(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)
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LA VANITÉ DES
ACCESSOIRES [Sous-titre]
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Du même auteur Aux éditions Pollymnie’Script [La cave des Exclus]
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MEL ESPELLE
LA VANITÉ DES
ACCESSOIRES
Polymnie ‘Script
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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
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[Dédicace]
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[PrĂŠface]
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Chapitre 1 A la lueur des bougies, des candélabres, des bougeoirs, enfin de tout ce qui brillait l’assemblée se tenait là dans le salon d’hiver de Maincoat Line ; derrière le rideau cramoisi on pouvait voir les Lord Graham, Byron, le colonel Wicksell et son adorable épouse ; les ladies Susan, Helen, Catherine Wilkinson ; tout ce beau monde réuni là pour une fin de soirée aux couleurs des enfants de la maison. En deux mots l’histoire se situe en Inde, un clin d’œil au dernier voyage de lord Edward se tenant assis, là-bas, près de sa radieuse fiancée Sybil qu’il n’est plus nécessaire de présenter. Cela fait un mois que l’on répète tous les jours, matin et soirs et ce 7 mai sera une grande première ; pour faire bien on a envoyé des invitations disant : Vous êtes tous conviés à une réception dans le palais des maharadjahs Joffrey et James. Le lieu de toutes ces réjouissances est dans le salon vert. Merci à tous pour votre présence ! William rédigea les invitations qu’il reproduit une bonne dizaine de fois pour les besoins de la pièce. Et puis il a fallu penser aux costumes, ceux des petits et des plus grands, en tout assez de costumes et d’accessoires pour remplir les réserves des costumiers de
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Covent Garden. Toutes les domestiques s’y sont mises et j’ai confectionné moi-même mon sari. Un travail de titan pour le côté colossale de cette entreprise et de fourmis pour ce côté minutieux. Les enfants sont impatients de jouer leur première pièce devant un reluisant parterre car trié sur le volet et il faut les maintenir en place, les faire répéter encore et encore sur les tirades les plus complexes. Et Jack déguisé en page rentra sur scène sous le son d’une flute et d’un tambourin. Profondément il salua son public, les mains jointes : « Vos grâces, ici ce soir sous vos yeux ébahis se jouera Nuit et Songes selon Hircoust, Première partie du Livre 1 » Déclara la petite blonde en zézayant et disparut faisant place à des applaudissements enthousiastes. Derrière cet écran, mes yeux passèrent à l’un et l’autre des convives craignant de les voir s’agiter et quitte la scène en plein désespoir de cause. Au piano Christian joue une partition inspirée de l’œuvre de Lully, compositeur attitré du Roi soleil. Christian selon son précepteur était doté d’un sens inouï de la mesure. Là je vis Mr Alexander saisir un brandy sur le plateau d’argent tendu par un valet en livrée, le cigare coincé entre ses lèvres. « Les enfants forcent le respect et l’admiration par leur imagination et leur spontanéité, l’ai-je souvent entendu dire quand il n’est pas à compter fleurette aux coquettes accompagnants son galant de cadet, le très réputé Richard. Je fis signe à Aurelia de venir et elle prit immédiatement Agatha par la main afin d’envoyer des pétales de rose sur la scène et ainsi accueillir le maharadjah interprété par notre bel Octave. Les mères n’ont pas
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terminés de s’émerveiller par les prestations de leurs petites têtes blondes. « Oh, bravo ! Qu’ils sont mignons ! De si adorables chérubins ! —Et c’est ainsi par une nuit noire et pleine d’étoiles que surgissent le maharadjah et la rani…ils viennent pour vous raconter leur histoire » Déclama Aurélia en sautillant sur ses pieds. Les jumelles s’installèrent sur les marches imperturbables. Puis la pièce commença. Elle devait durer quarante cinq minutes avec une entraide après les vingt premières minutes. Cela me prit deux jours pour l’écrire, deux jours pour la corriger et la mettre en scène, distribuer les rôles et dessiner de brefs croquis pour les décors et les costumes. La gouvernante des enfants que j’apprécie plutôt bien de deux ans mon aînée m’a aidée plus qu’elle n’aurait pu le faire et ce, jusque tard dans la nuit. Louise Deville puisque c’est son nom nous vient de Paris et c’est sa première expérience dans le métier. Le salon fut en chantier pendant trois jours. Pendant l’entracte, on souffla tous et sans relâcher pour autant la pression je courrais derrière Ashley pour épingler son épaule. Du haut de ses quinze ans, Ashley est d’une beauté provocante et solaire comme sa sœur Sybil. En plus d’être gracieuse, élancée et cultivée, les deux sœurs resplendissent et se partagent les compliments des hommes interpellés par leur beauté. J’ai plaisir à m’occuper d’Ashley en ajoutant un peu plus de fard sur ses beaux yeux verts et redessiner une boucle blonde identiques aux vrilles d’une vigne.
