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LA TRAVERSEE DU NEANT [Sous-titre]
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Du même auteur Aux éditions Polymnie’Script [La cave des Exclus]
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MEL ESPELLE
LA TRAVERSEE DU NEANT
Polymnie ‘Script
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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
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[Dédicace]
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[PrĂŠface]
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Chapitre 1
Gerry me fit assoir sur un tabouret et entreprit de me laver les cheveux. Il défit mon chignon non sans tendresse, m’arrachant au passage plusieurs cheveux, parfois par mèches entières et ne s’en excusa pas pour autant. Et sans ménagement aucun il pencha ma tête en arrière pour y fit couler de l’eau froide pour ne pas dire geler. Cette dernière eut pour effet de me coller des frissons de la racine des cheveux jusqu’à l’extrémité de mes orteils « Putain ! C’est froid Gerry ! Cela t’aurait couté quoi de la chauffer ! » Il ne répondit rien tandis que l’eau gelée ruisselait le long de mes tempes et de mon cou. C’était n’importe quoi. En grimaçant je serrai les fesses regrettant déjà d’avoir accepté de servir de cobaye à ses expériences chimiques sur mes cheveux. Là je le vis saisir un bocal contenant un liquide improbable à l’odeur des plus raffinées, doux euphémisme pour dire putride. « Veux-tu rester tranquille, c’est un pur produit local issu de la fabrication de Sonny. Je ne prendrais pas le risque de te mettre des cochonneries dans tes beaux cheveux. Allez, tournes-toi ! » Devais-je lui faire confiance pour autant ? L’avenir me le dira. Il étala l’immonde pate puante sur mes cheveux et commença à malaxer le tout avec rapidité. Une fois le travail terminé, il releva mes cheveux noirs sur la nuque, admira le résultat ; à savoir la pose, s’essuya les mains sur le torchon et s’alluma une
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cigarette. « Il n’y a plus qu’à attendre ! » Et ensuite ? Eussé-je envie de dire. Que se passera-t-il ensuite ? Tous constateront les dégâts causés par ce produit de fabrication locale ? Je les entendais déjà glousser, rire et commenter l’horrible crête qui me servirait alors de touffe capillaire. Les bras croisés sur la poitrine je fixai Gerry qui lui me fixait également de ses grands yeux verts d’eau. Il eut envie d’ajouter quelque chose mais il ne savait trop quoi dire pour meubler et éviter ce fâcheux silence. Quelle belle journée n’est-ce pas ? Il ne pleut plus et on y voit plus clair dehors. Pas un mot naturellement sur ma chute dans l’escalier. En fait c’était si stupide que j’en éprouve encore de la honte. Résultat : pied foulé et attèle jusqu’à rémission complète. « Le temps de pause est de dix minutes, se souvint Gerry, adossé contre le mur de cette pièce. Il essuya sa main sur son manteau recouvert de cambouis et finalement trouva à s’assoir sur un tabouret. Il poursuivit le pus sérieusement du monde : On m’a fortement averti de ne pas dépasser les dix minutes au risque de te voir avec des tentacules sur la tête. Ce n’est pas ce que tu veux, on est d’accord là-dessus ! Ecoutes Riley, tu me remercieras après, pour le moment restes-en à ta gratitude habituelle ». Etait-il sérieux là ? Gratitude habituelle. Etais-je à ce point insignifiant aux yeux de tous pour que l’on ne me voie que comme une auxiliaire débile et pas vraiment acceptée du reste de la fraternité. Les hommes aiment qu’on leur rappelle qu’on ne ferait pas grand-chose sans eux. Ils sont là à faire la guerre, à se défier les uns les autres ; et puis c’est eux qui ramènent la matière première, les nouvelles armes et c’est un malheur d’être une femme en ces temps de troubles. On ne vous regarde plus que comme une sorte de valeur ajoutée, de monnaie d’échange. Nous ne sommes plus que six dans ce camp II et je viens à envier celles qui sont parties. Le camp II c’est plus de soixante hommes, pères et fils, frères et frères, cousins et frères, etc. Les femmes ne sont d’aucune utilité ici, du moins voudrait-on nous faire croire.
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Celles qui restent savent qu’elles n’ont rien à gagner ici et si elles le font c’est qu’elles ont une bonne raison de le faire. Elles prennent le risque de quitter le camp II pour rejoindre les villes que l’on reconstruit lentement sur ces terres désolées. C’est toutefois mieux que ce sinistre sous-terrain. Même si Christian ne l’exprime pas ouvertement je sais qu’il voudrait me voir partir. Elever une femme cela n’est pas rentable, c’est de l’argent bien mal investi. Et Gerry quitta son tabouret pour gagner son lit de camp. C’était notre logement ce réduit, nous y vivions Christian, Gerry et moi depuis maintenant plus de dix ans. Nous y étions bien, chacun y ayant son endroit séparé par des rideaux fixé sur des tringles. Gerry l’avait rafistolé pour en faire quelque chose de convivial et j’aimais cette idée de living-room avec cette accumulation de souvenirs. « Les dix minutes sont-elles passées ? Questionnaije tout en sachant que non. Gerry ne releva pas cette question fixant l’horizon, perdu dans ses pensées. Quand il eut terminé sa clope, il la jeta à travers le trou d’aération et se frappa les mains en lançant un : « Bon, on s’y remet ? » Il me rinça les cheveux sans piper mot et moi je grelottai les mains crispées sous l’assise de cette chaise. Ma peau demeurait couverte de frissons et il me faudrait certainement plusieurs heures pour parvenir à me réchauffer. Et voilà que la porte blindée s’ouvrit laissant passer un courant d’air froid. « Qu’est-ce que vous faites ? » C’était la voix de Christian et en état d’alerte, mon cœur s’emballa dans ma poitrine. « Et bien, tu ne vois pas ? Je lui fais un soin ! » Sans rien ajouter Christian se dirigea vers notre coin kitchenette. Il remarquerait alors que la vaisselle s’entassait dans l’évier….Il ne supportait pas le désordre et il fallait que chaque chose ait une fonction utile autour de lui sinon il pétait littéralement un câble. Pour les hommes, même histoire : pas de bouche inutile à nourrir. Combien de fois l’eussé-je entendu dire : « Si un tel n’est pas capable de travailler et bien qu’il s’en aille ! » Pad de rémission
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possible avec lui ; A ses yeux je n’étais qu’une indolente fainéante. Il soupirait facilement sitôt qu’il me voyait lire un roman trouvé parmi les antiquités de Bill. « Il n’y a plus de café Gerry ? » Pourquoi ne me posait-il pas la question ? J’existais moi aussi et je vivais ici, avec eux ! Ce dernier répondit par la négation, trop affairé avec mes chevaux pour argumenter. Pas le temps d’aller au magasin et puis il fallait faire l’inventaire de ce qu’il nous reste ici ! Christian comprit que j’étais à l’origine de tout cela et bien que je ne le voie pas, je savais que l’expression sur son visage prit un air plus découragé, voire carrément contrarié. Une fois qu’il eut terminé, lavé et séché mes cheveux, Gerry approcha un miroir de barbier devant mon visage pour que je puisse y voir le résultat. Mes cheveux avaient viré au noir corbeau, les reflets étaient réellement bleus ce qui en jetait avec mes yeux gris bordés de longs cils noirs et épais. C’était pas trop mal il faut le reconnaitre. Un shampooing capable de vous colorer les cheveux en seulement dix minutes, l’aventure du siècle non ? Gerry me demanda ce que je pensais de tout cela. « Ben….c’est bien…. —C’est bien ? C’est bien ! Elle est incroyable. C’est super tu veux dire ? Tu ne dois pas avoir peur de t’exprimer. Si tu trouves que c’est génial, tu peux le dire Riley, personne ne trouvera à redire ! » Voilà qu’il recommençait : quand nous n’étions que tous les deux, il me parlait bien, avec respect si je puis dire mais sitôt qu’une autre personne se trouvait être près de nous, il commençait à se montrer détestable. Il était là à me dénigrer. La gorge nouée, je lui remis son miroir. Il me fallait absolument partir. J’étais devenue un fardeau pour ces hommes, un poids mort. Puis ils s’entretinrent tous deux ensembles sans plus faire cas de ma personne. Vraiment, c’est horrible à vivre… faire comme si je n’étais pas là. Le matin, je me levai et après m’être brièvement lavée je les rejoignais à table. Ils évoquaient toujours des questions très importantes et se taisaient aussitôt que je m’asseyais à la table. J’avais le droit à cela à
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chaque repas. A l’extérieur de notre confinement ce n’était guère mieux, pas un des deux ne me parlaient, j’étais comme invisible et j’avais beau essayer de faire mieux que les autres, cela ne satisfaisait pas Christian. La boule au ventre, je l’avais en permanence. Qu’est-ce que tu attends pour ficher le camp ? Dans un sac j’avais commencé à amasser un tas d’affaires pour le cas où l’une des filles viendrait me voir pour me dire : On s’en va ! Viens avec nous ! Et là il me faudrait être prête à m’en aller. Par contre pour les livres je me trouvais face à un dilemme. Lesquels emmènerais-je parmi mes préférés ? Voyager léger afin de s’économiser, n’emporter avec soi que le strict minimum. Assise sur mon lit je me perdis dans ma réflexion au point de ne pas entendre approcher Christian. « J’ai viens de terminer ma liste de course pour le bazaar. Tu pourras compléter ta liste à la nôtre. Pour ce mois ci il nous faudra réduire notre consommation de légumes. Nous n’en avons pas besoin d’autant puisque Bullock en produit lui-même et puis, pour ce qui est de la lessive….il nous faudra composer avec celle de Lester. Elle est très bien. Tu vois autre chose à ajouter ? » Je ne l’écoutais plus. Il réduisait certaines dépenses domestiques pour acheter des munitions aux autres. Il n’y avait que cela qui comptait à leurs yeux : cette foutue guerre avec le monde extérieur ! Du moins ce qu’il en restait. Notre regard se croisa. Je sentais qu’il allait me dire quelque chose, du genre : Si cela ne t’intéresse pas, tu peux toujours t’en aller. Personne ne te retient ici ! Alors je détournai les yeux des siens. Il n’avait pas toujours été ainsi. Quand j’étais plus jeune et peut-être plus spontanée, il me lisait des histoires et me parlait du monde que nous créerions après. Il avait été un bon tuteur et je lui faisais confiance. A présent cette confiance n’était plus. A maintes reprises je l’avais déçu. Lentement je posai le livre de Virginia Woolf sur le lit, près de Charles Dickens et de Aldous Huxley. Il ne
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parlait toujours pas, les lèvres scellées dans une sorte de mépris mal dissimulé. « Si ta jambe va mieux, tu pourrais monter avec nous à la cueillette. C’est toutefois mieux que de rester ici. » Qu’irai-je foutre à la cueillette avec les autres ? On me filerait un panier et on me dirait ensuite : Débrouilles toi pour bien le remplir ! Et surtout, pas de perte ! Tout sauf la cueillette ! Il n’y avait pas plus humiliant ici pour moi que la cueillette, parce que je n’étais pas assez rapide, pas assez adroite pour bien faire. Encore une façon adroite de me montrer la porte de « la Ruche ». Peu après deux heures de l’après-midi, l’alerte sonna. Ce vacarme me réveilla et après avoir glissé de mon lit je me dis que toutes mes manœuvres pour me rendre au point de rassemblement ne serviraient à rien ; personne ne remarquerait mon absence. Nous avions trois minutes pour regagner « la Passerelle », prendre son poste et se battre quand il s’agissait d’une alerte de type I pour celle de type II, il nous fallait gagner les niveaux inférieurs pour ouvrir les sas conduisant à l’autre Ruche. Pour l’heure il s’agissait d’une alerte de type I et après avoir pesé le pour et le contre je décidais de rester au lit quand la seconde d’après déboulait dans la pièce, Christian. « N’as-tu donc rien entendu ? Sors de ce lit riley ! » Comme j’enfilais mon pull-over kaki, il me fixait des plus embarrassé. « Je vais te porter. —Non ce n’est pas la peine. Je suis une grande fille, je peux encore marcher toute seule ! » Il ne l’entendit pas de cette oreille et me souleva hors de terre pour me porter sur son épaule comme un vulgaire sac de patates. On ne rallia par le point de rassemblement mais la dite-passerelle, de là où l’on pouvait voir l’extérieur sans être vu. Pour qui aime la diversité du paysage, les beaux couchers de soleil il sera servi/ La passerelle offre une vue dégagée sur les terres alentour sur laquelle plus aucun arbre ne poussait. Christian me colla dans une chaise pour regagner son poste d’observation, l’œil visé derrière ses jumelles
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infrarouges. « On a quoi là ? » Aaron, les bras croisés sur la poitrine m’étudia brièvement. « On a des blindés de type half-tracks. On en a quatre et on a un camion, celui-ci, désigna ce dernier en posant son doigt sur un catalogue référençant tous les véhicules du camp adverse. Peut-être des renégats ? —Nous ont-ils repérés ? Questionna Christian. —Ils ont peut-être un sonar ou des capteurs thermiques. Lensfeld a dit s’être occupé du bouclier mais pendant le temps qu’à durer la réparation, fort possible que ces petits gars aient trouvé une faille dans notre protection électronique. Tu sais Chris, c’est facile pour n’importe quel cracker de pénétrer notre système. » Christian lâcha ses jumelles pour passer sa langue sur ses lèvres sèches. « Henderson, je veux que tu descendes au réservoir et que tu nous colle de l’essence dans les jauges ! Il n’est pas question de leur offrir le thé ! —A ta place je prendrais le temps d’évaluer la situation, déclara Gerry assis derrière un poste informatique, suivant sur l’écran la distance parcourut par ces hommes. C’est vrai, on ne peut pas savoir ce qu’ils veulent par avance. On pourrait avoir des bonnes nouvelles d’ailleurs. —Comme nous ne pourrions ne pas en avoir ! Coupa froidement Christian. Je ne mettrais pas la vie des femmes et des enfants pour des suppositions foireuses. Tu sais bien qu’on ne peut pas les laisser entrer Gerry, pas tant que nous sommes sans nouvelles de Pace. —Franchement tout à fait entre nous, tu ne crois pas qu’il se soit barrer une bonne fois pour toute ? Il n’est pas le premier à le faire et possible qu’il soit tombé sur ces hommes qui eux cherchent à nous joindre connaissant notre situation actuelle. On pourrait changer notre stratégie pour améliorer notre quotidien, tu ne crois pas ? —Aaron dit à Alex de brouiller toutes les communications sortantes à partir de maintenant.
