Mengzhi Zheng — A table !

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MENGZHI ZHENG À TABLE ! 12. 01 > 17. 02. 2019 GAC (Groupement d’Art Contemporain) Annonay FR

À TABLE ! Mengzhi Zheng, s’il est un adepte du dessin et de la couleur en deux dimensions, est aussi un artiste de la ligne et du volume en quatre dimensions. Ses maquettes, bien sûr, semblent obéir à la loi de la structuration rationnelle de l’espace à partir des trois dimensions connues de tous. Mais elles en incluent une quatrième qu’il faut bien appeler « vide ». Ce vide n’est pas manque, il est action. Il ne cesse de passer entre les pans de couleur et les plaques de bois, de souffler entre les arrondis et les angles, de creuser le silence entre les lignes, d’affirmer qu’il existe quelque chose de non visible mais de sensible qui court entre l’œil et la main comme entre le soleil et la terre. Chacune de ses œuvres, qu’elle soit dessin ou maquette, gravure ou construction in situ, opère à partir de deux forces. La première est une force explosive à laquelle rien ne semble devoir résister. Un vent souffle, inconnu qui emporterait tout si quelque chose d’essentiel ne semblait pouvoir retenir ensemble ces fragments de possible, ces souvenirs du futur, ces structures rêvées. La seconde est une force liante en ce qu’elle parvient à faire revenir ce vent invisible sur la trace incernable de son passage.

Alors en effet, traits ou lignes, échafaudages bancals ou constructions affermies sur leur base de bois, pans colorés ou serpentins de formes évoquant de minuscules maisons se déployant dans la nudité d’un blanc, tout se retient de fuir, chaque élément semblant s’éprendre de celui qui lui est le plus proche. Si le dessin agit, toujours, en relation directe avec la vitalité créatrice, les volumes qui s’installent au croisement entre vide et matérialité, agissent directement sur la chair du rêve qui ne cesse de frémir en chacun de nous. C’est cette chair du rêve qui s’expose ici en une succession de plats à portée de main qui semblent moins nous appeler à les saisir qu’à les prolonger mentalement par un geste. C’est ainsi que nous nous mettons à dessiner et construire et détruire et reconstruire encore, voyageant à travers les formes et les lignes, les couleurs et les plis, épousant le vide devenant le vent. Jean-Louis Poitevin


salle centrale couloir + annexe

salle principale

couloir

Sans titre, eaux-fortes, sĂŠrie 2009-2011.


annexe

salle grand rectangle


NOTE SUR LE TRAVAIL MENGZHI ZHENG — Comme je le fais pour chaque exposition personnelle, je présente mes œuvres en fonction du lieu qui m’accueille. J’ai connu le GAC lors d’une précédente exposition collective « Le monde ou rien » en 2017 et j’avais déjà bien à l’esprit son dessin architectural pour envisager en amont la manière dont je pouvais investir cet endroit lorsque j’ai été invité à proposer un projet. Lorsque je m’installe dans un espace d’exposition, c’est toujours dans l’objectif de lui donner une autre lecture, d’étonner le visiteur. C’est aussi lui donner l’occasion d’un parcours, d’une déambulation dans les formes et les couleurs à travers les lignes et différentes échelles entre plats et volumes. Pour le GAC, je ne voulais rien aux murs afin de m’éloigner d’un accrochage « classique » mais également afin de repenser

— salle principale tables : ensemble de sculptures murs : photographies

la manière dont j’ai l’habitude d’installer mes sculptures. L’idée de surélever un nombre de petites sculptures et les poser sur des tables, m’a paru évident dans la salle principale. Dans la pièce centrale, la grande sculpture sur table, Dedans/ Dehors – Amsterdam, a été réalisé lors de mes séjours dans cette ville et où j’ai été invité à exposer ; à The Merchant House au printemps 2018. C’est le fruit d’une « impression spatiale » durant mes déambulations dans la ville… D’autres suivront. Mon travail parle d’espace. Cela se traduit par des dessins, des gravures et des photographies, mais surtout par des sculptures. Emblématique de mon travail, la série des Maquettes Abandonnées que j’ai entamée depuis 2014. À partir de morceaux de papiers, de cartons et de tout un bric-à-brac que j’ai sous la main, j’ai utilisé de la colle pour assembler ces fragments et à monter des sculptures en mikado. Dans cet exercice, les prises de décisions plastiques se font

