(Page reste vierge image seulement pour finaliser le choix de la couverture)
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LA VIE DES SANTONS [Sous-titre]
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Du même auteur Aux éditions Polymnie’Script [La cave des Exclus]
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MEL ESPELLE
LA VIE DES SANTONS
Polymnie ‘Script
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© 2014 – Mel Espelle. Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.
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[Dédicace]
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[PrĂŠface]
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Chapitre 1 Les enfants se bousculèrent sur le palier de l’escalier. Hâtez-vous petits agneaux ! Une avalanche de boucles brunes et blondes déboula dans le corridor. Ann peigna la chevelure de Catherine surnommé Birdy. Ah, chaque sortie ne devait pas ressembler à celle-ci ? Et Samuel se faufila entre ses aînés Charles et Thomas en soufflant dans une trompette. Il y a des hurlements quand Meredith se défendit des assauts répétés de Gabriel. Pourquoi fallait-il toujours souffrir de pareil désordre ? Au clavecin Beth improvisa une Fugue sous l’oreille attentive d’Odette, la petite négresse. En compagnie de son frère Joseph et de Louis, Odette occupait les lieux depuis trois ans. Au coin de la pièce les petits la veille érigèrent un sapin plus attrayant encore que celui des années passées. Qu’elle semblait loin cette guerre ! Et sur le chemin de l’église ils se bombarderaient de boules de neige. Il neigeait depuis trois jours. Le ciel semblait s’être calmé mais pour les enfants cette intempérie donnait lieu à toute sorte d’exaltation. Ils marcheraient en se chamaillant et Ann d’aider Nanny à progresser sans difficulté. La main dans la poche, elle remarqua un trou dans son soulier. Et puis cette robe…
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trop petite. Susan devait faire quelque chose. « Demain Ann, demain ! » Toujours reporter au lendemain. Les petits loin devant en compagnie d’Elisabeth, Ann se mit à songer à l’avenir : si père revenait en ce mois de décembre 1778, Elisabeth se marierait avec le fils de l’imprimeur Ellison&Hallard. La bonne chose. Ensuite viendrait son tour. Au fond de la nef son regard balaya l’assistance. Que des vieillards ! La guerre leur avait arraché les biens portant ; il ne restait plus ici que les vieux appuyés sur leur canne, tous grimés pour l’occasion. En tant que cadette de la fratrie, Ann espérait un époux en pleine force de l’âge comme celui d’Elisabeth ; ni trop jeune, ni trop vieux. A vingt ans révolus, Ann angoissait à l’idée de finir vieille fille. Quelle charge supplémentaire pour mère, pensa-t-elle en serrant davantage son bras contre le sien. Il fallait dresser la table et tout le monde s’u colla. Régna dans la salle à manger une réelle pagaille. Ann tendit les assiettes à Beth, cette dernière en tournoyant les disposa sur la table ; Samuel se chargeait des verres et Meredith des couverts : Odette et ses frères disposèrent l’eau et le pain tandis que John, Charles et Thomas parlaient de la guerre devant l’âtre. Catherine connue pour en faire le moins possible arriva, une grosse encyclopédie sous le bras. Papa arrive ! Cette annonce fut l’effet d’un accélérateur et un nouveau branle-bas survint. « Dépêchez-vous il vient de renvoyer la voiture ! —Mère, croyez-vous qu’il ait parlé à Mr Highmore ? —Pas maintenant Ann. Ton père revient de Boston et je doute qu’il soit d’humeur à en parler ce soir ».
