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LA SCIENCE DES PYRAMIDES [Sous-titre]
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Du même auteur Aux éditions Polymnie’ Script Antichambre de la Révolution Aventure de Noms Cave des Exclus Chagrin de la Lune Désespoir des Illusions Dialectique du Boudoir Disciple des Orphelins Erotisme d’un Bandit Eté des furies Exaltant chaos chez les Fous Festin des Crocodiles Harmonie des Idiots Loi des Sages Mécanique des Pèlerins Nuée des Hommes Nus Obscénité dans le Salon Œil de la Nuit Quai des Dunes Sacrifice des Etoiles Sanctuaire de l’Ennemi Solitude du nouveau monde Tristesse d’un Volcan Ventre du Loup
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Vices du Ciel Villes des Revenants
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MEL ESPELLE
LA SCIENCE DES PYRAMIDES
Polymnie ‘Script
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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
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[Dédicace]
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[PrĂŠface]
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Chapitre 1 La momie fut exhumée vers 0234 par l’équipe du professeur Henderson. Plus de trente personnes furent chargées de remonter le sarcophage pesant plus de 500kg pour une largeur d’1,25 mètre pour 3 de longueur. Autour du site, le vent balayait le sable chaud de ce delta du Nil ; la Vallée des rois offrait son ventre à ces explorateurs. Ils venaient de tous les horizons, de Londres, Paris, Detroit, Oslo, San Diego, Buenos Aires, Mexico, etc. Tous ces gens avaient en commun la passion pour l’archéologie. Parmi eux Ishabe Ebel-Delmas, une franco-égyptienne stagiaire au Daily Art., dont sa mère Felix Delmas lui avait transmis le virus de l’Egypte et son père, Davh Ebel celui des langues. Ce dernier travaillait à l’ambassade égyptienne de Jérusalem et encourageait sa fille à suivre ses pas dans la diplomatie. Jérusalem, elle y était encore l’été dernier et son colocataire, Marek Dvorakisky au regard ténébreux lui disait de s’accrocher à ses rêves et quels étaientils ? La Bande-dessinée, les romans-noirs et les jeux vidéo. Du haut de ses 23 ans, Ishabe aspirait à une existence de geek L’offre d’emploi concernant un stage au sein d’un magazine fut l’œuvre de Dvorak. Ce dernier altruiste, attentif et dans le désir de satisfaire la très discrète Ishabe l’encouragea à poster. Qui ne risque rien n’a rien, lui avait-il en récupérant le CV et la lettre de motivation. Deux mois après l’envoi du courrier un pli lui parvint ; on souhaitait la rencontrer. Alors Ishabe quitta le confort de son appartement,
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enfourcha son vélo et se rendit dans le quartier juif de Jérusalem. « Parlez-vous l’hébreu ? » Lui demanda-t-on avant de lui remettre un questionnaire de trois pages rectoverso à compléter dans une pièce enfumée déjà occupée par trois jeunes hommes dont le portrait correspondait parfaitement à l’offre trouvée par Dvorak. Loin de se montrer troublée par ces binoclars, ses pros de numérique et du langage binaire, elle remplit en pas en hébraïque mais en sémantique les informations la concernant. Etait-ce de la provocation ? « Faites-la venir Moshe, lança Yacob à l’intention de son suppléant, je veux la rencontrer ». De son côté Ishabe prit contact avec sa mère, Félix Delmas résidant à Paris et au bout du fil cette dernière sembla surprise de cet appel. Il se passe quoi là-bas, questionna Félix en regardant les passants de la rue des Ecoles dans le mythique quartier de SaintGermain non loin de la Sorbonne. Derrière son rideau cramoisi, Félix venait d’instruire ses élèves sur les trésors de l’Égypte et voilà que sa fille dont elle n’avait aucune nouvelle depuis des mois l’appelait. « Tu as trouvé du travail et bien que veux-tu que je te dise à part d’essayer de le garder celui-là ! Ecoutes, je…j’ai reçu d courrier à ton nom. Pourquoi continues-tu à donner mon adresse ? Tu as quitté Paris il y a plus de quatre ans et…Tu as besoins d’argent Ishabe, parce que je ne peux pas continuellement subvenir à tes besoins, tu comprends ? » Et cette dernière quitta la cabine téléphonique après avoir froidement raccroché le combine. Dans la rue, Dvorak la suivit du regard ; c’est bien lui qu’on avait contacté pour l’entretenir au sujet d’Ishabe Ebel-Delmas. Les Ray-ban visés sur son nez droit et aquilin il traversa la rue pour se rendre dans une épicerie. Lui provenait de la République Tchèque et le menton en pointe recouverte d’une barbe de trois jours, il observa sa colocataire de derrière la vitre recouverte d’affiches publicitaires puis il composa un numéro sur son cellulaire. « Ils vont la contacter. Ce n’est qu’une question de minutes » Et il raccrocha
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sans rien ajouter d’autres ; l’épicier le fixa un curedent coincé entre ses lèvres pleines. En empruntant l’escalier Ishabe croisa Ashraf Hefetz. Depuis trois jours, ce Syrien logeait dans l’appartement du dessous. Il revenait de Damas et transitait par Israël avant d’atteindre la Syrie ; cet ancien officier de l’Armée Royaliste Syrienne attaché à l’Ambassade américaine dévisagea Ishabe, les grosses lunettes cachant son regard vert d’eau. Sans même se saluer, ils se croisèrent et cherchant son trousseau dans sa besace, elle remarqua que la porte était ouverte. « Marek c’est toi ? » Et n’obtenant aucune réponse Ishabe se tint sur le qui-vive quant le téléphone sonna. « Ishahe Ebel-Delmas, c’est vous ? Je suis Alon Elmer et je travaille pour le Daily Art votre candidature a retenu notre attention ». Et le souffle coupé, Ishabe s’assit sur l’accoudoir du vieux canapé. Le Daily Art ? Le questionnaire remit par Yabob Dresner n’était qu’un tas de feuilles remplies d’hiéroglyphes, de lettres en sémantique. En somme rien d’exploitable. » Cet Alon Elmer devait lui faire une blague. « Vous devez certainement penser que c’est un canular mais nous avons reçu votre CV et…vos centres d’intérêt nous intéressent tout particulièrement. Le sémantique c’est bien ça ? Et l’araméen, c’est plus qu’impressionnant. Je suis à Jérusalem en ce moment et l’on pourrait se rencontrer, qu’en dites-vous ? » Piquée par la curiosité, Ishabe consulta les moteurs de recherche et ce qu’elle obtint fut le néant. Le satellite de communication transmit ses informations à la CIA et aussitôt les hackers surent que la petite Ebel-Delmas tentait de cracker leurs codes. Il lui faudrait peu de temps pour retrouver Alon Elmer ; au même moment Eli Eskov du Mossad reçut un SMS : « Rendez-vous confirmé » et l’homme au visage émacié se caressa le menton avant d’interpeller Ishan Zéev, un tout jeune agent au regard révolver. Il se rendrait auprès d’Ashraf Hefetz avec qui il partageait le loyer au-dessus de celui d’Ebel-Delmas. La seconde
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suivante, Ishabe se rendit sur le site de la CIA…Alon Elmer, je vais te trouver, pensa-t-elle en pianotant sur son clavier. Entra Marek Dvorak, un sac de provisions tenu à bras le corps et une bouteille de champagne dans l’autre. « Je crois qu’on a quelque chose à fêter… » Et immédiatement Ishabe mit un terme à ses recherches. « Ils ont appelés ici et j’ai décroché. Tu vas enfin avoir un job à la mesure de ton talent. Tu vas enfin sortir, de confronter à de vrais gens et non plus à des avatars. Alors, trinquons à ton futur succès ! » Quand Alon Elmer rencontra la fille pour la première fois il essayait d’arrêter de fumer. Il était à deux paquets par jour et les patches collés sur ses avantbras il commanda deux cafés avant de sortir un épais dossier de son attaché-case. Depuis plus de dix ans il bossait pour la CIA en tant qu’agent secret au MoyenOrient. Son contact Aaron Halter également membre du Mossad sillonnait le globe à la recherche d’agents dormants et Ebel-Delmas le serait d’une aide précieuse. Attablé non loin d’eux, il griffonnait quelques notes confondu avec le reste des clients de ce lieu public. Il filait Ishabe depuis deux ans et savait tout d’elle : de la couleur de ses sous-vêtements, à son genre de lecture, ses fantasmes et la date de sa prochaine ovulation. Le panama visé sur la tête Ishabe refusa le café sans cesser de regarder autour d’elle. « Vous avez des antécédents médicaux. On vous a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique suite à un acte terroriste. Et cela se manifeste par la peur de la foule…pourtant vous êtes là Ishabe ». Elle tenta un sourire avant de regarder derrière elle ; oui elle était une rescapée d’une explosion survenue en Lybie et oui elle se tenait devant lui, peut-être parce qu’elle voulait s’en sortir. « Vous vous y connaissez en Art ? J’ai besoin d’une équipe de photographes pour couvrir des fouilles archéologique en Egypte et vos connaissances pourraient nous faire gagner du temps quand il est particulièrement difficile de recruter un égyptologue
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pour ce genre de travail. Notre homme est ce type… Thomas Henderson ; il a longtemps bossé pour le gouvernement avant de vouloir changer son fusil d’épaule. Actuellement il fouille quelque part près de Louxor ». Deux semaines plus tard son avion atterrissait au Caire et Henderson l’accueillit un keffieh autour du cou. « Bienvenue en Egypte ! » lança ce dernier en récupérant son énorme sac militaire. Quand on lui annonça l’arrivée de la petite Ebel-Delmas il se l’imaginait plus dynamique et plus avenante ; il n’osa l’embarrasser avec ses questions. Elle lui semblait être épuisée et terrorisée. De double-nationalité, elle parlait cinq langues et connaissait une dizaine de dialectes du Proche et Moyen-Orient, aucune expérience sur le terrain excepté quelques semaines passées en Lybie. Et sur le chemin qui les conduisait au foyer, Henderson l’étudia sournoisement en se demandant pourquoi l’Etat d’Israël l’envoyait en renfort ici. « C’est la première fois que vous fouillez ? » Et sortie de sa torpeur notre Ishabe lui jeta un regard en coin. Elle n’avait pas d’expérience, était-il nécessaire de le lui répéter ? Il poursuivit en parlant des fonds financiers en partie par Tahar Jarik, un riche saoudien et promoteur d’Art. Lui et une dénommée Amira Kinsinger dépensait des milliers de dollars pour les trésors du Moyen-Orient. Après Damas ils se trouvaient être en Egypte. Henderson quitta le Mexique pour accourir ici avec quatre de ses employés, étudiants pour la plupart et dont il leur avait promis de belles thèses s’ils le suivaient sur la terre des Pharaons. Le QG se trouvait dans un des quartiers populaires et cosmopolites du Caire où l’on y trouvait des Européens, des Asiatiques, des Américains et Africains ; la Babel se présenta à Ishabe comme une promesse de réconciliation avec le genre humain. Rose Lewis lui sauta littéralement a cou pour la saluer, imitée par Deborah Fisher et surprise par cet accueil se retrouva bien vite prise dans un briefing.
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« On a reçu l’aval du gouvernement et l’on pourra planter nos tentes ici et là…La Vallée des Rois. On parle ici de Nécropole. Arthur ! Rétroprojecteur s’il te plait ! Debbie et Osmon ont fait de l’excellent travail hier et nous a rapporté des vidéos des sites de Louxor. Oui pour le moment on oublie Gizeh et…ces vieilles pierres vont être nos Pierres de Rosette. Chris, tu poursuis ? —Oui. Appelé sous l’Antiquité Ipet, le « Harem du Sud », il était lié au temple d’Amon à Karnak dont il était le sanctuaire du Nouvel An. Ce temple érigé en partie par Aménophis III et terminé par Ramsès II offrait de belles ruines et deux obélisques, dont l’un est connu pour tout ce qui ont un jour traversé la place de la Concorde à Paris, offert en 1836. L’idée est de creuser autour d’un Temple principal et suivre les pistes laissés par nos prédécesseurs et archivés au Muséum National du Caire. —Et que cherchons nos au juste, demanda Ishan Zéev en détachant son regard d’Ishabe restée en retrait. Il n’y a plus rien à Louxor et il nous faudrait un spécialiste de la littérature funéraire de l’ancien Empire pour ne pas à avoir à passer par le Caire. —Et nous l’avons trouvé en la personne d’Ishabe Ebel-Delmas qui nous arrive tout droit de Jérusalem. Approchez Ishabe, ne restez pas dans votre coin ! Ishabe maîtrise le démotique, l’araméen et de nombreux dialectes parlés par les premiers hébreux et égyptiens bien avant notre civilisation. Ishabe, nous sera par conséquent d’une aide très précieuse.» Plus tard en proie à une crise de spasmophile Ishabe partit vomir dans les WC de la petite chambre : une telle journée ne pouvait la laisser sans la moindre séquelle et alors qu’elle allait se connecter à internet via son PC, on tambourina à sa porte car tous se rendaient à l’International, un pub sur les murs duquel tous les drapeaux s’exhibaient. Tous voulaient picoler avant de gouter à la saveur du désert, mais elle déclina cette invitation disant être trop exténuée pour les escorter. Alors qu’elle allait se mettre au lit, Marek Dvorak l’appela sur son cellulaire pour s’assurer
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qu’elle avait bien survécu à la traversée. « Si tu as le moindre soucis, tu m’appelles et j’espère que tes crises s’arrangeront. Et tiens-moi au courant de votre avancée ». Le lendemain les jeeps et le camion quittèrent le Caire de bonne heure et son MP3 sur les oreilles, Ishabe refusa toute communication avec les autres membres de cette nouvelle fratrie. Rouler dans pareille condition lui rappelait la Lybie…et la soudaine et si violente explosion…Le feu avait pris et les corps démembrés gisant sur la chaussée… « Ishabe ? Non je ne voulais pas t’effrayer mais il faut que tu me donnes ton passeport. Ils font des contrôles ici et l’on n’y échappe pas, déclara Jesse en tendant la main. C’est cool…Tu viens de Jérusalem c’est ça ? Aaron Halter aussi, tu vas voir il est un peu spécial mais…sans support informatique on serait à des années-lumière de notre galaxie. Tu parles l’arabe n’est-ce pas ? Nous on essaye de baragouiner quelques mots mais cela reste très universitaire. —Parles pour toi le hobbit. Ce n’est pas de notre faute si Henderson t’a recruté dans ta minable fac du Minnesota, trancha Stephen Dickson en consultant son Ipad. Tu ne vas pas nous les briser avec ton Arabe tout juste bon à négocier les tapis sur les zouks de Tunis. Depuis quand se préoccupe-t-on de ton alphabet ? » Et au péage, Ishabe se remémora son entrevue avec Alon Elmer. Le Daily Art offrant un faible tirage mondial restait le sésame très prisé des aficionados, des armateurs d’arts et des collectionneurs du monde entier ; on y lisait les dernières mises en vente publiques ou privées ainsi que les précieuses estimations des commissaires priseurs. On l’envoyait en Egypte pour tenir la rubrique : Orient Treasures offrant de très jolies photographies de biens meubles ou immeubles. Sournoisement Alon Elmer l’avait testée pour s’assurer de ce qu’elle vaudrait. Sans aucun doute elle s’y connait, pensa-t-il en lui tendant un bijou dans son papier bulle et papier de soie. « Mais passons à plus dur, pouvez-vous me parler de ce bijou ?
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—Oui…Et le regard d’Ishabe changea au profit de la curiosité tout autant que de fascination. C’est un bijou du Moyen Empire, fait de pâte de verre et d’émail. C’est merveilleux ! Il y a des inscriptions en hiératique derrière le pendentif. Ce bijou a une inestimable valeur et à la loupe, je pourrais déchiffrer l’écriture sacrée si vous m’en donniez l’occasion. Où l’avez vous trouvé ? —Néféra. C’est le nom inscrit derrière. Il a appartenu à une jeune mariée du Moyen Empire comme vous venez précisément de dater. Période d’apogée de l’orfèvrerie où finesse et élégance se conjuguent pour donner de bien jolies merveilles. Les pierres sont précieuses et semi-précieuses pour le contour. Ce collier était composé de plusieurs rangs de perles montées sur du fil d’or. La femme qui le portait devait être respectée car les colliers offerts par le pharaon restaient une des plus hautes récompenses. Son sceau a été gravé sous le nom de sa favorite. Pensez-vous qu’il puisse s’agir d’un faux ? » L’experte en ce domaine était sa mère Félix Delmas et cette réponse le fit sourire. Peut-être mais bon sang ne saurait mentir ! « Vous avez des connaissances que d’autres n’ont pas. Vous connaissez l’Egypte mieux que quiconque et l’Egyptologie dans toute sa grandeur. L’histoire de ses dynasties, de ses langues et écritures, l’architecture et l’archéologie. Avec quelle facilité vous maîtrisez tout ceci et si le travail d’Athanase Kircher au 17 ème siècle à permis ensuite à Champollion d’étudier la Pierre de Rosette, vous ne nous laisserez pas dans l’ignorance et… — Comment savez-vous tout cela ? —Vous avez crée un site il y a quatre ans de cela sur l’apprentissage de l’égyptologie, une sorte Bible pour les initiés et vous avez cracké des codes pour vous infiltrer dans les données nationales de notre pays. Votre parcours n’a plus de secret pour nous ». Au barrage militaire ils furent nombreux à vérifier leur passeport et là les rejoignit Ashraf Hefetz et Aaron Halter. A la vue du Syrien, son cœur se mit à
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battre à vive allure et plus vite encore quand ce dernier monta à bord de leur Humvee accompagné d’un afro-américain appelé Jesse Sanders arborant une fine moustache. Ce dernier appartenait aux Forces spéciales de la SEAL avant de se voir proposer un poste au Pentagone. Hefetz lui arracha son carnet de croquis, le feuilleta et le lui remit sans rien dire. « Vous avez du café ? Il demande si vous avez du café. Ils attendent ici depuis trois heures déjà et ils ne sont pas contre un bon café. —Putain Halter, on parle tous ton dialecte ici, la bleusaille y comprit alors épargnes-nous des airs cérémonieux quand tu t’adresses au reste de l’équipe. Puisqu’on t’a circoncis tu es assez grand maintenant pour fouiller à l’arrière de ce putain de blindé, alors fais pas chier, Trojan ! —C’est quoi ton problème morveux ? Trancha Sanders en jetant son barda près de notre Ishabe. Si on m’avait dit que tu serais du voyage cela ne m’aurait pas gêné d’attendre trois heures de plus avec les méharis plutôt que de subir tes réflexions de petits merdeux de ton genre. Il est où ce putain de café ? Halter, magnes-toi le cul ! Ces juifs tous les mêmes, quand on ne parle pas pognon ils sont là à traîner de la jambe. Quoi tu n’es pas d’accord avec moi ? Tu dois être la nouvelle, celle envoyée par ce suce-bites de Fischer ? Elle a quoi la nouvelle, pas du genre très loquace celle-là, en s’adressant à Halter. —Ses compétences semblent être appréciées par Henderson, lança Graham en récupérant les passeports. Cela comme toutes les autres avant elles, elle ne fera pas long feu ; elles prennent toutes la fuite quand les balles commencent à siffler. —Au moins celles-là ne nous cassera pas les oreilles ». Au quatrième jour de leur longue descente vers Louxor, Karnak et Louxor, Henderson prit sur lui d’aller s’entretenir avec Ishabe suite aux remarques de l’équipe. On lui reprochait de ne pas se mélanger aux autres, de refuser toute discussion et de ne pas répondre sitôt qu’on s’adressait à elle. Ishabe ne
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pouvait nier les faits. Henderson voulait savoir ce qui clochait et la petite Delmas de rétorquer ne rien comprendre à la mentalité des Européens. Quelle arrogance quand on sait pertinemment que sa mère était native d’Algérie ? Cette même Félix Delmas descendant le quartier de Saint-Germain-des-Prés accompagnée de son ami Zahi Haddjadj. Les deux compères pénétrèrent dans la cour privée d’un immeuble à pierres blanches où stationnaient quelques BMW, Mercedes et Jaguar. Non loin se tenaient la garde rapprochée de Tahar Jarik, des anciens combattants de l’Armée au service du prince Jarik, ce magnat du pétrole à la tête d’une colossale fortune. Derrière ses grosses lunettes à forme d’œil de mouche, Delmas appuya à l’interphone et le déclic de la porte se fit entendre. Les gardes du corps entrèrent à leur tour dans l’ascenseur avant de les précéder au troisième étage, couloir de gauche et pousser la porte de la société de Conseils Pro-Gam, experte en placements financiers. Zahi Haddjadj échangea un long regard avec son amie de toujours : Félix. Sa fille en Egypte, Delmas s’empressa de prendre contact avec les Anciens. On les fouilla, scanna leurs effets personnels avant de les conduire à un bureau sous bonne escorte. Et Haddjadj sourit en voyant tout ce dispositif mis en place pour éviter tout attentat contre Jarik, cette figure de la suprématie arabe. « Haddjadj mon frère ! Le Pentagone sait que tu es ici et Félix la première sait que tu pourrais nous être d’une grande aide. Il règne une certaine agitation en Egypte et ils ont envoyé Ashraf Hefetz faire un peu de nettoyage. C’est plus sérieux qu’on ne le croyait. Approches et acceptes mes plus sincères condoléances pour ton frère. C’était un bon élément que nous regretterons tous ici. Qu’Allah lui réserve les plus jolies femmes pour son ultime demeure au Paradis ! J’ai besoin de toi là-bas. —Oui, Félix a eu la bonté de me briefer. Henderson fouille la nécropole de Louxor à ta demande. A la recherche d’un trésor mentionné dans une lettre aux
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Morts. Ces écrits datent du Moyen Empire et parle de cette Néféra comme la huitième merveille du monde. —C’est exactement cela oui. Néféra est devenue notre Saint Graal pour atteindre la connaissance et voici ce que nous avons trouvé…des lettres plus anciennes rédigées par une secte à la gloire du dieu Thot. Prends-en connaissance avant que Félix ne les restitue à qui de droit. Notre Henderson croit qu’il est possible de déplacer tout le sable d’Egypte pour retrouver cette tombe et le CIA le pense aussi puisque trois de leurs agents ont été mobilisés pour contrecarrer mes plans. Il va nous falloir avancer vite et se montrer plus rusé qu’eux ». A Londres, le cellulaire se mit à sonner sur la table de chevet de Samuel E. Hamill. Ce dernier occupait une chambre d’hôtel non loin de la city et la tête sous l’oreiller immergea en douceur pour décrocher. « Allo, Hamill j’écoute… » Au bout du fil l’interlocuteur disait avoir un souci. Des plus préoccupés le géant blond aux allures du dieu Thor s’assit sur le rebord de son lit et torse-nu se gratta l’épaule tentant de recouvrer la raison. Dans peu de temps son téléphone annoncerait le réveil, il prendrait un taxi pour l’aéroport international et brandirait son billet à l’hôtesse aux embarcations, erun billet aller-retour Londres/ Washington en 1 class. « Est-ce que tu peux être plus clair ? » et l’autre de répondre : le vers est dans la pomme. Il raccrocha lentement, fixa le cellulaire et se dirigea dans la salle de bain pour étudier son visage. Il semblait être calme, étonnamment calme. Le vers est dans la pomme. Il avala l’un de ses barbituriques qu’il fit passer à grand coup de flotte minérale. Et à Washington il fut accueilli par Martha Rowling, notre rouquine aux traits anguleux. « Je n’ai pas beaucoup dormi au cours de ces dernières soixante douze heures ce qui explique en partie mon teint de vampire et mon regard vitreux que je dissimule derrière mes solaires. Nous avons un code C et nous aurions du te prévenir bien avant mais les procédures sont ce qu’elles sont des réputés contretemps. Matheson est dans tous ses états. Je
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t’explique tout dans la voiture (une fois à bord de la berline Lexus). Il y a huit jours nous avons reçu des menaces des Anges de l’Apocalypse dont nous n’avons pas pris au sérieux l’ampleur de leur revendication. Actuellement dix de nos agents sont portés disparus et trois d’entre eux sont pour l’heure dans une bâche mortuaire. Le Pentagone n’avait pas besoin de cela. Depuis des années nous prenons des dispositions afin d’éradiquer toute forme de terrorisme et…la bombe est en marche. Le minuteur est réglé à 20 jours, 12 heures et 40 secondes. —Qui sont-ils ? Et surtout que revendiquent-ils ? Nous avons forcément une piste, non ? Le CIA ou la MI6 ? Martha tu ne peux pas me dire qu’on travaille sans aucune donnée ! On navigue à vue, c’est ça ? Quel est le plan ? Ne me dis pas que Norris est sur ce coup ou je fais demi-tour. —Tu sais quoi. Je pense que je mérite une retraite anticipée. Conférence de presse à 0200 PM sans parler des briefings pour la forme. Nos agents ont été butés cela ne fait pas l’hombre d’un doute. Toutes ces disparitions ne sont pas le fruit du hasard. Voilà leur matricule…aucun signe de vie depuis 4 jours et l’espoir qu’ils ressurgissent. Norris a été renvoyé suite à son incompétence et Brian Nox, son suppléant est plus pragmatique. Il va te plaire celui-là bien qu’il n’est pas inventé l’eau chaude ». Et toute l’équipe fut mise à pied d’œuvre sur le site de Louxor. Itshabe prenait des photos sous un soleil de plomb et l’œil collé dans le viseur mitraillait l’ensemble des employés attelés à cette tâche, et sous les bâches, les extracteurs de sable se mirent déjà à ronronner et Henderson préoccupé par ses calculs et ses réflexions personnelles ne leva le nez de ses plans que pour aboyer des ordres ou tout simplement fairepart au monde entier de son état nerveux du moment. Quand Rose vint le trouver. « On se connait depuis cinq ans maintenant et je crois être la seule ici capable d’attirer ton attention sur la situation…Or il y a un truc que je ne percute pas. En quoi cette fouille est-elle différente des autres au
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point de nous coller des officiers des Forces Spéciales ». Il leva le nez de ses notes, les sourcils froncés, quand au loin il aperçut la petite Ebel-Delmas. Asraf ? Appela-t-il et l’autre de lâcher sa surveillance pour glisser sous la tente. « Ma très estimée collègue ne comprend pas les raisons de votre présence sur le site. Les mercenaires envoyés par le Hamas lui manquent et…tu viens de Syrie n’est-ce pas ? Je peux comprendre que le gouvernement américain ait besoin de votre soutien dans les états satellites comme le Pakistan, l’Iran, le Yémen et l’Arabie mais je peux me tromper en disant que votre application dans notre politique étrangère se joue à quelques échanges de bons procédés comme des ouvertures de frontières et la liberté sous condition de quelques politiciens quelque peu véreux de votre Etat. A combien s’élève ton salaire ? Je ne parle pas de celui de l’autre parasite du SEAL mais bien de ta rétribution…Alors Rose avait bien aucune raison de s’inquiéter, tu es bien sous contrat avec notre gouvernement. Tu peux t’en aller, je ne te retiendrai pas plus longtemps. —Tu n’es qu’un amateur Henderson. Qu’est-ce que tu aurais souhaité qu’il te réponde ? Ce n’est pas là où je veux en venir et tu le sais puisque tu cherches à noyer le poisson. Le problème c’est cette fille. Enfin personne ne sait d’où elle sort ! Elle nous cache quelque chose. C’est étrange quand même…Elle parle, lit et déchiffre toutes sortes de vieux dialectes de l’Ancien égyptien et à côté de cela elle ne fait qu’un vulgaire boulot de photographe. As-tu jeté un œil sur ses clichés ? Elle me rappelle Pablo, tu sais ce type au Pérou, ce puits de science incollable sur des sujets les plus complexes mais qui à côté de cela n’arrivait pas à épeler correctement son nom de famille. —Que veux-tu dire ? Je n’ai rien remarqué d’étrange en elle. Elle bosse dans son coin tout en participant aux discussions et…non vraiment, rien ne cloche. Son Agence lui demande de prendre des photos et non pas de soutenir nos thèses et puis sa névrose à part je la trouve intéressante.
