Sacrifice des Experts

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(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)

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LE SACRIFICE DES EXPERTS [Sous-titre]

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Du même auteur Aux éditions Polymnie’Script [La cave des Exclus]

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MEL ESPELLE

LE SACRIFICE DES EXPERTS

Polymnie ‘Script

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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

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[Dédicace]

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[PrĂŠface]

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Chapitre 1

C’est un peu comme une grande cagnotte. Le mariage, je veux dire. Les femmes sont exposées là tel du bétail et ces messieurs, ces grands seigneurs font leur choix : trop grande, trop rousse, pas assez fortunée. Des valeurs parfois erronées puisque reposant sur leur propre estime de soi. Il y a toujours eu un enjeu très important concernant le mariage mais là….on ne se doute pas à quel point cela peut affecter le moral de certaines et de certains —oui les hommes ne sont guères exclus de ce commerce, car avant tout de choses ce sont bien eux les principaux marchands imposant leur prix sur le marché aux donzelles, les pucelles et jouvencelles ; en solidarité pour ma sœur j’acceptais de l’escorter à ce grand marché annuel où tout cheptel de belles femelles trouvera ou pas preneur. J’ai toujours grandi ici ; ne me plaignait pas d’appartenir à cette cour, tout juste si j’y ais ma place. Enfin…alors que se dispute conciliabules, négociations, séductions, traites et pots-de-vin concernant les futurs mariés, je sers un peu de libre penseur ici quand tous prennent cela bien au sérieux. Je clame haut et fort

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ne pas vouloir me marier et tous me prennent au sérieux parce que trop grande, trop brune et trop peu fortunée. Quand on me regard on doit penser : Pauvre petite noiraude, elle ne fera jamais de bon mariage, tout juste bonne à distraire ces gentlemen ! J’en ai entendu des tas sur mon compte ; certains visant mon éducation jugée trop libérale, d’autre mon physique des plus atypiques, d’autres s’amusent à me singer disant de moi que fou du roi je suis, folle je resterais. Qui iraient les blâmer ? Ils ont raison et je ne peux leur donner tort. suggéré de faire nos malles. La main sur le flanc j’attendais mon tour aux latrines. La cause est cette infection culinaire. On est en à expérimenté les épices que l’on mélange ici avec tout ; elles servent entre autres à camoufler le goût rance de la viande. Résultat des courses, je reste la journée entière aux latrines, ne pouvant faire autre chose que vider mes intestins malmenés. Pas plus tard qu’hier, je m’y suis rendue six fois pour à chaque fois m’en sortir avec un estomac encore plus noué que la veille. Isabeau me laissa passer derrière elle, me fixant attentivement comme si elle venait de découvrir que j’étais du genre humain n’ayant plus rien à voir avec l’espèce de créature mythologique que l’on s’imagine me voir être. « C’est quoi le problème avec toi ? « Je n’ai pas le temps de m’expliquer ; d’jà je soulevai ma robe — pas moins de trois couches— pour m’assoir sur le trône et laisser déverser un torrent de merde dans le conduit donnant sur les douves. La tête en vrac et pourtant des plus soulagées, je me disais accepter la mort pour ne plus avoir à quitter le lit en

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trombe pour aller satisfaire un besoin naturel mais on ne peut plus très urgent. On dira partout qu’il est arrivé un grand malheur à la petite du troisième étage ! Tout le monde à vrai dire s’en remettra bien vite. Beaucoup ignore jusqu’à mon prénom : truc-machin-chouette revient souvent d’ailleurs. Antonia dit que l’anonymat ce n’est pas bon pour les affaires : une femme qu’on ne remarquera pas, restera à jamais dans l’hombre et ma biquette de sœur d’acquiescer. On toqua à la porte. « Isabeau ? » Elle était sortie évidemment. Il fallait être sot pour rester enfermée avec ce temps-là. Ils devaient tous être au lac et (oui je pouvais crever la gueule ouverte ici que personne ne remarquerait mon absence) à part Isabeau je ne voyais pas qui pouvait ouvrir cette damnée porte. Je jetais une cape sur mes frêles épaules, relevant machinalement ma traine afin de me faire gagner du temps si l’envie me reprenait de filer ventre à terre aux latrines. La porte s’ouvrit sur Tibalt ; son expression faciale donnait dans du : on dirait vraiment une horrible chose, repoussante et puante ! la tête reposée sur mon avant-bras, lui-même appuyé contre le manteau de la porte je tentais de prendre un air gai quand dans ma tête je n’avais qu’une seule envie : celle de me jeter par-dessus les remparts. « Tu as vraiment une sale tronche. —La tienne n’est pas mal non plus. Depuis que tu as fait raser ta barbe et couper tes cheveux, tu es beaucoup plus lisse. En même temps tu n’es pas là pour me séduire mais

