Note des Disparus

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(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)

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LA NOTE DES DISPARUS [Sous-titre]

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Du même auteur Aux éditions Polymnie [La cave des Exclus]

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MEL ESPELLE

LA NOTE DES DISPARUS

Polymnie ‘Script

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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

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[Dédicace]

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[PrĂŠface]

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Chapitre 1 Mon nom est Gabriell C. Whyte et j’embarquais sur le RMS Titanic pour son voyage inaugural en qualité de femme de chambre. Pour avoir travailler avec le Colonoel Amos je savais quel genre de gentleman il était ; rien d’impressionnant alors d’avoir à gérer sa chambre C129. En plus de lui son ami James Everford résidait dans la même cabine. Dans la cabine B52 je devais m’occuper de l’excentrique et adorable Madame Sophie et sa nièce Eugenia. Comme la White Star Line pensait toujours que nous disposions de temps pour nous montrer disponible et serviable on m’octroya une troisième cabine, celle du Dr Collins en C86. C’était à se tirer les cheveux et dès Souhampton je lisais et relisais le plan de route, apprenant par cœur les raccourcis à prendre depuis Scotland Road (la plus grand coursive du Titanic partant de la proue et allant jusqu’à la poupe). Je me disais à juste titre qu’après cette traversée je changerai d’emploi : a New York on cherchait du personnel de maison ayant mon profil ; à savoir jeune, dynamique et polyglotte. Le 10 avril 1912, le Titanic devait quitter les docks pour midi et des plus fébriles je suivis les autres filles à travers le couloir des « suites des millionnaires » sous l’égide de nos supérieurs et du Capitaine smith que je voyais pour la première fois. Je savais par télégraphe que le Colonel arrivait par train affreté par la Compagnie au départ de Waterloo avec le Dr Collins et Everlord à 9H40 et delà prendraient tous trois un copieux petit déjeuner à l’hôtel de la South Western. Le personnel du dit hôtel de luxe nous achemina avec soin

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les quatre valises appartenant à Sir James, les trois valises plus les deux malles du Colonel ; les quatre valises et trois malles du Dr Collins. Face à la difficulté due à l’ouverture et le soin apportés au linge et effets personnels de ces gentlemen je demandais donc à être assistée dans mon entreprise. « Et comment doncGaby ? Comment feriez-vous sitôt que le paquebot sera prêt à partir ? Vous ne pouvez malheureusement compter que sur vousmême ! » Me répondit-on alors que je poursuivais les bagagistes affairés à transporter les malles en cabine quand elles ne devaient pas rester en soute. Acculée, je repris mon souffle en faisant signe à Viola de venir me prêter main forte. A 11h30 arriveraient Madame Sophie et Eugenia, ce qui me laissaient moins de deux heures pour tout boucler avant le prochain débarquement de bagages. « Allez, on se dépêche ! » Entendis-je dans le couloir. Il y a toujours un steward pour faire régner l’ordre. Alors en tremblant je pris soin de ranger les pantalons et chemises du Colonel, ses bas, ses portesbas, ses gûetres, ses gilets, ses smocking, ses vestes, ses manteaux ; ses mouchoirs, cravates, gants de chevrea, chapeaux, bretelles, canne, nœud de papillon, robe de chambre, chemise de nuit, costumes de bain ; parfum, peignes, brosse à dents, montres à gousset, boutons de manchettes, cols brodés ; pantalons de flanelle, chemises à manches courtes, barettes de lavallières. Je fis de même pour les effets de Sir James et plus tard ceux du Dr Collins. Etant méthodique et patiente, je pris un soin légendaire à tout plier, ranger et préparer pour leur arrivée. Nous avions également des consignes quant au séjour de ces clients et cela comprenait la boite de cigares pour le Colonel au papier pour le Dr Collins. On me blaguait au sujet de mon travail auprès de la White Star Line. « Si vous continuez ainsi Gaby, il faudra vous ramasser à la petite cuillère ! » N’ayant pas le cœur à blaquer je filais au télégraphe Marconi géré par Jack Phillips et Harold Bride. J’eus espoir à la dernière minute que les Mrs Sophie et Eugenia