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—Ah, ah, ah ! Et nous isoler du reste ? Ce n’est pas une bonne idée Christian. Les radars sont ceux qui nous permet de rester en contact avec ce qui reste de l’’humanité et on ne peut se condamner à vivre indéfiniment seul. —Nous ignorons tout de leur intention Gerry ! Notre ruche n’est pas une base militaire pour l’amour du Christ. Et la mauvaise décision risquerait de nous être fatal à tous, y as-tu songé ? » Le silence se fit dans la pièce ; personne n’osait jamais s’interposer entre eux et quand on le faisait Christian arrivait toujours à vous clouer le bec. Les radars émirent et sur le desk Santana mâchonnait son cure-dent et Aaron fixait la baie vitrée glissant un regard complice à Eames. De nouveau l’alarme sonna et d’un coup de poing Batista l’éteignit. « Nous on a pas l’intention de les laisser entrer chef ! On sait ce que cela coute de prendre un tel risque. Le concept de la protection individuel échappe à certain mais on sait que les mercenaires ou les renégats, appelez ça comme vous voulez, volent, pillent et massacrent. Et notre arsenal est….en flux tendu les petits gars. Je me méfierais de ce qui se cache dans leur camion. » Batista passa tout près de Gerry et lui administra une franche bourrade. Entra prestement Bryant portant une cartouchière sur son gilet pare-balle, il étudia chaque membre composant notre illustre QG et marcha droit vers Christian. « Inès demande si nous allons ouvrir le feu ? » Il ne manquait plus que cette dernière et à peine eut-il terminée sa question qu’elle apparut plus rayonnante que jamais ; cette superbe femme à la peau dorée et aux yeux noisettes, savait comment se faire respecter des hommes par sa grande connaissance des armes et de techniques de combat. « Il faut que l’on sache à qui l’on a à faire les gars ! En bas les esprits s’échauffent. Holmes essaye de tous les léguer pour qu’on se montre clément envers eux. Et je refuse de jouer les médiateurs dans ce contexte,
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cela me place dans une situation délicate alors que je prône certaines valeurs ! Qu’avez-vous décidé ? —Pour l’instant l’on ne fait rien. —Quoi ? Christian…. —Tu as parfaitement bien entendu Inès, trancha batista reniflant bruyamment. Si Holmes a un problème de conscience qu’il vienne me voir, on va arranger ça entre nous. Tu as peut-être oublié Inès mais les hommes ne sont pas tout des enfants de chœur. Ceux-ci sont lourdement armés et ils ne sont certainement pas là pour nous offrir des fleurs en chantant. —On s’en tient à la procédure habituelle et jusqu’à maintenant on s’en est très bien sorti, sourit Aaron persuadé d’arriver à détendre tout le monde par son sourire. Maintenant vous pouvez aller rassurer les autres. » Les véhicules apparurent sur le moniteur des trois PC et de là où je me trouvais être assise je suivais leur progression sous différents angles. Mon cœur battait à vive allure. Avons-nous tort de les ignorer ? Devraisje attendre là dans ce coin ? Attendre sans rien pouvoir dire, ni faire ? L’un des half-tracks s’arrêta et en sortit une sorte de viking aux yeux d’acier. Sur le moniteur d’Aaron l’en voyait distinctement brandir un fusil mitrailleur au-dessus de sa tête pour nous prouver ses intentions pacifistes. « Comment sait-il que nous sommes ici ? —Il bluffe, répondit batista à Buick. C’est ce qu’ils font tout le temps quand ils suspectent des activités humaines dans la région. Certains peuvent rester des jours voir des semaines à quadriller le secteur dans l’espoir d’y déceler un chouïa de vie terrestre et c’est exactement ce que je ferais à leur place si je me trouvais être derrière ces murs ! Juste pour exciter Gerry. » Aaron tourna la tête pour s’assurer de voir apparaitre le sourire sur les lèvres scellées de Gerry mais lui notait des coordonnées sur un tableau magnétique.
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« Ils ont un GPS donc un satellite, Buick, c’est ce qui les rend si prévisible, argua Gerry. Il y avait comme une lueur d’espoir au fond de son regard et administra une robuste claque à l’épaule de notre Batista. Les petits gars ont peut-être déconnecté nos communications mais on ne peut rien contre des satellites. Ce ne sont pas des amateurs. Pas moyen de nous cacher, ils savent que nous sommes ici. —Moi je crois qu’ils bluffent. —Batista, gardes tes forces pour une éventuelle confrontation, déclara Aaron les bras croisés sur sa poitrine. Je partage l’avis de Gerry, ils savent que nous sommes ici et celui-ci semble savoir ce qu’il fait. » Le type descendit du véhicules à chenilles suivit par un autre type brandissant une caisse à munitions. Aucun ne parla, retenant son souffle. « Mn nom est Dunheim et je sais que vous vous dites que cela ne serait pas une bonne idée de nous laisser entrer. Ce qui est on ne peut plus légitime, c’est la raison pour laquelle nous n’insisterons pas. Cependant nous aimerions échanger des armes contre un peu de nourriture et de l’eau potable ! Des munitions contre de l’eau ! —C’est raisonnable. —C’est peut-être pour mieux nous berner Aaron. Faire du troc avec les autres ruches c’est une chose mais négocier directement avec des mercenaires….je ne le sens pas. Il va nous falloir être ferme avec ce type. Batista, va nous le chercher ! » On le fit rentrer pour le conduire dans la pièce adjacente et derrière la vitre sans teint nous étions là à l’observer. Il était d’une beauté froide, il arborait une crête longue et blonde descendant en une imposante tresse sur ses épaules et il émit un timide sourire quand Christian entra dans la pièce pour s’assoir devant lui sans le lâcher des yeux. « D’où est-ce que vous venez ? —Du Nord. De la colonie 24. Voulez-vous entendre nos coordonnées exactes ?
