière fois que tu me vois Zim. —Non, attends ! J’ai encore des tas de questions à lui poser ! Des questions qui ont besoin de réponses précises et… —Il y a un prêtre sur la 4ème et la 7ème avenue. Le père John Curtis. Il répondra à toutes tes questions. » Sans y être invité il quitta la cuisine pour se rendre devant Youn. Il était certain qu’elle devait partir ; cependant il savait que son départ laisserait un grand vide dans son esprit ; il y avait quelque chose de fascinant chez elle et il ne pouvait le nier, pas après des années de service. Il s’assit devant elle, faisant pivoter le fauteuil dans sa direction. « Youn… je suis désolé et je comprends que tu ne veuille plus me parler. Seulement je suis un flic avant tout et certaines décisions ne m’appartiennent pas. Depuis que je te connais, ma vie n’est plus la même. Je

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me mets à voir des choses étranges et à ressentir certaines émotions. Dernièrement je suis passé voir une medium : Scottie bane et je ne sais pas comment le formuler…. Il y a une partie de moi qui accepte de te croire et une autre qui refuse cette vérité. —Ils recherchent quelque chose que je n’ai pas, avoua cette dernière, que je n’ai plus. Quelque chose que toi seul possède. J’ai compris une chose en faisant ta connaissance Andrew, c’est que rien ne t’obligera à me croire et par conséquent il est préférable que je reste à jamais dans l’ombre. —Tu dois partir maintenant Zim. —Attends Hans ! » Elle ôta son collier pour lui tendre le cylindre enfermé dans le pendentif. « Gardele toujours sur toi, ainsi tu ne craindras pas le néant. C’est un remède à la peur et la solitude. Tu en auras besoin plus que moi. Si tu échoues dans ta mission, on se reverra dans l’autre vie. » Une façon étrange de clôturer cette conversation pensa-t-il en acceptant le présent. Il n’insista pas et sortit de l’appartement. Il gagna sa voiture et au moment où il allait tourner la clef dans le contact, il vit des enfants courir sur le trottoir et passer devant son véhicule. Une voiture arriva et le choc fut brutal. La seconde d’après il se vit au bord d’un étang, sa femme les pieds dans l’eau souriait, battant la mesure de ses pieds nuis ; des instants de bonheur passés à ses côtés. Au loin le vent soufflait, faisant carillonner les tubes en étain devant la porte du chalet. « Comment te sens-tu Alice ? » Et elle se leva. « Je suis heureuse près de toi mais n’oublie pas que ce bonheur n’a qu’un temps… » Il voulut baiser ses lèvres quand sa silhouette s’évanouit, son visage semblait brûler de l’intérieur. Il cria de toute force de ses poumons et se cramponna à son volant. Les enfants s’arrêtèrent de courir et le fixèrent de leurs grands yeux. Une voiture passa et son regard croisa celui du conducteur. Il venait de sauver la vie à ces deux enfants. Il remonta l’escalier quatre-à quatre et frappa à la porte de More. « Je suis désolé, j’ai des questions à lui

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poser ! » Youn s’était préparée à son retour et derrière la table fredonnait cette autre berceuse que les gosses chantaient dans le couloir du Sunshine. « Et tu es revenue Andrew. Je savais que tu le ferais. Tu viens de leur sauver la vie. Assieds-toi, Hans nous fait des cookies. Il est doué pour les cookies et ils sont mortels ! —Je me suis rendu dans cet hôtel et… Des visions m’assaillent ? Je suis… Avant j’y croyais mais une succession de malheurs a eu raison de ma foi. Le plus dur c’est ne pas arriver à trouver le repos, tu saisis ? Alors cela ne doit pas être dur pour toi de penser que je ne pourrais pas t’aider comme tu l’eusses imaginé. Mais si je devais t’aider, quel rôle aurai-je ? » Youn interrogea Hans du regard et ce dernier acquiesça d’un signe de tête. « Tu auras à sauver l’Humanité. » Zimmer ne comprit pas, les bras posés sur ses cuisses il la défigurait. « Sauver l’humanité ? » Décidemment cette femme aime jouer avec moi. Réveille-toi garçon, cela ne peut-être vrai ! « Tu as parfaitement bien saisi. Seulement tu n’as probablement pas le mental pour le faire. Cela exige abnégation de soi et grande part de responsabilité. —Et… est-ce que tout cela aurait un quelconque rapport avec l’Affaire Maret O’Malley et tous ces crimes ? S’il y a un quelconque lien j’aimerai le connaitre, parce que je ne peux travailler sans filet seulement pour une éventuelle gloire au nom de votre Humanité à sauver de l’Apocalype. —Ces hommes étaient des fanatiques d’un genre nouveau, répondit Hans More sans le lâcher des yeux. Ils auraient agi de façon désordonnée, dans le seul but d’enduire la police dans l’erreur. Ce dossier a été classé et le tribunal a relaxé les coupables. S’il te faille un rapport pour regagner serein ton bureau alors on va émettre l’hypothèse qu’il y en a un. Maintenant estu rassuré fiston ? » Zimmer haussa les épaules laissant poindre un rictus à la commissure de ses lèvres. « Je ne sais pas. tout cela m’éhcappe. D’abord cette rencontre avec toi Youn et ensuite cette série de