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—Oui j’ai avalé une de ces cochonneries en cuisine. En même temps je dois être la seule à qui cela ne réussit pas….Tu veux quoi ? Si tu cherches après ma sœur, je ne l’ai pas vue. —Il faut que tu boives. Il faut que tu boives beaucoup et ne faire que cela si tu veux que cela change. Je peux entrer ? » Sans attendre ma réponse il s’engouffra dans la pièce en laissant errer son regard ça-et-là ; comme à la recherche d’indices qui nous rangeraient au rang de dangereuses criminelles ; notre crime serait de s’employer à vouloir faire mieux que les autres. Il saisit un peigne en corail qu’il ne reposa plus rien. Il tomba sur l’un de mes croquis qu’il reposa sur le dessus de la pile. Etrange comportement de la part d’un seigneur qui ne se déplaçait jamais sans sa cour de flagorneurs. Il s’assit à la longue table où trainait les restes d’un copieux repas, celui pris par ma sœur et autrui. Une chambre partagée par cinq filles en âge d’être mariées donnait énormément d’indices sur leur mode de vie, leurs petites habitudes et leur goût pour le luxe. Et lui continuait à regarder autour de lui et il devait se dire : si j’avais su, jamais je n’aurai investi autant pour pareilles bordéliques, frivoles et peu soigneuses. « Tu n’as rien à me faire boire ? » Aussitôt j’attrapais la cruche de vin et une timbale en étain propre ; lui de suivre mon geste. Cette petite maladroite pourrait en mettre partout sur mon beau costume. Je tentais un sourire quand un gargouillis me figea sur place bien vte ; à tout moment mes intestins pouvaient vouloir se déverser. Fausse alerte, je me repris bien vite et pour éviter l’émanation de gaz je m’assis face à lui, tourmentée par

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ce gazouillis, signe annonciateur de ce qui se tramait dans mon bide. « Les filles sont sorties. Elles doivent être au lac, arguais-je en me servant un verre d’eau, persuadée que je ne ferais pas la nuit à ce rythme-là. Après trois gorgées bien fraîches je croquais dans de la pate de fruits me souvenant avoir emprunté un livre à Amaury. C’est Amaury qui vous envoie ? Non parce que j’ai ses livres, je devais les lui rendre la semaine dernière mais j’étais sur tout autre chose. —C’e soir j’organise une soirée. Rien de bien solennel. Il n’y aura pas de Chambellan ni de hérauts à jouer du buccin. On sera en petit comité et…je serais flatté que vous y assistiez…votre sœur et vous. Je pensais à quelques bougies, du gibier et du vin ; n peu de musique et rien d’intimidant pour vous. —Pour moi ? C’est-à-dire ? —Et bien je sais que vous êtes plutôt réservée contrairement à votre sœur. Ce n’est pas une critique loin de là, je dis seulement que vous serez plus à votre aise dans ce genre de soirée que dans les nuits plus officielles. » Oh oui, vexée je l’étais ! Je ne pensais pas être plus réservée qu’une autre, seulement je prenais le temps de connaître chaque personne avant de me fondre dans la masse. Il me sonda avec intensité et moi de pousser un soupir ; il convoitait ma sœur, comme tous d’ailleurs et je savais que contrairement à moi elle ferait un bon mariage ; puisque plein d’esprit, jolie comme un cœur et aimée de tous ; on ne pouvait prétendre à mieux et dans son cas, on l’affublait du joli sobriquet de reinette ; elle ferait un excellent mariage et quand je l’escortais ce soir-là, force de constater

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que tous les regards convergèrent dans sa direction. Il était vrai que Tibalt avait organisé cela à l’échelle d’un jeune prince à sa première réception intimiste et derrière la table alors que tous mangeaient avec entrain je buvais mes litres d’eau sucrée, à bout de force et pressée d’aller me coucher. La gourde à la main j’étudiais l’assistance en me disant : sauves toi pendant qu’il est encore temps ! Et sournoisement je glissai vers la porte de sortie quand Hector vint à moi sans lâcher ma sœur des yeux. « Elle est très en beauté ce soir. Lui aurait-on fait une proposition ? —Pas que je sache. Peut-être attend-elle la tienne ! Elle ne cesse de m’abrutir en me parlant de toi. Elle te voit comme un dieu de l’Olympe réincarné. Quoi ? Tu ne me crois pas ? —pas du tout. Ta sœur a de plus hautes ambitions ! Est-ce que ça va toi ? Tu veux qu’on aille prendre l’air ? » On marcha vers la place ; le bruit du ressac, rien que cela vous bercer. Un cadre romantique et je craignais éprouver le besoin de vider mes entrailles. Enfin quand je dis romantique, je m’exprime toujours pour les autres car personne ne cherche à me séduire ; trop grande, je vous dis, trop grande, trop brune et trop ordinaire. Et Hectoir de me regarder bizarrement : Dieu qu’elle est laide cette petite mais au moins en sa compagnie on me pensera miséricordieux. La lune brillait. Une belle nuit d’été et aucune douleur au ventre pour la troubler. Plus tard il me raccompagna à mon dortoir. Il fut soulagé de se débarrasser de moi, ce boulet-puant ; bien vite il partirait rejoindre les autres et le lendemain j’entendrais le compte-rendu de

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ses exploits. J’allais me déshabiller quand il se présenta de nouveau à ma porte. « Ecoute demain je n’ai rien de prévu. Je comptais chasser un peu avec Tibalt mais tout bien réfléchi j’avais «évoqué le désir de rester là. Alors toi et moi….on pourrait….marcher. Juste comme ce soir. Ce fut une belle soirée. Tu acceptes ? » Je voyais déjà le coup où tous nous rejoindraient ayant entendu dire qu’Hector prévoyait une ballade dans le coin

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[Epilogue]

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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France

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