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annulèrent leur billet à la dernière minute prétextant vouloir rester fidèle au Mauretania ; il n’en fut rien car peu après 11h30, les précieuses malles arrivèrent et aidée cette fois par Emily et Charleen je rangeai les corset, bas, culottes, chemises, pantalons de satin, cache corsets, robe de soir, tailleur, cravate, gants, robes de jour, jupons, bottines, souliers, chapeaux et épingles à chapeaux ; parapluies, manteaux, longs gants blancs, étoles, ceintures, sacs à main, aumonières, châles, bonnets de nuit, robes de bain, costumes de bain ; bijoux de cheveux, colliers, bracelets ; parfums, brosses à cheveux, brosses à dents, chemises de nuit. Les Dames Sophie et Eugenia disposait de plus de 25 robes de jour et 12 robes de soir ! Comment ne pas les haïr ? Qui plus est en constatant qu’il s’agissait de toilettes de chez Frederic Worth ou des Sœurs Challot de Paris ! Il y avaient également des pièces de chez Paul Poiret, Jeanne Paquin, Jeanne Halle, Herbert Luey, de Mrs Osborn Compan, de la Plaza Gown Parlors et de la C&E Spitzer. Toute cette surenchère de luxe nous laissait pantois. Vingt minutes plus tard on vint m’apprendre que le Colonel venait de prendre possession de sa cabine et l’horreur me saisit. « Oh, Gabriel ! Entrez mon petit chat ! Nous nous demandions où vous étiez ? On en pouvait imaginer un départ sans vous saluer et ainsi nous assurer que vous seriez des nôtres ! » Je m’exécutais en une rapide courbette en découvrant le valet de ce dernier, le grincheux George me dévisager froidement. « Ainsi, nous voici rassurés ! Je crois bien que nous ayons rendez-vous en salle de réception avec Mrs Sophie, le confirmezvous ? Nous ne les avons pas vu dans le hall de réception des Ières classes ! —Mais nous avons croisé les Guggheinem ! Des gens charmants, poursuivit James assis sur un fauteuil, les jambes croisés. Et que dire des Astors ? Mais notre Colonel n’eut d’intérêt que pour la Comtesse de Rothes, ajouta-t-il en tassant sa cigarette. Peste soient ses cabines ! On y étouffe plus ici qu’ailleurs ! »

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D’un bond il se leva pour me remettre un shilling. « Ah, oui George ! Donnez un petit quelque chose à notre admirable Gabriell ! » A contre cœur il me remit également un shillong et je m’enfuis prestement pour gagner la B52 juste au moment où Madame Sophie arriva suivie de la magnifique Eugenia. « Soyez les bienvenues à bord du Titanic, Mrs B… et Mrs C.. ! » L’une et l’autre me dévisagèrent. « Non content de nous avoir à l’œil, il faut encore que le Colonel nous fasse espionner par sa femme de chambre ! S’amusa Sophie affichant un large sourire sur ses lèvres occupant tout le bas de son visage. Avez-vous croisé Collins ? Et comment est James ? Cela ne doit pas fonctionner que dans un sens ! A-t-il parlé de nous ? —Il a dit avoir vu les Guggheneim et les Astor ainsi que la Comtesse de Rothes. J’avoue être restée trrès peu de temps pour l’avoir entendu vanter vos mérites. Puissé-je vous suggérer de louer des transats pour la durée de la traversée ? —Oui c’est une excellente idée ! N’est-ce pas Nini ? Après tout nous sommes venues pour apprécier la mer, les mouettes et l’horizon ! sans parler des millionnaires célibataires, si toutefois il est possible d’en croiser, ricana cette dernière en me tendans un billet de son sac. Faites ce qu’il faut pour que nous soyons bien placés sur le pont promenade des 1ères classes. Gardez la monnaie pour vos extras. » Ensemble nous avions fait Istanbul, une croisières sur le Nil, des séjours à Nice sur la Riviera ; en plus de l’Ecosse, la Belgique et Madère. Autant dire que je les connais bien, sachant exactement ce qu’il fallait pour améliorer la qualité de leur séjours. La belle Nini telle une déesse antique soupira allontée sur la méridienne. Pour le transport elle avait choisi un tailleur-jupe bleu-roy, un manteau noir à col de zibeline, des ravissantes bottinesà sangles. Sur sa poitrine se tenait une magnifique broche en or représentant un papillon certainement acheté à Paris, place Vendôme. Autour de son long cou de cygne pendait un collier de perle gris et à son doigt un gros diamant (souvenir de