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meurtres sans parler de ces anonymes qui sortent du néant pour mettre mes sens en éveil. Avouez qu’il y a de quoi devenir fou. —Le père Curtis pourrait répondre à tes questions, argua Youn toujours immobile sur son sofa. Il a rencontré ses fanatiques peu de temps avant que la police ne les arrêtent. Tu devrais lui rendre visite. —Comme vous le savez je me suis rendue chez cette médium, MacKenzie banes et…elle me conseille de prendre contact avec un chasseur d’esprit. Alors je suppose qu’elle faille référence à un prêtre ? Un exorciste non ? Il me faut des réponses maintenant Hans. Je ne pense pas être capable de…. Enfin cette mission est des plus insensées. Cela serait comme une suite de visions n’ayant aucune rapport les unes avec les autres et… je ne pense pas vouloir signer pour ce genre d’aventures. —Une aventure ? Bouillonna Hans en s’avançant droit sur Zimm et plonger son regard gris dans le sien. La fin du monde est proche. Les ténèbres sont s’ouvrir laisser entrer dans ce monde des esprits démoniaques, suceurs d’âme et toi tu parles d’une aventure ! L’inspecteur que j’ai connu autrefois était bien plus réfléchi et plus respectueux. Qu’as-tu fait de ta Foi ? » Notre inspecteur inspira profondément. Là, mon vieux tu viens de te faire moucher ! Il tenta de prendre un air cool mais face à la dureté du regard de More il se ravisa, étudia ses doigts aux ongles rongés et poursuivit sur le même ton complaisant : « Alors maintenant, que suis-je censé faire, Aller saluer votre prêtre et lui dire qu’on m’a chargé de sauver l’Humanité ? Voyons Hans, tu sais que mon esprit reste cartésien et que j’ai besoin de preuves tangibles, avérées pour aboutir à une finalité qui se veut convaincante. —Il y aura encore de nombreux morts dans les heures à venir. Des innocents mourront et la seule aide que vous puissiez avoir…. MacKenzie peut vous aider. Elle est votre ami Scott. Mais vous ne pouvez avoir confiance aux autres. Une nuée noire vas

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s’abattre sur cette ville et dans beaucoup d’autres dans ce pays et ailleurs. Vous devez trouver la clef. » Il n’était pas plus renseigné que cela en sortant de chez Hans More. Il s’installa devant Scott Mills sans le lâcher des yeux. L’autre lui répondit par un sourire soulignant toute la complexité de son questionnement auprès de son coéquipier des plus déboussolés. « Zim, le boss veut te voir et cette fois-ci tu ne pourras faire l’impasse de cette visite. Pourquoi souris-tu ? Je viens de dire quelque chose de drôle ? —je vais devoir contacter un prêtre. —Tu es sérieux là ? Je pensais que la religion ét toi ce n’était plus vraiment ça. Le fait que tu ais dormi un peu y est pour quelque chose, tu crois ? mais si tu penses que cela peut t’aider, alors je n’ai plus qu’à te dire de foncer ! Mais s’il te plait, vas voir le boss. —Pas maintenant. Certaines affaires n’attendent pas. Dis-lui que j’ai une piste concernant cette fusillade ! —Non, Zim, tu ne peux pas faire ça ! » Et Andrew Zimmer quitta le bureau en quatrième vitesse. Duran le vit passer et questionna Mills quant à la nature de ce départ précipité. « Il a une piste et tu le connais, il n’et pas d genre à lâcher ! » Duran devint nerveux sachant que Zim leur mentait, il leur mentat à tos.ème Vers 19h20 il se rendit à l’église jouxtant la 4 et 7ème avenue. Il n’avait pas mis les pieds dans une église depuis le décès de son épouse. Il ressentit un profond malaise en pénétrant les lieux chargés de mauvais souvenirs. Il trouva place sur un banc à l’arrière de la nef et des plus nerveux serra les poings, la tête baissée vers le sol allé. Il fut comme paralysé d’effroi au milieu de ses vitraux et statues représentant les Saints et Saintes puisés dans la Bible. Une porte se claqua au fond du côté de la sacristie. Un homme au visage serein et aux traits fin fit son apparition, les lunettes ovales posées sur son nez. Il s’assit au premier rang où se tenait une femme. Zim se dit qu’il perdait son temps. Que fais-tu là vieux ? Cet endroit te rend visiblement mal à l’aise mais essaye de prendre sur toi avant de passer pour un

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couard ! La fidèle se retourna pour désigner Zimmer du menton et le prêtre quitta Mackenzie Banes pour marcher vers l’inspecteur. « C’est étrange pas vrai, comme la vie parfois peut prendre un tournant particulier ? Cette personne devant me dit que vous voulez me voir mais que vous en étiez incapable. Vous devez retrouver confiance en vous pour aller de l’avant. Le deuil est une ifficile épreuve mais l’Eglise demeure là pour vous soutenir. Soyez certain que vous trouverez dans notre communauté tout l’amour qu’il faille pour vous remettre de la perte de cet être cher. —Ne me bassinez pas avec tout ça d’accord ? Je ne suis pas venue là pour me parler de mon ex-femme mais d’autre chose plus spirituel. —Vous voulez parler d’esprit n’est-ce pas ? » Et Zim opina du chef avant d’éclater de rire. « Je me prénomme John Curtis et j’opère sur certaines manifestations divines. —Et vous voyez des anges ? Dés démons ? Questionna notre Zimmer e manière cynique. « Oui parfois. Certains viennent me rendre visite quand les démons occupent la chair et l’esprit de mes fidèles ; Alors je pratique des exorcismes. —parlez-moi plutôt des anges, coupa-t-il froidement n’osant toujours pas regardé le prêtre. Vous voyez les anges comme vous me voyez en ce moment ? Se matérialisent-ils devant vos yeux ? —ce sont des Messagers. Ezéchiel les décrit comme des « êtres vivants », des chérubins qui entourent l’Arche. Mais je ne peux affirmer cette chose. Ils pourraient revêtir une autre forme dont celle d’une lumière diffuse ou bien intense. —Ah, ah ! Alors je vais vous surprendre ! J’ai fait la connaissance d’un ange il y a deux jours de cela. Une jolie créature féminine comme on n’aime à les apprécier. —Et comment pouvez-vous savoir qu’il s’agisse d’un ange ? Il pourrait avoir méprise sur ses intentions. Le premier messager que vous croiserez ne peut se