— salle centrale table : dedans/ dehors - amsterdam

rapidement. Différents paramètres, comme la couleur ou la courbe, sont depuis venus enrichir le travail. Ce ne sont pas des maquettes d’un architecte, car elles n’ont pas vocation à être reproduites à une autre échelle et encore moins à être fonctionnelles, comme c’est le cas pour une construction architecturale. Si elles sont habitables, c’est pour un instant et par l’imagination. Sur un autre point de lecture dans l’occupation spatial, il y a une autre approche de mon travail à l’espace qui joue sur les plis et les formes. Dans ce cas, la sculpture peut devenir maquette pour ensuite s’agencer « dans » l’espace d’exposition. Ce n’est plus seulement le regard et la projection mentale qui importent au spectateur mais le rapport du corps aux volumes. Le corps est donc davantage sollicité. Le plus souvent, il s’agit de grandes installations dans lesquelles nous pouvons les pénétrer, les traverser, les «habiter », d’une manière transitoire et poétique.

— salle grand rectangle sol : pli/dépli-pour-le-gac tables : eaux-fortes et collages murs : dessin

— couloir mur : dessin et eaux-fortes

— annexe mur : photographies

monochrome jaune eau-forte collage dessin photographie


Espace total. Il m’a paru évident d’occuper tout l’espace du GAC, y compris le grand couloir rectangle séparé par des passages, comme s’il était détaché au reste. Mon intention, dès la première réunion de travail, était de réaliser un dessin géométrique abstrait sur l’ensemble des murs avec des rouleaux de papier de couleurs provenant des usines Canson installées à Annonay, mais la réalisation n’a pu aboutir… Une seconde idée fut d’utiliser les matériaux que j’avais récupérés lors d’une précédente installation dans l’espace des anciens thermes nationaux des Piscines-Pétriaux, lors de ma résidence, invité par le Solarium Tournant à Aix-les-Bains l’été dernier. J’ai constitué un fragment d’un Pli/ Dépli-pour-le-GAC, une structure semblant sortir du mur dont l’autre partie serait encastrée dans le plein que représente le mur. L’installation est articulée comme un dessin au crayon dans l’espace par lequel on passerait en dessous pour se diriger vers les dernières tables où sont

Contexture N°8, 2018. Assemblage divers bois. 29 x 29 x 20 cm.

posées collages et gravures. Les Plissements (les dessins aux murs) nous accompagnent vers la dernière photographie qui nous regarde depuis le mur d’en face et nous emporte vers un autre horizon sans intervention humaine. Dans les différentes salles, je présente essentiellement des pièces récentes. Les plus anciennes n’ont jamais ou rarement été montrées, comme ces eaux-fortes qui marquent le début d’une réflexion sur l’architecture des villes et de ce qui en découle maintenant dans mon travail que vous voyez aujourd’hui. Certaines œuvres sont inédites. La série de photographies « Kuća » (littéralement maison en bosniaque) fait partie d’un ensemble de 34 images prises sur le vif, de la voiture pendant un voyage entre Lyon et la Bosnie. La voiture va vite, l’objet architectural vient à moi en même temps que je viens à lui. La prise de vue est rapide. Je n’ai pas le droit à l’erreur ou alors l’erreur devient la photo. Elle est sans

retouche, imprimée telle quelle. Ces photos fonctionnent dans cet espace comme des ponctuations car elles rappellent l’omniprésence des abris habitables et permettent à l’imagination de se déployer sur plusieurs plans dans un jeu de va-etvient. De plus, douze collages - impression numérique - ont été spécialement réalisés pour cette exposition. Elles sont éditées par l’arthothèque du GAC. À partir d’un magazine, je découpe des fragments me permettant de constituer des paysages géométriques abstraits. Puis, par le biais de l’outil numérique, je rassemble sur la même image deux photographies de la série « Kuća ». Il importe de préciser que l’artothèque du GAC vient de faire l’acquisition d’un premier travail d’estampes issues de collages, cinq lithographies couleurs éditées par l’URDLA de Villeurbanne lors de mon exposition personnelle Labitat en 2016-2017.