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—Cela ne sera pas utile pour le moment. De combien d’hommes disposez-vous ? » Il leva les yeux au ciel tandis que Bryant cherchait la Colonie 54 sur son PC. Il leva le pouce quand il l’eut trouver et Aaron vint s’assoir tout près de moi, si près que sa jambe touchait mon bras et dans la petite salle d’écoute, assis sur le rebord de la table, il paraissait détendu, voire complètement détendu comme si rien vraiment ne le touchait. Je baissai le regard sentant ses yeux posés sur ma personne. Non ma pauvre tu rêves les yeux ouvertes, m’aurait certainement dit Gerry pour me rassurer, Aaron ne sort qu’avec les femmes capables de mijoter de bons petits plats comme tout bon épicurien qui se respecte. Et j’osai le regarder ; il sourit et intimidé baissa la tête pour se concentrer sur l’interrogatoire de Christian. « Nous sommes….une vingtaine. —Nous n’aurons pas assez d’eau et de nourriture pour une vingtaine d’adultes. Pour dix mais pour vingt. —La récolte n’a pas été bonne ? » Christian fronça les sourcils. « Vous faites pousser des plantes vertes, des légumes et des fruits et nous avons de quoi payer si c’est ça le problème, affirma Dunheim en soutenant le regard de Christian dans le sien. On est réglo. On veut seulement de quoi manger. » Le silence s’installa entre eux. « Aaron, vient voir une seconde….il dit s’appeler Dunheim et j’ai effectivement quelqu’un là-bas qui répond à la description de Duhneim. C’est bien notre homme. On peut lui faire confiance. Il fait partie des recensés et c’est un leader de sa section. Il pourra peut-être nous renseigner sur ce qu’on veut savoir. » Alors Aaron actionna un bouton qui émit une lumière verte et Christian convaincu de la crédibilité de son interlocuteur poursuivit : « La récolte fut bonne. L’avantage des serres c’est qu’elle produise toute l’année mais l’eau est plus difficile à traiter. »
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Avec difficulté je me levai pour quitter la pièce et une fois dans le couloir Aaron m’y rejoignit. « Où estce que tu vas Riley ? Quelque chose ne va pas ? —C’est un réel divertissement mais maintenant qu’il n’y a plus rien à craindre je vais retourner à mes quartiers. Désolée de devoir casser l’ambiance mais je n’ai rien de mieux à faire que de…. Vous laisser gérer tout ça. Et puis avec ma patte folle je préfère ne pas attirer la pitié sur moi. —Alors reposes-toi bien. » Trouva-t-il seulement à dire. Souvent il m’embarrassait avec ses questions, ne trouvait-il donc personne d’autre à torturer ? Et je partis m’enfermer dans notre baraquement sans croiser quiconque dans les vastes couloirs. Une fois dans mon refuge je songeais à ce Dunheim, il y avait quelque chose d’énigmatique dans son regard bleu acier. Qui était-il ? Et qu’avait-il vu d’étranges avant d’arriver jusqu’à nous ? Ces souterrains étaient notre abri et un secours à ne pas négligé, les rayons ultraviolets passaient difficilement à travers ces sombres nuées, parfois le taux de radiation demeuraient si élevés qu’on hésitait à sortir ne serait-ce qu’un orteil. Ici nous étions en sûreté et ceux qui prenaient le risque de partir le faisaient en toute âme et conscience. Mon réveil sonna à quinze heures et apparut Christian dans un chuintement de porte blindée et de cliquetis métallique. Chaque confinement permettait à ces résidents de survivre en autonomie plusieurs mois car chacun disposait d’une serre à taille réduite et de réserve d’eau potable continuellement traitée pour être redistribuée à des fins personnels. Des caissons hermétiques nous permettaient de stocker un tas de médicaments résistant aux attaques nucléaires sur nos cellules et nous étions à même de nous soigner de nous défendre avec cet arsenal d’armes stockés dans des armoires hautement sécurisées par nos empreintes digitales. « Qui c’est ce Dunheim ? » Christian tourna la tête pour mieux m’étudier, visant ses poches contenant des sachets de capsules contenant des puces
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électroniques. « Ce n’est personne. Il est seulement là pour du troc mais ils vont repartir ; ici ce n’est pas une auberge et il l’a bien compris. Pourquoi n’es-tu pas avec les autres ? Quand il y a une alerte j’aimerai que tu ne restes pas toute seule, tu connais pourtant la procédure. Pourquoi a-t-il fallu que j’aille te chercher Riley ? Ion ne peut tolérer de fortes têtes ici, c’est exposer la vie des autres tout aussi précieuse que la tienne. Je ne veux plus que cela se reproduise. —Tu es fâché contre Gerry ? —On ne partage pas toujours les mêmes idées. Gerry est un optimiste. Il sait pourtant les risques que l’on encourt à laisser entrer n’importe qui. —Pourtant vous laissez entrer des femmes. Cellesci pour vous ne constituent pas de menace, vous allez même jusqu’à sortir pour les accueillir. N’est-ce pas un peu machiste, voir complètement arbitraire ? Certaines ne se marient pas et d’autres refusent l’idée d’avoir des bébés. Peut-être finalement cet endroit ne leur inspirent-elles aucune poésie ? Les hommes finalement vous déçoivent moins. Quoi ? Tu me dispense d’émettre un avis à moi aussi ? —Non. De quoi veux-tu parler ? Je suppose qu’il y a encore des tas de sujets qui te sont inconnus et que tu aimerais éclaircir. Je suis tout ouï. » Soudain je me sentis idiote persuadée qu’il me tournerait le dos bien trop préoccupée par d’autres études ; de le voir là devant moi, me fixer comme il le faisait me fit ravaler ma salive et mon orgueil. Une fois de plus il aurait le dernier mot. Il attendait mes questions qui ne vinrent pas. Ridicule ? Oh oui je l’étais. « On pourrait commencer par toi Christian ? Pourquoi ne fondes-tu pas un foyer afin de montrer l’exemple ? Les hommes ont besoin qu’on leur montre le chemin et d’aussi loin que je me souvienne tu n’as jamais prêté le moindre intérêt à une femme aussi douée soit-elle. Tu pourrais un jour vouloir fonder une famille mais si tu maintiens ces portes fermées à l’extérieur alors je doute que cela soit possible.
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—Et toi ? Serais-tu prête à quitter ce confinement pour inaugurer le tien ? Le courant semble avoir pris entre Aaron et toi, alors pourquoi ne pas franchir le pas ? Attends-tu l’aube d’un nouvel avènement ou la fin de ce monde pour le néant dont nous entrevoyons le relief un peu plus chaque jour. —Alors tu penses que je n’ai plus ma place ici ? Questionnai-je le sourire aux lèvres, profitant de cette aubaine pour m’y infiltrer les deux pieds en avant tel un petit lutin blagueur capable de feindre l’ignorance pour en tirer profit d’une manière ou d’une autre ; —Non je crois que tu es essentielle à la communauté comme tes brillants services l’ont démontré par le passé. —C’est vouloir me flatter car tous ici savent que je profite de ta position dans la ruche pour en branler que dalle. Mais c’est gentil à toi de penser que je suis nécessaire à entretenir la paresse…. —Hum, c’est ce qui me plait chez toi. Tu admets tes défauts et dénigre tes qualités. Cette fausse modestie est grandement appréciée quand tous ici tirent la couverture sur soi. Tu ne m’as pas répondu pour Aaron. —Quoi Aaron ? Il n’y a rien à dire sur lui. Il veut se montrer complaisant et aimable. Il lui arrive d’être amical et comme il est de nature affable et sans arrière pensées, je pense qu’il faille entretenir un bon relationnel avec ton chouchou mais je n’ai jamais pensé que lui et moi pouvions former une unité aussi parfaite que toi et Gerry ! » Un rictus apparut à la commissure de ses lèvres. Il attrapa une caisse dans lequel se trouvait compartimenté de puces électroniques classées par codes et fonction. Après les avoir rangé, il rangea le tout dans une armoire verrouillée par un code et inspira profondément. « Alors ne lui donne pas de faux espoirs. Il s’est persuadé que tu lui plais et une fois qu’une telle idée germe en tête il est impossible de l’ôter. —Et bien j’irai lui parler. Il serait regrettable qu’il y ait un malentendu entre nous. Le plus tôt sera le mieux
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et surtout sois aimable de rester en dehors de ça. Il n’aurait pas été persuadé de cette idée si tu ne l’avais pas invité à se montrer aimable envers moi. —je n’y suis pour rien. Ce n’est pas mon genre d’arranger des relations entres les membres de cette communauté. Mais tu as raison, le plus tôt sera le mieux. » La présence de Dunheim et des siens causa du remous de part et d’autre de la ruche et où que je laisse trainer mon oreille on ne parlait que de ce qui avait pu les emmener jusqu’ici et de la façon à laquelle ils avaient pu nous trouver. Si eux y était arrivé alors d’autres ne tarderaient pas non plus à venir frapper à notre porte. Dans la salle commune principale il y eut une sorte de rassemblement atour de Diaz, le chef des opérations et de la logistique essayant de calmer les esprits un peu échauffés par la présence étrangère de ces militaires. Appuyée sur ma béquille je cherchais des yeux Aaron ; impossible de le retrouver. J’allais abandonner quand on me dit d’aller regarder du côté des réserves d’oxygène. Alors je pris l’ascenseur pour me rendre au niveau inférieur, marcher autant m’épuisait et toujours appuyée sur ma jambe de secours j’utilisais mon badge pour accéder aux grandes réserves de ce précieux gaz stockés dans d’importants cylindres. Là ceux en poste pour veiller au bon fonctionnement des machines me désignèrent du doigt le bassin d’eau. Il se trouvait être à côté, derrière le parapet à analyser l’eau dans ses tubes à essai. «Il faut que je te parle Aaron. —Et tu es descendu jusqu’au septième niveau pour me dire ça ? C’est que cela doit être important, railla ce dernier en tentant su sourire. —Iui…enfin, non….ce n’est pas si important mais il me faut éclaircir certains points, pour le cas où…. —Le problème avec l’eau c’est qu’elle est vite colonisée par des bactéries sitôt qu’elle n’est pas traitée. Ces hommes venus du nord profitent de notre crédulité pour nous dérober notre bien le plus précieux.
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—Je pensais que vous aviez su négocier avec eux. —Ce sont des terroristes. On ne négocie jamais avec des terroristes. » L’angoisse m’effraya : auparavant tout allait bien, tous s’accordaient à penser que Dunheim était quelqu’un de bien ; Qu’avaisje manqué comme information jusqu’à maintenant ? Aaron emporta ses échantillons d’eau et je le suivis jusqu’aux réfrigérateurs, déterminée à en savoir plus. « Alors pourquoi l’avoir fait rentrer ? —Parce qu’ils savent des choses que l’on ignore. Et le savoir est le pouvoir Riley. Certaines informations se négocient plus chère que le prix des armes dont nous en avons cure. —Que soupçonnes-tu ? —jamais autant d’hommes ne se déplaceraient avec autant d’armes avec eux. Alors tout porte à croire qu’ils ont connaissance d’un fait important que nous cherchons à connaitre. —Et vous les ferez poireauter à l’extérieur combien de temps encore avant qu’il perçoive de la menace derrière toute cette mise en scène des plus pathétiques ! —Et bien autant de temps qu’il le faudra Riley. » Il ne répondit pas, savourant probablement le fait que je puisse pour une fois courir derrière lui je ne pouvais pas croire qu’il puisse m’apprécier comme l’eut suggérer Christian ; Aaron Greenberg était un homme de terrain, pragmatique et l’un des piliers de notre organisation. On ne le voyait jamais en compagnie de femme contrairement à Gerry dont la réputation n’était plus à faire. Greenberg du genre séreux ne laisserait personne le détourner de ses objectifs, encore moins une ingénue comme moi. « Ce que je te dis naturellement doit rester entre nous. Cela suffirait à mettre le feu aux poudres. —Oui, je n’en parlerais à personne ! » De toute façon personne vraiment ne m’écoutait ; j’étais un peu celle qui rasait les murs, une forte en gueule qui aussitôt qu’elle allumait le feu s’empressait de l’éteindre pour passer à autre chose. Et Aaron posa la main sur mon épaule pour l’y laisser un petit moment.