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prétendre être un ange. Qu’est-ce qui peut vous faire admettre cette supposition ? — La médium qui est assise devant moi dit ne pas avoir vu d’aura au-dessus de sa tête. » John Curtis s’agita sur le banc, ôta ses lunettes pour les essuyer ou du moins se donner de la contenance. « Et cette entité a-t-elle un nom ? Comment se faitelle appeler ? —Et que ferez-vous de cette information ? Cet ange est venue me voir et vous savez comme moi qu’ils sont d’une éblouissante variété, le chef d’œuvre d’une puissance Divine. Celle-ci se dit être mon ange gardien. Alors il pourrait s’agir d’une Archange. Seulement d’aussi loin que remontent mes souvenirs en tant que théologie je n’ai jamais entendu une histoire d’Ange parqué dans un complexe gouvernemental. C’est là que vous rentrez en action. —Oui cela me parait peu plausible. Si cette créature ailée se dit-être votre ange-gardien alors elle n’aurait pu avoir d’existence matérielle sur cette terre, murmura Curtis. Toutefois je crois possible qu’un ange cherche à éduquer l’âme choisie alors cet accompagnement prend naissance dans les tourments de nos fidèles égarés. —Est-il possible que ce même fidèle égaré puisse être investi d’une mission particulière et de grande envergure ? —Et croyez-vous que je puisse rencontrer ce Messager ? Au moins une seule fois car je suppose que ses récentes visites ne sont pas achevées. —Et la visite de cet Ange pourrait-elle conduire à l’ouverture des portes des Enfers ? » Le prêtre sursauta et lissa sa mèche sur le côté, la gorge sèche. Tu viens de lui faire peur Zim, vas-y doucement vieux ! MacKenzie en profita pour se lever et les mains dans les poches marcher vers leur banc. 3Ils sont déjà ici….je sens comme une force surnaturelle prendre vie dans les entrailles de cette terre. Le temps vous est compté Zimmer. Alors il est temps pour vous de rassembler votre équipe ! »

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CHAPITRE Zimmer roula sous une pluie diluvienne. Il pleuvait des cordes. Jamais encore une telle pluie n’était tombée sur cette métropole. Or depuis trois heures, la circulation avançait au ralenti. A peine si l’on distinguait les feux tricolores et Zimmer derrière son volant se mit en panne. Rien ne servait d’avancer à travers ce déluge. Il s’alluma une cigarette. La portière s’ouvrit sur une silhouette cagoulée. Zimmer le braqua de son arme qu’il tenait appuyé contre sa tempe. « Si vous ne vouliez pas de compagnie, il vous fallait verrouiller votre voiture, inspecteur ! C’est Scottie qui m’envoie. Scottie, MacKenzie, vous la remettez ? —Ouais, ouais ! Et tu dois être Gabriel. —Oui, c’est ainsi qu’on m’appelle oui. Pourquoi un inspecteur à la crim ferait appel à un marginal comme moi ? Avons-nous déjà fait affaire par le passé ? —Non, pas avec moi directement mais je voudrais revenir sur une affaire qui remonte à quatre ans, celle de Maret O’malley. —Maret ? Il faudra me payer cher pour avoir certains renseignements concernant Maret. Vous avez combien sur vous ? » Zimmer ouvrit son portefeuille et lui jeta une liasse de billets sur ses cuisses. Alors Gabriel compta l’argent en humidifiant ses doigts et satisfait de la somme se détendit faisant tomber sa capuche de son crâne rasé portant un étrange symbole. « Pour commencer nous ne sommes pas des criminels mais seulement es justiciers. Notre groupuscule négécie le passage de certains dans l’audelà. —Vous pouvez développer ? » Gabriel émit un grognement avant de faire craquer les os de son cou. « Nous sommes chargés de faire du nettoyage. Certains satanistes se battent underground pur se faire entendre. Ils multiplient les raids à la surface, volent et kidnappent. Il s’agit d’une armée bien organisée. Des types sanguinaires qui craignent la

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Lumière mais se moquent de la peur. Nous intervenons pour les arrêter et les condamnés dans ce monde en attendant la justice de Dieu. Nous avons pour mission de les purifier. —Et arrive-t-il que vos entreprises échouent ? —Oui, alors nous devons les tuer avant qu’ils ne récidivent. Ce sont des tueurs, ils vident leurs victimes de leur sang qu’ils boivent lors de cérémonie pour lesquelles vous n’accepteriez pas de participer. Ils violent les vierges et offrent leur enfant à leur Maitre, Satan. Il n’y a que nous pour les arrêter, répondit-il par un sourire. Ouais, ni vos armes et vos belles insignes ne viendraient à bout de cette armée. —Le tribunal de grande Instance a relaxé Maret pour manque de preuves. Seulement aujourd’hui…. Il y a eu des meurtres. L’un de mes collaborateurs et des victimes abattues de sang-froid dans la rue. —Et vous pensez que nous sommes derrière tout ça ? Vous pensez que Maret ait fait donner l’ordre de nous en prendre aux civils ? « Non il y a pire que le visible inspecteur, il y a autre chose qui vit sous terre et que l’on ne perçoit qu’ici, déclara-t-il en désignant sa tête. Cette chose prend la forme que vous lui donnez. Tout cela pourrait être le fruit de vos fantasmes inavoués. —Donc, vous me prenez pour un être démoniaque capable du pire pour arriver à mes fins ? C’est un raccourcis comme un autre mais je me range plutôt du côté es bons. Oui vous serez curieux de savoir qu’il en existe encore dans ce bas-monde, ricana Zimmer en écrasant sa cigarette dans le cendrier de son véhicule. —Hum…. E-ce le prêtre qui vient à moi ou l’inspecteur de la criminologie ? Au premier je répondrais que les Voies du Seigneur sont impénétrables et au second, je lui dirais d’aller se faire foutre ! —Alors je vais aller me faire foutre ! Mais avant je veux toute la vérité sur votre groupuscule de justiciers chevronnés. Au nom de quoi agissez-vous ?