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Ashley s’entend bien avec Sir Andrew, fiancée à Tara qui contrairement à moi a de la conversation, de l’esprit et n’ennui personne avec des sujets sans importance, comme dirait Andrew à mon sujet ; bien qu’il ne l’exprime pas, je sais qu’il le pense l’ayant surpris dire : « Elinor ne parle pas, elle braye comme une mule et elle manque de retenue pour tout ce qui n’est pas à sa portée ! » Ma sœur Tara est de petite taille, elle a un visage rond d et poupon et de grands yeux curieux qui n’arrêtent pas de vous sonder. Tout le monde l’apprécie parce qu’elle se confond dans n’importe quel décor, tout comme Ashley qu’elle emmène à Londres à chacune de ses virées. Toutes deux sont devenues depuis peu inséparables et je ne jalouse point cette proximité puisque j’ai pour moi la compagnie de James (de trois ans mon benjamin) avec qui j’invente des histoires. Et je sais que notre Ashley en pince pour le beau James sorti tout droit d’un magazine de mode. Le valet de pied vint m’apporter du champagne et des petits gâteaux et si mère me surprend à boire en douce elle risque de voir rouge. Elle ne me passe rien disant que je manque cruellement d’éducation. Mrs Kidman arriva droit sur moi en gloussant, en pleine démonstration de ses capacités à tenir l’alcool. « Qui devons-nous saluer pour ce petit chef d’œuvre littéraire ? C’est vous Elinor ! Cette pièce est…d’un réconfort, c’est…astral voyez-vous. Toute cette poésie et cette fraîcheur, ah, ah ! Il faudrait que vous veniez jouer Shakespeare chez Andrew ! Votre sœur joue très bien aussi vous savez. On a joué Othello, la nuit des rois, le songe d’une nuit d’été et on va
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attaquer Antoine et Cléopâtre très prochainement ! Je suis persuadée qu’on pourra vous trouver un petit rôle pour commencer ! » Je ne tiens pas tant que cela et je ne tiens pas non plus à débarquer chez Andrew en disant : Hé salut mon ami ! Je ne suis pas invitée dans votre joyeux club d’amateurs de Shakespeare mais on m’a dit de passer ternir le chandelier, alors je suis là ! Il m’enverrait sur les roses et le connaissant il ne mettrait pas de voiture à ma disposition. « Elinor n’a jamais eu besoin de qui que se soit ! » Et puis j’ai de nombreux projets pour les semaines à venir. La pièce reprit pour se terminer par des applaudissements bien mérités. Nos petits ont été merveilleux ; on ne pourrait trouver meilleur ami dans tout le Royaume Uni. « Et qui est ce Hircoust ? Pourrait-il être moi ? Murmura Sir Alexander persuadé d’être à l’origine de ce texte, de ma création littéraire. Parce que si c’est le cas, vous devrez me versez des royalties ! —Oh Alexander, vous vous méprenez complètement sur mon inspiration. Ces dernières sont aussi célestes que la muse Polymnie et cette enveloppe ne siéra pas à un homme vivant bien loin de tout raisonnement logique puisque l’art vous semble si illogique, échappant totalement à la rationalité qu’il vous plait tant de suivre. —Ah, ah ! On dirait qu’elle vous connait suffisamment pour savoir où vous vous situez et il semblerait que vous n’ayez pas votre place dans ce shamas artistique. Ah, ah ! S’amusa Tara en prenant son air taquin qu’on lui connait tant. Dommage que Lord Gorse-Bane ait manqué cela !