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—Je n’arrive pas à m’en remettre à ton avis. Tu manques de subjectivité parce que tu vois Félix Delmas derrière cet imposteur. Oui je dis bien imposteur ! C’est quoi ce regard Thomas ? Ne me dis pas que…Elle te plait ? Attends, cette fille te plait ? Je ne peux pas croire que tu sois tombée si bas dans ton absence de réflexion. Alors voilà une minette arrive, sort quelques mots en démotiques et voilà que tu bandes ? A ta place je ne lui accorderai pas ma confiance Henderson. Je ne la sens pas, c’est tout et tu sais que niveau intuition j’ai du flair ». A l’amphithéâtre de la Sorbonne, Felix Delmas pénétra les lieux les lunettes rondes visées sur le nez. Au troisième rang se trouvait Davh Bohrer qu’elle reconnut immédiatement. Le jeune rouquin aux lèvres ourlées lui sourit. Il avait servi l’armée de l’Etat d’Israël avant de postuler près du Mossad en tant que membre du Kidon, chargé des éliminations physiques. « Professeur Delmas, veuillez m’excuser ! ». Cette dernière, le cœur battant à rompre la chamade l’invita à poursuivre. D’expérience, Felix Delmas savait qu’il ne se déplaçait jamais seul, toujours accompagné d’un nettoyeur. « Vous dites transmettre à toute une génération l’idée de l’immortalité, concept repris de tout temps et par toute peuplade et civilisation ; or aujourd’hui vous semblez être dans la contradiction. Vous allez prouver à l’ensemble de vos fortunés étudiants, l’idée que la matière est faite pour être détruite ; tout comme une pensée étalée sur une feuille de brouillon que l’on froisserait à l’infini et qui finirait par devenir un vulgaire tas de poussière, mélange de carbone et de papier. Après tout l’immortalité ne serait que cela. Une idée posée sur une feuille vouée à la destruction ». Plus tard elle écrivit à sa fille dans une cabine téléphonique en plein cœur de Paris : « A ma fille chérie ! Je n’ai eu l’occasion de te revoir une dernière fois, mais saches que je pars heureuse. Le temps est une notion relative et le mien semble durer une éternité. Alors ne perds pas le tien, vis encore et encore, revis chaque jour pour ne jamais mourir ».
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Felix Delmas plia le col de sa gabardine pour se protéger du vent et de la pluie et marcha sans s’arrêter. Le type qui trouva son portefeuille dans la cabine prit soin de le déposer dans le commissariat du 1er arrondissement. Les flics l’ouvrirent et l’un d’eux, Thierry Leblanc contacta son supérieur. Et Marek Dvorak de rentrer en relation avec Itshabe. « Ta mère a disparu Itshabe. On la cherche depuis deux jours et la police française refuse de s’exprimer pour le moment. Actuellement je suis sur place et il semblerait qu’on ait fouillé son appartement, déclara ce dernier en retenant les plaques d’immatriculation des berlines noires. Pourras-tu me rejoindre à Zurich le plus rapidement possible ? —Non je fouille en ce moment. La combinaison du code est la suivante AAZ345894Z5432RB1E. Décryptela avec la clef Zébra et contacte-moi à ton retour. Saches que je vais bien ici. Je ne suis pas seul ici, le cobra et crotale me tiennent compagnie ». Et Marek comprit qu’Ashraf Hefetz et Jesse Sanders lui injecterait leur venin ou bien l’étoufferait avant même qu’elle cherche à quitter l’équipe d’Henderson. « Alors restes immobile, je vais te trouver un herpétologiste ». Et Itshabe éclata nerveusement de rire pour s’apercevoir du regard d’Henderson posé sur elle. Et quand elle raccrocha, il s’avança vers elle. « Est-ce que tout va bien Itshabe? Alors c’est parfait…je me suis toujours demandé l’origine de ton prénom. —C’est du copte. Les caractères démotiques signifiaient Eau du Nil, mais retranscrits en copte, ils donnent La Résurrection. Ma mère plongée dans ses études d’égyptien ancien a tranché en gardant Its-habe sous sa forme primitive. Cela se prononce I-rhâ-bê, en appuyant fortement sur le radical afin de dégager le préfixe et la terminaison beaucoup plus poétique dans la langue des Anciens. —J’ai tenté de me familiariser avec le démotique et le hiératique mais sans succès. J’aurai cependant le loisir d’en connaître davantage à vos côtés. Il me tarde d’apprendre. On a déblayé plus de 200m² de sable et
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on avance plutôt pas mal…Demain je crois qu’on pourra descendre dans le puits. Trojan dit que la géologie du terrain se prête à nos matériaux de forage moderne bien différent de ce qu’on trouvait à l’époque. Les vibrations causées par les machines d’extraction n’endommageront en rien les parois du puits et les éventuelles salles que nous trouverons. Vous descendrez avec nos spécialistes mineurs que sont Zéev et Graham, je vous talonnerai pour le cas où la claustrophobie aurait raison de vous ». Ils descendirent le lendemain et Ishan Zéev, le menton recouvert d’une fine barbe sombre rampa jusqu’à l’intérieur du boyau. A la lueur d’une lampe torche, il étudia la roche pour éviter de mauvaise surprise et couché sur le dos comprit qu’il se trouvait dans une sorte de fausse-trappe. Il revint sur ses pas et marqua les passages ouverts. « A quoi il sert ce type-là ! » Râla ce dernier en songeant à Aaron Halter censé sonder la roche en altitude. « Je lui ai dit de ne pas prendre les couloirs de droite. Il sait qu’ils sont bouchés, j’ai pourtant été catégoriques à ce sujet. Pas les couloirs de droite et lui qu’est-ce qu’il fait ? Ne touches pas à ce moniteur Hefetz, le matériel loué me revient à plus de TROIS cent mille dollars et je compte le restituer en l’état. Il faudra aller tout droit sur plus de 20 mètres et ensuite prendre à droite, deux fois et ensuite à gauche, droite et gauche trois fois pour aboutir à cette première chambre de 23m². Dis-leur patron qu’on ne peut s’éterniser dans les boyaux externes, c’est pourtant un jeu d’enfants de suivre les consignes. C’est exactement comme ça qu’on subit des éboulements. —Hey calmes-toi Trojan. Tu nous empêches de savourer l’instant présent. On a compris que c’est du putain de matos, alors lâches-nous un peu ! Zéev remonte et toi tu descends Itshabe. On fait trop sorties aujourd’hui. On observe, on prend des notes et on remonte sans toucher à rien. J’insiste en disant qu’on ne touche à rien. Lumière infrarouge pour tout le monde et talkie-walkie au poignet. Ce dernier est
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équipé d’une balise GPS pour le cas où l’un de vos voudrait se tirer avec le trésor ». Au moment où Itshabe descendit à son tour, Washington en fut averti. Alon Elmer reçut un SMS l’informant de la disparition de la petite Ebel-Delmas. « Quelque chose ne va pas Elmer ? » S’enquit Hamill en le devinant tendu. Il quitta sa chaise dans la salle des Meeting de la CIA après s’être débranché et répondit par un bref sourire. Putain de GPS ! Et il s’écarta du couloir pour contacter Debra Pitt, l’afroaméricaine chargée de la télécommunication et télétransmission. « Tout va bien Elmer, elle fait des fouilles archéologiques, pour moi elle n’est pas en fuite. C’est bien que tu aies pris les devants car j’allais t’appeler. Interpol a manifesté des signes d’agitation, notamment à Zurich. Une certaine Itshabe Ebel-Delmas serait passée consultée son coffre-fort or cette même Delmas est actuellement en Egypte à ta demande. Alors expliques moi un peu ce qui se trame en Europe et au Moyen-Orient. —Félix Delmas a disparu quelques jours après son entretien avec Tahar Jarik. On est sur une piste et avec l’aide d’Interpol nous aurons bientôt des informations sur ce groupuscule terroriste agissant sous la bénédiction de cet homme. Que préconisestu ? Rien qui ne fasse capoter la mission je l’espère. D’après nos sources qui sont également les tiennes, notre Henderson semble mordre à l’hameçon et ne semble se douter de rien, mais sa co-équipière, cette Rose Lewis risque le plus de nous poser problème. Elle est plus réfléchie, analyse très vite les tenants et les aboutissants et surtout se méfie de notre Ebel-Delmas comme ayant flairé depuis son arrivée l’odeur de l’Agence. Dans un futur hypothétique elle pourrait nous être efficace pour du contre-espionnage. Il va nous falloir passer à la vitesse supérieure avant qu’elle ne se mette à convaincre Henderson de la marche à suivre. De toute façon la disparition de Delmas ne nous laisse pas le choix. Impliquée ou non avec les Anges, il nous faudra bien vite faire un démenti diplomatique
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quand le Quai d’Orsay aura la bonne idée de mettre son nez dans leurs histoires de famille, or la fille est également celle du député israélien ; ce qui va s’en dire compliquera bien des choses. Le mieux pour nous tous serait de la faire venir ici le temps de voir les événements prendre un autre mouvement. Qu’en distu ? —Et Henderson tu en fais quoi ? Il n’est pas idiot, pas le genre qu’on puisse rouler dans la farine et le sous-estimer contribuera à notre perte. Non, le mieux serait de la précipiter dans ses bras ; elle est jolie, mystérieuse et les femmes en détresse attirent particulièrement notre ami. Je vois bien Hefetz sur ce coup-là. Il est assez subtil pour l’intimider et une fois la belle dans les bras de notre Henderson, on lance une série de pétards mouillés, histoire de les maintenir dans une constante pression. Tu saisis l’idée ? Itshabe est déjà contrariée par la disparition de sa mère alors elle sera à point pour stimuler l’intellect surdimensionné de ce Tahar Jarik et si ce n’est pas lui on sera vite fixé ». Itshabe se réveilla en sursaut. Un bruit venait d’attirer son attention. Après avoir enfilé ses rangers, elle jeta son nez dehors. Une silhouette se découpa au loin pour s’engouffrer sous la tente réservée aux objets entreposés là avant leur acheminement vers le Caire. Le cadenas d’une caisse au libellé « fragile » fut déverrouillé par Ishan Zéev dont il avait lui-même pris soin de fermer. Sur son lit de mousse à mémoire de forme reposait un fragment d’obélisque datant des temples solaires de la Vème dynastie. Ce genre de trouvailles aussi minimes soient-elles permettait de situer le site et de le dater en fonction des vestiges de Louxor. Ne le voyant pas sortir notre Itshabe écarta le pan de la tente pour s’apercevoir de l’absence de Zéev. En sortant Ashraf Hefetz lui tomba dessus, la main posée sur son révolver l’air de dire : Ici c’est moi qui ait le pouvoir alors tiens-toi tranquille. Alors elle n’insista pas et retourna à sa tente. Rose accoudé sur son lit de camp la dévisagea de la tête aux pieds et brisa le silence.
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« Tu sembles avoir pris tes marques. C’est bien. Aaron Halter dit que l’on est toujours sans nouvelles de ta mère…si tu souhaite retourner à Paris pour les recherches on n’y fera aucune objection. Pendant tout un trimestre j’ai assisté à ses cours à la Sorbonne. Cela n’a pas du être facile pour toi de vivre à l’ombre d’une telle femme. Je crois que tous les superlatifs lui correspondent. Oui le jour de sa disparition devrait être décrété journée nationale. A Paris le Quai d’Orsay n’a fait aucun communiqué de presse, On se demande ce qu’ils attendent au juste : plus de disparition en plus de celle des ambassadeurs égyptiens ? » A cette évocation Itshabe sursauta. Les diplomates Egyptiens. Cela remontait à plusieurs mois déjà, lors des émeutes et des attentats survenus en septembre dernier concernant les Frères Musulmans. Plus de 25 blessés pour 17 morts, ce qui ne manqua pas d’ébranler l’opinion publique. Les Frères Musulmans connus pour leurs revendications pacifiques passaient à l’action depuis que les Syriens et les Libyens s’agitaient ici et là, colonisant les divers villes et villages par leur guérilla. Assise sur le rebord de sa couchette, Ishabe caressa la cicatrice étalée sur son front ; souvenir de l’attentat dont elle fut victime. Un sale moment à passer et puis Felix Delmas ne l’avait pas soutenu ignorant tout de la situation de sa fille, bien loin d’être aussi parfaite et brillante qu’elle eut espérée. Du moins, Itshabe l’imaginait-elle. Le polochon sur les genoux, notre franco-égyptienne attrapa son passeport et compta l’argent local lui restant. De quoi rentrer en Israel et prendre le premier vol en partance pour Paris. Oui elle partirait afin d’en savoir plus sur la disparition de sa mère. « A Paris maintenant, alors que nous sommes à la veille de découvrir une tombe jusqu’à maintenant inviolée ? Paris, ce n’est tout simplement pas possible Itshabe non pas que l’on puisse se passer de toi mais bien parce que le contrat engage ma responsabilité civile envers tous ici, de l’étudiant d’Oxford, à mes assistants, les membres de notre escorte armée, notre infirmer et les ouvriers. Tu comprends cela ? On
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est en Egypte et non pas dans quelque région paisible du globe. Je ne peux pas te laisser partir avec tout ce que cela englobe et…tu n’imagines pas tous les ennuis qui me tomberaient dessus si tu décidais de remonter vers le Caire. Aussitôt Hefetz dont je n’apprécie guère la personnalité serait à me brandir la petite de charte signée par son organisme paramilitaire ou plutôt devrais-je dire, son agence de mercenariat. Et que devrais-je dire à tes employeurs ? Y as-tu songé, hum ? Je ne veux pas d’ennuis, tu comprends ? » Derrière Aaron Halter ne perdait pas un mot du discours paternaliste de Thomas Henderson. Il avait l’ordre de ne pas la lâcher d’une semelle, or si rien ne se passait pour le moment dans le désert, Halter savait qu’une tempête de sable pouvait mettre en déroute bien des passionnés ; quand une bande d’extrémistes surgissaient des dunes ou du relief escarpé, il leur fallait savoir tirer, les gouvernements ne négociaient jamais avec les terroristes. Il baissa la tête quand Henderson le fixa. « J’ai des renseignements sur le site Henderson, je peux te déranger ? Tu sais je pourrais rester des journées sans voir personne, je reste câblé et avec une bonne connexion wifi je peux rester en contact avec le monde entier. Une bonne connexion et assez de café pour enquiller les heures sans jamais fermer l’œil. Je peux cracker des centaines de codes à l’heure et rendre inutilisable la sécurité des édifices tels que le Pentagone. Hier dans la nuit j’ai découvert ceci…ce sont des données géographiques. Oui là, toute cette série de nombres. Ce site est un lieu de rassemblement pour des Assassins. Tu sais qui ils sont n’est-ce pas ? —Oui évidemment. Où veux-tu en venir ? —Le site n’est pas sécurisé et n’importe quelle brèche pourrait leur être favorable. —Attends, attends ! Tu voudrais dire que cette organisation remontant à la première Croisade aurait des membres actifs quelque part en Egypte? Ce groupuscule a pour origine la Syrie et les Nizârites, cette communauté mystique a l’idéologie controversée
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n’aurait pas pu se promouvoir, incapable d’avancer au milieu de la scission causée par des siècles de révoltes à l’intérieur-même de l’Islam. Et toi tu penses qu’ils aspirent à une renaissance ? Vas me chercher Hefetz ». Ce dernier arriva en grognant suivit de Jesse Sanders aussi irrité que le Syrien. Savoir le site non sécurisé les rendait ivre de colère ; qui du gouvernement américain ou égyptien se passait leur tête ? Ils parlaient forts chacun dans leur langue et Henderson dut à plusieurs reprises interrompre leur discussion. Il leur fallait plus de renfort, l’évidence sautait aux yeux mais cela pouvait également être un canular visant à intimider les Américains et les bouter hors de leur état. Un coup de fil suffirait à rétablir la vérité si précieuse en ces temps agités voire incertains. Les mains dans les cheveux, Henderson les rappela à l’ordre car les deux hommes allaient en venir aux mains. Alertée par la virulente discussion, Rose fit son apparition et interrogea Halter du regard. Non, il ne pouvait ennuyer Tahar Jarik avec des questions d’ordres procédurales. Pourtant ce riche prince iranien finançait les fouilles et ce devait d’être avisé de tout changement. « D’accord, alors que prévois-tu de faire Henderson ? C’est toi le maître à bord et si personne n’est en mesure de démentir cette rumeur alors passons à travers ce divertissement et poursuivons les fouilles. Et puis…Henderson tu ne crois pas à ces niaiseries, tu es bien trop cartésien pour te laisser aller à de tels fantasmes médiévaux. —Des fantasmes médiévaux ? Ces Hashishiyyin ne sont pas des personnages de contes fantastiques censés divertir les petits occidentaux de la Première Croisade. Ils existent vraiment et ont longtemps jetés le trouble chez leurs ennemis. Si vous n’y croyez pas alors abandonnez sur le champ vos recherches, ce pays est bien là à nourrir certains fantasmes auxquels nous autres hommes sommes dépassés ». Sanders ricana en se caressant sa fine moustache. Vexée Rose partit sans demander son reste, mieux ne
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valait pas lancer le débat avec cet Hefetz. Halter la talonna et une fois loin du Boss Henderson exposa son point de vue. Il leur fallait envoyer ce coup de fil et ne pas craindre la fermeture du site quant la sécurité de tous était là la seule préoccupation. Rose ne supportait pas les rapports compliqués avec les machos de la base, tous de Zéev à Graham ne supportait pas les ordres émis de cette femme diplômée de l’université de Cambridge à Boston. Lui, la prenait pour une novice, une emmerdeuse hors-pair visiblement incapable de résoudre des problèmes simples et manifestes. Travailler en sa compagnie agaçait Halter au plus haut point : ce regard interrogatif le dérangeait tout comme cet air supérieur masquant son visage de fouine sournoise et dénuée de toute douceur. « Itshabe, faut qu’on cause, tu as une minute ? Je t’ai entendu toute à l’heure avec Henderson et Paris ce n’est pas à côté. Si tu dois descendre à Ben Gourion, je pourrais te trouver une personne susceptible de te rapatrier en express. Cependant ce service ne sera pas gratuit. Il faudra compter plus de 200 dollars, ce qui entre nous est bon marché vu la conjoncture actuelle et les risques de se voir rester à la frontière en raison de problèmes diplomatiques. Bon alors… disons 150 dollars. Je peux t’avoir un billet et le rapatriement pour seulement 150 dollars, en passant par Jérusalem. C’est la seule condition. Tu as fréquenté l’université hébraïque et le campus de Givat Scopus pour son école internationale de Rohtberg, si je ne me trompe pas. J’y suis passé moi aussi. Une expérience très saine. Viens par là…j’ai une confidence à te faire. On a vécu dans le même quartier et fréquenté les mêmes endroits à la mode. Ce qui fait de nous les meilleurs potes du moment. On est des frères d’armes tu piges, alors on devrait pouvoir se faire confiance. —Je refuse de passer par Jérusalem, c’est aussi simple que cela. Vol direct au départ de l’Egypte, mon amitié est à ce prix-là.