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« Et toi que voulais-tu me dire ? —Euh….ce n’est pas important. Je vais remonter. » Plus tard, assise derrière la table je brulais le fil d’étain pour mes cartes électriques. Tous les jours j’en faisais une dizaine pour ravitailler les besoins de Gerry en matière d’électronique ; Ensuite il les troquerait contre autre chose de tout aussi utile. Sur mon plan de travail une collection impressionnante de phots de la terre avant les divers cataclysmes : on y trouvait des iles paradisiaques, des tempes de Birmanie, des métropoles aussi tentaculaires que Londres, Honk Hong et Paris ; des endroits insolites que l’on pouvait associer au Paradis. Plus rien de tout cela ne subsistait. Pourtant les hommes ne cessaient de penser qu’il restait un endroit sur terre ayant pu échapper à cet apocalypse. Gerry rentra. Je diminuais le volume de ma musique. « Chris m’a raconté pour ce matin…. » Je levai le nez de mes appareils électriques pour l’interroger du regard. Rien ne restait secret à la Ruche, ce que vous disiez à un tel le matin vous pouviez être certain de la diffusion de votre message via toutes les bouches. « Tu ne devrais pas le prendre aussi mal. Il est là pour améliorer les choses et non pas pour envenimer la situation, précisa Gerry les fesses posées sur la haute chaise. Il faut le voir comme le patriarche, notre chef spirituel et non comme l’un de ces dégénérés qui s’autoproclament messie. Maintenant on va admettre deux hypothèses. La première c’est que tu décides de tout saboter pour une obscure raison qui semble nous échapper à tous. Et la deuxième hypothèse, c’est que tu n’as aucune idée de ce que tu veux pour le bien de cette communauté. L’un dans l’autre tout nous laisse penser que tu n’es pas heureuse parmi nous. Pourtant nous faisons tous et on ne prétend pas savoir pourquoi, c’est le propre de l’adolescence. —Oh mais je ne suis pas une ado pour le cas où tu aurais un doute sur mon âge ! Protestai-je lui envoyant un chiffon en pleine figure. Je ne partage pas vos opinions c’est tout. Est-ce mal de s’opposer à
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l’autorité quand notre idéal tant vers une politique centriste et penchant vers l’absolutisme. —Attention toutefois à ne pas sombrer dans l’anarchisme. Cette doctrine n’a pas sa place ici où règne la discipline, l’ordre et l’autorité. Et tu le sais Riley, tu ne peux pas faire celle qui n’est au courant de rien. On devrait se montrer plus ferme envers toi pour éviter que tu ne tombes en disgrâce auprès des autres membres. —Et pourquoi ne pas commencer par me parler d’égal en égal ? Christian et toi êtes sans cesse à m’infantiliser : Ne t’approches pas du feu, manges ta soupe pour grandir, dis bien bonjour Madame et j’en passe des vertes et des pas mûres mais vous devriez vous aussi vous remettre en question. —A quel sujet ? Tu remets en question l’éducation que nous t’avons apportée maintenant, c’est très novateur Riley. Possible que tu aurais fait si tu t’étais trouvée à notre place. Oh oui tu aurais prôné la contreculture et défendus tes idéaux avec tant d’acharnement que tu aurais laissé des petits orphelins derrière toi. —Vous aurez pu tout aussi bien me laisser là où vous m’avez trouvée, cela vous aurait été plus profitable. —Oui, Christian ne se serait ainsi pas encombré d’une rebelle à l’esprit dérangé comme le tien. —Merci, répondis-je en laissant partir ma colère. Une fois de plus tu joues les prédicateurs et je ne peux pas dire que cela soit ton meilleur rôle. Ecoutes-toi parler Gerry : Tu aurais défendu tes idéaux avec tant de conviction que tes gosses se seraient retrouvés sans mère ! Tu aurais certainement accepté mes défauts si n’étaient pas accompagnés de mon grand sens de l’observation. —Ah, ah ! Laisses-moi rire ! Ton sens de quoi ? Tu ne quitte jamais cet endroit excepté pour aller battre des cils devant Greenberg qui se moque éperdument de tes préceptes de je ne sais quelle ardeur anticonformiste et tu devrais réfléchir autrement si tu
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cherches à t’attirer la sympathie du reste de notre clan. » Folle de rage je me levai prestement. « Vous devez être déçus de ne pas me voir aussi parfaite que vous l’eussiez souhaité. —Non c’est toi seule que tu déçois. Pas nous. »
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CHAPITRE 2 Une nouvelle crise démarra. Impossible pour moi de respirer. Avec la folie du désespoir je tentais d’arracher ma poitrine. Christian lâcha prestement sa casserole pour me faire assoir sur une chaise, les bras croisés sur ma poitrine. « Respire… respire doucement… tu vas y arriver. Voilà c’est mieux. Tu n’as pas besoin que je te dise comment faire pour respirer. Tu le fais très bien toute seule. ». Une telle crise ne m’était pas arrivée depuis des années. Les larmes inondèrent mes yeux. Mon organisme avait rejeté mon traitement. Ce fut comme une violente déferlante qui submerge tout sur son passage et qui ne vous laisse pas la possibilité de nager vers la surface ; vous voyez votre vie défiler sous vos yeux et vous pestez, serrant les poings, refusant de vous voir noyer. « Gerry ! GERR ! le traitement vite ! » La toux devint plus violente à mesure que mon organisme luttait contre cette infection microbienne et je vis Gerry préparer la seringue hypodermique, enfoncer l’aiguille dans l’un des flacons portant une mention spéciale et la tendre à Christian. « Je sais, cela ne va pas être agréable pour toi mais c’est nécessaire. Alors maintenant respire un grand coup. Respire ! » Le ton qu’il prit fut autoritaire ; il fallait bien ça pour me contraindre à obéir et faisant arriver de l’air dans mes poumons au prix d’un violent effort et une vive douleur, il enfonça l’aiguille dans ma cage thoracique. Je sursautai, tout en retenant un cri de douleur et alors que le produit se vidait dans mon poumon, je m’avachis contre Christian, la tête posée sur son épaule. « Apportes les flacons Gerry. On va devoir prélever du sang pour les porter au labo. C’est à titre curatif. » Je ne répondis rien, trop effondrée pour pouvoir parler. De tous les gosses récupérés par la Ruche j’étais la seule à devoir subir un tel traitement, la seule à ne pas pouvoir m’en sortir. Les autres menaient une vie normale….J’étais un poids mort
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sachant qu’à tout moment la mort pouvait venir me frapper. Et assise dans ce fauteuil à bascule équipé d’un repose-pied et de larges accoudoirs, je laissais Christian me prélever des échantillons de sang. « ce sont des statistiques Riley mais tu fais partie des 95% de chanceux qui peuvent mener une vie des plus ordinaires à condition de suivre certains traitements à la lettre. Les 5% perdant sont bien souvent des pauvres malheureux qui se fichent bien du protocole sanitaire et qui fichent leur santé en l’air. —Merci de vouloir me remonter le moral. J’apprécie toute sorte de compassion. —Voilà c’est terminé. Tu vas avoir droit à un beau pansement. Il faudra attendre une petite heure pour le résultat. Reposes toi en attendant. —Je ne fais que ça, me reposer. » Surpris, il se retourna de trois-quarts, les sourcils froncés. Allait-il encore me tacler ? il caressa sa barbe jusqu’à la commissure de ses lèvres et me lança un regard noir chargé de reproches ; Si tu es là à te tourner les pouces, c’est uniquement de ta faute. Tu es la seule responsable de ce qui t’arrive. « Je vais au laboratoire. Tu n’as qu’à sortir un peu jusqu’à la serre. » Oh, oui ! Super programme ! Et ensuite ! On me ferait comprendre que je gênais et que ma place était derrière Christian comme un gentil petit toutou docile et tout mignon. Je voulais me rendre à la passerelle mais Batista me barra la route de son imposant corps taillé dans ru roc. « Christian sait que tu es ici ? —Non. Pourquoi devrait-il le savoir ? Je n’ai pas de compte à lui rendre. —Ben lui, ce n’est pas ce qu’il dit de toi. Je ne veux pas jouer les rabat-joies mais il ne veut pas que le personnel non-habilités traine ici et ce sont tes termes à lui. Toi, tu es en catégorie F, soit tout en bas de l’échelle et il ne faudrait pas que les autres s’en trouvent offenses. Tu comprends ? —Non. Je comprends seulement que toutes ces règles sont avilissantes.
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—Alors va te plaindre à qui de droit, lança-t-il au creux de mon oreille. On te voit rarement ici, alors je m’étonne que tu trouve le chemin de la passerelle. —Je ne pense pas qu’on ait été présenté. Qui estu ? » Il éclata d’un gros rire cynique dont ce genre d’individus était capable. Et Bryant apparut dans mon champ de vision. Dans l’encorbellement de la porte il attendit le départ de Batista pour venir vers moi. « Dunheim et les siens sont repartis. Mais on peut les localiser grâce au GPS introduit dans les fûts d’eau remis par Christian. Ils sont à peine à neuf kilomètre d’ici et en stand by. On ignore ce qu’ils mijotent. Aucune communication ne passe via leur radio et crois-le ou pas mais je crois qu’ils veulent recruter des hommes et des femmes. —Es-tu sérieux ? » Il me saisit par le bras pour me conduire dans un corridor pour poursuivre son histoire. « J’ai surpris une discussion entre Christian et Hamilton. Il est question de laisser partir des volontaires pour les colonies du Nord. En parle de nouvelles terres à coloniser et non ces boyaux antinucléaires et…..cela voudrait clairement dire que la vie reprend son cours à l’extérieur. Et c’est la promesse d’une vie meilleure. » Il avait les yeux qui brillaient et son enthousiasme grandissait de seconde en seconde. « Tu pourrais partir avec nous ! On pourrait recommencer à zéro, ailleurs. J’en ai parlé aux autres, murmura ce dernier le sourire aux lèvres, et nous sommes à ce jour dix à vouloir le faire. Mais demain nous serons une vingtaine. Ce genre d’opportunité ne se renouvellera pas deux fois et nous devons saisir notre chance. Tu comprends ? —ce que je….je serais un fardeau pour vous. —Non ! Au contraire. Là-bas tu nous seras utile comme n’importe quel autre volontaire ; Avoir Aaron avec nous serait un plus mais il va être dur à convaicre. Tu crois pouvoir t’en charger ? —Euh….non. Je ne suis pas certaine de pouvoir venir, répliquai-je le cœur battant à rompre.
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—Arrêtes ton char, veux-tu ? Tu n’arrêtes pas de m’en parler, depuis que je te connais. Tu parles du nord comme d’une terre promise et ce moment est enfin arrivé pour nous autres ! Parles en à Aaron, il acceptera plus facilement si c’est to qui lui en parle. » Des plus fébriles je tournai en rond dans notre habitat quand arriva Christian. Notre regard se croisa et je compris à son regard que quelque chose n’allait pas avec mes résultats sanguins. « Viens t’assoir un instant ;…Ta rechute est du à un manque de calcium. Alors ce n’est pas insurmontable. Cela devrait te soulager n’est-ce pas ? Deux injections par jour pendant un mois devraient suffire. Je dis bien devrait suffire car nous ne sommes pas à l’abri d’une rechute dans els mois qui suivent. —Tu savais que Dunheim cherche des volontaires pour sa colonie. —Oui Charly s’occupe des départs des dits volontaires. Peut-être une vingtaine, pas plus. Quel est le problème ? » Alors je pris mon courage à deux mains. « J’aimerai en être et…. —Non. —Pourquoi non ? —Parce que tu es malade Riley, dois-je te faire un dessin, trancha Christian sans sourciller. —Mais si tu me donnes un traitement pour un mos, je m’en sortirai très bien. » Il hocha négativement la tête, les lèvres pincées. « Non, à défaut d’un bon traitement tu pourrais y rester. Je n’ai pas envie d’avoir ta mort sur la conscience. Dunheim veut des hommes fiables, des hommes comme des femmes qui n’aient pas froid aux yeux et qui acceptent de prendre des risques pour coloniser des lopins de terre dans ce no man’s land. Tu n’y arriveras pas là-bas. —Qu’est-ce que tu en sais ? —Je te connais Riley. Je sais que tu auras de grandes difficultés à t’adapter. Tu auras beau faire des efforts mais rien n’y fera. Tu as encore besoin de prendre confiance en toi et tu sais que j’ai raison. Je
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t’ai encouragé maintes et maintes fois à aller de l’avant, dernièrement il était question que tu ailles parler à Aaron mais tu as été incapable de rassembler ton courage pour lui dire ce que tu avais à lui dire et si tu quitte cette ruche tu ne seras pas armée pour affronter le monde extérieur. Aaron c’est un exemple parmi tant d’autres, Riley et tout ce que je veux, c’est ton indépendance que tu n’acquerras qu’après avoir gagné en toi assez de confiance pour t’imposer au reste du monde. —C’est pourtant à toi de me faire confiance. Je me soignerais sois sans crainte pour cela et puis je ne serais pas seule. Les autres volontaires et moi formerons une famille. —Non. Cela serait inconscient de ma part. Ce n’est que pure folie, tu aspires à bien mieux que cela. —Tu ne peux pas m’obliger à rester ici. Cela est contraire à tes principes. Je m’en irais que tu le veuilles ou non. » Les larmes aux yeux je partis trouver Aaron. Il ne se doutait pas que j’avais pleuré suite à la discussion eut avec Christian. A dire vrai j’étais inutile et suicidaire mais je voulais partir pour ne plus avoir à supporter le regard d’autrui sur mon cas. Aaron discutait avec un tiers et en me voyant arriver droit sur lui, se redressa des plus surpris. « As-tu une seconde Aaron ? » Il me suivit en gonflant la poitrine pour se donner plus d’importance et les bras croisés sur la poitrine il prit un air sérieux, si sérieux que j’eus presque perdue le fil de ma réflexion. « As-tu entendu parler des volontaires pour Dunheim. —Oui mais ce n’est que pure folie. Les terres fertiles sont très rares et parier pouvoir parvenir à les coloniser relève du fantasme. —donc, tu ne partiras pas ? —ma place est ici. Elle a toujours été ici. Cette ruche c’est ce que nous avons de mieux. La possession de terres engendre des conflits et des guerres.