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—Son absence se fait encore remarquer, souligna Lord Edward faisant tourner son cognac dans son verre. Il se fait encore désirer. Il y a bien longtemps qu’on ne l’attend plus. On ne l’attend plus nulle part ailleurs. —Ne soyez pas amer Edward, on sait qu’il est très occupé maintenant qu’il a ce poste au Ministère des Affaires Etrangères ! Renchérit Andrew vautré dans son confortable fauteuil. La vie en communauté ne lui sied guère. Il dit apprécier avant tout la quiétude d’un cabinet de travail poussiéreux et rempli de vieux bouquins que plus personne ne lit plus ; à moins que ce sont nous qui n’ayons plus le courage de les comprendre. Alexander ne me contredira pas là-dessus. —Antique et poussiéreux, oui ! Il a toujours su très mal s’entourer, ricana Alexander sans me lâcher des yeux. Peutêtre que votre jeune sœur, Tara pourrait y trouver de l’inspiration. » Je lui répondis par un sourire forcé ; ma sœur sourit en retour, faisant claquer son éventail devant son nez légèrement retroussé. « Ma sœur est officiellement fiancée au jeune frère de ce dernier. Le beau et ténébreux Alon. Nous devions tenir cette information secrète jusqu’à ce soir mais étant donnée l’heure, il est certain qu’ils ne viendront pas ce soir. A moins que je ne m’abuse ! » Tous les regards convergèrent vers moi. « Une autre fiancée ? que vous devez être ravie, lança Mrs Wilkinson sortie de sa torpeur. Deux filles à marier dans la même année et qui plus est, de fort bon partit ! Le cadet Gorse-bane est si délicieux à ce qu’on raconte et si beau garçon ! »
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Les chiens aboyèrent de bonne heure. Castor et Pollux s’en donnaient à cœur joyeux. Ma chambre donnait sur la cour, personne ne voulait cette chambre que l’on jugeait bien triste car exposée plein nord ; tant que j’avais pour moi assez de lumière pour écrire, je m’en fichais bien. De style élisabéthain, cette chambre était depuis toujours mon sanctuaire, mon antre de paix. J’y écrivais, cousais mes tenus de scène, invitaient les enfants pour les répétitions, bricolais toutes sortes d’accessoires et pour rien au monde je l’aurai déserté pour des appartements plus grands, plus austères et bien moins propice à la réflexion. Louise Deville vint frapper à ma porte escortée par Octave et les jumelles. « Vos invités viennent d’arriver Miss Elinor ! » Je courus comme une folle, des aiguilles accrochés à la manche bouffante de mon corsage, de l’encre en souillait la dentelle mais je n’avais pas le temps de me changer, troquer cette robe de taffetas bleu pour quelque chose de plus conventionnel me serait impossible pour l’heure. Mon cœur battait furieusement dans ma poitrine. J’allais enfin revoir Alon, mon bien aimé. Il se tenait dans le salon et en le voyant je sautai dans ses bras sans la moindre retenue et ma sœur Tara de se lever. « En voilà donc des manières ma sœur ! Et voici ma jeune sœur Milord, notre romancière et talentueuse auteure de contes, Miss Elinor ! » Je n’avais d’attention que pour Alon au large sourire et à l’œil brillant. « Avez-vous fait bon voyage Alon ? Veuillez m’excuser Milord je manque à tous mes devoirs ! Soyez les bienvenus à Maincot Line ! »
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L’ainé des Gorse-bane me salua profondément. « mes hommages Miss Elinor. Il me tardait de rencontrer celle qui depuis de longs mois fait battre le cœur de mon cadet. Il ne m’a pas menti, vous êtes….pétillante. —Ne me flattez pas je pourrais prendre goût ! Où sont mère et les autres ? —Ils sont tous sortis mais ils ne devraient pas tarder. Sir Andrew et Alexander sont partis chasser….s’il vous plait Milord, venez vous assoir ! Nous allons faire servir le thé. Oh ! Permettezmoi de vous présenter Miss Asley, sœur de Miss Sibyl Ascot, une de nos cousines du Dorset. Et voilà mes autres cousins du côté des Granville…Christian, la cadet de cette petite tribu, Octave, Aurelia et Agathe. L’ainé Charles est partie chasser, fort possible qu’il nous ramène du gibier pour le déjeuner ! » Discrètement je pris Alon par le bras pour le conduire à la fenêtre. Il rougissait, je le sentais fébrile et nerveux ; il y avait de quoi ceci dit. Elégant dans sa redingote bleu-Roy il passait pour un dieu vivant avec ses boucles bien dessinées tombant dans son col, ses yeux à l’expression d’intense candeur et ce sourire qui à chaque fois me faisait fondre. « J’ai tant de choses à vous faire lire…. —Elinor ma chérie, pourquoi ne pas leur montrer le parc ? » Nulle envie d’aller dans le par cet Ashley se rapprocha de nous et de ses grands yeux de biche étudia attentivement mon Alon. « Oui nous pourrions aller jusqu’à l’étang ? » Pour quelqu’un qui avait une sainte horreur de marcher, je trouvais son initiative un peu intéressée.