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son mariage avec un riche Esquire, pair d’Angleterre). Je l’avais toujours trouvée divine, rayonnante voire solaire et si gentille. « Il semblerait que le Titanic soit parti, glissa-t-elle en s’éventant à l’aide d’un éventail en ivoire (objet qui ne la séparait jamais) Où le Colonel a réservé pour ce soir ? A la salle à manger ? —Oui c’est exact, répondis-je en récupérant leurs bijoux pour les déposer auprès du commissaire de bord. Ce soir vous dinerez au restaurabt à la Carte. Demain midi au Restaurant Français avec une exception pour samedi pour le restaurant à la carte. Mais ce planning de réservation est libre d’être modifié la veille. Comme vous le savez vous n’avez pas à vous habiller ce soir pour le diner, il est usage de garder ses vêtements de voyage. —Parfait ! Déclara Sophie allumant une cigarette depus son porte-cigarette. J’avais pensé faire du squash et profiter un peu de la piscine et des bains turs. Vous pouvez m’arranger cela ? Qu’en dites-vous Nini ? —Très peu pour moi ! J’avais songé me délasser dans la bibliothèque. Les petits déjeuners ont-ils lieu dans les cabines ou bien faudra-t-il se joindre au Colonel ? —Dans la salle à manger de huit heures à dix heures. —Très bien Gaby ! Nous vous libérons et l’on se retrouve plus tard. Tenez, après le déjeuner si nous parvenons à trouver la salle à manger. Reposez-vous un peu Gaby, on pourrait penser que vous avez nagé de Cherbourg à ici afin de tracer la voie de ce paquebot. Ah, ah ! Merci Gaby ! » La porte de la B52 refermée, je me faufilai dans le couloir pour me rendre à la C86. Pourquoi le Colonel n’avait-il pas réservé une cabine plus plus proche de la sienne ? Encore un mystère à résoudre. En frappant à la porte de la cabine, le Dr Collins fut prompte à ouvrir et lui me dévisagea de la tête aux pieds. « Où sont installées nos Dames ?

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—En B52. C’est une suite. Avez-vous fait bon voyage Docteur ? » Il ne répondit rien, affichant un large sourire. « Je n’ai pas eu à me plaindre. Le train était on ne peut plus confortable et la White Star Line sait ce qu’il fait faire pour dorloter ses passagers. Et vous ? Etez-vous bien installée ? —Cela va sans dire, ce paquebot est luxueux ! On vous attend en salle de réception et la demande de Mrs Sophie, je louerai des transats, poursuivis-je en rangeant son sac de voyage dans le placard pour m’apercevoir que George était passé avant moi pour en extraire sa montre à gousset, sa bible et sa carte porte-bonheur (le Dr Collins restait superstitieux et plus encore sur la mer). A quelle heure passe George ? —Après le déjeuner. Il n’a pas été clair là-dessus. Il me faudra compter sur vous. » Notre regard se croisa. En tant que femme de chambre cela ferait jaser si le Dr Collins tenait à ce que je m’occupe de sa garde-robe ; les valets depuis toujours occupaient ce rôle et en aucun cas les femmes de chambre, juste là pour veiller au confort dans les cabines. Je répondis par un sourire avant de placer son carnet de notes et jeux sur le guéridon. « Je louerai moi-même les transats. J’ai besoin de pouvoir me repérer à bord de ce géant des mers et vous n’aurez qu’à aller me réserver la salle de squash, les bains turcs et le gymnase. Le Colonel a-t-il l’intention de s’entretenir ? —Il ne l’a pas mentionné mais Mrs Sophie tient à garder la main sur son squash, tout comme aller se relaxer aux bains turcs. Dois-je faire combiner vos emplois du temps ? —Non, je…je vais étudier la question à table avec le Colonel et vous en serez davantage dans la journée. Où mangeons-nous ce midi ? » Je lui répondis en remarquant qu’il n’avait rien demander concernant Nini ; je suivais cela de près sachant que cette dernière convoitait James depuis toujours bien que le Dr Collins lui ait fait des avances détournées. Cette riche Américaine voulait pouvoir