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Se peut-il que vous agissiez pour une cause qui échappe à notre Eglise ? —Votre église ? rétorqua Gabriel l’œil brillant. Votre église ne bougera pas le moindre petit doigt pour trancher et tailler dans la chair ! Les ministres de votre culte sont des ignares qui ne perçoivent par les événements comme nous les percevront. Ils sont apatrides et agissent uniquement selon les ordres du Vatican ou bien sans aucun leader convaincu de l’existence d’un autre tout. —alors guidez-moi ! Enseignez-moi vos concepts si élogieux ? Gorse-Walker ne serait pas mort à l’heure qui l’est si n’était allé frapper à la mauvaise porte. Maintenant nous avons des cadavres plein la morgue et une enquête qui ne semble pas prête d’aboutir. —Où est-il ? —Qui donc ? » Zimmer jeta un œil à sa montre. Il allait être dix heures et son ventre grognait famine. Gabriel se pencha vers son épaule. « Cet ange qui vous a rendu visite, où est-il ? —En sécurité, répondit-il sans manifester la moindre expression de surprise sur son visage. —Non, je n’en suis pas certain. Non, il n’existe aucun endroit sûr en ce monde. Les Sceptres de la Mort envahissent cette ville, tapis dans l’ombre ils attendent le moment favorable pour attaquer. Et nul ne pourra vous sauver, Zimmr tant que vous ne l’acceptez pas dans votre esprit. —Et pour cela, que me faudra-t-il réaliser ? —Et vous me demandez ça comme un chien qui chercherait un nouvel os à ronger. Vous devez vous doter d’une puissance armure et d’une armée prête à marcher avec vous. C’est maintenant qu’il vous fat recruter. Ce soir où demain c’est vous qui irez grossir le rang des victimes ! » Zimmer rentra chez lui, la tête pleine de sons, pleine de visages. Il pensa prendre une douche mais se ravisa a dernier moment car à la télévision, une série de meurtres inexpliqués secouaient le paus de Seattle à Baltimore, de Los Angeles à Orlando. Ces faits ne différaient pas de l’ordinaire si ce n’étaient l’absence

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de revendicateurs. Il prit son téléphone pour contacter Scott Mills. Son appel sonna dans le vide. Putain, où est-il ? Jamais là quand on a besoin de lui ! Il s’impatienta avant de jeter l’appareil sur son vieux canapé défoncé. Sans se rendre copte, il caressa l’amulette remise par Youn Morgan. On toqua à la porte et apparut Scott, des plus méconnaissables, le visage recouvert d’une barbe de trois jours, regard hirsute et gestes imprécis. « Putan Zimmer ! Je croyais qu’ils t’avaient eu toi aussi ! Tu ne réponds pas et…. J’ai quitté le boulot en transe suite aux récentes actualités. Cela canarde de partout. On constate une hausse spectaculaire de criminalité dans toute la ville et Duran n’a pas cessé de me poser des questions sur toi. — Laisses-le s’exciter tout seul. As-tu déjà entendu parler des Spectres de la Mort ? Et ce n’est pas un groupe de hard rock, plutôt un groupuscule religieux. —Zimmer…. —Laisses-moi poursuivre. J’ai approché un membre de l’oratoire de Maret O’malley. Il se fait appeler Gabriel par ses pairs. Il m’a parlé d’une armée souterraine chargée de faire régner le chaos. On se croirait être dans un film de catégorie B, n’est-ce pas ? un film avait des méchants tatoués et percés de partout qui sortiraient de leur repère, tel des zombies pour surprendre de malheureux citoyens. —Zimmer, Douglas Hamon s’est fait descendre en plein service. —Hamon ? Merde ! Je l’aimais bien ce type, répondit ce dernier perdu dans ses pensées. Les criminels ne sont pas ceux que nous croyons être. —C’est ce qu’ils veulent te faire croire Zim. Il s’agit du même mode opératoire. Ils leur coupent leurs oreilles et leur langue. Certains ont même les yeux crevés et ensuite ils les arrosent de plomb. Tous les morts que nous avons, représentent les mêmes caractéristiques : des organes en moins. —Et tu me caches quoi ? —Je ne suis pas venu seul. A la porte, il y a une personne qui pourrait t’intéresser.