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Les autres arrivèrent peu de temps après, d’abord nos chasseurs puis ma mère et ses amies. Tous se pressèrent autour d’Alon, on le pressa de questions et sans rougir répondu le plus honnêtement possible. Accrochée à son bras, je déambulais des plus fières. La taciturne Edward ne sembla pas se prêter à la liesse générale, tout comme ce Gorse-Bane, tous deux restaient dans le coin sans rien échanger avec quiconque. Andrew et Alexander se mêlaient à toutes les discussions, joignant leur bonne humeur à celles des femmes dont les Wilkinson, les miens et les Lord graham, Buron et le colonel. On sonna l’heure du déjeuner. « Dites voir Miss Elinor, est-ce que ce Gorse-bane a décidé de se montrer amical aujourd’hui ? Questionna Alexander en me retenant par le bras. Je sais que vous n’êtes en rien responsable de ses humeurs mais s’il continue ainsi e doute que nous trouvions quelques intérêts à sa compagnie. —Vous n’êtes pas obligé de l’apprécier mais de grâce n’en montrez rien ! Vous m’en affecterez ? Je tiens tant à ce que tout se passe pour le mieux. Contentez-vous d’un sourire de circonstance et votre aversion pour cet homme sera vite bien oubliée ! » Le déjeuner terminé nous laissâmes les hommes au fumoir pour se retrouver dans le petit salon et là Tara me caressa tendrement la joue. « Que vous devez être heureuse Elinor chérie ? Il est charmant et je ne cesserais de le dire. Quant à son frère….il n’a rien dit de tout le repas. L’ennuie-t-on à ce point ? Or nous avons dans l’idée qu’il se plaise ici car son frère sera bientôt le mien
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et nos rapports ne peuvent être ternis par la froideur de l’ainé trouvez un peu ce qui l’égaye, vous êtes douée pour cela. Il a forcément des passions et nous devons tirer profit de tout cela pour nous en faire un allié. Mère propose une promenade pour la fin de journée. L’occasion pour vous de cerner notre futur frère. » Peste soit les ballades quand nous avions tant à nous raconter ! Engourdie par cette imposante crinoline, tirant sans cesse les jupons pour les ramener à moi je ralentis bien vite mon allure pour n’être plus qu’avec Alon si rigide dans son costume taillé pour l’événement ; depuis des mois nous attentions cette partie de campagne et d’aussi loin que je me souvienne ce benjamin de famille souriait béatement sitôt que j’ouvrais la bouche. « Alors mon ami ! Comment trouvezvous ces gens qui peuplent mon quotidien ? Vous verrez qu’ils sont tous des plus amicaux et désireux de mieux vous connaître. J’ai décrit vos traits et caractères sous un des mes héros. Un colonel des Indes Orientales puisqu’il ne peut s’agir de cela pour le moment et tous pensent que j’e vous ai été fidèle dans mes descriptions. —Et vous me flattez Elinor, c’est un honneur pour moi de voir décrit dans vos œuvres de plume ! —Ce soir aura lieu une courte représentation et vous verrez de vos yeux combien je me suis entichée de ce personnage ! Et il me tarde de troquer cette lourde robe pour une tenue plus exotique. J’espèce cependant que mon spectacle ne vous verra pas rougir. On y abordera entre autres l’ordre chevaleresque, la condition des femmes d’ici et d’ailleurs et….pensez-