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avoir un œil sur la poltique de Westminster par l’entremise de James comme du temps de son premier mariage ; cela lui donnait un cachet et de la conversation. Le Colonel aurait pu le lui fournir mais le Colonel flirtait avec Sophie sans que cela ne saute aux yeux. Ils restaient discrets mais je savais que Sophie attendait plus de lui qu’une simple amitié. Je partis donc dans la salle à manger de la Troisième classe et y trouve George, visiblement irrité par mon retard. « Vous vous êtez perdue ? » Il avait commencé sans moi naturellement et comme je lui disais n’avoir pas trouvé le pont F, il gloussa froidement. « Alors ainsi vous n’avez aucun sens de l’orientation. Je pensais que vous vous en tirerez plutôt bien mais… Passons ! Déclara ce dernier en découpant son rôti de porc à la Sauge et aux oignons. De toute façon je ne vous attendrais pas pour les repas, la Première Classe a ses exigences niveau horaires et le Colonel contrairement à Sir James se montre particulièrement lasciste et moins à cheval sur les horaires. Cependant n’essayez pas de perdre votre temps dans les couloirs. —Vous pensez que c’est de ma faute George ? —Evidement ! Vous êtes à bord du Titanic depuis… huit heures n’est-ce pas ? Le Dr Collins ne tient pas à ce que je l’habille mais je sais qu’il ne pourra se passer de mes conseils vestimentaires. De plus je prendrais en charge la gestion de leurs portefeuilles. Il a toujours été de ma prérogative de veiler aux objets de valeur du Colonel et de ses relations. Alors ce n’est pas aujourd’hui que nous changerons l’ordre des choses ? » Je ne répondis rien, mais n’en pensais pas moins. Dans le service George était excécrable ; pour moins que cela je l’aurais poussé au suicide Le Colonel m’encourageait à ne pas céder aux exigences de son valet car depuis le décès de Rupert, George fut nommé Premoer valet et cela eut pour effet de me rendre neurasthénique.

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Le repas avalé je remontais sur le pont B pour y attendre ces dames fortes heureuse de s’être régalées. « il y a un orchestre, vous savez ! Déclara Nini en déboutonnant sa veste. Ils jouaient divinement bien et on a servi non loin de la table des Strauss, des gens charmants ! Le Colonel y fut tout à son aise et il n’a pas cessé de serrer des poignées de main. Mais James fut peu bavard. Difficile de lui arracher autre chose que des banalités. Quant au Docteur… je me demande encore pourquoi le Colonel l’a invité ? Il est si taciturne. —A quatorze heures nous devons lui et moi louer les transats. Il tient à le faire lui-même. Oh, Gaby, avant que je n’oublie ! (elle sortit un billet de sa poche) J’irai au squash demain, jeudi de huit heure à neuf heures et l’après-midi de quinze heure trente à seize heures avec Nini et James. Les bains turcs mercredi, de dix heures à midi et jeudi de dix à onze heures. Vous ferez le nécessaire comme convenu. J’entends par là de soudoyer vous savez qui pour qu’il se joigne à nous. —Naturellement. Merci Madame. » Nini vautrée sur le canapé se redressa. « A quatorze h je partirai au télégraphe voir ce joujou fonctioné. Je dois dire à Tante Emy que tout se passe pour le mieux ici. Elle s’imagine que le Titanic est maudit. Elle parlait de naufrage..elle tient à ce que je la rassure. Ensuite à quinze heure trente je ferais une courte sieste, disons une petite heure avant l’heure du thé. Il faudra m’habiller pour dix-sept heures. Je vous laisse le choix de me rendre belle. Vous pensez à quoi ? —La robe parme en mousseline de soie. Cette robe est à elle seule une invitation à la poésie. Votre chapeau fleuri et… » Je m’interrompis en attendant frapper à la porte. Le Colonel s’y trouvais et son regard s’arrêta sur mes lèvres. « Ces dames sont-elles prêtes ? —Une pette seconde Amos ! Mais vous pouvez entrer, on est bien là ! Héla Sophie par-dessus mon