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—Attends, attends, qui sait ? » Scott partit ouvrir la porte suivit pas Zimmer. Et apparut Matthew lange, la sacoche en bandoulière sur l’épaule. « Et vous êtes ? —M’ami de Youn Morgan. A vrai dire je la connais depuis maintenant trois semaines. » Scott l’invita à s’assoir sur le vieux sofa et Matthew se frotta le nez, ne sachant par où exactement commencer. Les pièces du puzzle se mettaient en place et Zimmer entrevoyait une ébauche de lumière, celle du bout du tunnel par lequel il s’était engagé. Lange examina l’endroit faisant courir son regard d’un point un autre avec une fébrilité qui ne lui était pas naturelle. Il prit une profonde inspiration pour enchainer face aux yeux inquisiteurs de l’inspecteur Zimmer. « Elle et moi avons connu les mêmes galères de logement. A vrai dire Yoin est ce qu’on peut appeler un chien errant… du moins une personne sans domicile fixe, nuança-t-il voyant les sourcils de Zimmer prendre une expression proche de la suspicion. Enfin c’est ma version des choses. —Parles-lui de ce dont vous m’avait renseigné toute à l’heure au sujet de ces visions. —Oui, je suis depuis toujours un adepte des sciences occultes. Tout comme ma mère j’ai un don. Celui de voir des événements se produire avant qu’ils ne se produisent. » Les deux inspecteurs se fixèrent et d’un geste las, Zimmer lui fit signe de poursuivre. « Ma mère avait ce don et mon grand-père avant elle. Elle prenait l’habitude de noter sur un calepin certains faits comme des dates, des lieux, des personnes avant de les croiser dans son environnement ou par la pensée seulement. Avant de croiser la route de Youn Morgan j’ai noté certaines de mes visions parmi es plus récurrentes. Consignées dans ce petit carnet. Vous voulez y jeter un œil ? » Notre Zimmer n’y tenait pas et retourna à l’observation de cet interlocuteur, visiteur improbable dépêché par Scott pour mieux le faire cogiter.

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« Non, ça ira merci. Nous vous faisons confiance. Et des faits à souligner ? je ne sais pas, disons de nature à éveiller ma curiosité. —Oui j’ai noté par exemple qu’un certain Hans More vous parlerait du Complexe alpha et qu’une certaine Mackenzie vous mettrait en relation avec Gabriel. Ces noms vous évoquent-ils quelque chose ? —Non, absolument rien ? Mais poursuivez, je vous prie, je sens que vous allez nous éblouir. —Euh… si vous doutez de moi je ne vois pas ce que je pourrais vous déclarer de plus ! Persifla Matthew à l’intention de Scott. C’est vrai, je prends le risque de venir vous voir et vous, vous me prenez de haut. Ah, c’est déconcertant. Il est préférable que je m’en aille. —Restez assis et parlez-moi de Youn Morgan. Cela n sers à rien de pleurer nous sommes dans le même navire pas vrai Scott ? —Non, écoutez je ne le sens pas ! Poursuivit-il debout. Franchement j’ignore ce que Youn vous trouve de bien et pour quelles raisons elle fond tant d’espoir pour un cynique de votre genre ! —Doucement Matthew, pose tes fesses sur ce canapé et continue, trancha Scott. Zimmer, s’il te plait mets un peu d’eau dans ton vin. On n’avancera à rien si tu te comporte comme… comme d’habitude. —Et que savez-vous sur le Complexe Alpha ? Vous avez toute mon attention, Matt. Je vous écoute. —Le Complexe c’est… ma mère l’avait mentionné dans ses notes. Notes qui au passage ne semblent n’avoir aucun intérêt pour vous ! Le Complexe est une sorte de pépinières de surhomme destiné à travailler pour le gouvernement en tant que consultant. Youn y fut enfermée, contre son gré. —Alors on nage en pleine théorie du complot, ironisa Andrew comprenant qu’il n’avait rien à apprendre de cet extra-lucide. Et pour vous, le Complexe c’est quoi ? —Et bien c’est là où je veux en venir. Il y a toutes sortes de médium que l’on classe en différentes catégories selon les Visiteurs. Certains se révèlent bien plus tard quand d’autres naissent avec de telles

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dispositions. Petit garçon j’ai fait la rencontre d’un esprit. Celui-ci n’avait rien d’un être cague et indéfini, d’un feu follet ou d’un fantôme mais ce fut un être comme vous et moi avec un corps fluidique et invisible dans l’état normal. Nous autres appelons cette enveloppe, le périsprit que l’on dissocie de l’enveloppe qui entoure notre âme. Le complexe comporte des entités répondant à cette définition d’esprit. Le Complexe permet à ce périsprit de se trouver une nouvelle enveloppe tout en conservant da personnalité d’antan. —Donc nous avons à faire à des mors-vivants ? Si j’entends bien ce que vous dites ces âmes sans enveloppe se trouvent une nouvelle identité visuelle. —Je ne dirais pas vraiment ça. L’âme n’est pas morte, délivrée elle parcourt l’espace et franchit les distances avec la rapidité de la pensée. » La chute de Youn depuis l’immeuble lui revint en mémoire ; elle avait traversé un couloir entre ciel et terre avant de s’enfuir sans crier gare laissant l’inspecteur en proie à une vive affection. « Et de quoi s’abreuvent-ils ? De la mise des vivants ? ils s’en servent comme d’un moteur à leur propre rédemption ? —C’est plus compliqué que cela. Le gouvernement ces dernières années s’est équipé de matériel de pointe capable de recenser ces Esprits. Avant l’invention du microscope le monde de l’infiniment petit nous échappait complètement mais depuis l’Homme a su apprivoiser l’invisible. —Et ces êtres qui se dérobent à notre vue vivent donc au milieu de nous ? —De cela nous sommes sûrs. Ils régissent nos vies. Ils perçoivent les choses à un plus haut degré. Ils ont des sensations qui nous sont inconnues et voient et entendent des choses que nos sens ne nous permettent ni de voir ni d’entendre. Les Esprits nous observent sans cesse et nous aident plus que nous l’imaginons. La mort n’est qu’une étape pour eux. Les personnes qui nous ont aimées pendant leur vie terrestre viennent nous rendre visite et cherchent