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—Pourquoi ? Tu sais pourtant que les aéroports d’Egypte sont dix fois plus surveillés que ceux d’Israël et ils te feront des tas d’histoires si tu n’as pas le bon visa et ils contacteront ton ambassade pour s’assurer que tu n’es pas recherché pour meurtre dans ton pays d’origine. Avec un nom comme Ebel-Delmas je ferais profil bas le temps qu’Interpol finisse ses investigations ». Itshabe détourna son regard d’Halter prenant conscience des faits : soit son retour en France allait être suivit d’une ovation ou bien au contraire, les journalistes se déchaîneraient sur les révélations offertes par l’héritière de la culture Delmas et fille du diplomate israélien Ebel. Partir en cette période de crise n’offrait rien de pragmatique et aux yeux de Marek Dvorak elle passerait pour une femme faible, maladroite et dénouée de confiance ; une définition d’elle-même bien au-delà du cliché de la geek improductive et néfaste à la masse d’intellectuels composés par Félix Delmas et confrères. Plus que jamais elle se devait de rester crédible. « Qui es-tu vraiment Halter ? Par moment j’ai l’impression de me revoir en toi mais en d’autres circonstances, tu m’apparais comme étant un névropathe agissant pour chasser toutes ses névroses. Je me suis inscrite à l’université le temps de faire deux trimestres et me donner une idée de la mentalité des types de ton genre persuadés de tout savoir sur tout, balança-t-elle en hébreu. Si tu penses te croire plus malin que les autres alors arranges-toi pour me faire quitter le pays le plus rapidement possible sans éveiller les soupçons de nos deux gorilles ». Quelque part au Caire, Marek Dvorakisky posa ses affaires à l’hôtel la Néfertiti, un endroit à vocation internationale. Là à la terrasse de sa chambre aux papiers peints défraichis il scruta la rue s’imprégnant de l’ambiance du zouk installé à ses pieds. Notre homme à la large frange jeta sa cigarette au loin, les lèvres pincées et la main dans la poche sortit une boite d’allumettes sur laquelle on avait griffonné un
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numéro de téléphone ou une série de numéro jeté au hasard. Il expira profondément en caressant l’arête de son nez aquilin. Itshabe était quelque part dans ce foutu pays et il se chargeait de la retrouver avant ceux du Kidon. N’ayant que très peu de temps il jeta un œil sur sa montre et alluma son cellulaire acheté pour 5 dollars dans un bazar du quartier. Il se passa un long moment avant qu’un interlocuteur ne décroche. Une voix féminine se fit entendre et quelques mots en hébreu furent prononcés, puis un homme prit le relais. « Dvorak, vieille branche qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Tu veux des filles, des garçons, des armes ? C’est marrant mais j’ai rêvé de toi cette nuit. Est-ce que tu bosses toujours pour cet Ebel à jouer les baby sitter pour sa fille ? Comme elle s’appelle déjà ? Elle avait un nom étrange…Itshabe ! Merci fils ! Sa mère aurait des ennuis avec le Mossad à ce que l’on raconte dans le coin. Le Mossad tu peux croire cela ? Je suppose que tu es ici pour découvrir le fin mot de l’histoire. To be or not to Be? Pour moi la Delmas aurait pose le pied sur une de ses putains de mines anti personnelles ; tu sais celles qui font un boucan du Diable et explose le corps pour les rendre inidentifiable. Tu es toujours là garçon ? » Dvorak raccrocha au moment où un sms s’afficha sur l’écran de son portable jetable. Rendez-vous confirmé pour 8 heures PM. Il s’y rendit les Ray-bans sur le nez, un journal plié sous le bras ; dans le hall du Gizeh il reconnut son contact un anglais à la chevelure rousse et aux traits anguleux. Il quitta le pilier de bar, le verre de Porto à la main et salua Dvorak au loin. « Hey garçon ! Quoi ? Personne en te connait ici et tout le monde se fiche de savoir qui tu es ici ; ils ont d’autres chats à fouetter crois-moi. Tu en aurais mis du temps, dis moi. Qu’il est agaçant d’attendre même en compagnie d’un bon scotch. Trois millions de dollars pour rendre la partie plus intéressante et dix de plus pour faire augmenter les enchères, ce qui fait en tout treize millions pour ce que tu sais. —Je ne suis pas à vendre.
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—Pourtant Ebel te paie pour materner sa fille si je ne m’abuse. Un ancien du Kidon prêt à sacrifier sa vie pour une asociale comme cette…Itshabe. J’ai de l’argent à dépenser et j’ai besoin d’un maitre de jeu tel que toi pour égayer mes mornes journées. Je paie tu n’as jamais eu à en douter mais à la différence de Tahar Jarik je ne rends pas cela publique. Je n’aurai rien à y gagner. Si tu acceptes mes règles, je peux faire de toi un homme riche à l’abri du besoin poursuivant son existence dorée en compagnie de la belle Ebel. Le rêve pour tout homme n’ayant connu que privations et devoirs ; un monde si imparfait pour un être surhumain comme toi Dvorak. Elle te plait n’estce pas ? J’ai ouï dire par mon contact du MI6 que la CIA la recrutait pour filer les activités de Tahar Jarik. C’est une partie d’échec et je veux en faire partie. Treize millions de dollars pour déplacer mon pion à ma guise et jouir des coups portés par ma Reine. Je veux qu’Itshabe soit ma reine, la pièce forte de mon échiquier, disons qu’on pourrait s’emparer du trésor de notre prince iranien préféré. Il est question d’un trésor enfoui à Louxor n’est-ce pas ? —Je n’ai pas eu vent de leurs fouilles. Je veux un laissez-passer et des armes en quantité suffisante pour stopper toute contre-attaque contre notre avancée. Je pars demain avec ou sans ton aide. —Mon aide a un prix. Tu connais les méthodes du Mossad mieux que personne ; le MI6 et moi sommes de vieux amis ; la CIA pourra retirer ses pions si tu t’engageais dans la partie. A quel dessein me dirastu ? Et bien regardes autour de toi Dvorak et vois un peu dans quel état l’OTAN, l’ONU ont laissé le Moyen Orient, le Proche et l’Extrême s’entredéchirer. Si on a les plans on peut rétablir l’ordre en quelques tours de passe-passe, tu vois où je veux en venir ? Le Mossad tire la ficelle pour le moment appuyé par Washington, de son côté l’Europe se taille la part du Lion en revendant armes et devises aux Etats souverains comme l’Egypte, la Libye et la Jordanie sans parler des quelques pays d’Afrique dont l’insurmontable dette les laisse à la merci des plus pervers. Je parle là des
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dictatures siégeant sur ce continent depuis la décolonisation. Cette idée t’a déjà effleurée l’esprit car tu es un idéaliste. Où vas-tu? Je n’ai pas fini avec toi… si tu me tournes le dos tu ne feras pas une heure ici. —Ton verre contient du poison, murmura Dvorak à l’oreille de McCodd. Vois comme il est facile de se débarrasser d’un troufion. Tes gardes du corps ne comprendront pas ce qui te sort du trou de balle. Pour le Mossad je suis porté disparu depuis dix ans, dix ans pendant lequel j’ai buté plus d’hommes qu’il en faudrait pour repeupler ce quartier et je n’hésiterai pas une seule seconde à te trancher la gorge si tu me compliques la tâche. Je veux des laissez-passer et des armes, en contrepartie de quoi je te remets cet antidote». Une danseuse de sérail se jeta sur scène pour onduler comme un serpent sous le regard charmé du public à majorité masculine. Les deux hommes se fixaient quand McCodd porta son verre à ses lèvres en tremblant. Au dernier moment il le reposa, sentant son champ de vision se réduire. Dvorak posa la main sur l’épaule de l’anglais il lui broya l’omoplate et déposa la fiole devant le multimilliardaire britannique. « Ashraf Hefetz est avec eux. —Ce n’est pas un problème pour nous, il ne l’a jamais été. Washington tient ton toutou en laisse. Tu auras laissez-passer et armes, que te faut-il d’autre ? Une femme peut-être ? La danseuse pourrait faire l’affaire. Dis-moi où tu résides et je t’envoie tout ce dont tu as besoin et plus encore ». Attable Marek Dvorakitsky nettoyait son silencieux tout en écoutant les actualités internationales à la télé. Toujours les mêmes sujets revenant sans cesse : les élections en Amérique latine, la position de la Chine sur le marché des devises, etc. Il tourna le robinet de la salle de bain et quitta sa chambre pour se rendre devant la porte n° 302. On le suivait. Probablement les hommes de Tahar Jarik ; il savait que le prince très procédurier n’hésitait pas lui et sa horde d’avocats à attaquer les investisseurs étrangers, les ONG et toute autre organisation dont les intérêts ne convergeaient
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pas avec les siens. Les Egyptiens le renseignaient quant à l’introduction de telle ou telle autre personnalité dans le pays. Si les autorités locales étudièrent minutieusement le passeport de Dvorakisky ce ne fut pas pour le souhaiter un bon séjour mais bien pour le ficher auprès de leur supérieur gouvernemental. A la fenêtre de sa chambre notre homme analysa tout : le nombre de véhicules stationnés devant l’immeuble, l’origine ethnique des passants, la raison de leur présence ici, etc. Soudain son regard se posa sur Zahi Haddjadj. Le Mossad chargea le Kidon de liquider Félix Delmas et quelle qu’en était la raison, Dvorak allait la trouver. Haddjadj cracha son noyau de datte au loin sans lâcher des yeux la fenêtre d’hôtel. Entre les deux hommes régnait une certaine rivalité ; l’un veillant aux intérêts directs du diplomate Ebel et par extension à Israël et l’un à ceux de la France par la personnalité de Delmas. Depuis tous jours les hommes s’affrontaient sur le même terrain sans jamais conjugueur leurs forces. La mâchoire serrée Dvorak assembla son arme et avant même qu’il ait terminé on tambourina à sa porte. Trois hommes s’y engouffrèrent, la main posée sur leur ceinturon. Ils appartenaient au Mossad. Quelqu’un ici les avaient rencardés : probablement Stephen McCodd friand de plaisirs et impatient de mettre Dvorak à l’épreuve. A Washington le moniteur clignota au point d’alerter la vigilance de l’agent Isaac Oscar, une nouvelle recrue spécialiste du Moyen et Proche Orient. Devait il alerter tout le monde ou bien… ? La porte s’ouvrit prestement sur Hamill attaché au MI6 et servant la CIA dont la lucidité le plaçait au-dessus de tous. Les sourcils froncés il pianota sur la porte ne sachant s’il devait faire renvoyer Oscar sur le champ, le faire muter ou bien l’éliminer personnellement afin d’effacer toutes traces de son passage au bureau des Affaires Etrangères. « On a quoi là ? Le moniteur sonne et tu restes impassible ? Où est-ce qu’on t’a recruté, dans un tripot à Beyrouth ou dans un de ses trous paumés de
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l’Arizona où des types comme toi s’imaginent qu’en tapotant sur un simulateur de vols ils puissent être capables de détourner des Boeing. Je viens de te poser une question : on a quoi là ? —Euh…et bien une possible activité terroriste. Je ne suis pas sûr mais on devrait envoyer des hommes làbas. Je parle du Caire. Subitement nos agents disparaissent sans laisser de trace. La procédure veut que je prévienne l’agent Elmer en premier, puis on me dit de voir avec Arez directement, or cette dernière n’a pas souhaité être dérangée pour de simples pertes de données via le satellite. J’enregistre tout… —Vous enregistrez tout ? Prévenant en plus. Oui le satellite subit quelques pertes, vaut-il être Einstein pour le savoir ? Surprend-moi un peu, tu as un diplôme obtenu à Harvard et jusqu’à maintenant tu te déploies à tes activités d’employés sans histoires, ennuyeux et pompeux à l’excès. Je ne t’aime pas et à moins d’une bonne reconversion tu as intérêt à briller car mon temps est précieux. Alors de quoi parlionsnous déjà ? » Isaac Oscar soupira fort contrarié d’avoir à prendre au sérieux les recommandations de l’agent Hamill. Il caressa sa barbe drue en fixant la porte soucieux de l’arrivée de tout autre membre de son département. « Je vais essayer d’être bref. On m’a sorti de mon trou de l’Arizona pour une seule mission : débusquer Hamon Svejk et m’assurer qu’il ne sévira pas en Egypte. Le Mossad, il y a des années de cela nous a remis des informations concernant cet homme, ancien et meilleur dans sa catégorie du Kidon. Jusqu’à maintenant on ne s’est pas inquiété et puis Félix Delmas ou plutôt sa disparition nous a rappelé dans quelles conditions le Kidon traque ses proies. Leurs méthodes ne sont pas loin de celles des Assassins sévissant lors des Croisades ; je vous épargne tous les détails historiques et surtout leurs origines, à moins que vous ayez plus d’une heure à me consacrer mais… tout laisse à croire qu’il aurait refait surface en
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Egypte, au Caire là où quatre de vos hommes viennent de disparaître. —Je me contrefous de cet homme, laissons le Mossad se charger de nettoyer ses merdes. Si tu étais à la place d’Elmer que ferais-tu pour améliorer les choses ? Allez, le djinn de la lampe t’accordes trois vœux, quels seraient-ils ? Quoi n’as-tu jamais lu Aladin ou les contes de Milles et Une Nuits ? C’est pourtant là dont tu es issu. Pas la moindre idée ? —Je ferais rappeler mes hommes, répondit-il presqu’à contrecœur. Ils ne servent à rien dans l’immédiat. Que traque-t-on au juste ? Washington se trompe sur un point : personne ne veut savoir ce qui est arrivé au pauvre malheureux en Syrie, celui qui aurait subi l’attentat de cette présumée secte car l’attention du public est porté sur… —De quelle secte fais-tu allusion, Jacob? —Isaac, mon prénom est Isaac ». De ce détail Hamill s’en fichait. Seul comptait pour lui toutes les informations sur cette présumée groupuscule et ce dont des types comme Isaac Oscar pouvaient en penser. « Vous envoyez des hommes en Egypte, des tueurs à gage pour ne pas dire des mercenaires comme Ashraf Hefetz et vous vous fichez des retombées car seul pour vous comptent les statistiques. C’est un ancien criminel, un poseur de bombes et à distance vous pensez tout maîtriser à la façon d’un joueur derrière son écran. D’abord je ferai rappeler Hefetz sur le champ car ce type n’a aucune parole et vous le savez pour l’avoir interrogé lors de sa détention. Il vous tuera l’un après l’autre et…ensuite, je me rapprocherais de ce Tahar Jarik, tel le phœnix il renait de ses cendres et n’est pas si innocent dans l’histoire. J’ai des soupçons concernant son activité diteculturelle et… —Et la dernière chose que serait-elle ? Laisses-moi deviner. Faire appel à tes sens très développés pour mettre un terme à ce bras de fer entre le bien et le mal, l’Occident et l’Orient pour assoir ton autorité sur un monde lavé de tout proxénétisme religieux ? C’est
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très bien de vouloir être différent de la masse sociale mais tu ne pourras t’éclater que si tu parviens à résoudre l’énigme du sphinx. C’est bien ce que je me disais à ton sujet : pathétique et navrant comme tous ceux de ton espèce d’ailleurs. Vous finissez par manquer d’originalité et tu dois vraiment avoir quelque chose de spécial pour qu’on te garde ici ». Il allait répondre quand la porte s’ouvrit sur Brian Nox. « Briefing dans cinq minutes » et son regard se posa sur Samuel Hamill. Il le voyait partout ces dernières heures et agacé ne prit pas le temps de l’attendre. La situation là-bas restait préoccupante : s’il ne trouvait aucune solution ils devraient renoncer à leur position. « On a quoi là ? Quelqu’un m’explique ? —Un petit problème à régler. Rien de bien sérieux. D’un côté nous avons Félix Delmas portée disparue et de l’autre des menaces terroristes enregistrées dans la zone égyptienne dont les coordonnées sont les suivantes : 38° 19’00’ N et 23° 19’00’ E ; ce qui nous ramène à Louxor, là où Henderson a planté sa tente avec notre agent dormant qui n’est autre que la fille de Félix Delmas. Le hasard fait que nous devons étudier tout passé concernant notre nouvelle recrue et c’est là que le bât blesse. Cette petite Delmas-Ebel, diplômée de l’université de Jérusalem s’est trouvée à plusieurs reprises entre les feux croisés des terroristes et des agents infiltrés du Mossad ; pour résumer nous avons à faire à une véritable énigme : que faisait-elle sur des sites tels que celui de la Syrie et… —Elle est de double-nationalité Elmer, crois-tu vraiment que sa présence en Syrie soit l’objet d’une manipulation d’un tiers ou d’un autre organe visant à saper le moral de nos agents dormants ? Questionna Lilia Arez en mordillant son stylo. Nous avons étudié son profil sitôt le Mossad en relation avec cette dernière et Itshabe n’a rien d’une fanatique. Selon les dires de nos agents restés elle aurait une vie bien ordinaire et son profil ne représente en rien une menace pour notre mission.
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—Aucune menace vous dites ? Attaqua Hamill en se tournant vers Lilia Arez. Elle parle une langue vieille de dix mille ans et décrypte les données informatiques de notre système. Aucune menace ? Je crois voir votre naïveté face à cette aveuglante personnalité qu’est Félix Delmas. D’ailleurs on parle bien de disparition et non de mort, ce qui enlève la piste du Kidon, votre principal suspect. Et pourquoi le Mossad voudrait-il l’éliminer d’ailleurs ? En quoi l’existence d’une universitaire de la Sorbonne nuirait-t-elle aux enjeux d’Israël ? Aucune réponse…Elmer, peut-être ? Il se leva en ajustant son costume sur ses hanches. Je vois. Vous élaborer de belles théories en vous basant sur le travail de vos agents de terrain, ceux qui dit en passant sont bien loin de rassembler des preuves suffisantes. Quelques données GPS et le tour est joué. On alerte le Pentagone et Brian Nox veut des explications. Rien de plus normal : trois de ses hommes se trouvent là-bas à la merci de ce groupuscule religieux dont on ignore tout là aussi. Vous envoyez vos hommes dans l’espace sans même connaître leur plan de route. C’est tout simplement aberrant, il faut le reconnaitre. —Nous savons où nous allons. Prendre la CIA pour une agence touristique c’est faire fausse route quand on sait que nos hommes étudient tous ces paramètres depuis des mois. —Vos agents ? Et vous parlez d’Henderson là ? Ce type vous a trahi à Panama et vous le voyez comme un saint homme parce qu’il a eu les couilles de planter le Président des Etats Unis d’Amérique en plein débriefing et qu’après une nomination pour la Silver Star ce dernier ait préféré jouer les djihadistes au Moyen Orient. Cela fait de lui quelqu’un héroïque, cela va de soi mais un chien qui mort est susceptible de mordre à nouveau. Vous jouez avec le feu Elmer, comme si la présence de Hefets ne vous suffisait pas. Un joli cocktail Molotov que nous avons là. Le principal sera de ne pas trop l’agiter au risque de tout faire péter trop vite ».