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L’homme accomplit de bien meilleures choses quand il n’est pas tenté d’augmenter ses possessions. —Je vais m’en aller et j’avais pensé que tu te serais joint à nous. Il nous faudra bien une personne comme toi pour espérer nous en sortir. » Ses muscles faciaux se détendirent et il décroisa les bras avant de poser ses yeux sur mes lèvres. « Et Christian est au courant ? Je suppose qu’il désapprouve ton départ. —Non au contraire, il l’encourage. Tu es libre d’accepter ou de refuser. L’idéal serait que tu acceptes et dans l’hypothèse où tu refuserais alors j’aurais été flattée d’être ton ami. » Le repas fut morne et silencieux. Aucun de nous trois ne parla et le repas avalé je partis au planétarium. La tête dans les étoiles je me laissais submergée par la voie lactée, et allongée sur l’herbe je profitai de ce instant en me disant que bientôt je verrai les vraies étoiles briller au firmament et un bruit de porte retint mon attention. On venait vers moi et sur le qui-vive je m’assis sur pour voir arriver Christian. « Navré de devoir perturber ta quiétude. —De quoi veux-tu encore me parler ? —Tu dois me voir comme un monstre, un tyran pour reprendre tes expressions, argua-t-il accroupit près de moi, seulement tu comptes beaucoup pour moi et je serai contrarié si quelque chose t’arrivait. —Comme quoi ? Quitter la ruche par exemple ? Je pensais le débat clos mais tu veux constamment avoir le dernier mot pour une fois de plus te prouver que tu es le meilleur et que seul compte ton opinion ! —Tu sais que c’est faux. Ton opinion a beaucoup de valeur pour moi. —Alors maintenant que je décide de partir, tu commences à te montrer aimable envers moi. C’est trop tard Christian je veux passer à autre chose. —si tu veux nous partirons pour le nord ensemble, poursuivit-t-il les yeux baissés tel un enfant pris en faute et sur le point de passer aux aveux. —Et quand donc ? Quand il te sera poussé un troisième bras ?
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—Je ne cherchai pas à me montrer offensant toute à l’heure. Mais quand tu étais dans mes bras et que tu convulsais alors….je suis inquiet pour toi et quand tu n’es pas là près de moi j’imagine les pires choses. Je ne pourrais pas te survivre. Je suis trop impliqué dans ta vie. Mais peut-être ai-je tort de penser que tu es heureuse près de nous. Tu as raison, je suis top optimiste.
Gerry monta me voir plus tard pour me dire qu’il s’agissait du ravitaillement, celui du camp VII commandé par Dunheim et Gerry parlait d’une petite fête pour les gars de son unité. « Ils ont des femmes avec eux ! Une dizaines de beauté ! Cela s’annonce plutôt bien pour nos petits gars ! » Qui disaient plus de filles dans le camp signifiait plus d’ennuis pour la gente masculine car alors tous voulaient un peu de compagnie pour ne pas finir seuls. Les couples qui se formaient là finissaient toujours par s’en aller plus au nord. Les hommes de Dunheim restaient des durs à cuire et lui-même en était un, dur en négociation et intraitable avec ses ennemis : ceux de la liberté, des libertés. Christian le respectait pour son pragmatisme et son leadership, cette capacité de survenir aux plus démunis en leur offrant un axile à la hauteur de leur espérance. Si le camp VII se tenait à plusieurs miles de distance de notre repère, le fort restait à ce que l’on dit un havre de paix. Alors après le départ de Gerry je me remis sérieusement à boucler mon unique baluchon. Le moment venu je partirais. Combien de temps Dunheim
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et ses hommes resteraient ici ? Il n’y aura pas de discussion possible entre Christian et moi ; depuis longtemps je voulais partir et lui appuierait cette décision, vantant mes talents à Dunheim : Elle est efficace au travail et elle sera vous être indispensable (il mentirait évidement, personne ne voulait me voir rester dans le camp II). Cette décision m’exalta et il me fallait trouver Dunheim pour lui faire part de mon envie de le suivre. Il se tenait là, à cette table, une bière à la main étudiant un plan avec minutie, la jambe posée sur son menton. Décidée j’allais me diriger vers lui quand Aaron me bloqua le chemin. Il me faudrait un certain courage pour oser l’aborder. Peut-être m’enverrait-il me faire mettre. Les hommes ont toujours un large répertoire de jurons pour vous faire comprendre que vous gêniez. Je me préparais à ce qu’il m’envoie sur les roses après s’être échauffé la voix par une bordée de jurons ; cela ne manquerait pas de déclencher l’hilarité générale. Christian aurait alors honte de moi et m’enverrait me mettre au lit manu militari. Aussitôt la honte me gagna à cette seule pensée et la douleur à la cheville me relança. Qui de Neam ou de OOna disait que je stimulais la douleur afin de ne pas travailler avec les autres, « Figures-toi que je te cherchais. Comment va ta jambe ? » Aaron se trouvait être devant moi et malgré le peu de clarté naturelle mes yeux ne pouvaient me trahir. Il s’était fait beau pour cette journée un peu particulière ; qui disait ravitaillement disait quelques heures de répits pour ceux qui travaillaient fort à la sueur de leur front. Je tournai la tête à droite puis à gauche. Qui me verrait en compagnie de cet homme viendrait à penser que je cherchais à jouer les coquettes : Vous voyez, non seulement elle nous apporte rien au quotidien mais elle séduit les hommes de ce camp avec effronterie ! Aaron se pencha à mon oreille et poursuivit : « J’étais loin de me douter que tu veillerais aussi tard en notre compagnie ; Veux-tu boire quelque chose ? De la bière peut-être ? » Les discussions
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battaient leur plein et , on se serait cru dans une ruche bourdonnante et sitôt qu’une rire se faisait entendre je sursautai persuadée qu’on se marrait en me voyant en compagnie de cet Aaron. « Non, merci. Je vais aller me coucher ! » Je quittai la salle en quatrième vitesse, le cœur battant à rompre. Au dernier moment je ne poursuivis pas dans l’escalier à vis, je stoppai ma course du côté de la coursive et certaine que personne ne s’y trouvais je m’assis sur une pierre pour m’allumer une clope. Gerry savait que je fumais mais pas Christian, il me passerait un savon en l’apprenant et il m’enfermerait dans ma chambre jusqu’à ce que cette idée me passe. Je détestais cette vie et tout ce qui la composait. La main dans les cheveux et la tête posée dans l’embrasure de mon coude je retenais mes larmes. J’aurais valu que je claque au bord du ruisseau comme tant d’autres ! A chaque fois je me disais : accrochesti ma petite, la vie vaut peut-être le coup d’être vécue , mais au fond de moi je n’en étais pas certaine. La boule au ventre je me disais que Christian avait raison de me traiter de ma sorte,, je n’étais qu’une ratée. Les femmes autour de moi savaient se battre, parfois aussi mieux que les hommes ; elles avaient des idées et on les respectait pour leurs connaissances multiples et variées. Pour ma part je n’avais rien. Je m’essuyais le nez au bout duquel pendait de la morve. En fait j’aspirais de la pitié. Je partis me mettre au lit sachant que Gerry découcherait cette nuit. Je lisais un bouquin d’Allan Poe quand la lumière s’infiltra sous la porte. En moins de temps qu’il faut pour le dire j’avais sous ma couverture, la veilleuse éteinte au-dessus de ma tête. Christian rentait un peu plus tôt que prévu et je retins ma respiration du mieux que je pus. Cela ne le surprenait pas que je sois ici, il m’avait habitué à avoir une vie de moine : levée aux aurores et couchée au crépuscule. Je l’entendis se déshabiller avant de passer sous la douche. Ensuite il se brosserait les dents avant de se mettre au lit. Peut-être lirait-il un
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peu ? Ou prierait-il tous les pauvres malheureux qu’il avait tué ou fait assassiner par ses ordres ? Le matin il réveilla Gerry qui dormait avec son manteau et ses rangers aux pieds. « gerry, il est six heures, réveilles-toi ! Gerry ! —Vas te faire foutre ! » Répondis ce dernier en grognant dans son sommeil. A mon tour il vint me réveiller. Une fois loin de ce camp la première fois que je ferais sera de dormir jusqu’à midi. « Gerry ! Dunheim et ses hommes ne vont pas tarder à s’en aller et tu sais ce que cela sous-entend, n’est-ce pas ? Il va falloir qu’on négocie les armes contre notre matière et ça, c’est ton business ! —Tu n’as qu’à voir avec les autres. Ils servent aussi à ça, chris, crois-moi. Tout ne repose pas sur mes épaules. —Non mais les autres, eux comptent sur toi ! » en trainant les pieds je me rendis à la table sur laquelle nous prenions nos petit-déjeuner et nos diners, je m’étais essayée à la cuisine mais tout pris feu, depuis ce jour-là Christian refuse de me voir toucher à quoique se soit. Il cuisinait des œufs sur le plat et du bacon. Nous avions droit à un peu de café, dont la quantité si ridicule faisait rire les plus accrocs et un peu de lait qui selon certains devait être exclusivement réservé aux enfants. « Que comptes-tu faire aujourd’hui riley ? » Cette question me fit sursauter et n’osant relever la tête, je fixais mes doigts engourdis. « Je ne sais pas encore. J’irais peut-être à la mine…. Si on veut bien de moi. « Christian remua les œufs dans un bol individuellement avant de les poser sur la poêle chaude. Gerry me rejoignit à table, la tête dans le cul et prestement se releva pour aller rafraichir son haleine dans le lavabo jouxtant la cabine de douche, le tout dissimulé par un large rideau de toile de jute. « Non, la mine se n’est pas une bonne idée, répondit Christian veillant à la cuisson du bacon. Ce n’est pas un endroit pour toi. Essayes plutôt dans le verger ou le potager. —Avec les enfants et les doyens ?