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épaule. Ah, ah ! Gaby va me rafraichir un peu ! Cette suite comme vous le constatez nous envoie tout droit en Hollande. Ah, ah ! Ses boiseries, ces lambris et ce baldaquin aux rideaux cramoisis, vous avez parfaitement choisi ce qu’il nous fallait pour qu’on se sente vraiment chez nous. Ce style hollandais est des plus appréciable. —Je savais que cette suite vous plairait. Gaby m’a été d’une précieuse aide, il faut en convenir car nous avions le choix entre lle style Empire, Elisabéthain et j’en passe. Sur les 350 chambres de première, il nous a fallu en choisir une avec deux lits, un petit salon, salle de bains et pièces communicantes. Inutile de vous rafraîchir, vous êtes très bien comme cela ! Gardez vos artifices pour le thé ou le diner de ce soir. Le pont promenade regorge déjà de galants pressés de faire votre connaissance, il ne faudrait pas les faire attendre, argua ce dernier en lui tendant le bras. Mettons-nous en roue avant que le télégraph ne soit pris d’assauts par vos voisins de couloir ! » Je vins à fermer la porte derrière eux quand un bellâtre s’effaça pour les laisser passer. Or ce dernier je l’avais vu discuter avec George peu après avoir quitté Southampton et ma curiosité s’arrêta là. Les valets de ces gentlemen n’étaient pas ma préoccupation, pourtant je dois dire que ce dernier avec son regard électrique, ses pommettes rondes et ses lèvres pleines, me fit un drôle d’effet. Pendant qu’ils seraient tous auprès du commissaire de bord, j’avais le loisir de descendre me mêler aux autres domestiques et mon ouvrage de couture à la main je partis donc vers la salle commune quand de nouveau je vis ce valet me suivre, le regard interrogateur. A peine trouvais-ke à m’assoir qu’il me rejoignit sans cérémonie. « Ainsi vous êtes attachée aux services de trois cabines ? Rien que cela. Vous serez sur les rotules avant même qu’on ait gagné New York. Le Colonel estil tortionnare à ce point ? Je vois que vous ne me reconnaissez pas. Nous nous sommes croisés à

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Biarritz l’été dernier. Mon emploeur occupe la B54 et je n’ai pas à me plaindre de ma situation actuelle. —Rappelez-moi votre nom. Il me semble l’avoir oublié à Biarritz. » Il se pencha un peu plus vers moi, suscitant la curiosité des autres occupants des lieux, toujours friands de potins. « Mon nom est Arthur Gordon et je travaille pour Mr B… une relation du Colonel bien éidemment. George dit qu’il s’agit de votre dernier service. Vous envsagez de travailler à votre compte, est-ce bien cela ? —George n’a pas sa langue dans sa poche ! Je ne sais trop quelle suite donner à mon service. J’ai pu accumuler ces dernières années mais je risque de manquer de capitaux si je ne rempille pas deux années supplémentaires. Cette traversée va me permettre de tripler mon salaire mais cela reste toutefois très modeste. Oui j’avoue vouloir rester à New York quelques temps mais le colonel pense que ce n’est pas forcément une bonne idée. A moins que j’investisse tout mon argent dans le pétrole au Texas, ce qui serait irréfléchi n’est-ce pas alors , il ne me reste donc plus qu’à tirer profit de cette situation. A savoir continuer dans le service. Et bous Gordon ? Des projets d’avenir ? —Oui mon employeur actuel souhaite me voir reprendre des études. C’est une grande marque de respect et je ne peux négliger cette attention toute particulière. J’aurais donc la possibilité d’entrer à Oxford et de… —Oxford ? Ah, ah ! Votre employeur est-il donc généreux à ce point ? —Oui il a de solides appuis et vous êtes à ce jour la première à qui j’en parle. Mon père est décédé fort endetté. Nous avons du survivre comme vous devez l’imaginer. Alors j’ai pris le premier emploi qui s’offrait à moi, celui de pigiste dans un petit journal sans grande prétention. Puis lors d’un meeting j’ai rencontré Mr B. qui m’a offert de rentrer à son service comme secrétaire personnel. Comme j’accumule la charge de valet et de secrétaire je n’ai

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pas à me plaindre de mon salaire. Ce revirement de situation permet à ma famille de manger, de se vêtir et à moi de songer à mon avenir. Assez parler de moi ! Avez-vous un quelconque passe-temps ? Je serais curieux de savoir comment vous organisez votre temps libre quand vous n’êtes pas à repriser le linge de vos employeurs et à habiller et coiffer ses ladies ? Dites-m’en plus ! —Je lis. Je me cultive. Le Colonel apprécie d’avoir des gens autour de lui avec qui faire la conversation alors j’essaye de me montrer curieuse. Mais je ne m’en tiens pas qu’à cela. Il m’arrive aussi d’écrire. Principalement des contes pour enfants. Une telle magie s’en découle. » Mon sourire s’effaça en voyant arriver George. « Le Docteur vous attend dans sa cabine ! Il aurait besoin de vos talents de couturière. Alors soyez aimable de ne pas le faire attendre ! » En panique je récupérai mes affaires pour filer vers sa cabine. Vautré sur son lit, les cheveux en pagaille et la main sur le front, il sursauta en me voyant entrer. « C’est vous Gaby ? Entrez donc ! (il se redressa sur son séant) Voyez ce costume ! Je compte le mettre ce soir mais il présente quelques défauts…là à la taille. Ce pantalon aurait besoin d’être raccourci, disons de deux pouces afin de ne donner donner l’illusion d’une perte de poids importante. Ce qui n’est certes pas le cas. Je l’avais donné à reprendre par mrs Turner mais cette dernière n’a apparemment pas les yeux en face des trous. Pensez-vous y arriver ? Je pense qu’il vous faudra décourdre au niveau de ses passants pour reprendra la taille. » Les mesures furent directement prises sur lui. Cela m’occuperait pendant leur sieste et avec soin une dizaine d’aiguille furent posées sur le vêtements, Notre regard se croisa. « Vous faites de l’excellent travail, gabriel. —Je suis payée pour cela, Docteur ! Si mon travail n’était que passablement correct je ne serais pas ici ? tout le monde sait combien est exigeant le Colonel.