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Brian Nox au visage émacié se tourna vers Arez, spécialiste des Affaires Etrangères au Proche-Orient. Depuis qu’il travaillait dans ce bureau il n’avait vu un tel désordre. Les officiers restaient des hommes et des femmes chevronnés, les meilleurs de l’Agence mais la confusion régnait à bord en raison de la difficulté diplomatique des divers protagonistes. La disparition des Agents de la CIA noircissait le tableau et sans nouvelles d’eux, l’on continuait à marcher sur des œufs. Elmer face à la précision avait repris le tabac et fumait cigarette sur cigarette ; Lilia Arez quant à elle se reposait sur les décisions de ce dernier. Ils travaillaient de concert et quand l’un éternuait l’autre lui tendait le kleenex. Mais voilà qu’elle se mettait à douter en entendait Samuel E. Hamill opérait une brèche dans leur fragile enthousiasme. « Nous tenons Henderson par les couilles, tout comme ce Hefetz. Qu’ils nous trahissent et ils en subiront les conséquences. —Et est-ce que cela sous-entend de les exécuter Lilia ? Lui Hefetz est un tueur-né, l’un de ses bâtards qu’on aimerait voir en chambre de la mort prêt à recevoir sa dose létale. Quant à Henderson…une autre histoire. D’après le rapport de l’Etat-major, le Commandant Lewis affirme disposer de 150 soldats à la base à Hims et 120 à Tadmur. En Egypte l’armée Américaine se tient à Mansourah, Port Saïd, Gizeh et Assouan. Sans parler des Forces armées stationnées en Irak, Iran et à peut près sur tout le pourtour de la Méditerranée. Le MI6 s’interroge quant à la nécessité pour vous de disposer d’autant d’hommes dans cette région du monde. Si c’est un problème politique nous pourrions trouver des compromis mais s’il est question de remodeler cette partie du globe, je crains que vous ne soyez assez pragmatiques. Henderson et Hefetz ne vous seront d’aucune utilité. —Depuis quand n’êtes-vous pas allé sur le terrain Hamill ? Dix ans, Douze ans ? Vous verriez que nos méthodes ne sont plus celles d’antan où l’on assassinait pour laver un honneur, pour défendre une
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opinion ou tout simplement survivre. Nos hommes tombent tous les jours. Les statistiques sont les suivantes sur un bataillon de 150 hommes, 1/5 est enlevé, séquestré puis exécuté, les 2/5 s’en sortent estropiés et victimes du SSPT, les 3/5 restent sur place, incapables de revenir pour des problèmes moraux et le reste ne garantis d’aucun soutien de leur gouvernement ; soit parce que portés disparus ou parce qu’embrigadés par nos ennemis. Les faits sont tels que les bureaux de renseignements tels que la CIA et le MI6 se trouvent contraints à user de pragmatisme. —Brian je salue votre entreprise mais… —Dernièrement le Caire nous a contactés. Hamon Svejk aurait refait surface. Avoua Elmer et il poursuivit ayant l’aval de Brian Nox. Après plus de dix ans d’absence, il apparait sans se cacher, la conscience tranquille fonce sur les traces de notre Henderson. Je sais que ce genre d’informations vous échappe complètement mais pour nous c’est un avertissement, le signe avant-coureur d’une pagaille sans précédent et l’intercepter ne sera pas de tout repos. Si vous connaissez une manière plus douce faites-le nous savoir, en attendant on se réfère au plan initial avec ou sans votre soutien ». Les deux hommes se fixèrent en chien de fusil. Assis dans l’angle de la pièce, Isaac Oscar étudia Hamill plus attentivement. Le MI6 l’envoyait auditionner les Américains avant de leur dépêcher leur aide. Le diplomate caressa sa cravate bleu-acier, reflet de son regard et quelque peu désorienté fixa Lilia Arez, perdu dans ses réflexions. Il ne lui restait que quelques heures avant son départ pour Londres. Pas assez de temps pour rendre visite à une de ses relations basée sur Washington. Contrarié par la situation, il tenta un sourire, un sarcastique rictus au coin des lèvres. « Et quel est ce plan ? » Jesse Graham noua un keffieh autour de son cou et brancha son ipod quand Hefetz arriva, le semiautomatique à la main. Ils devaient cesser les fouilles sur le champ, ce qui restait inconcevable pour toute
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l’équipe en place et Rose derrière le Syrien levait les yeux au ciel affirmant ne rien craindre ici. La corde attachée à la taille Ishan Zéev fronça les sourcils, un cure-dent coincé entre les lèvres. « Fais-les remonter Ishan, cela commence à devenir pénible et dis à Henderson de me rejoindre sous la tente. On va tous les deux appelés Washington pour tirer cela au clair. Allez ! Fais ce que je te dis ». Au fond du puits, Itshabe creusait en compagnie de Thomas et la petite Delmas-Ebel assise au-dessus d’une lampe-torche électrique découvrait un fragment de vase d’argile. En grattant le sol de ses doigts, Itshabe heurta l’anse de l’objet. « Gardes cela pour toi Itshabe mais le temps que tu passes à désensabler les restes de ce qui fut un repas d’ouvrier constitue une réelle perte de temps pour l’équipe et avant que je n’oublie tu fais du bon boulot. Pas très populaire mais efficace. Quand tout cela sera terminé je te ferais une lettre de recommandation. Astu d’autres expériences similaires ? —Je devrais selon toi ? Tu sais je suis plutôt du genre asociale. Si je pouvais vivre dans une grotte coupée des hommes je le ferais sans la moindre hésitation. J’ai étudié à Jérusalem et mon diplôme obtenu j’ai fait un peu de programmation en freelance, j’ai cogéré des sites et cracké des codes pour vérifier la sécurité d’un système et je n’aurai prétendu à rien d’autres si Marek ne m’avait mise sur cette offre d’emploi. Le plus navré c’est mon incapacité à faire des choses ordinaires comme faire un lit, faire cuire des pâtes et je pourrais anéantir toute une population avec ma bouffe. —Qui c’est ce Marek ? C’est ton petit copain ? —Non c’est mon colocataire. Pas mon petit copain. Je n’ai jamais eu de petit copain. —Vraiment ? Alors oui je comprends mieux certaines choses » Gênée, Itshabe se mit à sourire quand Ishan devint impatient à la corde. Remarquant la clochette Henderson rassembla ses affaires quand un grognement sourd leur parvint, la terre se mit à trembler, la poussière lécha les parois pour glisser
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vers eux. Déjà Itshabe toussa en proie à une violente quinte de toux et les larmes aux yeux, tenta de protéger ses poumons. Merde ! Merde ! Tonna Henderson en mouillant un mouchoir pour en recouvrir la bouche d’Itshabe. « C’est un éboulement mais cela ne veut pas dire que notre passage est obstrué. Seulement un petit contretemps. Fermes les yeux et respire calmement. Tout va bien se passer. Penche la tête et restes comme ça jusqu’à ce que tu te sentes mieux. Très bien, alors maintenant qu’avons-nous dans ce sac ? Qu’estce que c’est ? —Ce sont mes affaires personnelles, répondit-elle en lui arrachant le sac des mains. Il n’y a rien qui puisse nous sortir de là alors autant commencer à creuser. Selon le plan il faudrait percer à l’ouest vers l’autre couloir. Cela représente 2m10 et si l’on déblaie rapidement on peut avoir fini dans quatre heures voir six. On devrait commencer et ne pas attendre les secours. —La pierre s’effritera et plus de dix tonnes de gravats nous tomberont dessus. On va rester ici, dégagé deux ou trois pierres et surtout économiser nos forces pour le cas où les gars ne soient pas pressés de nous sortir de là. —J’espère que les autres s’en sont sortis. Je me suis toujours demandée comment je réagirais suite à un éboulement et j’ignore si je vais m’en sortir sans mourir asphyxiée. La peur est un facteur d’hyperventilation chez moi alors si tu me vois perdre le contrôle n’hésites pas à m’assommer. —Hyperventilation, hein ! C’est l’endroit idéal pour péter les plombs. Il est déjà surprenant que tu sois descendue si longtemps sans emmerder mes gars. Ils ne ressentent aucune compassion pour les jeunes diplômées et citadines, ils auraient pu vous le faire payer cher. S’ils peuvent se montrer aimables, ce sont avant tout des passionnés prêts à sacrifier leur liberté pour quelques minutes passées sous terre, à la recherche des rares vestiges de notre passé. Ton arrivée ne fut pas saluée par des Hurrah. Le Daily Art
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nous envoie souvent des petits malins. Est-ce toujours Yacob Dresner à la charge de l’Orient Treasures ? » Le malaise apparut sur le visage de Delmas-Ebel. Ne sachant que répondre, elle resta silencieuse avant de tenter un sourire. « A moins que cela ne soit Alon Elmer qui t’aie mise sur ce coup ? Tu peux te confier à moi Itshabe, tes prédécesseurs ont fait l’erreur de taire certaines informations et aucun n’a survécu. Les CIA les élimine et maquille leurs méfaits sous des attentats bidons. Tu croyais quoi en acceptant ce job ? Tu pensais peutêtre qu’ils auraient besoin de toi pour faire décoller les ventes de leur pseudo-journal ? Le Daily Art est édité pour les initiés. Le n°22, page 15, colonne 2, paragraphe 5 et ligne 3 : A Damas, fascinantes découvertes sur un site mésopotamien. Traduire par : Demande de renfort militaire vers Damas . Et les photos sont autant de cryptogrammes avec des données géographiques. Ils envoient des novices comme toi, cela ne leur coute rien et il est facile pour eux de les réduire sous silence. —Pourquoi me dis-tu tout cela ? —Tu ne veux pas savoir ce qui est arrivé à ta mère ? Hefetz est mandaté par la CIA pour te coller une balle dans la tête et faire passer cela pour des actes de terroristes. Le Mossad nous colle leurs vedettes sur le dos et tu as surpris Ishan Zéev prendre des empreintes sous la tente. Tu l’as laissé faire parce que tu sais qu’il n’est pas moral de balancer un agent du Kidon. Une fois les fouilles terminées, il contactera sa putain d’Agence et fera un grand ménage pour effacer toutes les preuves. Pure hasard si tu te tiens ici dans ce merdier. Tahar Jarik finance les fouilles et on le connait pour être l’ami de ta mère. Un moyen comme un autre de faire pression sur lui ; il possède des moyens illimités pour réduire l’USA Army à néant. Il sait que tu es ici et dans quelques heures ces hommes vont nous tomber dessus, ce que redoute Ashraf Hefetz. La CIA ne pourra faire diversion plus longtemps surtout si le
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Mossad la coiffe au poteau. J’ignore quel est leur plan mais il nous faut rester ici le plus longtemps possible. —Pourquoi la CIA ferait une chose pareille ? Pourquoi maquillerait-elle des meurtres en attentats? —Alors tu ne comprends rien Itshabe, rien de ce qui se trame au-dessus de nos têtes. Comment t’ont-ils trouvé, hein ? Qui t’a parlé de cet emploi au Daily Art ? Tu fais partie de cet échiquier, la pièce sacrifiée pour protéger la Reine. Dis-moi maintenant ce qu’il y a dans ton sac. Il nous faut tout recenser pour se donner une chance de rester le plus longtemps en vie ». Le souvenir de Marek Dvorakisky lui vint en mémoire. L’offre d’emploi venait de lui et de personne d’autres. Un frisson parcourut l’échine d’Itshabe. Non ! Jamais il ne lui ferait pareil coup. Pas lui ! Et pourtant…elle ne connaissait rien de son passé. Un tube de médicaments pour prévenir l’hyperventilation, un carnet rempli de hiéroglyphes, une lampe torche électrique, une bouteille d’eau, des barres de vitamines et d’autres de protéines végétales, des médicaments en grande quantité portant sur leurs vignettes des numéros, de 1 à 5 par ordre de consommation ; un couteau suisse et un dictionnaire copte. Marek Dvorakisky. Etait-il l’un des auteurs de la disparition de sa mère ? « On devrait creuser et nous donner des chances de nous en sortir. Si je ne fais rien je risque de paniquer Thomas et je ne veux pas te donner une image fort déplorable de ma personne ». Pendant ce temps Marek Dvorakisky descendit du petit coucou sous l’étroite surveillance des militaires égyptiens. Son passeport portait l’identité de Daoud Ben Ariff, un palestinien de la région d’Hébron. On lui restitua son précieux passeport et Davh Bohrer se présenta à lui, les Ray Bans sur le nez à la façon d’un touriste soucieux de faire de bons clichés de la région désertique, présentant dunes et sable, sol calcaire et Nil en cru. « Les gardes-postes me disent que vous vous rendez à quelques kilomètres de la nécropole et c’est également mon chemin. Comme il n’y a qu’un véhicule
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je m’étais dis qu’on pouvait faire la route ensemble. Bien entendu je partagerai les frais avec vous. Mon nom est Bohrer. Davh Bohrer et vous ? » Dvorakisky ne lui rendit pas sa poignée de main. Un parasite dont il devait se méfier. Ce robuste gaillard à la mâchoire carrée le sondait de son regard vert semblant lui dire dans un langage secret : je sais qui tu es, alors ne cherches pas à m’embrouiller. Les deux hommes se toisèrent un court instant avant que le ténébreux Dvorak ne se dirige vers la Jeep, son énorme sac à la main. Le talent de Stephen McCodd entrait en jeu ; lui seul pouvait lever le contrôle et aveugler la vigilance des autorités locales. Quelques dollars et Dvorak se trouvait libre de circuler librement dans ce pays en proie à de sporadiques actions terroristes. Bohrer ne le lâcha pas pour autant. Le Mossad le contacta à Paris suite à l’insolite apparition de Svejk. Les caméras à reconnaissance faciale l’identifièrent comme étant l’ennemi n°1 d’Israël et à l’aéroport du Caire, on perdit sa trace jusqu’à sa chambre d’hôtel. Puis de nouveau silence radio. « Tu viens de la Palestine n’est-ce pas ? Hebron semble avoir retrouvé son calme depuis les derniers accords du Hamas. D’après les gardes tu te trouvais être dans la ligne de tir de ces forcenés et ici en Egypte tu trouveras le calme auquel tu aspires si tu suis au plus près les déplacements des fanatiques. Ils tiennent Louxor et si l’on se fie à cet homme, en désignant un autochtone nomme Saïd, on pourra atteindre notre objectif sans une égratignure. —Bohrer c’est ça ? Qui t’a dit que j’avais besoin d’un ancien des Forces Spéciales de l’Armée d’Israël pour me tenir compagnie ? Je pense que les types qui t’ont rencardé sur moi t’ont mal renseigné, murmura ce dernier au creux de son oreille. Tu sais qu’il ne faut pas me chauffer alors ne tiens pas trop près de moi. Je ne peux pas croire que le Mossad charge ses troufions de faire le sale boulot à leur place. —Ah, ah ! te voilà bien renseigné. Et tu n’as pas l’air paniqué.
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—Quoi je le devrais ? Je ne suis pas la cible du Kidon. Je connais des emplois bien plus ingrat que celui du Kidon, railla-t-il en lui administrant une bourrade à l’épaule. Comme je sais que tu n’es pas là pour moi je m’en vois rassuré : ma mère ne recevra pas de lettres officielles envoyées par le gouvernement pour l’avertir que son fils est mort en héro ; Il me tarde de mourir en héro, pas toi ? —Cela t’inquiète ? Questionna Bohrer en reniflant. Tu es un vilain garçon, incontrôlable comme on aime le dire et un jour viendra ton heure, crois-moi. Et que fais-tu dans le coin ? Je pourrais avoir à te retrouver et abréger tes souffrances de mortel. Il y a un papier qui court sur toi et tu as fini d’être mon frère, ce putain d’héro depuis que tu as décidé de suivre la mauvaise voie. —Ravi de l’apprendre. Tu sais ce qui te maintient en vie vieux frère ? C’est cette putain de croyance, cette grande foi en ton Eglise qui t’empêche de connecter tes neurones entre eux. Quand tu te réveilleras, la douleur reste d’être intense. J’aimerai ne pas être toi mais puisqu’on en est aux confessions et petits secrets d’alcôve, j’ai envie de te dire quelque chose : tu es entrain de te pisser dessus. Tu t’attendais à tout sauf à cela et te voilà fait comme un rat. » De nouveau la terre se mit à trembler et le reste de l’équipe suspendit son geste pour observer les dunes autour de leur camp. L’éboulement provenait d’un nouveau puits mis à jour. Cela semblait venir du nord et de l’ouest à la fois ; une sorte de tempête de sable faisant gémir la roche. Rose se jeta sur Stephen Dickson pour le faire accélérer et Graham de lui filer un coup de main. De leur radio ils contactèrent une équipe de sapeur pour leur venir en aide et plusieurs heures allaient être nécessaires pour dégager les galeries. A bout de nerfs Rose tentait de garder le contrôle de soi cependant des types comme Hefetz ou Jesse Sanders suffisaient à lui faire perdre tous ses moyens. Alors les mains dans les cheveux, l’assistante d’Henderson se tournait vers Aaron Halter.
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« On a quoi Halter? A-t-on toujours des signes de vie en bas ? —La fréquence est basse mais oui ils sont toujours en vie. Les capteurs n’ont pas été endommagés lors de l’éboulement mais l’autonomie affiche seulement six heures si elles ne sont pas alimentées et Graham dit qu’on doit pouvoir économiser les batteries si l’on doit y rester des heures. Rose, il faudrait songer à descendre avant que leurs réserves ne faiblissent complètement. Je parle de l’eau et du reste. Les températures vont dégringoler là-dessous et le phénomène de condensation va se produire. S’il manque d’eau, ils vont très vite se déshydrater car ils ne pourront évacuer l’air humide. Cela va pour conserver les momies mais je doute que sur deux êtres humains cela soit bénéfique. — Epargnes-moi ton charabia. Henderson a survécu à bien pire, je ne me fais pas de soucis pour lui. —Rose il y a un autre problème. —Quoi ? Ils n’ont pas de latrines pour satisfaire leurs besoins? Ecoute Halter je ne veux pas que tu angoisses tout le monde avec tes prévisions. J’ai assez à faire avec ce Sanders et pis avec cet Hefetz fouille-merde. Alors à moins que cela soit très urgent, je veux que tu consignes tout par écrit en attendant l’arrivée des renforts. —C’est très urgent. Je viens d’être piraté. Nos données GPS et l’accès é certaines fonctions comme la balise de secours et les drivers. En deux mots nous ne sommes plus seuls sur le coup. En temps normal, on pourrait tout réparer à l’aide d’un programmateur et défragmenteur, ce que nous n’avons malheureusement pas ici. Si nous en tenons au plan je… —Evidemment ! Qu’il y a-t-il d’important à sauver dans ton disque dur interne qu’il n’y aurait sous terre ? Ton putain de problème n’est pas mon problème d’accord ? Henderson est en dessous et… attends, attends. Tu viens de me dire qu’on a été piraté ? Qui pourrait voler des données sans importance, hein ? Il n’y a rien ici que du sable et tu
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sais ce que je vais te dire ? Ouvres bien grand les oreilles Halter… —Le site n’est pas sécurisé Rose et ces données peuvent se revendre des millions sur le marché. Les Egyptiens peuvent nous chasser d’une seconde à l’autre et…ils se moqueront de savoir que nous avons deux types coincés en dessous. Je dis seulement qu’on devrait… —Quoi ? Que sommes-nous censé faire de mieux, dis-moi ? —Sauver les meubles tant qu’il est encore temps. Envoie quatre hommes de confiance à Louxor avec le matériel et laisse le reste sur place et puis tu devrais appeler Jarik pour l’avertir. Je crois qu’il aimerait savoir que sa marchandise sillonne le désert. Prends ce téléphone et fais ce qu’Henderson aurait fait depuis longtemps ». Sous terre Délmas-Ebel fut prise d’un nouvel excès de toux. Henderson lui caressait le dos impuissant à pouvoir la soulager, il entoura ses épaules de son bras et baisa sa tempe. Ce geste l’a surpris ; jamais encore on ne lui témoigna pareille attention et elle se calma sur-le-champ. Un courant d’air s’infiltrait à travers les pierres froides. Itshabe commença à déblayer avec une sorte de rage proche de l’hystérie et Henderson tenta à maintes reprises de l’arrêter. « Tu ne comprends pas ! Le passage se trouvait être derrière nous. L’éboulement vient d’ouvrir un second passage, une autre porte ! Aides-moi à dégager ces pierres ! A nous deux on peut y parvenir ! Quand j’étais plus jeune j’ai construit des labyrinthes à la façon des premiers mastabas. Comme il ne comportait qu’un seul étage, les Egyptiens devaient creuser dans le sol afin d’y cacher leur trésor. —Oui durant la période prédynastique c’est exact, puis pendant la période thinite. On parle d’enceinte destinées à servir au culte funéraire du roi enterré dans son cénotaphe ; au-dessus un monument, un tertre primordial ou d’une tombe d’Osiris. Mais tu as parlé toi-même de labyrinthe. Si l’on creuse on risque de finir enterré vivant là-dessous.
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—Non pas si on suit le courant d’air ! Les murs de l’enceinte s’écroulent et dégagent ainsi l’accès à ces couloirs par le phénomène de vase communiquant. C’est aussi simple que cela, crois-moi…Donnes-moi une feuille de papier et l’idéal serait un briquet, mais l’on ne pourra faire autrement. Tu ne sembles pas me prendre au sérieux. Un jour je me suis retrouvée coincée sous dix tonnes de gravats. Aujourd’hui je suis là à tenter de te convaincre de la nécessité de creuser ». Quand le jet Falcom de Tahar Jarik se posa sur la piste, Eli Eskov du Mossad l’attendait au milieu de son équipe. A peine la passerelle fut-elle descendue que les agents de sécurité du Prince s’empressèrent de fouiller les hommes du Mossad l’un après l’autre et les Ray Ban sur le nez il descendit promptement vers sa limousine noire aux fanons de couleurs rappelant aux étrangers son appartenance à la famille royale. La présence d’Eskov ne le rassurait pas et sans pour autant ralentir son allure, il avançait sans se soucier de cet homme impeccable dans son complet noir et cette cravate rouge à rayures bleue-marine. A l’intérieur du véhicule, il lui offrit de s’assoir avant de lui tendre sa boîte de cigares. Là son secrétaire, Ali Ben Kaplan lui tendit son IPAD pour le laisser visionner les dernières photographies de leur satellite de communication. « Je m’inquiète Eli, je devrais être très en colère mais l’on m’a conseillé de la retenue vis-à-vis de cette légère contrariété. Tout contretemps pourrait affecter mes recherches et me discréditer auprès de la CIA. Vos homme sont en Egypte, à Louxor dit-on là précisément où Henderson se tient avec mon matériel et mon trésor. Vous ne semblez pas croire en tout cela, pourtant à force de creuser ils font finir par trouver quelque chose. Nous avons là le scan satellite du site et…la preuve qu’il se trouve bien un trésor sous terre. N’est-ce pas là le travail de votre Aaron Halter ? Placer un cheval de Troie dans notre propre système est la garantie de garder le contrôle face aux
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motivations de la CIA. Qu’est-ce qui vous fait tant sourire ? —L’un de nos agents vient de mettre la main sur Dvorakisky et je gage qu’il suit cette Delmas-Ebel. Et pourquoi dites-moi ? Sa mère, Félix Delmas a disparu et le Quai d’Orsay refuse tout commentaire afin de ne pas corrompre les relations diplomatiques entre votre pays et le leur. Pathétique. Ils mettent des gants et continuent leurs salamalecs pour ne froisser personne. Et puis on raconte que Stephen McCodd aurait croisé la route de notre Dvorak il y a quelques heures de cela. —Je suis au courant oui. La CIA va vouloir nous coiffer au poteau et si ce McCodd est en Egypte ce n’est surement pas pour y faire du tourisme. Il vient attirer par l’appât du gain. Je n’ai pu résister à la tentation de le contacter et lui de nier s’intéresser à Dvorak. —Que préconisez-vous ? —Dvorak est un tueur et il risque de tout compromettre si on le laisse faire. Or si la petite Delmas-Edel sort trop vite du jeu, nos chances de triompher seront nulles. Il est impératif de…de proposer un accord avec Interpol et le MI6 pour contrer les offensives européennes. Paris et Londres ne doivent nuire à notre avancée et c’est bien en cela que réside le problème. Samuel E. Hamill se trouve être à Washington et avant la fin de ses quarante huit heures il aura le Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères dans sa poche, à moins que cela ne soit le Président en personne. Il serait regrettable de froisser McCodd et c’est raison pour laquelle je lui ai promis un partenariat pour chaque dollar dépensé pour soudoyer le corps diplomatique américain et européen. —Cela ne sera pas suffisant. Et je trouve curieux qu’il ait accepté tout arrangement avec vous sans la moindre preuve de ce que vous avanciez. Je parle de votre trésor égyptien. Pirater votre propre site pour rendre caduque toute information révèle d’un sérieux désir de tromper l’ennemi mais vos alliés eux sont
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convaincus de votre versatilité. Et puis je n’ai nulle confiance en ce Sam Hamill ! Il tente de graisser la pate de tous les fonctionnaires jusqu’aux délégués de la Maison Blanche et que récolte-t-il ? Votre mépris en cout et pour tout. Il n’est pas un homme à corrompre que vous n’ayez déjà corrompu et pourtant je sens en vous une certaine forme de lassitude. Le prix à offrir n’est-il plus le même que lors de vos jeunes années en Grande Bretagne, votre adolescente à Dubaï et le début de votre vie adulte à Wall Street à faire dégringoler le cours du pétrole par votre soif d’ébranler le marché financier. A présent qu’en est-il hein ? —Parlez-moi de notre Itshabe Delmas-Ebel. De quoi Dvorak est-il prêt à perdre pour elle ? —Sa vie évidemment. Il est d’une loyauté sans bornes pour la fille de notre égyptologue et professeur à la Sorbonne. Il pourrait éprouver de la colère si elle venait à rencontrer des ennuis de type diplomatique et je table dix contre un qu’il ne négociera pas avec la CIA pour épargner leur agent de liaison. Mais cette Ishabe ignore tout du désir des hommes ayant été trop longtemps enfermée dans un monde virtuel, ses études à Jérusalem pour finalement accepter un poste proposé par notre bureau des renseignements. Il nous faudra la mettre à l’épreuve et si le manque créée la frustration, la folie nait également du néant. Si Dieu un jour ne s’était pas ennuyé il n’aurait pas inventé le monde, les hommes dans toute leur complexité et la notion de propriété ». Lorsqu’ils se rendirent à Tel Aviv, une agitation régnait dans les locaux du Mossad et les deux hommes entrèrent allèrent s’enfermer dans le bureau de ce dernier. Bien vite Meir Shiloah, Shabtai Zamir, Isser Yatom arrivèrent aussitôt pris en charge par le cordon de sécurité de Tahar Jarik. Eli Eskov les interrogea du regard et Isser Yatom de prendre la parole. « L’un de nos agents vient d’intercepter un message en provenance de Louxor et j’ai pensé que
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cela intéresserait notre hôte. Il dit que les Anges de l’Apocalypse auraient refait surface… —Balivernes ! Il s’agit de pseudo-rebelles, des Djihadistes convaincus de faire bonne impression en se disant appartenir à la secte des Assassins. En d’autres temps plus reculés on les aurait traités d’hérétiques. Qu’en est-il du message ? Fait-il mention de chaos ? —Pas vraiment, intervient Yatom sans lâcher Tahar Jarik du regard. En fait il n’est pas question d’intimidation mais de terre qui tremble et de tombeau exhumé. Ils disent qu’on ne peut réveiller Nebtaoui sans causer la colère d’Osiris et…votre agent dit avoir enregistré d’importantes interférences de ce côté de la nécropole. Or deux égyptologues se trouvent être sous terre à attendre l’intervention de sapeurs. Thomas Henderson et Itshabe Delmas-Ebel s’y seraient retrouvés coincés d’après notre agent ». Tahar Jarik pinça les lèvres et concentra son attention sur un détail de la pièce. Le plan avançait à merveille ; l’heureuse providence les laissait fiers de leur victoire à venir. Tel Aviv avertit, Washington ne tarderait pas à l’être. Les Anges de l’Apocalypse. Cela sonnait comme une douce revanche et à quelques kilomètres de là en aval, Itshabe finit par ramper pour accéder à un dédale de couloirs au plafond bas. Avec difficulté Henderson la suivit la lampe torche coincé entre ses dents. Exsangue et le bout des doigts ensanglantés, notre Itshabe accroupit devant ce carrefour, tendit la main pour l’aider à passer à travers ce minuscule trou de rat. A l’origine le passage vers une chambre mortuaire avec toutes ces nombreuses ramifications creusées pour dérouter les éventuels pilleurs. Ainsi ils allaient dérober au passé une partie de ses secrets, des trésors témoins d’une époque révolue. Enfin Itshabe gouterait aux interdits tels un gosse découvrant l’excitation suscitée par un écart de conduite tordant le cou à une éducation rigide et pleine de principes ; et en tremblant notre Delmas-Edel braqua sa lumière vers le plafond à la