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parfois à communiquer. Les médiums les guident jusqu’à nous, rendant possible cette rencontre. » Le silence envahit cette pièce. Peut-être que tu es là Alice à me voir et m’écouter ? Peut-être en ce moment me fais-tu signe ? Zimmer caressa sa moustache, le regard dans le vague. « Et….vous êtes venu pour me dire ça ? —Youn a rencontré votre épouse Alice et ce matin, elle m’est apparue. » Zimmer le fixa avec l’envie de le ficher à la porte. Il ne pouvait entendre cela. N’importe qui aurait pris la fuite en se tapant la tête contre le mur mais pas lui. Il serra les lèvres et les poings. Tout ce que veut ce charlatan c’est me pousser dans mes retranchements mais je ne lui laisserais pas ce plaisir. Scott croisa les bras sur sa poitrine fixant le sol à ses pieds. « Alice m’a parlé de l’Affaire Brown et que vous n’aviez pas à vous sentir responsable de quoique se soit. Vous n’êtes pour rien dans tout cela. —Ma femme vous aurait dit de ne pas m’en faire ? Alice vous aurait chargé de me dire ça ? Vous ignorez qui était Alice. —Zim, on peut arrêter là si tu ceux, proposa Scott en posant une main rassurante sur son épaule. Matthew va s’en aller. —Alice de son vivant n’aurait pas accepté qu’on utilise son nom pour s’abroger une science dont le simple concept lui causait des palpitations et…. —Alice ne s’est pas suicidée ! —Quoi ? —D’accord Matthew, prends tes affaires et tirestoi ! Tonna Scott en le poussant vers la porte d’entrée. —Attends, attends ! Qu’est-ce que… qu’est-ce vous racontez là ? —Alice vous aimait trop se suicider. Elle vous demande seulement de vous souvenir de l’Affaire Brown. Il y aurait eu quelque chose ou quelqu’un qui vous aurait empêché de voir. Tu ne peux continuer de vivre dans l’ignorance, m’a-t-elle chargée de vous dire. Les déferlantes s’abattent mais la digue tient toujours ! Aimait-elle à vous répéter. »

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Une larme pointa à la bordure des cils de Zimmer et la gorge nouée. Il se souvint. Le coup de téléphone. Sa folle course vers l’hôpital et Alice étendue sur son lit. « Votre femme n’est plus, elle vient de nous quitter. Son cœur a cessé de battre. » Des enfants s’amusaient dans un parc. Des voitures klaxonnèrent. Alice souriait courant sur cette plage. Alice morte. On se pressait autour de sa tombe. Dewindt et sa femme l’entourèrent de leur bras. « Si tu as besoin nous sommes ici, murmura Lennox à son oreille, nous sommes maintenant ta seule famille ! » Andrew pleurait. « Souviens-toi de l’affaire Brown, répéta Alice en se jetant du haut du building. Souviens t’en, les déferlantes s’abattent sur la digue qui jamais ne cède. » Son image s’évanouit en une poussière de duvet blanc. Son téléphone sonna. « C’est presque terminé. —Quoi donc ? Tu auras beau te dire que tes criminels sons derrière les barreaux que d’autres sortiront de nulle part pour parachever le travail de leurs prédécesseurs, répliqua Alice en dégustant son assiette de spaghettis. Oh à ce sujet, Lennox a appelé. Elle veut que je passe la voir demain. —Et elle t’a dit pourquoi ? —Non mais sa situation n’est pas plus à envier que la mienne. Son mari lutte contre la criminalité et aucun honneur ne lui est fait. Tu sais ce c’est toi que le Complexe Alpha ? —Non je devrais ? Questionna Zimmer le nez dans ses notes. —Lennox m’en a parlé toute à l’heure et je pensais que tu savais. » Alice débarrassa les assiettes puis passa ses bras autour des épaules de son mari. Des plus curieuses, elle souleva la couverture du dossier. « Qui s’est celui-là Brown ? Encore un de tes dangereux psychopathes qui courre les rues ? —Oui Dewindt et moi sommes sur le point de le coffrer. Une petite raclure qui se croit au-dessus de tout y compris des lois de ce pays. Quel sort lui réservera-t-on en prison pour délits fédéraux comme

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kidnapping et détournement de fonds ? Cette pourriture ne connaitra pas de repos dans ce basmonde, crois-moi. » Alice déposa un long baiser sur la tempe de son mari. Oui jamais Alice ne se serait suicidée… Zimmer se pinça le nez. « L’affaire Brown, hein ? Depuis le début il nous ballade avec ses…. Scott, donnes lui un peu d’argent pour son taxi. J’ai besoin de réfléchir un peu à tout cela. Merci Matthew ! » De nouveau il ne ferma pas l’œil de la nuit. Scott dormait sur le fauteuil, la tête ployée sur sa poitrine. Les yeux grands ouverts Zimmer réfléchissait. Lennox connaissait les raisons du décès de son épouse. Comment avait-elle pu se taire et le laisser endurer son chagrin, Alice était tout pour lui, sa seule et unique raison de vivre. Les yeux bouffis et rougis par le chagrin, Zimmer quitta son fauteuil pour aller réveiller son co-équipier. « Scott, réveilles toi. —Quoi ? Il est quelle heure ? Il n’est que cinq heures Zim. Ok, de quoi veux-tu qu’on parle ? Mais avant cela j’ai besoin d’un café…. » Il revint avec deux tasses de cafés dont une pour son ami et s’installa ans le fauteuil dont l’assise épousait ses formes tel un moule prévu comme réceptacle. Zimmer passa la main sur son visage et grogna comme sorti d’une longue léthargie. « Alors maintenant je vais te dire ce qu’il va se passer. Toi et moi on va poursuivre notre enquête et on va aller plus loin encore. Gorse-Walker est mort pour avoir fouiné là où il ne fallait pas. Dewindt s’est alors senti menacé et la suite nous la connaissons. Non, ces crimes ne sont pas l’œuvre d’un déséquilibré. Il y a quelqu’un qui brouille les pistes et pour qui l’intérêt est ne pas nous voir remonter jusqu’aux assassins et leur commanditaire. —Andrew depuis quand travaille-t-on ensemble, hein ? Dewindt avant moi était ton coéquipier et mieux que personne tu connais ses méthodes d’investigation.