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—Maintenant je dois rejoindre les autres auprès du commissaire de bord. Vous pensez que le costume sera prêt pour ce soir ? Si vous pensez ne pas avoir le temps, cela ne sera pas un problème. George me trouvera quelque chose de tout aussi seyant pour le costume de ce soir. A plus tard, Gabriel. » La porte refermée derrière lui et son costume sous le bras il me fallait rejoindre ma cabine quand Gordon me suivit ; le Titanic restait suffisamment grand pour se perdre mais Arthur Gordon prit le parti de rester à proximité des suites des millionnaires pour ne pas avoir à demander son chemin aux autres membres de l’équipage et domestiques bien plus observateurs que lui. ce dernier sourit en me voyant passer crânement devant lui, le menton relevé et la poitrine bombée. Pouvais-je me permettre de jouer la pédante quand nous étions tous dans le même navire ? « Pourra-t-on prochainement se revoir Gabriel ? —Oui, à New York ! J’ai trop de choses à faire pour me permettre la moindre récréation Gordon ! mais je suis flattée par votre intérêt, répondis-je en me précipitant dans la coursive entrainé par le flot humain de femmes de chambre venant de partout à la fois. En tournant la tête, Arthur Gordon ne fut plus dans mon champ de vision. Madame Sophie ne tenait pas à ce que mes affaires restent auprès d’elle, ceci donc expliqua le fait qu’il me faille redecendre sur mon temps libre dans le réfectoire après être passée par mon casier situé sur le Pont D. Que mes employeur fassent la sieste ou non, trois bonnes heures me permettraient de travailler avant de passer à leur habillement. Par mégarde je vins à me piquer le doigt. Une goutte de sang perla pour atterir sur le pantalon de Collins. Fichtre ! Pour ce soir ce costume risquerait de ne pas être prêt ; or c’était là mon impératif. Comment pouvait-on se farcir une gourde pareille ? Inutile de réfléchir à la marche à suivre, cette fâcheuse tâche me condamnait à garder l’ouvrage près de moi jusqu’à ce qu’il sèche le plus naturellement possible afin de ne pas condamner le tissu de piètre qualité.

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En levant la tête, mon regard croisa celui du Colonel. Que faisait-il donc ici ? Le cœur battant à rompre j’avançais vers ce dernier. « Ah ! Vous êtes donc ici ! Cela fait plus qu’une heure que je vous cherche. A ce sujet je pense qu’il serait plus judicieux que vous restiez en cabine près de nous. Non, ne dites rien ! Sophie est également de mon avis. Elle vous réclamait toute à l’heure pour une histoire d’épngles coincée dans sa robe. Avez-vous fait des rencontres ? —Non, enfin….si. j’ai rencontré le valet de Mr B qui occupe la cabine B54 et…. » Déjà il ne m’écoutait plus, concentrant son regard sur un détail de mon visage. «Oui, Gordon a pris soin de m’inquiéter le chemin jusqu’ici. Je redige un courrier assez prenant je dois dire. Peut-être me feriez-vous l’honneur de me rendre la tâche moins ingrate ? » Parfois il abusait. Ils abusent tous d’une manière ou d’une autre. Une fois à New York je serais libre de mener ma barque où bon me semble. Et pourquoi ne pas commencer par enseigner ? Le colonel me laissa entrer dans sa suite la C86 et devoir rester près de lui me mettait mal à l’aise, non pas qu’il puisse se montrer trop amical envers moi mais parce que j’eus l’impression de trahir Madame Sophie surtout quand ce dernier se mettait à parler poésie et philosophie. Il avait connaissance de ma curiosité et il aimait se rendre utile avec ses livres. « Asseyez-vous s’il vous plait ! » Il prit une chaise pour se rapprocher de moi et sans le lâcher des yeux, je restais là immobile à attendre qu’il prit la parole. Mais rien ne vint. « Gabriel, vous êtes une sacrée femme et je ne dis pas ça pour vous flatter mais je reste persuadée que vous aurez du succès en Amérique. C’est le pays de tous les rêves et les yankees vous feront un accuil des plus triomphants. Avoir de l’ambition c’est une bonne chose, vous savez. Et en ce qui vous concerne et bien, je ne me fais pas de soucis. Oui, il me faut écrire à une vieil ami mais l’inspiration ne semble pas venir et…. Si vous n’étiez pas en service, je vous inviterez à réféchir