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—ben au moins tu seras au chaud, riposta gerry en nettoyant ses dents au fil dentaire. La mine s’est pour les braves tandis que le verger c’est plus tranquille. Avec ta patte folle on ne peut pas prendre le risque de te voir trimer dans la mine. Christian est très certainement de mon avis. Quoi ? Ce n’est pas le cas ? Ecoutes Riley sans vouloir te vexer mais tu n’as pas encore trouvé ce à quoi tu es destinée. Parfois les choses prennent du temps mais ne désespère pas. On a tous connu ça ; Enfin, tout le monde sauf Christian. Christian est un chef-né ! Moi je suis là pour faire régner l’ordre et faire appliquer certaines lois et toi Riley, tu es là pour t’instruire. » Christian nous servit pus s’assit à son tour, les mains jointes au-dessus de son assiette. Gerry et moi l’imitâmes de notre recueillement et Gerry comme d’habitude mangea avec bon appétit. « Tu pourrais apprendre à faire du pain par exemple. N’est-ce pas Chris, elle pourrait apprendre à cuisiner, je veux dire avec un vrai cuistot ? Ou bien si tu n’es pas trop maladroite tu pourrais apprendre à travailler le bois, cela rapporte pas mal car on a toujours besoin d’une bonne chaise sur laquelle poser notre croupion. Tu commencerais modestement et ensuite tu aurais ton fond de commerce. Quelque chose bien à toi, une sorte de monnaie d’échange, ce qui faciliterait le troc. Je suis persuadé que Sledge serait ravi de t’apprendre le métier. Il faut songer à toutes les pistes et n’en négliger aucune ! » Plus que jamais je brûlai d’envie de partir. Le repas terminé je fis la vaisselle et Christian l’essuya. On travaillait toujours en équipe et cela m’ennuyait profondément que l’on doive dépendre l’un de l’autre, en toute circonstances. Il me fallait partir maintenant ou regretter d’avoir fait le choix de rester dans ce sinistre castel au milieu des courants d’air et de la moquerie perpétuelle des uns, la fourberie des autres. Je ne pouvais continuer ainsi. « Alors que feras-tu aujourd’hui Riley ? » Tous les matins il me posait la même question et tous les matins j’ignorais quelle réponse apporter. Aujourd’hui,
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je vais m’ouvrir les veines ou bien sauter par-dessus le chemin de ronde et crois-moi bien Christian, je ne manquerais à personne ! Ma gorge se noua et plus encore quand Gerry une fois de plus répondit à ma place. « ne l’apitoie pas avec ça, tu sais bien que notre Riley n’a pas l’intention de travailler pour notre communauté ! » Pour moi se fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Je crevai qu’on me voit comme une incapable plutôt que comme une fainéante et saboteuse. Pétrifiée par la douleur je n’en montrais rien mais une fois qu’ils firent tous deux partis j’allais me réfugier sous les combles pour fumer une cigarette, puis une deuxième et une troisième. Ma décision fut prise. Je rédigeais une courte mais très explicite lettre pour Christian. Désolée de n’avoir été qu’un boulet à vos yeux ! Alors je m’en vais. Ainsi plus personne ne pourra médire sur mon compte et votre honneur à tous deus sera sauf ; Adieu ! Et continuez à œuvrer pour le bien de cette communauté. Je posai la lettre pliée en quatre sur son oreiller et je filais ventre à terre pour aller dans un des fourgons blindés de Dunheim. Aucun du camp ne me vit et le cœur battant furieusement dans mes tempes et sans ma cage thoracique je secouais mon sac fermement en espérant voir les véhicules s’ébranler dans l’enceinte de la forteresse, quitter la zone des murs d’enceinte pour filer loin de Christian et de ces sadiques, moqueurs perfides. A huit heures on remonta l’imposante herse et on abaissa le pont-levis et les blindés purent quittés la forteresse dans un tonitruant et remuant déplacement. Le soulagement devait se lire sur mon visage et à la fois excitée comme terrifiée, je savourais cet instant. Enfin j’allais partir, enfin je serais libre ! Soudain il y eu un sifflement suivit des « Halt » des sentinelles, les voitures stoppèrent nettes dont la mienne. Que se passait-il ? Les soldats de Dunheim ouvrirent avec fracas les portes du camion blindé
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équipé de chenilles. « Nous avons l’ordre de faire descendre tous les passagers des véhicules ! S’il vous plait, veuillez descendre ! » A contrecœur on s’exécuta et toujours mon sac serré contre moi je n’osai lever les yeux vers les sentinelles postées là. Dunheim passait d’un fort à un autre pour procéder à toute sorte de troc et remplissaient ses véhicules d’individus désirant se rendre ailleurs. Lui n’avait rien à se reprocher et jamais ne n’aurais songé qu’il puisse s’agir de moi tant que je ne vis pas Christian fendre la foule de curieux pour marcher droit vers moi, suivit par Gerry et Aaron. Dunheim partit à son devant. « Cette jeune femme ne part pas », déclara Christian en me désignant du doigt. Tous les regards convergèrent dans ma direction. Les larmes me montèrent aux yeux. Quel moment humiliant allais-je encore vivre en ce jour de paix intérieur ? Dunheim haussa les épaules. Pouvait-il s’opposer à cela ? « Elle est pourtant libre de monter ou non à bord de mes véhicules. Aucune loi ne pourrait l’en empêcher. —Il a raison, tu ne peux l’obliger à rester ici, déclara gerry. Cela irait à l’encontre de nos principes. —La ferme Gerry ! Riley va….rester ici. —Christian…. Murmura Gerry. —Toi et tes hommes vous allez immédiatement reprendre la route et c’est le meilleur conseil que je puisse te donner Dunheim. —Sinon quoi ? »’ Dunheim se plaça devant son interlocuteur et ils se lancèrent des éclairs. Les poings serrés, Christian le défiait du regard et Dunheim loin de se montrer impressionné le toisait de ses yeux gris. « Peut-être n’a-t-elle pas envie de rester ? Poses-lui donc la question que l’on puisse être fixé. Alors, qu’attends-tu ? » Je devais agir maintenant, prouver à tous que je pouvais prendre une décision valable. Au moins une dans ma misérable existence. « Je veux m’en aller. Je n’ai pas l’intention de rester un jour de plus en ces lieux.
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—Et bien tu vois, Statham. Tu ne peux la garder contre son gré et Gerry vient de le dire, cela serait contraire à tes principes. Elle va donc remonter avec nous et on en restera là pour cette fois. —Tu vas t’en aller et la laisser ici. Aaron, va la chercher…. je pense avoir été clair avec toi Dunheim. » Et Aaron me sauta littéralement dessus. « Je suis désolée Riley. » Furieusement je me débattais. En cet instant je jouais mon avenir. « Non je veux m’en aller ! » Aaron me tenait fort par le bras. Le cercle se refermait lentement autour de nous et passant près de Gerry je me jetais dans ses bras. « Gerry ! Dis-lui que je veux m’en aller ! Oh, lâches-moi, toi ! Je suis inutile ici, tu me le dis constamment et on ne peut continuer à se mentir Christian. Je suis un fardeau pour vous tous ! —Dunheim va s’en aller et nous reparlerons de cela plus tard Riley. Aaron, rentre avec elle. Ce fut un plaisir de commercer avec toi Dunhem, mais la prochaine fois ne t’interpose pas entre un membre de notre communauté et moi-même. —Combien d’autres prisonnières gardes-tu dans ton cheptel ? Quelle honte pour toi et sache que cela va se savoir ! En route, nous mettons les voiles ! » L’humiliation fut complète. Echouer aussi près du but signifiait que j’étais incapable de défendre ma cause tout comme ces gosses accrochées aux basques de leur mère. Tous me regardaient comme une pestiférée et on s’écarta à peine pour me laisser passer. Aaron quant à lui jouait des coudes glissant son regard éteint dans ma direction. J’étais certaine qu’il m’avait trahie, m’ayant vu monter à bord de ces blindés aux larges chenilles. Je fondis en larmes avant même d’avoir atteint la seconde porte à herse flanquée de deux mitraillettes lourdes. Il répétait mais pour lui seul qu’il était désolé, je n’en croyais pas un mot. Ici tous œuvraient pour m’affliger la pire des humiliations et trop bouleversée pour rester en bas avec les autres je filais vers le donjon suivit par Aaron.
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Enfermée dans le donjon, dans notre partie je partis me mettre au lit accablée de reproches. J’y restais assez longtemps pour ne plus avoir envie de bouger pour le restant de la journée. Le porte s’ouvrit sur mon bourreau, mon tortionnaire et tournée face au mur je fermai les yeux en serrant fort mon mouchoir humide dans la paume de ma main. Il osa s’assoir sur le rebord de ma couche ce qu’il ne faisait jamais, excepté les jours de convalescence quand mon état de santé nécessitait des soins particuliers. « Riley…. Les temps sont difficiles pour tout le monde ici. notre avenir est incertain et je dois prendre des décisions pour tout et chacun pour éviter que le chaos ne s’installe ici. Les jeunes et les femmes désertent en nombre. Les hommes comme Dunheim ne s’en soucient guère. Eux ont suffisamment de main d’œuvre, de soldats pour consolider leur fort mais nous aussi marchons constamment sur des œufs ; Contrairement à ce que tu crois je n’ai pas cherché à t’offenser mais seulement à te faire prendre conscience que tu es importante ci pour nous tous. —Tu ne tiens pas compte de mes choix. tu te fiches de savoir ce que je veux ! —C’est faux et tu sais que jamais je ne chercherais à te nuire. Il faut que tu t’ôtes cette idée de la tête. Nous formons une unité mais pourtant si fragile ; Aujourd’hui les hommes me font confiance mais demain je devrais descendre dans l’arène pour briser les casseurs, les objecteurs de conscience et les voleurs. Ceux qui manifestement n’ont aucune idée de la fragilité de notre équilibre. — Tout tourne autour de toi. Tu es incapable d’écouter les autres. Tu t’es autoproclamé chef et tu agis comme un tyran ! Un jour je partirais que tu le veuilles ou non Christian ! Je ne resterais pas un jour de plus avec un monstre comme toi !maintenant laisses-moi tranquille ! » Je venais de faire mouche. Pour la première fois de ma misérable vie je venais de lui clore le bec. Il resta silencieux puis inspira profondément.
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« Si tes arguments tiennent la route alors je te laisserais partir. —C’est mon choix, pas le tien ! Et je ne suis plus une petite fille mais une femme capable de prendre ses propres décisions ! —Près de moi tu n’as rien à craindre. —Mais je ne veux pas rester près de toi ! Tu ne cesses de dire à tous que je ne sers à rien ! —Non c’est faux ! C’est faux, riley. —Tu nies en block mais tu n’as pour moi aucun égard ! Je te suis insignifiante, avoue-le une bonne fois pour toutes et laisses-moi partir loin de tes reproches. —Tu es… tout ce qui me reste sur cette terre et… quand on est venu me dire que tu étais dans l’un de ces blindés alors je… j’essaye de faire ce qu’il faut pour que tu sois heureuse et je n’ai malheureusement pas de mode d’emploi. J’aimerai seulement que tu me dises ce qu’il faut que je fasse pour cela. —Tu sais très bien ce qu’il faut que tu fasses. Je veux que tu me laisses tranquille. A jamais ! » Alors il quitta mon lit pour gagner le sien. Je l’entendis déplier le bout de papier qu’il revint ensuite poser contre ma tête. Maintenant il savait et aussi étrange que cela puisse paraitre, ce dénouement me donna des ailes. Je n’étais plus une victime puisque j’avais réussi à mettre en déroute Christian. Plus jamais il ne me verra comme un être faible et je comptais sur mon nouveau pouvoir pour le tenir en respect. Le reste de la semaine fut mrne. Je ne sortais pas de ma tour ; les rares fois où je le faisais je me heurtais au regard des autres. Je n’échangeais plus vraiment avec gerry non plus ; or ce dernier depuis tout temps n’avait pas cherché à me nuire. Pourtant nous restions là l’un à côté de l’autre sans n’avoir rien à se dire. Son regard semblait vouloir dire : Accroches toi Riley, un jour tu obtiendras gain de cause mais en attendant continues de souffrir en silence ! Et les deux compères continuaient leur existence sans plus se soucier de ma personne.