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Avec lui ça n’a pas marché. Et tu voudrais fiche la pagaille en remuant le passé ? —Non c’est notre présent et le futur que je préserve. Alice serait encore en vie si elle n’avait pas croisé sa route ! —Tu ne peux pas affirmer une telle chose. C’est un concours de mauvaises circonstances c’est tout. Alice n’était plus tout à fait la même avant qu’elle ne se jette sous cette bagnole. Ta femme n’était plus vraiment la même et tu n’aurais pas pu faire grand-chose pour la soulager. —Sauf que tout cela est lié à l’Affaire Brown. Il me faut me rendre en prison. Toi tu n’auras qu’à couvrir mes arrières pour le cas où le boss aurait envie de me chier dans les bottes. »

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CHAPITRE Il roula jusqu’à la prison de l’le Rikers dans le Bronx ; Kurt Brown occupait un lit dans l’unité psychologique. Il souffrait de démence et ce trouble mental lui permettait de s’en tirer à bon compte. Au moins ici une assistance médicale veillait sur sa personne vingt-quart heures sur vingt-quatre, ce qui n’était pas négligeable comte-tenu de sa popularité et de ses antécédents. Il portait de longs cheveux noirs et derrière les barreaux de sa cellule, Zimmer se crut être en présence d’un vampire. Son regard semblait être éteint et aucune lumière n’y brillait, son teint blafard contrastait avec sa noire chevelure et sa bouche petite et serrée semblait vouloir dissimuler des crocs. Brown fixait l’inspecteur comme s’il eut s’agit d’un vulgaire insecte à écraser. La barrière s’ouvrit pour laisser entrer Zimmer. Et au fond de sa cellule, le détenu ne cillait pas d’un cil. « C’est gentil à vous d’être passé me saluer. Vous avez une sale tête. On dirait que vous avez croisé la mort. —Merci de vous en inquiéter. Je pensais la même chose de vous en vous regardant, attesta Zimmer en déplaçant l’unique chaise pour s’y assoir. Je voulais revenir sur un point concernant ce procès. Un point que j’aimerai éclaircir. Quels furent vos rapports avec Maret O’Malley ? Etait-ce pour vous un allié, un ennemi à abattre ? —ce nom n’évoque rien pour moi. —Il devrait pourtant. Vos idées diffèrent des siennes n’est-ce pas ? Lui agit en tant que Justicier et vous en tant que pourvoyeur de la mort. Votre activité semble on ne peut plus lucratives compte tenu des millions de dollars qui dorment sur un comte offshore. Il n’ya aucun jury à impressionner, Kurt. Il n’y a que vous et moi en ce jour. Pourquoi ne pas venir vous assoir sur ce lit ? —Je suis mieux ici. Votre odeur m’est insupportable. Elle m’évoque l’arrogance, cette putride

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arrogance dont vous vous parez pour impressionner les autres. Mais sous ce costume vous n’êtes qu’un fonctionnaire vide dépourvu d’âme. —Alors oublions Maret et parlons plutôt des Anges de l’Apocalypse dont vous en êtes le leader. Vous avez mis sur pied une armée souterraine qui rivalisent d’ingéniosité pour passer entre les filets de la police et dont les membres actifs ne sont que des pauvres saltimbanques arborant le noir, d’insignifiants tatouages et vouant un culte à Satan. Est-ce là ? —Ne méprisez pas ceux qui croient à un concept qui vous dépasse. Pourquoi sinon avoir abandonné votre Foi ? Votre apôtre ne vous a apporté aucun réconfort. Votre âme ne pourra être sauvée que si vous acceptez l’unique Vérité. —Je ne dispose que de très peu de temps en fait. —Elle vous a contacté n’est-ce pas ? Elle vous a démontré l’étendue de son pouvoir et vous avez eu peur. Vous vous dires qu’on ne peut profaner la mémoire de votre défunte Alice. » Le sourire s’effaça des lèvres de Zimmer. Cet idiot te mène en bateau, garde le cap où bien tu t’échoueras inexorablement. Kurt à présent souriait, dévoilant sa blanche dentition. « Les portes des Enfers vont s’ouvrir. Une armée de démons va prendre le contrôle de votre monde. Il n’en restera rien. Du néant renaitra quelque chose de plus fort dont nulle arme ne pourra combattre. —Je vois et vous serez l’un des subordonnés de cet être maléfique. Comment dois-je le nommer « Kurt Brown redressa la tête, le visage moite comme habité par une transe passagère. Ses membres tremblotants, il fixait Zimmer, la jouissance au fond de son iris et ses narines vibrantes humaient l’air. Alors il ferma les yeux et jeta sa tête en arrière. « Appelez Maitre et soumettez-vous à sa volonté, argua Brown. Votre loyauté envers lui ne pourra être contestée. Il est le seul et unique. Le seul devant lequel vous vous prosternerez ! » Les murs se mirent à trembler. De légères secousses.