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recherche d’indices. A droite, lança-t-elle en attrapant son barda. « Attends, attends ! Tu dois te reposer un peu Itshabe au risque de te retrouver des plus affaiblie dans moins de trente minutes. Tu es gelée et regardes tes mains…tu ne peux continuer ainsi. —Sinon quoi ? » En guise de réponse il la serra dans ses bras afin de la réchauffer tant elle tremblait. Il lui fit un bandage de fortune pour ses mains écorchées fines et la fit boire. Comme les tremblements s’estompèrent, Thomas Henderson passa devant elle quand Itshabe le retint. « Il y a parmi votre équipe des personnes qui cherchent à vous nuire en volant votre travail. Alon Elmer m’a recruté soit disant pour photographier les fouilles mais il s’agirait d’un travail d’espionnage visant à contrarier les projets de Tahar Jarik. —Je sais tout cela Itshabe. Tu crois que je suis aveugle, sourd et idiot peut-être ? J’ai autrefois travaillé pour la CIA. Une sale expérience que je tente d’oublier. Ashraf Hefetz connait reçoit des informations de l’Agence et Ishan Zéev et ce Halter appartiennent tous deux au Mossad. Je sais observer Itshabe et savoir quand on me ment. Cette aptitude se développe quand on a subi l’épreuve du détecteur de mensonges. Alon Elmer attend que je me plante et envoie une geek, spécialiste de l’Egypte ancienne pour me perdre. Dis-moi seulement qui t’a remis le formulaire de candidature ? Marek Dvorakisky n’est-ce pas ? Ce dernier a passé un petit arrangement avec le Mossad et toi tu as sauté à pieds joints. Ton profil correspond exactement au profil de l’agent secret dépêché par toutes les Agences d’espionnage du monde entier ; ce genre de contrat se monnaie des millions de dollars US et ils n’ont pas été longs à te recruter. Ils vont te faire disparaître, faire de toi un fantôme et quand tous t’auront bien oublié ils vont t’envoyer sur le terrain avec un seul mot d’ordre : exécution ». Notre Itshabe ferma les yeux. Jérusalem. Dvorak. Alon Elmer. Derrière la fenêtre de son appartement
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Itshabe attendit le départ de Dvorak pour fouiller le plancher, là où cachait des effets personnels. Elle y découvrit des armes à feu et des passeports ; des devises étrangères et un fragment de mur portant le sceau d’Osiris en hiératique. Un tel fragment ne pouvait venir que d’une nécropole et Itshabe gratta l’inscription au carbone. Le lendemain, Dvorak lui trouvait ce job. Rien ne tenait du hasard. Puis ses souvenirs la ramenèrent à l’appel émis en direction de Paris ; Félix semblait être si nerveuse et fit mention d’une lettre destinée à sa fille. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? « Ils veulent que…ma mère savait qu’on viendrait la chercher et…je suis vraiment naïve. Dvorak n’arrêtait pas de me dire que je devais me concentrer sur le Moyen Empire, la dynastie XI sans donner plus d’indication. Il parlait notamment des Frères Thot et il m’a remis des Lettres aux Morts au nombre de cinq en taisant leur origine. Les déchiffrer me prit des nuits. A bien réfléchir, Dvorak cherchait quelque chose. Lui et le Mossad. Alon Elmer m’a parlé du bracelet de Néféra, un somptueux bijou du Moyen Empire, en pâte de verre et d’émail. —Il y a des années de cela, j’ai étudié à l’université de Yale. Ils ont un département pour les études de culture Arabe et j’avais fait des pieds et des mains, enfin soudoyé l’équipe d’enseignements pour obtenir une place dans l’une de leur session sur l’Egypte. Un vieux professeur grisonnant. Comment s’appelait-il déjà ? Peu importe. Ce type nous a parlé des Amants maudits non pas de Vérone mais de Thèbes : Néféra et Kha. Elle, favorite du pharaon Nebtaoui Ré plus connu sous le nom de Montouhotep III… —« Puisse Montou être satisfait » c’est là la traduction des Prêtres du Haut Clergé. Il n’a jamais été très populaire durant son règne et la postérité n’a rien gardé de lui à part des révoltes paysannes, des conflits entre dignitaires et des ennuis matrimoniaux. —Peu de monde sur terre n’a eu connaissance de ce personnage. Comment sais-tu tout cela ? D’accord, admettons que tu sois au courant pour ce Nebtaoui,
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Elmer t’aurait-il parlé d’autres choses ? Un détail peut-être qui aurait retenu ton attention ? C’est le spécialiste du Moyen Orient et s’il t’a mis la main dessus c’est bien parce que tu aurais déchiffré un fragment de Pierre de Rosette susceptible d’éclairer leur lanterne. Ce boyau est aussi froid qu’un congélateur et si l’on n’avance pas plus vite, je crains que ce sanctuaire soit notre tombe. —Si. A présent un détail me revient, répondit-elle en claquant des dents. Je ne suis pas sensée être dans ce trou à me confier à vous. Peut-être n’ai-je plus d’espoir ? J’ai rencontré quelqu’un à l’université. Un immense blond au regard d’un bleu translucide. Il disait s’appeler Hamill et il m’a dit protéger les intérêts anglais. Des chasseurs de tête opèrent souvent dans les universités et cet Hamill…m’a dit de surveiller ma boîte aux lettres. C’était il y a trois ans et…j’ai trop froid Thomas ». Il la serra dans ses bras et ses spasmes cessèrent aussitôt. Réfléchir vite et synthétiser ses informations pour se tirer d’une situation compromettante. Thomas se dit avoir de la chance de l’avoir rencontrée ; en plus d’être brillante, il la trouvait irrésistible et il ferma les yeux pour s’approprier son odeur. Elle survivrait à tout cela et plus encore, il pouvait l’utiliser comme otage pour déjouer les plans de Dvorak ou bien il pouvait l’étrangler dans ce souterrain sans laisser de trace, il pouvait également l’évacuer loin de cet endroit en la disant malade. Il la serra plus fort encore en songeant à Samuel E. Hamill ; le MI6 travaillait de concert avec la CIA. Pour quel enjeu ? En ouvrant les yeux, son regard croisa celui d’Itshabe électrisant dans cette demi-pénombre et ce regard le fit chavirer. « J’avais une nounou africaine à Paris. Aminata N’Dialle. Elle me faisait des plats typiques de son pays et je la voyais comme une grande sorcière avec un collier de pattes de poulets autour du cou, agitant un immense bâton creux rempli petites billes et je me disais que si j’osai avaler une bouché de ses plats je finirais comme cette pauvre Blanche-Neige, figée dans un cercueil de verre à attendre l’arrivée d’un éventuel
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Prince. Elle me terrifiait mais elle était aussi la femme la plus aimante de mon entourage. Un jour elle est venue me chercher…je venais d’avoir neuf ans et j’attendais à la grille comme tous les soirs et elle est venue…A son regard j’ai vu que quelque chose n’allait pas, sans que je sache et puis, elle a sourit en me voyant. Je la croyais incapable de sourire. Elle m’a ramené à la maison et a attendu pendant deux jours le retour de ma mère partie à Londres pour une conférence. Or deux jours auparavant elle avait perdu son fils d’un accident de scooter. Un chauffard l’avait renversé. Je ne me suis jamais pardonnée d’avoir été la seule préoccupation de cette femme quand son propre fils quittait ce monde à jamais. —Qu’aurais-tu changé au cours de sa destinée du haut de tes neuf ans ? Tu l’as dit toi-même, elle t’aimait assez pour te faire passer avant sa propre famille. Tu ne dois pas te sentir coupable de quoique se soit. Où veux-tu en venir ? Pourquoi cette anecdote ? Itshabe ! Et il la secoua vivement. Ne t’endors pas, Itshabe restes avec moi. Parles-moi encore. Pourquoi me parler de cette N’Dialle ? Auraistu peur de souffrir à nouveau si je devais choisir entre mon devoir et l’humain ? Parles-moi Itshabe, de quoi as-tu peur, hein ? —De ne pas avoir le courage d’aimer aussi fort qu’elle. La peur de souffrir m’éloigne de vous tous. J’ai tenté de mettre fin à mes jours, à plusieurs reprises dans le seul but d’être remarquée, de sentir l’amour d’une mère vous étreindre et vous empêcher de sombrer mais je…je n’ai récolté que du mépris et de l’incompréhension. Comment pourrais-je t’aimer si je suis incapable de m’aimer. —Itshabe, tu dois te faire confiance. Itshabe ? Itshabe ? » Il la secoua mais en vain. Pour la première de son existence il paniqua. Il avait connu les montées d’adrénaline survenant avant une éprouvante épreuve et lui d’apprécier son effet. Il se sentait dès lors invulnérable et prêt à parcourir le marathon de New York sans le moindre entraînement et voilà qu’Itshabe le rendait maître de ses sentiments. Au fond de ce
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puits il se sentait démuni et au bord du précipice. Comment pouvait-il expliquer ces sentiments dévorants, angoissants et capables de le perdre ? De nouveau il la secoua et elle sembla réagir à ce nouveau stimulus. « Je ne te laisserais pas tomber Itshabe. Regardesmoi…regardes-moi ! C’est bien. Je vais te faire sortir de là et ensuite d’évacuer bien loin de ce merdier où tu n’as pas ta place. Allez courage ». Quelque part dans le désert égyptien, Marek Dvorak arrêta sa jeep au creux d’une dune et les jumelles autour du cou, gravit la crête. Au-delà des militaires stationnaient dans un bivouac à quelques minutes à peines de Gizeh. L’armée égyptienne se tenait sur le qui-vive ayant été informé par son service d’infiltration qu’un espion tentait de percer les lignes militaires pour avancer dans le sud. Couché là dans ce sable chaud, Dvorak mâchonnait son cure-dent. Si un satellite, un drome ou autre engin de surveillance se mettait à quadriller le lieu il en était fait de notre homme. Il balayait les dunes avoisinantes et vit la jeep de Davh Bohrer encadré par deux autres véhicules du genre Humvee. Pour lui pas l’ombre d’un doute : ce séduisant garçon aux lèvres pleines et au visage recouvert de tâches de son n’était pas un touriste, tout au plus un chargé d’affaires pour une société internationale ; à en juger par son accent : anglais, voire écossais aussi curieux que cela puisse être. Le convoi ne s’arrêta pas au check-point, ce qui permet de révéler l’influence de ce dernier sur les autorités. Il se connecta au satellite afin de capter la conversation locale et intercepta des mots comme : invasion, américains, réserve, attaques. Sans plus attendre il se remit en route et se laissa fouiller au second check-point égyptien. Des grosses pointures. « Ben Ariff, c’est ça ? » Et le lieutenant à la barbe de trois jours examina plus en détail son passeport et s’en alla pour revenir avec deux de ses subordonnés. « Il y a un problème ? —Il pourrait y en avoir un sérieux. Vous êtes un peu loin de votre base Ben Ariff. Pourquoi convoiter cette
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destination ? Quels sont donc vos intérêts pour la région ? Aidez-nous à comprendre. —Etrange que vous me posiez la question. Un palestinien n’aurait-il pas le droit de voyager sans rendre des comptes à quelques gradés d’obtenir de l’avancement dans l’arrestation de terroristes de la lignée des Frères musulmans ! Regardez-moi, ai-je l’air d’un terroriste ? Si vous avez le moindre doute, contacter Josef Ben Ari. Lui répondra de mon réel intérêt pour cette partie de l’Egypte. Amar Ben Ari, parfaitement ! Souhaitez-vous son numéro ? » On le laissa partir et quand il les perdit de vue, il accéléra sur 12 kilomètres avant d’abandonner sa voiture pour le cas où ses militaires viendraient à appeler Amar Ben Ari. Il marcha pendant deux heures trente jusqu’à ce qu’un camion plein de chèvres s’arrête. Il lui faudra plus de trois heures pour atteindre le site de Henderson. Il songea à piquer un somme quand un éclat l’ébloui sur la colline. Des hommes armés se tenaient en embuscade. « C’est le bout du voyage, sourit le marchand édenté la cigarette coincée dans la commissure de ses lèvres, peu de touristes se rendent seuls dans ce coin, rapport aux Djihadistes. Ils sont là et attendent que le gouvernement les invite. C’est sans espoir depuis les attentats du mois dernier : huit morts et vingt blessés ! » Cela laissa Dvorak de marbre. Il s’endormit, bercé par les soubresauts du véhicule et à son réveil, il songea à Itshabe et à la surprise qu’elle aurait en le voyant. Zahi Haddjadj pensa la même chose une fois arrivé sur place. Ashraf Hefetz ne décoléra pas, criant sur les sapeurs venus prêté main-forte à l’équipe creusant déjà depuis des heures. L’odeur de soufre piqua le nez d’Haddjadj et lui de ne pas s’attarder près de ces militaires très contrariés par la tournure des événements. « Où est le reste des hommes ? —Certains sont partis pour Thèbes, répondit Graham en épongeant son front trempé de sueur. Ce n’est qu’un éboulement de terrain. Personne ne veut l’entendre de cette oreille. En tous les cas aucun de
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nos aimables collaborateurs égyptiens. Depuis Carter l’on ne peut parler de malédiction des sarcophages. Si Henderson était là ils se remettraient bien vite au travail. —Je vois. Fais-moi un bref topo. —Et bien, difficile d’évaluer la situation depuis que l’informatique n’est plus fonctionnelle. En gros on ignore s’ils sont encore en vie et où ils se trouvent exactement. Des hommes descendent, creusent mais remontent bredouilles. erCela pourrait prendre des jours pour déblayer le 1 niveau. C’est un cauchemar et personne ne se voit quitter l’Egypte sans Henderson, c’est un typé épatant et passionné comme personne. Un mentor pour nous tous, alors vous devez comprendre la détresse dans laquelle on se trouve. —Et Itshabe Edel-Delmas? Comment se fait-il qu’elle se soit retrouvée en-dessous quand le Daily Art la recrutée pour une couverture photos ? —Elle gère. Elle n’est pas très loquace exceptée quand on la branche sur l’Egypte. C’est la vraie bonne surprise d’Henderson. Il ne m’est jamais sa parole en doute et lui laisse champ libre pour les fouilles et elle gère plutôt bien. A ma connaissance elle aspire à un brillant avenir dans ce milieu. Je l’apprécie mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Trop mystérieuse pour être estimée à sa juste valeur ; voilà ce que je peux dire sur Itshabe ». Le sourcil en pointe, Ali salua la critique de Jesse Graham avant de s’intéresser à Rose. Cette dernière des plus perturbées ne fut pas surprise de la présence d’Haddjadj sur place, bien au contraire, elle l’avait souhaité. D’un regard froid elle chassa Jesse pour uniquement se concentrer sur Ali. « Pensez-vous que nos espoirs puissent être un jour récompensés ? On est là à creuser depuis des heures et la seule chose que l’on perçoit est le vent, les courants d’airs et l’absence de bruit. S’ils sont en vie, l’on devrait au moins entendre le bruit de leurs outils contre les parois. Henderson ne resterait pas là à rien faire.
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—C’est aussi mon avis. …venez par là. J’ai besoin de consulter tous les passeports de vos subordonnés. Oh rien de grave rassurez-vous, juste une procédure habituelle. Rendre des comptes à la hiérarchie. Cela ne sera pas long et de façon tout à fait informel il me faudra également rencontrer chacun d’eux individuellement ». Et sous terre, Henderson creusait la roche tant et si bien qu’il finit par trouver une excavation. En appuyant dessus le sol se déroba sous leurs pieds et après une interminable chute ils atterrirent dans un couloir. Le choc des corps l’un contre l’autre eut tôt fait de réveiller Itshabe de la léthargie dans laquelle elle se trouvait. Thomas vérifia si aucun de ses os ne s’était brisé lors de la chute et chercha à tâtons sa lampe de poche puis jeta Itshabe sur son dos avec la facilité d’un contorsionniste ; elle râla avant de lâcher prise et faire confiance à son sherpa. Soudain l’éclairage lui révéla une cartouche, soit une série de hiéroglyphes. « Attends…fais-moi descendre. Je veux voir…C’est magnifique Thomas. Magnifique. Ce couloir conduit à la chambre mortuaire, là où les prêtres préparaient les corps pour…Une nouvelle vie. Henderson nous approchons du but. C’est là notre récompense ». Le Mastaba était pourvu d’une chapelle intégrée dans le corps du monument, où on apportait des offrandes au mort. La présence de celui-ci était liée à la conception de la destinée solaire du roi, qui faisait de lui un être divin. C’était donc le sanctuaire d’un Dieu. Les larmes aux yeux, Ishabe ne put maintenir ses émotions plus longtemps et fondit en larmes. Et Henderson se précipita à dessiner les plans de ce temple en s’imprégnant de ceux de la vallée des rois, dont celui de Séthi 1er et des parties importantes du temple de Hatshepsout à Deir el-Bahari et le temple de Médinet Habou. Ils pénétrèrent une salle et tombèrent à genoux devant ce qu’ils virent. Six sarcophages de granit entouraient un plus gros placé au milieu de la pièce. Médusés, ils approchèrent lentement, ne pouvant croire ce qu’ils voyaient. Le couvercle arrondi
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aux formes de la momie portait des inscriptions en hiéroglyphes. D’un coup de pinceau, Ishabe dégagea le sable des arêtes. « Je ne comprends pas ce qui est écrit. C’est censé être le Texte des sarcophages. Or ce recueil de textes magiques rédigé pour aider les morts à éviter la faim et la soif, et les protéger des dangers de l’au-delà ne mentionne rien de tout ça (elle fronça les yeux, cherchant à déchiffrer au plus près les données) ces formules parlent de….repentance, de trahison et d’Osiris oublié d’Isis. Est ce là un sortilège ? La personne momifiée ne connaîtra jamais le repos éternel. Son âme doit voyager à la recherche de ce qu’elle a négligé sur terre. Osiris ne devait avoir aucune clémence mais alors comment expliquer la présence de ses six autres sarcophages ? Est-ce là des protecteurs ? Ces protecteurs avaient pour rôle de protéger le mort des régions inconnues. Je suppose que dans Le livre des morts, si on arrive à mettre la main dessus, apparaissent les formules et les recettes magiques qui unies aux charmes et aux amulettes, devaient lui permettre de sortir victorieuse de toutes les épreuves. Qu’as tu trouvé Tom ? Il faut ouvrir les sarcophages…..Tom ? » L’homme ne l’écoutait pas, étudiant les inscriptions et les figures. Sur le plus gros figurait des motifs géométriques à la façon de véritables tableaux. Seuls les personnages importants du Moyen Empire pouvaient accéder à pareils luxes. « Elle est dedans….Néféra. La favorite de Nebtaoui. Il voulait la punir de ne pas lui avoir été fidèle. Une façon pour lui de prouver son autorité. Le malheur fait faire parfois des choses horribles. Ce pauvre roi a eu l’âme torturé. Au dernier moment, il aurait commandé de nouvelles formules pour briser la fonction des premières. Vois comme les idées s’enchaînent, elle montra du doigt des dessins et des symboles en hiératique, il lui demande pardon ». Un bruit sourd attira leur attention. Des coups de pioche. Des instructions criées en arabe. Ils
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s’interrogèrent du regard. Le cœur d’Ithsabe s’emballa quand au même moment la poussière leur tomba dessus. « Ils sont au-dessus de nous ! Ils vont tout détruire ! Thomas, on doit les stopper ! Il faut enfumer le lieu. Les sapeurs trouveront un moyen de le contourner en nous sachant sous leurs pieds et…j’ai si froid que cela ne pourra que nous faire du bien ». En moins de deux heures les secours les localisèrent, creusèrent et les sortirent de leur trou. A 1511 PM Itshabe profitait du soleil tout en sirotant un thé sous la tente en compagnie de Zahi Haddjadj. Pour Rose une double victoire : celle de voir Henderson en vie et celle de la découverte des sarcophages. De son côté, la couverture thermique sur les épaules Henderson glissa son regard vers Itshabe, ce qui eut pour effet de contrariée son assistante ; si elle avait pu se jeter dans ses bras, Rose l’aurait fait. A la place de cela, elle n’eut droit qu’à sa froideur légendaire. « Il dit devoir la ramener en Israël par ordre de son père. Notre collaboration aura été de courte durée, prends cependant en note qu’elle fut la seule capable d’attirer ta sympathie. Enfin…rien de plus important que ton retour salué par la trouvaille historique qu’est ce sarcophage. Viens avec les gars, le plus important reste à venir. Henderson ? » Le néant au fond de son regard. Il n’était pas avec elle. Itshabe accaparait toutes ses pensées. Au moment où cette dernière quitta l’ombre de la tente pour rejoindre le groupe d’archéologues, Henderson la retint par le bras pour lui murmurer ceci : « Le Daily Art n’a pas l’intention de te voir rallier Israël avant la fin de notre contrat. Nous allons ouvrir le sarcophage et nous avons encore besoin de tes connaissances ». On venait de remonter le cénotaphe et fort de plus de 500kg pour 1,25 de largeur pour 3 de longueur il faisait la joie de ces passionnés ; pour rien au monde Itshabe ne voulait manquer cela. Un rêve de petite fille, du temps où Félix lui caressait la tête pour la féliciter du labeur de ses études. Au berceau on l’initia aux écritures du Moyen Empire, aux hiéroglyphes et divers
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caractères inconnus de bien des étudiants euxmêmes. Itshabe ne pouvait manquer ce jour. « Le site a été piraté par un petit malin et peu de temps après Haddjadj débarque la bouche en fleurs et demande à consulter tous les passeports. Il n’y a que le Mossad a disposé d’un relais satellite assez puissant pour scanner les hologrammes figurant en première page de ces précieux documents et si ta mère est encore en vie, Haddjadj est bien l’une des dernières personnes à l’avoir vue vivante. La culpabilité le pousse à commettre quelques impairs quand il se serait bien gardé d’intervenir. Il n’a pas l’intention de te ramener en Israël sous la protection diplomatique de ton papa-adoré, non ils ont d’autres projets pour toi. Du temps où je travaillais pour l’Agence, j’ai pu aiguiser mes sens dont l’odorat et c’est bien le seul sens qui ne trompe jamais. Une odeur est vectrice de mémoire et Haddjadj porte du patchouli et du musc. Je ne connais qu’un homme assez précieux pour se permettre pareille coquetterie. Et cet homme c’est Tahar Jarik. Cela ne prouve qu’une chose Itshabe, soit tu es leur complice, soit l’on te manipule depuis le début. —Crois ce que tu veux. Oui je connais Haddjadj mais cela ne fait pas de moi son alliée. Il était l’ami de ma mère et sa sincérité ne fait pas le moindre doute. Oui j’ai en ma connaissance des informations secrètes, du moins le croyais-je jusqu’à ce que tu me dises ne pas être complètement dupe. J’ignore ce qu’un agent de terrain ferait dans cette situation de couverture compromise. Mais si tu dois me tuer, fais-le rapidement que je n’ai pas à souffrir. —Désolé de devoir interrompre votre discussion mais je viens pour vous restituer les passeports, intervint El Haddjadh sortit de nulle part. —Voyez avec Rose, elle est là pour cela. —Ecoutez Henderson, je crois qu’on a pris un mauvais départ. Je ne suis pas là pour vous mettre des bâtons dans les roues et si cela était le cas vous seriez assez hardi pour ne pas me laisser repartir. Vous aviez pour projet de fouiller ce site et d’en
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exhumer chaque momie jusqu’à ce que vos pêchés soient lavés. Dieu se montrera plus clément si vous manifestiez le même intérêt pour les vivants. Approchez…La situation politique de ce pays a changé et ceux qui étaient les alliés de l’Egypte sont devenus ses ennemis. L’heure est à la prudence et il faudra songer à évacuer votre personnel. —Evacuer ? Si ce foutu pays doit rentrer dans une guerre civile, ou bien que l’Iran, la Libye ou le Soudan décident de l’attaquer nous ne quitterons pas ce pays tant qu’il y assez de sable pour creuser. Faites le savoir à Tahar Jarik ». Autour du sarcophage on s’agitait et Rose recommandait la plus grande prudence. Doucement, plus à gauche…Manipulez-le doucement les gars. De son côté Itshabe le crayon à la main prenait des notes : reproduisait les inscriptions, caressait la pierre comme pour la faire parler ; partout l’on courrait, parlait fort, s’agitait en tous sens avec matériel et face à cette frénésie, l’on oubliait les frayeurs passées causées par l’enfouissement de Delmas-Ebel et Henderson. « Ne restes pas dans mes pattes, Itshabe ! » Et Rose la déplaça sans ménagement. Après que le chariot élévateur eut déplacé le tombeau jusque sous la tente militaire, Henderson enfila ses gants en latex et chargea Aaron Halter de poser des appareils informatiques capables de réfléchir une lumière infrarouge à travers la pierre et ainsi restituer l’image en 3D ; tous les respirations furent retenues et Henderson glissa son regard vers Itshabe, des plus fébriles. Du résultat du scan dépendait leur avenir commun et après le champagne gardé au frais pour une telle occasion, Henderson la tuerait, faisant passer cela pour un accident. N’importe qui pouvait tomber d’une dune et se retrouver enseveli. Rose de son côté observa Henderson puis Itshabe avant de remarquer Ashras Hefetz derrière le pan de la grande tente. Et puis Ishan Zéév silencieux depuis les événements s’approcha du moniteur d’Halter quand ce dernier lança un : BINGO !
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« On a quelque chose ! Cela pourrait être des fragments de momie éparpillés un peu partout dans le troisième sarcophage. Un, deux, trois. Un travail de titan nous attend si l’on doit tout ouvrir sans rien détériorer. Après estimation, cela peut nous prendre entre quatre à six heures. —Tant que cela ? S’ingurgita Rose un peu sceptique. Cette masse de pierre ne devrait pas être un obstacle à notre savoir-faire. Vous êtes le meilleurs dans votre catégorie alors deux heures devraient suffire. —Dans l’absolu oui mais il faut tenir compte de la dégradation de la pierre par l’air. Cette masse n’a pas été soumise à la microgravité, aux variations atmosphériques et la pollution depuis des milliers d’années et il nous faudra procéder par palier si l’on ne veut pas voir tout cela s’effriter. On devra faire des moules sitôt la pierre dégagée et surtout manipuler ce joujou comme un nouveau-né. —Oui Graham a raison, lança Henderson en décroisant les bras pour retourner à l’objet de leur fantasme. Il nous faudra un maximum de scans, des données manuscrites et…informatiques en dernier recours. Et puis il nous faudra une chambre froide. Zéev, tu devras t’en occuper ainsi que le moulage des objets funéraires. Si cela doit nous prendre toute la semaine, nous lui consacrerons toute la semaine, rien ne doit être laissé au hasard si vous voulez que votre travail soit cité à l’université de votre thèse. —Qu’avons-nous au sujet de la chapelle ? —Itshabe pourra vous renseigner ». Mais c’est Ishan Zéev qui répondit rapidement à Zahi Haddjadj au milieu des opérations. « Pour le moment nous avons peu de renseignements sur le lieu ; possible qu’il est s’agit d’un lieu de culte, tout comme il aurait pu seulement être un lieu de nécropole au Moyen Empire pour les membres du haut clergé. Nous étudions la question et il serait prématuré de rédiger un quelconque rapport sur les fonctions premières de cet endroit. Le sarcophage nous livrera ses ultimes secrets ».