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Et Nanny de faire taire ses enfants. Le visage d’Ann devint blême. John Nash entra silencieusement. Charles et Thomas se précipitèrent à son devant pour le débarrasser de son tricorne et de sa cape ; Catherine et Meredith prirent son sac de voyage. « Mrs Nash, mes hommages. Ah ! John mon garçon, comment avance ton droit ? Est-ce que ce Jenkins te met-il suffisamment à l’épreuve ? Je l’espère mon garçon, je l’espère… Le voyage ne fut pas de tout repos mais la quiétude d’un foyer est bien ce qu’un homme espère attendre après pareille sollicitation. Charles ? Comment se passe ton emploi chez le juge Arrington ? Où est donc Thomas, où se cache-t-il ? Ah, déjà dixsept ans et un bel avenir pour notre futur médecin. A l’issue de ces études, il te faudra t’installer à Boston pour espérer des patients dignes de ton intérêt. Mrs Nash, quand mangeons-nous ? Des nouvelles de votre soupirant Elisabeth ? Plutôt sera le mieux n’est-ce pas ? Ah ma pipe ! Merci Samuel, tu sais ce qu’il y a de bon en ce monde. Vous devriez en prendre bonne note Ann ! —John ? Vous aviez promis de ne pas vous montrer irritable pour un sujet qui ne demande que votre attention en attendant un éventuel consentement. C’est la veille de Noël alors tâchons de nous comporter comme des personnes civilisés capables de soutenir un débat sans faire preuve de démonstration de mauvaise foi. —De mauvaise foi Mrs Nash ? Ne mauvaise foi dites-vous ? Dois-je vous brandir la lettre que votre fille à eu l’outrecuidance de m’envoyer ? Ecrit d’une mauvaise plume et elle prétend
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vouloir apprendre un art depuis tout temps destiné à la gente masculine. Enfin, nous serions la risée de tout Philadelphie ! Gardez-vous d’exprimer pareil orgueil Ann Nash ! Contentez-vous de vous dégoter un bon époux, si possible colonel de notre brillante armée à qui vous donnerez de beaux enfants. La guerre faisait rage en cette année 1780 et Jayne Matheson écrira dans son journal : « En ce jour funeste, nous avons perdu 500 hommes parmi la milice, les hommes de troupes ; en face les Loyalistes et les Anglais nous fichent la raclée. Il est difficile de s’approvisionner en eau claire, en nourriture ; nous avons tué le dernier bovin hier, celui-ci provenait de la ferme des Harris à plus de cent miles d’ici ; le ravitaillement pose un sérieux problème car nous manquons d’a peu près tout : médecine, bandage, alcool, cotons, etc. Et pour saper le moral des blessés se confondant dans leurs derniers sacrements et leur désir de retourner au combat, les canons tonnent au loin, et les rendent fous. Nos hommes sont épuisés mais combattifs ». La petite Matheson suivait sa mère dans tous ses déplacements et Laura Matheson ne pouvait se passer de sa cadette ; ici au moins Jayne ne souffrait de l’apitoiement de son père à son sujet car de tous ses enfants elle restait la seule responsable de ses ulcères, ses sauts d’humeur et fatigué de lutter contre l’insolence de Jayne alors quand Mrs Laura Matheson déclara aider sa sœur dans le transport des premières nécessités, il ne manifesta aucun refus. « Excellente initiative ! J’ai toujours pensé
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que les voyages forment la jeunesse ! » Avait-il dit sans penser à la longue attente de leur retour. Les lettres succédèrent aux lettres et dont les réponses devenaient de plus en plus espacées en raison de l’approvisionnement faisant défaut dans cette partie de la colonie. Quand elle le pouvait Jayne rédigeait dans son journal intime ses impressions sur cette guerre ; deux de ses frères se battaient avec le général Washington et aucune nouvelle ne leur parvenait. Et puis la maladie terrassa Jayne. La croyant perdue Laura Matheson retourna auprès des siens pour veiller sa fille mourante. Le 5 septembre 1780, le Colonel Arthur E. Collins vint lui rendre visite afin de lui rendre son journal intime. Alors pour l’occasion on ouvrit les volets, peigna les cheveux noirs de la petite et poudra ses joues roses pour lui donner plus d’éclat. Horrifié par ce qu’il vit il ne se démonta pas pour autant et s’assit près de la jeune femme. « Je suis monstrueuse n’est-ce pas ? Vous êtes le premier a rester aussi longtemps mon colonel. Depuis des semaines la maladie dévore ma peau et bientôt je ressemblerai à un immonde crapaud, la peau tuméfiée et repoussante à faire peur. Ma mère pour me taquiner dit que je pourrais faire une rapide apparition à la foire en tant que femme-crapaud. —Je sais ce que vous avez fait pour mes hommes et je viens vous remercier et…j’ai une ferme, un petit endroit paisible dans les faubourgs de la ville. Je sais que la guerre sévit autour de nous et qu’une fois remise sur pied vous m’oublierez complètement. Je vous apprécie beaucoup