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« Il arrive. Il est ici pour vous faire entendre raison ! » Les gardiens sortirent l’inspecteur de la cellule de Brown tandis que les autres détenus poussèrent des cris d’excitation. Un étrange spectacle qui n’émeut pas Zimmer pour autant. Au volant de sa voiture il regagna Manhattan quand il croisa des automobilistes un peu nerveux qui roulaient à tombeau ouvert tout en klaxonnant comme des forcenés. Il fut surpris de la panique régnant ici et là ; les gens semblaient comme possédés. Ils n’agissaient pas comme d’ordinaire mais mus par une force qui leur faisait faire n’importe quoi d’insensé. Zim appela son coéquipier sur son téléphone. « Tu as quoi de ton côté ? Ici les gens se comportent bizarrement, tu devrais le voir pour y croire. —On a un peu la même chose ici. Doit-on commencer à s’inquiéter ? —Oui. Essayes de contacter hans More pour lui demander de rappliquer tout de suite ici à l’adresse que je vais t’indiquer. Tu as de quoi noter ? Cette adresse est une ancienne église en sous-sol. Note les coordonnées suivantes…. » Il freina immédiatement car une femme venait de se jeter sous son véhicule. De justesse il l’évita mais alla engloutir une autre voiture arrivant en face. Au bout du fil, Mills fut en panique et sans lâcher le téléphone quitta son office à grande vitesse pour sortir du bâtiment pris d’assaut par des personnes désirant porter plainte contre leurs voisins, leurs petits amis, leur père, leur frère, de parfaits inconnus. Les officiers de police les refoulaient en se montrant courtois. « Zimmer, est-ce que tu m’entends ? Zimmer ? » Lentement ce dernier revint à lui et ramassa son téléphone sur le siège passager. « C’était quoi ça ? —Je ne sais pas, c’est… une femme s’est jetée sous les roues de ma voiture. Je l’ai évité. Je ne sais pas comment mais je l’ai évité. »

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Immédiatement il pensa à Youn, son ange gardien.. elle pouvait l’avoir ressenti et déplacer certains éléments pour lui éviter la mort. « Dis-moi de quel côté tu es et j’arrive d’accord ? je vais au plus vite ! Zimmer où te trouves-tu exactement ? » Notre inspecteur sortir de son véhicule abasourdi et tourna sur lui-même. Autour de sa tête le ciel s’assombrit à grande vitesse, on aurait pu penser à un incendie balayé par des vents en altitude. C’était noir et menaçant. Zimmer y perçut des éclairs. Autour de lui on courrait, on s’agitait. « Lèves la tête ! Tu vois ce que je vois ? —Oui. J’ignore quel est ce merdier mais il va falloir courir vite. Allô ? Allô ! » La communication venait de se couper. Scott Mills ne pouvait rien faire pour son coéquipier. Il pouvait toutefois renoncer mais pensa à Youn Morgan qu’il devait contacter. De son côté Zimmer regagna sa voiture sans plus penser à la femme qu’il avait manqué d’écraser. Il démarra sur les chapeaux de roue et quitta cette zone à vive allure. Déjà les cieux s’entrouvrirent pour déverser des éclairs sur les buildings les plus hauts de New York.qui alors foudroyés, tombèrent en morceaux. Ce fut la panique dans les rues, impossible pour Zimer de conduire sans risquer d’écraser quelqu’un. Il se résigna à abandonner sa voiture pour se précipiter dans une boutique, la première venue. Il appuya sur les touches de ton téléphone jusqu’à obtenir une tonalité. Il fallait qu’il parvienne à contacter Hans More. Enfin ce dernier décrocha. Accroupit dans la boutique entre les rangées de marchandises alimentaires, Andrew levait de temps à autre la tête en direction de la rue. « Hans c’est moi Andrew ! Cela ne se passe pas très bien ici. il faut que Youn me dise de quoi il est question. Hans ? —Que se passe-t-il exactement ? j’ai besoin de savoir. —Youn n’est pas avec toi ? ce n’est pas possible Hans. Où est-elle ?

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—Dans une église souterraine dont tu connais les coordonnées. J’ai voulu l’accompagner mais elle m’a dissuadé de venir. Sois prudent Zimmer. Elle est notre dernier espoir, tu comprends ? » Il s’y rendit en courant. Quand Scott Mills interrogea les passants quand à l’existence d’une église souterraine ; il obtint une réponse sur la dizaine de personnes interrogée et il s’y rendit n volant une bicyclette. Youn Morgan y entra la première des plus essoufflées. Elle pleurait, depuis les premières heures du jour elle craignait que Zimmer ne trouve jamais la bonne porte. Elle se précipita au fond du couloir guidée par la lumière et vit Gabriel. « Nous t’attendions. Nous allons devoir commencer sans lui. » Au fond de la pièce une femme chantait ou était-ce un enfant, Youn ne peut le dire. La musique l’apaisa et elle suivit Gabriel vers le lieu de culte. La salle était vie. Youn interrogea Gabriel du regard. « Ils ont entendu notre appel. Tout va bien Youn. Ils viendront et nous nous liguerons pour vaincre le mal. » Un bruit attira leur attention. Un homme arriva. »Nous venons pour rencontrer l’Élue. » Et après celui-ci, un autre. Puis ils vinrent par groupes de trois, cins, six. Bientôt l’église fut bondée. Youn observait la porte dans l’espoir d’y voir surgir Zimmer et quand il arriva, Youn se précipita vers lui. « Qui sont tous ces gens ? —Ils sont venus pour toi. Pour t’écouter. Gabriel leur a dit que tu viendrais alors…. —non ! enfin, non. Je n’ai jamais parlé de cela à Gabriel. Nous avons discuté oui mais à aucun moment il ne fut question de cette rencontre. Youn, c’est le chaos dehors. Les hommes se cachent là où ils peuvent craignant que le ciel leur tombe sur la tête.

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[Epilogue]

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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France

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