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A la cantine devant un mug de café froid, Itshabe manipulait avec soin ses feuilles de carbone quand Stephen Dickson se dirigea vers elle, une assiette de lasagnes à la main. « Il est plus de dix heures et tu travailles toujours. —Il n’y a que cela que je sache faire. Si tu l’as remarqué je ne suis pas très loquace. Laisse mes feuilles ! Je les ai classées dans un certain ordre. Où en êtes-vous avec la momie ? —Tu ne devrais pas laisser Rose te parler ainsi. J’ignore ce que tu lui as fait mais il vous faudra enterrer la hache de guerre au plus vite. En fait je ne suis pas venu pour te parler de cela. Je crois que ce sarcophage est un leurre, mais comment le dire à Henderson sans qu’il ne se mette à me traiter de fou. Ce qui me conduit à cela est l’analyse des données. Pour faire simple, cela ne coïncide pas à ce que nous aurions du trouver ici : l’emplacement des stèles funéraires, les trois sarcophages imbriqués et les canopes en nombre insuffisants dans cet endroit de sépulcre ». Quand Itshabe se présenta devant Henderson, ce dernier quitta sa caméra de surveillance pour se concentrer à son diner. Les caméras filmaient divers endroits du camp, une innovation mise en place par Ashraf Hefetz pour ainsi limiter leurs déplacements et éviter l’ennui des archéologues ; Henderson s’en servit pour surveiller les faits et gestes de Delmas-Ebel. « As-tu une seconde Henderson ? » Il porta sa fourchette à sa bouche tout en invitant Itshabe à venir s’assoir devant lui. Cet endroit était le lieu de culte d’Hefetz mais pour l’heure ce dernier sillonnait les dunes avec son compagnon. « Qu’est-ce que tu veux ? Je me suis dit qu’une fois planqué ici personne ne viendrait m’y déloger mais toi tu…as un don pour déloger l’ours en période d’hibernation, c’est probablement pour cette raison que l’on t’a donné tes chances d’intégrer le journal n’est-ce pas ? —Je viens au sujet du sarcophage. Un détail a attiré notre attention. C’est un faux. Le véritable sépulcre
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n’est pas ici. J’ai noté les termes : rédemption, pardon, amour, vengeance. Tout en hiératique et j’ai éprouvé des difficultés à traduire Rédemption et vengeance. Ils possèdent la même base mais…l’original ne se tient pas ici. Dickson et moi avons étudié les plans assez de temps pour en venir à la même conclusion. —Et où se tiendrait-il selon vous ? —A quelques miles d’ici en et si j’en crois cette cartouche…regardez ! Tout y est écrit, c’est du sémantique et je suis parvenue à le déchiffrer ; non son mal certes, mais…ils parlent bien des endroits où les âmes se retrouveront. Alors j’ai pensé à la technique d’embaument et à leurs techniciens, des prêtres pour la plupart ! J’ai comparé cette cartouche ci avec celui inscrit sur le tombeau et je suis venue à cette corrélation : les embaumeurs ont intentionnellement masqué la vérité et… » Le pan de la tente s’ouvrit sur Rose décidée à ne pas sourire, contrariée par la tournure que prenaient les événements. En temps normal la présence d’une stagiaire ne l’aurait pas contrarié, mais la petite Delmas-Ebel représentait une menace pour la scientifique. Quant à Ishabe cette situation lui rappelait Paris et Félix Delmas, toujours entourée d’imminents professeurs de la Sorbonne et d’ailleurs ; Itshabe les écoutait parler cacher sous la table et elle craignait que Félix se fâche si elle la surprenait interrompant ses confrères. « Et bien je vais vous laisser, murmura notre Itshabe en tentant un rapide sourire qui bien vite s’effaça. « De quoi parliez-vous ? —Et bien Itshabe pense que le sarcophage que nous venons de déterrer est un faux. Un leurre pour ainsi dire. C’est bien le terme que vous avez employé ? D’après l’étude de ces cartouches. Jetez-y un œil Rose…cette cartouche donnerait des indications sur la technique d’embaument et le reste, je n’ai pas tout compris. Ils auraient voulu masquer la vérité ? Mais à quelle fin ? —C’est absurde ! Nous l’avons identifier Henderson et…
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—Je l’avoue aussi mais…cela c’est déjà produit et l’on retrouve de tels faits pendant la Première Période intermédiaire, soit de 2181à 2060, disons pendant la révolution sociale. A cette époque l’on pillait les pyramides à la recherche de trésors royaux et survient également l’invasion asiatique. Les différents rois avaient intérêt de protéger leurs biens et quand survint le Moyen Empire thébain, ces bâtisseurs… —Et selon vos estimations où se situerait le vrai sarcophage ? L’interrompit Rose après avoir brièvement étudié les hiéroglyphes sous leur forme primitive. Cette information ne lui plaisait guère. —Je pense que…je suis même certaine que Nebtaoui était un névrosé. Le type d’homme capable de prendre un milliers de décisions à la seconde, craignant constamment qu’on en veuille à sa fortune, ses enfants, sa maîtresse ! Il aurait pu prendre certaines dispositions comme celle de déplacer le sarcophage à un endroit plus sûr et surtout plus éloigné de la nécropole de Thèbes. —Et toi tu soutiens cette hypothèse ? Il y a plus de sept sites recensés et nous n’avons malheureusement pas le budget pour fouiller sur tout le pourtour de Thèbes de Deir el-Bahari à Malgata. Il faut cesser de rêver Itshabe et se mettre à l’évidence que sorti de ton manuel du Bon égyptologue, tu ne peux pas tout remettre en cause. Nous avons ce sarcophage et demain il sera en un lieu sûr avec tout le reste des trésors exhumés. Tahar Jarik ne sera pas généreux au point de nous octroyer quelques dollars de plus pour satisfaire les lubies d’une néophyte. Tu peux partir Itshabe, j’ai à parler à Thomas ! ». Zahi Haddjadj rejoignit Itshabe près du sarcophage et remarqua combien elle semblait bouleversée. « Tu n’as pas l’air dans ton assiette ». La petite DelmasEbel sortit le nez de ses feuilles pour l’étudier plus à loisir. Il était le dernier à avoir vu Feliw Delmas avant qu’elle ne parte pour la Sorbonne et il disait venir sous ordre du Ministre Ebel. Itshabe retourna à son étude. « Je sais où chercher Ali. Nous sommes passés devant pour arriver ici et j’ai eu le temps d’en relever
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la typographie du paysage. Je pars demain ! Ben oui, c’est sur le chemin du retour et je vais marquer le terrain. —Je ne comprends pas tout. Expliques moi avec des mots simples. Tu penses qu’il existe un autre site ayant appartenu à Nebtaoui ? Comment peux-tu en être si sûre ? —L’intuition, répondit Itshabe en souriant. Nous sommes à 12 kilomètres d’Assassif et ton chauffeur pourra nous y conduire n’est-ce pas ? J’ai fait des calculs après avoir quadrillé le secteur en fonction des temples et des lieux de sépultures. Le même nombre revient souvent, à savoir : quatre, comme les canopes recueillant les organes du défunt. Viens avec moi, je vais te montrer quelque chose… » Ils quittèrent l’espace d’étude pour se placer près du cénotaphe recouvert d’une housse de protection. Ici on essayait de garder la température d’origine afin de ne pas endommager la pierre. Dans un petit réfrigérateur reposait une momie d’environ 1m68 au poignet de laquelle on prit le soin de renseigner sur la composition (sans pollution) des échantillons de tissus. On la manipulait avec des gants et des masques pour éviter la propagation des bactéries. « Regardes et dis-moi ce que tu vois… » Il se pencha au-dessus d’un coffre d’une hauteur de 70 cm contenant une Maison d’âmes en miniatures, celle-ci reproduite à une toute petite échelle représentait une structure en terre cuite, au cœur même où se tenait la tombe de Nebatoui. On les plaçait généralement sur le dessus des tombes et servaient de tables d’offrandes. « Et que dois-je y voir Itshabe ? —Mais voyons ! Toutes nos réponses se trouvent sur cette Maison d’âme ! Si on la reproduit à l’échelle de ce sarcophage, cela donnerait un immeuble d’une hauteur de 20 mètres et…regardes j’ai fait un schéma représentant l’emplacement des mausolées (elle brandit la feuille sous le nez d’Ali) Les points en rouge sont les quatre structures représentant les canopes du défunt. Est-ce que tu me suis ? Ils sont disposés au
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nord, au sud, à l’est et à l’ouest avec en son milieu notre chapelle. —Une chapelle ? —Je sais cela peut paraître insensé mais en 2005 le professeur Hans Kruger a écrit un bouquin sur la IXème dynastie offrant une quantité de pistes pour comprendre la psychologie des héritiers d’Horus, enfin…les descendants de Mentouhotep II ayant régné de 2133 à une date restée indéterminée. On n’est pas loin de découvrir la vérité. —Quelle vérité Itshabe ? Chacun à sa vérité, tu devrais le savoir ». L’éclat du visage de notre Delmas-Ebel se ternit. Un frisson parcourut sa chair et comme à chaque fois que son esprit s’égarait elle se voyait sur le pont Henri IV surplombant la Seine, là accoudée au parapet l’adolescente fixait l’eau saumâtre en espérant avoir le courage de s’y jeter ; elle savait qu’on l’observait du pont et cette personne n’était autre que Zahi Haddjadj jamais bien loin d’elle. Si elle venait à glisser, lui se jetterait dans l’eau pour la repêcher. L’institut du Monde Arabe. Itshabe s’y rendait pour y lire l’arabe. Un jour je comprendrais tous ces mystères et je connaîtrais enfin la vérité. Les bras croisés sur sa poitrine Itshabe revint au mystère de Nebtaoui faisant un parallélisme avec la disparition de Félix Delmas. « Où crois-tu qu’elle soit partie ? Je parle de…Félix. Elle ne serait pas partie sans laisser de mot. Elle aimait dire qu’à la Sorbonne elle avait trouvé une véritable famille. Tu dois certainement savoir des choses Ali. —Naturellement. Dvorakisky est en chemin. Il se passe quelque chose ici. Tout le monde a les yeux rivés sur cette partie du monde et Tahar Jarik me charge de veiller sur ses intérêts. Cette tombe semble plus importante qu’on ne le croit. Je ne crois pas au hasard et le fait que tu sois là avec Henderson…et puis Ashraf Hefetz…et cet autre type Ishan Zéév et Aaron Halter. Je veux dire que rien n’arrive jamais au hasard Itshabe.
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—Que sais-tu sur ces hommes ? Les aurais-tu déjà vus ? —Curieux que tu me demandes cela. Tu as été recrutée par le Elmer n’est-ce pas ? Dvorak t’aurait remis un formulaire et peu de temps après Alon Elmer t’a rencardé pour ce job. Que cherche-t-il exactement ? —Il ne sait pas lui-même, sourit Itshabe. Il devait être 0313 du matin et les signes de fatigue se lisaient sur le visage délicat de la petite Delmas-Ebel. Ces dernières 24 heures furent difficiles pour la jeune archéologue et quand elle glissa sur sa couche, elle fut immédiatement assaillie par des images de momies, de caractères en hiératiques ; elle vit des sites funéraires et un défunt à sur qui l’on préservait les organes ; des prêtres chantant des hymnes : Adoration à toi, Ô Ré !Au lever Atoum au coucher ! Et Itshabe se vit allonger sur une large table en proie à une profonde souffrance, son corps se tordait comme en proie à une crise de tétanie. Elle vit l’entrée d’une grotte et tomba dans une sorte d’hypogée (chapelle destinée aux offrandes) et quand son corps se trouva être dans la chambre sépulcrale, Itshabe vit une momie debout là l’observant. Un oiseau de proie fondit sur elle, là pour protéger la tombe des profanateurs. Elle se débattit et quand enfin elle échappa à cet oiseau de mort, ce fut son corps inerte qui partageait la tombe avec Nebtaoui. Au secours ! Au secours ! On lui avait coupé la langue et avec les membres bandés, Itshabe ne pouvait espérer se voir sortir de là… vivante. Notre Itshabe se réveilla en sursaut ; Il régnait sur le camp un grand remue-ménage. On se préparait à partir. Rose au milieu des autochtones donnait des ordres dans son arabe le plus autoritaire et quand elle vit Itshabe ricana, enfonçant ses lunettes sur son nez. « La Belle au Bois Dormant a-t-elle appréciée son long sommeil ? Tout le monde est sur le pied de grue depuis quatre heures et toi tu roupilles jusqu’à midi ! Les gars ont essayé de te réveiller par deux fois alors évites de prendre ces putains de somnifères quand on
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a des tas de choses à faire ici ! Oh et il y a encore un type qui vient d’arriver pour toi. Il dit s’appeler Dvorak ». Elle le trouva en retrait des autres. Et c’était bien lui : Mark Dvorakisky. Comment m’a-t-il retrouvée, pensa Itshabe, la gorge sèche. Elle pouvait encore s’en aller ; fuir. Elle allait tourner les talons quand rose arriva droit sur elle, brandissant un rapport. « J’ai bien réfléchi à ce que tu m’as dit sur ce sarcophage et son emplacement et je ne suis guère convaincue par tes élucubrations mentales. J’aurai pu y croire en m’appuyant sur tes hypothèses mais j’ai contacté le Dr Kruger, celui que tu dis être le specialiste de la IX dynastie et je reste sur la conclusion suivante : Nebtaoui a œuvré dans la plus grande des diligences certes, mais il était pressé par le temps, rapport aux guerres civiles qui ont ébranlées le pays. Or en ces temps de trouble tout dignitaire du pharaon ne pouvait courir après de telles lubies. C’est vrai qu’ils envisageaient de tenir secret leur sépulture mais cette chapelle, celle de tous tes fantasmes n’est elle qu’un leurre pour dérouter les éventuels pilleurs et…qu’est-ce qui ne va pas Itshabe ? —Tu as raison Rose. Plusieurs affirmeraient comme toi mais on ne sait pas ce qui le motivait et il est le dernier d’une longue série de pharaon a tenté de duper son monde et il y a plusieurs raisons pour que ce lieu de sépulture n’est pas un mythe. Continues de croire en ce que tu crois, je ne suis après tout qu’une stagiaire. Excuses-moi. » Rose la suivit du regard des plus agacées. Quelle longue conversation n’avait-elle pas eu avec Henderson à ce sujet ? Itshabe se servit un café à la table de repos quand Dvorak s’approcha sournoisement de cette dernière. Ils s’interrogèrent du regard. Il se souvenait d’elle comme d’une adolescente complexée ayant peur de son ombre, une jeune femme vivant dans son monde numérique, créant des bandes-dessinées et bourrée de complexes. Il lui avait fait confiance et elle de même ; il état de ceux qui laisse une solide empreinte dans
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l’esprit de ce qui l’avait côtoyé de près ou de loin. Luimême se servit un café, les lèvres serrées et le regard dur et concentré à ce qu’il faisait. Sa présence en ces lieux n’annonçait rien de bon ; Itshabe l’avait bien compris et s’efforçait de faire bon figure malgré la peur qui la tenaillait. « As-tu trouvé ce que tu es venue chercher ? Vous avez trouvé un sarcophage et vous êtes dans la ligne de la mire de la CIA. Tu veux savoir pourquoi ? Non, bien-sûr ! Tu le sais déjà ! On ignore encore où se trouve ta mère et les messages que reçoit la CIA ne sont pas exacts tant qu’ils ne sont authentifiés par un spécialiste de l’anti-terrorisme. Je connais toutes leurs méthodes et l’un de tes nouveaux petits amis parlent trop. J’avais pensé à Washington pour savoir comment ils réfléchissaient mais cela ferait de moi l’ennemi public n°1 traqué par tous les agents en faction. Tu ne voudrais pas cela Itshabe, hein ? Tu préfères qu’on lave notre linge sale en famille, n’estce pas ? —C’est juste. Contrairement à toi je n’ai rien à me reprocher Mentir est une bonne chose selon toi mais je n’approuve pas ta façon de faire. Tu laisses trop d’indices derrière toi comme le Petit Poucet et tous sont sur les dents. Je suis ici parce qu’on m’a recruté pour ce job, vois-tu ? C’était ton idée ; je m’y serais opposée si j’avais su que tous nos faits et gestes seraient placés sous écoute. Ils ont besoin d’un fil d’Ariane et je ne suis pas taillée pour ce rôle. Je fais seulement des recherches qui concernent l’Egypte. Pour prouver ma bonne foi je suis prête à répondre de mes actes auprès des mêmes qui te recrutent. —Ah, ah ! Il est primordial que tu restes dans l’ombre pour le moment. Tout cela est dangereux. Le Mossad pour des raisons de sécurité nationale a lâché ses fauves et en ce moment-même les agents du Kidon cherchent à prouver le contraire de ce que tu dis être ta bonne foi. La raison étant ta mère : Félix Delmas. Si tu veux t’amuser Itshabe, trouves toi un bon avocat de droit international et une bonne garde parmi les
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ennemis de la CIA et du MI6. Avec vingt cinq millions de dollars tu pourrais t’en sortir. —je n’ai rien à me reprocher ! Murmura cette dernière des plus amères. —Alon Elmer te prend pour une oie blanche et il le pensait jusqu’à ce qu’un révisionniste britannique lui prouve le contraire. Tu sais de qui je parle. Lilia Arez de la CIA révise ses copies et penche pour une action de grande envergure visant à geler les donnes diplomatiques du Moyen Orient et hamill lui donne du blé à moudre. Si tu veux un dernier conseil : tires-toi ou apprend à jouer avec nos armes. » Il lui tourna le dos. Peu convaincue par ses déclarations, Itshabe le suivit jusqu’à son véhicule, le cœur battant à rompre. Il venait de parler d’Hamill et plus que jamais Ithsabe entrevit l’épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Au loin Itshabe croisa le regard d’Henderson, tapi dans l’obscurité et prêt à faire son entrée. « Je lui ai dit ce que je savais sur cette affaire et… je m’inquiète pour toi. Tu ne devrais pas être ici, dans la gueule du loup ! Henderson vise la prudence. Il sait de quoi il retourne et la CIA cherche des cibles. Tahar Jarik envoie Zahi Haddjadj pour veiller sur ses intérêts propres et Ashraf Hefetz est sur les dents depuis son arrivée. Si tu avais voulu l’éloigner de ce terrain des opérations, tu n’aurais pas du venir ; la CIA se délectera de t’avoir à portée de tirs et sitôt que tu aurais le dos tourné, c’est moi qu’ils prendront pour cible. On est en mesure de trouver le sarcophage de…. —Que tu es naïve. Les sénateurs trouveront en ton martyr la force de lever une armée de patriotes pour botter le derrière les révolutionnaires pour ne pas dire les contestataires qui disent faire partie d’une secte. Je t’ai offert mon amitié un jour Itshabe, ne la refuse pas. Alors prends tes affaires et suis-moi. —Non ! Ma place est ici ! Si je pars ils me le feront payer et je ne suis pas une terroriste qui fomente des plans pour éradiquer toute intrusion occidentale ici. Que tu le veuilles ou non, je vais rester ; cela n’a rien de compromettant. Seulement je me protège tant que
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je n’ai pas des réponses précises sur l’emplacement exact de ce sarcophage. Tu en aurais fait de même si tu avais été un tant soit peu obsédé. —Et quelle sera donc ta prochaine destination ? —Assassif. C’est à peine à douze kilomètres de ce site et j’ai fait des tas de recherches qui finiront par aboutir, je le crois bien. Toutes leurs opérations de surveillances seront détachées si on parvient à faire diversion. La vérité est que je suis impliquée alorsoui si je dois mourir en martyr cela sera de mon propre chef. » Ils se rendirent donc à Assassif. En descendant de voiture, Ishabe eut l’étrange impression de déjà s’y être rendue. Les employés se mirent à pied d’œuvre pour marquer le site à l’aide de leurs appareils à impulsions radiographiques. Après deux heures trente, ils surent où creuser. Les ondes de choc leur donnèrent les relevés typographiques de ce désert abandonné de tous et recouvert de végétation aride et impropre à la culture des sols. Le foulard sur la tête, Itshabe prit une pelle pour se mettre au travail sous le regard incrédule de Thomas Henderson. « On pourrait ne rien trouver Itshabe. Ce qui équivaudrait à un mois de salaire pour nous tous. La terre ici est bien différente de ce que l’on a pu trouver jusqu’à maintenant, la preuve que nul avant nous n’a trouvé à modifier ce panorama. Je veux bien creuser mais je doute qu’on n’y trouve notre compte. Si tu as raison, le monde entier voudra être dans le coup alors il faudra nous battre pour être dans le coup. Je pense que je me corromps en donnant raison à tes délires. —Creuse ! Nous parlerons plus tard de notre désaccord ! » Isaac Oscar leva le nez de son monitor et tendit la main vers son imprimante. Il venait d’obtenir une image satellite de l’emplacement exacte de l’équipe d’Henderson et après avoir entouré le site d’un crayon rouge le mit par-dessus une première feuille afin de comparer les données entre elles. Il tenait quelque chose. Peu de temps après entra Brian Cox, le
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portable collé à l’oreille. Sans un mot il jeta un œil sur les feuilles et raccrocha, perdu dans ses pensées. « Elle sait où chercher. Cette femme est soi un divin, soit sur la touche depuis longtemps. Elle vend des services à la CIA pour le moins qu’on puisse dire mais sa collaboration ne reste pas là si j’en crois mon expérience. Sinon comment expliquer qu’elle connaisse exactement l’emplacement de ce complexe ? —Elle put l’avoir lu quelque part, étudier pendant ses années universitaires, tu ne penses pas ? Ou bien sa mère aurait pu lui en toucher un mot. C’était elle la spécialiste des sites funéraires égyptiens et il serait sage de ne pas donner trop de crédit à ses exploits. Et que dois-je comprendre en lisant ceci ? —Elle a triangulé l’espace pour en faire une sorte d’étau représentant les quatre points cardinaux. L’une des employées sur place a fait des recherches sur un dénommé Kruger. Hans Kruger, professeur de sémantique dans une de nos prestigieuses universités et j’ai pris la liberté de l’appeler pour arriver à cela….ce professeur a communiqué avec la petite Delmas-Ebel pendant trois mois par mail. Ils ont discuté sur divers sujets mais l’un de ces sujets a su capter mon attention : la vie après la mort. —Ce sujet est vieux comme le monde. Les Égyptiens croyaient en la vie après la mort comme ceux de la Mésopotamie dont vos ancêtres j’imagine ? Et puis il y a les Mayas et tous les autres précolombiens, les celtes et…les chrétiens. Je ne vois toujours pas où tu veux en venir Isaac. Sois plus clair, le temps nous est précieux et chaque seconde dans ce contexte compte. —D’accord. Pour faire simple Itshabe Delmas-Ebel est…elle a des capacités extra-lucides. Je veux dire qu’elle est capable de parler aux objets seulement en les touchant. Elmer le savait c’est pourquoi il l’a engagé. Elle est capable de ressentir de fortes vibrations comme une sorte de médium. Sa mère l’a faite consultée un psychologue voyant que sa fille s’émouvait à chaque fois qu’elle entrait en contact avec le passé. Si je dois vous aider je dois pouvoir
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jouir des mêmes informations que Lilia Arez et il est dans votre intérêt de ne rien me cacher. » Les deux hommes se fixèrent en chien de faïence. Nox inspira profondément sans lâcher Isaac oscar du regard. « La CIA a toujours eu de grands projets pour toi. Tu es un fin limier et l’on te propose un salaire conséquent ; de quoi assurer ta retraite aux Bahamas et toi tu ne peux te contenter de rester derrière ton bureau à analyser de foutues données ! S’il eut s’agit d’un autre, on t’aurait cordialement remercié pour tes services mais hamill tient à te garder dans son équipe. Et tu veux que je te dise pourquoi ? Parce que tu es un putain de fils de pute, prêt à me sucer pour gravir les échelons mais pour l’heure tu te contenteras de ce qu’on te donne. —Débusquer Dvorakisky n’est pas suffisant. Pour moi c’est un jeu d’enfant. Il est là où on ne l’attend pas et jamais loin de Delmas-Ebel. Si je chope la fille, il se donnera sans histoires à vos services. C’est bien elle que vous voulez n’est-ce pas ? Tout ce remue-ménage pour de l’extraction, je n’y crois pas. Vous voulez ce qu’elle va trouver et bien plus encore. Hamill n’est pas honnête avec vous et… —Hey, hey mon garçon ! Tu t’éloignes un peu trop du sujet. Que tu suces Elmer est une chose mais je ne te laisserais pas toucher à l’intégrité de mes gars y compris Lilia Arez. Tu en restes à ce que tu sais faire et les vaches seront bien gardées. —La menace vient de l’intérieur. Vous avez tout intérêt à rester vigilants si vous ne voulez pas vous retrouver à chier par la bouche. Il rapplique avec des tas de renseignements sur les Anges de l’Apocalypse et une cible offerte par le service du contreespionnage britannique. Vous surenchérissez sans vous poser la moindre question et quand il aura posé tous ces pions sur son échiquier, il vous faudra aller serrer les fesses très fort. Si vous pensez que je n’ai plus rien à faire ici, remettez-moi un passeport pour l’Egypte et on en restera là.