Je tiens à remercier particulièrement Hélèna, pour sa confiance, sa bonne humeur et sa bienveillance, qui m’a accompagné tout au long du projet d’exposition ; David pour son précieuse aide et soutien, Jean-Pierre et tous les membres du GAC qui ont veillé au bon déroulement de l’exposition.

Cette édition fait suite à l’exposition MENGZHI ZHENG - À TABLE ! qui s’est déroulé au Groupement d’Art Contemporain d’Annonay (GAC), du 12 janvier au 17 février 2019. Photo : Mengzhi Zheng © Adagp, Paris, 2019. Conception graphique Mengzhi Zheng, juillet 2019.


Maquette AbandonnÊe N°2, 2017 Carton, carton plume, papie, papier calque. 20 x 26 x 15 cm.


salle principale


Kuća N°3, 2018. Photographie d’une série de 34. Impression papier RC satin sur PVC. Encadrement aluminium noir. 80 x 60 cm. 3 exemplaires.


Kuća N°2, 2018. Photographie d’une série de 34. Impression papier RC satin sur PVC. Encadrement aluminium noir. 80 x 60 cm. 3 exemplaires.


salle principale

N°3, 2017.

N°33, 2017.


Pli/dépli - CHD Daumézon, 2017-2018. Maquettes.


Esquisses circulaires - CHD DaumĂŠzon, 2017-2018.

salle principale


N°4, 2018.


Kuća N°1, 2018. Photographie d’une série de 34. Impression papier RC satin sur PVC. Encadrement aluminium noir. 80 x 60 cm. 3 exemplaires.


Kuća N°6, 2018. Photographie d’une série de 34. Impression papier RC satin sur PVC. Encadrement aluminium noir. 80 x 60 cm. 3 exemplaires.


N°15, 2017.

N°43 / N°42 , 2018.

salle principale


Esquisses circulaires - CHD Daumézon, 2017-2018.

Les œuvres sculpturales sur tables proviennent d’un travail en continu durant ces dernières années dans mon atelier ou en résidence artistique comme c’était le cas au CHD Daumézon à Fleury-les-Aubrais dans le cadre la Biennale d’Architecture d’Orléans invité par le FRAC Centre en 2017-2018.

Sur les quatre tables, il y a un ensemble de la série Des Maquettes Abandonnées, des Esquisses Circulaires - CHD Daumézon… ou encore des Contextures, des pièces d’assemblages de bois divers. Une suite de la résidence d’été 2018, au Solarium Tournant à Aix-les-Bains dans les Anciens Thermes Nationaux des PiscinesPétriaux.


salle centrale


Dedans/dehors - Amsterdam, 2018. Sculpture sur table. 80 x 175 x 135 cm. Production The Merchant House, Amsterdam.


Dedans/dehors - Amsterdam, 2018. Sculpture sur table. 80 x 175 x 135 cm. Production The Merchant House, Amsterdam.

salle centrale + annexe


Kuća N°4 et N°5, 2018. 80 x 60 cm chaque.


Kuća N°4, 2018. Photographie d’une série de 34. Impression papier RC satin sur PVC. Encadrement aluminium noir. 80 x 60 cm. 3 exemplaires.


Kuća N°5, 2018. Photographie d’une série de 34. Impression papier RC satin sur PVC. Encadrement aluminium noir. 80 x 60 cm. 3 exemplaires.


salle grand rectangle

Pli Plissements N°70, 2018. 24 x 30 cm. Détail.

pl /Dé

i-p

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, AC le-G

201

9.


Aux murs : Plissements, 2018. Série de dessins, 24 x 30 cm, chaque.