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J’avais eu raison de penser à ce que j’avais pensé à leur sujet. Un soir Christian déposa une petite enveloppe sur la table non loin de mon livre. Il semblait être nerveux et ses yeux brillaient d’un éclat peu ordinaire. En ouvrant le paquet je tombai sur une magnifique paire de boucles d’oreilles. « Ce sont des vraies…. De la topaze et de l’or. Si tu pars pour le Nord tu auras besoin de faire du troc. L’or reste une valeur sûre. Elles sont à toi. » Le bonheur devait se lire sur mon visage. D’un bond je me levai pour passer mes bras autour du cou de Christian ; il ne s’était pas attendu à pareille manifestation de joie de ma part et des plus fébriles je sortis une boite de dessous mon lit pour ajouter à ma collection personnelle d’objets de valeur. Christian debout au milieu de la pièce me suivait des yeux, une ébauche de sourire sur ses lèvres dissimulée sous sa fine barbe. Oui j’étais heureuse qu’il accepte enfon mon désir de rallier le nord. « Et quand partiraisje ? » Questionnai-je en reprenant place à table. Il ne répondit rien, perdu dans ses pensées. « Quand tu seras capable de te débrouiller par toimême, répondit ce dernier. Au fil des semaines nous constituerons ton trousseau et le plus tard sera le mieux. La situation là-bas n’est pas tout à fait stable. Les colons peinent à survire dans ce no man’s land mais rien n’est impossible si on y met le prix. —As-tu déjà été dans le nord ? —Je suis allé partout avant de trouver cet endroit. C’est encore ici que nous sommes le mieux. Certains endroits sont dépourvus d’humanité, on parle de cannibalisme et de repères de truands. Il y a des endroits où aucun soldat aguerri n’aimerait y poser le pied mais avec le temps et ton expérience tu arriveras à survivre dans tout ce chaos. » Le sourire disparut sur mes lèvres. Il venait de parler de cannibalisme ou je me trompai ? Un frisson parcourut mon dos et plus aucun son ne sortit de mes lèvres.
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« Mais je ne me fais pas de soucis pour toi. Tu es une battante Riley. Tu nous l’as prouvé en nous dévoilant un nouveau trait de ta personnalité. » Que voulait-il dire par là ? Il partit en me laissant réfléchir à tout cela On parlait du nord comme d’une terre d’asile, un Eden possible pour ceux qui n’avaient plus de foyer depuis des dizaines d’années. Aaron avait été dans le nord. Peut-être pourrait-il me renseigner ? je le trouvais à la forge, occupé à colmater une pièce de rechange pour la machinerie de notre camp et quand il me vit un timide sourire apparut sur ses lèvres. « Ainsi tu n’es plus fâchée, Riley ! Je suis content de le savoir. J’ai crains un moment que tu m’en veuille pour cette intervention un peu musclée de la semaine dernière. » il enfila un tshirt sur son torse imberbe et je comprenais à présent pourquoi certaines jeunes femmes gloussaient en le voyant paraitre si peu vêtu. Tirant sur les manches de mon pull, je ne pipais mot. D’abord parce que bruit environnant recouvrirait ma voix et pus ensuite parce que je ne savais comment amener le sujet du nord. « Est-ce que ça va riley ? C’est ma pause….sortez un peu si tu veux ; » Docile, je le suivais à l’extérieur près de l’escalier de pierre. « Tu as été dans le nord. Comment estce ? » Il me saisit par le bras pour me conduire à distance de ce passage. Petite sotte ! T’imagines-tu qu’il te dira la vérité maintenant qu’il sait que Christian ne tient pas à ce que tu partes ? « Tu veux une cigarette ? Tiens, profitent elles sont d’importation étrangère ? Je les ai échangées contre une vieille pièce mécanique qui ne me servait plus, déclara Aaron en prenant place sous un banc de pierre, à l’ombre du soleil dardant du midi. « Alors que veux-tu savoir sur le nord ? » Alors je m’assis près de lui en rassemblant mes jambes sous mon menton. « Il ya –t-il tant de violence que cela ? je veux dire est-ce que c’est pire qu’ici ? —La violence est partout Riley. Elle est tout autour de nous et elle frappe souvent quand on s’y attend le moins. Les agneaux d’hier se transforment en loups
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quand leurs intérêts se voient être menacés. Mais tant que tu restes ici tu n’as rien à craindre. —Oh, ce n’est pas ce que je veux dire. En fait…. Je ne vois pas ce qui pourrait me motiver à rester ici quand on sait que le nord offre de plus belles perspectives d’avenir. —Tu es une utopiste. Comment peux-tu te figurer que l’herbe est plus verte ailleurs. Ce sont des idioties. Ceux qui partent le font pour d’autres raisons mais certainement pas pour aller s’enrichir. Qu’est-ce que tu lis en ce moment ? —Oh ! J’attaque Steinbeck. Les raisons de la colère. Gerry me la conseillé alors je le découvre. En ce moment j’ai beaucoup de temps libre alors…. » Il me fixait avec intensité, la cigarette se consumant entre ses doigts et il se mordit l’intérieur des lèvres sans me lâcher des yeux. « Je reste persuadé que tu trouveras quelque chose d’utile à faire en adéquation avec ton moi intérieur. Tu n’as jamais pensé à donner des cours aux enfants ? —Euh….non. ils ne m’écouteraient pas de toute façon les gosses et moi ce n’est pas compatible. Tu vois toujours cette fille ? —qui ? Deva ? Oui on sort ensemble. Mais comment….comment le sais-tu ? Tu t’intéresse un peu à moi, dis ? —Gerry en a parlé à Christian et ils disaient que vous formiez un mignon petit couple. Quand un couple se forme ici, tout le monde est très excité à l’idée d’un nouveau foyer qui se forme. Les doyens sont toujours très réceptifs à ce genre de démarches matrimoniales et… Deva et toi comptez rester ici ? —Deva et moi ? C’est un peu prématuré de nous voir fonder un foyer. Deva est charmante et je passe des bons moments avec elle mais de là à dire que je compte lui donner des enfants….pour te dire la vérité on ne couche pas ensemble, c’est purement platonique. Et toi ? Tu comptes un jour de marier ? —je n’intéresse personne. Tout ce que je touche finit par se casser. Difficile d’avoir confiance en soi quand on est comme je suis.
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—mais tu as Christian et il ne tardera pas à te faire sa demande au point où font les choses. —Quelles choses ? » Mon cœur battit à rompre. « Quelle chose Aaron ? » Il plongea son regard dans le mien. « Alors tu ne vois rien ? Riley….tu es tout pour lui ! Pourquoi crois-tu qu’il soit autant sur toi, hein ? Tu ne vois pas ce qu’il se passe mais c’est inédit pour lui. Depuis toutes ces dernières années il a consacré son temps aux autres et tout le monde sait ce qu’il a enduré pour en arriver là et toi tu arrives avec toute ton innocence, tes beaux bruitsyeux translucides et ta moue boudeuse. Tu es à l’image de la Vierge épinale devant laquelle les hommes se mettent à genoux pour expier leurs fautes. Et il est là sans cesse à te demander pardon mais tu ne le vois pas, tu refuses seulement de le voir parce qu’il t’aime. Chaque fois que tu tombes il est là pour t’aider à te relever et l’épisode fâcheux avec dunheim a exposé aux yeux de toutes ses faiblesses d’homme. Maintenant si tu décides de partir pour le Nord il en crèvera, lentement, inexorablement. Ma pause est terminée, je dois y aller. » Il jeta sa cigarette au loin et abasourdie par ce que je venais d’entendre, je restais interdite, incapable du moindre mouvement. Voyons, voyons Riley ! N’avais-tu rien vu ? Es-tu à ce pont si idiote , Je partis me cacher dans ma super planque, l’endroit connu de moi seule là où enfant j’aimais m’y réfugier pour échapper à la méchanceté des hommes. Combien de fois y étais-je venue pleurer ? La nuit tombe vite et mes peines s’évanouirent avec l’obscurité des lieux. Tous mes chagrins s’évanouissaient en comprenant les allusions d’Aaron à mon sujet. Demain serait un nouveau jour.
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CHAPITRE 2 Le matin aux aurores, la terre se mit à trembler. Il y eut comme des bruits identiques à de longs sifflements quand l’alarme se déclencha. Christian quitta son lit et nous intima l’ordre de sortir au plus de notre couche. L’e téléphone de la tour de contrôle sonna dans la pièce et Christian décrocha. « Attaque de niveau une ! On est attaqué gerry ! Rassemble tous les hommes dans la zone neutre ! » Et gerry me poussa hors de notre dortoir. Les sifflements se rapprochèrent et les murs tremblèrent autour de nous. Une seconde salve fit couper le courant et à tâtons je m’accrochais au bras de Christian. « Ce sont des mortiers ! Ces salauds nous attaquent avec des pièces d’artillerie ! —Merde ! Mais ce n’est pas possible et qu’est-ce qu’ils attendent sur riposter ! —Ils se défendent mais cela ne sera pas suffisant. Tu vas à la salle de contrôle et tu vas prendre le contrôle des opérations, gerry ! Je ne veux pas qu’ils franchisent le premier mur d’enceinte. On se retrouve plus tard ! » Il m’entraina derrière lui et on remonta l’escalier dans la semi pénombre. Une fois dans notre appartement il sortit un foot locker de dessous son lit et l’ouvrit pour en sortir des armes dont un fusil semiautomatique, des munitions dans un havre sac et des grenades. Il récupéra une lampe torche et autant de choses pour notre salut. Dehors les armes lourdes crépitèrent. Puis il y eut une accalmie. Il m’équipa de tout ce matériel et m’aida à passer mon long manteau noir afin de dissimuler toute cet arsenal. « Tout se passera bien si tu restes près de moi. Tout cela serait pour le cas où l’on se retrouverait séparé. Ne fait confiance en personne et quoiqu’iil se passe…. Gardes en tête que tu m’es importante. » En tremblant je le suivis. Partout on courrait et atteindre le mur d’enceinte fut une épreuve. Une sorte de fumée montait vers lex cieux quand nous découvrîmes l’étendue des dégâts :
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des murs entiers avaient été emportés, éventrés et déchiquetés. Des corps emportés par les mortiers gisaient désordonnés dans la haute cour et emerson vint faire son rapport à Christian. « Ils ont deux tanks sur la façade nord et ouest ! Une dizaine de mortiers et ces engins plus gros qui lancent des obus de 12 ! On a compté une cinquantaine de fantassins mais ils sont certainement plus nombreux, Statham ! On a repoussé le plus gros mais….avec ce qu’ils ont apporté, pas certain que l’on tienne, à moins d’une putain de diversion ! » Christian étudia chacun des hommes postés autour de lui, l’arme à la main, les meilleurs de sa garde rapprochée. Les autres se trouvaient être sur le premier mur d’enceinte. « Où sont Dany ? Et grant ? je veux Hollom ici et greyson ! —Greyson est mort. —Alors trouvez-moi quelqu’un qui puisse tenir tête à ses furies ! » Il lorgna à travers ses jumelles avant de quitter le mur pour descendre vers moi. « Cela va canarder et cela ne sera pas beau à voir ! Que tous les hommes valides soient prêts à se battre et poster nos mortiers sur l’axe nord-sud-ouest ! Dégagez-moi ces canons de ce mur ! C’est le mur d’en bas qu’il faille défendre ! Où est Gerry —Il est avec la première unité, répondit Aaron tout en se mordant l’intérieur des lèvres, et on est ici à sa demande. Il s’agit des hommes de Dunheim. —Comment le sais-tu ? Ont-ils exprimés leurs revendications ? —ils ont tiré aux mortiers quand ils ont deux chars et des armes susceptibles de nous infliger de cruels dégâts. Ils ne cherchent pas à dégrader les bâtiments mais à instaurer une atmosphère de chaos. On est à leur merci et seul Dunheim est assez perfide pour ruser de la sorte. —Qu’est-ce que tu connais de Dunheim, questionna Pitt derrière ses jumelles. —Je sais ce qu’il convoite et ce qu’il est prêt à faire pour l’obtenir. Depuis ces derniers mois il multiplie ses visites et dressent un plan précis de notre
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artillerie. Il connait les lieux par cœur et connait maintenant nos habitudes. Qui sinon lui oserait nous attaquer quand nous disposons là d’assez d’armes pour réduire à néant tout un camp de taille modeste ? —Aaron a raison, argua Christian, il sait quoi trouver ici nous ne les laisserons pas faire. Allez me chercher Gerry. » Pendant deux heures il ne se passa rien nous étions néanmoins tendus comme de la ficelle et personne n’osait parler de peur de voir siffler les pièces d’artillerie au-dessus de notre tête ; A deux heures on ramena un type, un barbu tout en muscle qu’on ramenait à Christian comme un prisonnier ; « Il a demandé à nous parler mais quand il a commencé à insulter nos hommes et a cassé le nez de Graham alors on a du prendre quelques précautions supplémentaires. Maintenant il est à toi ! » On conduisit l’homme à une pièce sombre aux fenêtres condamnées par des barreaux. Lui ne cherchait qu’à se battre et alors qu’on l’attachait solidement à la chaise il trouva à casser le nez de Bell par la force de son front. Ils durent s’y prendre à quatre pour le maintenir. « Tu voulais me parler c’est ça ? Questionna Christiane en prenant une chaise pour s’installer à l’autre bout de la table. Derrière la vitre sans teint je ne perdais pas une vue de l’interrogatoire. —Si c’est toi Statham, alors ou. Il parait que c’est toi qui dirige ce camp alors mes hommes et moi on veut cinq kilos de patates et tous les navets que tu as ici en échange de quoi, on sera en bons termes toi et moi. Tu dois bien avoir cela en stock ? —C’est en réserve il suffit de demander. Dis-moi plutôt ce que tes hommes pensent de l’accueil que nous leur réserverons une fois qu’ils auront eu la sottise de franchir notre mur d’enceinte ? —Je t’aime bien statham, mais tu es modeste. Quand je te regarde là je me dis que tu pourrais obtenir bien plus. Cela m’ennuie de te le dire mais ceci ne constitue pas ta fortune personnelle. Tout ceci ce n’est que du vent. Un empire s’offre à toi mais tu le
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décline pour…. Quoi, au juste ? Quelques jours de gloire comme celui-ci ? Oh, en fait mon nom est Hux et je suis ici pour que tu prennes conscience de tout ce qui t’échappe.