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—Restons-en là ? Les traits de Nox se durcirent. Restons-en là ? Tu as reçu une formation dans un commando d’Elite et ce n’est pas toi qui dit quand l’opération est terminée. Tu es encore sous mon commandement Isaac que cela te plaise ou non et tu vas rester le cul visé sur cette chaise jusqu’à ce que je te dise : Opération terminée. Tu as saisis ? » Un rictus apparut sur les lèvres ourlées d’Isaac. Brian Nox ferma la porte derrière lui, laissant Isaac méditer sur ses propos. Il tapota contre la porte vitrée de Lilia Arez ; cette dernière au téléphone lui fit signer d’entrer. Des plus tendues elle s’entretenait avec un membre du Pentagone et une fois qu’elle obtint sa réponse, raccrocha. « On est dans la merde Nox et c’est que j’ai à t’annoncer n’est pas très joyeux. Tahar Jarik a contacté la Maison Blanche, le Secrétaire d’Etat en personne pour pleurer sur son sort et ce prince menace de geler nos négociations pour la simple bonne raison que son nom apparait dans nos rapports. —De quoi parle-t-il ? De quels rapports fait-il allusion ? —Tu blagues là ? Tu es censé supervisé ce pôle et tu dis ignorer de quels rapports il peut bien s’agir ? C’est franchement merdique. Je savais depuis le début que cela était merdique. On a des problèmes de transmission là-bas et on ne peut identifier les différents protagonistes sur place. Hefetz est toujours sur place et attend tes ordres. Il craint ne servir à rien là-bas et c’est là tout le problème. Il faut que tu reprennes tout en main et m’assurant que l’Opération ne vire pas au fiasco. Il n’en peut plus de jouer les baby sitter et je le comprends. » Nox s’assit sur le rebord de la table et saisit une photographie représentant les enfants de Lilia Arez. Un garçon serrant contre lui une petite rouquine identique à sa mère : grands yeux verts et traits fins. Sans se démonter Brian Nox reposa la photographie pour attraper un coupe-papier qu’il fit tourner entre son pouce et le dessus de son index. Cette
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interlocutrice l’interrogea du regard, serré dans son tailleur pantalon vert. « Cette opération est la mienne. Je compte disposer mes pions comme je l’entends et Si Hefetz pose problème, il convient de le remercier. Jesse Sanders fera un excellent Leader, il a le profil du candidat recruté parmi les marines pour mener une mission de telle envergure dans ce bourbier. Notre objectif reste l’Egypte et je viens qu’on aille me trouver Hans Kruger. Il aurait des informations très intéressantes sur Delmas-Ebel. » De leur côté, les deux sbires étudièrent les sédiments. La sueur leur collait dans le dos et à l’aide d’un pinceau, Isthabe releva des prélèvements. Ashraf arriva en glissant dans le cratère et s’arrêta sur les fesses. Il tendit une gourde d’eau à Itshabe qu’elle refusa pour se remettre bien vite au travail. « A quelques mètres de là, il y a un abri pour les berges du coin. Mais le plus étonnant est que j’ai trouvé des douilles sur le sommet de la crête. » Il ouvrit la main pour lui présenter cinq douilles de trois autres différentes. Estomaquée elle les étudia brièvement sans rien dire. Non loin de là Henderson discutait avec ses employés, délimitant un nouveau périmètre de recherches. Itshabe ajusta son chapeau sur son crâne et examina la course du soleil dans le ciel. Il allait bientôt être six heures du soir et ils n’avaient toujours rien trouvé malgré les relevés typographiques. « Tu ne remarques pas ? Cette étrange atmosphère. C’est odeur n’est pas ordinaire. A croire qu’on brule du pneu dans le coin. Tu faisais quoi avant de travailler pour le Daily Art ? Universitaire n’est-ce pas ? Alors tu devrais savoir que ce qu’on t’enseigne à l’université est bien différent de ce que l’on trouve sur le terrain. » Itshabe fronça les sourcils. Où voulait-il en venir ? Elle le dévisagea, le bouche entrouverte et ôta son couvre-chef pour éponger son front moite. « Cette zone n’est pas sécurisée. Tu fais encourir de graves risques à chacun de tes petits copains et
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Henderson semble te faire confiance. Il te fait confiance n’est-ce pas ? Tu débarque de nulle part et ensuite tu dis après trouvé l’emplacement exact de la véritable chapelle de nebataoui. Je m’en tape de vos recherches. Nous on est là pour assurer votre sécurité et c’est bien là le problème. » Henderson apparut du haut du cratère et lança un regard noir à Hefetz. Il ne supportait pas le voir trainer près de Delmas-Ebel. Il le soupçonnait de vouloir chercher des ennuis. Tous trois dans le cratère, ils s’observèrent des plus silencieux et Henderson ouvrit une pochette en plastique. « Nous avons recueilli des dépôts comme du calcaire en grande quantité et de la roche que l’on ne trouve que dans cette région. Il serait vain de fouiller davantage et il faudra songer à rentrer avant la tombée de la nuit. Les routes ne sont pas sûres et notre laissez-passer risque d’expirer si l’on s’installe ici pour la nuit. Et toi, qu’est-ce que tu as de ton côté ? —je ne peux pas rentrer bredouille Thomas. Aucun ne croit en moi et si nous rentrons au camp sans rien apporter de tangible, il ne me restera plus qu’à rentrer chez moi. J’ai besoin d’une petite heure. Laisses-moi seulement une heure. —Les autres ne savent pas où chercher et surtout que chercher. On tourne en rond Itshabe et tu auras fait ce que tu as pu. On ne peut dépenser davantage. Nos financements sont limités comme tu le sais et nous avons pris d’énormes risques en venant ici. Alors on se donne une heure et ensuite on plie bagages. » Hefetz le suivit du regard sachant qu’il changerait d’avis. Il remonta sur le flanc ouest et colla ses jumelles sur son nez. Il vit arriver un bus entre les flancs escarpés. En balayant le coin il vit une lumière se refléter, celle d’un viseur. Puis le véhicule fit une violente embardée sur la droite puis la gauche pour s’immobiliser dans un virage non loin d’un précipice. Dans le bus Zara Z. se colla à la vitre. « Oh non ! Vraiment il ne manquait plus que cela ! Amar, appelles l’hôtel pour décommander l’interview de cet après midi ! Putain de pays ! » Davh Bohrer se leva,
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récupéra ses affaires pour sortir quand Zara le retint par le bras. « Où allez-vous ? —A cinq kilomètre d’ici se trouve un village. Je ne tiens pas à servir de monnaie d’échange entre ces terroristes et tous ces bureaucrates sagement assis dans leur fauteuil en cuir. Je préfère tenter ma chance à l’extérieur. » Interdite la journaliste interrogea Amar du regard. Un attentat, là en plein désert pourrait pencher la balance en faveur des USA. Alors elle attrapa son barda et sans réfléchir suivit Bohrer hors du véhicule. « Où allez-vous ? Questionna le chauffeur quelque peu agité. Non ne sortez pas, ce n’est pas sûr ! Il y a des tireurs à l’extérieur, vous devez rester ici ou je ne réponds pas de vous ! » Zara Z. recouvrit sa tête de son châle et se dégagea de la main du chauffeur et invita Amar à le suivre. « Hey toi attends ! De quoi parlais-tu quand tu parlais d’attentat ? Viens Amar on le suit ! Mon nom est Zara Z. et j’écris pour un journal égyptien libéral dénonçant la corruption de notre système politique. Je donne toutes sorte d’interviews et je suis prête à vous entendre sur l’opinion que tu as de ce pays et la monter des actes terroristes qui sévissent de part et d’autres. Amar ! Ne traine pas ! On le suit ! » Les coups de feu crépitèrent empêchant quiconque de sortir du véhicule. Henderson les entendit et lâcha tout pour courir au cratère. « Itshabe, sors de ce trou ! Vite ! » Elle s’exécuta pour constater que tous gagnaient les voitures en courant, lourdement chargés. Le cœur battant à rompre, Itshabe vit revenir Hefetz qui immédiatement les fit monter dans leur respectif véhicule. « On a quoi Hefetz ? Questionna Henderson s’équipant pour repousser toute menace terroriste —Des nomades viennent de tirer sur un autocar pour l’immobilier et empêchent quiconque de descendre ! Il peut s’agir d’une prise d’otages, c’est fréquent dans ces régions. Les frères musulmans ou tout autre groupuscule. Ils font ainsi pression sur le gouvernement. Ils sont bien traités mais leur captivité
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peut leur paraître un supplice. Nous n’avons pas de temps à perdre ! Allez, en route ! » Itshabe se retourna pour étudier le terrain. Ils ne pouvaient partir maintenant ! Serrant sa besace contre elle, Itshabe se sentit démunie. Elle saisit Henderson par le bras alors que les deux premières voitures partirent sur les chapeaux de roue. « Il m’aurait fallu qu’une heure… —Je ne peux pas faire courir le risque à tout le monde. Tu le comprends n’est-ce pas ? Il y a des terroristes en contrebas qui cherchent à faire des otages et… —Nous avons tous deux l’immunité diplomatique. Thomas, je…. Je sais qu’il y a quelque chose làdessous, sous nos pieds et il nous revient de le découvrir ; Thomas j’ai besoin de toi…il ne nous arrivera rien. » Il maugréa en tournant la tête et en lâchant un putain à peine audible. Il se sentait attirée par Itshabe ; elle le tenait tel un puissant aimant. Il aurait voulu la faire tare, l’empêcher de parler en la bâillonnant ; son assistante rose l’avait mise en garde contre l’intrusion de cette stagiaire dans leur équipe. Force de constater qu’il n’était plus tout à fait le même depuis qu’elle s’agitait devant lui, si méticuleuse dans son travail et si passionné pour ne pas dire passionnante, fascinante et terriblement irrésistible. « Cet endroit est dangereux Itshabe et je ne peux risquer la vie de mes hommes et celles d’Hefetz pour ce que tu penses être l’endroit même du sarcophage. Allez nous partons ! Hefetz, qu’est-ce que tu glandes ? —Je peux superviser sa sécurité. On peut s’en sortir à deux si l’on n’attire pas l’attention sur soi. Deux c’est plus facile qu’à dix dont beaucoup trop d’Américains. On passera pour des autochtones, mais pas toi. J’ai connaissance d’un village non loin d’ici. Il s’agira de notre retraite pour la nuit. Toi et le reste de mes hommes viendraient nous y retrouver demain. —Non ! Non ! Il en est hors de question ! Itshabe reste avec moi ! »
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La voiture partit sans eux avec un message clair pour Rose quant à la bonne marche des événements. Itshabe se remit bien vite au travail sans plus se soucier des coups de feu crépitant plus loin. Par une ruse bien orchestrée, Davh Bohrer parvint à sortir, talonné par Zara Z et son assistant tous deux chevronnés pour des actions militaires dans les lieux les plus mouvementés du Moyen et Proche Orient. Ils échappèrent aux coups de feu et se hâtèrent pour se mettre à couvert. « Je n’ai pas compris ce que vous faites dans la vie ! Vous savez qui ils sont et ceux qu’ils revendiquent. On est près à partager les gains : 50-50 pour les informations que nous pourrons leur soutenir. Quelque chose me fait dire que vous travaillez pour le gouvernement et ainsi est la nature humaine : seuls les plus forts survivent n’est-ce pas ? Je parie qu’ils vont canarder toute la nuit et au petit matin contacter une équipe de presse pour attirer l’attention vers eux. C’est typique de ces contestataires. Quoi qu’est-ce que j’ai dit ? —Tu parles trop. Autant dire que tu nous colle une cible en plein milieu du front. Tu vois cette crête làbas ? On va y accéder par leur flanc-est. Ils savent que trois des hommes viennent de filer et la nuit tombée ils vont se mettre à notre recherche ou pas, tout dépend de ce qu’ils ont dans le slip. On y va ! » Hefetz remarqua les trois se déplacer et lança un : « Merde ! » Prestement il revint vers Henderson, le souffle coupé. « Trois fugitifs dont une femme. On risque d’avoir de la visite dans les minutes qui suivent. On doit rallier le village maintenant et poursuivre les fouilles demain. Ces types sont furax. Ils aiment tout gérer et ils risquent de remarquer notre fuite si l’on prend la voiture. Ils vont nous coller au train. On part maintenant. Itshabe ! —Attendez ! Attendez ! » Elle se mit à gratter le sol avec ferveur, le cœur battant à rompre. Elle tenait quelque chose…elle gratta plus énergiquement, secondée par Henderson.
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« Les relevés, vite ! On y est arrivé Thomas ! L’entrée est juste sous nos pieds. Note l’endroit précis et…il faut le baliser pour demain. L’équipe doit revenir au plus vite pour commencer à creuser. On aura besoin de tout le monde, argua-t-elle folle d’excitation rendue des plus fébriles par cette découverte. Les données GPS, vite ! » Hefetz posa la main sur la sienne, le regard autoritaire ; il stoppa son geste. « Ce n’est pas nécessaire. —Quoi ? Mais c’est le protocole ! Il nous faut tout consigner ! Thomas, dis-le lui. —On remballe et on file le camp au plus vite, répondit-il sans plus oser regarder Itshabe ; On ne peut rester ici une seconde de plus » Le téléphone de Samuel E. Hamill se mit à vibrer et il lut sur son écran : Les enfants aiment le chocolat Penser à en acheter. Il sourit pour lui-même, quitta son fauteuil pour se masser la nuque sans cesser de sourire. Alon Elmer se balançait sur son fauteuil d’avant en arrière. Il caressa sa barbe, ce qui signifiait qu’il se trouvait être dans une impasse. Pour moins que cela il serait descendu fumer. Il était tard et tous les autres employés avaient déserté les locaux, exceptés eux deux. « Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça Hamill ? Difficile de faire mieux n’est-ce pas ? Le Prince Jarik nous chie dans les bottes et on est là à attendre qu’il étudie notre proposition. Il s’en contrebalance d’ailleurs. Il a toujours chié sur notre Agence et l’idée que nos cerveaux soient remodelés cellules après cellules par ce type ne me plait pas ! La CIA tente d’enterrer ce qui touche de près ou de loin les problèmes suscités par nos agents et…dans toute cette mascarade il y a un truc qui ne tourne pas rond. Pourquoi précisément chercherait-il à nous nuire ? —Et bien il cherche seulement à nous impressionner. Il voit avant tous ses intérêts et il y a sept heures de cela, on a su de sources sûres que Henderson, Hefetz et Delmas-Ebel étaient restés sur place. Pas un endroit pour faire du camping hein ? On
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sait que cet endroit sert de lieu de rendez-vous pour des membres d’une organisation. —Oh, pitié ! Hamill, depuis plus d’une semaine j’entends ces histoires abracadabrantes sur ces Anges de l’Apocalypse et crois-moi, j’ai vraiment du mal à faire le parallélisme avec nos agents infiltrés et ces fanatiques d’un nouveau genre ! Encore si on avait des preuves tangibles de leur existence…Non pour moi il s’agit d’un canular destiné à détourner notre attention sur notre réel objectif. —Crois ce que tu veux Elmer. Dans ce cas et avant tout de choses, soulignons le génie d’Hefetz à recenser des informations plus qu’essentiels à la bonne marche de notre opération et dans peu de temps le piège se refermera sur nos ennemis communs. Laissons-le faire ; qui mieux que lui sait comment détourner l’attention ? Il pourrait nous surprendre et qui sait le Congrès le félicitera en lui décernant une médaille à titre posthume. » Itshabe se réveilla en sursaut. Huit heure VINGT TROIS ; Prestement elle s’habilla pour jeter un œil à la fenêtre. Dehors un chien maigrichon aboyait jappant vers un inconnu. Elle sentit les frissons lui hérisser les cheveux. Le souffle de la mort. Dans le couloir, son attention se porta sur Zara sortant elle aussi de sa chambre. un miteux hôtel pour touristes vantant les charmes de l’Orient. Le village comptait une centaine d’âmes et trois hôtels abordables si l’on ne devait pas tenir compte des cafards, des scorpions et insectes du genre coléoptère. Les deux femmes se saluèrent. « Vous êtes du coin ? —Non ! Enfin si…je suis du coin. Et vous ? —Oui du Caire mais je bivouaque un peu partout. Métier l’exige. Je couvre divers sujets d’actualité. Dismoi tu accompagnes les deux hommes qui sont ici ? Je parle du bel Américain avec la barbe et sa grande mèche couvrant son ténébreux regard et de l’autre espèce de guerrier. Il est Syrien n’est-ce pas ? Il a tout l’air d’être un Syrien. » Pressée par tous ces questions, Itshabe paniqua. Comme nulle part ailleurs elle devait se méfier des
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journalistes dits fouilles-merdes par son père. Zara jeta son sac bandoulière sur son épaule et poursuivit sur le même ton : « Israël c’est ça ? Tu as un léger accent. On traine un type d’Israël depuis hier. Ah, ah ! Notre bus s’est fait attaqué par des militants et il nous a un peu sorti du pétrin. Il est très amical. Je ne pensais pas le dire d’un israélite mais je crois que c’est un mercenaire à la solde d’un organisme d’extrême droite. Je peux me tromper mais mon intuition est toujours la bonne. Vous allez du Louxor c’est bien ça ? » A la réception attendait Thomas Henderson caché derrière un journal. Il la saisit brutalement par le bras. «On doit partir. Qui est-ce ? Il ne faut parler à personne ici, c’étaient les consignes de Hefetz. Les militants d’hier ont des dénonciateurs un peu partout dans le coin. Tu ne peux faire confiance en personne. Viens par là…hefetz a disparu. Il est trouvable nulle part et il devrait être revenu depuis longtemps. Si tu veux mon avis, je ne le sens pas. Il nous faut partir sans l’attendre. —Partir sans lui ? Il nous a amené jusqu’ici et il nous sera difficile de survivre dans lui, dans ce désert. Il ne devrait pas tarder. » Elle se tut en voyant arriver Davh Borher. Ce visage. Elle l’avait déjà vu à Paris. Allait-il l’identifier ? Il prit la note à la réception et allait tourner le dos quand Zara lui glissa quelques mots à l’oreille. Intrigué il se retourna, croisa le regard de Thomas et le salua. Déjà Henderson saisit Itshabe par le bras. « Ne t’avais-je pas dit de ne parler à personne ? » Interdite, elle baisa la tête. « Vous allez à Louxor c’est bien ça ? » Pétrifiée Itshabe ne se retourna pas, fixant un détail du vêtement de Thomas. Il y avait un rapport entre la disparition de Felix Delmas et cet homme. Henderson vit le visage d’Itshabe se ternir au point d’apparaître livide et sans âme. « La jeune femme là-bas cherche une voiture et elle apprécierait que vous l’emmeniez à destination. Vous êtes Américain ? Et vous êtes en voyage de noce je
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suppose ? C’est une belle région pour qui recherche le côté mythique de ce pays : Les cités mortuaires, les grandes pyramides, les temples. Vous avez conscience des énormes trésors que recèlent l’Egypte et cela depuis la nuit des temps. Vous êtes des égyptologues ? —on pourrait être autre chose. On allait justement partir. —Ah, ah ! Attendez ! Excusez mon indiscrétion mais hier on a constaté que la terre a été retournée sur la crête de Sinh Beht. C’est à douze kilomètres d’un site de Louxor où je sais que se tient actuellement une équipe d’archéologues. Si c’est bien de cette équipe que vous faites parie, alors vous devez connaitre Henderson ? Hey, attendez ! On dirait que je contrecarre vos plans ! C’est le cas ? Non parce que je ne voudrais pas de malaise entre votre petite dame et moi. » La porte s’ouvrit sur Hefetz et ainsi se termina le calvaire pour Itshabe. Au moment où elle monta en voiture, Zara se précipita vers eux suivit par Amar. Mais Ashraf démarra sur les chapeaux de roue et dans son rétroviseur vit les silhouettes des journalistes se détacher du paysage. Et de son côté Zara suivait la voiture des yeux. « Contacte le Caire, je crois que nous avons notre scoop. » Sous sa tente, Rose tourna les pages fébrilement puis jeta les mails imprimés à la tête de Jesse Graham. Les derniers événements l’avaient rendue furieuse ; elle ne pouvait croire que son boss Henderson puisse lui préférer la compagnie de leur stagiaire. La main sur le crane, elle tentait de recouvrer la raison. « Ce n’est pas ce que je t’ai demandé Graham ! Estce que cela te parait compliqué de suivre mes consignes à la lettre ? C’est fou ça ! On est coincé ici dans ce putain de désert alors que personne ici ne mérite de perdre son précieux temps ! Zahi Haddjadj est parti, ce qui est une bonne chose entre nous mais depuis son départ on reçoit une dizaine de mails par minutes et tous proviennent de Tahar Jarik. Je ne peux
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pas croire qu’Henderson nous ait plantés là ! On nage en plein délire ! —beb….pas tant que ça. Tout cela n’est pas le fruit du hasard bien au contraire. Les informations se recoupent entre elles et tout concorde. Non, attends ! Tu sais que tu peux me faire confiance Rose, on travaille ensemble depuis plus de trois ans et jamais je n’ai manqué de lucidité au sujet d’un tiers. Le CIA est sur le coup. —Oh arrêtes avec ça ! Entonna Rose en enfonçant ses lunettes sur l’arête de son nez. Tu vas encore me parler de complot ? Parce que si c’est ça…. —Rose, rose…attends et écoutes ce que j’ai à te dire. C’est une sorte de bras de fer entre services secrets, tous poursuivent la même chose mais aucun ne veut donner l’impression à l’autre qu’il est sur la bonne voie. C’est un peu comme un cheval de troie. C’est une méthode de pénétration chez l’ennemi de la façon la plus mystique qu’il soit. Les Anges de l’Apocalypse, ce n’est pas du baratin, de la légende folklore pour touriste. J’étais sur le web à visionner quelques vidéos prises par un amateur à quelques kilomètres d’ici, à l’endroit même où se tenaient Henderson et Delmas-Ebel et il y a cette journaliste du Caire….une certaine Zara Z. Elle était sur place et a pu filmer cette attaque et regarde, regarde bien…. » Il brandit son téléphone sous le nez de Rose. « Tu vois ce que je vois, là sur ce flanc de montagne ? Une jeep. Celle d’Henderson. Alors tu ne fais pas le rapprochement ? A ton avis pourquoi Itshabe était-elle si pressée de se rendre là-bas hein ? Elle vend des informations à la CIA, c’est une putain d’agent dormant. —Une espionne ? C’est pourquoi Hefetz est avec elle. (Rose opina du chef, les bras croisés sur la poitrine) Oui c’est ça ! Le gouvernement nous envoie ces marines pour le cas où les choses tourneraient mal. Ce Syrien la suivait d’un peu trop près je trouvais. Il l’épiait. Tous ses gestes….mais quelque chose m’interpelle….Cette vidéo et tout le reste….Henderson est dans une impasse. Il est le spectateur de sa
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propre mise au pilori. Sa présence est superflue mais en même temps, essentielle pour que tout fonctionne correctement. Je suis à peu près ton raisonnement. —Je crois que l’argent est un argument très persuasif. Il y a des millions et des millions là-dessus. Je l’ai compris quand le prince nous a envoyé son sbire. Ce même homme connait Itshabe, il était le garde du corps de son père avant que ce dernier ne prenne le ministère de l’Intérieur et se passe de ses services. —Oui je sais tout ça et ? Tu crois que tout cela aurait un rapport avec la disparition de sa mère ? Oui, évidemment ! (Rose quitta prestement sa chaise) Dvorakisky. Il se pointe ici et disparait aussi rapidement qu’il est venu. Il aurait bien pu venir et se débarrasser d’une preuve contraignante. Imaginons un instant que Itshabe est vu le visage de l’assassin de sa mère ou du ravisseur comme tu veux ! Elle peut l’identifier mais elle ne le fera pas car elle a cette putain d’Epée de Damoclès au-dessus de sa tête. Si elle parle, tout s’écroule et la CIA intervient en la faisant mourir de façon « accidentelle » et…hefetz s’en charge. Alors la CIA sait où regarder et en ce moment je parierai qu’ils continuent à disposer leurs pions autour de nous. Vas chercher Aaron ! » Et ce dernier arriva comme s’il venait de sortir de son lit, soit hagard, hirsute et ne sachant pas à quel fin on le sollicitait. Il caressa l’arête de son long nez aquilin et interrogea Graham du regard ; Rose de son côté consultait ses mails. « Tu m’as fait demander Rose ? Rose ? —Oui assieds-toi ! Nous avons besoin de tes talents pour divulguer de fausses informations. Peux-tu t’introduire dans un système et le corrompre ? —Oui mais c’est risqué dans cette partie du monde. Il me faudrait un serveur assez puissant et…les satellites de communication m’intercepteront sitôt que j’aurais rentré quelques données dans le data. Ils sont doués pour cela. Ils ont des hackers capables de remonter n’importe quelle piste….je suis désolé Rose.