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dans la bibliothèque ou sur le pont promenade du pont A. Etes-vous déjà montée y faire un tour ? Au départ c’est un peu intimidant et puis bien vite, on s’y fait. En soirée vous trouverez le loisir d’aller prendre l’air. J’ai toujours tenu à ce que mon personnel soit bien nourri et qu’il dispose de uffisamment de temps libre pour s’oxygéner un peu. Vous me manquerez gabriel, je commençais à vous apprécier. » Il est certain qu’il me manquerait aussi ; ils me manqueront tous , madame Sophie et sa légendaire bonne humeur et Eugenia et sa grande ouverture d’esprit, Sir james toujours à nos petits soins et le Docteur qui me parlait comme à une égale, sans parler du Colonel sans qui rien n’aurait tété possible. Ensemble nous avions passé de délicieux moments et il faut admettre qu’une fois à New York il me sera difficile de me compter sur un tel réseau de maîtres. Celle qui me manquerait le plus serait madame Sophie, elle avait beaucoup d’esprit, souriait constamment et se moquait d’elle-même car jamais vraiment elle ne se prenait au sérieux. Quand soudain la main du Colonel se posa sur la mienne ; Prestement je la lui ôtai. « Quel est le menu de ce soir ? Vous l’ignorez peutêtre. C’est sans importance. Avez-vous noté que j’irai au squash demain de huit heures trente à neuf heures ? Madame Sophie et Sir James m’accompagneront. Vous pourriez descendre avec nous, qu’en pensez-vous ? —Monsieur, j’avas prévu de faire un peu de raccomodement et le matin je suis un peu bousbulée par le temps. » Il me défigura, perdu dans ses pensées. « Pensezvous que je doive me faire raser la moustache ? Je pourrais prendre rendez-vous chez le barbier du pont C et en finir avec cette pilosité facilae, vous en pensez quoi ? Les femmes pourraient-elles m’apprécier sans cette artice ? Comment m’appréciez-vous Gabriel ? —Vous avez beaucoup de pretance avec mais s’il vous vient l’envie de la raser aors libre à vous de le

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faire, personne ne vous blamera d’avoir modifié un détail de votre personnalité. —Mais vous ne répondez pas à la question Gaby ! Vous commencez à parler comme Collins. Il ne donne jamais de réponses précises, il tourne autour du pot et à force de le fréauenter vous vous mettez à raisonnier comme lui. Je vous ai connue plus raidcale et moins charmante mon petit ! quand vous avez commencé dans le service vous étiez un peu….vous aviez des idées bien à vous et c’est ce qui faisait votre charme. Aujourd’hui vous êtes modérée dans tout ce que vous dite comme si vous criagniez de nous contrariée. Pourquoi ce subit changement ?je vais sur le pontpromenade, venez avec moi ! » Il se moquait qu’on puisse nous voir ensemble et après avoir emprunté le grand escalier, on se retouva devant l’entrée des 1ères classes et le cahpeau melon enfoncé sur sa tête blonde, le Colonel salua quelques membres de leur prestigieuse unité avant qu’on nous ouvrit la porte pour le pont promenade avec ses canots de sauvetage. L’air restait frais et baisant la tête je le suivis sachant que ma place ne devait pas être ici mais sur le pont-premnade de la deuxième et troisième classes. Madame Sophie et collins avaient loués des transats et le Colonel passa devant les clients confortablement installés sous le soleil, la couverture posée sur leur genoux. « Une belle journée n’est-ce pas ? Possible qu’on arrive à Cherbourg avant ll’heure indiquée, nota ce dernier en posant les avant-bras sur la balustrade non loin du gymnase. Mais rapprochez-vous donc un peu ! Vous êtes à cent lieue derrière moi ! » Impossible de m’exécuter et quand je le fis non loin des bossoirs de tribord mon cœur battait furieusement dans ma poitrine. « C’est beau n’est-ce pas ? On se sent invulnérable sur ce pont et ce paquebot est remarquable. J’ai jadis embarqué à bord du Mauritania de la Cunard et l’Olympic de la White Star mais la palme d’or revint indubitablement à celui-ci. Il est possibe que nous restions plus longtemps à New York. Entre nous, rien