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vous que votre frère en soit choqué ? Je l’ai vu hoché la tête de désespoir pendant le repas ; il n’a pas osé nous interrompre dans nos bavardages qu’il doit juger futiles mais je sais reconnaitre quand un homme s’ennuie ou pas. Alors si j’ai pu le froisser par mes propos et ceux à venir, faites-lui savoir qu’il n’en est pas la première cible. » En prenant par le pont surplombant le ruisseau au cours rapide et argenté, Alexander m’attrapa le bras ; il n’y avait pas un gentleman aussi zélé qu’Alexander pour se montrer habile à soulever vos jupons, saisir votre ombrelle et votre bras, porter votre châle quand le besoin s’en faisait ressentir. Toujours prévenant il avait les attitudes d’un bon père de famille ; pour ma sœur et moi il s’agissait d’un père de substitution car à la mort du notre il vint à notre secours payant de sa personne pour que nous puissions continuer à nos déplacer à New Dehli tels des maharadjahs. Tournant la tête je vis Alon fort occupé avec Tara qui aimait à rencontrer mes amis intellectuels, officiers de guerre ou simples sujets de sa Majesté que je considérais tout aussi important que les précédents cités. « Allons bon ! Vous marchez avec peine ; on vous dirait prisonnière de chaînes. Prenez donc mon bras Elinor que nous portions ensemble ce fardeau. Il me plait beaucoup votre Alon. Sir Edward le voit comme un opportuniste dont il faille nous méfier à bien des égards. Les chiens ne font pas des chiens, il finira par se faire remarquer de la sphère politique, quant à Andrew, il lui jalouse sa beauté et son charisme ; on ne pouvait imaginer cela d’un homme qui passe le plus clair de son
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temps à admirer son reflet comme cet autre grec dont le nom m’échappe. Vous savez celui qui a fini noyer car trop occupé à contempler son reflet. —Vous parler de Pygmalion ? —Ne faites pas l’innoncente Elinor, vous savez pertinemment que je fais allusion à Psyché ! Ne vous ais-je pas appris à apprécier la mythologie grecque et latine pour ne plus craindre de confondre Achille et Hector ! Non félicitations, vraiment ! Il est charmant et ici plus qu’ailleurs nous admirons la beauté et nous faisons confiance à votre sagesse, vous qui savez voir tous les caractères de ce monde pour mieux les retranscrire sur papier. A quand votre prochain romain ? Il me tarde de le lire, du moins de vous le corriger. Votre sœur sera forte occupée pour les mois à venir et pour ma part je reporte à plus tard mon séjour en France ! —Pourquoi donc ? Napoléon III vous effraie-t-il tant ? Le voyage pourrait en valoir la chandelle, on parle de grandes réceptions et bals aux Tuileries et cette Impératrice est une femme remarquable que j’admire comme j’admire notre reine Victoria. Ce sont toutes deux des femmes de caractère qui seront marquer leur époque par leur inclinaison pour le sens moral et leur grande ouverture d’esprit. Pourquoi ce sourire ? Qu’ais-je dit de si amusant ? —parfait ! Alors que pensez-vous d’un voyage tout frais payé à Biarritz ? Vous et votre mère toutes deux installées non loin de votre lieu de villégiature de l’Impératrice des français. Les eaux de mer feront un grand bien à la baronne et je pense être certain que vous puiserez toute l’inspiration qu’il faille pour écrire son
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prochain roman. Dites seulement oui et je m’occupe de out ! —Oh Alexander ! Vous nous ferriez très plaisir mais ma mère refusera. Son aînée est alitée et elle insistera fermement pour accompagner sa convalescence. L’année prochaine peut-être ? Qu’est-ce que vous en dites si nous rejoignons les autres ? Il me tarde de faire salon et d’échanger les derniers potins à la mode ! » Ashley et moi rentrâmes les autres décidés à prendre le thé sous la tonnelle ; comme nous devions répéter pour ce soir tous les acteurs durent donc mobiliser pour l’ultime répétition qui se teindrait dans le salle de musique. Les petits apprenaient de bon cœur ; il leur était facile de les intégrer dans la représentation. Les