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Jayne, c’est la raison pour laquelle j’aimerai faire de vous mon épouse ». Et voilà comment Jayne Matheson devint Mrs Arthur Collins à la tête d’une grande exploitation agricole de plus de 100 acres ; plus de trente employés et une dizaine de domestiques. Incrédule quant à sa bonne fortune, elle empressa d’écrire à sa mère : « Mère, il y a ici de quoi satisfaire ma curiosité et en plantes médicinales cultivées par les amérindiens, les livres peuplant la bibliothèque de mon époux et le savoir impénétrable de Mr Collins. Comment ne puissé-je pas m’épanouir ici ? » Et Laura conserva cette lettre comme elle conservera toutes les autres au fil des mois, des années et bien vite Mrs Jayne fut une femme accomplie, bonne épicurienne et dont l’altruisme la plaçait au-dessus des autres. Pendant de longs mois elle ne vit son époux et les saisons succédant aux saisons, Jayne attendait avec la dévouée patiente d’une Pénélope pour son Ulysse. Quand il arriva, épuisé et boitant, sa première réaction fut de la surprise face à la resplendissante beauté de sa femme. Il voulut se montrer affectueux envers elle mais n’y parvint ; il s’endormit sur le sofa au coin du feu et Jayne de retourner dans sa lecture. A son réveil, elle l’observait à genoux devant lui. « Je ne pourrais rester ici bien longtemps. Il est préférable que vous partiez vous installez en ville, c’est encore là qu’on est le plus en sécurité. Le Congrés demande à ce que je sois présent à Philadelphie au cours de ce mois « Je peux aller chez Nicolle » Proposa-telle en voyant sa mère compter l’argent pour la énième fois. Compter les pièces ne
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les ferait pas se dédoubler. Nanny ne leva pas la tête. Cette situation l’agaçait et la bonté de ses filles n’y ferait rien. Nicolle leur avançait de l’argent en attendant le retour de John Nash et Nanny n’était plus à un dollar près. « Hors de question ! Mets ton manteau et va chez Mr Highmore ». Quand ce dernier ouvrit la porte il ne manqua pas de la dévisager de la tête aux pieds avant de l’inviter à entrer. « Comment se porte Mrs Nash ? Et vos frères et sœurs ? Je devais passer vos saluer mais avec toute cette neige et la prochaine Assemblée à préparer je n’ai guère trouvé le temps de me détacher de mes fonctions. Des nouvelles de Mr Nash ? Il ne devrait pas tarder. Mais asseyez-vous donc ! Avez-vous mangé ? Alors nous allons y remédier ». Il disparut pour revenir avec son domestique les bras encombrés d’un plateau rempli de victuailles. Assis en face d’elle il l’observa manger du bout des dents. La beauté d’Elisabeth effaçait tous les charmes des autres petites Nash, bien que cette dernière fût à son goût. Il la trouvait parfaitement convenable. A Philadelphie, les coquettes en âge de se marier sortaient plus souvent, fréquentaient de jeunes bourgeois des plus ambitieux, parlaient des exploits de Benjamin Franklin et de Thomas Jefferson ; de biens charmantes compagnies pour tenir salon à Boston ou dans les plantations de la Virginie. « Il vous faudra charger votre frère Thomas de venir rédiger mon courrier. S’il ne peut se détacher, Charles conviendra tout à fait. —Je crains qu’ils ne soient tous deux forts occupés cette semaine. Cependant si
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vous ne faites aucune objection je pourrais être là. Ma mère accueille sa sœur demain, par conséquent…Vous acceptez de me faire travailler n’est-ce pas ? Je ne vous prendrai que cinquante cents. Trente ? —Et vous voilà à négocier cette éventuelle collaboration. Je doute que votre père n’apprécie ce marché. Il verrait là une façon bien perverse d’employer votre temps et le reste de la société vous accuserez de tous les maux dont celui d’abuser de la philanthropie d’un membre du Congrès. Ceci dit je vous trouve bien entreprenante pour une Nash. Impétueuse et prête à tout pour soulager les créances de votre mère. Mrs Nash dit que vous consacrez votre temps à distraire la veuve et soigner l’orphelin. J’admire votre altruisme. Tout à fait entre nous que pensez-vous de Mrs Wellers ? Elle complote dans le dos de cette pauvre Mrs Jenkins que cela en devient édifiant. Que vous voulait Elliot Grant à ce sujet ? —Je crois qu’il a des vues sur Catherine, ma benjamine car après Beth tous les yeux de Philadelphie ne brillent que pour cette jeune nymphe. Alors m’embaucherezvous ? » Le valet arriva et il dut s’absenter ; profitant de l’aubaine Ann mit la nourriture dans un mouchoir de poche. Pour les petits.
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[Epilogue]
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Dépôt légal : [octobre 2015] Imprimé en France
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