—Tu l’ignores peut-être mais il tient beaucoup à toi. C’est ce qui le rend faible. Il pensait que son cœur s’était éteint depuis des années et tu es arrivée. Toi et tes eaux yeux, sourit-il en fronçant les siens. De quelle couleur sont-ils exactement ? Je me suis toujours posé la question. Je ne peux rien pour toi, poursuivit-il en roulant sa carte pour l’insérer dans un cylindre. C’est encore ici que tu es le mieux. » Il se leva et je l’imitai. Il me dépassait de trois têtes et sa main se posa sur mon épaule. Dans pareil moment j’eus envie de dire : Emmènes-moi loin d’ici ! Je ferai tout ce que tu me demande. Pitié ! Mes lèvres restèrent scellées. Il était là à me fixer, puis me dévisagea avec une pointe de concupiscence au fond des yeux. « Cependant je suis d’accord avec toi. Personne ne peut t’obliger à rester ici contre ton gré. A quoi pourrais-tu nous être utile, Que sais-tu faire de spécial ? Rien ? Cela m’étonne de part de Christian. Il est si pédagogue, si passionné et si généreux que les petits chanceux qui ont eu la chance de le côtoyer sont pour les moins devenus des gens de valeur. Je parle de Aaron Biggs, Johsua Below, Tim Bridge, Hamon Wheeler et j’en pense. Tous sont actuellement des hommes de valeur, argua ce dernier en s’asseyant sur le rebord de la table. Mais toi….tu sembles t’être embourgeoisée. Cela te fait quel âge maintenant ? —Dix-sept ans !
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—Tu es encore bien jeune et inexpérimentée. Que ferons-nous donc d’une gosse à peine formée, sur le plan moral, je parle. Tu ignores tout de ce monde et je ne prendrais aucun risque avec toi. C’est la guerre dehors ! Pour pouvoir prétendre gagner les nouvelles cités, il faut être capable de vivre en autarcie, produire sa matière première, capable de pouvoir négocier avec les plus forts et surtout, être capables de prendre de bonnes décisions. Ce que je doute que tu sois capable de faire. Tu comprends Riley ? Tu es encore trop vulnérable et….je ne veux pas prendre ma part de responsabilité en te faisant venir avec mes hommes. Ce sont des tueurs qui eux n’hésiteront pas à t’éliminer si le besoin s’en faisait ressentir. » De nouveau il se leva pour se tenir en face de moi. «Dans quelques années je ne dis pas non. Mais pour l’heure tu ne me servirais à rien. Strictement à rien. Peut-être passerai-je te prendre plus tard, précisa-t-il soulevant mon menton de son long doigt fin et aux ongles propres. Il est fort possible que je revienne sur ma décision car après tout tu es un pur produit de Bale. » Son regard fut plus intense et sondeur. Un jour il reviendrait me chercher, je voulais y croire ; et puis il avait l’avantage sur Christian, lui au moins m’estimait assez pour me promettre une vie meilleure que celleci. Ses yeux bleus aussi clairs que les miens semblèrent me dire : Quoique tu décide de faire je te soutiendrais parce que tu es une fille canon . Il ne pouvait me décevoir et notre collaboration serait une sorte de revanche sur le passé. Il resta un moment à me fixer, il fallait s’attendre à ce qu’il change d’avis comprenant qu’il avait tout intérêt à m’accepter maintenant puisqu’étant assez « Vulnérable » pour le suivre. Il regretterait ensuite, se disant qu’il avait eu l’opportunité de me prendre avec lui mais qu’il ne l’avait pas fait par suffisance. Ce qu’il avait de mieux à faire était de garder le contrôle sur ses hommes, leur donner une raison valable de le suivre et comment sinon ce n’était par de la « main d’œuvre » bon
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marché provenant du bazar de Bale. Et Dunheim se pencha à mon oreille. « Il te faut croire en toi, murmura Dunheim une de mes mèches noires entre ses doigts. Tu vas t’en sortir avec ou sans nous, il te faut seulement y croire très fort et ne pas lâcher tant que tu ne seras pas satisfaite. Alors n’aies pas peur de voir loin. » Il fixa mes lèvres avec concupiscence, puis s’éloigna à reculons. « Croire en toi, c’est tout ce qui importe. » Le moteur du camion vrombit et il démarra. Sur le banc du véhicule je serrai mon baluchon. Près de moi se tenait le sergent Evans, un bel homme comme on n’en fait plus. Il m’avait vu monter à bord du camion et discrètement était venu me demander si j’avais eu l’autorisation de quitter le camp II. Avec quel toupet répondis-Je/ « Evidemment ! Tu crois quoi ? » Il n’insista pas et passa à autre chose. Et voilà qu’il se tenait là, près de moi avec ce panneau lumineux clignotant pointant au-dessus de ma tête : Elle est ici la fugitive. Enfonçant davantage la casquette sur ma tête, je surpris tous les regards des hommes posés sur moi ; en fait ils me fixèrent comme si j’eus été une pestiférée. Au moyen-âge peut-être m’aurait-on brulée pour moins que cela ? Soudain le camion pilla et je fus projetée contre mon voisin qui assistait me houspilla. « Tu ne peux donc pas faire attention ? » Le sergent Evans quitta son banc pour aller jeter un air à l’extérieur. Pourquoi s’était-on arrêter ? Et j’eus la réponse en entendant Bale discuter avec un autre. « Elle est sous ma responsabilité Dunheim et tu le sais ! —ce n’est pas comme si je ne lui avais rien dit, Bale. Ta petite n’a manifestement plus envie d’être en second plan, répliqua Dunheim sur un ton jovial. —Descend de ce véhicule Lynn, descend tout de suite ! » Grand silence autour de nous. Comment lui dire d’aller se faire foutre tout en restant poli ? Avec courage m’entendis-je dire : « non ! » Nouveau silence, cette fois-ci agacée, les guérilleros autour de moi me lançaient des regards sombres, puis l’un d’eux brisa le silence. « Il te demande gentiment de descendre Lynn
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alors ne nous fait pas perdre du temps ! » Un autre ricana ce qui eut pour effet de me rendre plus ridicule que je ne l’étais. Voyez cette petite bécasse qui pensait s’en tirer facilement ! Véritable tire-au-flanc, mais elle croyait quoi celle la ? « S’il te plait…Lynn… » De retour au fort je partis m’enfermer dans cette espèce de débarras qui me servait de chambre. Une fois plus je m’étais ridiculisée, pareille humiliation ne pouvait être vécue. Jamais plus je n’apparaitrais à la face du monde ! Plus jamais ! Je préférerai encore me jeter dans le vide et aller m’éclater le peu de cervelle que j’avais en contrebas des murs d’enceinte. Encore que….je pourrais arriver à me louper. Je n’étais qu’une ratée, qu’une ratée, qu’une ratée. Merde ! Comment pouvait-être aussi con ? Christian vint toquer à ma porte le lendemain de cette aventure avortée. Il tenait dans sa main un paquet recouvert de tissu qu’il posa sur mes cuisses. « je comptais te l’offrir pour ton anniversaire mais j’ai pensé à juste titre que tu apprécierais de l’obtenir maintenant ! —Je ne veux pas de tes cadeaux. Et puis….qu’ai-je fait pour mériter ça ? —C’est vrai. Tu as probablement raison. Tu n’as aucune raison de vouloir te montrer joyeuse et heureuse quand je me montre si intraitable avec toi. J’ai conscience d’être un peu trop sur ton dos quand les jeunes femmes de ton âge mènent une vie plus oisive. J’ai tort de te demander d’être meilleure que les autres quand tu n’aspires qu’à être toi-même. Et je n’ai pour autant jamais chercher à te blesser. Je voulais seulement te faire réagir pour qu’un jour tu puisses t’en sortir seule, sans gerry ni moi ; que tu puisses ne rien devoir à personne. C’est tout ce que je veux pour toi —Je ne peux pas…..rester ici ! Et tu le sais bien ! » Lançai-je au bord du désespoir. Il devait savoir ce que j’avais sur le cœur depuis tout ce temps, cette existence était un tel cauchemar ! Soudain contre toute attente, il saisit ma main dans la sienne qu’il serra comme pour mieux jauger ma faiblesse physique
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autant que moral et il fit un geste insensé comme me serrer tout contre lui dans l’espoir de me voir calmer. Il ne lâcha ni ma main, ni cette étreinte. Acculée je devais me livrer toute entière à cette démonstration de force ensuite il dirait à tous comment il est parvenu à dompter cette bête sauvage que je suis. Il m’encourageait à fermer les yeux, à imaginer un grand champ de coquelicots….j’aimais cela, la nature champêtre et ses verts pâturages. Les oiseaux pépiaient ici et là, des enfants courraient en tirant derrière eux un cerf-volant. Le soleil me réchauffait la peau et il était aussi chaud que sa main.
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[Epilogue]
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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France
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