Sur tables : eaux-fortes série 2007-2009, 40 x 30 cm chaque ; Collages 2019, série de 12 images, 40 x 30 cm chaque.

Kuća N°6, 2018. 80 x 60 cm.


Sans titre N°6, série 2007-2009. Série de 10 eaux-fortes. 30 x 40 cm. Tirage 2018 limité à 10 exemplaires.


Sans titre N°5, série 2007-2009. Série de 10 eaux-fortes. 30 x 40 cm. Tirage 2018 limité à 10 exemplaires.



Collages, 2019. Série de 12 images, impressions numériques. 30 x 40 cm. Edition Jean-Pierre Huguet, tirage limité à 6 exemplaires + 1 exemplaire unique de 80 x 60 cm.


Collages N°1/12, 2019. Série de 12 images, impressions numériques. 30 x 40 cm. Edition Jean-Pierre Huguet, tirage limité à 6 exemplaires + 1 exemplaire unique de 80 x 60 cm.


Collages N°12/12, 2019. Série de 12 images, impressions numériques. 30 x 40 cm. Edition Jean-Pierre Huguet, tirage limité à 6 exemplaires + 1 exemplaire unique de 80 x 60 cm.


MENGZHI ZHENG À TABLE ! 12. 01 > 17. 02. 2019 GAC (Groupement d’Art Contemporain) Annonay FR

AVEC LES YEUX SEULEMENT ! Là sur les tables, il y a quelque chose, alors il est tentant de désirer se mettre à table ! Comme il n’y pas de chaise, il ne reste donc qu’à déambuler entre elles, en s’arrêtant devant chacune des « choses » qui y sont posées, de les regarder, de désirer les toucher, et de finalement s’en remettre à son imagination. Regarder, c’est toujours tenter de faire se rejoindre l’œil et la main en s’appropriant la consistance fragile de ce qui nous est offert. Voir, c’est quand ils se touchent un instant en caressant de leurs doigts invisibles et magiques « la chose » qui les attend, offerte et si proche et pourtant inaccessible. Même la posséder n’y changerait rien. Disposées comme des plats à déguster, mais seulement avec les yeux, les Maquettes Abandonnées de Mengzhi Zheng nous parlent une langue que nous ne reconnaissons pas de suite. Leur allure de caverne ouverte, de maison sans toit, de grotte transpercée, d’enchevêtrement hasardeux, nous surprend. Leur dimension restreinte nous attire. Ce sont, à l’évidence, des maisons de conte de fées miniatures mais que peuple un vide sidéral. Ce vide n’est pas manque, il est action. Il ne cesse de passer entre les pans de couleur et les plaques de bois, de souffler entre les arrondis et les angles, de creuser le silence entre les lignes, d’affirmer qu’il existe quelque chose de non visible et pourtant sensible qui court entre l’œil et la main, comme entre le soleil et la terre.

Et ce vide, nous nous surprenons à le remplir des vagues que notre imagination, qui s’éveille à leur contact, fait refluer dans notre crâne. Et ces vagues nous les voyons se transformer en mots, en images intimes, en associations désordonnées. Ça y est nous y sommes, là dans cette maison ouverte à tous les vents et nous nous prenons à repenser aux maisons des contes de fées. Et puis non! C’est autre chose qui nous emporte, nous transporte au-delà de nous-même qui sommes passés à travers ces Maquettes Abandonnées. C’est nous qui nous mettons à dessiner et construire et détruire et reconstruire encore, voyageant à travers les formes et les lignes, les couleurs et les plis, épousant le vide, devenant le vent. Et puis soudain, après un temps de voyage à travers les tables, un œil malgré tout jeté de temps en temps sur les murs où trônent des images de vraies maisons et des dessins étranges, on comprend. On comprend que l’œil et la main ne sont pas des alliés de circonstances mais d’éternels porteurs de bonnes nouvelles. Œil et main font que le visible et le sensible se rencontrent en nous d’une manière telle que l’on comprend que de toucher avec les yeux seulement signifie que l’imagination est revenue nous hanter et qu’elle est, enfin seul maître à bord. Jean-Louis Poitevin


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