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—D’accord. Alors admettons qu’il y ait des millions de dollars à la clef ! Le risque de croupir dans une prison pour le restant de tes jours est nul quand on prend le temps d’analyser les chances de réussite, lança cette dernière placée sous le nez d’Halter. Tu multiplie ce risque par cent mille et tu obtiens ton fond de retraite Aaron. —Est-ce que….est-ce que c’est en rapport avec le boulot ? —Oui, répondit Graham, et c’est carrément dans tes cordes. Pour cela il faut que tu t’immisce dans un système, que tu verrouilles certaines données au profit de virus, on pensait à un cheval de Troie ; quelque chose d’assez puissant pour leur coller la migraine et ensuite….on prend le relais. On a un contact au Caire. Ce n’est plus qu’une question d’heures. » Halter passa de l’un à l’autre sans rien répondre ; il finit par caresser sa barbe et croiser ses bras musclés sur son t-shirt Mickey Mouse. « C’est plus compliqué que vous ne croyez les gars ! Quelque soit l’information il me faut un récepteur capable de l’avaler et plus l’information est de taille et moins on a des chances d’être suivis. Il me faut un réseau capable de diffuser cette information et…cela va me couter une blinde. —Et combien il te faudrait ? —pas moins d’un million. —Un million ? Siffla Graham, attends voir que je retourne mes poches…un, deux, trois cents et toi Rose ? Qu’est-ce qui te fait croire qu’on a un million à chier ? —C’est bon Halter. On devrait pouvoir réussir cette somme, disons….dans une heure. —Ok. « Et Halter en infirma le Mossad. Il savait que quelque chose se tramait. Elie Eskov en fut averti. Les Amerloques comptaient saboter le réseau de communication de la CIA ; Halter tenait quelque chose. Il lui fallait un million et cette Rose semblait savoir ce qu’elle faisait. Ayant mis un système de traceur sur le PC de Rose il put lire les transactions qu’elle passait.
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L’argent provenait d’une banque située au Koweir, probablement un compte du prince Jarik et quand il voulut en savoir plus, il comprit qu’il venait de se faire pirater par plus malin que lui. « Merde ! Merde ! » Tonna-t-il en arrachant les prises de son PC. Il plaça le tout dans un micro-onde et attendit que son PC implose. « MERDE ! » Il prit son portable à appel unique. « Oui je t’écoute, petit frère. Tu penses m’obtenir des places pour le match ? —Oui deux ! Il faudrait que je te les remette demain. Le plus tôt serait le mien. J’envisage de déménager tu comprends. Et cela serait idiot de les égarer. » Il raccrocha prestement ; il ne pouvait digérer le fait qu’on puisse l’avoir pris dans son propre jeu. La CiA savait désormais que le Mossad était sur le coup. Les mains sur les hanches il étudia l’horizon. Dans moins de deux heures on viendrait le chercher. Sa mission se terminait ici. Comment avait-il pu être assez stupide ? Il ne l’entendit pas arriver par derrière. Dvorakisky enfonça une aiguille dans la jugulaire de ce dernier. La mort vint le chercher très rapidement. Dvorak avec délicatesse glissa le corps sur sa couchette e posa un livre sur le ventre de ce dernier. Au moment de quitter la tente du défunt, il jeta un œil sur son Samsung. On y voyait clairement un GPS et une silhouette se mouvoir non loin de la cité de Louxor. Itshabe consulta sa carte non pas sur un support informatique mais sur un support papier. Elle y avait coché tous les emplacements des tombes non répertoriés. Une trentaine formant une constellation. Se sachant observer Itshabe ouvrit la bouche. « Imhotep eut la brillante idée d’utiliser de la pierre à la place des brisques crues. Il fut un grand personnage de l’Egypte ancienne et on a retrouvé des milliers de statuettes à son nom. Beaucoup d’égyptologue se demandent encore où se cache sa tombe. Cette dernière devait pourtant se trouver au pied de sa pyramide à Saqqara.
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—Itsabe, où est cette tombe ? Questionna Henderson. Tout cela c’est bien mignon mais nous n’avons malheureusement pas le temps de revoir toute l’Égypte ancienne et ses pharaons pour en tirer des analogies. Il doit bien y avoir un indice sur votre précieuse carte ? Alors, Itshabe ? —L’Egypte a de fascinant ses sites et il y a tant de mystères que nous aimerions élucider. Après la tombe de Khéops dans la grande pyramide, je me suis toujours juré de percer les mystères de celle de Séti 1er mais pour l’heure, celle de Néféra retiendra notre attention. « Hefetz se rapprocha du couple. »Dis-lui de se magner. Nous n’avons pas toute la journée ! » Et henderson ne répondit rien subjugué par la beauté d’Ithsabe. Sans hésiter il la suivrait jusqu’au bout du monde ; il y avait en elle quelque chose de si intense et si imperceptible à la fois. « Je crois que nous sommes face à un mystère sans précédent, émit-il à haute voix. Rien ne t’oblige à rester Hefetz, tu peux encore retourner avec les autres, murmura-t-il glissant son regard le long de la silhouette d’Itshabe. —Si tu veux un conseil l’Américain, essaye de ne pas t’attacher à elle ou bien elle te brisera le cœur. Elle est loin d’être aussi fragile que l’agneau ou bien comme vous dites, une oie blanche. Il y a un lion sui sommeille en elle, alors soit prudent (il lui envoya une bourrade amicale à l’épaule) sois prudent ! » Davh Bohrer vit l’hélicoptère au loin et trois limousines arriver. Depuis son arrivée à Louxor il voulait se donner bonne conscience. Un simple appel suffit pour faire venir Tahar Jarik là où Itshabe se tenait. La foule se recula pour laisser passer les trois limousines noires sur les rétroviseurs desquelles flottaient les fanons du prince. On klaxonnait pour dégager la voie. De la terrasse de l’hôtel, Davh écrasa sa cigarette à ses pieds. En bas se tenait le marché aux épices et plus loin les touristes se massaient devant l’entrée d’une sépulture du Moyen Empire. On frappa à la porte. Un adolescent arriva pour annoncer l’arrivée du
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prince. Leur conciliabule eut lieu trente minutes plus tard dans le restaurant de l’hôtel. « J’ai un certain problème de conscience. Les hommes pour qui je travaille ne m’ont pas tout dit. J’aime savoir où je mets les pieds. Or il y a un obstacle majeur à la qualité de mes services, du moins devraije, au résultat, affirma Davh en suçant l’olive de son martini. Il y a un paquet d’explosif collé à ma cible et l’hypothèse que j’échoue est de 8O%, ce qui me laisse 20% de réussite. Je ne prendrais pas le risque de voir tout gâcher parque mon organisation dépend de vos informations. —Peu importe, vous êtes sur une liste et si vous êtes sur une liste jamais vous en sortez, excepté par la mort. (Il se pencha vers l’agent du Kidon) Votre pourcentage de réussite est de 100%. Vous êtes un fin stratège et le Mossad a tout intérêt à vous garder éveiller. Vous attaquerez la cible et qu’elle soit bourré d’explosifs je m’en moque. On vous paie bien plus qu’on ne le devrait et on ne tient aucun avantage à renégocier les termes du contrat avec vous autres Assassins. Soit vous marchez, soit vous….Jérusalem c’est ça ? Et que s’est-il passé à Jérusalem qui vous fasse changer d’avis ? » Derrière le prince se tenait Dillane, un diplomate britannique au front dégarni. Il se pencha à l’oreille de ce dernier, lui glissa quelques informations et retourna s’assoir à l’arrière face à son écran d’ordinateur. Tahar Jarik resta un moment sans rien dire. « Lun de mes employés vient de décéder. Un certain Aaron Hatler. Circonstances inconnues. Henderson nous fait faux bond avec la petite Delmas-Ebel et….vous devez tout me raconter. Absolument tout. Je ne voudrais pas être pris pour le dindon de la farce, voyez-vous ? Maintenant, vous avez toute mon attention. » Davh Bohrer éclata de rire. Il avala son verre cul sec et claqua des doigts pour qu’on lui remette la même chose.
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« Mes employeurs n’ont jamais eu à se plaindre de moi. Pourtant j’ai le pressentiment que le vent va se mettre à tourner. Je vais aller droit au but. Je veux quatre cet mille dollars de plus pour la tête de Dvorak. » Jarik se cala dans son fauteuil. « Et pourquoi Dvorak ? C’est mon champion. Qui aurait la bêtise de tuer sa poule aux œufs d’or ? Sa tête ne vous sera pas donnée. Prenez Henderson si vous voulez mais laissezmoi Dvorak. —Parfait ! Merci ! Entonna ce dernier en se levant prestement. C’est bien tout ce que je voulais entendre. Vous m’avez convaincu. Cela me fait donc deux cibles à abattre vous les aurez sitôt que vous m’aurez remis l’argent, en petite coupure. C’est toujours un plaisir de faire affaire avec vous mon Prince ! Un réel plaisir ! » Peu après 10 :07 PM Jesse Sanders sortit pisser. La mort d’Halter avait secoué le camp ; une mort bien mystérieuse. Il posa son armé contre le mat de la tente et urina par grands jets. Quelque chose ne tournait pas rond, quelque chose leur échappait à tous. Il renifla avant de secouer son membre quand un mouvement derrière la tente l’alerta « hey ! Il y a quelqu’un ? Qui que vous soyez montrez vous ! » Il colla le viseur de son fusil d’assaut contre son œil mais il ne remarqua rien. Peut-être un animal ou un gosse….mieux valait se montrer prudent. Un violent choc à la tête le fit vaciller. Puis plus rien. Il se réveilla entravé, une ampoule se balançant au-dessus de sa tête. « Réveilles-toi ! Allez ! Tu sais ce que contient cette seringue ? Une dose létale. —Quel enfoiré ! Putain ! Détache-moi ! DETACHEMOI, sale enfoiré ! —Détends-toi, proposa Dvorak en posant une main su’ l’épaule de l’Afro-américain ; On va seulement causer toi et moi. On me reproche souvent de….de ne pas être très causant. (Il assena un violent coup de poignard dans la jambe de Sanders. Il hurla à s’en déchirer les tympans). C’est toujours un peu l’effet de
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surprise, ensuite on finit par s’habituer. A moins que tu préfères la méthode douce ? —Alors c’est toi….c’est toi qui….c’est toi qui a abattu Halter ? —Recruté par le Mossad. Tôt ou tard il vous aurait vendu. —Tu veux quoi ? —Savoir ce qu’Hefetz fout ici. Depuis quand la CIA recrute-t-elle des criminels de guerre ? Des terroristes ? Il faut vraiment que le monde tourne mal pour pactiser avec le Diable. Bien-sûr votre pays l’a jugé innocent et lavé de toute souillure du passé mais à mes yeux, il reste un criminel. Quels étaient vos ordres dis-moi ? —On sert d’escorte. Henderson a la fâcheuse manie de faire appel à des mercenaires, ce qui n’était pas au goût de Washington. Je m’étonne que tu ne le saches pas, toi qui te dis être si malin. » Le poignard transperça son autre jambe. « J’ai plus vite fait d’atteindre l’artère fémorale et ainsi cela me fera économiser ma dose létale, sourit Dvorak penché à l’oreille de Sanders ; C’est bien, on dirait que tu commences à accepter la douleur. Elle fait enfin partie de toi. La prochaine fois que je frapperai, tu éprouveras une pleine jouissance. Et ta formation de marines te sera bénéfique. Maintenant nous allons tout reprendre depuis le début. » Quand il apprit la nouvelle du décès de son stagiaire, Henderson fixa intensément Itshabe et elle n’était au courant de rien l’interrogea du regard en retour. Or il ne dit rien, garda l’information secrète ; s’il avait parlé Hefetz aurait lui aussi fait le rapprochement entre la mort d’Hatler et la présence de Dvorak sur place et la CIA aurait tiré des conclusions un peu trop hâtives. Or en fin de journée on l’appela. Rose se tenait de nouveau au bout du fil, visiblement très secouée. « Rose ? Que se passe-t-il ? Tu es toujours là Rose ? —Il a été torturé et….il est mort.
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—De qui parles-tu ? Rose ? » Cette dernière renifla bruyamment et rapprocha le combiné contre ses lèvres afin de n’être entendu de personne. Or tous au camp savaient ce qu’il venait de se passer. « Sanders. Il faut que tu reviennes Henderson. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ici. Les Egyptiens refusent de travailler. Ils disent que le site est maudit et ils parlent d’une malédiction. Quelqu’un a tué Sanders et….c’était quelqu’un de bien réel. Tu entends ? Il faut que je te parle d’un truc… (Elle s’isola davantage, la main cachant le combiné) Halter est mort peu de temps après qu’on lui ait fait part de notre intention de divulguer une intox via le web. Il a accepté de joindre ses efforts aux autres et peu de temps après on l’a retrouvé mort, étendu sur sa couchette, un livre sur le ventre. —Un livre ? Quel était ce livre ? —Je n’en sais rien. Je n’ai pas fait attention à ce détail. Tu comprends ? Nous sommes tous très confondus dans notre peine et si tu ne reviens pas immédiatement il n’y aura bientôt plus personne à travailler ici ! —Retrouves-moi ce livre Rose et rappelles-moi ensuite. » Il raccrocha et quitta sa chambre pour défoncer celle d’Itshabe qui interloquée recula terrifiée contre le mur. Il la saisit par le cou et la pointa de son index. « Tu le savais hein ? Toi et ton ami ex-agent du Mossad avait comploté derrière notre dos…. — Lâches-la Henderson ! Répliqua Hefetz, la main posée sur le bras d’Henderson. Elle n’est a courant de rien, alors lâches-la. Cela ne résoudra rien d’agir ainsi. Sanders est mort et cela ne changera rien. Lâche-la… doucement. C’est bien Henderson. » Il relâcha Itshabe avant de concentrer son regard sur Hefetz. « Je crois que tu es effrayé l’Américain. Cela aurait pu tomber sur n’importe qui mais c’est tombé sur toi. Désormais tu devras vivre avec ça. Tu ne peux plus lutter et c’est ça qui te rend ivre de colère. Et tu veux savoir ce que cela fait de perdre quelqu’un qu’on
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aime ? Tu le découvriras bien vite, ricana Hefetz en giflant amicalement son interlocuteur. Tu le découvriras bien vite. —Et tes employeurs t’ont contacté ? » Hefetz s’assit sur le rebord de la table devant la terrasse et prit une datte entre ses doigts. « C’est moins sûr que se soient eux qui me contactent. Tu les connais Henderson, ils ne prendraient pas autant de civilité, argua-t-il en suçant la datte il recracha le noyer à l’extérieur. On ne me contacte jamais, tu devrais le savoir. » Itshabe s’écroula sur le rebord de son lit, se caressant doucement sa gorge meurtrie. D’un bond elle se leva pour gagner sa salle de bain. « Tu es très observateur. —Comment savais-tu pour Sanders ? Tu dis que personne ne t’a contacté et tu savais pour Sanders. Expliques moi Hefetz. —Que je t’explique quoi l’Américain ? Comment tuer quelqu’un sans laisser de trace ? C’est simple l’Américain, il ne faut pas éveiller les soupçons, se faire tout petit et frapper quand personne ne s’y attend. Et tes amis ne sont pas durs à soudoyer. Sanders ne sera pas le dernier à y passer. Ils bougent leurs pions avant de déplacer les places maîtresses et ils veulent un peu de matière grise pour faire avancer les choses. On te charge de réfléchir pour eux quand d’autres agissent. C’est aussi simple que ça. Et un dernier pont Henderson….ne t’avises plus jamais de la toucher. Elle est à moi. » Isaac Oscar débarqua à Louxor, au Seti’s Palace et il installa une antenne satellite dans sa chambre. Il avait pris l’avion la veille pour le Caire et se basa sur les renseignements de Zara Z, la journaliste. Selon cette dernière Henderson partait pour Louxor. Il posa le capteur sur le balcon de sa terrasse et y brancha son portable. Il n’avait plus qu’à attendre que le poisson morde. Il eut un signal à 10 :15, ce qui le fit bondir vers sa chaise. Son identifiant et analyseur de voix put capter l’appel et sur son GPS constata que l’appel était émis à deux pas de son hôtel. Sans plus attendre, il colla son
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portable à l’oreille, enfila sa veste et quitta sa chambre. il ne perdit pas un mot de la conversation. Itshabe s’entretenait avec un inconnu qui pouvait être Dvorak. « ….Les fouilles pourtant se précisent, nous n’avons pas encore les autorisations mais on va tenter de….se concentrer sur le travail des autres. Tu es toujours là ? » On raccrocha à l’autre bout du fil. Itshabe sut qu’elle était sur écoute. Elle dissimula son visage derrière son châle et quitta le local téléphonique quand Isaac oscar la percuta en pleine rue, au milieu de tous ; il lui sourit de façon engageante. « Oh, veuillez excusez ma maladresse ! Rien de casser ? Vous connaissez un peu cette ville ? Je tourne en rond depuis vingt minutes et…vous parlez ma langue ? Alors, c’est parfait. Je compte me rendre à la nécropole mais peu connaisse de raccourci valable. —Quel endroit cherchez-vous à atteindre exactement ? » Isaac sourit et déplia son plan de façon à dissimulé son visage à’Hefetz pour le cas où ce dernier regarderait de leur côté. Itshabe le renseigna et il en profita pour glisser un émetteur dans sa poche incorporé à un micro. De retour à l’hôtel, Henderson lâcha son dossier. « Je suis navré pour toute à l’heure et je tiens à m’en excuser. Tu sais on a beau se dire que tout cela s’arrangera mais personne ne pourra me convaincre de filer le camp. Cependant on est face à un sérieux problème Itshabe et j’ignore si partir pour Louxor est une solution. Quelqu’un là-bas illumine mes hommes et ce quelqu’un agit librement. Et dans mon équipe, il est difficile de savoir qui n’a pas été soudoyé par des agents infiltrés. On ne peut pas rester ici. Prends tes affaires et on part. On retourne sur notre site. —Henderson….je sais que cela implique des risques. Des risques sérieux mais l’objectif est de fouiller n’est-ce pas ? Nous sommes là pour ça et non pour résoudre une enquête criminelle. La CIA s’en chargera pour toi et plus on se tiendra éloigner d’eux et mieux
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on envisagera une porte de sortie. J’ai le pressentiment qu’on doit continuer et on ne peut retourner sur nos pas, excepté s’il s’agit de fouilles sur le précédent site. —Ah, ah ! Je vois que tu ne perds pas le nord. Hefets est sorti peu après ton départ, mais force de constater qu’il n’est pas rentré. On pourrait décider de l’attendre ou bien de filer. Cette option est à envisager. On peut y arriver seul…. » Il eut à peine terminé sa phrase que la porte s’ouvrit sur Hefetz ; il avait suivi Itshabe jusque dans la café dans lequel elle acheta ses chewing gum et la dernière parution du Daily Art. Sans un mot il la fixa avant de prendre le magasine pour le lui jeter au visage. « Comment fais-tu pour les contacter ? C’est bien le Mossad que tu renseignes alors je veux savoir comment tu les contactes. Il y a forcément un agent quelque part qui a connaissance de tous tes déplacements et….tu as été abordé près du bazar par un certain Isaac Oscar. Quelqu’un risque très bientôt d’être extradé vers les Etats-Unis. A moins qu’il soit là pour autre chose….Contacte le Mossad et dis-leur qu’on a un paquet à leur livrer. »
Il entraîna Itshabe à travers les ruelles. « N’ayez pas peur Itshabe, on va seulement se balader toi et moi. Venez ! » Il la prit par la main et après avoir traversé des rues, ruelles, ils atteignirent une impasse, passèrent une porte basse débouchant sur un long couloir sombre, remontèrent d’autre escalier pour pour toi. Je veux en savoir plus sur Hefetz et lui ce qu’il sait sur toi, car tout ce qu’il sait, tout ce qu’il a entendu risque de nuire à tout cela. Il connait tes points faibles, tes failles et cela fait de lui un ennemi à ne pas prendre à la légère.
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« Tu sais que je ne te ferai aucun mal Itshabe. On est juste là pour causer. C’est ce que tu arrives le moins à faire : causer. Excepté si je me mets à parler de Néféra. Moyen Empire. Favorite du pharaon Nebtaoui Ré de la dynastie XI. Là j’ai toute votre attention, déclara ce dernier en s’asseyant face à elle sur le rebord de la table. Elle fut condamnée à mort à l’âge de ses treize ans pour avoir attenté à la vie de ses recherches à ma mère. Tout le monde l’écoutait avec grande attention y compris Mark. Il nous parla de ces tombes inviolés et….j’allais sur mes quatorze ans et ses bouquins furent mes livres de chevet. —Qui d’autres se tenaient lors de cette réunion dans le salon de ta mère ? c’est toi que l’on charge de retrouver la sépulture ? Kruger t’a montré un bracelet. Un bijou en noyer, fait de pate de verre et d’émail portant l’inscription en hiératique « Neféra » pièce à conviction n°1. Et puis vous avez trouvé les sarcophages vides avec Henderson. Ce qui t’a conduit à venir jusqu’ici. —néféra s’est donné la mort avec son amant. Mais Nebtaoui la voulait pour lui, cependant il a consenti à lui offrir une ultime demeure digne de son amour pour elle. Il a ce Livre des Morts qui explique de quelle façon il comptait préserver son aimée des affres du résurrection. De son vivant il l’avait condamné à mort par deux fois ; il devait porter cela en lui jusqu’à son trépas. Tu sais que tout cela n’est qu’un leurre visant à duper les égyptologues mais rien de ce qui fut écrit par Kruger ne m’a échappé, pas plus qu’il ne t’aurait échappé. —Cela va de soi. Mon Isaac Oscar et je suis mandaté par la CIA pour retrouver Dvorak. Le moyen le plus sûr pour parvenir à lui serait de t’utiliser mais je ne gagnerais rien en le faisant. Tout au plus
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[Epilogue]
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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France
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