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ne presse et vous allez avoir besoin de solides références pour vous y installer. J’ai des amis là-bas qui pourront vous aider s’il m’est possible de les solliciter avant notre départ. Il serait regrettable de vous laisser seule dans ce vaste territoire. » Et je tournais la tête entendant un tonitruant rire. Un vieillard approchait appuyé sur sa canne et tenant le bras de Gordon. « Et comment se porte notre Colonel ? » Les deux hommes partirent dans un franc éclat de rire, l’occasion me fut donné de reculer afin de gagner ma place loin de ces gentlemen et Gordon après quelques commentaires à l’intention de son maître vint me rejoindre sournoisement, souriant d’une oreille à l’autre, très impeccable dans ce costume sombre fait de laine de qualité. « Comment allez-vous depuis toute à l’heure ? Je pensais qu’il serait plus facile que cela de se perdre à bord du Titanic mais tout finalement est fait pour nous conduire sur les ponts-promenades ! Vous semblez préoccupez. Et-ce parce que vous culpabilisez d ne pas être avec les autres nègres des entreponts ? Ah, ah ! Vous disposerez de votre soirée pour vos travaux d’aiguilles, soyez sans crainte il faut parfois savoir apprécier ce qu’on vous donne. —Ecoutez Gordon, je pense que vous êtes un homme d’exception à voir comment votre employeur vous traite mais pour moi vous restez un domestique dans un beau costume taillé avec soin, certes mais un domestique quand même et vos airs supérieurs m’affectent. Contrairement à vous, je suis en service. —C’est marrant, j’aurais pensé le contraire. Le Colonel aurait pu trouver meilleure compagnie que la vôtre, alors j’en déduis que vous lui plaisez beaucoup au point qu’il en oublierat presque qu’il vous paie pour raccomoder ses chaussettes. Il ne cesser de vous observer et si je n’étais pas un homme je penserais que cela est anodin mais s’il vous fait monter jusqu’au pont à cette heure-ci du jour ce n’est probablement pas pour vous parler de vos aptitudes à faire infuser un thé Darjeeling. Mais je n’ai rien à vous apprendre. Vous êtes forcément consciente du pouvoir fascinant

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que vous exercez sur la gente masculine ! Vous aurez beaucoup de succès à New York, déclara ce dernier en s’allumant une cigarette. Les Américains aiment ce qui sortent de l’ordinaire, ils raffolent de personnalités qui comme la vôtre n’a aucune limite. Sophie dit que vous êtes très téméraire. —Sophie ! » Comment osait-il l’appeler ainsi ! « Oui, c’est bien comme ça que vous l’appelez non ? madame Sophie donc dit que vous ne manquez pas de resources. Elle vous trouve très inspirée et confiante en votre avenir. Ormis le Colonel, vous avez un prétendant en Angleterre ? —Je vous demande pardon ? —Cessez de tels enfantillages avec moi, je vous demande seulement si votre cœur est pris. Vous aurai-je donc offensée en m’informant de votre disponibilité à recevoir mes avances ? » Alors je tournai la tête afin de ne plus croiser son regard interrogateur. Le colonel me fixait à distance, collé au bastingage du pont promenade. En me regardant ainsi discuter avec le secrétaire de son ami, il devait penser qu’il était en danger, ce fut la raison qui le poussa à prendre congé de son interlocuteur. « Mon employeur descend à Cherbourg. Il a des problèmes cardiaques et pense qu’il est plus sage pour lui de mettre un terme à ce voyage inaugural. Je n’aurais donc pas l’occaion de vous revoir avant longtemps et….j’aimerai disposer de plus de temps pour vous connaitre. Soyez-en certaine. —Bonne fin de soirée à vous ! » On regagna la cabine sans un mot et au dernier moment se retourna vers moi opur faire courir son regard sur mon visage. Ce regard je le connaissais et après une rapide courbette je pris congé de son augute personne pour aller me réfugier dans ma cabine, voyant le temps défiler à une vitesse folle. Dans peu de temps il me faudrait remonter m’occuper de ces dames et ensuite

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[Epilogue]

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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France

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