plus grands quant à eux, c’était une autre histoire ; jamais d’accord, toujours à tout contester Christian et Ashley n’arrivaient pas à s’entendre, sur aucun sujet. Il fallait constamment que Louise et moi les séparâmes ; et à savoir qui des deux était le plus gâté je pencherais sur Christian à qui l’on cédait toute lubie au risque de lui voir piquer des colères monstres. Petit garçon il nous gratifiait de coups de pieds, de morsures et de stridents hurlements dans nos canaux auditifs. Assise dans ma bergère, les feuillets à la main je les faisais reprendre tel un colonel faisait défiler ses troupes devant lui avant la grande parade. Tel un général je me montrais ferme, peu conciliante avec les ainés mais douce et patiente avec les plus jeunes. Après une demi-heure nous fûmes dérangés dans nos répétitions par l’arrivée impromptue de Sir Gorse-bane. Il semblait chercher son chemin.
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« Nous répétons Sir Gorse-Bane ! Lâcha froidement Ashley. Cette imprudente risquerait de gâter nos relations à venir en congédiant de la sorte le frère de mon aimé. Alors je me levai pour me rendre à lui et le conduire à une chaise, le sourire aux lèvres, ployant sous la dentelle et les passementeries de mes manches. « S’il vous plait ! Dites-nous ce que vous pensez cette partie ? » Et je me mis au clavecin et Ashley se mit à chanter : « O Déesse de la Nuit ! Toi qui en si parfaite heure songe à la douceur exquise des bras aimants ! Fusse pour une heure ou un soir, prenez le temps d’aimer O beauté Divine ! Puisses-tu accordez de voir ce que nos âmes refusent d’admettre comme délicieuse vérité ! » Et toutes deux nous nous interrogeâmes du regard, s’attendant à des applaudissements qui ne vinrent pas. « Comment était-ce Votre Grâce ? Surtout ne cherchez pas à nous ménager ! —C’est exquis et quelle voix mélodieuse avez-vous Miss Ashley ! » Fièrement je la serrai dans mes bras. Elle disait avoir chanté toutes la nuit pour obtenir ce timbre de voix. « Et vous Miss Elinor, chantez-vous ? Vous pourriez accorder vos voix en une sorte de canon qui serait du plus bel effet sur les vocalises notamment. Sur le passage…à la douceur exquise des bras aimants ! Pourriez-vous essayer ? Vous reprenez toutes les fins de couplets ensemble en mi majeur et je serai des plus conquis par votre prestation ! » On chanta de conserve ; comment n’y avais-je pas pensé moi-même ? se sachant écouter par un émérite mélomane, Ashley et moi redoublâmes d’effort. Puis on le vit
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gratter des notes sur l’envers de mon papier et me remplaça au clavecin. C’était tout simplement merveilleux ! Nous tenions là quelque chose que l’Opéra Italien nous aurait envié. Ashley et les autres m’applaudirent déjà occupés à vaquer à leurs respectives occupations. « Vous êtes un grand maitre en la matière Sir Gorse-Bane ! Qu’on vous octroie des musiciens et des cantatrices et vous écrivez un Opéra digne de ce nom ! —Miss Elinor je vous retourne le compliment ! Cependant je ne pourrais rester vous écouter ce soir. Mon passage ici n’aura été que de courte durée je le crains. Vous vons consolerez de mon absence en gardant mon jeune frère près de vous ! Miss Elinor, je fus honoré de faire votre connaissance ! —Mais….pourquoi ne pas partir après le souper ? Votre précipité départ causera le plus profond des troubles ; songez à votre frère ! Il est si nerveux ! .
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[Epilogue]
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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France
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